Toledot : prédestination et libre arbitre
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La rivalité fraternelle Béréshit (25, 21) nous apprend que Yits’haq et Rivqa « ont imploré le Seigneur. » Mariés depuis vingt ans, ils n’avaient pas d’enfant, Rivqa étant stérile. La fécondation médicale n’était pas au point à cette époque et la prière reste, encore de nos jours, la meilleure façon de demander le manque, et c’est ainsi que : « Le Seigneur accueillit cette prière. » Rivqa enceinte, l’humanité perdue rebondit à travers elle, à la recherche de l’authenticité adamique d’avant ‘la faute’ : enfanter un être capable de résoudre les deux tâches imposées à Adam, le premier homme. Il s’agit de la tâche spirituelle qui assure le salut du ciel dans le monde à venir et la tâche matérielle qui permet l’existence dans la vie de ce monde. La matrice éternellement féconde des engendrements trouve de nouveau en Rivqa le réceptacle de sainteté pour la continuation du projet divin. Mais la stratégie divine divise ces tâches et les répartit à deux jumeaux : « Les enfants s’entre-couraient en son sein. » Rivqa comprend que la rivalité et la séparation qui animaient, à la génération précédente, Yits’haq et Yishmaël, n’ont pas été entièrement résolues. Cela d’ailleurs lui rappelle trop la rivalité de Caïn et Hével, avec pour conclusion la suppression du mot frère de la Torah et l’exil de la fraternité. Il a fallu attendre Avraham pour que le mot frère réapparaisse. Rashi souligne ce problème sur le verset de Béréshit (25, 19) : « Et voici les engendrements de Yits’haq : Ya’aqov et ‘Essav dont parle la parashah ». Autrement dit, comme Avraham a engendré un conflit fraternel avec Yits’haq et Yishma’ël, Yits’haq aussi engendra un conflit fraternel du même genre, avec Ya’aqov et ‘Essav. Le conflit d’identité entre les deux enfants, déjà dans la matrice, reflète un problème spirituel d’envergure telle que Dieu seul détient la solution : « Rivqa alla consulter le Seigneur », car à quoi bon l’enfantement si, déjà dans ses entrailles, le combat ne peut se résoudre ? Béréshit (25, 23) répond à ce dilemme : « Le Seigneur lui dit : ‘Deux nations sont dans ton sein et deux peuples sortiront de tes entrailles ; un peuple sera plus puissant que l’autre, et l’aîné obéira au plus jeune’. » Rivqa est tranquillisée car au moins, il n’y aura pas de fratricide, les deux enfants vivront ensemble malgré leurs lignées qui revendiqueront deux tâches diamétralement différentes. ‘Essav choisit la matière et Ya’aqov l’esprit. Le combat fondamental Le Midrash Béréshit Raba (63) souligne l’antagonisme virulent qui oppose ces deux mondes antinomiques : « Quand Rivqa passait devant les maisons d’études de Chem et de ‘Ever, ancêtres d’Avraham, Ya’aqov se débattait pour sortir et s’y précipiter ; et quand elle passait devant un lieu d’idolâtrie, c’est ‘Essav qui voulait sortir. » L’un est attiré vers le bien, l’autre vers le mal, Ya »aqov est intègre et ‘Essav est disposé à la faute. Ya’aqov est né circoncis, parfait à tous égards, sans besoin de perfectionnement. Leurs tempéraments se distinguent dès l’adolescence et Rivqa prévoit un combat cosmique fondamental qui séparera la tâche de ses enfants, Béréshit (25, 27) : « Les enfants grandirent, ‘Essav devint un homme habile à la chasse, un homme du champ, et Ya’aqov un homme intègre qui habite dans les tentes. » Leurs personnalités sont radicalement opposées, ce que Rabi Lévi dit : « Ils sont comme une ronce et un cédrat qui poussent l’un à côté de l’autre. Quand ‘les enfants grandirent’, tous deux allèrent à l’école pendant treize ans, l’un a donné du fruit, l’autre des épines ; après treize ans, l’un se rendit à la Maison d’études, l’autre à la Maison d’idolâtrie. » L’homme du champ ‘Essav est un homme courageux qui se mesure avec la réalité matérielle et terrestre, mais il est foncièrement violent. Il ne consacre pas sa vie à limer son cerveau à celui des Sages de la Maison d’Etudes de Shem et de ‘Ever, ses ancêtres, ou à la recherche spirituelle. Son domaine préféré est la nature, la forêt et les champs, il bat la campagne pour l’assujettir. Or il n’y a aucun mal à trouver un assouvissement à son caractère sanguinaire dans les choses permises. Il chasse de telle façon que son gibier est cachère et que son père accepte d’en manger. Béréshit (25, 28) en témoigne : « Yits’haq préfère ‘Essav car il met de la chasse dans sa bouche. » Pour lui, son grand fils est bon puisqu’il le respecte en lui assurant sa subsistance, quotidiennement. La spécialisation de ‘Essav est la matière avec pour polarisation la technique pour dompter la terre. Son grand fils mérite une attention particulière au vu de ses potentialités infinies de se mesurer au monde-ici-bas. Pour Yits’haq, il y a nécessité absolue de l’entourer de toute son envergure spirituelle pour lui donner la motivation de construire ce monde dans la droiture, en toute pureté. Le mérite d’Essav est le respect filial. En effet, tant qu’Avraham vécut, le Talmud nous dit qu’il est resté apparemment dans le droit chemin. Il avait quinze ans quand Avraham mourut. Pendant deux ans, depuis la Bar Mitsvah à l’âge de quinze ans, il s’est dissimulé pour que ses crimes ne soient pas dévoilés car il ne voulait pas causer de peine à son père duquel il voulait tellement la bénédiction dans ses actes. Tant que son père vécut, il faisait semblant d’étudier devant lui la Torah et il ne voulait pas tuer son frère pour ne pas le peiner. Pour lui faire plaisir, il épouse une fille d’Yishmaël (Béréshit 27, 8), mais il ne répudie pas ses femmes païennes. Cependant, donner à la matière une priorité automatique démesurée et déconnectée du spirituel, débouche sur la violence effrénée. Bien sûr, la nature est sacrée, elle nous sert à la sainteté et au service divin, au salut de l’homme, mais s’en occuper incessamment conduit à la divinisation du matériel et à l’idolâtrie. Au lieu de se servir de la nature pour un but élevé, on se met à son service. De plus, cette concentration de forces humaines sur les problèmes terrestres
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