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MESSIANISME
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KI TISSA - SÉRIE 1985

Le cours

 

(1985) כִּי תִשָּׂא

 

La foi d’Israël était préalable à la révélation de la תּוֹרָה.

Et Moïse va l’utiliser pour faire admettre que c’est le même Dieu qui a fait sortir Israël d’Egypte et qui donne la תּוֹרָה.

 

Et la société juive contemporaine israélienne est divisée en deux :

 

  Ceux qui sont encore au stade de la foi de la 1ère étape = ceux du sionisme sans תּוֹרָה.

  Et ceux de la 2nde  étape = celle du Moïse donnant la תּוֹרָה.

 

En fait, l’équation est plus nuancée. Par rapport à ce problème il y a 4 attitudes :

 

  Ceux qui reçoivent le Moïse de la sortie d’Egypte et pas le Moïse de la תּוֹרָה,

  Ceux qui reçoivent le Moïse de la תּוֹרָה et pas celui de la sortie d’Egypte,

  Ceux qui ne reçoivent ni l’un ni l’autre,

  Et ceux qui, grâce à Dieu, reçoivent les 2.

 

Le fait d’avoir à réaliser que c’est le Moïse qui fait sortir d’Egypte (le programme de l’histoire nationale) et qui d’autre part donne la תּוֹרָה, c’est le même. C’est cette perplexité qui était celle de la génération du désert au pied du Sinaï.

 

Commentaire cité par Rashi :

Chapitre 20 sur le 1er commandement au verset 2 :

 

יִתְרוֹ 20:2

אָנֹכִי יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, אֲשֶׁר הוֹצֵאתִיךָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם מִבֵּית עֲבָדִים:  לֹא-יִהְיֶה לְךָ אֱלֹהִים אֲחֵרִים, עַל-פָּנָי

Je suis l'Éternel, ton Dieu, qui t’a fait sortir du pays d'Égypte, d'une maison d'esclavage.

 

Rashi : אֲשֶׁר הוֹצֵאתִיךָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם          

כְּדָאי הִיא הַהוֹצָאָה שֶׁתִּהְיוּ מְשׁוּעְבָּדִים לִי. דָּבָר אַחֵר לְפִי שֶׁנִּגְלָה בַּיָּם כְּגִבּוֹר מִלְחָמָה

Qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte… Il valait la peine que vous sortiez, afin que vous soyez soumis à ma puissance (Mekhilta). Autre explication : Tandis qu’Il s’est manifesté sur la mer comme un puissant guerrier…

 

« Cela valait la peine cette sortie d’Egypte (malgré eux) afin que vous soyez mes serviteurs à Moi, cela vaut mieux que d’être les serviteurs de l’Egypte ». (Même sans les allocations familiales, c’est mieux). Autre enseignement : parce qu’Il s’est révélé sur la mer rouge comme un héros de guerre. C’est la 1ère expérience. Et ici, il s’est révélé comme un vieillard plein de miséricorde, un Rosh Yeshivah. C’est la 2nde expérience.

 

Il faut arriver à comprendre qu’un Rosh Yeshivah et un officier de Tsahal c’est la même chose...

C’est là le problème de l’histoire juive contemporaine, particulièrement en Israël. Grâce à Dieu il y a des Rashei Yeshivot officiers de Tsahal ou inversement des officiers de Tsahal qui sont des Rashei Yeshivot. En dehors d’eux, il n’y a que soit des officiers de Tsahal soit des Rashei Yeshivah, et il n’est pas évident que c’est la même chose…

 

Rashi l’explique clairement pour expliquer le mot de אָנֹכִי:

אָנֹכִי יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, אֲשֶׁר הוֹצֵאתִיךָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם מִבֵּית עֲבָדִים

Je suis HM ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d'Égypte, de la maison des esclaves...

 וַאֲנִי מִשְׁתַּנֵּה בְּמַרְאוֹת אַל תֹּאמְרוּ שְׁתֵּי רָשׁוּיוֹת הֵן

אָנֹכִי הוּא אֲשֶׁר הוֹצֵאתִיךָ מִמִּצְרַיִם וְעַל הַיָּם

Et comme je me suis manifesté successivement sous des apparences différentes, ne dites pas qu’il existe deux pouvoirs : C’est moi-même qui vous ai fait sortir d’Egypte, et aussi celui qui vous ai sauvés sur la mer.

 

Mais le mot de אָנֹכִי ne veut pas dire « Je suis » (אֲנִי) mais signifie « C’est moi qui suis »

Il n’y a pas écrit Ani. Il faut entendre en hébreu la différence entre אָנֹכִי et אֲנִי.

Il y a une différence d’affirmation de confirmation parce que Dieu a donné la תּוֹרָה et il est obligé de s’identifier en disant : Attention ! C’est bien Moi qui vous ai fait sortir d’Egypte…

Pour ne pas qu’ils pensent que ce même Dieu qui leur donne la תּוֹרָה il s’agit d’un autre.

 

Ceci dit, entendez bien qu’il y a un ordre : il faut d’abord sortir d’Egypte, d’abord le passage de la mer rouge et après on arrive au Moïse de la תּוֹרָה. L’ordre inverse n’est pas logique. C’est l’échec. Tant qu’on est dans la 1ère phase et l’expérience de la fin de l’exil il y a des chances qu’on arrive cachère dans la תּוֹרָה. Mais si on commence par la תּוֹרָה sans l’expérience de la sortie d’Egypte on ne sera jamais cachère.

 

Dans un vocabulaire plus simple :

Un juif non religieux mais sioniste devenant religieux devient un juif normal.

Mais un juif religieux qui n’est pas sioniste ne deviendra jamais un juif normal puisqu’il ne  deviendra jamais sioniste...

 

Je sais très bien que la génération contemporaine est très perplexe devant l’existence de grandes autorités rabbiniques qui vivent à l’envers. Il faut leur poser la question. La question est de savoir s’ils n’ont pas lu Rashi ? Bien sûr qu’ils ont lu Rashi ! Mais vous comprenez à quel point lorsqu’on a une option de logique préalable on ne voit pas ce qu’il y a d’écrit !  

 

Chap 3, verset 11-12 :

 

וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה, אֶל-הָאֱלֹהִים, מִי אָנֹכִי, כִּי אֵלֵךְ אֶל-פַּרְעֹה; וְכִי אוֹצִיא אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, מִמִּצְרָיִם

Moïse dit au Seigneur: "Qui suis-je, pour aborder Pharaon et pour faire sortir les enfants d'Israël de l'Égypte?"

 

וַיֹּאמֶר, כִּי-אֶהְיֶה עִמָּךְ, וְזֶה-לְּךָ הָאוֹת, כִּי אָנֹכִי שְׁלַחְתִּיךָ:  בְּהוֹצִיאֲךָ אֶת-הָעָם, מִמִּצְרַיִם, תַּעַבְדוּן אֶת-הָאֱלֹהִים, עַל הָהָר הַזֶּה

Il répondit: "C'est que je serai avec toi et ceci te servira à prouver que c'est moi qui t'envoie: quand tu auras fait sortir ce peuple de l'Égypte, vous adorerez le Seigneur sur cette montagne même."

 

Lorsque Dieu s’adresse à Moïse au moment de la révélation du buisson ardent, il le charge d’aller affronter Paro pour faire sortir les Hébreux de l’empire du Pharaon. Et Moïse qui a déjà l’expérience, qui avait déjà essayé et n’avait pas pu, on a étudié cela les problèmes de la vocation de Moïse 40 ans auparavant, et Moïse dit ceci au verset 11 :

 

וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה, אֶל-הָאֱלֹהִים, מִי אָנֹכִי, כִּי אֵלֵךְ אֶל-פַּרְעֹה; וְכִי אוֹצִיא אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, מִמִּצְרָיִם

Moïse-dit au Seigneur: "Qui suis-je, pour aborder Pharaon et pour faire sortir les enfants d'Israël de l'Égypte?"

