Émor : la multiplication de la vie
Le sujet des Livres de Béréshit et Shémot est la préface historique indispensable du Créateur qui s’adresse à l’homme. Le Livre de Vayiqra, quant à lui, décrit la réaction de l’homme qui s’adresse à son Créateur, en retour. Cette réaction implique l’apparition du détail des harmoniques pour la confirmation de la sainteté. C’est ce qui explique la multiplication des mitsvot pour atteindre la sainteté de la vie. Car la sainteté pour la Torah est l’unité de toutes les valeurs enfouies dans la réalisation des mitsvot. Lorsque l’unité des valeurs se dévoile, la sainteté apparaît. La parasha Émor est entièrement consacrée aux Cohanim. La première partie décrit les Halakhot particulières aux Cohanim. La deuxième partie concerne la sanctification du temps et des Fêtes solennelles de commémoration. La troisième partie concerne la consécration de la terre, la sainteté d’Érets Israël. Ainsi trois paramètres de sainteté définissent trois catégories de la réalité : l’humanité, la temporalité, la spatialité. Il en ressort que le Livre de Vayiqra débute par la sainteté de l’homme, et par là-même le récit poursuit par la sainteté des temps évènementiels commémoratifs pour enfin déboucher sur la sainteté de la Terre. Inversement, avec le Livre de Béréshit, pour la création à son début, c’est d’abord le Shabat qui est sanctifié, le septième jour est mis à part d’entre les six autres, pour le Livre de Shémot, c’est le peuple hébreu qui est sanctifié, peuple saint goï qadosh גוי קדוש mis à part et enfin, le lieu est consacré, l’endroit du mishkan, est mis à part, véhicule de la résidence de la Présence. Le Tabernacle est le point du monde, le point du temps où la sainteté est apparue (Rav Tsvi Yéhouda Kook, Leçons III). Mais cela ne suffit pas et il y a besoin de plus hébreux d’entre les Hébreux : les Cohanim dont la fonction est de faire la paix entre les hommes, entre les hors-la-loi, les résha’ïm, et les justes, les tsadiqim. Cette fonction ne peut être assurée que lorsque les Cohanim endossent pleinement leur sacerdoce d’affirmer la certitude de la Présence divine. Or, quand nous voyons, de nos propres yeux toujours ébahis, avec quelle compétence et quelle enthousiasme nos ‘hazanim, nos fervents s’adressent à Dieu à la synagogue, les officiants au Cotel Occidental ou à l’Armée de Défense d’Israël et avec quel amour, en tout lieu, le fervent israélien prie Dieu, n’est-ce pas là la certitude éclatante de la Présence divine parmi nous, en Terre d’Israël ? Il y a donc besoin intrinsèque et permanent d’hommes saints tout le temps, des professionnels spécialistes ès-sainteté et ce sont les Cohanim qui en ont la fonction. Dans le Livre de Shémot nous voyons se développer la Torah de Moshé qui pose l’axiome comme quoi un individu peut parvenir fondamentalement à proximité du Seigneur. Puis aussi, la Torah du Grand Cohen Aharon qui pose l’axiome comme quoi l’homme est pétri de manques qu’il doit impérativement sublimer en établissant des ponts, élevant ces manques à la dignité morale requise pour aboutir à la sainteté. En français, il y a un terme dépassé avec une consonance négative : pontifier, c’est-à-dire obtenir la protection des divinités tutélaires selon les augures, des « ponts » par lesquels une relation, une communication, un lien peuvent s’établir et qui a donné le terme pontife. Mais ce terme est absolument fautif pour traduire la signification hébraïque du mot Cohen car il est pétri de mentalité culturelle gréco-romaine et de spiritualité chrétienne. Le Cohen est le lien entre l’Infini totalement inconnaissable et le fini totalement connaissable, par la prière et le service divin au Temple. Pour combler ses manques, l’homme et le peuple ont besoin d’un corps « pontifical » intermédiaire indispensable par le truchement duquel ils pourront communiquer avec la Présence. Et ceci est en contraste extrême avec Moshé, notre maître, qui entrait dans la Tente d’Assignation, en relation intime avec la Présence, sans vêtements particuliers dont les Cohanim sont généralement obligés d’endosser pour le service. La sanctification du Nom du Seigneur Le Rav Kook écrit, Orot p. 54 : « Le peuple d’Israël, dans son ensemble, est la preuve de l’existence de la sainteté. Israël est l’unique preuve de la possibilité de la sainteté que nous observons à travers la reconstruction de la vie, partout en Érets Israël ». La construction de l’État d’Israël est la preuve incontestable de la victoire de la sainteté. La sanctification du Nom consiste à s’attacher au fait national juif de la société israélienne actuelle, en augmentant la diffusion de la lumière divine, et ainsi de vivre au sein de l’État d’Israël d’une parfaite harmonie, afin que l’ensemble de la nation vive au diapason de l’unité entre l’esprit et la matière ressuscités. Les pesanteurs du train-train quotidien, la monotonie inlassable des jours dissipent l’illumination de la sainteté qui entoure la vie. Ces obstacles et ces déconvenues exigent de nous un indispensable renouvellement. Sans renouvellement de l’âme qui entraîne le corps dans son sillage, l’homme sombre dans une détresse indicible. Ce renouvellement est assuré par les solennités, les rencontres avec la sainteté, mais également grâce à la présence des Cohanim au sein de la nation, les plus grands hommes idéalistes. Ils assument leur rôle de qedoshim, de saints qui montrent l’exemple, et qui prient pour prouver qu’il y a éternité malgré le temps. L’homme triomphe ainsi du temps. De plus, Érets Israël possède, elle aussi, un caractère fondamentalement saint qui influe sur la sainteté des êtres acceptés par elle sur son propre espace tellurique, et plus évidemment lors des Fêtes de commémorations solennelles. Les trois paramètres de ce renouvellement constituent trois lucarnes ouvertes à la lumière divine : triple rencontre dans l’espace, le temps et la personne humaine, détentrice du libre arbitre, dont le rôle éminent est d’accéder à la perfection, au bien universel (Séfer Yétsira VI, 1 ; Kozari II, 16-20, IV, 25). Selon Shemot XIX, 18, à la Déclaration des Dix-Commandements : « Or, le Mont Sinaï était tout עשן ‘ashan, fumée, parce que le Seigneur y était descendu au sein de la flamme ; sa fumée montait comme celle d’une fournaise, et la montagne
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