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VAYIKRA + HAHODESH - 1985

Le cours

 

(1985)  וַיִּקְרָא

 

Le livre de וַיִּקְרָא concerne toutes les prescriptions au sujet de la sainteté qui est réservée, à des degrés divers, à la tribu de Lévi et à la branche aînée de la tribu de Lévi qui sont les כֹּהֲנִים, et d’autre part la distinction entre la pureté et l’impureté.

 

Les 1ères Sidrot du livre abordent ce thème, et en particulier le thème du sacrifice. C’est la raison pour laquelle en français on a pris l’habitude de traduire וַיִּקְרָא par le mot de Lévitique : la תּוֹרָה qui concerne les Léviim. En hébreu, c’est plus précis : כֹּהֲנִים  תוֹרָת.

Il y a une intention bien précise : En principe c’est la תּוֹרָה qui était modèle pour tout Israël.

Ce niveau d’exigence des מִצוֹת par rapport à la sainteté et la distinction entre l’impureté et la pureté était en principe le niveau auquel était appelé tout Israël.

 

Cf. le verset :

Avant le סִּינַי הַר מַעֲמָדֲ avant la révélation du Sinaï, Dieu révèle à Moïse et le charge de transmettre à Israël Son projet d’identité pour Israël:  

 וְאַתֶּם תִּהְיוּ-לִי מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים וְגוֹי קָדוֹשׁ

Et quant à vous vous serez pour Moi une royauté de prêtres.

Le niveau de כֹּהֲנִים c’est le niveau de sainteté qui exige la séparation entre l’impureté et la pureté, et par conséquent tout Israël était appelé à être  מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים.

 

Comme vous le savez des événements ont fait que ce projet initial pour tout Israël comme société de כֹּהֲנִים est reporté à la fin des temps, et jusque-là le projet est différé mais n’est pas annihilé. Et ce sera une délégation de sainteté qui est donnée à nouveau à la tribu de Lévi et à un niveau plus central aux כֹּהֲנִים eux-mêmes. Lorsque nous étudierons ce thème, sujet important pour lui-même, alors on rappellera qu’il y a eu deux raisons pour lesquelles ce projet messianique à priori – [Israël tout entier comme un peuple qui serait la tribu de Lévi et plus exactement les כֹּהֲנִים, par rapport au reste de l’humanité qui serait comme les tribus d’Israël] - est repoussé jusqu’aux temps de la fin de temps d’exil: Il y a deux raisons à ce différé, l’une extérieure, l’autre intérieure :

=> Le refus des גּוֹיִם d’un tel statut dans l’histoire de l’humanité,

=> L’incapacité pour Israël d’être à la hauteur de ce projet-là. C’est ce qui s’exprime par l’incident de la faute du veau d’or.

 

Et donc, à partir de la faute du veau d’or commence le temps où ce projet initial va être différé, repris d’ailleurs dans la prophétie de l’ensemble des prophètes jusqu’à la fin des temps. C’est un thème pour lui-même.

 

Et voilà que le 1er verset qui introduit dans le livre de וַיִּקְרָא les différentes ordonnances concernant le culte des sacrifices concerne en réalité la qualité particulière de la prophétie propre à Moïse. Nous allons d’abord lire ce verset puis le commentaire de Rashi qui résume là un certains nombre de perspectives données par le Midrash. Je vous citerais un Midrash particulier et ensuite, nous étudierons ce thème de la différence entre la prophétie de Moïse et celle des autres prophètes des autres nations, à travers un chapitre du livre du Maharal, Tiferet Israël, au chapitre 21.

 

וַיִּקְרָא  1.1:   

וַיִּקְרָא, אֶל-מֹשֶׁה; וַיְדַבֵּר יְהוָה אֵלָיו, מֵאֹהֶל מוֹעֵד לֵאמֹר

Et Il appela Moïse,

Le sujet est par allusion, le mot de Dieu n’apparait pas dans le verset.

Et Hashem lui parla,   

Là le sujet apparait.

Depuis la tente du rendez-vous [littéralement du dedans du אֹהֶל מוֹעֵד: dans l’organisation du temple dans le désert l’endroit où se trouve le saint des saints du tabernacle et que l’on traduit par « tente du rendez-vous » ou « tente d’assignation » selon les traducteurs]

Pour dire…

 

Il y a là toute une précision des conditions de la procédure qui introduit les lois de la

כֹּהֲנִים  תוֹרָת, le code de la sainteté.

 

Retenir le lien entre ces deux notions :

La prophétie qui concerne Israël, et en particulier celle qui passe par Moïse qui est le prophète de la תּוֹרָה, et d’autre part l’objet de cette révélation prophétique qui est le code de la sainteté, sont deux problèmes extrêmement liés.

Je veux dire, pourquoi y-a-t-il une différence de nature entre la révélation prophétique lorsqu’elle passe par Moïse ou par les prophètes des nations ? C’est parce que l’objet de cette prophétie passant par Moïse est l’exigence de sainteté. 

Cela va être confirmé par les commentaires que cite Rashi qui en réalité combine un certain nombre d’enseignements de Midrashim différent.  

 

Avant de lire Rashi vous remarquez que le mot de וַיִּקְרָא est écrit avec un א en miniature en fin de mot. Cela s’appelle un Alef Zéira. Un Alef petit. L’étude du mot lui-même pose notre problème. En effet, le terme qu’emploie la תּוֹרָה pour dire la prophétie à Bilaam, prophète des nations, est le mot de וַיִּקָּר. Donc la racine signifie un événement qui fait irruption sans qu’on s’y attende. Par exemple, le mot de Kéri que les dictionnaires traduisent par « un hasard »  - le mot de Niqrei se rattache à la même racine.  

2 racines très voisines :

La différence essentielle c’est que וַיִּקְרָא implique une relation individualisée, personnalisée. Quelqu’un qui s’adresse à quelqu’un et qui l’appelle, alors que וַיִּקָּר indique une rencontre fortuite, qui n’est pas individualisée ou personnalisée. 

 

Le Midrash qui parle de la prophétie de Moïse et de Bilaam se sert de l’image suivante :

Un roi avait décidé de donner des pièces d’or à son peuple, il les lance en l’air et ne se préoccupe pas de savoir où elles tombent. Une pièce peut tomber dans un endroit de pureté, une autre dans un endroit d’impureté, « la poubelle » dit le Midrash...

Mais à partir du moment où il y a cette générosité du Créateur qui consiste à dévoiler Sa volonté à Sa créature, il y a un fait en soi qui à la limite peut devenir impersonnel lorsqu’il n’y a pas cette relation individualisée et personnalisée que Judah Halevi appelle d’autre part le principe d’individuation. Dieu se révèle intentionnellement à quelqu’un, et c’est quelqu’un qui parle à quelqu’un, une relation de volonté à volonté. Tandis que dans l’autre perspective de la prophétie qui a eu lieu pour toutes les nations mais qui prend une forme beaucoup plus impersonnelle, s’apparentant à ce que cette 2ème racine de Miqré signifie – terme plus précis que celui de « hasard » - une espèce d’évènement abrupte qui arrive à brûle-pourpoint, non préparé.

 

Rashi :

ויקרא אל משה:

לכל דברות ולכל אמירות ולכל צוויים קדמה קריאה, לשון חבה, לשון שמלאכי השרת משתמשים בו, שנאמר (ישעיה ו ג) וקרא זה אל זה, אבל לנביאי אומות העולם נגלה עליהן בלשון עראי וטומאה, שנאמר (במדבר כג ד) ויקר א-להים אל בלעם

A chaque révélation (introduite par le terme de Diberet)  Chaque fois [que Dieu a communiqué avec Moïse, que ce soit par l'expression] וידבר, «Et Il a parlé », ou ויאמר " et Il a dit " ויצו " et il a commandé", cela est toujours précédé par un appel [de Dieu] [à Moïse par son nom] (Torath Kohanim 1:2-3). [קריאה] est une expression d'affection, (Yoma 4b, Wayiqra raba), la [même] expression employée par les anges de services [entre eux], comme il est dit: «Et l’un appelle (וקרא) l'autre ..." (Yecha’yah 6, 3). Pour les prophètes de toutes les nations du monde, toutefois, il s'est révélé à travers des expressions dénotant la coïncidence et l'impureté, comme le dit le verset, et Elohim survint [rencontra] (ויקר) Balaam" (Nom. 23:4). - [Bemidbar Rabbah 52:5] [ויקר L'expression a le sens d'un hasard de coïncidence, et fait également allusion à l'impureté. [Voir Deut. 23.11, en ce qui concerne l'expression מקרה לילה.]