 

וַיֹּאמֶר, כִּי-אֶהְיֶה עִמָּךְ, וְזֶה-לְּךָ הָאוֹת, כִּי אָנֹכִי שְׁלַחְתִּיךָ:  בְּהוֹצִיאֲךָ אֶת-הָעָם, מִמִּצְרַיִם, תַּעַבְדוּן אֶת-הָאֱלֹהִים, עַל הָהָר הַזֶּה

Il répondit: "C'est que Je serai avec toi et voici pour toi le signe que c'est bien Moi qui t'ai envoyé: quand tu auras fait sortir ce peuple de l'Égypte, vous adorerez le Seigneur sur cette montagne même."

 

La première réponse concerne le Pharaon :

« En ce qui concerne Pharaon, n’aies pas peur Je serais avec toi… »

« Maintenant en ce qui concerne les Hébreux et leur réaction dont tu as peur : « alors voici pour toi le signe que c’est bien Moi qui t’ai envoyé, lorsque tu feras sortir le peuple d’Egypte vous viendrez servir Dieu sur cette montagne ».

 

Et la révélation du Sinaï s’est faite sur la montagne où il y a eu la révélation du buisson ardent.

Cela veut dire : Si tu as des problèmes avec les Hébreux amène-les ici, et ici Je me révélerai à toi !

Par conséquent, si Moïse les a amenés là-bas c’est qu’il avait des problèmes avec eux ! Sinon il les aurait amenés directement à Jérusalem !

 

2ème message : « en ce qui te concerne toi, voici le signe que c’est bien moi qui t’ai envoyé… »

Ce que je vous ai raconté du סִּינַי הַר מַעֲמָדֲ. Il les a amenés au סִּינַי הַר et Dieu s’est révélé à eux pour habiliter Moïse. Parce que voyez la difficulté du verset : Moïse a besoin d’un signe à ramener en Egypte pour habiliter sa mission.

 

Et c’est ce qu’Il lui répond :

« Débrouille-toi, fais les sortir d’Egypte, Je serais avec eux, et amène-les ici. Là, ils verront bien que c’est toi qui a raison… »

 

Nous voyons la tache immense de Moïse qui doit arriver à réussir sans aucun truc, sans aucun signe. S’il est nécessaire que ces signes soient donnés, c’est une fois que Moïse aura réussi.

 

Les Midrashim vont utiliser cet aspect de 2 manières :

 

  Négatif : a priori l’événement du Sinaï est en défaveur d’Israël : on n’était pas capable du premier projet de la תּוֹרָה et donc c’est une descente de niveau : on a eu besoin de les amener par le détour du Sinaï.

 

  Positif : a postériori, c’est au contraire la preuve d’un mérite suffisant, dans l’état dans lequel ils étaient, pour recevoir la תּוֹרָה et l’habilitation de Moïse.

 

Le thème général dans tous ces enseignements est important : c’est le problème de la relation à la תּוֹרָה, à la révélation. En général, lorsqu’il y a refus de la תּוֹרָה, refus de la révélation, ce n’est pas cette חוּצפָּה, cette insolence de refuser ce que Dieu a dit, mais on nie que c’est Dieu qui l’a dit.

C’est ce qui se passe dans cette scène. Dans tous les cas c’est à imputer au mérite du peuple : la vérification de la mission de Moïse.

 

L’objectif et la raison du סִּינַי הַר מַעֲמָדֲ, de la révélation du סִּינַי הַר, c’est fait pour habiliter Moïse. Certains commentateurs des פִּרְקֵי אֲבוֹת ont utilisé cela que nous venons d’apprendre pour rendre compte de la 1ère phrase de la 1ère Mishna :

מִסִּינַי תּוֹרָה קִבֵּל מֹשֶׁה Moïse a reçu la תּוֹרָה du Sinaï.

 

Une question se pose sur la formule étrange de la Mishna qui nous est maintenant familière « מִסִּינַי תּוֹרָה » ? Pourquoi la Mishna ne dit-elle pas  בְּסִּינַי הוּא בָּרוּךְ מִהָקָדוֹשׁ תּוֹרָה קִבֵּל מֹשֶׁה? C’est comme si il avait reçu la תּוֹרָה du Sinaï et que le Sinaï lui avait donné la תּוֹרָה ? La réponse c’est qu’on n’a pas lu attentivement ce qui est écrit là :

מִסִּינַי תּוֹרָה קִבֵּל מֹשֶׁה

« Mi Sinaï » signifie à partir du Sinaï.  A partir du Sinaï Moshe a été habilité comme celui qui reçoit la תּוֹרָה... מִסִּינַי תּוֹרָה קִבֵּל מֹשֶׁה

 

Je vais vous donner un plan que j’ai étudié dans un livre peu connu d’un des grands Kabbalistes du 10ème siècle qui est אברהם בר חייא הנשיא maitre kabbaliste nommé également R. Avraham bar Hiyya ha-Sefaradi,  ayant vécu au 10/ 11e siècle en Provence dans le sud de la France nord de l’Espagne dans son Livre Higayon HaNefesh HaAzuva : Guérison du נֶפֶשׁ.

 

Il a une exégèse des versets qui est assez exceptionnelle, et on a toujours regretté de n’avoir pas retrouvé son manuscrit de son commentaire de la תּוֹרָה qui a disparu. On n’a plus que les commentaires de son Livre « Hégayon hanefesh ».

Il a une exégèse extrêmement originale. Il dit ceci :

 

On a l’habitude de parler des 10 commandements. En réalité il y en a 9. De ces 10 paroles en réalité une seule, la première est une définition que Dieu donne de lui-même.

Cette définition implique certaines מִצוֹת commandements mais n’est pas en elle-même un commandement, une מִצְוָה.

 

Par exemple, Maïmonide va se rattacher à cette première parole des 10 commandements pour un certains nombres de sujets concernant la foi en l’unité de Dieu.

 

Mais je schématise un peu, il nous donne le plan suivant : la תּוֹרָה concerne la mise à l’épreuve de l’homme dans ce monde-ci de façon à savoir si l’homme est plutôt צַדִּיק juste que רָשָע méchant ou dans une autre formule : Dieu cherche à savoir si cela valait la peine de l’avoir créé.

Nous vivons d’abord dans un monde où nous sommes en test, à l’épreuve.

Et cette mise à l’épreuve a lieu dans trois types de relations (surtout mises en évidence dans le détail dans l’enseignement du Maharal à travers toute son œuvre qui est axée sur ces 3 principes :

  לָּמָקוֹם אָדָם בֵּין - entre l’homme et Dieu.

  לָּחֲבֵרָוֹ אָדָם בֵּין - entre l’homme et autrui.

  לֵּעַצְמוֹ אָדָם בֵּין - entre l’homme et soi-même.

 

On est beaucoup plus habitué en dehors de l’enseignement du Maharal à diviser les 10 paroles en deux ensembles :

 

  לָּמָקוֹם אָדָם בֵּין, les commandements qui régissent la nature de la relation entre l’homme et Dieu.

  לָּחֲבֵרָוֹ אָדָם בֵּין entre l’homme et son prochain.

 

Rabbi ‘Hiyyah propose avant le Maharal une division précises en trois groupe de commandements.

 

L’objectif de la תּוֹרָה est de faire que chaque créature devienne quelqu’un qui puisse dire אָנֹכִי.

Cela veut dire : il s’agit de construire le sujet. Et le sujet se construit dans trois types de relations.

  La relation à Dieu qui est la source de l’être de toute créature.

  La relation à soi-même - la dignité de l‘homme en soi.

  La relation à autrui - la relation avec l’autre créature.

 

Le Gaon de Vilna enseigne cela d’une autre manière : toute la תּוֹרָה peut être récapitulée en un seul mot, c’est le mot אָנֹכִי. Il s’agit de devenir quelqu’un qui soit sur le modèle de celui qui est אָנֹכִי.

