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DEVARIM - SÉRIE 1994

Le cours

 

(1994) דְּבָרִים - דְּבָרִים

דְּבָרִים Chapitre 1 verset 5.

 « חֲמִישָׁה חוּמָשֵׁי תוֹרָה»: חוּמָשֵׁי  pluriel à l’état construit de חוּמָש qui signifie 1/5ème. Il y a 5 parties qui sont donc chacune un חוּמָש, 1/5ème de la תּוֹרָה. L’ensemble - en français du Pentateuque - mot grec pour les 5 livres – « חֲמִישָׁה חוּמָשֵׁי תוֹרָה ».

 

Il y a équivalence de l’importance de la révélation des livres de la תּוֹרָה :

בְּרֵאשִׁית, שְׁמוֹת,וַיִּקְרָא, בְּמִדְבַּר, דְּבָרִים   

 

Il y a un enseignement de la Kaballah qui relie les 5 mots : « בְּרֵאשִׁית שְׁמוֹת, וַיִּקְרָא בְּמִדְבַּר, דְּבָרִים » « les paroles ont été prononcées dés le début de l’invocation des noms dans le désert ».

 

On a donné la comparaison avec la main qui est un symbole, סִימָן, un signe de signification.

 

(Symbole objet cassé devenant signe de reconnaissance entre 2 contractants d’un contrat et qui a pris le sens de ce qui se substitue à la réalité.)

 

La main 4 doigt plus un 5ème = יָד

Un enseignement du Talmud interdit de lire en suivant avec la main nue : on emploie un יָד, une main pour lire. גְּמָרָא : « Celui qui lit un סֵּפֶר nu sera enterré nu »  « Nu, mais le linceul ? Nu, dépouillé de cette מִצְוָה d’avoir lu ! » On ne peut pas s’approcher la main nu de ce texte. Il faut passer par la lecture traditionnelle qui est représentée par ce יָד avec lequel on lit. Lorsqu’on rencontre le livre, il faut savoir qu’il est scellé, hermétique, fermé, c’est l’expression hébreux «הַסֵּפֶר  satoum ». Parce qu’effectivement il y a 2 méthodes de l’approche du texte.

 

En français on a le texte de la תּוֹרָה l’écriture, les écritures et c’est une autre mentalité. En hébreu la lecture le מִקְרָא. De ce point de vue là les musulmans sont plus proches de nous : ils appellent leur texte le « Coran » = « ce qui est lu ». En grec, c’est le mot légende, qui a pris le sens négatif de conte de fée, mais originellement le latin legendon « ce qui est donné pour être lu » et qui traduit מִקְרָא - la lecture. Ce sont des textes qui ne se parlent pas mais se récitent. La תּוֹרָה se récite. הַגָדָה en hébreu signifie l’explication : ce qu’il faut savoir pour pouvoir lire. D’où le sens aussi de récit. On voit à quel point le mot de « légende » en vieux français était un terme exact.

Une légende, dans son sens premier, c’était un texte qui raconte un enseignement que l’on récite, que l’on se met en mémoire, qu’on étudie pour comprendre. L’étude avait pour objet de retrouver la mémoire, depuis le temps où l’on se trouve jusqu’au temps où cette parole avait été dite. C’est l’étude qui a pour objet de transformer la mémoire en savoir.

 

Le לִמוּד, l’étude, nous permet d’acquérir un fond de connaissance que nous avons dans la mémoire, incompris, mais mémorisé, cantilée. L’étude va transformer cette mémoire en savoir. Une fois cette transformation opérée, c’est irréversiblement intégrée à l’esprit, à la connaissance.

C’est cela qu’il y a derrière le mot français de « légendes » : les consignes pour pouvoir lire.

Dans la cartographie, on l’utilise dans ce sens ancien. 

 

Le texte biblique n’est pas appelé « l’écriture » mais « la lecture » dont l’objet est la compréhension. C’est une question de méthode.

Cf. le terme français « d’exégèse » qui est à l’opposé du commentaire traditionnel. Celui-ci consiste à remonter dans la mémoire au niveau de connaissance où l’on comprend directement ce qui a été dit, au moment où cela a été dit et comment cela a été dit : c’est-à-dire remonter à plus de 3000 ans et entendre le prophète parler aux hébreux. Et l’hébreu de cet époque n’avait pas besoin qu’on lui explique le sens des mots, c’était sa langue ! Nous venons après, devant un texte hermétique, à moins de remonter cette mémoire jusqu’au temps culturel où les mots avaient leur sens immédiat. C’est le commentaire traditionnel.

 

L’exégèse est toute différente du commentaire traditionnel : à l’aide de dictionnaires et d’encyclopédies, avec sa propre intelligence, un chercheur cherche ce que le texte veut bien vouloir dire. Il y a une différence de nature.

 

Dans le monde contemporain, ces deux approches sont mélangées. Parce qu’il y a des passerelles de l’une à l’autre. Mais il y des rabbins, ils étudient les universitaires, les universitaires étudient les rabbins... Des exégètes se servent des rabbins et du contenu de la mémoire traditionnelle des commentaires pour en faire de l’exégèse.

 

Dans le cas de l’exégèse, le texte ne dit que ce que le lecteur est capable de comprendre avec sa propre tête.

 

Dans le cas de l’étude traditionnelle : rabbins, disciples des disciples des disciples des Prophètes, dépositaires de la mémoire traditionnelle qui remontent ish mi pi ish ad Moshe mi peh haGvourah.

 

Ce sont deux lectures différentes du même texte et parfois des coïncidences sont possibles.

 

Cela nous éclaire sur le mot de מִקְרָא : « ce qui est lu », c’est ce que le texte dit. Dans les langues traditionnelles, pour dire « étudier » on dit « lire ».

 

Le texte ne dit que ce que le lecteur lit : soit il s’agit de quelqu’un qui sait ce que le texte dit et il le lit dans le cadre de la mémoire traditionnelle, soit c’est quelqu’un qui ne sait pas et qui projette une opinion sur un texte à l’aide de dictionnaire, d’encyclopédies...

 

Il y a le חִדֻשׁ, le renouvellement de sens ou le renouvellement de la formulation de sens.