 

La révélation se fait à travers deux médiations :

La médiation de la הָדִין מִּדָת la médiation de l’exigence de rigueur et de justice absolue, alors la parole est introduite par le terme de דִיבּוּר qui connote une parole dure. Alors que le terme de אמִירָה dénote une parole douce. C’est la révélation à travers la הָחֲכָמִים מִּדָת ou הָחֶסֶד מִּדָת: la révélation par l’attribut de charité ou miséricorde.

 

Certaines expressions sont introduites par :

 

  • וַיְדַבֵּר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה.

 

  • אֶל-מֹשֶׁהוַיְדַבֵּר אֱלֹהִים

 

  • אֶל-מֹשֶׁהוַיֹּאמֶר יְהוָה

 

  • אֶל-מֹשֶׁהוַיֹּאמֶר אֱלֹהִים

 

Cela signifie donc a priori qu’il y a une intention, une finalité, et donc une signification différente à ce niveau suivant que la מִצְוָה est introduite par le דִבּוּר  ou אמִירָה.

 

  דִבּוּר  parole dure.

  אמִירָה parole douce.

 

Dans les 2 cas où la révélation concerne la volonté du Créateur à travers la הָדִין מִּדָת, et où elle concerne la volonté du Créateur à travers la הָחֶסֶד מִּדָת, dans tous les cas nous dit Rashi en citant son Midrash, pour toutes les מִצוֹת : קדמה קריאה un appel a précédé.

 

Ce principe que l’appel a précédé la parole nous montre bien qu’il y a relation de révélation personnalisée : quelqu’un qui s’adresse à quelqu’un et qui l’appelle par son nom. Se rappeler que le  1er événement de révélation aux grands prophètes, c’est le cas pour Abraham, pour Jacob, pour Moïse... c’est le fait que l’homme qui est l’objet de cette révélation est appelé par son nom.

 

C’est un principe très important qui nous est dit directement par ce commentaire de Rashi : chaque révélation de la parole est précédée d’un appel nominatif et donc personnalisé. Quelqu’un qui s’adresse à quelqu’un. Et il ne s’agit pas ici d’une relation de dialogue anodine, impersonnelle, de l’homme avec la sagesse qui se révèle dans la manière dont le Midrash définit la révélation aux prophètes des nations.

 

Rashi continue à s’exprimer en citant le Midrash : לשון חבה

C’est un langage d’affection, c’est le langage des anges du service, [c’est-à-dire les véhicules des volontés particulières du Créateur Unique], ainsi qu’il est dit (Yéshayah 6, 3) « et ils s’appellent l’un l’autre ».

 

Chacun appelle l’autre pour lui parler : pour que la révélation soit authentifiée, il est nécessaire d’instituer cette relation de volonté à volonté, de personne à personne. Alors il y a possibilité de relation de la prophétie au projet de sainteté.

Je reprends par exemple le verset (Yéshayah 6, 3) concernant les anges : La manière dont telle ou telle volonté particulière du Dieu Unique par rapport à telle ou telle catégorie de phénomène, telle ou telle manière d’être la créature, se révèle dans sa particularisation, alors apparait ce qu’on appelle un מַּלְאָךְ. Donc dans le verset qui parle de la manière dont les anges conversent entre eux, en s’appelant d’abord, le 1er mot qui est dit c’est bien entendu קָדוֹשׁ  le mot qui exprime la réalité de la sainteté. (Yéshayah 6, 3) : וְקָרָא זֶה אֶל-זֶה וְאָמַר, קָדוֹשׁ קָדוֹשׁ קָדוֹשׁ  

S’il y a relation personnalisée et par conséquent relation d’affection comme le précise le Midrash que cite Rashi alors on peut être relié au projet de sainteté.  

Sinon ce dévoilement de sagesse peut se faire dans l’arbitraire, dans l’impureté, de manière impersonnelle, et donc il n’y a pas de possibilité de relier la sagesse au projet de sainteté.    

C’est quelque chose de très analogue dans la manière dont les חֲכָמִים ont défini la différence entre la תּוֹרָה et la philosophie en tant que dévoilement de sagesse. La recherche philosophique n’aboutit pas forcément à un engagement pratique de la sainteté, alors que la sagesse de la תּוֹרָה, par définition et à priori, n’est authentique que si elle concerne un engagement pratique de relation à la sainteté.

 

Il peut y avoir de très grandes philosophies mais qui n’engagent pas le philosophe lui-même ni son lecteur à se relier au projet de sainteté. C’est une recherche de dévoilement de vérité et il peut y avoir d’ailleurs, plus ou moins par coïncidences, recouvrement avec la vérité telle qu’elle est, mais cela n’incite pas l’engagement pratique - le « Halakha léMaasséh ».

Tandis que la sagesse de la תּוֹרָה lorsqu’elle est nommée Lishmah « en son nom elle-même – dans son intention propre » – implique à priori cet engagement pratique au projet de sainteté.

 

De même pour la prophétie chez Israël, et Moïse en particulier d’un côté, et les nations avec Bilaam en particulier de l’autre côté.

 

L’accès au pressentiment, à la compréhension, en quoi que ce soit, de la révélation du projet du Créateur pour l’histoire de Son monde, dans la prophétie des גּוֹיִם, n’implique pas une relation au projet de sainteté dans son engagement pratique, ne mène pas aux מִצוֹת si j’ose dire, alors que dans la prophétie d’Israël, elle mène immédiatement à la עֲבֹדַה deכֹּהֲנִים  תוֹרָת, premièrement, les קָרְבָּןוֹת.     

 

Rashi :

« Mais pour les prophètes des nations, Il se révèle à eux dans un langage dénotant la coïncidence et l’impureté [Quelque chose qui arrive comme cela arrive, pas exactement l’expression de « hasard », mais quelque chose de non particularisé comme dans cette relation de quelqu’un à quelqu’un évoquée précédemment, quelque chose d’impersonnel] d’après le verset qui dit “et Dieu se révèle par irruption subite [pour rencontrer] (וַיִּקָּר) Balaam” (Nombres 23:4). - [Bemidbar Rabbah 52:5] [L’expression וַיִּקָּר signifie l’irruption subite, et fait aussi allusion à l’impureté. [Voir Deut. 23:11, au sujet de l’expression מִקְרֵה לַיְלָה.]

 

Je vais d’abord citer un 1er Midrash concernant ce problème qui indique pourquoi la תּוֹרָה a tenu à nous inviter à comprendre le cas particulier de la prophétie à Moïse en relation avec le culte des sacrifices dans le tabernacle pour la génération du désert en préfiguration du temple de Jérusalem.

 

Midrash : (Vayiqra Rabba 1.12)

Rabbi Its’haq enseigne : jusqu’à ce que le tabernacle n’ait été dressé, on trouvait la prophétie chez les nations. Depuis que le מִּשְׁכָּן a été construit, la prophétie a disparu dans le monde, ainsi qu’il est dit :

 אֲחַזְתִּיו, וְלֹא אַרְפֶּנּוּ  je le saisis et ne le lâchai point (שִׁיר הַשִּׁירִים 3.4). On a objecté (à Rabbi Its’haq) : et voilà que pourtant Bilaam prophétise ?

