Paracha de la semaine

Vayikra : l’actualité des sacrifices

«  Le Livre de Vayiqra    Le contenu du Livre de Vayiqra est d’une brûlante actualité. Le fait du retour entre nos mains du lieu où s’élevèrent nos deux premiers Temples n’arrête pas de focaliser l’attention du monde entier comme s’il n’avait pas d’autres chats à fouetter. La notion des sacrifices au Temple est particulièrement difficile à comprendre pour nous, et à plus forte raison pour le monde entier. Ce dernier, avec l’ONU comme cheval de bataille, essaye de nous convaincre sans cesse que la Montagne du Temple n’est peut-être pas le lieu saint d’Israël par excellence, que Yéroushalayim devrait être divisée et que notre territoire domanial est en sursis d’existence… pas moins !    Et les gouvernements israéliens successifs, pour ne pas faire de vague dans la politique internationale, ni de tsunami dans les consciences, ont décidé de mettre entre parenthèses notre présence sur la Montagne du Temple, cautionnant ainsi cette vulgaire opinion internationale. Mais les nations sont en commotion car, de fil en aiguille, elles découvrent qu’il y a peut-être un Dieu des Juifs qui conduit de main de maître le cours de l’Histoire, selon ce qu’en ont décrit Ses prophètes dans la Bible des Hébreux, et que cela «  »colle » » de façon tout à fait naturelle à la réalité, avec une évidence eidétique massive. Tonnerres et tremblements : les Israéliens d’aujourd’hui pourraient être les ossements desséchés ressuscités de ces mêmes Hébreux de la Bible qui étaient chez eux au royaume de Shlomo, le roi, du temps où ils sacrifiaient à leur Bon Dieu, au Temple de la Paix à Yéroushalayim ! Si les nations savaient que les sacrifices au Temple attiraient la bénédiction divine sur le monde tout entier, elles ne nous mettraient pas des bâtons dans les roues pour réussir notre projet. Elles apporteraient elles aussi leurs sacrifices à Yéroushalayim.    De plus, les nations du monde nous accusent de maintenir cette présence chez nous par la force ! Comme si les Francs venus d’un peu partout des pays barbares n’avaient pas envahi la Gaule et n’avaient pas passé au fil de l’épée tous leurs opposants pour s’installer finalement en Île de France. Comme si les Chinois, composés de cinquante-six-nationalités diverses, étaient chez eux en Chine, plusieurs fois divisée et recomposée, alors qu’ils ont conquis des territoires par une brutalité réputée et qu’ils imposent actuellement au Tibet une hégémonie autoritaire. Sans parler des Américains qui ne sont sûrement pas chez eux puisque venus récemment de partout d’Europe et d’ailleurs, dans un immense melting-pot. La population du monde entier est métissée et si on lui imposait le principe que tous les humains doivent retourner à sa contrée d’origine, cela coûterait très cher, trop cher !    Si on obligeait ces milliards d’individus de retourner chez eux, ils mettraient des dizaines d’années à revenir à leurs contrées d’origine ; des pays se videraient et d’autres regorgeraient de ressortissants ne parlant plus la même langue. Nouvelle Tour de Babel, grand bazar et anarchie, guerres ethniques et migrants belliqueux, crises d’identité. Nul ne peut s’enorgueillir de pouvoir ou de vouloir revenir à sa contrée d’origine comme nul ne peut se gausser de savoir de quelle famille anthropologique il appartenait il y a deux mille ans. Sauf les Juifs qui sont chez eux à Yéroushalayim, en Israël, et nulle part ailleurs. Nous sommes l’exception à la règle : de fait, seuls nous des Juifs sommes chez nous en Israël, quand bien même par la force dont le caractère est défensif.    Tout le reste de l’humanité n’est pas chez lui, c’est le résultat de conquêtes sanglantes, toujours en dépit de toute moralité, de vols collectifs, de rapines, de kidnappings, d’incursions militaires offensives, de déplacements contraints de population, de métissages démographiques imposés et tout le toutim, au vu et au su de tous, et personne ne pipe mot,. Tout cela au nom d’un dieu inconnu ou d’idéaux fabriqués de toutes pièces. Comme ce principe de retourner tous à sa terre d’origine est impossible à réaliser, il faut imposer aux Juifs cette idée impossible qu’ils ne sont pas chez eux chez eux, en Israël, à Yéroushalayim ! Et cela marche, chez nous, ici, en Israël, pour une frange de nos concitoyens et surtout pour nos frères hors d’Israël qui s’entêtent à végéter dans des contrées qui leur sont étrangères et suggèrent, par leur présence ailleurs que dans leur terre de prédilection, que les nations du monde ont peut-être raison…    Vient alors le Livre de Vayiqra pour montrer à toute l’humanité que l’impensable est possible : la tendance naturelle de l’homme de vouer un culte ne doit s’adresser qu’à Dieu seul, selon le principe absolu du monothéisme hébreu. Et cela ne peut se réaliser que par le truchement de l’institution des règles de la liturgie propre au culte impliqué par la Loi de Moshé, au Temple à Yéroushalayim, Shemot XXII, 19 : « Quiconque sacrifiera à une divinité sera frappé d’interdit ».   La structure du Livre de Vayiqra    L’architecture de Vayiqra se construit par dix parashot, dont la première, Vayiqra, décrit l’utilisation et l’inauguration du sanctuaire, monde où l’homme et Dieu sont présents. Ensuite, Tsav énonce l’énumération de la liturgie des sacrifices dans le Temple : le sacrifice du matin et le sacrifice du soir correspondent aux repas du Cohen Gadol, dans le Temple, repas parfaits de l’homme parfait, habillé de vêtements parfaits, dans la Maison parfaite ; Shemini, la pureté alimentaire ; Tazria’, la pureté morale, la pureté religieuse de la femme et les maladies morales des situations d’impureté ; Metsora’, la pureté et la sainteté, la pureté familiale ; A’harei Mot, la pureté morale entre l’homme et son prochain, l’universalisme de la Torah ; Qédoshim, les lois sociales et l’amour du prochain comme un autre soi-même ; Emor, la pureté des Cohanim. Pourquoi autant de lois dictées pour la pureté ? Parce que la pureté est tout ce qui est du côté de la vie (Rav Yéhouda Askénazy, Pardès 23, p. 174). Évidemment, cette liste est exhaustive et n’est qu’un condensé des développements de l’Unité du Nom de Celui qui est Dieu, qui apparaît, au fur et à mesure

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Vayakel – Pékoudei : Moshé, le rassembleur et le sauveur

