Paracha de la semaine

Bechallah : la générosité partout

«  Israël, révélateur de la générosité     Shémot, XIV, 19 – 21 : « Le messager de Dieu, qui marchait en avant du camp d’Israël, passa derrière eux : la colonne nébuleuse cessa d’être à leur tête et se fixa en arrière. Elle passa ainsi entre le camp égyptien et celui d’Israël : pour les uns il y eut nuée et ténèbres, pour les autres la nuit fut éclairée ; et, de toute la nuit, les uns ne s’approchèrent point des autres. Moshé étendit sa main sur la mer, et le Seigneur fit reculer la mer, toute la nuit, par un vent d’est impétueux, et Il mit la mer à sec, et les eaux furent fendues ».     La générosité de Dieu pour Israël est sans limite : au top moment, nuit noire pour les Égyptiens, et nuit éclairée pour les Hébreux. Par ces trois versets, la Torah définit la générosité par excellence. Il s’agit du fondement de la grâce du Nom du Seigneur. L’Unité des valeurs englobe d’un lien indéfectible les médiations de grâce et de rigueur, ensemble, au plus haut sommet imperceptible (Rav Kook, Lettres, III, 207).Dans le lashon haqodesh, la langue de sainteté de la Torah, ces versets se suivent et sont composés chacun de soixante-douze lettres, ce qui est exceptionnel. Pour comprendre cette extrême générosité de la part du Seigneur qui intervient dans l’histoire humaine, nos Sages du Zohar, et à leur suite, entre autres, Rabi Avraham Ibn ‘Ezra, dans son commentaire, indiquent que l’équivalence numérique de חסד générosité, est de 72. Ce n’est donc pas fortuit si ces trois versets se suivent car ils conjuguent le grand Nom du Seigneur, Hashem hamefourash, par lequel arrivent, d’un seul tenant, la défaite des égyptiens idolâtres avec le triomphe des Hébreux qui suivent le projet du Créateur, jusqu’à ce qu’il aboutisse forcément. La première générosité     Selon Rashi, la première générosité en faveur d’Israël fut, dans le premier verset, d’intercaler le messager de Dieu entre Israël et les chars égyptiens qui les visaient avec leurs flèches et leur jetaient des pierres. Or l’expression jeter des pierres nous rappelle la sanction par la lapidation d’une personne qui aurait fauté par idolâtrie, ou qui aurait transgressé le Shabat en public, ou qui aurait outrepassé les lois sexuelles. Car les Hébreux sortis d’Égypte avaient atteint le dernier degré supportable d’idolâtrie. Rashi commente que le verset emploie le Nom de Dieu Élohim sous son attribut de rigueur, et donc qu’ils étaient en train d’être jugés au ciel, pour être délivrés ou pour être perdus. À chaque étape de notre histoire, une délibération de justice céleste nous accompagne car il y a confrontation entre la liberté humaine et les valeurs.     La clause de chacune des dix plaies avait été remplie : « Laisse sortir mon peuple, sinon tu seras frappé…», et elles avaient déjà toutes eu lieu. Mais si Dieu, dans sa directive de Justice rigoureuse, permet le fait que les Égyptiens les poursuivent, c’est qu’Israël appartenait encore à la clause d’exil égyptien, Shémot, XIV, 10 : « Et le Pharaon s’approcha, et les Enfants d’Israël levèrent les yeux, et voici : l’Égypte était à leur poursuite, et ils eurent très peur ; et les enfants d’Israël crièrent vers le Seigneur ». Rashi commente la raison de leur peur : « Ils ont vu le prince céleste de l’Égypte venir du ciel pour aider l’Égypte ». Chaque nation possède un ange tutélaire, un mentor céleste qui plaide pour elle au Tribunal céleste. Or, en stricte justice, l’Égypte avait déjà payé le prix de son oppression exagérée sur Israël par les dix plaies. Les Hébreux, levant leurs yeux au loin, virent dans le ciel le שר sar l’ange préposé à la défense égyptienne accourir à l’aide de l’Égypte terrestre et dire au tribunal céleste : ceux-là sont idolâtres mais ceux-ci aussi.     Le Maharal, dans Guevourot Hashem, suggère qu’il y aurait une onzième plaie, encore plus grande que les dix premières, selon les miracles décrits dans la Hagada de Pessa’h qui multipliera l’importance des plaies qui eurent lieu sur la mer. Les épreuves de la sortie d’Égypte ne devaient s’achever qu’après le passage de la Mer de Jonc et non à la fin des dix plaies. L’épreuve de l’armée égyptienne lancée à leur poursuite faisait aussi partie du plan d’endurcissement de Pharaon. Deux expériences de salut devaient en effet être vécues par le monde en général et par Israël en particulier, pour témoigner de l’existence d’une Providence, au-delà des conditionnements naturels les plus contraignants.     La générosité divine devait se déployer par deux directives cumulatives. D’une part qu’elle pouvait délivrer de l’oppression humaine par la sortie d’Égypte, et ce premier évènement est commémoré au soir du Seder de Pessa’h. D’autre part, que le déterminisme des lois naturelles pouvait être brisé pour réaliser Sa volonté et sauver Israël, et ce dernier évènement est commémoré la nuit du septième jour de Pessa’h shevi’i shel Pessa’h. L’une et l’autre fondent la foi d’Israël : le Créateur de la nature déterminée dans ses lois causales depuis le début, est Lui-même le Sauveur, intervenant par individuation dans l’histoire, en tordant les lois qui organisent le lien causal. Tant que dure la nuit, l’un ne peut s’approcher de l’autre, mais lorsque la nuit de l’exil cessera avec la décrépitude des hors-la-loi, au grand bénéfice d’Israël, le lien causal entre les deux directives divines sera rétabli dans l’Unité originelle (Rav Kook, Medaber Shor, 355).Or, si l’on ne pouvait s’échapper de cette société égyptienne, totalitaire et concentrationnaire, la sortie d’Égypte a bien eu lieu. Des camps de la mort nazis, non plus, nul ne pouvait s’échapper, et pourtant !… La deuxième générosité     La deuxième élévation de générosité fut vécue au second verset : les ténèbres s’appesantirent sur les Égyptiens alors que la lumière régnait chez les Hébreux. Il fallait qu’ils sachent que la protection divine leur était déployée, afin que la foi d’Israël soit fondée en leur Libérateur. Au petit matin, ils

Bechallah : la générosité partout Lire la suite »