Tout ce qu’un וָתִיק תַּלְמִיד Emer ‘Hadesh a été entendu par Mosheh au Sinaï. Ce qu’il faut comprendre c’est le sens de וָתִיק תַּלְמִיד. Quelle différence entre תַּלְמִיד et וָתִיק תַּלְמִיד? וָתִיק cela veut dire expérience dans le sens de « versé depuis longtemps dans ces choses-là ». Un וָתִיק תַּלְמִיד c’est un fidèle à cette chaine traditionnelle qui consiste à transmettre « de bouche à bouche » et non « de bouche à oreille ».

 

En français on dit « de bouche à oreille » ce qui est la garantie certaine d’une altération de l’enseignement de la tradition. La bouche de celui qui écoute va répéter ce que son oreille a écouté et non ce que la bouche du maître a dit. Les psychologues connaissent la différence entre entendre et écouter. Il y a des choses qui sont dites et que l’on n’arrive pas à entendre. On les écoute sans les entendre.

 

Voir la nuance qu’il y a dansיִשְׂרָאֵל  שְׁמַע qui est très nuancée : « Prends garde ! שְׁמַע ! Fais attention !...Entends ! Ce qu’il y a... »  C’est pourquoi on prononce cette phrase du שְׁמַע à chaque moment de changement de monde : le matin, le soir, en te couchant, en te levant, en chemin ou à la maison, quand on passe d’un monde à l’autre... יְהוָה אֶחָד...

 

Pour le verset que nous allons étudier :

Il y a 2 lignes de transmission du contenu du savoir :

- La mémoire que l’étude transforme en savoir

- Et d’autre part ce qu’on appelle l’exégèse qui est forcément limitée.

 

Il peut y avoir des passerelles entre les deux mondes. Il y a une différence de nature.  

A travers l’exégèse on n’arrivera jamais à הַשָּׁמַיִם מִן תוֹרָת. Il n’y a que dans l’étude traditionnelle qu’on y parvient.

Pourquoi הַשָּׁמַיִם מִן תוֹרָת?

Talmud : l’étude des noms de Dieu interdit celui de « שָּׁמַיִם » qui est païen.

Nous disons « שֶׁבַּשָׁמַיִם אֱלֹהֵינוּ » 

 

Les Gaulois sont perçus comme des primitifs qui avaient peur que le ciel leur tombe sur la tête.

Les modernes ont tendance à parler de leurs ancêtres comme s’ils étaient des primitifs. Notre tradition les considère comme des géants. Mais nous descendons d’esclaves. Dans les autres traditions se sont des dieux, demi-dieux, etc...

J’ai étudié avec l’un de mes maîtres que les druides avaient en réalité une religion monothéiste et avaient la crainte du ciel שָּׁמַיִם יִרְאָת.

 

וָתִיק תַּלְמִיד (également le terme de talmid mouvak)

Un éclairage par 2 phrases de la גְּמָרָא  :

 

Une 1ère גְּמָרָא dit ceci :

« Un disciple תַּלְמִיד  qui n’est pas dedans comme dehors, ne doit pas rentrer dans le הָמִדרָשׁ  בֵּית » 

Une deuxième dit ceci :

« Un תַּלְמִיד  qui ne dit pas ce qu’il pense, qui ne pense pas ce qu’il dit,  qui n’est pas dans son monde intérieur comme dans son monde extérieur (pour le צַדִּיק il n’y a pas de décalage entre בלֶב אֶחָד et בפֶּה אֶחָד) n’est pas appelé חֲכָם תַּלְמִיד ».

 

Cette expression de חֲכָם תַּלְמִיד est importante. Le חֲכָם תַּלְמִיד c’est le disciple de quelqu’un qui est חֲכָם: un  חֲכָם שֶׁל תַּלְמִיד

Un תַּלְמִיד qui n’est pas dedans comme dehors cela veut dire qu’il n’est pas un חֲכָם תַּלְמִיד.

 

Dans certaines communautés anciennes séfarades, on appelait le rabbin, le חֲכָם.

 

Anecdote israélienne :

Un rabbin ashkénaze monte dans un autobus. Il y avait une seule place de libre à côté d’une femme et il est resté debout. Monte un rabbin séfarade qui voit une place de libre et s’assoit. Le chauffeur de bus veut comprendre, il stoppe le bus et demande : « pourquoi toi, tu t’assois et pas lui ? »

Réponse : « Lui, c’est un rabbin, moi je suis un חֲכָם! »

 

On vit ces choses-là tous les jours.

 

Autre anecdote du temps où j’étudiais chez le Rav Kook. Il y avait souvent des élèves des Yeshivot opposées anti... anti-tout

 

Cela me rappelle une blague. Vous savez ce qu’est la Koulah en hébreu : allégement de la loi. Ils accusaient le Rav Kouk de « Kouka-koulah ». 

Ce qui se passait entre les חֲרֵדִים et le Rav Kook c’est inénarrable. Et le père et le fils d’ailleurs. (Et eux c’était le Saint-Esprit !) 

 

Ils venaient souvent poser des questions provocantes lorsqu’on étudiait. Le Rav n’a jamais fermé sa porte à personne et répondait toujours avec patience.

Un jour l’un d’entre eux en trombe :

- J’ai une שְׁאֵלָה!

- Assied-toi et dis-la !

- Ai-je le droit de m’assoir à côté d’une femme dans l’autobus ?

 Il lui a répondu :

- Si cela te gêne cela t’est interdit !

C’est d’ailleurs le principe de beaucoup de מִצוֹת.

 

Retour au sujet :

Il y a une différence entre תַּלְמִיד et חֲכָם תַּלְמִיד.

Il y a eu le stade où il y avait les  חֲכָמִים, les יִשְׂרָאֵל חֲכָמֵי qui étaient les disciples directs des prophètes : c’est un âge de la sagesse juive juste après la prophétie.

- חֲכָמִים

- חז"ל =  זִכרוֹנוֹ לבְּרָכָה חֲכְמֵינוּ

- רז"ל = זִכרוֹנוֹ לבְּרָכָה רָבוֹתֵנו

 

C’est un temps qui est parti.

Très vite on a parlé des חֲכָמִים  תַלמִידֵי

Les rabbins s’appelaient « disciples de sages » : les élèves d’un חֲכָם. C’est plus important que de se dire חֲכָם. C’est une garantie.

 

D’après l’autre citation de la גְּמָרָא on comprend celui qui n’est pas authentique : c’est celui qui fait semblant d’être d’accord avec son maitre en dehors mais en dedans il n’est pas d’accord. 

