L’OEUVRE DE LA CRÉATION
LES ENGENDREMENTS
JUIFS OU HÉBREUX
ISRAËL ET LES NATIONS
MESSIANISME
THÈMES FONDAMENTAUX

VAYICHLAH - SÉRIE 1984 (2/2)

Le cours

 

 

(1984) (Cours 2) וַיִּשְׁלַח

 

  

Le sujet de toute cette Sidra deוַיִּשְׁלַח  concerne les événements qui suivent le retour de Jacob en כְּנַעַן אֶרֶץ après la fin de son exil. 

Nous allons commencer par lire le 1er verset avec un enseignement de Rashi à ce sujet.  

Je vous rappelle que Jacob s’était enfui du pays d’Israël, pour deux raisons :

-  fuir la colère d’Esaü sur intervention de Rivqah sa mère,

-  il y avait un problème de la suite des תּוֹלְדֹת, des engendrements dans la famille des Patriarches.  

 

Finalement, il s’enfuit et prend femme dans le pays de Laban, frère de Rébecca. Là-bas sont nés presque tous les enfants de Jacob qui vont fonder les tribus d’Israël. En fin de cette période, il se heurte à l’antagonisme de Laban lui-même, il doit s’enfuir de son pays d’exil. Et puis en fin de compte Laban le rejoint dans sa fuite et ils contractent une alliance. C’est le dernier verset de la Parashah précédente, j’aurais sans doute à m’y référer.  

La motivation de l’exil de Jacob est en relation avec la suite des engendrements.

Vous verrez vous-même qu’il y a un lien entre ces deux motifs, puisqu’une des raisons principales pour laquelle Esaü avait été disqualifié de l’identité Israël qu’il aurait pu recevoir à la manière de Jacob, puisqu’ils étaient deux frères jumeaux, c’est le fait que la תּוֹרָה nous indique en 2 endroits qu’Esaü se marie avec des filles du pays de Kénaan.  

Par conséquent, l’identité d’Israël ne peut plus passer par lui, c’est-à-dire par sa descendance. 

Plus précisément, lorsque Rivqah prend acte de ce fait, alors elle exhorte Isaac à transmettre à Jacob la bénédiction des engendrements qui est la bénédiction d’Abraham à Jacob. Jacob a reçu finalement les 2 bénédictions.

 

1er problème :

Il faut comprendre pourquoi il y a cette consigne systématique dans l’histoire des 3 générations des patriarches de ne pas prendre femme parmi les peuples de כְּנַעַן אֶרֶץ ? La seule issue étant de pouvoir revenir à la famille d’où Abraham était sorti et où cette mutation d’identité qui a donné Abraham a eu lieu, de telle sorte d’espérer le même miracle  à chacune de ces générations : pouvoir trouver dans cette famille-là, qui a l’identité hébraïque potentielle menant à Abraham, la possibilité de la suite des engendrements de l’être de celui que la תּוֹרָה nommera Itzhak.  

D’autant plus que nous nous apercevrons à travers le Midrash, qu’après Jacob devenu Israël, il va être possible d’épouser des femmes étrangères, et même dans certaines conditions de Kenaan.  

 

Tout se passe comme si il y a eu une 1ère usurpation de la fonction d’Israël par le peuple que la תּוֹרָה dans ses généalogies nomme Kénaan. En fait, ce peuple de Kénaan était des usurpateurs du pays d’Israël qui devait être dans l’héritage de la descendance de Shem, et plus particulièrement de Ever-Eber, l’ancêtre d’Abraham avec lequel l’identité sémite en général va se particulariser, se modifier, et se concrétiser dans l’identité hébraïque issue de Ever. Une de ces familles des Hébreux en exil dans la civilisation d’Our-Kasdim puisque le pays avait été conquis par plusieurs peuples.  

La תּוֹרָה dans trois sources différentes parle de 7, 10 ou 12 peuples conquérants selon la définition retenue pour les frontières d’Israël. Les 7 peuplades se trouvaient de l’autre côté du Jourdain. Il y a eu une tentative d’usurpation de l’identité d’Israël par Kénaan, principal descendant de ‘Ham, avec des alliés des descendants de Shem ou Japhet. C’est un thème important.  

De même qu’Israël est le déploiement de l’identité profonde de Shem à travers Ever, de même  Kénaan est le dévoilement de l’identité profonde de Ham.