 

Bilaam est connu comme le prophète des nations. Ce n’est pas n’importe quel prophète pour n’importe quelle nation. En principe, d’après le Midrash lui-même, chaque nation avait sa propre capacité prophétique de façon à recevoir l’éclairage nécessaire pour l’histoire de sa propre société. Mais le cas de Bilaam est un cas particulier. Il est si l’on peut dire le porte-parole de l’ensemble des nations, de l’humanité entière, lorsqu’il y a en particulier contestation vis-à-vis d’Israël.

 

Par analogie, lointaine mais suffisamment significative, on voit que la capacité prophétique de Bilaam, le prophète des nations, apparait au moment de la fin de l’exil, au moment où se constitue la coalition d’intérêts contre le projet d’Israël de sortir de l’exil et de se constituer en nation de la révélation. De notre temps, on pourrait dire que c’est à peu près représenté par le projet de propagande contre le peuple juif, et surtout lorsqu’il est formulé par le porte-parole de l’ONU.

 

En effet, si vous étudiez la prophétie de Bilaam concernant Israël, il a proposé de maudire Israël.

Maudire signifie « dire le mal de ». Cela veut dire finalement calomnier. La propagande contemporaine est capable avec la parole de faire que quelqu’un de bien soit connu comme mauvais ou inversement que quelqu’un de mauvais soit connu comme bon...

C’est donc dire le mal de. Et on ne peut pas éviter de diagnostiquer cela que Israël à certaines époques de l’histoire n’est pas seulement en but à la capacité prophétique de telle ou telle nation rivale dans sa contestation particulière, chacune pour elles-mêmes, mais à certaines époques Israël il a à faire à Bilaam. C’est-à-dire une sorte de capacité prophétique universelle qui récapitulerait la coalition des intérêts généraux de l’humanité face à Israël : lorsqu’elle se cristallise ainsi c’est au moment de la fin de l’exil.  

 

Rav Its’haq a dit : tant que le מִּשְׁכָּן n’était pas construit, la prophétie se trouvait chez les Nations. Objection : et pourtant Bilaam a prophétisé ? Il lui a répondu : une prophétie qu’en relation avec Israël ! (littéralement c’est pour le bien d’Israël : Il veut dire le mal d’Israël et est obligé d’en dire le bien. En maudissant il bénit en réalité…)

 

L’explication de ce Midrash me semble immédiatement reliée à ce que nous avons vu précédemment : Tant qu’il n’y avait pas encore une particularisation de l’interlocuteur de la révélation prophétique alors elle est généralisée : Cf. l’image précédente du roi qui a décidé de distribuer son trésor en lançant à l’aveuglette... cela tombe où cela tombe... Il n’y a pas encore d’adresse particulière où la révélation doit s’arrêter. 

 

A partir du moment où le מִּשְׁכָּן est construit et où la maison d’Israël a son adresse, à partir du moment où ce lieu de rendez-vous - אֹהֶל מוֹעֵד – a une adresse particulière alors il n’y a plus de raison que la révélation se gaspille à l’extérieur, elle sait où être délivrée. Et c’est à travers Moïse comme le précise notre verset :  

וַיִּקְרָא, אֶל-מֹשֶׁה; וַיְדַבֵּר יְהוָה אֵלָיו, מֵאֹהֶל מוֹעֵד לֵאמֹר  

Cela veut dire que cette relation de particularisation du dialogue de la prophétie attendait l’adresse et attendait que se constitue cette maison de rendez-vous où l’homme et Dieu peuvent se rencontrer.

 

Le temple, le tabernacle, c’est l’endroit où Dieu et l’homme peuvent être en présence parce que les conditions de la sainteté ont été accomplies, alors la présence sous toute forme de Dieu à l’homme et de l’homme à Dieu n’est plus dangereuse pour l’homme puisqu’il est à l’abri des conditions de la sainteté. Et donc à partir du moment où le Créateur avec Son projet de révélation de l’origine à l’échelle universelle a à sa disposition l’adresse où se rendre à ce rendez-vous pour délivrer la révélation, alors c’est là que cela se passe et il n’est plus nécessaire que cela se passe ailleurs.

 

L’enseignement de ce Midrash est que le projet réel de la révélation est bien entendu d’attendre cette révélation de quelqu’un à quelqu’un. En attendant, le quelqu’un de l’homme n’étant pas encore constitué, ni encore sa maison, alors la révélation est généralisée et peut tomber dans l’impureté. Cela veut dire qu’un prophète des nations, même s’il est impur, peut être prophète parce qu’il n’a pas cette création de particularisation dont nous avons parlé.

 

Mais à partir du moment où le מִּשְׁכָּן est constitué, alors l’état antérieur cesse, et le projet de la révélation a trouvé son accomplissement et il est particularisé : וַיִּקְרָא, אֶל-מֹשֶׁה;...

 

Q : Question sur Bilaam (inaudible).

R : Non dans le récit auquel tu fais allusion dans le livre de בְּמִדְבַּר, il essaie de comprendre la manière dont les Patriarches ont eux mérité leur type de révélation. Il y a une espèce stratégie de rivalité. Voir comment Rashi le cite. Il a voulu faire comme les patriarches : de même que les patriarches offraient un sacrifice avant la révélation et parfois après, alors il a préparé autant de sacrifices que les patriarches pour leur équivaloir.

Mais ici c’est un peu différent : au moment où l’adresse de la קְדוּשַה dans le monde est déjà connue, alors cette espèce de prodigalité de la révélation à l’échelle impersonnelle – en attendant qu’elle trouve son objet (sujet) – devient inutile. C’est un stade qui est alors dépassé. Et donc après la construction du מִּשְׁכָּן la prophétie va s’arrêter chez les autres Nations.

On nous cite l’objection du cas de Bilaam mais on nous répond que sa prophétie concerne Israël.

Ce thème est très familier à l’enseignement de la tradition.  

Formulé au niveau de notre expérience pour les temps contemporains : finalement il y a un consensus général de la conscience humaine à l’échelle universelle que s’il y a eu un jour révélation, il s’agit de la révélation à Israël. Et même ceux qui contestent la légitimité d’Israël de la révélation ne parlent que de la révélation concernant Israël. 

Il y a 2000 ou 3000 ans ce consensus n’était pas apparu de façon évidente. Je me base de nouveau sur le Kouzari. Après la diffusion de la révélation prophétique à travers la dimension chrétienne ou musulmane, et à travers ce que ces civilisations ont véhiculés dans l’universel humain, il y a ce consensus que s’il y a eu révélation il s’agit de la révélation à Israël. 

 

C’est une manière contemporaine d’expérimenter ce que le Midrash enseigne ici. C’est que dès que le מִּשְׁכָּן a été constitué, la révélation générale cesse et se particularise enfin dans son intention première, c’est-à-dire que quelqu’Un se révèle à quelqu’un, le Créateur à sa créature, pas de façon générale mais de façon particularisée. Dans le texte, du point de vue du Pshat, cela se traduit par le fait que celui qui est appelé à la prophétie est appelé de son nom littéralement.  

 

2ème Midrash :

 

« Qui y a t’il de différent entre les prophètes d’Israël et les prophètes des Nations ?

Rabi ‘Hanah ve rabbi ‘Haninah a enseigné ceci: HQB’’H se révèle aux nations du monde que par la moitié d’un mot. (Chaque parole est en réalité une demi-parole – c’est une expression assez difficile à comprendre apparemment, mais le sens en est très simple comme nous allons le voir avec le Maharal.) Mais pour les prophètes d’Israël par une parole entière.

 

Et là le Midrash nous cite la différence entre le mot de וַיִּקְרָא et le mot de וַיִּקָּר....

 

Le 2ème enseignement du même Midrash:  

Rabbi Issakhar : La prophétie chez les nations peut se faire dans les cas d’impureté alors que pour Israël elle est donnée dans un langage de sainteté, dans un langage de pureté.

 

Cela se relie encore au principe de l’individuation de la particularisation de la prophétie de parole à parole.

 

Enseignement du Maharal :

Il donne 3 points précis de la différence entre la prophétie de Moïse et de Bilaam.