Le maître les diagnostiquait par leur visage et ne les laissait pas entrer dans le הָמִדרָשׁ בֵּית. C’est pire qu’un Apikoros car c’est mettre en question la chaine de la transmission de la תּוֹרָה depuis son origine de la révélation et en parler comme si elle n’était pas révélée. C’est grave. Parce qu’il s’est passé tellement de temps depuis la fin de la prophétie qu’on ne se rend pas compte de cette différence de nature. Mais dans les milieux traditionnels, à la manière de parler et de poser une question, on diagnostique de suite si l’étudiant est dans ce cas ou non.

 

Dans ce contexte-là, גְּמָרָא de Brakhot, on raconte que lorsqu’on a pris cette décision, le הָמִדרָשׁ בֵּית était vide. On avait mis un portier à la porte qui sélectionnait les תַלמִידֵי et l’interdiction a été suspendue. C’est pourquoi maintenant dans le הָמִדרָשׁ בֵּית il y a tout le monde. Mais seulement cela ne trompe personne.

 

Cette explication du commentaire traditionnelle s’appelle le בֵּיאוּר

 

Le paradoxe c’est que le commentaire du 1er enseignant qui a mis en doute le caractère révélée de la תּוֹרָה, Mendelssohn, a appelé son commentaire le בֵּיאוּר. Moïse Mendelssohn grand savant en Autriche dont les enfants se sont convertis au christianisme. Point de départ de la grande « דִרדוּר» dégringolade de la tradition dans le judaïsme européen de civilisation germanique.

 

Alors cela s’appelle לְבָאֵר.

Il faudrait lire commentaire en deux mots « comment taire». Très souvent d’ailleurs le commentaire nous fait penser à autre chose pour nous empêcher de lire littéralement mais mal. Fait taire le comment ?

 

*****

 

On apprend  au début de דְּבָרִים  que Moïse a dû expliquer la תּוֹרָה, alors que dans les 4 premiers livres, il a dit la תּוֹרָה, dans le 5ème il a expliqué la תּוֹרָה.

D’où le sens du יָד : 4 + 1 livres et le 5ème donne un sens au 4.

Il y a beaucoup de sens là-dedans.

 

Maïmonide a écrit une somme importante indispensable après lui pour l’étude. Avant lui on n’avait pas besoin de lui dans le monde de l’étude. Mais après lui on ne peut plus étudier sans lui. Il y en a beaucoup comme cela, en particulier Rashi.

Rambam a intitulé sa somme יָד חֲזָקָה, titre pris d’une expression biblique « la main forte », mais en hébreu la חֲזָקָה c’est la présomption.

En hébreu moderne : «…הָ חֲזָקָה יֵשׁ. » « il y a présomption que ». On parle d’un droit acquis par consensus. Exemple dans les lois de l’hospitalité : si on invite quelqu’un deux fois, il a le droit de venir quand il veut la 3ème fois c’est lui qui s’invite, il a une חֲזָקָה. Si vous donner deux fois une aumône à quelqu’un, il a le droit de la réclamer chaque année...

Rothschild avait ainsi un mendiant personnel qui venait chaque année chercher sa somme, un jour le frère du mendiant vient et lui réclame : - « mais ce n’est pas à toi ! » - « Si, j’en ai hérité ! »

 

Quand on a une question nouvelle qui se pose avec différentes façons possibles toutes vraies de la résoudre, il y a une dimension de חֲזָקָה qui fait décider, c’est un un mystère, une intuition parmi différente manière vraies de rendre compte d’une question posée ...

 

Cela explique un peu la dialectique du Talmud : lorsque le maitre pose une question et que nous avons autant de réponses que d’élèves présents et finalement le maître déclare la הֲלָכָה conforme à l’un d’entre eux, alors que toutes les autres opinions se défendent.«אִלוּ ואִלוּ דִּבְרֵי אֱלֹהִים חַיִים» 

 

Quel est le principe d’autorité qui fait décider, qui tranche ? Est-ce un caprice ? C’est la חֲזָקָה du maître, fonction de la nature de la génération dans laquelle le problème se pose. Selon les contextes, on a des règles pour suivre des lignées d’enseignements plutôt que d’autres. On sait les niveaux dans tels ou tels problèmes. Quoiqu’il en soit toutes les opinions du Talmud sont vraies.

 

Halakhah kéRabi Akiba signifie que pour ce problème on va décider comme Rabi Akiva parce que de notre temps les Juifs sont comme Rabi Akiva. Si c’était comme Rabi Ishmaël la הֲלָכָה serait comme Rabi Ishmaël...etc.

 

Cf. la fin de מַּטּוֹת פָּרָשָׁת:

Pourquoi le problème de l’annulation des vœux est-il confié aux chefs des tribus ? Parce que il faut savoir qui est en question. Dans ce contexte, il y avait 12  tribus et donc 12 manières différentes d’être Israël. Et dans chaque tribu, il y avait différentes familles. Les tribunaux correspondaient à chacune des entités collectives. C’est pourquoi il y avait dans les tribunaux soit la nécessité d’avoir 3 juges soit un seul qui soit « מוּמחֶה» i.e. compétent, et partant du principe que chaque chef de tribu connait ses propres membres.

 

Ces choses-là sont prévues dans la גְּמָרָא. On n’invente pas une גְּמָרָא. Dans la גְּמָרָא se trouvent toutes les opinions nécessaires dans la suite des temps.

 

בֵּיאוּר :

Déjà à la génération suivante, Moïse doit expliquer ce que signifie la תּוֹרָה qui a été révélée à la génération précédente. En schématisant : dès que les fils vont remplacer les pères, il faut expliquer aux fils la תּוֹרָה des pères. Et on ne peut pas s’adresser aux fils comme on s’adressait aux pères : il y a le temps des pères et le temps des fils. Surtout dans des générations de changements d’époques. A l’époque précédente, toutes les générations étaient à l’indice père. Cela se transmettait facilement de père en père. Mais dès qu’il faut transmettre de père en fils alors là, le בֵּיאוּר est nécessaire.

Lorsque dans une telle circonstance une tradition s’arrête, c’est que les pères ne parlent plus avec les fils et lorsque les maitres ne savent pas parler aux fils de ce que les pères savaient. 