Le but du rassemblement général      Shémot XXXV, 1-3 : « Vayaqhel Moshé, Moshé convoqua toute l’assemblée des enfants d’Israël et leur dit : “Voici les choses que le Seigneur a ordonné d’observer. Pendant six jours on travaillera, mais au septième vous aurez une solennité sainte, une cessation d’agir absolue en l’honneur du Seigneur ; quiconque travaillera en ce jour sera mis à mort. Vous ne ferez point de feu dans aucune de vos demeures en ce jour de repos” ».     Rashi commente : « Moshé rassembla : Cela se passe au lendemain du jour des Kipourim, lorsque Moshé descendit de la montagne. La forme du verbe est un hif’il (un factitif : il les fit se rassembler). Il n’a pas rassemblé les hommes de ses propres mains, mais ils se rassemblent d’eux-mêmes par sa parole. Et sa traduction araméenne : il les réunit ». Le jour des Kipourim est le premier 10 Tishri de l’histoire où les deuxièmes Tables de la Loi furent données à Moshé, après la faute dite du Veau d’Or et l’expiation, en tant que signe de pardon de la faute et de la réconciliation définitive de Dieu. Le lendemain de ce jour, Moshé réunit toute l’assemblée des enfants d’Israël par la force de sa parole fédératrice qui réalise le trait d’union des hommes entre eux.     Moshé détient le rôle de sauveur parce qu’il intercède auprès de Dieu pour plaider la cause d’Israël. Les versets lui attribuent, de même, la fonction de rassembleur de la communauté par sa parole fédératrice. Moshé, notre maître, est habilité comme celui grâce à qui Dieu révèle la Loi à Israël et en tant que porte-parole de la Torah, il est le sauveur et le rassembleur des enfants d’Israël.   Le jour du Shabat apparaît ici, une fois de plus, comme lien indissociable et indéfectible entre Dieu et Israël. C’est son observance absolue que Dieu exige au moment où Il accorde Son retour dans le camp des hommes. Le Livre du Zohar Vayaqhel enseigne : « Pourquoi Moshé rassembla-t-il toute la communauté ? Pour lui donner le Shabat. Avant d’avoir fait le Veau d’Or, Israël avait déjà reçu le Shabat, mais comme les étrangers parmi eux n’avaient pas observé la sainteté de ce jour, ils finirent par en détourner Israël. Après la mort de ces intrus, Moshé rassembla de nouveau la communauté d’Israël pour lui ordonner d’observer le Shabat, de ne pas travailler en ce jour et de ne pas allumer de feu dans ses demeures ». D’une part, la faute du Veau d’Or n’a pas annulé l’obligation d’observer le Shabat, d’autre part, les lois essentielles relatives au Shabat précèdent, en priorité, à celles de la construction du Tabernacle, afin de souligner que la sainteté du Shabat doit être observée même durant l’exécution des travaux du sanctuaire (Talmud Yéroushalmi Shabat 87, 9). Ce qui fait que le principe de cessation intentionnelle d’activité le jour du Shabat prédomine le principe de l’activité des travaux en jours de semaine pour construire le Tabernacle.      Le rassemblement général a pour but d’effacer la faute du Veau d’Or dont l’érection a été le désir du magma humain, «  »le peuple » » que Moshé a fait sortir Israël, qui « s’attroupa autour d’Aharon ». Et nous savons que la Téshouva, la repentance, doit être effectuée dans les mêmes conditions que la transgression. La profanation ayant été publique, sa réparation exige un rassemblement général, avec cette différence que la première fois, il s’agit surtout des intrus, et actuellement de toute la communauté d’Israël. C’est pourquoi, lors de la confection du Veau d’Or, ils sont désignés par l’expression ‘le peuple’, tandis qu’ici, le verset précise ‘toute la communauté des enfants d’Israël’, pour signifier que la responsabilité des actes lors du séjour au désert est vécue par tous les présents.      Mais Moshé, l’homme de la transcendance absolue, le porte-parole de la ‘sagesse supérieure’, est responsable en quoi que ce soit de cette faute car c’est lui le chef. Dieu est vérité absolue et Sa Loi est vérité absolue. Moshé est l’homme par qui la faute commise accuse vraiment la transgression, menant à sa perdition le pécheur irrémédiablement, selon la stricte rigueur de la Loi. Moshé prend l’initiative de mettre en congé la vérité absolue pour sauver le peuple. En brisant « les premières tables écrites du doigt du Seigneur », Moshé sauva toute la communauté des enfants d’Israël car il mit ainsi la Loi de vérité absolue entre parenthèses, afin de suspendre la punition immédiate et la relativiser.   Sagesse supérieure et sagesse inférieure      Voici un enseignement, à la parasha Shla’h le’ha, du Shné Lou’hot Habrith (Les Deux Tables de l’Alliance du saint Rabi Yésha’yahou Horowitz ben Avraham Halévi, connu par son sigle Hashlah haqadosh, 1567-1630, talmudiste, moraliste et qabaliste, Rav de Prague après le Maharal, il s’installe en Erets Israël où il devient le chef de la communauté ashkénaze. Sa sépulture se trouve à Tibériade à côté de celle du Rambam) :     Lorsque Dieu voulut créer le monde, il conçut, à l’intérieur de Sa réflexion intime au début, l’acte final, « סוף מעשה במחשבה תחילה sof ma’assé bema’hshava té’hila, l’acte en son terme est dans la pensée au début », selon la maxime du Rav Shlomo Alqabets, dans son piyout Lekha Dodi, chanté à la prière du vendredi soir du Shabat. Au début, Dieu crée les cieux et la terre ; Béréshit, au début, est traduit par le Yéroushalmi : par la sagesse. Donc, Béréshit : Par la sagesse, Dieu créa les cieux et la terre. La pensée de Dieu s’appelle ‘le début’, c’est-à-dire ‘la sagesse’, il s’agit de la ‘sagesse supérieure חכמה עליונה’ dont Moshé, notre maître, est le porte-parole. À ce titre, Moshé a obtenu la fonction de rassembleur, selon la parole dictée par la ‘sagesse d’en haut’ חכמה עילאה, ‘hokhma ‘ilaa, en araméen. Shlomo, le roi, a écrit Qohélet, L’Ecclésiate, qui signifie, par le biais de la traduction du grec : le rassembleur de la communauté, de la même racine קהל que le premier mot  ויקהלde notre parasha Vayaqhel, il rassembla. Shlomo, le roi, signe la fin de l’acte

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Ki tissa : Faire le Shabat

« Ne manquez pas d’observer Mes Shabats »      L’institution du Shabat est fondée par d’innombrables raisons et comporte des aspects multiples. Ce sujet d’une exceptionnelle richesse renferme des mondes d’idées et d’aspirations, de commémorations et d’actualisations dans le présent. La prescription d’observer « Mes Shabats » est renouvelée à maintes reprises et fait l’objet, de la part de nos Prophètes de la Bible des Hébreux, d’appels répétés sans cesse au peuple récalcitrant et réfractaire, jusqu’à nos jours. Dans notre parasha, l’observance du Shabat est mentionnée deux fois. Une première fois avant la faute dite du Veau d’Or au trente et unième chapitre, verset douze à dix-sept ; elle est réitérée après le Veau d’Or au trente quatrième chapitre, verset vingt et un.    Le Shabat occupe une place significative dans les Dix Commandements du Décalogue puisqu’il suit immédiatement les trois premiers commandements relatifs au Seigneur, notre Dieu, Lui-même, et à Son Nom. Place de choix de la première révélation religieuse solennelle, le Shabat est en quatrième position parmi les Dix Commandements, avant même l’obligation d’honorer et de respecter ses parents. Sur les deux Tables de la Loi « gravées par le doigt de Dieu », le Shabat fait face à l’interdiction de porter un faux témoignage contre son prochain. Ce qui nous rappelle le fil conducteur depuis le début de la Création : la recherche en fraternité impeccable, sans compromission, aussi bien devant la police que devant les tribunaux et à plus forte raison pour les juges eux-mêmes ainsi que pour toute la judicature.    À l’échelle de la société israélienne, tout se passe comme si le manquement à l’interdiction du faux témoignage contre son prochain découle du non-respect du Shabat. La transgression du Shabat porte atteinte foncièrement à la lucidité des juges contemporains, au plus haut niveau, et les témoins faux dansent la carmagnole, vive le son, vive le son, vive le son de la fausse information. Situation dégradante qui transpire à l’international hors de nos frontières et grève notre position face aux nations ainsi qu’à nos frères encore en diaspora.    De plus, sur les Dix Paroles de la Révélation des commandements au Sinaï, sept sont inaugurés par la négation « lo, ne pas ». Seules la première « Je suis le Seigneur…», la quatrième « Souviens-toi du Shabat…» et la cinquième « Honore ton père et ta mère…» sont positives. De plus encore, particularité remarquable en hébreu, le mot Shabat שבת est un nom féminin et masculin qui se conjugue au féminin et masculin. Le ou la Shabat est donc un principe positif d’envergure cosmique qui réconcilie le féminin-masculin, liant le principe féminin au principe masculin, ce couple qui régit le monde tout entier. La prescription du Shabat apparaît en tête des commandements fondamentaux de la morale hébreue, et fonde, par ailleurs, le jour du repos dans la morale universelle. Shabat, d’ordre cosmique    Le Shabat est motivé par des considérations de l’ordre de la religion universaliste, – la messianité hébraïque, – religion d’Israël qui n’est que la religion de la moralité et sa moralité n’est autre que la moralité de la religion, considérée comme la moralité de la Loi, Shemot XX, 2-17 : « Souviens-toi du jour du Shabat, pour le sanctifier. Tu travailleras durant six jours, et t’occuperas de toutes tes affaires. Mais le septième jour est le jour de trêve consacré par le Seigneur, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ton fils, ta fille, ton serviteur mâle ou femelle, ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes murs. Car en six jours, le Seigneur a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qu’ils renferment, et Il s’est reposé le septième jour : C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du Shabat et l’a sanctifié ». Pour la génération de la sortie d’Égypte, la motivation du Shabat est d’ordre cosmique, elle se trouve dans la création du monde.    Nous avons là une reprise de ce qui a été dit à la fin du récit du commencement de la Création par les Dix Paroles (Béréshit II, 1-3) où le Shabat apparaît comme son achèvement et sa finalité, son couronnement. Shabat est le signe (ot) אות que le monde a un Créateur et qui exprime le grand principe fondateur de la moralité hébreue, celui de la création, que le monde est créé, et qu’il n’a donc jamais été éternel, – qu’il n’est pas éternel, – par essence.    En d’autres termes, la création est celle du mouvement et de l’action, inséparables de leur corollaire : la cessation d’activité intentionnelle le jour du Shabat. Il devient donc évident que le principe de cessation intentionnelle d’activité propre au jour du Shabat n’est pas contredit par la notion de renouvellement perpétuel de l’œuvre des Dix Paroles de la création à partir du commencement. Il s’agit là en effet d’une différence dans l’ordre de la valeur et non d’une interruption de la réalité par un arbitraire «  »repos » » de notre Créateur qui n’en a nul besoin et qui annoncerait la disparition de l’œuvre des Dix Paroles.    C’est tout au contraire au terme de l’œuvre des Dix Paroles, aux six jours du commencement de la Création, que s’éclaire par la lumière du Shabat, en son temps, la finalité de cette œuvre, lors de l’engagement par Israël du respect des lois du Shabat. Dès le Shabat des Dix Paroles s’annonce la lumière intense des Dix Commandements révélés à l’évènement du Sinaï, dont les Dix Paroles du commencement de la Création apparaissent dès lors comme leur véhicule et leur support, Bemidbar Raba, 14, 11 : « Les Dix Commandements sont le monde intérieur des Dix Paroles ». Shabat, jour de l’espérance des hébreux    Par là-même, l’œuvre des Dix Paroles du commencement est définie comme contenant par rapport à un contenu, un récipient périphérique par rapport aux valeurs de l’intériorité. C’est le cercle par rapport à la droite, c’est-à-dire les lois impersonnelles de la nature soumises aux lois personnelles de la