  Midrash du Sifrei sur la fin de Parashah וְזֹאת הַבְּרָכָה. Chapitre 21 du Tiferet Israël:

« Moïse avait le privilège de trois vertus quant à la prophétie qui ne se trouvaient pas chez Bilaam :

 

  En ce qui concerne Moïse Dieu lui parlait de bouche à bouche - פֶּה אֶל-פֶּה.

  פָּנִים אֶל-פָּנִים face à face.

  Moïse prophétise debout, Bilaam couché à terre. 

 

C’est une indication qu’il s’agit de quelqu’un qui parle à quelqu’un. Il y a une différence entre la pensée qui ne s’exprime pas par la bouche et la parole qui s’exprime par la bouche. La bouche indique que c’est quelqu’un qui pense qui s’exprime, alors que la pensée peut rester encore à l’échelle de l’impersonnel. Je peux prendre connaissance d’une connaissance sans que cela signifie que quelqu’un m’ait dit que cela est vrai. C’est au niveau de la pensée. Dire que la révélation se fait par la bouche indique que c’est une volonté personnelle de quelqu’un qui a parlé.

Je vous donne un certain nombre d’exemples.

Premièrement, lorsque la tradition a voulu donner la définition de l’homme parmi les autres êtres vivants, elle a du choisir entre deux formules possibles. C’est une discussion qui a aussi été reprise au moyen-âge et aussi surtout en philosophie générale chez les grands philosophes : soit la formule du vivant pensant – ‘Hay hamaskil - soit la formule du vivant parlant  ‘Hay hamedaber. La tradition a finalement choisir la formule du ‘Hay Hamedaber vivant-parlant - celui qui se révèle par sa bouche. La parole révèle qu’il y a quelqu’un derrière l’événement de parole, alors que la pensée ne signifie pas forcément qu’il y a quelqu’un derrière l’événement de pensée. Aujourd’hui nous sommes très à même de l’expérimenter avec ces machines impersonnelles qui pensent. Le fait que la pensée de l’homme ait l’envergure que nous lui connaissons vient de ce qu’elle est la pensée de quelqu’un qui parle. La différence d’avec les autres êtres vivants, qui connaissent aussi la pensée, bien qu’à l’échelle rudimentaire, c’est le fait que l’homme se définit comme le ‘Hay hamedaber vivant parlant. 

 

C’est ce que rappelle ce Midrash : lorsque Dieu s’adresse à Moïse c’est de « bouche à bouche ».

« Bouche à bouche » et non pas « bouche à oreille » selon l’expression habituelle en français.

 

Dire que Dieu se révèle à Moïse non pas de pensée à pensée à travers un dévoilement de logos – logique – c’est de nouveau dire ce même principe que le Midrash nous enseigne que c’est la particularisation de quelqu’un à quelqu’un. Et seule cette relation de « personne à personne » peut permettre d’aborder le projet de sainteté. Alors que la découverte de la vérité en générale, à l’échelle impersonnelle, peut mener soit au projet de sainteté soit à la réalité de l’impureté. Elle n’implique pas forcément à priori, nécessairement, l’engagement de halakha lemaasséh.  

Nous retrouvons de nouveau la différence entre l’événement prophétique et le projet philosophique.

 

En résumé : Dieu se révèle en parlant – quelqu’un va parler à quelqu’un – tandis que la sagesse en général, la vérité en général si elle se révèle, se révèle dans l’impersonnel et personne ne parle et cela ne concerne personne en particulier.

 

1- « פֶּה אֶל-פֶּה»: Et non pas Peh el ozen

פֶּה אֶל-פֶּה = bouche à bouche : l’objectif est que la bouche répète ce que la bouche a dit et non pas ce que l’oreille a entendu parce que l’oreille n’a pas forcément entendu ce que la bouche a dit. La condition pour que la transmission de la révélation soit authentique c’est que la bouche répète ce que la bouche a dit, et non pas ce que sa propre oreille a entendu. La bouche de Moïse va redire ce que la bouche de Dieu a dit. C’est impliqué dans Halakha Lemaasseh : répéter un enseignement exactement dans les termes mêmes dans lesquels il été dit – sinon ce n’est plus le même - et au nom de celui qui l’a dit, sinon ce n’est plus le même. La même parole de sagesse suivant qui l’a formulé va prendre un sens radicalement différent. Rabbi Akiva : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même... » Cela a un sens relié à la תּוֹרָה très important. Ce n’est plus le même sens dans la bouche de quelqu’un d’autre. Cela dépend de qui dit quoi. C’est pourquoi les deux consignes de la tradition sont formelles : lorsqu’on cite un enseignement il faut le citer exactement comme il a été dit – ce que la bouche a dit et non pas ce que l’oreille a entendu, parce que l’oreille entend ce qu’elle entend…

 

Au fond, ici ce Midrash nous analyse les conditions de ce que nous avons appris : le principe d’individuation qui fait que le projet de sainteté se révèle.  

Cette grande différence est la différence entre Dieu et cela renvoie à une volonté qui pose la création du monde et se révèle, et d’autre part la divinité en général : l’homme qui projette sur cet écran de la divinité en général sa propre équation personnelle.

 

2- פָּנִים אֶל-פָּנִים:

Deux explication possibles : la face de Dieu et la face de Moïse mais un verset très clair nous dit :  כִּי-תִשָּׂא 33.20 :

וַיֹּאמֶר, לֹא תוּכַל לִרְאֹת אֶת-פָּנָי:  כִּי לֹא-יִרְאַנִי הָאָדָם, וָחָי

Tu ne pourras voir ma face car l’homme ne peut Me voir et vivre

Cf. Maïmonide sur l’impossibilité de la révélation face-à-face tant que nous sommes encore dans la condition de créature dans ce monde-ci. כִּי לֹא-יִרְאַנִי הָאָדָם, וָחָי

 

Dans Shemot Parashah וָאֵרָא qui commence par l’expression suivante:

וָאֵרָא 6.3 :

וָאֵרָא, אֶל-אַבְרָהָם אֶל-יִצְחָק וְאֶל-יַעֲקֹב--בְּאֵל שַׁדָּי; וּשְׁמִי יְהוָה, לֹא נוֹדַעְתִּי לָהֶם

Et Je me suis révélé Vaéra… Et le mot employé signifie « Je me suis fait voir »

Se révéler, se dévoiler, se faire voir – cela signifie donc que celui à qui Dieu s’est révélé a pu le voir ! Cela s’oppose complètement au verset précédent כִּי לֹא-יִרְאַנִי הָאָדָם, וָחָי ? Et c’est pourquoi il y a une exégèse très fine chez les commentateurs de Rashi qui vont nous faire comprendre une intention de Rashi qui serait imperceptible sans ce problème en tête.  

 

Le verset dit (6:3) :

וָאֵרָא, אֶל-אַבְרָהָם אֶל-יִצְחָק וְאֶל-יַעֲקֹב--בְּאֵל שַׁדָּי

 

Rashi : וָאֵרָא

אֶל הָאָבוֹת בְּאֵל שַׁדָּי הִבְטַחְתִּים הַבְטָחוֹת וּבְכֻלָּן אָמַרְתִּי לָהֶם אֲנִי אֵל שַׁדָּי

Je suis apparu Aux patriarches en «  אֵל שַׁדָּי ». Je leur ai fait des promesses et chaque fois je leur ai dit : « אֲנִי אֵל שַׁדָּי».

 

 אל האבות

Rashi explique le mot de וָאֵרָא par le mot de « אל האבות: aux patriarches ».

באל שדי

הבטחתים הבטחות ובכולן אמרתי להם אני אל שדי

et ensuite le mot de El Shadaï par le mot de הבטחתים הבטחות  Je leur fait des promesses, dans toutes je leur ai dit: "Je suis le Dieu tout-puissant

 

Je traduis : le verset nous dit

« Et je me suis montré à Abraham, à Isaac, et à Jacob en tant que Dieu Tout-Puissant »

Cela veut dire « en tant que Dieu capable de promettre » puisqu’Il est Tout-puissant, וָאֵרָא, Je me suis révélé aux Patriarches – בְּאֵל שַׁדָּי: Je leur ai fait des promesses.