 

(J’ai connu ce passage d’une civilisation judéo-arabe de style moyen-âge à une civilisation judéo-européenne de style moderne. C’est un mystère pour comprendre comment les rabbins de l’époque ont fait ce passage. Les parents avaient étudié en arabe et ont enseigné à leurs fils en français, où ont-ils appris à faire cela ? C’est mystérieux ! Dans les familles qui n’ont pas réussi ce passage alors la tradition s’est arrêtée. Je vous donne l’exemple d’Afrique du Nord parce que je l’ai vécu mais cela s’est passé partout ainsi dans tous les ghettos.

 

On a là dans notre passage un élément d’explication : là où l’on sait expliquer, là où il y a le בֵּיאוּר cela passe sinon cela ne passe pas.

 

Dans le 5ème livre qui est le livre pour les fils, Moïse doit expliquer. On voit la différence entre ce qui se passe dans le יָד. Très probablement Maïmonide a pensé au יָד de la lecture de la תּוֹרָה pour nommer son livre יָד חֲזָקָה.

 

Complément d’étude:

Massekhet Sanhedrin 11

La reine Cléopâtre interroge les sages : nous savons que les morts vont ressusciter : nus ou habillés ?  Drôle de question un peu macabre mais cela s’éclaire par ce que nous avons vu.

La גְּמָרָא répond .../...

 

*******

 

 

.../...

 

En utilisant un raisonnement à fortiori à partir du grain de blé : si un grain de blé qu’on enterre nu,  ressuscite habillé, à plus forte raison un homme ! Personne ne se rend compte que le grain de blé qu’on enterre ne meurt pas, sinon le blé ne pousserait pas...

 

Le sens est simple : la préoccupation de la question de Cléopâtre est très profonde : on sait qu’on va ressusciter : mais avec le mérite des acquis des מִצוֹת que l’on a fait pendant la vie ? ou alors on recommence tout à zéro, nu ? La vie sert-elle à quelque chose ou bien est-ce un jeu et quand on ressuscite on ressuscite nu ?

Cette notion de לְבוּשׁ est très importante dans le langage talmudique et se réfère aux mérites de la personne, ses לְבוּשׁים. Surtout dans la symbolique des habits du grand prêtre.

Cela va dans  le sens de ce verset de Mishlei : « que tes vêtements soient toujours blancs ». Un תַּלְמִיד חֲכָם  qui a une tâche sur ses vêtements n’est pas un חֲכָם  תַּלְמִיד. Ce n’est pas n’importe quelle tâche. La notion de tâche sur le vêtement est synonyme de la faute.

 

Verset 5

בְּעֵבֶר הַיַּרְדֵּן, בְּאֶרֶץ מוֹאָב, הוֹאִיל מֹשֶׁה, בֵּאֵר אֶת-הַתּוֹרָה הַזֹּאת לֵאמֹר

 

בְּעֵבֶר הַיַּרְדֵּן  En deçà du Jourdain

 

Le peuple d’Israël, la génération des fils de la génération de la sortie d’Egypte se trouve en Transjordanie (Jordanie actuelle) et se prépare à traverser le Jourdain pour entrer en כְּנַעַן אֶרֶץ.

אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל c’est le pays de כְּנַעַן du Jourdain jusqu’à la mer plus la Jordanie עֵבֶר הַיַּרְדֵּן.

Toute la Jordanie fait partie de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Chaque chose en son temps.

Il y a aussi d’autres morceaux géographiques.     

 

[Au temps du mandat britannique, les Anglais avait interdit le son du Shofar devant le Kottel suite aux plaintes des musulmans. Un des arguments des musulmans était de dire : si on commence à laisser sonner le Shofar devant le mur, ils vont finir par détruire la Mosquée et construire leur temple. Le Rav Kook avait été convoqué par le gouverneur anglais pour s’expliquer sur cette affirmation. Il lui avait répondu : « chaque chose en son temps ! »]

 

בְּעֵבֶר הַיַּרְדֵּן En deçà du Jourdain

בְּאֶרֶץ מוֹאָב Dans le pays de Moav

 

C’est là où la révélation de la תּוֹרָה de Moïse s’est arrêté : dans la plaines de Moav. La dernière révélation est de troisième niveau (מִסִּינַי – בְּאֹהֶל מוֹעֵד –מוֹאָב בְּעֲרָבוֹתּ). Le דְּבָרִים סֵּפֶר est la révélation de מוֹאָב עֲרָבוֹתּ les plaines de Moav.

 

[Or, le jour de שָׁבֻעֹת  on lit le livre de רוּת. C’est le סֵּפֶר qui à part le חוּמָש contient le plus de מִצוֹת. Les מִצוֹת de la גֵּאֻלָה. Comment on réalise la גֵּאֻלָה de la veuve, de celui qui a aliéné sa terre... C’est l’histoire symbolique d’Israël.

Moav de רוּת cela se raccroche à Moav de Moïse.

רוּת מְגִילָת est lue à שָׁבֻעֹת souvenir de תּוֹרָה מָתַן. Dans רוּת  se trouve les trois lettres du mot תּוֹרָה : רוּת: ר-ו-ת trois lettres de תּוֹרָה. יִתְרוֹ c’est le י. רוּת et יִתְרוֹ sont les modèles des convertis qu’il faut ramener à la תּוֹרָה pour que la תּוֹרָה soit universelle.]

 

הוֹאִיל מֹשֶׁה, בֵּאֵר אֶת-הַתּוֹרָה הַזֹּאת לֵאמֹר

a entrepris Moïse d’expliquer cette תּוֹרָה pour dire...

 

Et il commence comment on explique la תּוֹרָה en rappelant le récit qui explique pourquoi cette תּוֹרָה comme loi est donnée. Il y a une explication de la תּוֹרָה dans le texte de la תּוֹרָה, et le mot de תּוֹרָה a ici deux sens dans cette phrase:

Une explication de la תּוֹרָה comme loi, dans le récit de la תּוֹרָה comme récit de l’histoire du peuple à laquelle la תּוֹרָה a été donnée, et cette explication est nécessaire pour comprendre la raison de ces lois.

 

Nous avons un livre que l’on appelle la תּוֹרָה où il y a deux genres de textes radicalement différents

- le texte législatif, les מִצוֹת, les lois,

- le récit de l’histoire

 

Ce sont deux genres différents.