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Bechallah : la générosité partout

«  Israël, révélateur de la générosité     Shémot, XIV, 19 – 21 : « Le messager de Dieu, qui marchait en avant du camp d’Israël, passa derrière eux : la colonne nébuleuse cessa d’être à leur tête et se fixa en arrière. Elle passa ainsi entre le camp égyptien et celui d’Israël : pour les uns il y eut nuée et ténèbres, pour les autres la nuit fut éclairée ; et, de toute la nuit, les uns ne s’approchèrent point des autres. Moshé étendit sa main sur la mer, et le Seigneur fit reculer la mer, toute la nuit, par un vent d’est impétueux, et Il mit la mer à sec, et les eaux furent fendues ».     La générosité de Dieu pour Israël est sans limite : au top moment, nuit noire pour les Égyptiens, et nuit éclairée pour les Hébreux. Par ces trois versets, la Torah définit la générosité par excellence. Il s’agit du fondement de la grâce du Nom du Seigneur. L’Unité des valeurs englobe d’un lien indéfectible les médiations de grâce et de rigueur, ensemble, au plus haut sommet imperceptible (Rav Kook, Lettres, III, 207).Dans le lashon haqodesh, la langue de sainteté de la Torah, ces versets se suivent et sont composés chacun de soixante-douze lettres, ce qui est exceptionnel. Pour comprendre cette extrême générosité de la part du Seigneur qui intervient dans l’histoire humaine, nos Sages du Zohar, et à leur suite, entre autres, Rabi Avraham Ibn ‘Ezra, dans son commentaire, indiquent que l’équivalence numérique de חסד générosité, est de 72. Ce n’est donc pas fortuit si ces trois versets se suivent car ils conjuguent le grand Nom du Seigneur, Hashem hamefourash, par lequel arrivent, d’un seul tenant, la défaite des égyptiens idolâtres avec le triomphe des Hébreux qui suivent le projet du Créateur, jusqu’à ce qu’il aboutisse forcément. La première générosité     Selon Rashi, la première générosité en faveur d’Israël fut, dans le premier verset, d’intercaler le messager de Dieu entre Israël et les chars égyptiens qui les visaient avec leurs flèches et leur jetaient des pierres. Or l’expression jeter des pierres nous rappelle la sanction par la lapidation d’une personne qui aurait fauté par idolâtrie, ou qui aurait transgressé le Shabat en public, ou qui aurait outrepassé les lois sexuelles. Car les Hébreux sortis d’Égypte avaient atteint le dernier degré supportable d’idolâtrie. Rashi commente que le verset emploie le Nom de Dieu Élohim sous son attribut de rigueur, et donc qu’ils étaient en train d’être jugés au ciel, pour être délivrés ou pour être perdus. À chaque étape de notre histoire, une délibération de justice céleste nous accompagne car il y a confrontation entre la liberté humaine et les valeurs.     La clause de chacune des dix plaies avait été remplie : « Laisse sortir mon peuple, sinon tu seras frappé…», et elles avaient déjà toutes eu lieu. Mais si Dieu, dans sa directive de Justice rigoureuse, permet le fait que les Égyptiens les poursuivent, c’est qu’Israël appartenait encore à la clause d’exil égyptien, Shémot, XIV, 10 : « Et le Pharaon s’approcha, et les Enfants d’Israël levèrent les yeux, et voici : l’Égypte était à leur poursuite, et ils eurent très peur ; et les enfants d’Israël crièrent vers le Seigneur ». Rashi commente la raison de leur peur : « Ils ont vu le prince céleste de l’Égypte venir du ciel pour aider l’Égypte ». Chaque nation possède un ange tutélaire, un mentor céleste qui plaide pour elle au Tribunal céleste. Or, en stricte justice, l’Égypte avait déjà payé le prix de son oppression exagérée sur Israël par les dix plaies. Les Hébreux, levant leurs yeux au loin, virent dans le ciel le שר sar l’ange préposé à la défense égyptienne accourir à l’aide de l’Égypte terrestre et dire au tribunal céleste : ceux-là sont idolâtres mais ceux-ci aussi.     Le Maharal, dans Guevourot Hashem, suggère qu’il y aurait une onzième plaie, encore plus grande que les dix premières, selon les miracles décrits dans la Hagada de Pessa’h qui multipliera l’importance des plaies qui eurent lieu sur la mer. Les épreuves de la sortie d’Égypte ne devaient s’achever qu’après le passage de la Mer de Jonc et non à la fin des dix plaies. L’épreuve de l’armée égyptienne lancée à leur poursuite faisait aussi partie du plan d’endurcissement de Pharaon. Deux expériences de salut devaient en effet être vécues par le monde en général et par Israël en particulier, pour témoigner de l’existence d’une Providence, au-delà des conditionnements naturels les plus contraignants.     La générosité divine devait se déployer par deux directives cumulatives. D’une part qu’elle pouvait délivrer de l’oppression humaine par la sortie d’Égypte, et ce premier évènement est commémoré au soir du Seder de Pessa’h. D’autre part, que le déterminisme des lois naturelles pouvait être brisé pour réaliser Sa volonté et sauver Israël, et ce dernier évènement est commémoré la nuit du septième jour de Pessa’h shevi’i shel Pessa’h. L’une et l’autre fondent la foi d’Israël : le Créateur de la nature déterminée dans ses lois causales depuis le début, est Lui-même le Sauveur, intervenant par individuation dans l’histoire, en tordant les lois qui organisent le lien causal. Tant que dure la nuit, l’un ne peut s’approcher de l’autre, mais lorsque la nuit de l’exil cessera avec la décrépitude des hors-la-loi, au grand bénéfice d’Israël, le lien causal entre les deux directives divines sera rétabli dans l’Unité originelle (Rav Kook, Medaber Shor, 355).Or, si l’on ne pouvait s’échapper de cette société égyptienne, totalitaire et concentrationnaire, la sortie d’Égypte a bien eu lieu. Des camps de la mort nazis, non plus, nul ne pouvait s’échapper, et pourtant !… La deuxième générosité     La deuxième élévation de générosité fut vécue au second verset : les ténèbres s’appesantirent sur les Égyptiens alors que la lumière régnait chez les Hébreux. Il fallait qu’ils sachent que la protection divine leur était déployée, afin que la foi d’Israël soit fondée en leur Libérateur. Au petit matin, ils