 

Si on reprend le verset du שְׁמַע קרִיאָת analysé en liaison avec le premier verset des dix commandements cela fera un sens important.

« Et seront ces paroles que אָנֹכִי t’enseigne aujourd’hui »

C’est ici אָנֹכִי qui t’enseigne, c’est la תּוֹרָה de אָנֹכִי que nous avons.

Dieu commence par dire « יְהוָה אֱלֹהֵיךָ  אָנֹכִי » i.e. יְהוָה אֱלֹהֵיךָ  c’est אָנֹכִי.

C’est-à-dire que l’objectif c’est de construire la personne de la créature, en fin de compte de l’homme, dans sa dignité totale.

 

Midrash :

Au moment où Moïse est sur le סִּינַי הַר pour y recevoir la תּוֹרָה, pendant ce temps une partie du peuple fait le veau d’or et il y a une lutte entre la partie du peuple qui veut le veau et celle qui ne le veut pas. Et lorsque Moïse descend de la montagne, Josué monte à sa rencontre et la rencontre se fait au milieu de la montagne. Moïse entend une voix, un bruit et Moïse demande à Josué quel est ce bruit ? Et Josué répond : « Je n’entends ni de bruit de victoire ni de bruit de défaite, j’entends un bruit ». C’est un thème pour lui-même : chaque fois qu’Israël doit se décider sur un programme essentiel on n’arrive pas à avoir de majorité. C’est l’éternel problème de la Knesset.

 

Le Midrash dit ceci :

Les Hébreux ont entendu dire directement de Dieu : אָנֹכִי et לֹא-יִהְיֶה לְךָ.

Ces deux commandements ont été entendus directement de Dieu.

Le Midrash explique qu’ils se répétaient ces deux commandements là et c’est le bruit que Moïse entendait : ils disaient « לֹא-יִהְיֶה לְךָ  אָנֹכִי אָנֹכִי » « moi, moi, j’ai rien à voir avec toi ». 

Chacun répétait אָנֹכִי, אָנֹכִי, אָנֹכִי … Chacun le répétait pour lui et se pose le problème de l’égoïsme (en hébreu אָנֹכִי).

 

Cette identité du אָנֹכִי se construit dans trois relations.

Les 9 paroles qui suivent sont les 9 commandements de bases, les principes de ces 3 relations

  Entre l’homme et Dieu,

  Entre l’homme et lui-même,

  Entre l’homme et autrui.

 

Je ne sais pas si vous avez en mémoire les dix commandements mais vous pourrez faire cet exercice pour vous-même. Voilà cet enseignement : chacun de ces commandements est donné à trois niveaux :

  Au niveau de l’intention, la pensée, מַחְַשָבָה.

  Au niveau de la parole, דִּבּוּר, et,

  Au niveau de l’acte, מַעֲשֵׂה.

 

Je vous donnerais l’exemple du premier groupe des trois.

L’ordre de gravité est différent dans chacune de ces relations מַחְַשָבָה, דִּבּוּר, מַעֲשֵׂה

 

Il y a une division des 9 commandements en trois par trois qui font apparaitre 3 niveaux מַחְַשָבָה, דִּבּוּר, מַעֲשֵׂה: pensée parole et acte pour chacun.

 

Le חִדֻשׁ de Rav ‘Hiyyah c’est d’indiquer que dans l’ordre des relations entre l’homme et Dieu, ce qui passe avant c’est l’intention, ensuite c’est la parole et ensuite c’est l’acte.

 

D’où l’ordre des trois commandements :

Interdiction de l’idolâtrie : c’est l’intention qui fait qu’une idole est une idole.

Interdiction de prononcer le nom de Dieu en vain, le niveau de la parole qui vient après.

La pratique du Shabbat, la reconnaissance du Créateur, le מַעֲשֵׂה vient après.

 

Cela veut dire que l’ordre Pensée-Parole-Action c’est l’ordre de la relation entre l’homme et Dieu

 

Alors que dans les 3 derniers commandements :

-Tu ne voleras pas.

-Tu ne porteras pas de faux témoignage.

-Tu ne convoiteras pas.  

L’ordre est inversé d’abord le Maasséh, le vol est un acte, ensuite la parole, le faux témoignage et ensuite l’intention, tu ne convoiteras pas.

 

Cela veut dire que l’ordre Action-Parole-Pensée c’est l’ordre de la relation entre l’homme et son prochain.

 

L’ordre de la relation entre l’homme et lui-même est encore un ordre différent, que vous devinerez d’ailleurs par vous-même en étudiant le texte.

 

Dans le rapport à autrui l’urgent, l’essentiel c’est l’acte, et puis la parole c’est important, l’intention c’est important mais moins que l’acte. C’est au niveau des actes qu’il faut être d’abord scrupuleux.

Et aussi dans la relation de parole et aussi dans la relation d’intention, mais il y a urgence dans l’acte. Dans la relation à Dieu c’est l’inverse, c’est l’intention où l’accent est le plus fort, ensuite la parole et ensuite l’acte.

 

Dans le 3ème groupe, (Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que l'Éternel, ton Dieu, te donne- Tu ne commettras point d'assassinat - Tu ne commettras point d'adultère) c’est la parole qui vient en tête. Tu respecteras ton père et ta mère. Et c’est une question de שׁוּלחָן עָרוּךְ très importante. C’est d’abord au niveau de la parole que se perçoit le respect aux parents, la manière dont on leur parle et dont on les laisse parler.

On l’apprend de la manière dont Esaü et Jacob s’adresse à Isaac qui est différente au moment de la bénédiction. Jacob dit :

 קוּם-נָא שְׁבָה  « Lève-toi donc stp et assied-toi… »

Alors qu’Esaü dit :

יָקֻם אָבִי וְיֹאכַל מִצֵּיד בְּנוֹ Que mon père se lève et s’asseye…

 

Le Midrash enseigne que le sens de  הַקֹּל קוֹל יַעֲקֹב, וְהַיָּדַיִם, יְדֵי עֵשָׂו : Le timbre de la voix était le même mais pas les mains. Les mains ne sont pas les mêmes…

 

***

 

מִּשְׁפָּטִים

 

Sidra qui ne peut pas être étudiée vraiment sans les traités talmudiques Baba Metsia, Baba Qama et Baba Batra.  

Vous verrez par vous même que l’ensemble des מִצוֹת de la Parashah de מִּשְׁפָּטִים concerne l’ensemble de la législation du code de la תּוֹרָה. Et par conséquent, elle nous donne que les têtes de chapitres, les principes de la juridiction de la תּוֹרָה qui va devenir la juridiction talmudique par la suite, c’est-à-dire qu’elle a été mise par écrit au temps du Talmud.

 

J’en arrive au 1er point.

 

La caractéristique du Shabbat

 

Il y a une période de l’année qui commence au 1er Shabbat du livre de שְׁמוֹת et qui se termine à Shabbat מִּשְׁפָּטִים et qu’on appelle la période de שׁוֹבָבִים

(Acrostiche de שְׁמוֹת, וַיֵּרָא, בֹּא, בְּשַׁלַּח, יִתְרוֹ, מִּשְׁפָּטִים)

 

D’autre part c’est la Parashah qui s’appelle Shabbat שְׁקָלִים

 

Et c’est le Shabbat qui précède le חוֹדֶשׁ רֹאשׁ Adar dans lequel se trouve Pourim.

C’est le mois qui précède le mois de Nissan où se trouve Pessah

Dans l’année où il y a 13 mois, il y a 2 mois d’Adar alors la Parashah de שְׁקָלִים c’est le Shabbat qui précède le חוֹדֶשׁ רֹאשׁ du 2nd mois d’Adar et il s’agit du mois qui précède le mois de Nissan.