C’est parce qu’on est familier à un livre où s’entremêlent ce deux genre que la familiarité nous fait croire que cela va de soi. Mais c’est unique dans la littérature mondiale ce mélange des deux genres du code et de l’histoire. Tout se passe comme si le texte a séparé les parties des versets qui sont des lois, des codes, et les parties des versets qui sont des histoires.

 

Il n’y a que 3 allusions relatives à 3 lois qui sont déjà expliquées dans le récit historique avant que la תּוֹרָה ne soit promulguée par Moïse à partir de la révélation du Sinaï :

L’interdiction du « גִּיד הַנָּשֶׁה », le nerf, non pas sciatique mais innervant une région de la hanche, et la תּוֹרָה nous donne cette loi à l’occasion du récit de la lutte entre Jacob et l’ange. Personne ne comprend ce que signifie la lutte d’un homme et d’un ange. On n’en a pas l’expérience. A propos de ce récit la תּוֹרָה dit « Et c’est pourquoi les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל ne mangeront pas le גִּיד הַנָּשֶׁה. C’est là un exemple de ce que le récit historique explique la loi.  Et cet exemple de principe vaut pour toutes les מִצוֹת.

 

L’explication de chacune des מִצוֹת se trouvent dans une partie du récit historique commençant au 1er homme et finissant à la sortie d’Egypte.

 

Mais la tradition de révélation de la תּוֹרָה a séparé ces deux ensemble, sauf cet exemple qui est un clin d’œil pour ne pas qu’on s’imagine qu’on comprenne.

 

Autre exemple :

La raison de «וְאָהַבְתָּ לְרֵעֲךָ כָּמוֹךָ  » se trouve dans le récit de la lutte entre Qaïn et Hebel. Parce que l’homme est ainsi et qu’il y a le problème de l’agressivité entre les hommes, la תּוֹרָה demande «וְאָהַבְתָּ לְרֵעֲךָ כָּמוֹךָ  ». Mais le récit est séparé. Mais il y a un lien.

 

Dans le Talmud comme dans la תּוֹרָה שֶׁבִּכתָּב on retrouve la même structure. הַגָדָה et הֲלָכָה. Dans la תּוֹרָה c’est le récit historique et les מִצוֹת.

 

C’est dans le récit historique que se trouve le בֵּיאוּר, l’explication des מִצוֹת.

Et comme il s’agit d’un récit historique, il faut à chaque génération expliquer oralement l’événement, car c’est dans la nature de l’événement de devenir hermétique dès le lendemain, dès la génération suivante.

 

Un exemple : 15 ans après la Shoah les éducateurs se sont alertés qu’il fallait absolument garder la mémoire, non seulement pour éviter sa perte simple due à l’érosion de la mémoire par le temps, mais aussi et surtout pour éviter l’inversion des évidences. Cf. les négationnistes.

 

Si on ne se rappelle pas on n’oublie : c‘est un verset de la Bible : « Zekhor al tishlakh rappelle-toi n’oublie pas ! ».

 

Je voudrais rattacher cette indication à la הַגָדָה de פֶּסַח . La תּוֹרָה le prévoit : lorsque ton fils demain t’interrogera en disant : de quoi s’agit-il ? La תּוֹרָה prévoit que la génération suivant celle de la sortie d’Egypte ne comprend pas פֶּסַח  et que c’est normal...  

 

Moïse doit expliquer la תּוֹרָה (qu’il a dite pour les pères) dès qu’il parle pour les fils.

C’est là qu’on va avoir une première surprise dans le commentaire de Rashi.

 

***

 

Q : le דְּבָרִים סֵּפֶר commence par un א. Je me demande si tous les דְּבָרִים commencent par un א ?

R : Oui, à la création cela commence par un ב et cela s’appellent les מַאֲמָרוֹת. La parole du commencement, à la création c’est אמוֹר, alors que la parole de la révélation c’est דַּבֵּר. Et la 1ère  parole des עֲשֶׂרֶת הַדְּבָוֹת c’est אָנוֹכִי qui commence par un א.

 

Pour dire le mot « dire », « parler », on a 2 termes principaux :

=>  אמוֹר => dire doucement.

=>  דַּבֵּר  => dire, parler, durement.  

Les דְּבָרִים on l’apprend de ce chapitre de Jérémie de la אַפְטָרָה, ce sont des תוֹכֵחוֹת des réprimandes, des קָשִׁים דְּבָרִים. Alors que la אֲמִירָה, c’est la parole douce. Le monde est créé par les dix paroles du commencement qui sont des  מַאֲמָרוֹת  עֲשֶׂרֶת mais la תּוֹרָה est révélée par les 10 paroles de la Loi qui sont עֲשֶׂרֶת הַדְּבָוֹת. Le monde commence par ב 1er lettre du mot בְּרֵאשִׁית et du mot בְּרָכָה. Midrash Otiot de rabbi Akiba demande pourquoi la תּוֹרָה ne commence pas par א ? C’est une question très profonde. Cela se relie à un autre problème très difficile : si la תּוֹרָה avait commencé par א le verset aurait porté  בְּרֵאשִׁית אֱלֹהִים בָּרָא... Cela se relie à un autre problème très difficile.

Autre question : pourquoi בְּרֵאשִׁית בָּרָא אֱלֹהִים et non pas  בְּרֵאשִׁית בָּרָא אֱלֹהִים ?

 

Je vous trie parmi les Midrashim, la réponse du Midrash de Rabbi Akiba : toutes les lettres de l’alphabet se sont présentées devant Dieu pour avoir le privilège de commencer la תּוֹרָה : elles se présentent de ת jusqu’à א.

 

Chaque fois qu’il y a l’alphabet dans le sens inverse, c’est la notion de תִּקּוּן. La création allant de א à ת, le תִּקּוּן du monde créé va de ת à א. De Dieu à l’homme, c’est de א à ת. De l’homme à Dieu c’est de ת à א.

 

[Dans les anciens livres séfarades Téfilat Ha’Hodesh, dans la prière du חוֹדֶשׁ רֹאשׁ à la fin on lit le עָלֵינוּ לְשַׁבֵּחַ...dans l’ordre jusqu’à עוֹד‎ le dernier mot, et ensuite on le lit dans l’autre sens depuis עוֹד jusqu’à עָלֵינוּ. Vous lirez ce que le texte donne en lisant de l’autre côté]

 

Arrivant au ב, Dieu dit c’est par toi que l’on va commencer puisque tu commences le mot בְּרָכָה. א demande « et moi ? »

Toi, on ne peut pas car tu commences le mot « אָרוּר», « maudit » !