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Bo : la maîtrise du temps et de l’espace

«  Israël, libérateur du temps     Shémot, XII, 1 et 2 : « Et Hashem parla à Moshé et à Aharon, au pays d’Égypte, en ces termes : “Ce mois-ci sera pour vous le commencement des mois ; il sera pour vous le premier des mois de l’année” ». Ce commandement du premier des mois de l’année est la première loi constitutionnelle de la Torah considérée comme ensemble des mitsvot de la loi de Moshé, en tant que législation ordonnée à la collectivité du peuple d’Israël. Depuis la sortie d’Égypte, à la naissance du collectif social du peuple des enfants d’Israël, la Torah donne des lois révélées à la génération d’Israël dirigée par Moshé jusqu’à l’entrée au pays de Cana’an. La Torah s’était présentée d’emblée comme un récit historique qui débute par la création du monde jusqu’à l’évènement de la sortie d’Égypte, avec, pour charnière, cette prescription du rosh ‘hodesh, la tête du mois qui se rapporte au respect extrêmement particulier de la néoménie, le renouveau de la lune. À partir du récit de la traversée au désert, la Torah pourrait être considérée comme uniquement un code d’ordre purement législatif, les lois révélées proprement dites étant alors insérées au fur et à mesure, où sont rassemblés les innombrables éléments qui fondent la vie quotidienne du collectif d’Israël,.     Nous aurions pu croire que la Torah est scindée en deux ensembles radicalement différents ; d’une part, un récit historique et, d’autre part, un code de lois morales et spirituelles à accomplir dans le temps et l’espace. Si la Torah n’avait prôné qu’une orthopraxie de l’accomplissement des règles de fidélité pour acquérir le mérite des actes, nul besoin alors d’une si longue introduction historique depuis la création du monde jusqu’à notre verset. Mais avec cette prescription du renouvellement de la lune, la Torah indique qu’avec le mérite des actes, Israël doit acquérir le mérite d’être sur la base du mérite des actes.     De nouveau, la Torah nous intime ici sa conception d’unité du monde : le récit événementiel de l’histoire est intimement lié aux lois de Moshé, notre maître. L’édification de l’étage supérieur du peuple d’Israël en tant que collectif social s’est bâtie sur l’édification spirituelle d’individus exceptionnels que furent nos patriarches. La réussite du collectif Israël, si complexe à faire aboutir, est fondée auparavant sur la réussite de l’individu. Cependant, obtenir de notre Seigneur le mérite d’accomplir des actes dépend étroitement d’un mérite d’être en potentiel, imprégné auparavant dans l’âme du peuple. Rav Yéhouda Léon Askénazi affirme que le « mérite d’actes » est d’abord révélateur du « mérite d’être ». La prescription d’une application pratique de la Torah ne peut être émise que pour ceux qui ont la capacité, en leur âme profonde, par leur nature spécifique, d’en assumer la pleine application : « Tout ce qui était occulté, évanescent comme une essence, – devient dès lors réalité bourgeonnante, apparition, naissance à l’existence. Ce qui n’était qu’en puissance בכוח, bekoa’h, émerge à l’histoire des réalités בפועל, bepo’al ».     Depuis le commencement de la Création et à l’époque des patriarches, notre Seigneur fixait les mois et déterminait les années embolismiques selon le début du temps de l’année universelle à Tishri, avec pour référence la création du monde. À partir du moment où Israël accède à son être collectif, le Créateur se décharge de ce pouvoir pour le transmettre aux Enfants d’Israël, avec pour point d’appui la sortie d’Égypte et Pessa’h. Au 1er Nissan, le temps devient celui du commencement de l’année de commémoration des évènements constitutifs de l’histoire de la collectivité hébreue : « Jusqu’à aujourd’hui, c’est Moi qui calculais les dates des néoménies et des fêtes, désormais ce sera vous » (Midrash Tan’houma). Cela est absolument inattendu, une véritable révolution qui bouleverse la scène de l’histoire.     Le fait même que Dieu se défasse, de façon si urgente, de la prérogative de maîtriser le temps pour la confier à un peuple rudimentaire et fruste, non encore préparé à cette perfection de déterminer sa destinée historique, est un enjeu très grave. Car jusqu’au temps de Moshé, l’humanité n’a pas fourni la preuve qu’elle était capable de fidélité et de perfection par rapport aux valeurs morales telles que Dieu les a projetées. Les sept mitsvot noa’hides, le respect de la volonté divine avec pour corollaire le respect de la vie et du monde, le nerf sciatique, la circoncision n’ont finalement été respectés que par une poignée d’individus. L’histoire du monde en général est celle de l’idolâtrie, de la faute, de ceux qui ont oublié de se souvenir qu’ils avaient un Créateur. C’est alors qu’apparaît une société, les Hébreux fraîchement sortis d’Égypte en toute hâte, et Dieu lui confie la responsabilité de la prérogative d’avoir à définir le déroulement du temps. Dieu accorde au collectif d’Israël un degré de sainteté particulièrement élevé, et c’est le peuple qui, armé de cette qualité intrinsèque qui fait sa spécificité, assure la capacité de sanctifier le temps, prérogative exceptionnelle dans l’histoire et la culture des civilisations.     Le Talmud Bérakhot, 49a, l’indique clairement : c’est Israël qui sanctifie le temps. Notre Seigneur sanctifie Shabat et Israël qui, lui, sanctifie les temps, selon la bénédiction du qidoush qui introduit cérémonieusement nos Shabatot et nos fêtes. Israël devient le seul peuple à dominer le temps, de lui imposer une dimension spirituelle qui est celle de la sainteté et d’opérer la différenciation du profane et du saint. La trame du temps hébreu est tissée entre des points mis à part : le Shabat, les jours de fêtes et les jours de commémoration que le peuple juif impose dans son calendrier spécifique, tel que le Jour de l’Indépendance qui marque le retour d’Israël, collectif et individuel, sur sa terre de prédilection. Il n’est pas de plus authentiques retrouvailles que celles du temps hébreu qui figure sur notre carte d’identité israélienne et de découvrir enfin le vrai jour de sa naissance selon le calendrier instauré par nos Sages depuis le Sanhédrin.    