Bo : la maîtrise du temps et de l’espace

«  Israël, libérateur du temps     Shémot, XII, 1 et 2 : « Et Hashem parla à Moshé et à Aharon, au pays d’Égypte, en ces termes : “Ce mois-ci sera pour vous le commencement des mois ; il sera pour vous le premier des mois de l’année” ». Ce commandement du premier des mois de l’année est la première loi constitutionnelle de la Torah considérée comme ensemble des mitsvot de la loi de Moshé, en tant que législation ordonnée à la collectivité du peuple d’Israël. Depuis la sortie d’Égypte, à la naissance du collectif social du peuple des enfants d’Israël, la Torah donne des lois révélées à la génération d’Israël dirigée par Moshé jusqu’à l’entrée au pays de Cana’an. La Torah s’était présentée d’emblée comme un récit historique qui débute par la création du monde jusqu’à l’évènement de la sortie d’Égypte, avec, pour charnière, cette prescription du rosh ‘hodesh, la tête du mois qui se rapporte au respect extrêmement particulier de la néoménie, le renouveau de la lune. À partir du récit de la traversée au désert, la Torah pourrait être considérée comme uniquement un code d’ordre purement législatif, les lois révélées proprement dites étant alors insérées au fur et à mesure, où sont rassemblés les innombrables éléments qui fondent la vie quotidienne du collectif d’Israël,.     Nous aurions pu croire que la Torah est scindée en deux ensembles radicalement différents ; d’une part, un récit historique et, d’autre part, un code de lois morales et spirituelles à accomplir dans le temps et l’espace. Si la Torah n’avait prôné qu’une orthopraxie de l’accomplissement des règles de fidélité pour acquérir le mérite des actes, nul besoin alors d’une si longue introduction historique depuis la création du monde jusqu’à notre verset. Mais avec cette prescription du renouvellement de la lune, la Torah indique qu’avec le mérite des actes, Israël doit acquérir le mérite d’être sur la base du mérite des actes.     De nouveau, la Torah nous intime ici sa conception d’unité du monde : le récit événementiel de l’histoire est intimement lié aux lois de Moshé, notre maître. L’édification de l’étage supérieur du peuple d’Israël en tant que collectif social s’est bâtie sur l’édification spirituelle d’individus exceptionnels que furent nos patriarches. La réussite du collectif Israël, si complexe à faire aboutir, est fondée auparavant sur la réussite de l’individu. Cependant, obtenir de notre Seigneur le mérite d’accomplir des actes dépend étroitement d’un mérite d’être en potentiel, imprégné auparavant dans l’âme du peuple. Rav Yéhouda Léon Askénazi affirme que le « mérite d’actes » est d’abord révélateur du « mérite d’être ». La prescription d’une application pratique de la Torah ne peut être émise que pour ceux qui ont la capacité, en leur âme profonde, par leur nature spécifique, d’en assumer la pleine application : « Tout ce qui était occulté, évanescent comme une essence, – devient dès lors réalité bourgeonnante, apparition, naissance à l’existence. Ce qui n’était qu’en puissance בכוח, bekoa’h, émerge à l’histoire des réalités בפועל, bepo’al ».     Depuis le commencement de la Création et à l’époque des patriarches, notre Seigneur fixait les mois et déterminait les années embolismiques selon le début du temps de l’année universelle à Tishri, avec pour référence la création du monde. À partir du moment où Israël accède à son être collectif, le Créateur se décharge de ce pouvoir pour le transmettre aux Enfants d’Israël, avec pour point d’appui la sortie d’Égypte et Pessa’h. Au 1er Nissan, le temps devient celui du commencement de l’année de commémoration des évènements constitutifs de l’histoire de la collectivité hébreue : « Jusqu’à aujourd’hui, c’est Moi qui calculais les dates des néoménies et des fêtes, désormais ce sera vous » (Midrash Tan’houma). Cela est absolument inattendu, une véritable révolution qui bouleverse la scène de l’histoire.     Le fait même que Dieu se défasse, de façon si urgente, de la prérogative de maîtriser le temps pour la confier à un peuple rudimentaire et fruste, non encore préparé à cette perfection de déterminer sa destinée historique, est un enjeu très grave. Car jusqu’au temps de Moshé, l’humanité n’a pas fourni la preuve qu’elle était capable de fidélité et de perfection par rapport aux valeurs morales telles que Dieu les a projetées. Les sept mitsvot noa’hides, le respect de la volonté divine avec pour corollaire le respect de la vie et du monde, le nerf sciatique, la circoncision n’ont finalement été respectés que par une poignée d’individus. L’histoire du monde en général est celle de l’idolâtrie, de la faute, de ceux qui ont oublié de se souvenir qu’ils avaient un Créateur. C’est alors qu’apparaît une société, les Hébreux fraîchement sortis d’Égypte en toute hâte, et Dieu lui confie la responsabilité de la prérogative d’avoir à définir le déroulement du temps. Dieu accorde au collectif d’Israël un degré de sainteté particulièrement élevé, et c’est le peuple qui, armé de cette qualité intrinsèque qui fait sa spécificité, assure la capacité de sanctifier le temps, prérogative exceptionnelle dans l’histoire et la culture des civilisations.     Le Talmud Bérakhot, 49a, l’indique clairement : c’est Israël qui sanctifie le temps. Notre Seigneur sanctifie Shabat et Israël qui, lui, sanctifie les temps, selon la bénédiction du qidoush qui introduit cérémonieusement nos Shabatot et nos fêtes. Israël devient le seul peuple à dominer le temps, de lui imposer une dimension spirituelle qui est celle de la sainteté et d’opérer la différenciation du profane et du saint. La trame du temps hébreu est tissée entre des points mis à part : le Shabat, les jours de fêtes et les jours de commémoration que le peuple juif impose dans son calendrier spécifique, tel que le Jour de l’Indépendance qui marque le retour d’Israël, collectif et individuel, sur sa terre de prédilection. Il n’est pas de plus authentiques retrouvailles que celles du temps hébreu qui figure sur notre carte d’identité israélienne et de découvrir enfin le vrai jour de sa naissance selon le calendrier instauré par nos Sages depuis le Sanhédrin.    

Bo : la maîtrise du temps et de l’espace Lire la suite »