Le א triste est consolé : « א Je n’aurai d’unité qu’en toi et Je commencerai les dix paroles de la révélation par toi : אָנוֹכִי... »

 

Que signifie ce Midrash ?

Si on avait commencé la תּוֹרָה par le א, on aurait commencé par la הָדִין מִּדָת (אֱלֹהִים). Le monde aurait été sous le signe de la rigueur absolue et aurait été d’une certaine manière maudit.

Alors le א est caché derrière le ב. Tout dans le monde apparait d’abord sous forme duelle et l’unité est cachée.

 

Exemple : j’ai beaucoup étudié cela en étudiant les fonctions de l’intelligence : le cerveau a deux côtés (en réalité, il y en a 4, mais peu importe). Nous pensons avec un cerveau duel, je ne dis pas double. Dès que l’on pense à une notion, la notion opposée intervient, ce qu’on appelle l’antithèse. C’est ainsi que fonctionne la pensée humaine naturelle : elle est dualiste. Le monisme est caché. C’est pourquoi « יִשְׂרָאֵל יְהוָה אֱלֹהֵינוּ יְהוָה אֶחָד שְׁמַע » ce n’est pas évident, ce qui l’est c’est le jour et la nuit. Mais ce יוֹם אֶחָד, c’est caché !

Le א est caché derrière le ב de la création.

Une indication d’un enseignement d’un très grand kabbaliste A. Aboulafia :

 

א => אלפ.

 

Quand le א rentre dans le monde, il rentre d’abord par le פ ensuite par le ל et ensuite par le א. C’est ce qui fait פֶּלֶא (פ -  ל- א) c’est un miracle. Quand le א se dévoile il y a פֶּלֶא. Le א est caché et c’est les jours où il se dévoile qu’on dit le הַלֵל.

 

***

 

Verset 5

בְּעֵבֶר הַיַּרְדֵּן, בְּאֶרֶץ מוֹאָב, הוֹאִיל מֹשֶׁה, בֵּאֵר אֶת-הַתּוֹרָה הַזֹּאת לֵאמֹר

Rashi : 

הוֹאִיל signifie « entreprendre » dans le sens de consentir à faire que

Que signifie « il a expliqué, il leur a donné le בֵּיאוּר» ? Il leur a commenté en 70 langues !

 

Que veut dire ici Rashi ?

On a déjà appris la nécessité d’expliquer aux fils, la תּוֹרָה des pères. C’est-à dire expliquer à la génération qui rentre au pays de Kénaan, la תּוֹרָה qui a été donnée à la génération de la sortie d’Egypte qui, elle, a assisté aux événements. Mais il est de la nature des événements d’être incompréhensibles avec le temps qui passe. La tradition d’Israël se base sur des événements d’histoire et non sur ces raisonnements. C’est pourquoi tous les prétentions de judaïsme rationnel ne tiennent pas debout. On ne peut pas réinventer cette vérité-là. Si on n’en a pas la mémoire c’est qu’on l’a perdu.

Il y a des textes qui montrent des cas particuliers de grands maîtres capables de restituer ce qui s’est perdu mais c’est parce qu’ils possèdent le reste de cette mémoire et peuvent la restituer. De génération en génération il y a énormément de connaissances qui se perdent.

 

 

Qohelet :

« Faire des livres sans fins ... »

Au niveau פּשָׁט, faire les livres sans fin, ce n’est pas bien : on a l’impression  que faire un livre c’est un bien du point de vue des connaissances, mais en réalité du point de vue de la tradition c’est l’inverse.  C’est parce qu’on a perdu des connaissances qu’il faut écrire des livres. C’est parce qu’on a perdu cette capacité de mémoire qu’il faut mettre par écrit. C’est l’inverse.

Il y a une déperdition de contenu de mémoire de génération en génération qu’on essaye de compenser par la mise par écrit. Les modernes croient avoir ajouté de la sagesse à la sagesse des anciens. C’est le problème du חִדֻשׁ.

Midrash : « Un nain monté sur les épaules d’un géant » qui voit ainsi un peu plus loin... mais lui c’est toujours un nain.

 

Cela se relie à beaucoup d’expressions traditionnelles : « si le dernier prend conscience qu’il n’est que le dernier alors il est mieux que le premier », car il est le dernier d’un premier, mais c’est le premier qui est le premier. 

 

J’ai suivi pendant 2 ans le cours d’ethnologie de Lévi-Strauss qui a étudié la mentalité dite « primitive ». Il montrait que l’on en parle comme s’ils étaient des arriérés. Le mot « primitif » n’a rien à voir avec le mot d’arriérés. Les modernes se prennent pour plus jeunes que les anciens alors que c’est le contraire. Nous sommes accablés par le poids des siècles. Ils étaient beaucoup plus jeunes que nous. Bien sûr cela se compense.

Il y a une תּוֹרָה qui se rapproche de celle de מַשִיחַ mais qui s’éloigne de celle de Moïse.

Une tradition kabbaliste situe Maïmonide au milieu. D’où la difficulté d’être au milieu entre מֹשֶׁה תּוֹרָת et מַשִיחַ תּוֹרָת. Il y a une différence entre מֹשֶׁה רַבֵּנוּ (Moïse) et מֹשֶׁה רַבֵּנוּ (Rambam)]

 

On apprend donc que Moïse a expliqué la תּוֹרָה en 70 langues.

Cela veut dire qu’il y a un sens de la תּוֹרָה qui correspond à chacune des 70 nations, il y a ici la notion que la תּוֹרָה est universelle.

 

Mais pourquoi ce sens de la תּוֹרָה en 70 langues doit être expliquée aux fils alors que la תּוֹרָה des pères a été révélée au Sinaï en 70 langues, mais a été entendue en hébreu par les pères et qu’il faut expliquer en 70 langues pour les fils ?

 

Texte du chapitre 27 de דְּבָרִים :

 

Il s’agit de כִּי-תָבוֹא פָּרָשָׁת au verset 8

 

La תּוֹרָה demande, lorsqu’Israël a traversé le Jourdain et arrive dans le pays, la première chose à faire, c’est d’écrire sur des pierres toute cette תּוֹרָה :

 

27:8

וְכָתַבְתָּ עַל-הָאֲבָנִים, אֶת-כָּל-דִּבְרֵי הַתּוֹרָה הַזֹּאת--בַּאֵר הֵיטֵב.