 

שׁוֹבָבִים:

La période de שׁוֹבָבִים est une période de pénitence.

Assez analogue à la période du mois d’Eloul qui précède רֹאשׁ הַשָּׁנָה et les fêtes de Tishri.

On est plus habitué à connaitre Eloul comme mois de pénitence תּשוּבָה mais שׁוֹבָבִים est toujours pratiqué par les sociétés des ‘Hassidim. C’était une période, depuis שְׁמוֹת jusqu’à מִּשְׁפָּטִים, où l’on avait l’habitude de jeûner par pénitence le lundi et jeudi de chaque semaine.

C’est à relier au fait que ce sont les jours de lecture du תּוֹרָה סֵּפֶר dans la semaine.

 

Le mot de שׁוֹבַבִים signifie « rebelles ».

L’adjectif est שׁוֹבַב.

C’est un des deux adjectifs construits sur le verbe שׁוּב qui signifie revenir et qui signifie faire repentir d’où le mot de תְּשוּבָה qui signifie le repentir.

La racine שׁוּב a deux adjectifs : שׁוֹבַב rebelle et שַׁב celui qui se repent.

שׁוֹבַב => revenir pour recommencer = récidiver => idée d’entêtement et de rébellion.

 

A partir de לָשׁוּב il existe 2 substantifs :

- תְּשוּבָה repentir avec שַׁב / שַׁבִים ceux qui reviennent, se repentent.

- מְּשוּבָה entêtement, rébellion avec שׁוֹבַב / שׁוֹבַבִים, ceux qui se rebellent.

 

Ce mot de שׁוֹבָבִים existe dans un verset des prophètes (Jérémie 3 :14) :

« שׁוּבוּ בָנִים שׁוֹבָבִים - Revenez enfants rebelles.

 

שׁוֹבָבִים = Rashé Tévot des Sidrot de שְׁמוֹת => שְׁמוֹת, וַיֵּרָא, בֹּא, בְּשַׁלַּח, יִתְרוֹ, מִּשְׁפָּטִים Période qui correspond dans le récit de la תּוֹרָה à une période de risques et de dangers de rebellions, et qui a été instituée comme période de pénitence.

 

On lit les récits de la sortie d’Egypte dans ces différentes étapes à travers ces différentes Sidrot depuis שְׁמוֹת jusqu’à מִּשְׁפָּטִים. On s’aperçoit de l’extrême difficulté à réussir la sortie d’Egypte.

Les deux premières Parashiot, שְׁמוֹת et וַיֵּרָא, relatent l’intervention de Dieu pour que les Egyptiens finissent par laisser partir Israël d’Egypte. Ensuite l’intervention de Dieu pour l’événement de la sortie elle-même dans בֹּא et בְּשַׁלַּח. Ensuite la révélation de Dieu à Israël dans les deux Sidrot de la fin de cet ensemble : יִתְרוֹ les dix commandements et מִּשְׁפָּטִים la législation de ces dix commandements.

 

La question est formulable ainsi :

Normalement, un seul événement, qui était attendu et espéré depuis le temps des patriarches à travers toute l’histoire de l’exil d’Egypte, aurait du se faire de façon plus aisée ; mais la Providence s’est heurtée à la résistance, à la rébellion מְּשוּבָה, à la résistance d’Israël lui-même. C’est une sorte de période de pénitence et une sorte d’expiation de cette période de résistance qui a fait que le récit de la sortie d’Egypte va occuper toute cette période de שׁוֹבָבִים.

 

2ème caractéristique: Shabbat שְׁקָלִים

Début de la Parashah כִּי-תִשָּׂא: Chapitre 30 verset 11

Après avoir lu la Parashah de מִּשְׁפָּטִים, on ouvre une 2ème תּוֹרָה סֵּפֶר où l’on va lire le 1er verset de ce chapitre 31 jusqu’au verset 13.

 

Ce texte comporte l’institution de la contribution du מַחֲצִית הַשֶּׁקֶל, la moitié du שֶּׁקֶל c’était le שֶּׁקֶל de ce temps qui avait une valeur différente. מַחֲצִית הַשֶּׁקֶל c’était déjà une somme considérable. C’est ce שֶּׁקֶל qui était la תְּרוּמָה, l’offrande de contribution qui avait pour objectif la construction du tabernacle dans le désert. Le tabernacle étant la préfiguration de ce que sera le Temple de Jérusalem. Et la première fois de la première année que cette מִצְוָה a été donnée à la sortie d’Egypte, cet argent du מַחֲצִית הַשֶּׁקֶל que chacun donnait dès les premières années dans le dénombrement des enfants d’Israël à la sortie d’Egypte  était consacré à la fabrique des socles des montants du tabernacle. A partir de l’institution du Temple ce מַחֲצִית הַשֶּׁקֶל servait à la caisse servant au fonctionnement du culte du Temple. Tous devaient participer.

 

C’est le cas opposé dans la communauté où une personne riche assume la majorité du budget de la communauté. Cela lui donne un poids dans la représentation de la communauté qui est exagéré par rapport au droit de dignité de chaque membre de la communauté. La règle dans la תּוֹרָה c’est que chaque membre de la communauté doit participer exactement avec la même cotisation qui est le demi-shekel : « le riche ne donnera pas plus et le pauvre ne donnera pas moins » de telle sorte qu’il y ait une démocratie de participations à la gestion de la communauté.

 

Maintenant que le temple est détruit, ce מַחֲצִית הַשֶּׁקֶל est consacré à la צֶדָקָה de Pourim.

Une des מִצוֹת particulières de la fête de Pourim c’est la מִצְוָה de צֶדָקָה, un des comportements de constitution de la communauté  c’est la צֶדָקָה. Ces שֶּׁקָלִים ne sont plus consacrés à une caisse centrale de la communauté pour l’entretien du culte dans le temple de Jérusalem, mais sont donnés à la צֶדָקָה.

 

C’est pourquoi étant donné que pendant tout le mois d’Adar c’était le temps où l’on apportait le מַחֲצִית הַשֶּׁקֶל pour chacun, alors c’est le חוֹדֶשׁ רֹאשׁ Adar à la synagogue pendant la prière où l’on annonce que le temps des שֶּׁקָלִים est arrivé. Et la disposition du rite c’est que la lecture complémentaire de la Parashah est consacrée à la lecture des versets qui instituent précisément le מַחֲצִית הַשֶּׁקֶל.

 

Etude du texte : Chapitre 30, verset 11-12

וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר  

כִּי תִשָּׂא אֶת-רֹאשׁ בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, לִפְקֻדֵיהֶם, וְנָתְנוּ אִישׁ כֹּפֶר נַפְשׁוֹ לַיהוָה, בִּפְקֹד אֹתָם; וְלֹא-יִהְיֶה בָהֶם נֶגֶף, בִּפְקֹד אֹתָם

Et Dieu s’adressa à Moshe pour dire לֵּאמֹר : כִּי תִשָּׂא...

Lorsque tu dénombreras les בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל selon leur fonction dans la société d’Israël.

 

C’est tout particulièrement au moment de la sortie d’Egypte les différentes tribus familles qui s’étaient organisées par rapport aux fonctions qu’ils avaient en relation avec le culte du Temple

Le mot de פְּקֻדִים est proche du mot contemporain פַּקִד = préposé à

Les פְּקֻדִים sont les différentes fonctions de la société. Chaque institution a ses פְּקֻדִים et donc ses פְּקִדִים...

 

Ici c’est un verset qui s’introduit par l’expression « lorsque ».

Lorsque tu dénombreras... כִּי תִשָּׂא

 

Et on nous donne de suite la seule raison pour laquelle la תּוֹרָה va autoriser le dénombrement qui est interdit par principe, mais si on est contraint de compter, en particulier en cas de nécessité de guerre, alors cela est autorisé et il y a une clause : on peut dénombrer indirectement par le biais du מַחֲצִית הַשֶּׁקֶל, par le biais de la contribution de chacun se faisant représenter par la moitié d’un שֶּׁקֶל donné au moment du dénombrement.

