DANS LA GUERRE, FAUT-IL AVOIR DE LA COMPASSION POUR LES ENNEMIS ?

Il y a un commandement dans la Torah, qui apparaît dans la parasha Shoftim et que Nahmanide cite dans son Sefer Hamitsvot :

"La cinquième mitsva nous ordonne, lorsque nous faisons le siège d'une ville, de laisser un côté non assiégé, afin qu'ils puissent s'enfuir de là s'ils le désirent."

Lorsqu'on assiège une ville, il faut donc laisser aux ennemis une issue ouverte, afin qu'ils puissent s'enfuir. Dans ses explications, le Ramban apporte deux interprétations, la deuxième est que cela fait partie des tactiques de la guerre : "Et cela dessert également nos intérêts, car cela leur ouvre la voie de la fuite, en sorte qu'ils ne se retourneront pas contre nous."

Si l'armée encercle l'ennemi de tous les côtés, il risque de s'en trouver galvanisé, car souvent, le désespoir est la raison de la victoire. En effet, lorsque quelqu'un est désespéré, il utilise toutes les forces qui lui restent, et il agit de manière irrationnelle. C'est pourquoi il est ordonné de laisser à l'ennemi une issue de secours, ainsi il sera moins désespéré et nous pourrons le vaincre.

Compassion

Mais la première explication apportée par Nahmanide est plus essentielle : "car ainsi nous apprendrons à agir avec compassion même envers nos ennemis en temps de guerre". Comment se fait-il que nous devions avoir de la compassion pour nos ennemis en temps de guerre ?!

Dans un autre contexte, le Sefer HaKhinoukh cite un principe qui convient également à notre propos : "La vertu de compassion est une bonne vertu, et il est souhaitable pour nous, une sainte descendance, d'agir ainsi dans toutes nos activités, et même avec les ennemis pratiquant l'idolâtrie - pour notre propre dignité, et non parce qu'ils méritent la compassion et la bonté."

Ainsi, le Sefer HaKhinoukh nous apprend que cette mitsva n'est pas destinée à nos ennemis, elle est à usage interne. Nous sommes le peuple du Bien, et une part essentielle de nos commandements est destinée à nous rendre meilleurs. Par conséquent, même en temps de guerre, il est important pour nous de ne pas perdre la vertu juive de bonté. Bien sûr, il ne s'agit pas d'une situation où cette compassion met en danger nos soldats. Si on a laissé l'ennemi fuir d'un côté, mais qu'il en profite pour nous attaquer de l'autre - il est impensable d'agir de la sorte, et ce n'est évidemment pas l'intention de la Torah.  Le rabbin Yitzhak Kaufman a déjà écrit dans son livre "L'armée selon la loi" que cette loi ne s'applique que si elle ne contredit pas le succès de la guerre.

Tactiques de guerre

Nous devons également savoir que cette explication, liée à notre nature de bonté, fait  partie des tactiques de la guerre. Car le peuple d'Israël ne combat qu'au nom du Bien, nous ne pouvons pas être mauvais, et ce que nous savons faire en utilisant force et puissance, c'est seulement dans le but de devenir meilleurs en combattant le mal.

Ces préceptes vont si loin que Rachi note dans le livre de Samuel II, que la sanctification du Nom réalisée par l'armée d'Israël se fait même lorsqu'elle enterre les victimes de nos ennemis. A nouveau, il nous faut souligner que tout cela ne peut être au détriment de la victoire militaire, et que si pour la victoire nous devons agir cruellement, nous serons tenus de le faire, comme cela est raconté dans le livre de Josué à propos d'Adoni-Bezek et comme l'a fait le roi David contre Moab.

Mais maintenant, il s'agit d'un autre sujet – à savoir que la bonté naturelle d'Israël n'est pas oubliée même en temps de guerre, et que cela fait également partie des tactiques de la guerre. Car pour que le peuple d'Israël gagne - nous devons être meilleurs, pas moins bons. Nous n'avons pas le droit de passer outre notre vertu d'indulgence, et lorsque nous le pouvons sans que cela n'affecte la guerre, nous devons agir avec la bonté propre à ce peuple, même en temps de guerre.

Rav David Giami

Traduction de Machiv Harouah