Et tu écriras sur les pierres toutes les paroles de cette תּוֹרָה bien expliquée En écriture claire

 

Rashi sur בַּאֵר הֵיטֵב: en 70 langues

Torat Téminah : comment est-ce possible d’écrire sur ces 12 pierres, toute la תּוֹרָה et en 70 langues ?

Par conséquent cela veut dire autre chose. Il se base sur le fait qu’il n’y a pas « tu écriras sur les pierres cette תּוֹרָה » « הַתּוֹרָה הַזֹּאת אֶת » mais « אֶת-כָּל-דִּבְרֵי הַתּוֹרָה הַזֹּאת»

Les paroles de cette תּוֹרָה. Cela concerne les 10 commandements. On peut ainsi comprendre que sur 12 pierres on ait la place de les écrire, mais pas toute la תּוֹרָה. 

 

Et donc première précision, ce verset-là dans דְּבָרִים concernerait les dix commandements d’après Torat Tmimah. A cause du mot de « דְּבָרִים». 

 

Le Torat Tmimah cite notre verset du début du livre de דְּבָרִים chapitre 1 verset 5

Et explique ce qu’on doit comprendre פָּנִים בּשִׁבְעִים 70 points de vue.

Cela veut dire que dans notre 1er verset le לָשׁוֹן שִׁבְעִים de Rashi cela ne signifie pas les 70 langues dans le sens de langages différents – שָׂפָה - mais לָשׁוֹן שִׁבְעִים 70 manières d’exprimer la même chose en hébreu, lesבּשִׁבְעִים פָּנִים.

 

Nous avons donc une explication du Torat Tmimah sur Rashi mais cela ne résoud pas encore le problème. Car Rashi ne dit pas פָּנִים שִׁבְעִים mais לָשׁוֹן שִׁבְעִים!

Mais on a besoin de Torat Teminah pour expliquer le כָּל-דִּבְרֵי הַתּוֹרָה du 2nd verset.

 

Torat Teminah a raison de dire que le 2nd verset concerne les 10 commandements tandis que dans l’explication orale de Moïse, on peut retenir le fait que, oralement, Moïse a pu expliquer dans les 70 langues. C’est ce qu’on va tenter de comprendre, sans cette difficulté de ce problème matérielle d’écrire sur des pierres.

 

Je reviens donc au problème.

Cela indique le caractère universel de la תּוֹרָה pour la génération qui va entrer dans l’histoire d’Israël. La génération de la sortie d’Egypte est une génération dans la métahistoire, au-dessus de l’histoire, disait A. Néher. Effectivement, c’est une génération de parenthèse dans l’histoire. Il y a une parenthèse du problème économique de la société d’Israël qui est à l’abri des problèmes économiques de toute société. C’est la génération des pères qui a été appelée à la révélation du sens de la תּוֹרָה, du point de vue du Monde Futur, du point de vue de la תּוֹרָה des anges.

 

 סַנְהֶדְרִין‎  גְּמָרָא :

« Est-ce que la génération du désert aura droit au monde à venir עוֹלָם הַבָּא? »

Il y a une discussion, certains pensent que non. On pense que c’est lié à la faute. Mais l’explication est plus profonde : étant donné qu’elle n’est pas entrée en Israël, elle n’y a pas droit. Pour aller au עוֹלָם הַבָּא, il faut passer par Erets Israël. C’est très sioniste.

 

On l’apprend de l’affirmation :  הַבָּא כל ישראל יש להם חלק לעולם

 

Que l’on apprend d’un verset qui dit : Vé Amekh ekh koulam tzadikim leolam irshou arets.

Parce que אֶרֶץ c’est la porte du עוֹלָם הַבָּא.

Et comme cette génération n’est pas entrée en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל, 1ère opinion : elle n’a pas part au עוֹלָם הַבָּא. Une autre opinion dit qu’elle y a droit.

 

Les Kabbalistes disent qu’elle a עוֹלָם הַבָּא déjà, ce qui expliquent l’autre opinion qui soutient qu’elle n’y a pas droit comme ceux de la fin des temps car elle y est entrée direct dans עוֹלָם הַבָּא car c’est la génération qui a été appelée à la révélation : la תּוֹרָה de cette génération est une תּוֹרָה de עוֹלָם הַבָּא, en dehors de l’histoire terrestre. C’est pourquoi ils ne voulaient pas entrer en Israël : tellement mieux à l’aise « là-haut », dans les Yeshivot du désert.

 

Les ‘Hassidim on beaucoup enseigné là-dessus. Nous sommes incapables de comprendre leur histoire qui nous parait invraisemblable : une génération de géants qui étaient au Sinaï qui fait un veau d’or, se plaint, demande de l’eau, de la viande...

 

La génération des fils qui va entrer sur la terre a besoin de la תּוֹרָה des hommes et d’être capable de pouvoir dire la תּוֹרָה dans les autres langues.

 

Les Juifs sont doués pour les langues. Ce sont des maîtres des langues. E. Lévinas par exemple a une maîtrise des langues extraordinaire. Beaucoup de juifs sont dans les universités de linguistiques, de structuralisme... C’est très typique.

 

Et la génération de nos pères avait une aisance dans les dialectes dont ils se servaient : yiddish, judéo-arabe, judéo-espagnol sans jamais avoir été dans les universités.

Les Juifs étaient souvent interprètes dans les chancelleries, les ministères, les cours des גּוֹיִם.

Les Juifs ont été les traducteurs des grands philosophes grecs pour les Arabes et inversément....traducteurs des grands philosophes arabes pour les Chrétiens et les Juifs etc...

 

Exemple dans l’histoire de Joseph :

Joseph et Moïse ont des personnalités très analogues bien qu’inversées.

Joseph a été l’hébreu qui s’est mis au service de l’universel.

La תּוֹרָה va indiquer que s’il est arrivé jusqu’au trône de Pharaon c’est grâce à sa maitrise des 70 langues. Ce Midrash sur Joseph a été repris par les chrétiens, le jour de la Pentecôte, où il parle des langues de feu sur les Apôtres qui leur ont révélé les 70 langues.