 

Nous aurons à étudier plus centralement cette substitution du dénombrement.  

Comment comprendre le dénombrement et pourquoi cet interdit de la תּוֹרָה ?

 

On notera d’abord les expressions avec lesquelles la תּוֹרָה exprime l’idée de dénombrer :

כִּי תִשָּׂא אֶת-רֹאשׁ: élever la tête – il y a une ambivalence du terme :

 

=> mettre en évidence chacun pour le dénombrer.

 

=> enlever la tête.

 

Dénombrer signifie d’une certaine manière condamner à mort. C’est pourquoi c’est dangereux !

 

1er point :

Comprendre le caractère dangereux du dénombrement.

C’est la question de le הַרַע עַיִן que l’on appelle le « mauvais œil ».

 

Il faut rappeler qu’il y a un certain nombre de réalités psycho-sociales, une nature à la fois psychologique et sociologique, auxquels les modernes se sont totalement déshabitués mais pour les anciens il s’agit d’évidences qui allaient de soi. Ces évidences traditionnelles lorsqu’on en perd la signification et qu’on est plus capable d’en diagnostiquer l’expérience alors on a la tentation en tant que moderne de les définir comme étant de la superstition.

 

C’est le cas de ce qu’on appelle le « mauvais œil », « jeter un œil mauvais » etc.

הַרַע עַיִן = l’envie.

 

Le fait de regarder quelqu’un avec une sorte de jalousie qui mène à l’envie. Les sociétés traditionnelles connaissaient la réalité très grave de ce fait qui amène de la gêne à vivre. Le mauvais œil fait du mal : le comportement de l’envie qui se traduit par ce regard est une réalité psycho-sociologique profonde.

 

Dénombrer amène le risque de malheur du mauvais œil à un 1er sens à ce niveau-là.

On est gêné à juste titre. Les gens gênés de ce regard n’ose plus mettre leurs beaux vêtements etc.

La relation sociale fondamentale et authentique c’est la parole de paix. La parole n’est pas  uniquement ce qui s’exprime dans la parole de la bouche mais tout ce qui s’exprime dans le comportement des relations d’un sujet à l’autre dans la société, Lorsque l’homme ne dit pas une parole de paix et qu’au contraire il lui dit une parole d’envie de jalousie de rivalité il y a gêne dans la relation sociale qui finit par devenir insupportable.

C’est un phénomène qui ne trompait personne et qui était diagnostiqué clairement dans les sociétés traditionnelles. Chacun connaissait les ravages possibles d’un certain type de regard d’envie, de jalousie... Le mot en français est trop chargé de sens. 

Il existait de façon symbolique des signes par lesquels on indiquait que l’on n’était pas dupe. On mettait par exemple une belle robe mais dessus un bijou de forme spéciale pour montrer : « je connais ton regard… ». D’où un certain nombre de bijoux symboliques pour conjurer le mauvais œil : la main juive (qui n’est pas la main musulmane de Fatma avec trois doigts et deux pouces). C’est un symbole qui signifie : דַּי!  Anagramme de la main יַּד: signifie ça suffit, דַּי!

« Je sais comment tu me regardes mais cela est inefficace… ».  

Dans les communautés, on s’est habitué à des signes de ce genre dans lesquels les modernes voient des bijoux avec des relents de superstitions.  

On s’aperçoit au niveau psychologique profond que l’homme moderne civilisé est un être très dilué qui n’arrive plus à percevoir l’intensité de cette réalité sinon dans les cas pathologiques : Il arrive  que des mauvais regards de ce genre finissent par faire tomber malade quelqu’un. Et il faut un traitement psychiatrique. En particulier, on protégeait les petits enfants en leur mettant un bijou autour du cou différent selon les communautés.

Chez les Tunisiens : un petit poisson en or, signe de fertilité etc..  

Ou cf. le bijou actuel israélien qu’est le יֲּח avec les lettres ח et י.  

Retour à l’essentiel de la signification que nous donne  la תּוֹרָה de l’interdiction du dénombrement.  

Chapitre 30:12 :

וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר

כִּי תִשָּׂא אֶת-רֹאשׁ בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, לִפְקֻדֵיהֶם, וְנָתְנוּ אִישׁ כֹּפֶר נַפְשׁוֹ לַיהוָה, בִּפְקֹד אֹתָם; וְלֹא-יִהְיֶה בָהֶם נֶגֶף, בִּפְקֹד אֹתָם

Et Dieu s’adressa à Moshe pour dire lorsque tu dénombreras les בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל selon leur fonction dans la société d’Israël. Chacun d'eux paiera au Seigneur le rachat de sa personne lors du dénombrement, afin qu'il n'y ait point de mortalité parmi eux à cause de cette opération.  

כִּי תִשָּׂא אֶת-רֹאשׁ בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל Lorsque tu dénombreras les בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל

Ici on pourrait traduire approximativement : lorsque tu compteras les enfants d’Israël par tête.

Etymologiquement en hébreu, cela veut dire « élever la tête ». «Dénombrer » dans le sens de « élever chacun par tête ». Avec cette ambivalence de l’expression qui apparait et peut se comprendre « לָשֵּׂאת אֶת הַרֶאש» : « enlever la tête ».  

On retiendra donc que l’expression elle-même possède cette ambivalence et nous verrons comment les commentateurs l’ont expliqué.  

לִפְקֻדֵיהֶם selon leur fonction

וְנָתְנוּ אִישׁ כֹּפֶר נַפְשׁוֹ Et donneront chacun le rachat de sa personne…  

כֹּפֶר est un terme important dans le vocabulaire de la תּוֹרָה dont le 1er sens est « recouvrir », pour cacher quelque chose, en particulier une faute. D’où le sens d’expiation qui recouvre la faute. לְכַפֵּר. D’où le nom de כִּפֻּרִים.  

Il y a d’autre conduite de l’expiation qui sont l’annulation et l’effacement de la faute. Mais la כַּפָּרָה c’est le recouvrement.  

A partir de la כַּפָּרָה la faute ne fait plus partie du domaine des relations publiques mais elle est encore exprimée plus profondément à l’échelle intérieure individuelle. Jusqu’à obtenir la Mé’hila la סְּמִיכָה etc… qui sont des niveaux différents. D’autre part, il y a la racine de reniement. Un renégat c’est bien un kophos.  

Ici c’est le sens de l’expiation : le dénombrement par le demi-sicle dans le sens d’un substitut expiatoire de sa personne « כֹּפֶר נַפְשׁוֹ » : « Et il n’y aura pas parmi eux de calamités » dans le sens de substitut expiatoire de sa personne.

À Dieu lorsqu’ils seront dénombrés: et il n’y aura pas parmi eux de calamités (cela peut être une épidémie, la peste…) : lorsqu’ils seront dénombrés. 

Verset 13 :

זֶה יִתְּנוּ, כָּל-הָעֹבֵר עַל-הַפְּקֻדִים--מַחֲצִית הַשֶּׁקֶל, בְּשֶׁקֶל הַקֹּדֶשׁ:  עֶשְׂרִים גֵּרָה, הַשֶּׁקֶל--מַחֲצִית הַשֶּׁקֶל, תְּרוּמָה לַיהוָה

C’est cela que donneront tous ceux qui passent par le dénombrement. Le demi-sicle au taux du Shekel dont on se sert pour le culte. (Le Shekel avait un taux différent selon qu’il servait pour le culte ou pour le marché).

Il y avait un taux fixé de façon absolue d’après le poids de la monnaie en argent pour le service du temple, et d’autre part le taux fluctuant de la monnaie du marché de l’empire romain régissant les transactions commerciales du 2nd Temple.