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Mikets : Yossef, le frère de l’extériorité

Yossef, interprète des rêves de l’humanité     Béréshit, XLI, 2 : « Et ce fut à la fin de deux années et Phar’o rêve, et voici : il se tient debout sur le Fleuve עומד על היאור ». Dès lors, il envoya quérir Yossef et le faire sortir de sa geôle pour qu’il lui interprète son songe. Une fois Yossef habillé et rasé de frais, Phar’o lui dit, au verset 17 : « Dans mon rêve, הנני עומד על שפת היאור je me tiens au bord du fleuve ». Car se tenir debout sur le fleuve, cela est impossible à concevoir pour la logique humaine, surtout quand il s’agit du Nil dont les crues habituelles envahissent les terres et submergent les petits torrents, mais se tenir au bord du fleuve, cela va de soi pour tout esprit rationnel. Cependant, avant de livrer son interprétation, Yossef indique à Phar’o une notion fondamentale, en guise d’introduction, avant même d’entamer le dialogue, au verset précédent : « Ce n’est pas moi, c’est Dieu, qui donnera une réponse pour le Shalom de Phar’o ». D’une part, tout d’abord, il faut savoir qu’une réponse aux songes ne vient que de Dieu, et cela devrait tranquilliser Phar’o ; d’autre part, le but recherché, dans l’interprétation des songes, est la pacification de Phar’o avec l’apparition du Shalom, la paix.     Pour Yossef, le rapport avec Phar’o est celui d’un dialogue entre personnes, et ce n’est pas le fruit accidentel du hasard si on l’a sorti de prison mais c’est Dieu, changeant l’orientation de sa directive stratégique, qui intervient dans l’histoire pour conduire Son projet d’humanité afin d’établir le Shalom. Tout le souci de Yossef est de se présenter en tant que frère de l’humanisme égyptien pour restaurer le Shalom, l’unique solution de la coexistence des frères de toute l’humanité entre eux. C’est d’ailleurs ce qu’il a appris de la rivalité avec ses propres frères à l’intérieur de sa famille. Mais alors qu’à l’intérieur de sa propre famille, tous savent que les hommes sont des créatures créées par notre Créateur, à l’extérieur, en Égypte, cela n’est guère une évidence qui va de soi. Le rêve de Yossef     Le rêve de Yossef est d’être Israël, levain et ferment des civilisations extérieures, il met en gerbes des moissons d’épis là où le blé pousse, révolutionnaire de la redistribution équitable des biens matériels, il est champion de l’économie et de la politique sociale. Il veut être la lumière qui chasse l’obscurité de l’extériorité. Star montante du siècle des Lumières, il a la certitude que la rencontre avec Phar’o précipitera la réalisation de son rêve. En fait, son rêve et celui de Phar’o ont le même but : des catalyseurs de l’histoire. N’ayant pas, comme ses frères chez Lavan, vécu l’expérience de l’échec en diaspora, Yossef va s’engager, avec toute la vigueur et l’inexpérience de sa jeunesse : que c’est Dieu qui dirige ses pas pour le bien du plus grand nombre. Malgré l’engagement extrême et inconditionnel de Yossef, et de ses frères qui le rejoindront en Égypte, cette civilisation du soleil éternel, où l’identité juive cosmopolite se complaît tant, périclitera dans la saturation de violence, le despotisme et l’immoralité. Il en va ainsi de toutes les civilisations qui n’ont pas su, de barbaries civilisées en régimes fascistes, domestiquer la tyrannie de leur conception de l’Autre si ce n’est, de destruction en persécutions, d’Inquisitions en Shoah, d’exterminer autrui pour subsister, tel Qaïn envers Hével. L’Égypte fut une hégémonie jamais égalée mais elle aboutira à l’échec : ce qui démontre que le rêve de Yossef, – cette mission aléatoire dont s’investissent les Juifs de toutes les diasporas, – débouche, à l’extérieur, à chaque fois, sur l’impasse totale.     Pourtant, Yossef veut être le champion du Shalom maintenant, שלום עכשיו : « Dieu donnera une réponse pour le Shalom de Phar’o ». Ce mot ‘Shalom’ revient comme un leitmotiv dans la bouche des enfants d’Israël lorsqu’ils se rencontrent et lorsqu’ils rencontrent des personnes autres qu’eux. Avec pour couple le mot frère, Shalom est ce mot-clé prononcé pour la première fois dans la Torah par Ya’aqov, lors de sa rencontre avec les bergers, Béréshit, XXIX, 4-6 : « Mes frères, connaissez-vous Lavan, (fils de Bethouel) fils de Na’hor (frère d’Avraham) ? Ils répondirent : Nous le connaissons. Il leur dit : Y a-t-il chez lui la paix השלום לו ? Ils répondirent : שלום paix ; et voici Ra’hel, sa fille, qui vient avec son troupeau ». Or Yossef avait la même typologie que Ya’aqov (Talmud Sota, 36b), selon le second verset de Béréshit XXXVII : « Voici les engendrements de Ya’aqov : Yossef ».     Pour Ya’aqov, tout comme pour Yossef, c’est notre Créateur qui nous donne en grâce totale et en altruisme absolu tout l’être qui nous fait être, mais par là-même, Il crée Ses créatures rivales entre elles pour qu’elles activent leur libre arbitre afin d’aimer autrui, – l’autre nous-mêmes. C’est aussi une évidence nette et claire pour les frères de Yossef : le monde a un Créateur qui réclame de Ses créatures la fraternité, potion médicinale excellente contre la rivalité.     Rivalité que l’on retrouve souvent entre l’épouse et son époux tant qu’entre eux ils ne s’appellent pas : mon frère, ma sœur, Shir Hashirim, VIII, 1, chante toute l’attente patiente et lucide de la femme envers son époux : « Oh! Que n’es-tu mon frère? ». Notre Créateur nous donne tout, sauf l’amour du frère, travail qui nous incombe, qu’Il réclame expressément de nous, pour notre salut et, avec nous, le salut de toute l’humanité.     Cependant, le dilemme de Yossef est de savoir si le dialogue, inauguré entre lui et Phar’o, débouchera sur l’avènement du message théologique d’Israël : la fraternité. Ou bien se poursuivra-t-il sempiternellement ce dialogue de sourds, jusqu’à la fin des temps, dans l’utopie désespérée des bergers de l’universel humain qui attendent d’être tous ensemble pour pouvoir, à la fin du jour, retirer la grosse pierre qui bouche la margelle du puits (Béréshit, XXIX, 8) ? Mais si sous l’apparence du Phar’o actuel, ‘Essav par excellence, notre frère rival qui ne veut plus et ne peut plus nous tuer, a déclaré, avant le solstice d’hiver, à ‘Hanouka, vouloir chasser l’obscurité qui

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Vayétsé : Ya’aqov, l’homme de l’universalité