Mikets : Yossef, le frère de l’extériorité

Yossef, interprète des rêves de l’humanité     Béréshit, XLI, 2 : « Et ce fut à la fin de deux années et Phar’o rêve, et voici : il se tient debout sur le Fleuve עומד על היאור ». Dès lors, il envoya quérir Yossef et le faire sortir de sa geôle pour qu’il lui interprète son songe. Une fois Yossef habillé et rasé de frais, Phar’o lui dit, au verset 17 : « Dans mon rêve, הנני עומד על שפת היאור je me tiens au bord du fleuve ». Car se tenir debout sur le fleuve, cela est impossible à concevoir pour la logique humaine, surtout quand il s’agit du Nil dont les crues habituelles envahissent les terres et submergent les petits torrents, mais se tenir au bord du fleuve, cela va de soi pour tout esprit rationnel. Cependant, avant de livrer son interprétation, Yossef indique à Phar’o une notion fondamentale, en guise d’introduction, avant même d’entamer le dialogue, au verset précédent : « Ce n’est pas moi, c’est Dieu, qui donnera une réponse pour le Shalom de Phar’o ». D’une part, tout d’abord, il faut savoir qu’une réponse aux songes ne vient que de Dieu, et cela devrait tranquilliser Phar’o ; d’autre part, le but recherché, dans l’interprétation des songes, est la pacification de Phar’o avec l’apparition du Shalom, la paix.     Pour Yossef, le rapport avec Phar’o est celui d’un dialogue entre personnes, et ce n’est pas le fruit accidentel du hasard si on l’a sorti de prison mais c’est Dieu, changeant l’orientation de sa directive stratégique, qui intervient dans l’histoire pour conduire Son projet d’humanité afin d’établir le Shalom. Tout le souci de Yossef est de se présenter en tant que frère de l’humanisme égyptien pour restaurer le Shalom, l’unique solution de la coexistence des frères de toute l’humanité entre eux. C’est d’ailleurs ce qu’il a appris de la rivalité avec ses propres frères à l’intérieur de sa famille. Mais alors qu’à l’intérieur de sa propre famille, tous savent que les hommes sont des créatures créées par notre Créateur, à l’extérieur, en Égypte, cela n’est guère une évidence qui va de soi. Le rêve de Yossef     Le rêve de Yossef est d’être Israël, levain et ferment des civilisations extérieures, il met en gerbes des moissons d’épis là où le blé pousse, révolutionnaire de la redistribution équitable des biens matériels, il est champion de l’économie et de la politique sociale. Il veut être la lumière qui chasse l’obscurité de l’extériorité. Star montante du siècle des Lumières, il a la certitude que la rencontre avec Phar’o précipitera la réalisation de son rêve. En fait, son rêve et celui de Phar’o ont le même but : des catalyseurs de l’histoire. N’ayant pas, comme ses frères chez Lavan, vécu l’expérience de l’échec en diaspora, Yossef va s’engager, avec toute la vigueur et l’inexpérience de sa jeunesse : que c’est Dieu qui dirige ses pas pour le bien du plus grand nombre. Malgré l’engagement extrême et inconditionnel de Yossef, et de ses frères qui le rejoindront en Égypte, cette civilisation du soleil éternel, où l’identité juive cosmopolite se complaît tant, périclitera dans la saturation de violence, le despotisme et l’immoralité. Il en va ainsi de toutes les civilisations qui n’ont pas su, de barbaries civilisées en régimes fascistes, domestiquer la tyrannie de leur conception de l’Autre si ce n’est, de destruction en persécutions, d’Inquisitions en Shoah, d’exterminer autrui pour subsister, tel Qaïn envers Hével. L’Égypte fut une hégémonie jamais égalée mais elle aboutira à l’échec : ce qui démontre que le rêve de Yossef, – cette mission aléatoire dont s’investissent les Juifs de toutes les diasporas, – débouche, à l’extérieur, à chaque fois, sur l’impasse totale.     Pourtant, Yossef veut être le champion du Shalom maintenant, שלום עכשיו : « Dieu donnera une réponse pour le Shalom de Phar’o ». Ce mot ‘Shalom’ revient comme un leitmotiv dans la bouche des enfants d’Israël lorsqu’ils se rencontrent et lorsqu’ils rencontrent des personnes autres qu’eux. Avec pour couple le mot frère, Shalom est ce mot-clé prononcé pour la première fois dans la Torah par Ya’aqov, lors de sa rencontre avec les bergers, Béréshit, XXIX, 4-6 : « Mes frères, connaissez-vous Lavan, (fils de Bethouel) fils de Na’hor (frère d’Avraham) ? Ils répondirent : Nous le connaissons. Il leur dit : Y a-t-il chez lui la paix השלום לו ? Ils répondirent : שלום paix ; et voici Ra’hel, sa fille, qui vient avec son troupeau ». Or Yossef avait la même typologie que Ya’aqov (Talmud Sota, 36b), selon le second verset de Béréshit XXXVII : « Voici les engendrements de Ya’aqov : Yossef ».     Pour Ya’aqov, tout comme pour Yossef, c’est notre Créateur qui nous donne en grâce totale et en altruisme absolu tout l’être qui nous fait être, mais par là-même, Il crée Ses créatures rivales entre elles pour qu’elles activent leur libre arbitre afin d’aimer autrui, – l’autre nous-mêmes. C’est aussi une évidence nette et claire pour les frères de Yossef : le monde a un Créateur qui réclame de Ses créatures la fraternité, potion médicinale excellente contre la rivalité.     Rivalité que l’on retrouve souvent entre l’épouse et son époux tant qu’entre eux ils ne s’appellent pas : mon frère, ma sœur, Shir Hashirim, VIII, 1, chante toute l’attente patiente et lucide de la femme envers son époux : « Oh! Que n’es-tu mon frère? ». Notre Créateur nous donne tout, sauf l’amour du frère, travail qui nous incombe, qu’Il réclame expressément de nous, pour notre salut et, avec nous, le salut de toute l’humanité.     Cependant, le dilemme de Yossef est de savoir si le dialogue, inauguré entre lui et Phar’o, débouchera sur l’avènement du message théologique d’Israël : la fraternité. Ou bien se poursuivra-t-il sempiternellement ce dialogue de sourds, jusqu’à la fin des temps, dans l’utopie désespérée des bergers de l’universel humain qui attendent d’être tous ensemble pour pouvoir, à la fin du jour, retirer la grosse pierre qui bouche la margelle du puits (Béréshit, XXIX, 8) ? Mais si sous l’apparence du Phar’o actuel, ‘Essav par excellence, notre frère rival qui ne veut plus et ne peut plus nous tuer, a déclaré, avant le solstice d’hiver, à ‘Hanouka, vouloir chasser l’obscurité qui

Mikets : Yossef, le frère de l’extériorité Lire la suite »