C’est apparemment très simple. C’est pourquoi certains des commentateurs de Rashi disent qu’il y a eu une erreur chez l’éditeur, et qu’en réalité il faut lire sans rien changer dans l’ordre des mots mais en enlevant la ponctuation : Il faut lire “ אֶל הָאָבוֹת בְּאֵל שַׁדָּי  וָאֵרָא …” et que là seulement commence le commentaire de Rashi. Ce serait tout simplement que Rashi a voulu citer le verset. Mais comme le verset était trop long il l’a résumé en disant : Et Je me suis révélé aux patriarches en tant que Dieu tout puissant.

Ce que Rashi veut expliquer c’est בְּאֵל שַׁדָּי: en tant que Dieu Tout-Puissant, c’est-à-dire le Dieu des promesses. C’est l’explication habituelle de ce Rashi intrigant.

Objection du Maharal dans le Gour Arié sur ce verset : Rashi a voulu nous révélé ici quelque chose de très profond.

וָאֵרָא – le fait que la תּוֹרָה puisse dire que « Je Me suis montré אֶל הָאָבוֹת», cela concerne les אָבוֹת. Les אָבוֹת étaient capables de cela, pas nous !

C’est une toute autre explication.   לֹא-יִרְאַנִי הָאָדָם, וָחָי

Ici Rashi intervient en disant : nous avons un verset pour les אָבוֹת comme exceptions qui eux étaient capable de cela.   

 ***

Nous ne pouvons pas comprendre פָּנִים אֶל-פָּנִים face-à-face dans le sens purement littéral que Dieu révèle Sa face à Moïse – et qu’il s’agirait de la face de Moïse et de la face de Dieu – non parce qu’à priori ce ne serait pas possible -  אֶל הָאָבוֹת וָאֵרָא – c’est donc possible – mais précisément parce que le verset lui-même nous dit que ce n’est pas le cas. C’est donc dans un autre sens qu’il faut le comprendre. Et je vais étudier l’expression פָּנִים אֶל-פָּנִים dans les catégories de la Kabbalah elle-même.  

Pour la Kabbalah, les מִּדוֹת, c’est-à-dire les attributs à travers lesquels Dieu se révèle, se rangent en deux côtés, deux axes, deux dimensions.

Le הָחֶסֶד קָו   c’est-à-dire toutes les modalités d’être de la révélation de Dieu à travers la ligne centrale qui est le principe de la grâce et de la charité, et d’autre part,

Le הָדִין קָו   , toutes les révélations qui ont comme dimension principale la vertu de stricte justice absolue.  

Or, il y a le principe disant כְּנֶגְ מִּדָה מִּדָה: chaque attribut est pour ainsi dire face à un attribut de l’axe opposé. L’attribut de charité face à l’attribut de rigueur dans toutes les vertus.      

פָּנִים אֶל-פָּנִים, cela veut dire que ce n’est pas une révélation tronquée, il ne s’agit pas de la révélation uniquement par la הָחֶסֶד מִּדָת ou de la révélation uniquement par la הָדִין מִּדָת, mais la révélation des פָּנִים  face aux פָּנִים. C’est une révélation de l’unité des valeurs. Ce que révéla Dieu à Moïse, c’est Ses propre פָּנִים אֶל-פָּנִים et non pas comme on peut le croire a priori פָּנִים  de Dieu et פָּנִים  de Moïse...  

Dieu se révèle à Moïse dans Sa présence intégrale. Cela ne veut pas dire qu’il y ait la forme d’un visage qui se soit révélé, il ne s’agit pas de cela. C’est l’idée de la présence : l’idée de la bouche c’est qu’il y a quelqu’un, l’idée de פָּנִים  c’est l’idée qu’il est présent, mais il est présent de manière intégrale. Ce n’est pas une captation sélective de celui qui cherche à entendre, de celui qui cherche à voir, de celui qui cherche à comprendre, et qui ne peut à chaque fois capter qu’une seule מִּדָה. Mais il s’agit ici de la révélation de la Présence à Moïse qui, elle, est intégrale et qui par conséquent, se révèle פָּנִים אֶל-פָּנִים, des deux côtés à la fois.   Ceci nous éclaire le 2ème point de comparaison différentielle entre la prophétie de Moïse et celle de Bilaam.  

3-Troisièmement : « Lorsque Moïse prophétise, il prophétise debout… »  

Et cela signifie en toute lucidité. Tandis que lorsque Bilaam prophétise il le fait couché à terre : et le verset dit (Balak 24.4) : נֹפֵל וּגְלוּי עֵינָיִם , il faut qu’il se couche à terre pour pouvoir avoir les yeux ouverts, c’est-à-dire dans un état de transe. C’est la grande différence.

Cela nous corrige d’emblée toute l’atmosphère de ce problème. Dans la culture générale on a tendance à croire que plus une prophétie procède d’un état extatique troublée et plus la prophétie est claire, mais c’est tout le contraire. Plus il y a enthousiasme dans le sens étymologique, et moins la prophétie est claire. La prophétie authentique est perçue debout, c’est-à-dire en toute lucidité. 

Rashi sur cette caractéristique de Bilaam : « נֹפֵל וּגְלוּי עֵינָיִם celui qui se jette à terre pour ouvrir les yeux » : Bilaam pouvait voir mais ne pouvait pas être vu parce qu’il était incirconcis. Il avait honte de son impureté. Voir le Midrash que cite Rashi.   

נֹפֵל וּגְלוּי עֵינַיִם

פְּשׁוּטוֹ כְּתַרְגּוּמוֹ, שֶׁאֵין נִרְאֶה עָלָיו אֶלָּא בַּלַּיְלָה כְּשֶׁהוּא שׁוֹכֵב. וּמִדְרָשׁוֹ: כְּשֶׁהָיָה נִגְלֶה עָלָיו לֹא הָיָה בּוֹ כֹּחַ לַעֲמֹד עַל רַגְלָיו, וְנוֹפֵל עַל פָּנָיו, לְפִי שֶׁהָיָה עָרֵל וּמָאוּס לִהְיוֹת נִגְלֶה עָלָיו בְּקוֹמָה זְקוּפָה לְפָנָיו Le sens littéral est celui proposé par le Targoum Onqelos : c’est-à-dire qu’Il ne lui apparaît que la nuit, lorsqu’il est couché. Quant à l’explication midrachique, elle consiste à dire que lorsqu’Il se révélait à lui, il n’avait pas la force de se tenir debout et il tombait face à terre parce qu’il était incirconcis et trop méprisable pour être digne de recevoir Ses révélations en étant debout devant Lui (Targoum Yonathan).

L’idée centrale est importante : Celui qui voit mais qui ne peut pas être vu, c’est-à-dire qui ne peut pas être jugé, parce qu’il voit ce qu’il voit mais cela n’engage pas du tout au projet de sainteté « Halakha lémaasséh » du projet de sainteté, alors il a donc honte de son impureté, et il se cache pour voir. Tandis que Moïse c’est debout, en toute lucidité, il peut voir et être vu.

 

Analogie dans un domaine différent : Après le schisme dans la nation d’Israël, il y a eu deux séries de dynasties royales. Celles qu’on appelait יִשְׂרָאֵל מָלכֵי, les rois du royaume du Nord qui groupaient la majorité des tribus et avaient pour capitale Samarie, et qui très rapidement pour pouvoir appuyer leur schisme politique l’ont appuyé sur un schisme théologique, avaient abandonné la תּוֹרָה et repris un culte d’idolâtrie, le culte du veau d’or (dans le temple de Samarie deux veaux d’or). Cette royauté était appelée la royauté des יִשְׂרָאֵל מָלכֵי, les rois d’Israël qui concerne le royaume du nord qui a pris le nom de royaume d’Israël. Alors que le 2ème royaume, le royaume du Sud s’appelait le royaume de Judah et donc la dynastie s’appelait דָוִד  בֵּנ מָלכוּת - les rois de la maison de David.