La bénédiction renouvelée     Dans son rêve de l’échelle, Ya’aqov, notre patriarche, voit la bénédiction céleste se renouveler, avec la promesse de Dieu qu’elle s’accomplira par lui, Béréshit, XXVIII, 13-15 : « Puis, le Seigneur apparaît au sommet et dit : Je suis le Seigneur, le Dieu d’Avraham ton père et de Yits’haq ; cette terre sur laquelle tu reposes, Je la donne à toi et à ta postérité. Elle sera, ta postérité, comme la poussière de la terre ; et tu déborderas au couchant et au levant, au nord et au midi ; et toutes les familles de la terre seront heureuses par toi et par ta postérité. Oui, Je suis avec toi ; Je veillerai sur chacun de tes pas, et Je te ramènerai dans cette contrée, car Je ne t’abandonnerai jamais même lorsque J’aurai accompli ce que Je t’ai promis ». La bénédiction pour Ya’aqov s’étend sur plusieurs domaines corrélatifs : la procréation, la terre donnée, toutes les familles de la terre, la Providence vont de pair et il est impossible de séparer l’un de l’autre sans les dégrader. La bénédiction divine, pleine et entière, est là quand tous ces éléments sont présents ensemble. S’il en manque un ou si l’un d’eux est incomplet, Dieu préserve!, alors la bénédiction est partielle et approximative car la qedousha, la sainteté, n’est pas accomplie de facto entièrement. Une tâche double pour un homme double     Conforté par la bénédiction divine, Ya’aqov poursuit son chemin vers Padan Aram pour y trouver la compagne de son rêve. En cours de route, il change de trajet et se trouve à ‘Haran, l’endroit de la colère du monde. Sa motivation a changé, il était parti en quête de la future mère de ses enfants à Padan Aram, mais fuyant la haine et la frustration de son frère ‘Essav, sa destinée le porte à s’occuper momentanément de la colère originelle, de la violence et de l’agressivité du monde qu’il faut apaiser à ‘Haran, ville-étape principale du voyage d’Avraham fuyant la civilisation de Our Kasdim, la ‘fournaise’ de Kasdim, et d’où il était parti pour le pays de Cana’an, à ‘Haran, où son frère Na’hor était resté (Béréshit, XI, 32). ‘Haran, dit Rashi (Midrash Béréshit Raba 70 sur Béréshit XXIX, 4), a le sens de ‘harone af shel maqom, l’endroit de la colère ou la colère de l’Endroit : « Dans le texte massoret de la Torah, le noun final de ‘Haran est renversé, ce qui veut dire que jusqu’à Avraham, la colère de Dieu était sur le monde ». Le Talmud Avoda zara, 9a, enseigne que les deux premiers millénaires de la genèse de l’humanité était dans un état chaotique conséquent au ‘péché originel’ d’Adam, le premier homme, – bien qu’il nous soit difficile de savoir en quoi consistait ce ‘péché’, – mais que depuis l’avènement des patriarches, depuis Avraham, le monde entrait dans une phase de préparation à la Révélation au Sinaï et du règne de la Torah.     Ya’aqov part en exil investi d’une double vocation, d’une double tâche : la sienne propre, la vocation spirituelle pour laquelle il a reçu la bénédiction d’Avraham ; et aussi la vocation matérielle, dont l’essentiel est d’assujettir la matérialité sous la gouverne de la spiritualité, pour laquelle il a reçu la bénédiction propre aux tâches matérielles prévue par Yits’haq pour ‘Essav. Vocation matérielle imposée par sa mère Rivqa afin de réunir la matière et l’esprit par l’homme universel de la vérité. Ya’aqov, homme de la vocation spirituelle, assumera nécessairement aussi les tâches de ce monde ici-bas, les transfigurera et en cela sera nommé Israël, l’homme droit, dont le nom porte en mémoire le Nom de Dieu Un. La guématria d’Israël ישראל est de 541 et donne en chiffres ajoutés simplifiés (5+4+1=10=1) : Un. Ya’aqov est investi du projet du Créateur, réunissant les vocations antinomiques de Kaïn et de Hével qui avaient abouti alors à l’échec (Rav Yéhouda Askénazi, KM, p.81). Cependant, solitude, crainte d’un exil loin de ses parents, sentiment d’illégitimité latent qui étreint tout migrant, ailleurs, à l’étranger, et d’autres complications seront aussi la perspective de sa descendance tout au long de leurs pérégrinations en exil, jusqu’au retour à la terre ancestrale bien-aimée.     Autrement dit : la Présence divine veille à chacune de tes initiatives, surtout à ta résidence sur la terre donnée à tes pères qui sera assurée afin que tu aies une progéniture infinie, mais à l’indice universel, pour que toutes les peuplades de la terre soient prospères et heureuses « par toi et par ta postérité ». Pour que la bénédiction céleste se réalise, Israël doit être présent sur sa terre donnée, sa terre de la réalisation des promesses. « Ta postérité sera comme la poussière de la terre » à condition qu’Israël, en personne, travaille cette poussière pour la féconder. C’est de cette poussière aride que naissent les témoins du projet divin qui ont pour devoir d’étudier la science de cette révélation de l’échelle, de connaître la foi depuis l’évènement du Sinaï, de diffuser le Connaître-Dieu parmi les peuplades de la terre. C’est de la poussière stérile que jaillit la résurrection d’Israël et la rédemption du monde (Maharal). Ainsi, le ciel et la terre sont réunis en un seul faisceau : on appelle l’unification de toutes les valeurs ensemble, קדושה, qedousha, la notion de sainteté. Le ciel d’Avraham et la terre de Yits’haq sont réunis chez l’homme de vérité : Ya’aqov, l’homme de l’universalité. La vocation des pères     Le but des pères était de proclamer de façon générale la présence de Dieu en ce monde : Avraham, dont la vocation est la charité, ouvre sa maison aux quatre coins des vents pour enseigner à tous le Dieu unique. Yits’haq, dont la vocation est la rigueur et la crainte révérencielle de Dieu, creuse des puits pour abreuver toute l’humanité de la réalité de la vaillance divine, y compris les puits de charité creusés par Avraham qui seront bouchés par ses détracteurs. Pour Ya’aqov, notre patriarche, dont la vocation est la vérité, d’où notre bonne nation Israël trouve son origine, cela est différent : il s’agit de l’édification d’une nation spécifique qui fleurira

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Vayéchev : Yossef, frère de ses frères

Cause de tout nouvel exil : la médisance     Béréshit, XXXVII, 2 : « Voici les engendrements de Ya’aqov : Yossef ! Lorsqu’il fut âgé de dix-sept ans, menait paître les brebis avec ses frères, et c’était un adolescent parmi les fils de Bilha et les fils de Zilpa, femmes de son père ; et Yossef débitait à leur encontre de la médisance à leur père ». La médisance en quoi que ce soit, même si elle prétend dire ou décrire la vérité, inhibe la rédemption et cause tous les exils (Rambam, Lois des opinions, VII, 2 ; ‘Hafets ‘Haïm, Lois du Lashon hara’). Rashi commente que Yossef disait toutes sortes de médisances sur le dos des fils de Léah et qu’ils méprisaient les fils de Bilha et Zilpa, alors que Yossef, lui-même, essayait de les rapprocher. On notera cependant que le verset souligne, selon le signe de cantillation apposé au rythme du verset, que les engendrements de Ya’aqov se résument à son fils Yossef qui lui ressemblait et il voyait en lui la personne capable de pousser plus loin la mutation d’identité du particularisme de sa famille vers la collectivité du peuple d’Israël. Cependant, il rendait à son père ce compte-rendu : a) ses frères mangeaient de la chair d’un membre arraché du vivant d’une bête, b) ils méprisaient leurs frères, fils des servantes, en les nommant du qualificatif peu reluisant ‘d’esclaves’, c) il les soupçonnait de transgresser les lois de la pureté familiale. La médisance portait donc sur trois domaines de la Halakha : a) Les lois envers le royaume animal : la consommation des animaux est permise depuis leur sauvetage par Noa’h dans son arche lors du Déluge. Ces lois définissent la casherout, la consommation permise par Dieu Lui-même, Béréshit, IX, 3 : « Tout ce qui se meut, tout ce qui vit, servira à votre nourriture ; de même que les végétaux, Je vous livre tout. Toutefois aucune créature, tant que son sang maintient sa vie, vous n’en mangerez. Toutefois encore, votre sang, qui fait votre vie, J’en demanderai compte : Je le demanderai à tout animal, et à l’homme lui-même, si l’homme frappe son frère, Je redemanderai la vie de l’homme ». b) Les lois envers son prochain qui définissent l’amour en fraternité. c) Les lois envers soi-même qui définissent la pureté familiale et l’intégrité sexuelle.     Ces trois dimensions doivent être présentes chez le peuple saint nommé ‘royaume de Cohanim’ et définissent le degré d’intégrité de l’individu à l’intérieur de sa collectivité, et au-delà, de la qedousha, de la sainteté de la collectivité d’Israël en général.     Yossef voulait-il suggérer à son père que ses enfants n’avaient pas encore atteint ce niveau requis pour qu’il puisse se reposer sur ses lauriers, dont le retour d’exil de chez Lavan, la surabondance de biens et de progéniture que suggère le début de la parasha : « Ya’aqov demeura (voulut demeurer en toute tranquillité) dans le pays des pérégrinations de son père, dans le pays de Cana’an » ? Pourtant, Ya’aqov n’était-il pas conscient que la rédemption de la rupture entre les frères qui avait causé précisément son exil, poursuivi par son frère ‘Essav qui voulait le trucider, n’était pas encore advenue ? Le contentieux entre les frères     Rav Emmanuel Chouchena enseigne, à propos de la cashrout : Comment les frères pouvaient-ils commettre une telle abomination ? En fait, un point fondamental divisait Yossef et ses frères sur la question de savoir si les fils de Ya’aqov se considéraient comme des enfants d’Israël, בני ישראל, ou des enfants de Noa’h, בני נח, les noa’hides que l’on nomme : les non-Juifs. Étant donné que la transgression de ces trois ordres de Halakha met en péril la pérennité du futur peuple d’Israël, l’identité messianique de ce peuple n’aurait pas encore atteint son seuil de vérité. Ce qui remettrait à la fin des temps le respect de la morale universelle authentique et le renoncement à l’idolâtrie pour qu’apparaisse le peuple de Cohanim, à son apogée, catalyseur de rédemption de l’humanité et de l’histoire, qui doit sauver les nations du monde qui ne le refuseraient pas.     Les frères soutenaient qu’étant les fils de Ya’aqov désormais appelé Israël, ils avaient le statut d’enfants d’Israël, בני ישראל, de jure, par la force de la pure Halakha, avant même la proclamation de la Torah à l’évènement du Mont Sinaï et ses directives de vie. Ils pensaient être les dépositaires de l’antique hébraïsme et de la religion hébreue apprise à la Yéshiva de ‘Ever et de Shem. Au contraire, Yossef pensait que la Torah n’ayant pas été révélée et donnée aux enfants d’Israël, ils étaient encore, de facto, des enfants de Noa’h, non investis des impératifs des lois de la Torah des Hébreux. Or, la Halakha nous enseigne que la she’hita, une fois appliquée, signifie déjà la mort d’une bête pour les enfants d’Israël alors que les noa’hides, les non-Juifs, doivent attendre après la she’hita, à la fin des convulsions de la bête (Talmud ‘Houlin, 33a ; 121b ; Rambam, Lois des rois et leurs guerres, IX, 15). Les frères sont persuadés de se comporter en véritables enfants d’Israël en dépeçant la bête après la she’hita mais avant qu’elle n’ait terminé ses secousses. Les voyant ainsi faire, Yossef rendit compte à son père qu’ils mangeaient de la chair d’un membre arraché du vivant de l’animal, ce qui consistait, pour lui, à une accusation grave contre l’identité authentique prônée par Ya’aqov et un manquement radical à la morale universelle noa’hide.     Plus tard, lorsqu’il sera devenu le leader incontesté de l’Égypte, que ses frères retourneront vers leur père, après avoir découvert l’argent dans leur sac et la coupe du maître de l’Égypte dans le sac de Binyamin, les frères, impitoyables, s’écrièrent, en s’alignant sur la loi des noa’hides, Béréshit XLIV, 9 : « Celui de tes serviteurs qui l’aura en sa possession, qu’il meure ; et nous-mêmes, nous serons les esclaves de mon seigneur ». Mais l’intendant de la maison de Yossef, parlant en son nom, leur répliqua : « Oui, certes, ce que vous dites est juste. Seulement, celui qui en sera trouvé possesseur sera mon esclave, et vous serez quittes ». Ce que vous