Vayétsé : Ya’aqov, l’homme de l’universalité

La bénédiction renouvelée     Dans son rêve de l’échelle, Ya’aqov, notre patriarche, voit la bénédiction céleste se renouveler, avec la promesse de Dieu qu’elle s’accomplira par lui, Béréshit, XXVIII, 13-15 : « Puis, le Seigneur apparaît au sommet et dit : Je suis le Seigneur, le Dieu d’Avraham ton père et de Yits’haq ; cette terre sur laquelle tu reposes, Je la donne à toi et à ta postérité. Elle sera, ta postérité, comme la poussière de la terre ; et tu déborderas au couchant et au levant, au nord et au midi ; et toutes les familles de la terre seront heureuses par toi et par ta postérité. Oui, Je suis avec toi ; Je veillerai sur chacun de tes pas, et Je te ramènerai dans cette contrée, car Je ne t’abandonnerai jamais même lorsque J’aurai accompli ce que Je t’ai promis ». La bénédiction pour Ya’aqov s’étend sur plusieurs domaines corrélatifs : la procréation, la terre donnée, toutes les familles de la terre, la Providence vont de pair et il est impossible de séparer l’un de l’autre sans les dégrader. La bénédiction divine, pleine et entière, est là quand tous ces éléments sont présents ensemble. S’il en manque un ou si l’un d’eux est incomplet, Dieu préserve!, alors la bénédiction est partielle et approximative car la qedousha, la sainteté, n’est pas accomplie de facto entièrement. Une tâche double pour un homme double     Conforté par la bénédiction divine, Ya’aqov poursuit son chemin vers Padan Aram pour y trouver la compagne de son rêve. En cours de route, il change de trajet et se trouve à ‘Haran, l’endroit de la colère du monde. Sa motivation a changé, il était parti en quête de la future mère de ses enfants à Padan Aram, mais fuyant la haine et la frustration de son frère ‘Essav, sa destinée le porte à s’occuper momentanément de la colère originelle, de la violence et de l’agressivité du monde qu’il faut apaiser à ‘Haran, ville-étape principale du voyage d’Avraham fuyant la civilisation de Our Kasdim, la ‘fournaise’ de Kasdim, et d’où il était parti pour le pays de Cana’an, à ‘Haran, où son frère Na’hor était resté (Béréshit, XI, 32). ‘Haran, dit Rashi (Midrash Béréshit Raba 70 sur Béréshit XXIX, 4), a le sens de ‘harone af shel maqom, l’endroit de la colère ou la colère de l’Endroit : « Dans le texte massoret de la Torah, le noun final de ‘Haran est renversé, ce qui veut dire que jusqu’à Avraham, la colère de Dieu était sur le monde ». Le Talmud Avoda zara, 9a, enseigne que les deux premiers millénaires de la genèse de l’humanité était dans un état chaotique conséquent au ‘péché originel’ d’Adam, le premier homme, – bien qu’il nous soit difficile de savoir en quoi consistait ce ‘péché’, – mais que depuis l’avènement des patriarches, depuis Avraham, le monde entrait dans une phase de préparation à la Révélation au Sinaï et du règne de la Torah.     Ya’aqov part en exil investi d’une double vocation, d’une double tâche : la sienne propre, la vocation spirituelle pour laquelle il a reçu la bénédiction d’Avraham ; et aussi la vocation matérielle, dont l’essentiel est d’assujettir la matérialité sous la gouverne de la spiritualité, pour laquelle il a reçu la bénédiction propre aux tâches matérielles prévue par Yits’haq pour ‘Essav. Vocation matérielle imposée par sa mère Rivqa afin de réunir la matière et l’esprit par l’homme universel de la vérité. Ya’aqov, homme de la vocation spirituelle, assumera nécessairement aussi les tâches de ce monde ici-bas, les transfigurera et en cela sera nommé Israël, l’homme droit, dont le nom porte en mémoire le Nom de Dieu Un. La guématria d’Israël ישראל est de 541 et donne en chiffres ajoutés simplifiés (5+4+1=10=1) : Un. Ya’aqov est investi du projet du Créateur, réunissant les vocations antinomiques de Kaïn et de Hével qui avaient abouti alors à l’échec (Rav Yéhouda Askénazi, KM, p.81). Cependant, solitude, crainte d’un exil loin de ses parents, sentiment d’illégitimité latent qui étreint tout migrant, ailleurs, à l’étranger, et d’autres complications seront aussi la perspective de sa descendance tout au long de leurs pérégrinations en exil, jusqu’au retour à la terre ancestrale bien-aimée.     Autrement dit : la Présence divine veille à chacune de tes initiatives, surtout à ta résidence sur la terre donnée à tes pères qui sera assurée afin que tu aies une progéniture infinie, mais à l’indice universel, pour que toutes les peuplades de la terre soient prospères et heureuses « par toi et par ta postérité ». Pour que la bénédiction céleste se réalise, Israël doit être présent sur sa terre donnée, sa terre de la réalisation des promesses. « Ta postérité sera comme la poussière de la terre » à condition qu’Israël, en personne, travaille cette poussière pour la féconder. C’est de cette poussière aride que naissent les témoins du projet divin qui ont pour devoir d’étudier la science de cette révélation de l’échelle, de connaître la foi depuis l’évènement du Sinaï, de diffuser le Connaître-Dieu parmi les peuplades de la terre. C’est de la poussière stérile que jaillit la résurrection d’Israël et la rédemption du monde (Maharal). Ainsi, le ciel et la terre sont réunis en un seul faisceau : on appelle l’unification de toutes les valeurs ensemble, קדושה, qedousha, la notion de sainteté. Le ciel d’Avraham et la terre de Yits’haq sont réunis chez l’homme de vérité : Ya’aqov, l’homme de l’universalité. La vocation des pères     Le but des pères était de proclamer de façon générale la présence de Dieu en ce monde : Avraham, dont la vocation est la charité, ouvre sa maison aux quatre coins des vents pour enseigner à tous le Dieu unique. Yits’haq, dont la vocation est la rigueur et la crainte révérencielle de Dieu, creuse des puits pour abreuver toute l’humanité de la réalité de la vaillance divine, y compris les puits de charité creusés par Avraham qui seront bouchés par ses détracteurs. Pour Ya’aqov, notre patriarche, dont la vocation est la vérité, d’où notre bonne nation Israël trouve son origine, cela est différent : il s’agit de l’édification d’une nation spécifique qui fleurira

Vayétsé : Ya’aqov, l’homme de l’universalité Lire la suite »