La Guémara établit que les prérogatives, et les droits et devoirs, des rois d’Israël et des rois de Judah de la maison de David, n’étaient pas les mêmes.

Le roi en principe est hors la loi. C’est le cas pour les rois d’Israël, la formule du Talmud est « lo dan ve lo dan li noté : il ne juge pas et on ne le juge pas ».

Alors que pour le roi de דָוִד  בֵּנ מָלכוּת: « dan ve dan li noté : il juge et on le juge ». Cela veut dire : Il peut juger parce qu’il peut être jugé !     

 

En revenant au problème de la prophétie, on voit comment cela disqualifie cette prophétie à mi-mot, comme l’avait dit le Midrash, où l’on peut voir mais ne pas être vu par rapport à la prophétie debout, c’est-à-dire la prophétie lucide.

 

Je continue dans ces différences :  

« Bilaam savait à l’avance ce que Dieu avait à lui dire »  

Cela semble paradoxal, le Midrash explique en disant :  

« Cela ressemble au cuisinier du roi qui sait ce qu’il y a sur la table du roi. »  

Cela semble dire que Bilaam est plus grand prophète, alors que Moïse ne sait pas du tout à l’avance ce que Dieu va lui dire. Mais l’exemple donné par le Midrash nous éclaire suffisamment : Bilaam projette dans l’événement de révélation ce que lui-même s’attend à recevoir comme révélation. En réalité, l’événement de révélation chez Bilaam est immanent. Bilaam sait à l’avance ce que Dieu va lui dire parce que c’est lui qui parle lorsque Dieu lui parle, alors que pour Moïse la révélation authentique, Moïse ne sait pas à l’avance ce que Dieu va lui dire et c’est le signe que c’est bien Dieu qui lui parle.

 

« Bilaam parlait avec Dieu à tout instant », Alors que Moïse lui était appelé dans des circonstances particulières. C’est-à-dire que La révélation à Moïse est sélective parce qu’authentique alors que la révélation de Bilaam peut être permanente parce qu’elle n’implique pas des conditions de sainteté.

 

Pour récapituler ces 6 points de différences, nous retrouvons ce principe cité au nom de Judah Halevi qui est le principe d’individualisation.

 

Beaucoup de Midrashim tirent des enseignements moraux de cela : lorsqu’on s’adresse à quelqu’un il faut s’adresser à lui vraiment, en l’appelant par son nom. Le dialogue authentique doit être comme la révélation authentique : quelqu’un qui parle à quelqu’un et donc tenant compte de la dignité particulière de chacun, puisqu’en fin de compte le projet de toute révélation est de fonder la dignité de la personne.  

 

*** 

Reste en filigrane une question qui se pose :

La lettre qui différencie la prophétie Moïse de la prophétie de Bilaam, au lieu d’être écrite en grand est écrite en petit ? On risque donc par mégarde de lire וַיִּקָּר au lieu de וַיִּקְרָא, étant donné la petitesse de la lettre Alef ! Puisque c’est la lettre Alef qui fait la différence entre וַיִּקְרָא et וַיִּקָּר on devrait s’attendre au contraire à ce que la lettre soit très grande ? Pourquoi la תּוֹרָה a-t-elle indiqué cette lettre ainsi qui fait apparaître une analogie au lieu de faire apparaître une différence entre וַיִּקָּר et וַיִּקְרָא ?

 

Réponse :

C’est Moïse qui écrit sous la dictée de Dieu. Et le Midrash nous dit que Moïse n’arrivait pas à admettre cette différence par modestie. Il a donc écrit le א mais en tout petit.  

Autre exemple de réaction de Moïse au moment de l’écriture de la תּוֹרָה au nom du Rav Tsvi Yehoudah Kouk za’l: Le Midrash nous dit que Joseph a mérité que ses ossements soient enterrés en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל parce qu’il n’a pas caché son origine hébreu lorsqu’il est arrivé chez Pharaon qui lui a demandé qui il était, il a déclaré je suis « נַעַר עִבְרִי», alors que Moïse a laissé dire de lui qu’il était égyptien quand il a rencontré les filles de Jéthro qui parlaient de lui comme « אִישׁ מִצְרִי». Sa punition c’est d’être enterré en dehors d’Israël. Rav T.Y.Kouk : c’est un Midrash difficile car ce n’est pas Moïse qui a dit qu’il était égyptien mais les filles de Jéthro !? Réponse : lorsque Dieu lui a dicté ce passage de la תּוֹרָה « אִישׁ מִצְרִי», Moïse n’a pas réagi ! 

 

***

Parashah הַחֹדֶשׁ:

שְׁמוֹת Chapitre 12.

Commentaire basé sur le Maharal chapitre 35 de « Gvourot Hashem ».

 

בֹּא  12:1

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן, בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם לֵאמֹר

Hashem parle à Moïse et Aaron dan sle pays d’Egypte en disant

 

הַחֹדֶשׁ הַזֶּה לָכֶם, רֹאשׁ חֳדָשִׁים:  רִאשׁוֹן הוּא לָכֶם, לְחָדְשֵׁי הַשָּׁנָה

”Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois; il sera pour vous le premier des mois de l'année.”

 

C’est de cette manière que Rashi justifie tout le texte historique depuis le commencement de בְּרֵאשִׁית jusqu’à ce moment de la 1ère מִצְוָה donnée à Israël dans son 1er commentaire sur la תּוֹרָה. Rashi se pose une question importante : pourquoi la תּוֹרָה comporte-t-elle une préface historique à la Loi en tant que loi ? Car si nous prenons comme définition de la תּוֹרָה, la volonté de Dieu au niveau de la loi, alors toute cette préface historique - importante pour elle-même - pourrait se trouver dans un tout autre livre, par exemple dans le 1er des livres historiques dont le 2ème serait Josué...etc.  

Nous sommes nous tellement habitués et familiers avec cette coexistence dans le même livre de deux genres radicalement différents : la révélation du sens de l’histoire depuis l’origine jusqu’à la sortie d’Egypte et d’autre part le code, que nous ne voyons plus l’importance du fait que ce soit ensemble précisément. Il y a bien là deux genres différents. La question du Midrash que cite Rashi consiste à dire : En réalité la תּוֹרָה en tant que תּוֹרָה devrait commencer ici puisque c’est la première מִצְוָה donnée à Israël.

 

Je vais vous expliquer très brièvement la formule de Rashi dans sa manière de poser la question:

Rashi sur בְּרֵאשִׁית:  

אמר רבי יצחק לא היה צריך להתחיל [את] התורה אלא (שמות יב ב) מהחודש הזה לכם, שהיא מצוה ראשונה שנצטוו [בה] ישראל, ומה טעם פתח בבראשית, משום (תהלים קיא ו) כח מעשיו הגיד לעמו לתת להם נחלת גוים, שאם יאמרו אומות העולם לישראל לסטים אתם, שכבשתם ארצות שבעה גוים, הם אומרים להם כל הארץ של הקב"ה היא, הוא בראה ונתנה לאשר ישר בעיניו, ברצונו נתנה להם וברצונו נטלה מהם ונתנה לנו:  

« Il était nécessaire de faire débuter la תּוֹרָה -code, que par ce verset-là  החודש הזה לכם qui est la 1ère מִצְוָה du code qu’Israël a reçu en tant qu’ordre...

Et puis il continue en disant « ומה טעם פתח בבראשית ».  Et pour quelle raison il a ouvert פתח le texte de la תּוֹרָה à בְּרֵאשִׁית ? »

 

Le verbe a changé : פָּתַח  !

Avec l’idée qu’il y a une Peti’hah : une préface, une introduction.

Et pourquoi l’introduction commence à בְּרֵאשִׁית ? Mais cette introduction est nécessaire. Pourquoi ?

Si la תּוֹרָה comme code commençait par ce verset :

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן, בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם לֵאמֹר

Hashem parle à Moïse et Aaron dans le pays d’Egypte en disant...