 

בְּרֵאשִׁית Chapitre 41 verset 44

 וַיֹּאמֶר פַּרְעֹה אֶל-יוֹסֵף, אֲנִי פַרְעֹה Paro dit à Joseph Je suis Paro

וּבִלְעָדֶיךָ, לֹא-יָרִים אִישׁ אֶת-יָדוֹ וְאֶת-רַגְלוֹ--בְּכָל-אֶרֶץ מִצְרָיִם Et à part toi  personne ne lèvera sa main ou son pied (expression qui disent la souveraineté) Dans tout le pas d’Egypte

 

גְּמָרָא  Sotah 36b:

וּבִלְעָדֶיךָ « A part toi » Pourquoi ?

Rabi ‘Hiyyah bar Raba Yo’hanan : Au moment où Pharaon a dit « וּבִלְעָדֶיךָ», les astrologues de Pharaon ont dit : un esclave que son maître a pris pour 20 pièces d’argent (thème repris par les Chrétiens avec Judah qui vend le fils de Joseph) tu vas le mettre sur nous ?

- Je vois en lui des capacités royales !

- S’il en est ainsi il faut qu’il connaisse les 70 langues !

L’ange Gabriel est venu et lui a enseigné les 70 langues. Et avant même qu’il ait terminé, il lui a ajouté une des lettres du nom de Dieu, et il lui a enseigné d’après ce qu’il y a dans un verset du Psaume 80 dit à Rosh H

ashanah en parlant de Joseph « עֵדוּת, בִּיהוֹסֵף שָׂמוֹ » il a mis un témoignage en Joseph écrit יהוֹסֵף le ה lui a été ajouté une lettre du nom de Dieu et il a pu lui enseigner les 70 langues. Et le texte dit : un témoignage .../...


*****

.../...

C’est la question des 70 langues parce qu’il doit être reliée à la question de l’universel humain. Tout cela est parallèle, les 70 nations, les 70 langues, les 70 visages de la תּוֹרָה...

C’est la notion des multiplicités des personnalités d’Israël, chacune tournées vers l’une des perspectives de l’universel humain.

 

Cela nous fait comprendre de manière plus profonde pourquoi il y a une telle diversité de la manière d’Israël, parce que c’est une sorte de résumé indexé à la diversité humaine.

Une des finalités de l’exil est de nous permettre de nous imprégner de ces manières d’êtres hommes des 70 nations. On ne s’en rend pas compte mais nous sommes cette génération privilégiée qui peut en témoigner : lorsqu’Israël revient des paysages d’exil c’est l’humanité entière qui revient à travers ses juifs.

 

Les גּוֹיִם entre eux n’arriveront jamais à réaliser l’universel. C’est l’idéal et l’exigence de toutes les nations humaines, c’est de retrouver l’universel perdu à Babel, mais ils n’arrivent qu’à faire des empires. C’est-à-dire une nation qui s’impose aux autres.

Le dernier exemple qui fut un échec c’était l’empire soviétique. C’était le rêve de l’universel humain à la révolution d’octobre 1917 et qui bascule de suite dans l’impérialisme soviétique.

Il  y a énormément de tentative de faire ce rêve de l’unité humaine. Jamais les גּוֹיִם ne peuvent réussir, sauf cette farce qui s’appelle l’O.N.U.

 

La messianité juive c’est cette possibilité, de refaire à travers la nation d’Israël l’unité de ces différentes manières d’êtres hommes.

Dans n’importe quelle quartier de n’importe quelle petite municipalité israélienne, vous prenez un מִנְיָן israélien et vous y voyez-là un résumé de l’humanité : des Juifs de provenances différentes, des langues différentes, des coutumes différentes... et l’unité.

Toute la diversités des גּוֹיִם à travers leurs Juifs.

 

C’est précisément à la génération qui rentre dans l’histoire de la terre que Moïse devait expliquer la תּוֹרָה dan les 70 langues.

 

Effectivement, on étudie la תּוֹרָה dans les milieu anglo-saxons avec la mentalité anglo-saxonne, dans les milieux germaniques avec la mentalité germanique, etc...

 

Les francophones ont apporté quelques chose dans le pays que le pays ne connaissait pas, et que les universitaires et les חֲכָמִים תַלמִידֵי ont découvert avec les milieux francophones : l’école de Rashi.  C’est–à-dire la manière d’étudier la תּוֹרָה avec l’indice de la culture française (ou plutôt de culture et d’ethnie francophone qui dépasse largement la France. C’est d’ailleurs très significatif : tous les pays où il y a des francophones font partie de l’union des francophones sauf Israël alors qu’il y a plusieurs centaines de milliers de citoyens francophones. Proportion qu’il n’y a dans aucun des pays satellites de la France. C’est à cause des pressions arabes que jamais Israël ne sera un des pays francophones). 

 

Quoiqu’il en soit, on a apporté une dimension qui a un peu secoué le monde israélien.

La formulation de culture française de la תּוֹרָה intéresse beaucoup.

 

***

 

 

 

 

Q : Pourquoi à la traduction de la Septante, on a décrété trois jours de jeûnes ?   

 

R : j’avais prévu de vous parler de cela, un chapitre entier de la גְּמָרָא de Shabbat en parle : c’était nécessaire de traduire en 70 langues mais quand c’est Moïse qui traduit c’est authentique, non pas quand les גּוֹיִם traduisent la תּוֹרָה et quand certains juifs de culture גוֹי traduisent pour les גּוֹיִם...Ce n’est plus l’hébreu qui traduit mais le גוֹי qui traduit à travers son juif...

Beaucoup de traduction faite par les Juifs où c’est le גוֹי  qui parle à travers son juif...

 

Alors la question : pourquoi à la traduction de la Septante on a décrété trois jours de jeûnes ?   

Il y a une différence entre la langue grecque et la pensée grecque. On l’étudiera à propos de חֲנֻכָּה‎ . Les Grecs ont réussit à transformer et traduire la Bible dans un livre de sagesse à la manière des autres livres de sagesse des autres peuples. Cela a intoxiqué finalement les Juifs eux-mêmes qui finalement a conduit à une lecture de la Bible comme les Grecs modernes lisent Homère...

 

Question sur l’exégèse biblique : je réponds sous forme de blague c’est appelé Bikoret Hamiqré mais en réalité par hasard ils disent des choses intelligentes c’est « Bikoret Hamiqré » par hasard....

 

 

 

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Marylise Picard

17 Juillet 2023 à 12h25

Merci

Marylise Picard

17 Juillet 2023 à 12h25

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