Vayéchev : Yossef, frère de ses frères

Cause de tout nouvel exil : la médisance     Béréshit, XXXVII, 2 : « Voici les engendrements de Ya’aqov : Yossef ! Lorsqu’il fut âgé de dix-sept ans, menait paître les brebis avec ses frères, et c’était un adolescent parmi les fils de Bilha et les fils de Zilpa, femmes de son père ; et Yossef débitait à leur encontre de la médisance à leur père ». La médisance en quoi que ce soit, même si elle prétend dire ou décrire la vérité, inhibe la rédemption et cause tous les exils (Rambam, Lois des opinions, VII, 2 ; ‘Hafets ‘Haïm, Lois du Lashon hara’). Rashi commente que Yossef disait toutes sortes de médisances sur le dos des fils de Léah et qu’ils méprisaient les fils de Bilha et Zilpa, alors que Yossef, lui-même, essayait de les rapprocher. On notera cependant que le verset souligne, selon le signe de cantillation apposé au rythme du verset, que les engendrements de Ya’aqov se résument à son fils Yossef qui lui ressemblait et il voyait en lui la personne capable de pousser plus loin la mutation d’identité du particularisme de sa famille vers la collectivité du peuple d’Israël. Cependant, il rendait à son père ce compte-rendu : a) ses frères mangeaient de la chair d’un membre arraché du vivant d’une bête, b) ils méprisaient leurs frères, fils des servantes, en les nommant du qualificatif peu reluisant ‘d’esclaves’, c) il les soupçonnait de transgresser les lois de la pureté familiale. La médisance portait donc sur trois domaines de la Halakha : a) Les lois envers le royaume animal : la consommation des animaux est permise depuis leur sauvetage par Noa’h dans son arche lors du Déluge. Ces lois définissent la casherout, la consommation permise par Dieu Lui-même, Béréshit, IX, 3 : « Tout ce qui se meut, tout ce qui vit, servira à votre nourriture ; de même que les végétaux, Je vous livre tout. Toutefois aucune créature, tant que son sang maintient sa vie, vous n’en mangerez. Toutefois encore, votre sang, qui fait votre vie, J’en demanderai compte : Je le demanderai à tout animal, et à l’homme lui-même, si l’homme frappe son frère, Je redemanderai la vie de l’homme ». b) Les lois envers son prochain qui définissent l’amour en fraternité. c) Les lois envers soi-même qui définissent la pureté familiale et l’intégrité sexuelle.     Ces trois dimensions doivent être présentes chez le peuple saint nommé ‘royaume de Cohanim’ et définissent le degré d’intégrité de l’individu à l’intérieur de sa collectivité, et au-delà, de la qedousha, de la sainteté de la collectivité d’Israël en général.     Yossef voulait-il suggérer à son père que ses enfants n’avaient pas encore atteint ce niveau requis pour qu’il puisse se reposer sur ses lauriers, dont le retour d’exil de chez Lavan, la surabondance de biens et de progéniture que suggère le début de la parasha : « Ya’aqov demeura (voulut demeurer en toute tranquillité) dans le pays des pérégrinations de son père, dans le pays de Cana’an » ? Pourtant, Ya’aqov n’était-il pas conscient que la rédemption de la rupture entre les frères qui avait causé précisément son exil, poursuivi par son frère ‘Essav qui voulait le trucider, n’était pas encore advenue ? Le contentieux entre les frères     Rav Emmanuel Chouchena enseigne, à propos de la cashrout : Comment les frères pouvaient-ils commettre une telle abomination ? En fait, un point fondamental divisait Yossef et ses frères sur la question de savoir si les fils de Ya’aqov se considéraient comme des enfants d’Israël, בני ישראל, ou des enfants de Noa’h, בני נח, les noa’hides que l’on nomme : les non-Juifs. Étant donné que la transgression de ces trois ordres de Halakha met en péril la pérennité du futur peuple d’Israël, l’identité messianique de ce peuple n’aurait pas encore atteint son seuil de vérité. Ce qui remettrait à la fin des temps le respect de la morale universelle authentique et le renoncement à l’idolâtrie pour qu’apparaisse le peuple de Cohanim, à son apogée, catalyseur de rédemption de l’humanité et de l’histoire, qui doit sauver les nations du monde qui ne le refuseraient pas.     Les frères soutenaient qu’étant les fils de Ya’aqov désormais appelé Israël, ils avaient le statut d’enfants d’Israël, בני ישראל, de jure, par la force de la pure Halakha, avant même la proclamation de la Torah à l’évènement du Mont Sinaï et ses directives de vie. Ils pensaient être les dépositaires de l’antique hébraïsme et de la religion hébreue apprise à la Yéshiva de ‘Ever et de Shem. Au contraire, Yossef pensait que la Torah n’ayant pas été révélée et donnée aux enfants d’Israël, ils étaient encore, de facto, des enfants de Noa’h, non investis des impératifs des lois de la Torah des Hébreux. Or, la Halakha nous enseigne que la she’hita, une fois appliquée, signifie déjà la mort d’une bête pour les enfants d’Israël alors que les noa’hides, les non-Juifs, doivent attendre après la she’hita, à la fin des convulsions de la bête (Talmud ‘Houlin, 33a ; 121b ; Rambam, Lois des rois et leurs guerres, IX, 15). Les frères sont persuadés de se comporter en véritables enfants d’Israël en dépeçant la bête après la she’hita mais avant qu’elle n’ait terminé ses secousses. Les voyant ainsi faire, Yossef rendit compte à son père qu’ils mangeaient de la chair d’un membre arraché du vivant de l’animal, ce qui consistait, pour lui, à une accusation grave contre l’identité authentique prônée par Ya’aqov et un manquement radical à la morale universelle noa’hide.     Plus tard, lorsqu’il sera devenu le leader incontesté de l’Égypte, que ses frères retourneront vers leur père, après avoir découvert l’argent dans leur sac et la coupe du maître de l’Égypte dans le sac de Binyamin, les frères, impitoyables, s’écrièrent, en s’alignant sur la loi des noa’hides, Béréshit XLIV, 9 : « Celui de tes serviteurs qui l’aura en sa possession, qu’il meure ; et nous-mêmes, nous serons les esclaves de mon seigneur ». Mais l’intendant de la maison de Yossef, parlant en son nom, leur répliqua : « Oui, certes, ce que vous dites est juste. Seulement, celui qui en sera trouvé possesseur sera mon esclave, et vous serez quittes ». Ce que vous

Vayéchev : Yossef, frère de ses frères Lire la suite »