 

Cela va concerner les lois du calendrier, le fait que les mois de l’année soient comptés par la nouvelle lune, et d’autre part que le mois de Nissan est le 1er mois de l’année, C’est la première מִצְוָה qu’Israël, constitué en nation à la sortie d’Egypte, commence à recevoir, et donc si la תּוֹרָה comme code commençait par ce verset, nous aurions besoin d’une préface pour nous expliquer qui est Hashem qui parle ici, qui sont Moïse et Aaron, que font-ils en Egypte... ? Et par conséquent toute la préface historique à postériori est justifiée. C’est pourquoi Rashi a localisé sa question sur le 1er chapitre de la cosmogonie.

 

On comprend que ce verset à lui-même justifie la nécessité qu’on nous explique depuis l’origine de qui et de quoi il s’agit pour que la תּוֹרָה puisse être entendue. Cela rejoint ce que nous avons étudié précédemment : cela veut dire que cette תּוֹרָה a une adresse, elle est personnalisée et individualisée.  

On dit d’abord qui parle à qui, et ensuite on dit ce qu’il y a à dire... Tandis que n’importe quel code de sagesse ne commencerait que par des définitions théoriques avec l’impersonnel de la sagesse. Tandis qu’ici il y a « וַיִּקְרָא, אֶל-מֹשֶׁה ». On nous raconte  l’histoire avant de nous dire la loi...

 

הַחֹדֶשׁ הַזֶּה לָכֶם

 

Rashi en profite ici pour nous dire l’importance très considérable d’Aaron dans la révélation.  

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן, בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם לֵאמֹר

Hashem parle à Moïse et Aaron dans le pays d’Egypte en disant...

 

Rashi :

בשביל שאהרן עשה וטרח במופתים כמשה, חלק לו כבוד זה במצוה ראשונה שכללו עם משה בדבור

Parce que Aaron s’est préoccupé de faire les miracles comme Moïse, alors la תּוֹרָה a partagé avec Aaron d’être le porte-parole de la révélation de la 1ère מִצְוָה puisqu’il l’a inclue avec Moïse dans l’énoncé de la parole. »   

 

Moïse et Aaron représentent 2 profils de l’identité d’Israël au moment de la sortie d’Egypte très différents. Moïse représente le chef politique alors qu’Aaron représente le chef religieux. On voit toute les implications de ce fait : il fallait les deux et il fallait l’alliance des deux pour que la révélation soit possible. Et la révélation à Moïse concerne aussi Aaron parce que la libération d’Egypte concernait aussi Aaron qui y a participé. Ces deux forces qui aujourd’hui opèrent séparément et parfois en conflit d’opposition, en réalité au temps de la sortie d’Egypte coopéraient fraternellement. Ce que représentait Moïse, l’identité politique de ce peuple candidat à sa libération et ce que représente Aaron, l’exigence de sainteté nécessaire pour qu’Israël soit Israël, cela marche ensemble.  

Bien que la תּוֹרָה soit מֹשֶׁה תוֹרָת, Rashi cite un Midrash qui dit qu’il faut donner sa part à Aaron parce qu’il a aussi participé avec Moïse à l’événement de nature politique.

 

הַחֹדֶשׁ הַזֶּה לָכֶם, רֹאשׁ חֳדָשִׁים:  רִאשׁוֹן הוּא לָכֶם, לְחָדְשֵׁי הַשָּׁנָה

Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois; il sera pour vous le premier des mois de l'année

 

Ce mot de חֹדֶשׁ ici que l’on traduit par le mois désigne la nouvelle lune. Cette manière pour la lune de renouveler sa lumière c’est pour vous le commencement des mois. Cela veut dire : alors que l’année sera comptée par la révolution du soleil, les mois seront comptés par les révolutions lunaires. Il y a donc ici un enseignement très important concernant le calendrier hébraïque qui apparait comme le calendrier du monothéisme absolu.

 

Je vous l’explique à partir d’un Midrash assez connu en quoi le calendrier nous apparaitra comme le calendrier monothéiste absolu.   

C’est ce qui se passe dans le Midrash sur Abraham enfant reconnaissant la souveraineté du Créateur unique : il se trouvait dans une caverne et il est sorti la nuit voyant briller la lune et les étoiles. Il s’est mis à adorer la lune et les étoiles. Puis la nuit a disparu et le jour est arrivé avec le soleil : il s’est donc mis à adorer le soleil qui paraissait être une divinité beaucoup plus grande. Mais le soir la lune est revenue. Alors il a compris qu’au-delà de la lune et du soleil il y avait un Dieu unique.

 

Lorsqu’Abraham a eu trois ans, il est sorti de la caverne et s'est mis à réfléchir. Qui a créé le Ciel, la Terre, et moi-même ? Il a prié toute la journée en se tournant vers Soleil. Le soir, le Soleil s'est couché à l'Ouest et la Lune s'est levée à l'Est. Lorsqu'il vit la Lune et les Etoiles qui l'entouraient, il s'est dit : c'est la Lune qui a créé le Ciel, la Terre et moi-même et les Etoiles en sont les ministres et les serviteurs. Il s'est levé et a prié toute la nuit en direction de la Lune. Le matin, la Lune s'est couchée à l'Ouest et le Soleil a brillé à l'Est. Abraham dit : ils n'ont donc aucune puissance et il y a un Maître au dessus d'eux. C'est à lui que je prierai et à qui je me prosternerai.

 

Midrash plein de mystères : que faisait Abraham dans une caverne ? Que signifie le fait que la 1ère fois qu’il ait vu la nuit il ne savait qu’après venait le jour ? Et après le jour il y aurait la nuit ?

 

Je ne veux pas approfondir le Midrash pour lui-même, il y a ici dans une concision extrême un résumé de l’expérience d’Abraham qui a d’abord voyagé dans les civilisations où la divinité était connue comme étant de type lunaire, ensuite dans des civilisations où la divinité était connue comme étant de type solaire, et finalement c’est au-delà de ces deux types de calendrier et de ces deux types de perception du temps, qu’il fonde le monothéisme.  

 

Le père d’Abraham est Terah de racine analogue avec Yareah.

Le beau-père de Yaaqov est Lavan ce qui ressemble beaucoup à Levanah.

 

Le Midrash précise là que dans cette civilisation-là on divinisait le principe du temps lunaire, alors que dans d’autres civilisations, en particulier l’Egypte, on divinisait le principe du temps solaire.

On voit qu’Abraham sort de la civilisation de la Mésopotamie, de rythme lunaire, et il fait des voyages dans la civilisation de l’Egypte de rythme solaire… mais le pays de Canaan est au-delà.  

C’est frappant de voir ce qui arrive dans la descendance d’Abraham : Ismaël va revenir à un calendrier purement lunaire. Esaü va prendre un calendrier purement solaire.  

Pour Ismaël, les mois sont normaux mais les années complètement anormales, alors que dans le calendrier chrétien de Esaü, les années sont normales mais les mois anormaux... Seul Yaaqov-Israël a conservé le calendrier de l’unité des rythmes de la lune et du soleil, c’est-à-dire ce que j’ai appelé « le calendrier monothéiste».  

On pourrait parler de cela à l’infini.

Le mois sera donc compté d’après la révolution lunaire et tout se passe comme si jusque-là la tradition hébraïque elle-même ne connaissait pas cette manière de compter le temps ?   

 

En tout cas ce qui est certain c’est par rapport à la 2ème partie du verset:   

רִאשׁוֹן הוּא לָכֶם, לְחָדְשֵׁי הַשָּׁנָה  

Cela ne désigne plus la néoménie, la nouvelle lunaison, mais cela désigne le mois du printemps, le mois de Nissan, où nous nous trouvons au moment de la sortie d’Egypte, qui lui sera défini comme étant le 1er mois de l’année.  

Et là nous avons beaucoup plus d’indications par les sources.

Jusque-là, dans le calendrier des Patriarches le commencement des mois de l’année était Tishri. C’est à partir de l’événement de la sortie d’Egypte que le commencement des mois de l’année sera Nissan. Rosh Hashana est commémoré au début du 7ème mois selon les paroles de la תּוֹרָה elle-même et on l’a gardé comme le premier mois de l’année à Rosh Hashana. Et c’est la différence de l’année qui commence à Tishri et de l’année qui commence à Nissan dont je vais vous parler très rapidement.