De même, Yavan est le dévoilement de l’identité profonde de Yafet.  

 

Chacune de ces 3 lignées - à travers les multiplicités des sociétés qu’elles engendrent, des manières d’hommes qui déploient leurs identités profondes respectives - a une société particulière qui a une destinée et une mission particulière au niveau de l’histoire universelle.  

Nous savons ce que Yavan, la Grèce a donné à l’humanité. Nous savons aussi quelle est la nature du conflit qu’elle a entretenu avec Israël, mais elle a sa part propre dans l’héritage de l’humanité. C’est un thème à étudier pour ‘Hanoukka.  

 

De la même manière, Kenaan, représente l’essence même de l’identité de Ham.  

Tout se passe comme si la lignée de Ham a usurpé la fonction d’Israël dans une 1ère tentative de remplacer Israël. Les historiens de l’antiquité disent d’autre part que cette terre que l’on appelle le pays de Kenaan, et que les historiens appellent la Palestine, a été le berceau des civilisations.  

 

Tout se passe comme si les vestiges et les fossiles les plus anciens de la source des mouvements civilisateurs sont partis de ce croissant fertile au centre duquel se trouve ce pays. 

Il y a eu une 1ère tentative d’usurpation de l’identité d’Israël que la תּוֹרָה ne raconte qu’en filigrane. Elle en tient compte en passant.  

 

Elle ne va analyser dans le détail les tentatives de rivalités à Israël qu’à partir de l’histoire des Patriarches, à partir du moment où Abraham sort d’Our-Qasdim. Et c’est là que commence à se dévoiler l’histoire d’Israël. C’est encore allusif au niveau de l’histoire des Patriarches malgré tout et cela devient vraiment explicite avec Israël constitué en nation à partir de la sortie d’Egypte.  

Il y a en particulier un verset lorsque Dieu annonce à Abraham l’éventualité de l’exil et à postériori nous savons que cette éventualité de l’exil s’est concrétisée dans la civilisation du temps qui était  l’Egypte [Gn.15:16] : כִּי לֹא-שָׁלֵם עֲו‍ֹן הָאֱמֹרִי « car la faute de l’amoréen n’est pas complète ».

Les Amoréens, ou Éméréens selon les traductions, faisaient parti de ces 7 peuples. Au moment de la querelle entre Abraham et Loth, la תּוֹרָה nous signale en passant, [לֶך לְךָ - Gn.12:6]:

 אָז בָּאָרֶץ וְהַכְּנַעֲנִי -  « en ce temps-là le cananéen occupait le pays ».  

 

Le peuple d’Israël en tant que nation va être mis en réserve de messianité, en préparation, dans l’éventualité de remplacer cette civilisation de Kenaan, lorsqu’elle aura échoué.  

Formulée de façon plus radicale, que dans tous les cas, la civilisation de Kénaan sur cette terre était une civilisation d’usurpateurs, et elle ne pouvait qu’échouer. Mais il était nécessaire qu’Israël se constitue en nation. Et la תּוֹרָה d’étape en étape, nous raconte comment cette identité d’Israël émerge à partir d’Abraham. La sélection d’identité qui mène de Jacob à Israël et cette famille de Jacob avec les chefs de tribus (mais les tribus ne sont pas encore là) descendent en Egypte et se préparent à devenir une nation dont l’objectif est de remplacer la civilisation de Kénaan lorsqu’elle sera arrivée à saturation d’échec.  

Dès le principe, il y a une rivalité un peu selon la formule dite entre Esaü et Jacob c’est où l’un ou l’autre, entre Israël et Kenaan qui est installé dans le pays et qui tente de réaliser une fédération de ces 7 peuples (ou 10 ou 12) qui sont d’ailleurs nommés en général « les Cananéens » quoique ce soient des peuplades différentes, et qui tentent de prendre la place de la fonction et de la vocation d’Israël.

 

Plus tard se dévoilera qu’effectivement, dans la lignée de Yafet à travers Yavan il y aura aussi cette rivalité. Mais à la racine de cette histoire, cette rivalité est entre Kenaan et Israël en préparation.  

Cela nous fait comprendre pourquoi, à l’échelle des Patriarches qui sont des engendreurs de l’identité d’Israël, pendant tout le temps du récit de l’histoire des Patriarches, l’identité d’Israël cherche à émerger.  

