Vayéchev

Vayéchev : Yossef, frère de ses frères

Cause de tout nouvel exil : la médisance     Béréshit, XXXVII, 2 : « Voici les engendrements de Ya’aqov : Yossef ! Lorsqu’il fut âgé de dix-sept ans, menait paître les brebis avec ses frères, et c’était un adolescent parmi les fils de Bilha et les fils de Zilpa, femmes de son père ; et Yossef débitait à leur encontre de la médisance à leur père ». La médisance en quoi que ce soit, même si elle prétend dire ou décrire la vérité, inhibe la rédemption et cause tous les exils (Rambam, Lois des opinions, VII, 2 ; ‘Hafets ‘Haïm, Lois du Lashon hara’). Rashi commente que Yossef disait toutes sortes de médisances sur le dos des fils de Léah et qu’ils méprisaient les fils de Bilha et Zilpa, alors que Yossef, lui-même, essayait de les rapprocher. On notera cependant que le verset souligne, selon le signe de cantillation apposé au rythme du verset, que les engendrements de Ya’aqov se résument à son fils Yossef qui lui ressemblait et il voyait en lui la personne capable de pousser plus loin la mutation d’identité du particularisme de sa famille vers la collectivité du peuple d’Israël. Cependant, il rendait à son père ce compte-rendu : a) ses frères mangeaient de la chair d’un membre arraché du vivant d’une bête, b) ils méprisaient leurs frères, fils des servantes, en les nommant du qualificatif peu reluisant ‘d’esclaves’, c) il les soupçonnait de transgresser les lois de la pureté familiale. La médisance portait donc sur trois domaines de la Halakha : a) Les lois envers le royaume animal : la consommation des animaux est permise depuis leur sauvetage par Noa’h dans son arche lors du Déluge. Ces lois définissent la casherout, la consommation permise par Dieu Lui-même, Béréshit, IX, 3 : « Tout ce qui se meut, tout ce qui vit, servira à votre nourriture ; de même que les végétaux, Je vous livre tout. Toutefois aucune créature, tant que son sang maintient sa vie, vous n’en mangerez. Toutefois encore, votre sang, qui fait votre vie, J’en demanderai compte : Je le demanderai à tout animal, et à l’homme lui-même, si l’homme frappe son frère, Je redemanderai la vie de l’homme ». b) Les lois envers son prochain qui définissent l’amour en fraternité. c) Les lois envers soi-même qui définissent la pureté familiale et l’intégrité sexuelle.     Ces trois dimensions doivent être présentes chez le peuple saint nommé ‘royaume de Cohanim’ et définissent le degré d’intégrité de l’individu à l’intérieur de sa collectivité, et au-delà, de la qedousha, de la sainteté de la collectivité d’Israël en général.     Yossef voulait-il suggérer à son père que ses enfants n’avaient pas encore atteint ce niveau requis pour qu’il puisse se reposer sur ses lauriers, dont le retour d’exil de chez Lavan, la surabondance de biens et de progéniture que suggère le début de la parasha : « Ya’aqov demeura (voulut demeurer en toute tranquillité) dans le pays des pérégrinations de son père, dans le pays de Cana’an » ? Pourtant, Ya’aqov n’était-il pas conscient que la rédemption de la rupture entre les frères qui avait causé précisément son exil, poursuivi par son frère ‘Essav qui voulait le trucider, n’était pas encore advenue ? Le contentieux entre les frères     Rav Emmanuel Chouchena enseigne, à propos de la cashrout : Comment les frères pouvaient-ils commettre une telle abomination ? En fait, un point fondamental divisait Yossef et ses frères sur la question de savoir si les fils de Ya’aqov se considéraient comme des enfants d’Israël, בני ישראל, ou des enfants de Noa’h, בני נח, les noa’hides que l’on nomme : les non-Juifs. Étant donné que la transgression de ces trois ordres de Halakha met en péril la pérennité du futur peuple d’Israël, l’identité messianique de ce peuple n’aurait pas encore atteint son seuil de vérité. Ce qui remettrait à la fin des temps le respect de la morale universelle authentique et le renoncement à l’idolâtrie pour qu’apparaisse le peuple de Cohanim, à son apogée, catalyseur de rédemption de l’humanité et de l’histoire, qui doit sauver les nations du monde qui ne le refuseraient pas.     Les frères soutenaient qu’étant les fils de Ya’aqov désormais appelé Israël, ils avaient le statut d’enfants d’Israël, בני ישראל, de jure, par la force de la pure Halakha, avant même la proclamation de la Torah à l’évènement du Mont Sinaï et ses directives de vie. Ils pensaient être les dépositaires de l’antique hébraïsme et de la religion hébreue apprise à la Yéshiva de ‘Ever et de Shem. Au contraire, Yossef pensait que la Torah n’ayant pas été révélée et donnée aux enfants d’Israël, ils étaient encore, de facto, des enfants de Noa’h, non investis des impératifs des lois de la Torah des Hébreux. Or, la Halakha nous enseigne que la she’hita, une fois appliquée, signifie déjà la mort d’une bête pour les enfants d’Israël alors que les noa’hides, les non-Juifs, doivent attendre après la she’hita, à la fin des convulsions de la bête (Talmud ‘Houlin, 33a ; 121b ; Rambam, Lois des rois et leurs guerres, IX, 15). Les frères sont persuadés de se comporter en véritables enfants d’Israël en dépeçant la bête après la she’hita mais avant qu’elle n’ait terminé ses secousses. Les voyant ainsi faire, Yossef rendit compte à son père qu’ils mangeaient de la chair d’un membre arraché du vivant de l’animal, ce qui consistait, pour lui, à une accusation grave contre l’identité authentique prônée par Ya’aqov et un manquement radical à la morale universelle noa’hide.     Plus tard, lorsqu’il sera devenu le leader incontesté de l’Égypte, que ses frères retourneront vers leur père, après avoir découvert l’argent dans leur sac et la coupe du maître de l’Égypte dans le sac de Binyamin, les frères, impitoyables, s’écrièrent, en s’alignant sur la loi des noa’hides, Béréshit XLIV, 9 : « Celui de tes serviteurs qui l’aura en sa possession, qu’il meure ; et nous-mêmes, nous serons les esclaves de mon seigneur ». Mais l’intendant de la maison de Yossef, parlant en son nom, leur répliqua : « Oui, certes, ce que vous dites est juste. Seulement, celui qui en sera trouvé possesseur sera mon esclave, et vous serez quittes ». Ce que vous

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