 

Nissan & Tishri

 

L’année qui commence à Tishri, c’est l’année de commémoration des événements à l’échelle de l’universel du monde. Rosh Hashana commémore la création du monde, et par conséquent c’est le principe d’une année où viennent s’inscrire les événements de commémoration de ce qui concerne la création toute entière. Alors que le Rosh ‘Hodesh de Nissan c’est l’année qui concerne l’histoire d’Israël. Et l’année qui commence à Nissan est le commencement de l’année où s’inscrivent les commémorations de l’histoire propre à Israël. Le décalage entre Nissan et Tishri c’est ce décalage entre la particularité de l’histoire d’Israël et de l’universel de l’histoire du monde.

 

Il y a une grande Ma’hloqet dans la Guémara pour savoir si le monde a été créé à Tishri ou à Nissan. Le sens de cette Ma’hloqet consiste à dire que l’intention de la création du monde c’est l’universel humain avec Israël qui est récessif par rapport à l’universel humain, ou bien si l’intention de la création du monde c’est Israël et l’universel humain a été créé pour qu’Israël existe...

 

Réponse : le monde a été créé à Tishri mais la pensée de création a eu lieu à Nissan. Le projet de création est le 1er Nissan et la réalisation est en Tishri. Il y a donc une relation de solidarité très étroite entre Nissan et Tishri.

 

12:3

דַּבְּרוּ, אֶל-כָּל-עֲדַת יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר בֶּעָשֹׂר לַחֹדֶשׁ הַזֶּה:  וְיִקְחוּ לָהֶם אִישׁ שֶׂה לְבֵית-אָבֹת--שֶׂה לַבָּיִת

Parlez à toute l’assemblée d‘Israël en disant : le 10ème de ce mois ils prendront pour eux chacun un agneau pour sa maison paternelle un agneau par maison.

 

Cela veut dire que jusque-là les enfants d’Israël se trouvaient en Egypte comme à l’échelle individuelle, comme des individus agglomérés dans des groupes non-organisés. A partir du moment où la collectivité nationale doit être structurée, alors chacun doit s’identifier par maison paternelle, et chaque groupe doit équivaloir à un agneau du sacrifice.

 

12:4

וְאִם-יִמְעַט הַבַּיִת, מִהְיוֹת מִשֶּׂה--וְלָקַח הוּא וּשְׁכֵנוֹ הַקָּרֹב אֶל-בֵּיתוֹ, בְּמִכְסַת נְפָשֹׁת:  אִישׁ לְפִי אָכְלוֹ, תָּכֹסּוּ עַל-הַשֶּׂה

Et si chaque maison paternelle est moindre (que équivalent à un agneau tout entier) Et chacun prendra avec son voisin proche de sa maison (קָּרֹב= proche parent. Il s’agit des liens de parenté et pas seulement de voisinage)

Une équivalence de la capacité de nourriture de chaque personne pour que l’ensemble équivaille à un agneau.

 

Il y a ici une définition de la personne humaine en relation au fait de nourriture qui est importante à désigner. C’est dire que la première indication de l’organisation de la société est d’ordre économique, et c’est important à souligner : chacun se définit comme capacité économique : ensemble on équivaut à ce qui représente la capacité de nourriture d’un agneau et c’est ainsi que cela se forme les ‘Havourot lors du Seder de Pessah.   

Il y a un parallèle entre le mois de Tishri et le mois de Nissan :

Par exemple : Le 1er mois de Nissan correspond au Rosh Hashana du 1er Tishri.

La fête de Pessah est le 14 Nissan et la fête de סֻּכּוֹת est le 14 Tishri.

Il y a un parallèle très étroit. Le parallèle va très loin : 49 jours après c’est le 50ème jour après la  fin de Pessah nous avons שָׁבֻעֹת qui est תּוֹרָה מָתַן.

Mais immédiatement après la fin de סֻּכּוֹת nous avons Sim’hat Torah qui correspond à שָׁבֻעֹת sans ce décalage. Et il y a quand même le jour de Kippour qui est le 10 Tishri qui va trouver sa correspondance dans ce qui est dit au verset 3.

 

12:3

דַּבְּרוּ אֶל-כָּל-עֲדַת יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר, בֶּעָשֹׂר, לַחֹדֶשׁ הַזֶּה:  וְיִקְחוּ לָהֶם, אִישׁ שֶׂה לְבֵית-אָבֹת--שֶׂה לַבָּיִת

Parlez à toute l’assemblée d‘Israël en disant : le 10ème de ce mois-ci

(donc c’est le 10 de Nissan qui correspond au 10 Tishri qui est le jour de Kippour) ils prendront pour eux chacun un agneau pour sa maison paternelle un agneau par maison.

 

Et nous commencerons à préparer l’agneau du sacrifice de Pessah le 14 au moment de la pleine lune.  

Le Midrash que cite le Maharal que j’ai cité brièvement nous dit ceci :

Pourquoi la מִצְוָה d’avoir à préparer cet agneau du sacrifice est-elle donnée 4 jours avant la sortie d’Egypte elle-même ?  

 

Le Maharal donne 2 raisons :

 

  • Dieu décide de sauver Israël et il faut qu’Israël ait un mérite quelconque de telle sorte de pouvoir ouvrir cette porte de la décision de la délivrance. Alors Dieu a donné deux מִצוֹת à Israël et c’est par le mérite de ces deux מִצוֹת que la גֵּאֻלָה la délivrance sera possible. Ce qui est prévu dans les lois de Pessah : seuls ceux qui sont circoncis participeront au sacrifice de Pessah. Par conséquent, il fallait au moins 4 jours avant car le temps de guérison de la circoncision est de trois jours. Il y a là un appel à l’identification. Israël se trouvait dans l’état dans lequel il se trouvait : une assimilation à la culture égyptienne, sauf la tribu de Lévi, et puis finalement le moment de s’identifier arrive et alors il y a cet appel à l’identification. Seuls ceux qui seront circoncis, c’est-à-dire ceux qui confirmeront l’alliance d’Abraham participeront de la גֵּאֻלָה, avec le sacrifice de Pessah.

 

  • La 2ème raison encore beaucoup plus profonde dans le courage de cette identification. La raison du choix de l’agneau comme sacrifice : les Égyptiens avaient l’habitude de représenter leurs divinités par des formes animales. Or, en ce temps-là c’était la figure du zodiaque de ce temps-là, ils représentaient leur divinité dominante dans la figure de l’agneau du bélier. Et c’est précisément ce sacrifice qui est demandé à Israël pour faire la preuve de son engagement d’identité : avoir le courage de préparer pour sacrifice de Pessah, précisément ce qui est le symbole de la divinité de l’Egypte. Raison pour laquelle le Shabbat qui précède Pessah est cette année-là le 10 Nissan qu’on appelle Shabbat Hagadol, parce que dit le Midrash c’est Ness Gadol un grand miracle : un engagement d’identification qui implique un courage sans limite de la part d’un peuple d’esclaves au sein de cet Egypte totalitaire. 

 

A travers ces deux מִצוֹת, la מִצְוָה de la Milah et la מִצְוָה de la préparation de l’agneau du sacrifice, il y a eu à l’échelle individuelle l’engagement d’identification pour savoir qui est d’Israël et qui n’en est pas. Ceux qui ont participé au sacrifice de Pessah vont être sauvés et ceux qui n’y ont pas participé vont se perdre dans le paysage de l’Egypte. Et c’est exactement cela le problème de l’assimilation…

 

En fin d’exil le peuple se trouve dans un état indifférencié. On ne voit plus de différence entre hébreu et égyptien. Et puis finalement arrive le moment du rendez-vous de l’interpellation d’identité, et c’est là que se dévoile ce courage extraordinaire qui est le jour de Kippour du mois de Nissan et qui correspond au jour de Rosh Hashana du mois de Tishri.

 

 

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