Haye Sarah : Avraham et Sarah, précurseurs d’Israël

Après la mort de Sarah à Qiriat Arba’, Avraham veut l’enterrer sur place, dans le pays appelé momentanément du nom de Cana’an, dans le caveau de Makhpéla qui se trouve au bout du champ qui appartenait à ‘Éphrone. Il entame des pourparlers commerciaux pour acquérir la sépulture, Béréshit, XXIII, 4 : « Je suis un גר, un émigré et un תושב, un habitant parmi vous ». Avraham introduit ses négociations commerciales en faisant comprendre à ses interlocuteurs qu’il possède deux qualités, deux attributs : émigré et habitant. C’est soit en tant qu’étranger, domicilié parmi eux, que les enfants de ‘Heth lui donneraient de bonne grâce ce qu’il leur demande, soit en tant qu’habitant fixe, demeurant parmi eux, et il prendra une sépulture par son bon droit, car le Seigneur lui a dit : A ta postérité, Je donnerai ce pays. Rashi précise : « Avraham dit à ‘Éphrone : Si tu ne veux pas me vendre ce caveau parce que je suis un émigré, considère-moi alors comme habitant de ce pays pour un temps illimité ». Ce qui constitue, vous en conviendrez, un argument commercial peu convaincant, si ce n’est spécieux. Mais, conditionné par le temps pour enterrer Sarah et contraint devant la nécessité d’aboutir rapidement à l’acquisition du terrain, Avraham ne veut entamer pour l’instant aucune controverse sur ses véritables droits : Donnez-moi la propriété de la sépulture soit à titre d’émigré soit à titre de concitoyen, alors que tout le pays m’appartient de droit divin.     Toutefois, Avraham aurait dû prendre les devants et aurait pu acheter le dit terrain auparavant par prévention et par précaution. S’il l’avait voulu spécifiquement, il aurait entamé des pourparlers, sans pression. On peut répliquer à ce reproche qu’il aurait été en but à un refus catégorique de la part des ‘Hitéens, descendants de Cana’an, alors que là, son mort posé en évidence devant tout le monde et devant lui, il y a urgence d’enfouissement. Ce qui sous-entend que l’état d’esprit d’Avraham est, malgré tout, de l’acquérir contre espèces sonnantes et trébuchantes, marché à pourvoir par ‘Éphrone, avec plus-value intéressante et significative à se pourlécher les babines du royal bénéfice. On peut prévaloir aussi qu’Avraham aimait Sarah d’éternité et qu’il supposait qu’elle vivrait au-delà du temps, autant que son amour : c’est l’explication que préfère ma femme.     La Torah dévoile dans la préface des récits historiques des situations existentielles et socio-politiques que, dans son histoire, le peuple d’Israël rencontrera et devra vivre avec, puis les résoudre en tant que collectivité.     Rav Emmanuel Chouchena explique ainsi, rappelant le Midrash Béréshit Raba Noa’h : le nom ‘Éphrone est écrit dans la Torah sans la lettre vav עפרן. À propos du verset de Béréshit XXIII, 14-15 : « Éphrone répondit à Avraham en lui disant : “Seigneur, écoute-moi : une terre de quatre cents sicles d’argent, qu’est-ce que cela entre nous deux ? Enterres-y ton mort” », Rashbam explique que la valeur numérique de ‘Éphrone עפרן est de 400, de même que l’expression רע עין, envieux, composée de presque les mêmes lettres. Cette expression fait allusion aux quatre cents sicles d’argent, somme substantielle même de nos jours, qu’Avraham a versée pour l’acquisition du caveau de Makhpéla, à l’extrémité du champ d’Éphrone, le ‘Hitéen. Autrement dit, comme le Talmud Bérakhot, 7b, l’énonce : שמא גרים shema garem, le nom d’une personne influence non seulement sur sa personnalité mais aussi sur son entourage, et au-delà, sur le monde entier. La destinée vertigineuse d’Israël     Or, depuis longtemps, au début du sionisme moderne dit sionisme politique, les mêmes situations existentielles vécues par les patriarches, dans leur relation à leur environnement, sont rencontrées lors de la résurrection de l’entité sioniste : bien qu’Erets Israël appartienne au peuple juif, The Jewish Colonization Association du Baron Maurice Hirsch, le Keren Kayémet LeIsraël, Moïse Montefiore, Rotschild, pour ne citer qu’eux, achetèrent nombre de domaines de notre terre ancestrale. Leurs achats dépassent même les frontières actuelles de notre État : en Syrie, en Jordanie et ailleurs, des actes de propriété en bonne et due forme sont entre les mains de Juifs prévenants. Et parfois, la même terre, le même domaine, le même quartier de la Vieille Ville de Yéroushalayim, de ‘Hébron et d’ailleurs ont été achetés plusieurs fois à différents ‘propriétaires’ brandissant des actes de propriété falsifiés et ‘inscrits au registre’. C’est ainsi que de nos jours 1424 dounams (un dounam équivaut à peu près à un kilomètre carré) de terres achetées avant l’Indépendance, dont les papiers d’acquisition par des Juifs ont été fournis par les Britanniques immédiatement après la Déclaration d’Indépendance de l’État d’Israël, restent orphelins. Une impression de déjà vu     À l’heure de la rédemption, la restauration de la nation hébreue par l’État d’Israël fait resurgir brusquement de la clandestinité galoutique l’histoire de nos patriarches et nous sommes ébahis par l’actualité de leur environnement ancestral dont les personnages nous interpellent toujours, dans la même typologie de rivalité.     Au premier rang, la France, fille aînée de l’Église mais pouponnière du djihadisme, est le seul État au monde à posséder des biens et des terres en Israël, et chaque année se rajoutent des dossiers de réclamation à la possession, certains se basant sur… les Croisades de conquête des rois de France en Terre Sainte et aussi sur les combats qu’y mena Napoléon Bonaparte avec son armée.     Après Avraham, bien plus tard, après la sortie d’Égypte, bien que tous les explorateurs aient été des justes, Bémidbar, XIII, 7 : « c’étaient tous des personnalités considérables », arrivés à la vallée d’Eshkol (Bémidbar XIII, 23), ils prirent peur. Pourquoi la Torah précise-t-elle le nom de cette vallée ? À priori, on pourrait penser qu’ils donnèrent ce nom à cette vallée par anticipation puisqu’ils y cueillirent une grappe de raisin eshkol אשכול. Cependant, cette vallée possédait déjà un nom, celui d’Eshkol, l’un des trois alliés d’Avram, avec ‘Aner et Mamré lors de la guerre des « quatre rois contre cinq » (Béréshit XIV, 9-13). À la question de savoir si Avram devait pratiquer la Brith-Milah de lui-même, sans en avoir reçu l’ordre de Dieu, ce même Eshkol le lui déconseilla, arguant que ses ennemis profiteraient de sa faiblesse

Haye Sarah : Avraham et Sarah, précurseurs d’Israël Lire la suite »

Lekh-lekha : Avraham, notre Père fondateur

Pour sauvegarder l’humanité en particulier, et au-delà, le monde en général, il fut absolument nécessaire que Noa’h se retire dans l’Arche, accompagné d’une partie de l’humanité, sa famille proche, ainsi que des animaux purs et impurs. Cette retraite fut rendue indispensable car le reste du monde avait perverti sa voie morale. À l’époque de Noa’h, la morale telle que voulue par le projet divin était en déroute, comme mentionné dans Béréshit VI, 12 : « Dieu constata que la terre était corrompue, toute créature ayant perverti sa voie sur la terre ». Pour perpétuer le monde, il était donc crucial de préserver cette voie de morale, et ainsi, Noa’h trouva grâce aux yeux du Seigneur, Béréshit VII, 1 : « Le Seigneur dit à Noa’h : « Entre, toi et toute ta famille, dans l’arche, car c’est toi que J’ai reconnu honnête parmi cette génération. » » Le moment de l’introspection est arrivé. Noa’h incarne l’introversion individuelle par excellence, un introverti vertueux pour son salut personnel. À l’inverse, Avraham représente tout le contraire. Béréshit XII, 1-2 : « Le Seigneur dit à Avram : Va pour toi, hors de ton pays, de ton lieu natal, de la maison paternelle, vers le pays que Je t’indiquerai. Et Je ferai de toi une grande nation, Je te bénirai, Je rendrai ton nom glorieux et tu seras bénédiction ». Cette bénédiction, destinée à toutes les familles de la terre, s’incarne depuis le pays désigné, la terre de prédilection, le pays de Moriah. La mutation d’identité de l’humanité Depuis la création, le monde a été saturé par la Parole divine interventionniste. Toutefois, après « la faute », cette Parole s’est arrêtée, s’est occultée et s’est interdite elle-même. Bien que parfois la Parole réapparaisse, elle est à sens unique, sans dialogue entre Dieu et Sa créature. La parole humaine elle-même fut interrompue : Noa’h ne laissa échapper que des paroles de malédiction contre Cana’an. Il fallut attendre Avram pour que la Parole revienne et que le dialogue s’établisse à nouveau. Dieu s’adressait auparavant à des individus d’exception, capables de se hisser vers cette rencontre divine. Avec Avraham, la stratégie divine se réoriente radicalement : le temps de l’extraversion est venu, celui de divulguer la morale selon le projet divin, pour fonder une humanité nouvelle et sauver l’univers tout entier. Avraham, appelé Avram l’Hébreu, אברם העברי, est l’extraverti sage et dévoué au salut de l’humanité tout entière. Contrairement à Noa’h qui agit sur un plan personnel, Avram marque le début d’une éthique collective et universelle. Les dix épreuves subies par Avraham, suscitées par Dieu, forgent la nature profonde de la nation hébraïque. Comme dit le Pirqei Avot V, 3 : « À dix épreuves divines, Avraham, notre père, la Paix sur lui, s’est mesuré et les a surmontées toutes, démontrant ainsi la grandeur de l’amour qu’il portait au Saint, Béni soit-Il ». Le Midrash Béréshit Raba (42, 8) éclaire le titre d’« Avram l’Hébreu » et souligne ses multiples significations : il était du côté opposé du monde, descendant de ‘Ever, et il parlait hébreu, la langue de la sainteté apprise dans la Yeshiva de ‘Ever. Avram est resté le seul à utiliser cette langue de prophétie unissant l’humanité avant la confusion des langues. De l’intérieur à l’extérieur Rav Kook explique que la vertu d’Avraham est celle d’une sagesse de compréhension fondée sur ses capacités personnelles. Cette vertu l’a poussé à appeler au nom de l’amour universel du Créateur, rendant manifeste la Parole divine dans le monde extérieur, en initiant une ère où l’homme participe activement à l’œuvre divine, faisant ainsi émerger la nation hébraïque pour diriger l’humanité sur la voie du bien.