« Ils donneront la moitié du shekel au taux du shekel saint »,

Le shekel vaut 20 גֵּרָה (un autre Shekel peut valoir moins que 20 גֵּרָה)

« La moitié du Shekel c’est תְּרוּמָה  contribution offrande de prélèvement pour Hashem. »  

Questions fondamentales :

Pourquoi le dénombrement est dangereux ?

Pourquoi une sorte de rachat par substitution expiatoire ?

Que signifie le מַחֲצִית הַשֶּׁקֶל  demi-sicle ?  

 

Qu’est-ce qu’un dénombrement ?  

Quand il n’y a pas nécessité de se compter, de savoir qui fait partie d’une certaine identité, par exemple dans notre cas, il devient nécessaire de savoir quel est le nombre des enfants d’Israël. Cela signifie compter les personnes qui se définissent par cette identité d’Israël. Il y a un jugement implicite que chaque personne comptée fait partie de cette identité que l’on recense.  

L’équation devient ainsi : le dénombrement c’est un passage en jugement. Jusqu’à la fin des temps le dénombrement sera interdit car il est dangereux.

Ce jugement là qui consiste à faire passer un jugement d’identité des membres d’une société dans une histoire qui a pour but de leur faire acquérir cette identité, à chaque moment de l’histoire, ils seront forcément toujours en décalage de cet idéal d’identité. Et donc le dénombrement c’est un jugement provoqué et anticipé qui est dangereux. Tant que l’on est à l’abri de l’anonymat de la collectivité - les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל - on est abrité par l’identité collective. Mais s’il faut d’autre part rendre compte et justifier à l’échelle individuelle la capacité individuelle de cette identité collective alors c’est un jugement dangereux.  

Par conséquent, le dénombrement se fait par une procédure de rachat expiatrice du fait que l’on n’est pas encore arrivé à coïncider avec l’authentique de cette identité.

 

Principe de cet enseignement : A travers toute l’histoire jusqu’au bout nous sommes jugés coupables de ne pas être devenus ce que nous avons à devenir. Et donc le jugement avant le jugement dernier est toujours un jugement dangereux. Le seul jugement souhaité c’est le dernier des jugements car là on a complètement préparé l’examen, si j’ose dire. Imaginons quelqu’un qui a un temps d’histoire pour préparer son examen d’identité, il passe une « licence de l’être », et qui va donner sa copie avant le temps dont il dispose qui sera évidemment inachevée. Et donc cette anticipation est dangereuse.  

Malgré la nécessité historique urgente de faire ce dénombrement, alors sachez que c’est dangereux  et il faut le faire par le biais de l’expiation du fait de ne pas encore être digne chacun à son niveau de cette identité des Bnei Israël. C’est pourquoi le dénombrement peut mettre en évidence l’excellence de chaque individu en Israël, mais si cette excellence – élever la tête - n’est pas atteinte alors on peut enlever la tête. Le dénombrement est dévastateur.  

Nous sommes loin d’une perception superstitieuse infantile du mauvais œil qui est ici la perception d’une catégorie de conduite extrêmement importante. 

L’identité juive répugne au dénombrement. Ce serait un manque d’humour profond. Il n’y a pas de plus grand blasphème pour la תּוֹרָה que le manque d’humour. Parce que cela veut dire à la limite : « je suis déjà des enfants d’Israël, tu peux me compter dedans... » !  

Je pense à un autre principe dans l’histoire du 3ème patriarche avec le nom de Jacob qui doit devenir Israël : Ce n’est qu’à la fin de cet effort de construction et d’ascension de transfiguration d’identité qu’il devient Israël. Et le nom est donné à la collectivité de sa descendance. La collectivité de sa descendance est déjà Israël mais chacun au niveau individuel commence par être un Jacob qui doit devenir Israël. Si on interpelle quelqu’un qui au niveau de l’identité n’est que Jacob, il y a danger.  

Je vais citer à l’appui de cela un enseignement sur le 1er verset du livre de Ruth :

וַיְהִי, בִּימֵי שְׁפֹט הַשֹּׁפְטִים, וַיְהִי רָעָב, בָּאָרֶץ; וַיֵּלֶךְ אִישׁ מִבֵּית לֶחֶם יְהוּדָה, לָגוּר בִּשְׂדֵי מוֹאָב--הוּא וְאִשְׁתּוֹ, וּשְׁנֵי בָנָיו

 « Et il arriva au temps où jugeaient les juges, il y eut une famine dans le pays... »

Une information historique : au temps des juges il y a eu une famine…  

Deux faits frappants dans la société israélienne contemporaine : d’une part le pouvoir considérable des juges, et d’autre part la crise économique...  

C’est que le fait que la légalité se substitue à la moralité a des conséquences sur l’état moral de la société et donc évidement au niveau économique. Cela va ensemble. Dès que l’état de la moralité est atteint alors cela se traduit d’abord au niveau des échanges économiques.  

Une Mishna des פִּרְקֵי אֲבוֹת qui est très importante et qui montre cela de degré en degré : si on abandonne les conduites de charité alors la famine devient de plus en plus grave. C’est un principe très important : quel est le lien entre la charité et la famine ?  

Un des principes fondamentaux de la foi juive, de la תּוֹרָה, des prophètes de la bible, c’est que nous sommes toujours à l’intérieur du monothéisme intégral, il y a une relation entre la conduite morale et le sort dans l’existence. Etant donnée l’importance de la subsistance et du problème économique c’est le lien direct. Dans le שְׁמַע קרִיאָת: « si vous pratiquez Mes commandements, Je vous donnerais la pluie en son temps » Quel rapport entre la vertu et obtenir de la pluie ? Ou bien nous sommes dans un monde dualiste : le monde de la nature et ses comportements sont des absolus pour eux-mêmes et n’ont rien à voir avec le monde des vertus et de la moralité ; ou bien nous sommes dans une atmosphère monothéiste et le principe de base qui est premièrement affirmé c’est celui-là : le comportement moral et le sort dans l’existence sont reliés.  

Même si ce n’est pas visible, pas perceptible, cela reste perceptible pour les sages disait Maïmonide, mais c’est perçu comme un article de foi fondamental à l’intérieur de la foi du monothéisme. Les sociétés orientales connaissent ce fait. Ceci est perdu dans la mentalité moderne.  

Au temps de la guerre d’Espagne, cette guerre servant de test des massacres et tueries de l’époque,  Jacob Gordin disait dans son séminaire : « Plus on mange cachère et moins le sang est versé ». Les espagnols ne mangeait pas casher alors le sang a été versé. Quel rapport ? Il ajoutait d’autres formules comme celle-ci : Plus il y a de moralité et moins le monde de la nature est grossier. Moins il y a de moralité et plus le monde de la nature devient grossier.

Je vous ai cité cette source dans le שְׁמַע קרִיאָת mais c’est une évidence pour toutes les sociétés traditionnelles. Je l’ai étudié en ethnologie : certains hommes sont capables de faire tomber la pluie en priant. En dehors de la mentalité biblique et dans la mentalité extrême orientale c’est celui qui prie qui commande à la pluie...  

Au début, il y a une correspondance entre le monde intérieur de l’homme et son monde extérieur et  il y a donc une correspondance entre le climat intérieur et le climat extérieur. Si on est capable de pacifier le climat intérieur alors le climat extérieur se pacifie. C’est ainsi qu’on nous expliquait la conduite de ces fakirs ou gurus ou sorciers. Ce sont des faits prouvés par les études ethnologiques... 

Invité à un congrès de théologie sur les miracles, un des ecclésiastique m’a demandé : Monsieur le rabbin croyez-vous aux miracles à Lourdes ? Réponse : « oui bien sûr ! » Stupéfaction dans la salle… « Sous la condition qu’ils soient authentifié par décision ecclésiastique. Re-stupéfaction dans la salle… ! « Cela prouve non pas que le catholicisme est une religion vraie mais cela prouve que Dieu s’occupe de toutes ses créatures même catholiques ». C’est cela le monothéisme absolu ! 