Ce n’est d’ailleurs que dans notre Sidra qu’en fin de compte, revenu de son propre exil et de sa propre expérience d’exil, Jacob va recevoir le nom d’Israël. C’est dans la Parashah deוַיִּשְׁלַח .  

Mais ce n’est qu’à postériori de ce fait décisif où Jacob est habilité par Dieu lui-même à recevoir le nom d’Israël que se dévoile - je dis bien à posteriori – le fait que l’identité des Patriarches était bien cette identité d’Israël en préparation.  

 

Si elle avait bifurqué, échouée, par exemple dans l’échec d’Ishmaël ou dans l’échec Esaü, et bien la תּוֹרָה n’en n’aurait parlé que dans une allusion détournée et nous aurions eu un Midrash pour nous parler de cette famille-là, mais c’est une autre famille qui aurait été Israël. Ce n’est pas pour refaire l’histoire à l’envers, c’est cette famille qui est Israël.  

Ce n’est qu’à postériori qu’on le sait. Nous sommes tellement habitués à citer Abraham, Isaac, Jacob, comme des Patriarches d’Israël que l’on ne se rend pas compte qu’avant que Jacob ne reçoive le nom d’Israël, cette famille n’est pas Israël.

 

Il y a donc par rapport à notre sujet - où choisir la matrice des engendrements ? - un point très précis au temps des אֲבוֹת, l’échec absolu viendrait de choisir cette matrice des engendrements précisément dans l’identité du peuple qui était en train d’échouer dans sa tentative d’usurpation de la fonction d’Israël et de l’introduire dans la matrice d’identité des engendrements de l’identité d’Israël. Cela c’est pour le temps des אֲבוֹת. Tant qu’Israël n’est pas encore engendré, l’échec absolu serait de faire pénétrer un facteur de dénaturation de cette identité en gestation.  

A partir du moment où l’identité d’Israël est là, et à certaines conditions, ce que j’ai appelé tout à l’heure « le mariage mixte » est possible. Mais au temps des אֲבוֹת, c’est l’échec absolu car le résultat ne serait ni Kénaan ni Israël mais un mélange d’une identité mixte monstrueuse.

 

Les données du problème sont simples : Kenaan est en cours d’une tentative d’usurpation de ce que doit être Israël. Cette tentative d’usurpation concerne premièrement la terre d’Israël : quiconque veut remplacer Israël commence d’abord par s’approprier la terre : c’est ici que cela se passe et אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל est le véhicule de יִשְׂרָאֵל עַם.  

 

Pendant tout le temps où l’identité d’Israël n’est pas encore engendrée, c’est donc le temps des אֲבוֹת et retenez bien que le mot de אֲב - pluriel אֲבוֹת - traduit en français par « patriarches » - cela veut dire plus essentiellement en hébreu « les engendreurs ». Un père est celui qui fait un fils. La notion de père dans la תּוֹרָה est très précise : celui qui est capable de porter un fruit d’identité et de le mettre au jour, qui correspond de plus en plus au projet du créateur pour l’homme. C’est-à-dire le fils de l’homme et l’identité messianique. Les אֲבוֹת sont les engendreurs d’une nation.  

 

La fonction du père et la fonction du maître dans le récit de la תּוֹרָה sont très différentes.

Nous savons par le Midrash que les אֲבוֹת ont eu beaucoup d’élèves indépendamment de leur fils. Mais ils disparaissent et on n’en entend plus parler, ils ont disparus. Inversement, Mosheh Rabénou le maître qui n’a pas la fonction d’engendreur, a eu des enfants mais si le Midrash ne nous expliquait pas ce qu’il est advenu d’eux, on ne les percevrait pas.

Ce sont deux fonctions totalement différentes.

 

Lorsque plus tard, au moment de la faute du veau d’or, Dieu veut détruire Israël à cause de la faute du עֵרֶב רַב – les élèves d’Israël qui avaient accompagné Israël lors de la sortie d’Egypte, mais Israël était responsable du fait que ceux qui ont fauté avaient la majorité à la Knesset -  et Dieu lui dit qu’il suscitera de Moïse le peuple porteur des promesses. Moïse proteste et refuse. Le Midrash lui fait dire : « Souviens-toi d’Abraham, d’Isaac et d’Israël tes serviteurs à qui tu as promis que c’est d’eux qui tu feras sortir ce peuple porteur des promesses. ... »

 

L’héritage de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל qui mène à עוֹלָם הַבָּא, l’héritage de la תּוֹרָה et la lignée des engendrements messianiques : ce sont les trois promesses aux Patriarches.  