Lekh-lekha : Avraham, notre Père fondateur Lire la suite »

Toledot : Les engendrements

La rivalité fraternelle     Béréshit (25, 21) nous apprend que Yits’haq et Rivqa « ont imploré le Seigneur. » Mariés depuis vingt ans, ils n’avaient pas d’enfant, Rivqa étant stérile. La fécondation médicale n’était pas au point à cette époque et la prière reste, encore de nos jours, la meilleure façon de demander le manque, et c’est ainsi que : « Le Seigneur accueillit cette prière. » Rivqa enceinte, l’humanité perdue rebondit à travers elle, à la recherche de l’authenticité adamique d’avant ‘la faute’ : enfanter un être capable de résoudre les deux tâches imposées à Adam, le premier homme. Il s’agit de la tâche spirituelle qui assure le salut du ciel dans le monde à venir et la tâche matérielle qui permet l’existence dans la vie de ce monde. La matrice éternellement féconde des engendrements trouve de nouveau en Rivqa le réceptacle de sainteté pour la continuation du projet divin.     Mais la stratégie divine divise ces tâches et les répartit à deux jumeaux : « Les enfants s’entre-couraient en son sein. » Rivqa comprend que la rivalité et la séparation qui animaient, à la génération précédente, Yits’haq et Yishmaël, n’ont pas été entièrement résolues. Cela d’ailleurs lui rappelle trop la rivalité de Caïn et Hével, avec pour conclusion la suppression du mot frère de la Torah et l’exil de la fraternité. Il a fallu attendre Avraham pour que le mot frère réapparaisse. Rashi souligne ce problème sur le verset de Béréshit (25, 19) : « Et voici les engendrements de Yits’haq : Ya’aqov et ‘Essav dont parle la parashah ». Autrement dit, comme Avraham a engendré un conflit fraternel avec Yits’haq et Yishma’ël, Yits’haq aussi engendra un conflit fraternel du même genre, avec Ya’aqov et ‘Essav. Le conflit d’identité entre les deux enfants, déjà dans la matrice, reflète un problème spirituel d’envergure telle que Dieu seul détient la solution : « Rivqa alla consulter le Seigneur », car à quoi bon l’enfantement si, déjà dans ses entrailles, le combat ne peut se résoudre ? Béréshit (25, 23) répond à ce dilemme : « Le Seigneur lui dit : ‘Deux nations sont dans ton sein et deux peuples sortiront de tes entrailles ; un peuple sera plus puissant que l’autre, et l’aîné obéira au plus jeune’. » Rivqa est tranquillisée car au moins, il n’y aura pas de fratricide, les deux enfants vivront ensemble malgré leurs lignées qui revendiqueront deux tâches diamétralement différentes. ‘Essav choisit la matière et Ya’aqov l’esprit. Le combat fondamental     Le Midrash Béréshit Raba (63) souligne l’antagonisme virulent qui oppose ces deux mondes antinomiques : « Quand Rivqa passait devant les maisons d’études de Chem et de ‘Ever, ancêtres d’Avraham, Ya’aqov se débattait pour sortir et s’y précipiter ; et quand elle passait devant un lieu d’idolâtrie, c’est ‘Essav qui voulait sortir. » L’un est attiré vers le bien, l’autre vers le mal, Ya »aqov est intègre et ‘Essav est disposé à la faute. Ya’aqov est né circoncis, parfait à tous égards, sans besoin de perfectionnement. Leurs tempéraments se distinguent dès l’adolescence et Rivqa prévoit un combat cosmique fondamental qui séparera la tâche de ses enfants, Béréshit (25, 27) : « Les enfants grandirent, ‘Essav devint un homme habile à la chasse, un homme du champ, et Ya’aqov un homme intègre qui habite dans les tentes. » Leurs personnalités sont radicalement opposées, ce que Rabi Lévi dit : « Ils sont comme une ronce et un cédrat qui poussent l’un à côté de l’autre. Quand ‘les enfants grandirent’, tous deux allèrent à l’école pendant treize ans, l’un a donné du fruit, l’autre des épines ; après treize ans, l’un se rendit à la Maison d’études, l’autre à la Maison d’idolâtrie. »     L’homme du champ ‘Essav est un homme courageux qui se mesure avec la réalité matérielle et terrestre, mais il est foncièrement violent. Il ne consacre pas sa vie à limer son cerveau à celui des Sages de la Maison d’Etudes de Shem et de ‘Ever, ses ancêtres, ou à la recherche spirituelle. Son domaine préféré est la nature, la forêt et les champs, il bat la campagne pour l’assujettir. Or il n’y a aucun mal à trouver un assouvissement à son caractère sanguinaire dans les choses permises. Il chasse de telle façon que son gibier est cachère et que son père accepte d’en manger. Béréshit (25, 28) en témoigne : « Yits’haq préfère ‘Essav car il met de la chasse dans sa bouche. » Pour lui, son grand fils est bon puisqu’il le respecte en lui assurant sa subsistance, quotidiennement. La spécialisation de ‘Essav est la matière avec pour polarisation la technique pour dompter la terre. Son grand fils mérite une attention particulière au vu de ses potentialités infinies de se mesurer au monde-ici-bas. Pour Yits’haq, il y a nécessité absolue de l’entourer de toute son envergure spirituelle pour lui donner la motivation de construire ce monde dans la droiture, en toute pureté.     Le mérite d’Essav est le respect filial. En effet, tant qu’Avraham vécut, le Talmud nous dit qu’il est resté apparemment dans le droit chemin. Il avait quinze ans quand Avraham mourut. Pendant deux ans, depuis la Bar Mitsvah à l’âge de quinze ans, il s’est dissimulé pour que ses crimes ne soient pas dévoilés car il ne voulait pas causer de peine à son père duquel il voulait tellement la bénédiction dans ses actes. Tant que son père vécut, il faisait semblant d’étudier devant lui la Torah et il ne voulait pas tuer son frère pour ne pas le peiner. Pour lui faire plaisir, il épouse une fille d’Yishmaël (Béréshit 27, 8), mais il ne répudie pas ses femmes païennes. Cependant, donner à la matière une priorité automatique démesurée et déconnectée du spirituel, débouche sur la violence effrénée. Bien sûr, la nature est sacrée, elle nous sert à la sainteté et au service divin, au salut de l’homme, mais s’en occuper incessamment conduit à la divinisation du matériel et à l’idolâtrie. Au lieu de se servir de la nature pour un but élevé, on se met à son service. De plus, cette concentration de forces humaines sur les problèmes terrestres