C’est pour dire qu’on trouve des comportements analogues à ceux de la תּוֹרָה dans d’autres sociétés, ce qui ne prouve rien.  

Retour au texte :

Début du livre de רוּת, il y a donc une relation étonnante entre le pouvoir des juges et l’état économique.  

וְשֵׁם הָאִישׁ אֱלִימֶלֶךְ וְשֵׁם אִשְׁתּוֹ נָעֳמִי וְשֵׁם שְׁנֵי-בָנָיו מַחְלוֹן וְכִלְיוֹן, אֶפְרָתִים--מִבֵּית לֶחֶם, יְהוּדָה; וַיָּבֹאוּ שְׂדֵי-מוֹאָב, וַיִּהְיוּ-שָׁם

Le nom de cet homme était Elimélec, celui de sa femme Noémi; ses deux fils s'appelaient Mahlon et Kilion; c'étaient des Ephratites de Bethléem en Juda. Arrivés sur le territoire de Moab, ils s'y fixèrent

« Et un homme (אִשׁ a toujours dans le מִקְרָא le sens de notable) est parti pour séjourner provisoirement, lui sa femme et ses deux fils... et le nom de cet homme était Elimeleh .... et verset 3 les deux fils qui meurt après etc....

Au verset 1, on nous a dit qu’il s’agissait d’un homme de sa femme et de ses 2 fils sans nous dire qui c’est. Simplement, ils sont à l’abri du labeur d’identité de Yéhoudah. On ne nous dit pas qui ils sont individuellement. Au verset 2, on nous donne les noms. Au verset 3 ils sont morts !  

Cela veut dire qu’on les a sorti de l’anonymat, on les a donc fait passé en jugement : coïncides-tu avec ton nom ? Et le jugement n’a pas tenu : c’est la mort ! C’est le principe important que le dénombrement est dangereux tant qu’on n’est pas assuré, et on n’en est jamais assuré, que son identité individuelle correspond à l’identité du groupe cela consiste à un passage en jugement. Par conséquent, il faut donner une expiation de cette faute d’être qui est la  culpabilité du fait de ne pas être devenu ce que l’on doit devenir. Il n’y a aucune faute mais on n’est pas encore devenu ce qu’on devait devenir.  

Les commentateurs de la קַבָּלָה ont fait remarqué que la valeur numérique du שֶּׁקֶל est la même que celle du mot נֶפֶשׁ. שּׁ-ק-ל= 430 = נ-פ-שׁ.   

Le נֶפֶשׁ est la personne humaine qui va ici avoir un substitut qui est le שֶּׁקֶל. C’est ce נֶפֶשׁ qui s’appelle le שֶׁקֶל הַקֹּדֶשׁ. C’est la moitié du נֶפֶשׁ qui est en question de rachat par substitution.  

Il y a là un thème de théologie profond que je vais simplement éclairer: le נֶפֶשׁ résulte de la synthèse entre l’âme et le corps.

La נְשָׁמָה d’un côté qui est toute entière נְשָׁמָה, le corps de l’autre qui est tout entier corps  et puis lorsqu’il y a ce miracle de l’incarnation de l’âme dans le corps, apparait un נֶפֶשׁ, une personne. La personne est donc par un côté la נְשָׁמָה et par un autre côté le corps. Les ’Hassidim explique cela d’une façon très belle que lorsqu’il commence une prière ils se mettent une ceinture pour séparer le נֶפֶשׁ en deux : la dignité du נֶפֶשׁ du côté d’en-haut et la dignité du נֶפֶשׁ du côté d’en-bas qui ne sont pas les mêmes dignités.  

Le נֶפֶשׁ est en question de כַּפָּרָה d’expiation. Il y a une indication très précise dans l’ordre des intuitions de la théologie juive : la נְשָׁמָה est déjà à priori complètement pure. Le תִּקּוּן, la restauration, la mise au point, c’est le côté personnel. La nature du נֶפֶשׁ qui doit être rachetée ce n’est pas la נְשָׁמָה, c’est précisément le niveau d’insertion terrestre, dans le monde de la nature.

Nous n’avons pas à sauver nos âmes qui sont sauvées en tant que telles (ce sont des âmes) ce sont nos corps que nous avons à sauver, c’est-à-dire nos conduites terrestres. L’âme entre dans le piège de ce monde-ci et c’est là qu’elle est en danger. C’est au niveau du comportement des actes que nous avons à nous justifier. L’âme nous vient de Dieu pure et elle est pure : c’est la première des prières du matin « Mon Dieu l’âme que tu m’as donnée est pure ». Avec le commentaire du  Zohar : et elle reste pure que je le veuille ou pas, et je te la rendrais pure, un petit peu plus même, si Dieu le veut.  

Il n’y a pas du tout cette angoisse présente dans d’autres religions de la nécessité de sauver nos âmes. Il y a une incompatibilité totale des sensibilités théologiques. Ce qu’il faut sauver ce sont les personnes au niveau de la conduite des actes. L’âme est pure et reste pure sans être touchée par une impureté quelconque. La קַבָּלָה explique cela de la manière suivante : la faute éloigne la נְשָׁמָה mais elle ne l’atteint pas. En cas de conduite d’immoralité, la נְשָׁמָה sera mal à l’aise dans ce corps-là et s’éloignera mais elle n’est pas touchée par ce que le corps fait. La faute met l’âme en exil de la même manière que la faute met la שְׁכִינָה en exil. Lorsqu’il y a faute, la שְׁכִינָה s’éloigne. De la même manière à l’échelle individuelle lorsqu’il y a comportement de faute, l’âme s’éloigne. En d’autres termes plus contemporains : elle s’occulte de plus en plus. Elle n’est pas présente à elle-même. Et l’expiation de la faute fait revenir la נְשָׁמָה. Léashir Nafesh, c’est l’expression en hébreu : faire revenir le נֶפֶשׁ parce que la faute l’éloigne.  

Midrash important sur Parashah יִתְרוֹ.

Lorsqu’on étudie les différentes générations à partir d’Adam on s’aperçoit qu’il y a eu successivement toute une série de fautes, de génération en génération.  

La faute d’Adam le premier homme : la rébellion contre Dieu.

La faute de Caïn le 2ème homme : l’assassinat de son frère.

La faute d’Enoch…etc.

Et au terme de la 7ème génération le sursis donné à cette humanité est achevé. C’est le déluge et cette génération est disqualifiée.  

Le Midrash dit qu’à chacune des fautes la שְׁכִינָה la présence de Dieu dans le monde remonte dans le ciel. En fin de compte elle est remontée au delà du 7ème ciel. A partir des patriarches commencent la restauration. Abraham fait redescendre la שְׁכִינָה d’au-delà du 7ème ciel jusqu’au 6ème … etc., et enfin de compte on arrive à la génération de Moïse avec la Parashah יִתְרוֹ de la semaine dernière « וַיֵּרֶד יְהוָה עַל-הַר סִינַי ». Et en fin de compte Moïse, fils d’Amram, fils de Qéhat, fils de Lévi, fils de Jacob, fils de Isaac, fils d’Abraham au temps de Moïse la שְׁכִינָה a mis le pied sur le הַר סִינַי à la manière dont le מַשִיחַ à la fin des temps mettra le pied sur le mont des oliviers. La faute éloigne la שְׁכִינָה et le mérite la rapproche. De la même manière pour la נְשָׁמָה à l’échelle individuelle : la faute éloigne la נְשָׁמָה et le mérite la rapproche. Il lui est facile de se dévoiler plus à travers un véhicule de présence : le corps, le נֶפֶשׁ plus transfiguré, plus épuré.  