Et les commentateurs du Midrash posent une question très simple : si un peuple d’Israël sort de Moïse, il en sortira aussi des Patriarches puisque Moïse est un descendant d’Abraham, Isaac, Jacob, Levi, Amram ? Un peuple sortant de Moïse aurait une préhistoire d’engendrement sur 6 générations au lieu de 3 mais c’est la même préhistoire !  

Donc, cette indication du Midrash nous éclaire notre problème. Ce que Moïse veut dire c’est qu’il est le maître et que ce n’est pas de lui que la nation sort, la nation sort des engendreurs. 

Cette évidence s’est perdue à travers les temps de l’exil, surtout dans les derniers siècles, où l’on a occulté l’idée de la nation d’Israël pour n’en retenir que celle de la religion d’Israël : Moïse s’étant substitué aux Patriarches. Mais ce n’est pas son affaire de fonder un peuple. Un peuple fondé par Moïse donnerait une Eglise et non pas une synagogue.

 

L’argumentation de Moïse est celle-ci : la promesse qui a été faite aux אֲבוֹת les engendreurs, c’est l’identité hébraïque qui fait qu’Israël est Israël A cette identité peuvent s’adjoindre à l’échelle individuel tous les אָדָם בְּנֵי, tous les נֹחַ בְּנֵי. Mais certains ont une équation personnelle qui les empêche de se convertir.  

Il faut l’identité hébraïque pour engendrer l’identité d’Israël, et lorsque cette identité a émergé, alors tous les peuples peuvent s’y intégrer. C’est cette identité qui fait qu’un Israël est possible. A l’échelle universelle et individuelle : quiconque le veut, et le peut, va pouvoir s’y intégrer.  

Un enseignement de Judah Halévi dans le Kouzari : le phénomène de la prophétie s’attachait à l’identité humaine depuis l’origine de l’histoire humaine, La prophétie est universelle mais à l’échelle individuelle, alors que la prophétie est donnée à Israël à l’échelle collective. Quand un prophète d’Israël prophétise, c’est au nom de tout Israël.

Raison pour laquelle Judah Halévi dit : « le converti », on devrait dire « le naturalisé » (c’est devenir membre de la nation d’Israël pour en recevoir sa religion)  

(Du point de vue de la Halakha, on se méfie de celui qui veut se convertir pour des raisons d’ordre religieuses. Par définition, il ne sait pas de quoi il parle puisqu’il n’est pas encore juif. )

 

Moïse refusant la proposition de Dieu qui lui propose à lui de fonder le peuple. Moïse sait que l’identité hébraïque provient des אֲבוֹת et lui donne la תּוֹרָה d’Israël. Le monde entier peut être élève de Moshe Rabénou mais pas forcément des Juifs. La difficulté de ce Midrash c’est que Moïse sait que Dieu ne veut pas faire ce qu’il lui propose. C’est pourquoi il lui refuse, sinon c’est חוּצפָּה. Changement de projet. 

La תּוֹרָה peut être proposée à quiconque et cela devient n’importe quoi. Si c’est un latin cela devient le catholicisme, si c’est un anglo-saxon cela devient le protestantisme, si c’est un russe c’est la religion orthodoxe, si c’est un arabe c’est le Coran... S’il s’agit des hébreux, alors c’est la תּוֹרָה d’Israël !  

Une fois la nation d’Israël constituée, alors à l’échelle universelle, n’importe quel homme qui comprend la vérité... 

 

Nous vivons dans un temps de conversions importantes, pas aussi important que la perte de Juifs par assimilation.  

 

A l’origine, il y a toujours la perception que le sort de l’histoire de l’humanité passe par Israël, c’est une perception très forte chez beaucoup de touristes.  

Moïse sait très bien que le plan de Dieu n’est pas de constituer une église.