Toledot : Les engendrements Lire la suite »

Vayera : Avraham et Sarah – fondateurs de l’univeralité

Béréshit, XVII, 1 : « Avram étant âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans, Hashem, (שם הויה) le Seigneur, lui apparut et lui dit : “Je suis El Shadaï, Dieu tout-puissant (אל שדי) ; marche devant Moi et sois intègre… Pour sauvegarder l’humanité en particulier, et au-delà, le monde en général, il fut absolument nécessaire que Noa’h se retirât dans l’Arche, accompagné d’un concentré d’humanité, sa famille proche, les animaux purs et impurs. Cette retraite fut rendue nécessaire car le reste du monde avait corrompu sa voie morale. En effet, à l’époque de Noa’h, la morale selon le projet divin pour l’humanité était en débâcle, Béréshit VI, 12 : « Dieu considéra que la terre était corrompue, toute créature ayant perverti sa voie sur la terre ». Il fut absolument nécessaire, pour perpétuer le monde, de garantir la voie de la morale, c’est ainsi que Noa’h trouva grâce aux yeux du Seigneur, Béréshit VII, 1 : « Le Seigneur dit à Noa’h : « Entre, toi et toute ta famille, dans l’arche ; car c’est toi que J’ai reconnu honnête parmi cette génération. » ».     Le temps de l’introspection est venu, et si l’on peut s’exprimer ainsi, Noa’h représente l’introversion de l’individuel par excellence, c’est l’introverti vertueux pour son salut personnel. Par contre, en ce qui concerne Avraham, c’est tout le contraire, Béréshit, XII, 1-2 : « Le Seigneur dit à Avram : Va pour toi, hors de ton pays, de ton lieu natal, de la maison paternelle, vers le pays que Je t’indiquerai. Et Je ferai de toi une grande nation, et Je te bénirai, Je rendrai ton nom glorieux et tu seras bénédiction ». Bénédiction pour toutes les familles de la terre à partir du pays indiqué, la terre de prédilection, le pays de Moria ! La mutation d’identité de l’humanité     Depuis le début de la création, l’atmosphère du monde est saturée par la Parole divine interventionniste. Mais depuis « la faute », elle s’est arrêtée, occultée, interdite d’elle-même. Parfois la Parole réapparaît mais elle n’est qu’à sens unique, le dialogue est absent entre Dieu et Sa créature. La parole humaine elle-même est interrompue, Noa’h n’ouvre la bouche que pour maudire Cana’an. Il faudra attendre Avram pour que la Parole revienne et que le dialogue se rétablisse. Auparavant, Dieu s’adressait à quelques individus de stature exceptionnelle qui pouvaient s’efforcer et grimper aux cimes de la rencontre avec Dieu. Depuis Avraham, la directive stratégique divine nécessite obligatoirement un retournement radical d’orientation : le temps de sortir des sentiers battus est venu, le temps de l’extraversion est venu. Le temps du jaillissement vers l’extérieur, de divulguer la morale selon le projet divin à travers le monde pour perpétuer une nouvelle humanité et sauver, avec elle, l’univers tout entier.     Avraham, notre patriarche fondateur de la nation hébreue, qui portait encore son nom d’origine, Béréshit XLII, 13 : Avram l’Hébreu, אברם העברי, représente l’extraversion de l’individuel par excellence. C’est l’extraverti fervent et sage pour le salut de l’humanité tout entière. Il ne s’agit plus du niveau comportemental moral individuel, comme ce fut le cas de Noa’h mais, avec Avram, c’est au niveau du comportement de l’être, à l’indice d’une nation dans toute son envergure universelle. Si Noa’h avait trouvé grâce aux yeux du Seigneur, par gratuité absolue de Sa part, Avram, quant à lui, doit faire preuve de sa vertu par dix épreuves, suscitées par Dieu, pour forger le caractère intrinsèque de la nation hébreue, au niveau de son être universel.     Le Midrash Béréshit Raba, 42, 8 enseigne à propos de la dénomination « Avram l’Hébreu » : « Que signifie l’Hébreu ?– Rav Yéhouda dit : le monde entier est d’un côté et Avram est de l’autre côté (‘éver, עבר).– Rav Né’hémia dit : Avram était l’un des descendants de ‘Ever (fils de Shem fils de Noa’h).– Les Sages disent : Avram était de l’autre côté du fleuve (l’Euphrate, comme il est dit, Yéhoshoua’, XXIV, 3 : « Et Je pris votre père Avraham, de l’autre côté du fleuve ») et qu’il parlait l’hébreu ».     Avram parlait hébreu car la connaissance se transmettait en hébreu, la langue de sainteté, dans la Yéshiva de ‘Ever, où il étudiait. Avram est le seul des descendants de ‘Ever à parler encore la langue de la prophétie (Béréshit Raba, 37, 7) qui unissait l’humanité et précédait la confusion des langues conséquente à la Tour de Babel. Il instaure le projet de la messianité de l’histoire d’Israël jusqu’à son aboutissement ultime, qui l’oppose aux impérialismes du monde entier représentés par l’exil d’Our Kasdim, la « fournaise » de Kasdim.     En correspondance aux dix paroles par lesquelles le monde fut créé, la nation hébreue fut créée par les dix épreuves subies par Avraham qui les surmonta toutes, Pirqei Avot, V, 3 : « À dix épreuves divines Avraham, notre père, la Paix sur lui, s’est mesuré et il les surmonta toutes, pour montrer la grandeur de l’amour qu’il portait au Saint, Béni est-Il ». C’est mutuel, car ces épreuves montrent aussi le grand amour que Dieu lui porte. Le peuple d’Israël a donc sur qui prendre exemple, à la lumière directrice d’Avraham, notre patriarche, le plus grand homme parmi les géants de la nouvelle humanité (Yéhoshoua’, XIV, 15, selon Béréshit XXIII, 6 : « Tu es le Prince de Dieu parmi nous ».) Et dire, à l’instar du Talmud Rosh Hashana, 20a, pour la nouvelle lune : « Ainsi, vois et sanctifie ». La première épreuve : sortir de son cocon     Notre Seigneur interpelle Avram pour qu’il sorte à l’extérieur. À partir de cet appel, Avram n’est déjà plus une personne individuelle mais une personnalité d’envergure universelle, appelée à fonder une nation telle que par son truchement, la bénédiction divine se répande à travers l’univers, urbi et orbi, à l’intérieur de la Cité et à l’extérieur. Ainsi, depuis Avram, une révolution bouleverse l’histoire, un sursaut d’humanité nouvelle balaie le monde, la vie individuelle de chacun saute d’un cran pour passer à l’ampleur d’une collectivité. La vie d’un peuple est inaugurée par son premier fondateur Avram, avec sa femme Sarah, notre matriarche. Avec Avraham et Sarah surgit subitement dans l’histoire, non pas seulement une nouvelle dimension morale de la préoccupation spirituelle de son prochain, mais une dimension jusqu’ici occultée dans

Vayera : Avraham et Sarah – fondateurs de l’univeralité Lire la suite »

Retour en haut