L’objectif de la כַּפָּרָה n’est pas le salut de l’âme, si j’ose dire, mais c’est le salut du מַחֲצִית הַנֶפֶשׁ. C’est celui qui est mis en question. Si nous avions le temps nous prendrions une analogie entre le récit de la création de l’homme et le récit de la sortie d’Egypte.  

En comparant 2 versets :

Le verset concernant la formation de l’homme, la יְצִירָה d’Adam, verset 7 du chapitre 2 de בְּרֵאשִׁית:

 וַיִּיצֶר יְהוָה אֱלֹהִים אֶת-הָאָדָם, עָפָר מִן-הָאֲדָמָה, וַיִּפַּח בְּאַפָּיו, נִשְׁמַת חַיִּים; וַיְהִי הָאָדָם, לְנֶפֶשׁ חַיָּה

L'Éternel-Dieu forma l'homme à partir de la poussière détachée du sol, - fit pénétrer dans ses narines un souffle de vie, et l'homme devint un être vivant.  

 

Il y a 3 étapes dans la formation de l’homme qui correspondent aux trois étapes de la sortie d’Egypte :  

Première expression :  

וַיִּיצֶר יְהוָה אֱלֹהִים אֶת-הָאָדָם, עָפָר מִן-הָאֲדָמָה

Et Dieu forma l’homme à partir de la poussière de la terre

 

Il y a deux י dans le terme וַיִּיצֶר. Je vous dis tous les פִּירוּשִׁים à la fois, c’est  rattaché au fait que le mot de מִצְרָיִם a la même racine que le mot de וַיִּיצֶר  et que מִצְרָיִם est un duel. Cela veut dire que le creuset de formation de l’homme a été ce que la תּוֹרָה appelle « poussière de la terre ». Le creuset de formation du peuple d’Israël a été l’Egypte. מִצְרָיִם correspond à וַיִּיצֶר  pour ceux qui entendent l’hébreu.  

Le point de départ est poussière de la terre et on a remarqué que le mot deעָפָר  c’est les mêmes lettres que le mot de פַּרְעֹה.  

Il y a une admiration à Pharaon qui représente finalement les conditionnements terrestres. Toutes les aliénations finalement culminent dans l’aliénation politique au niveau de la société. Chez Pharaon, la poussière de la terre elle-même, cela veut dire les lois de la nature, et avec Pharaon c’est la même chose au niveau de la société : les lois de la société totalitaire avec les conditionnements et les aliénations.  

Deuxième expression :  

 וַיִּפַּח בְּאַפָּיו נִשְׁמַת חַיִּים

Il insuffla en son visage une âme de vie

C’est le passage au désert avec insufflation de la תּוֹרָה : נְשָׁמָה c’est les mêmes lettres que Mishna.  

Troisième phase :  

וַיְהִי הָאָדָם לְנֶפֶשׁ חַיָּה

Et l’homme devint une âme vivante

C’est l’entrée en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל.  

Voilà décrit très brièvement ce parallèle de cette description de la formation de l’homme et de la formation de la nation d’Israël à la sortie d’Egypte. A la sortie d’Egypte, nous sommes délivrés du conditionnement du côté du corps - עָפָר מִן-הָאֲדָמָה פַּרְעֹה.

Nous étions au service du Pharaon et nous en sommes libérés à une condition : c’est que nous rachetions cette libération en acceptant les lois du Libérateur. Tant que nous ne nous sommes pas libérés de cette dette d’aliénation au Pharaon alors nous sommes en situation d’avoir à libérer notre personne. Laquelle ? La moitié celle qui était aliénée au Pharaon. Pas celle qui vient de l’âme, c’est-à-dire de Dieu lui-même.  

En cours d’histoire, chaque personne humaine est à la manière d’Israël en Egypte : d’un côté serviteur de Dieu par son âme et d’un autre côté asservi à Pharaon par son corps. C’est ce qu’il faut libérer, la moitié de cette personne-là, celle qui est du côté du Pharaon.  

זֶה יִתְּנוּ, כָּל-הָעֹבֵר עַל-הַפְּקֻדִים--מַחֲצִית הַשֶּׁקֶל, בְּשֶׁקֶל הַקֹּדֶשׁ:  עֶשְׂרִים גֵּרָה, הַשֶּׁקֶל--מַחֲצִית הַשֶּׁקֶל, תְּרוּמָה לַיהוָה

 

Le Shekel a 20 parties et chaque partie s’appelle un גֵּרָה. A relier au fait que dans le mot de וַיִּיצֶר il y a deux י et chacun des deux י a la valeur de 10 et c’est la moitié du וַיִּיצֶר  qu’il faut libérer.  

Parashah מִּשְׁפָּטִים

On va enchainer sur le problème de la libération des esclaves qui est le problème de Parashah מִּשְׁפָּטִים. Enseignement sur le 1er verset à travers ce que nous dit Rashi. Chapitre 21.  

Après la promulgation des 10 commandements dans Parashah יִתְרוֹ, la תּוֹרָה va formuler la constitution d’application des principes des 10 commandements. A partir de la Parashah מִּשְׁפָּטִים nous verrons le code d’application de la législation de la תּוֹרָה. Ce texte qui commence par des dispositions concernant l’esclavage concerne toute une procédure qui a pour objectif de mettre fin à l’esclavage. Une sorte de prolongement de l’effort historique de la sortie d’Egypte. La תּוֹרָה donnée à ce peuple sorti d’Egypte a comme 1er souci ce problème de la libération de l’aliénation et l’idée de la société d’esclavage. D’après la définition donnée par le Talmud il y a des niveaux d’aliénations de personnes à personnes, le principe en étant l’aliénation de l’emploi du temps.

Un homme non capable de gagner sa vie pour vivre comme homme libre par ces propres forces, par ses propres ressources vend de son temps à quelqu’un d’autre qui l’aide à gagner sa vie. Il y a tous les niveaux possibles. Employé à 12h par jour, sous contrat etc... Jusqu’ au עֶבֶד qui est employé 24h/24h, vendre son temps complètement, c’est ce qui s’appelle « עֶבֶד » terme biblique que l’on traduit par esclave.

Et donc la תּוֹרָה intervient pour dire : vous êtes libérés d’Egypte, en principe vous êtes des hommes libres, mais si ce cercle vicieux du fonctionnement de la société, cette machine infernale commence à faire qu’il y ait de nouveau des esclaves, alors le 1er souci de la תּוֹרָה est de les libérer.  

On condamne l’homme de la société d’Israël à être homme libre, qu’il en ait le courage ou pas. Si on n’en a pas le courage, il y a une sorte de démission d’identité, on le marquera pour cela. Le souci principal de la תּוֹרָה est d’achever la sortie d’Egypte et d’empêcher les conditions de l’esclavage d’Egypte de recommencer.   

C’est le terme de מִּשְׁפָּטִים qui est le terme principal du verset.

C’est ce code de législation qui prend l’aspect d’une jurisprudence qui est proposée à Israël comme constitution des principes des 10 commandements, les principes de la תּוֹרָה du Sinaï 

21:1 :  וְאֵלֶּה, הַמִּשְׁפָּטִים, אֲשֶׁר תָּשִׂים, לִפְנֵיהֶם

 « Et voici les principes de constitutions, de législations, littéralement les jugements, la jurisprudence que tu placeras devant eux »    

Cela signifie « que tu leur proposeras » C’est l’intitulé du code qui commence là.  

Rashi cite un principe enseigné plusieurs fois dans le Midrash mais en particulier dans Midrash Raba sur le Cantique des Cantiques.

 כָּל מָקוֹם שֶׁנֶּאֱמַר אֵלֶּה פָּסַל אֶת הָרִאשׁוֹנִים וְאֵלֶּה מוֹסִיף עַל הָרִאשׁוֹנִים

Chaque fois qu’un texte commence par l’expression « אֵלֶּה » cela annule ce qui avait avant, les choses précédentes. [וְאֵלֶּה ajoute aux précédentes]

 

 

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