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Berechit : Le monde du début

«  Le recommencement de la Lecture. À l’office du matin du premier Shabbat qui suit les solennités du premier mois de l’année, Tishri, les communautés juives du monde entier reprennent la Lecture de la Torah depuis le début … Force est de constater que les commentateurs ont expliqué de toutes les manières possibles ce premier verset du Pentateuque, et pourtant, il demeure énigmatique, comme s’il cachait un secret qui tient du prodige et qui n’a jamais fini de se révéler… à suivre. Ce secret du commencement Béréshit interpelle toute personne honnête qui lit ce verset, car chacun est à la recherche de son identité propre. Or, la Lecture de la Torah décrit et définit la Charte de l’identité humaine. Cette identité, que chacun recherche, serait toujours à proximité, directement accessible, mais de suite aussi très lointaine, scellée, hermétique. Notre identité authentique est une pérennité occultée non encore dévoilée, c’est-à-dire un secret qui se révèle au compte-goutte selon les évènements qui se déroulent au cours du temps de cette année, des années précédentes et de celles futures. Ce secret de l’identité humaine dans son absolu de perfection est une connaissance occultée actuellement mais que l’on pourrait posséder à condition de l’étudier et de l’approfondir, selon une initiation qui se transmet de père en fils et de maître à élève. Redoublant d’effort, il nous faut piocher dans les cieux des textes écrits et dans la terre des dires de tous les Sages du Talmud. Toutefois, cette recherche doit aussi s’éclairer des péripéties historiques et des bouleversements de la vie. En effet, la Tradition hébreue se situe dans un monisme intégral de l’essence du monde, c’est-à-dire que tout est absolument en Dieu qui transcende le tout, ce que les savants appellent le panenthéisme radical : c’est le même Créateur qui a voulu le monde de vérité et qui a fait le monde de réalité. C’est le même Créateur qui fait exister la vérité dans son absolu de perfection et la réalité dans son absolu d’imperfection, à chaque instant et partout dans les mondes, aussi bien physiques que spirituels, réels qu’intuitifs. C’est ce qui fait que le monothéisme du Tnakh, la Bible des Hébreux, n’est pas le résultat d’une recherche de la pensée naturelle humaine, quand bien même aurait-elle une visée moniste et monothéiste, mais c’est une révélation de Dieu, du début à nos jours. Même si cette évidence est une catégorie de la foi, elle trouve son application dans le domaine de la réalité : depuis la création de l’Etat d’Israël, ce qui faisait partie des catégories de la foi devient l’évidence même d’une réalité qui se révèle à nos yeux éberlués. Il est évident pour l’homme de foi que tout est voulu par Dieu dans le monde de vérité et que le monde de réalité obéit en tout à la loi de vérité. Ce qui fait que ce que nous vivons en Érets Israël, sous l’égide de la réalité de l’État d’Israël, n’est que pure vérité. Le alef et le bet Tout découle d’une même question, tout revient à cette même interrogation : Qui suis-je ? Quelle est la condition de mon être ? Pourquoi et comment ? Pour qui ? Pour quel but ? Ce qu’en hébreu nous questionnons par lamah למה ? Mais ce questionnement du pourquoi de la fin ne peut se résoudre qu’en ayant une connaissance du début par le questionnement du commencement, comment cela s’est-il révélé, comment eikh איך ? Si mon identité authentique reste un secret enfermé dans la tour d’ivoire du premier verset, insondable à moi-même, secret qui dépasse toutes les explications et tous les commentaires, pourquoi donc a t’il été mis par écrit et lu chaque année de nouveau ? Rashi s’étonnera de toujours, et nous après lui : « Au commencement Dieu créa les cieux et la terre : Rabi Yits’haq dit : Il n’était nécessaire de faire débuter la Torah que par la première des lois prescrites à Israël, Shémot, XII, 2 : « Cette néoménie sera pour vous le commencement de l’année ; il sera pour vous le premier des mois de l’année ». Pour quelle raison le texte commence-t-il par Béréshit, le récit de la Création du monde ? ». Parce que le premier verset aurait dû commencer par la première lettre de l’alphabet alef, qui signifie la catégorie de l’Unique, mais il commence par la lettre bet qui indique que la création, pour être cohérente à elle-même, est inscrite dans la catégorie de la dualité. Dès qu’il y a création, il y a dualité, car l’éloignement de la source de création s’accompagne de l’apparition de l’être autre que l’Être qui donne l’être. Dès qu’il y a un monde d’en bas, il y a dualité puisqu’il s’est détaché du monde d’en haut ; il y a deux, l’un et l’autre, le bien et mal. Autrement dit, le alef, le Un primordial, source de tout l’être, s’est caché avant le bet, et lorsque le alef se dévoile, c’est toujours à reculons, incognito et par miracle, par des prodiges dans le monde de la nature, Shémot, XXXIII, 23 : « Alors Je retirerai Ma main, et tu Me verras par derrière ; car Ma face ne peut être vue ».     Lorsque le alef אלף se montre c’est par en arrière, avec un mot formé des mêmes trois lettres, mais à reculons : פלא pélé, le miracle. Lorsque le alef אלף descend par en bas, il se dévoile en pélé פלא. Ainsi l’Unité profonde se dévoile un peu : Elle aurait déjà voulu que l’être Israël respectât le premier des commandements prescrits mais pour ce faire, il fallait commencer par créer le lieu de cette révélation, depuis son commencement, Béréshit. Sinon, l’histoire aurait été incohérente et « mystique », elle aurait été une connaissance de l’ordre du mystère, impossible à posséder. Cela vient de ce que la notion de création du monde échappe à la raison humaine ; elle est renvoyée par la Torah à l’absolu du commencement, à l’impensable absolu. Si commencement il y eut c’est bien parce qu’il enferme en lui toute la création elle-même car cette création ne pourrait avoir lieu avant son propre commencement, dixit Rav Yéhouda Askénazi.

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Haye Sarah : Avraham et Sarah, précurseurs d’Israël

Après la mort de Sarah à Qiriat Arba’, Avraham veut l’enterrer sur place, dans le pays appelé momentanément du nom de Cana’an, dans le caveau de Makhpéla qui se trouve au bout du champ qui appartenait à ‘Éphrone. Il entame des pourparlers commerciaux pour acquérir la sépulture, Béréshit, XXIII, 4 : « Je suis un גר, un émigré et un תושב, un habitant parmi vous ». Avraham introduit ses négociations commerciales en faisant comprendre à ses interlocuteurs qu’il possède deux qualités, deux attributs : émigré et habitant. C’est soit en tant qu’étranger, domicilié parmi eux, que les enfants de ‘Heth lui donneraient de bonne grâce ce qu’il leur demande, soit en tant qu’habitant fixe, demeurant parmi eux, et il prendra une sépulture par son bon droit, car le Seigneur lui a dit : A ta postérité, Je donnerai ce pays. Rashi précise : « Avraham dit à ‘Éphrone : Si tu ne veux pas me vendre ce caveau parce que je suis un émigré, considère-moi alors comme habitant de ce pays pour un temps illimité ». Ce qui constitue, vous en conviendrez, un argument commercial peu convaincant, si ce n’est spécieux. Mais, conditionné par le temps pour enterrer Sarah et contraint devant la nécessité d’aboutir rapidement à l’acquisition du terrain, Avraham ne veut entamer pour l’instant aucune controverse sur ses véritables droits : Donnez-moi la propriété de la sépulture soit à titre d’émigré soit à titre de concitoyen, alors que tout le pays m’appartient de droit divin.     Toutefois, Avraham aurait dû prendre les devants et aurait pu acheter le dit terrain auparavant par prévention et par précaution. S’il l’avait voulu spécifiquement, il aurait entamé des pourparlers, sans pression. On peut répliquer à ce reproche qu’il aurait été en but à un refus catégorique de la part des ‘Hitéens, descendants de Cana’an, alors que là, son mort posé en évidence devant tout le monde et devant lui, il y a urgence d’enfouissement. Ce qui sous-entend que l’état d’esprit d’Avraham est, malgré tout, de l’acquérir contre espèces sonnantes et trébuchantes, marché à pourvoir par ‘Éphrone, avec plus-value intéressante et significative à se pourlécher les babines du royal bénéfice. On peut prévaloir aussi qu’Avraham aimait Sarah d’éternité et qu’il supposait qu’elle vivrait au-delà du temps, autant que son amour : c’est l’explication que préfère ma femme.     La Torah dévoile dans la préface des récits historiques des situations existentielles et socio-politiques que, dans son histoire, le peuple d’Israël rencontrera et devra vivre avec, puis les résoudre en tant que collectivité.     Rav Emmanuel Chouchena explique ainsi, rappelant le Midrash Béréshit Raba Noa’h : le nom ‘Éphrone est écrit dans la Torah sans la lettre vav עפרן. À propos du verset de Béréshit XXIII, 14-15 : « Éphrone répondit à Avraham en lui disant : “Seigneur, écoute-moi : une terre de quatre cents sicles d’argent, qu’est-ce que cela entre nous deux ? Enterres-y ton mort” », Rashbam explique que la valeur numérique de ‘Éphrone עפרן est de 400, de même que l’expression רע עין, envieux, composée de presque les mêmes lettres. Cette expression fait allusion aux quatre cents sicles d’argent, somme substantielle même de nos jours, qu’Avraham a versée pour l’acquisition du caveau de Makhpéla, à l’extrémité du champ d’Éphrone, le ‘Hitéen. Autrement dit, comme le Talmud Bérakhot, 7b, l’énonce : שמא גרים shema garem, le nom d’une personne influence non seulement sur sa personnalité mais aussi sur son entourage, et au-delà, sur le monde entier. La destinée vertigineuse d’Israël     Or, depuis longtemps, au début du sionisme moderne dit sionisme politique, les mêmes situations existentielles vécues par les patriarches, dans leur relation à leur environnement, sont rencontrées lors de la résurrection de l’entité sioniste : bien qu’Erets Israël appartienne au peuple juif, The Jewish Colonization Association du Baron Maurice Hirsch, le Keren Kayémet LeIsraël, Moïse Montefiore, Rotschild, pour ne citer qu’eux, achetèrent nombre de domaines de notre terre ancestrale. Leurs achats dépassent même les frontières actuelles de notre État : en Syrie, en Jordanie et ailleurs, des actes de propriété en bonne et due forme sont entre les mains de Juifs prévenants. Et parfois, la même terre, le même domaine, le même quartier de la Vieille Ville de Yéroushalayim, de ‘Hébron et d’ailleurs ont été achetés plusieurs fois à différents ‘propriétaires’ brandissant des actes de propriété falsifiés et ‘inscrits au registre’. C’est ainsi que de nos jours 1424 dounams (un dounam équivaut à peu près à un kilomètre carré) de terres achetées avant l’Indépendance, dont les papiers d’acquisition par des Juifs ont été fournis par les Britanniques immédiatement après la Déclaration d’Indépendance de l’État d’Israël, restent orphelins. Une impression de déjà vu     À l’heure de la rédemption, la restauration de la nation hébreue par l’État d’Israël fait resurgir brusquement de la clandestinité galoutique l’histoire de nos patriarches et nous sommes ébahis par l’actualité de leur environnement ancestral dont les personnages nous interpellent toujours, dans la même typologie de rivalité.     Au premier rang, la France, fille aînée de l’Église mais pouponnière du djihadisme, est le seul État au monde à posséder des biens et des terres en Israël, et chaque année se rajoutent des dossiers de réclamation à la possession, certains se basant sur… les Croisades de conquête des rois de France en Terre Sainte et aussi sur les combats qu’y mena Napoléon Bonaparte avec son armée.     Après Avraham, bien plus tard, après la sortie d’Égypte, bien que tous les explorateurs aient été des justes, Bémidbar, XIII, 7 : « c’étaient tous des personnalités considérables », arrivés à la vallée d’Eshkol (Bémidbar XIII, 23), ils prirent peur. Pourquoi la Torah précise-t-elle le nom de cette vallée ? À priori, on pourrait penser qu’ils donnèrent ce nom à cette vallée par anticipation puisqu’ils y cueillirent une grappe de raisin eshkol אשכול. Cependant, cette vallée possédait déjà un nom, celui d’Eshkol, l’un des trois alliés d’Avram, avec ‘Aner et Mamré lors de la guerre des « quatre rois contre cinq » (Béréshit XIV, 9-13). À la question de savoir si Avram devait pratiquer la Brith-Milah de lui-même, sans en avoir reçu l’ordre de Dieu, ce même Eshkol le lui déconseilla, arguant que ses ennemis profiteraient de sa faiblesse

Haye Sarah : Avraham et Sarah, précurseurs d’Israël Lire la suite »

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