Au moment où il semble y avoir échec de la première tentative à partir d’Israël : Israël n’est pas capable de résister à la faute d’idolâtrie lors de la réalisation du veau d’or, alors la הָדִין מִּדָת formule sa réclamation et son nouveau projet. Mais Moïse sait ce que Hashem préfère : le premier projet ! C’est exactement le problème que nous avons avec l’Eglise : la différence de ces deux Israël, c’est que l’Israël hébreu est une nation et l’Israël chrétien est une église.  

Cela met bien en évidence ce fait : pendant tout le temps de l’histoire des Patriarches, le risque de l’échec absolu est d’introduire l’identité cananéenne que l’on doit remplacer, dans la matrice d’engendrement de l’identité d’Israël.  

 

A partir de l’identité d’Israël, même les cananéens sous certaines conditions peuvent faire partie d’Israël. On préfère peut-être même par privilège les צַדִּיקִים de Kénaan. Il faut tout un processus de purification mais c’est ce qu’il reste de la sainteté ancienne qui avait échouée qui a le plus grand prix pour l’étape suivante. Nous l’étudierons lorsque nous verrons ce qui se passe pour la suite des engendrements après Jacob. 

Nous verrons qu’il y a 2 stratégies, 2 tentatives différentes :  

L’une représentée par la tentative de Joseph : chercher à l’extérieur d’Israël une matrice de suite des engendrements. C’est cette tentation de la femme de Putiphar. Il y a ici une amorce de la messianité selon Joseph que la תּוֹרָה nous raconte en détail jusqu’au bout arrivant à l’échec.

 

En fin de compte, c’est Moïse qui va diagnostiquer cet échec. La tentative de mariage avec l’Egypte est aussi un échec. Toutes les tentatives ont échoué. Shkhem avec Dinah également se révèle être un barbare. On est semble-t-il à la fin du bilan de ces tentatives qui ont toutes échouées. Cette identité mixte à la Joseph - hébreu à la maison et égyptien dans la cité - s’avère être un échec systématique.  

Le modèle de cela se trouve dans notre Parashah lorsque Jacob cherche un gendre pour Dinah pour fonder la 13ème tribu et pour que l’unité d’Israël soit achevée, et en même temps l’unité universelle par ce lien à l’universel humain. Jacob a cherché partout ce visage humain qui pourrait être son gendre : le fondateur de la 13ème tribu.  

Le rôle de Dinah dans l’histoire des Patriarches est très important. C’est la porte du lien avec l’humanité extérieure.

 

Finalement, on trouve un prince charmant qui aime Dinah mais qui la violente. Exactement la relation des גּוֹיִם avec Israël. Une relation de fascination et de haine simultanée, c’est finalement la relation de Shkhem et Dinah que nous raconte la תּוֹרָה. On n’a trouvé nulle part ce Shkhem, croyant le trouver partout et finalement nous sommes rentrés chez nous…  

La tentative selon Joseph est à l’extérieur. C’est l’échec de la femme de Putiphar. Ce qui arrive à travers tous les exils et énormément de Juifs séduits par la tentative de Joseph et qui finalement se laisse aller dans les bras de la femme de Putiphar.  

Parallèlement à cela, la תּוֹרָה nous raconte une tentative selon Judah : chercher la matrice des engendrements dans l’antérieur. C’est pourquoi le Midrash va nous dire de Tamar qu’elle est la fille de Shem. C’est cette tentative qui nous est décrite comme la tentative messianique authentique selon la תּוֹרָה. Il faut une matrice d’engendrement pour la suite des engendrements.  

Où la trouver ?  

Réponse de Joseph : à l’extérieur, séduit par la beauté égyptienne. Et c’est l’échec !

La tentative de Judah, c’est elle qui va mener au Roi David, en ce qu’elle consiste à chercher dans le plus indifférencié les principes de l’avenir.

 

Si on s’arrête à un stade antérieur différencié, c’est une impasse, un échec, une scorie... c’est trop différencié, trop typé, c’est caduque... Tandis que l’antérieur indifférencié c’est le principe d’un avenir possible.  

En biologie, lorsqu’un organisme doit régénérer un membre, il le fait à partir du tissu le plus indifférencié.  

La תּוֹרָה nous raconte ce risque d’échec à se ressourcer à un passé caduque car trop différencié.  

C’est la première femme de Yéhoudah qui s’appelait Bat-Shouvah, qui était aussi une צַדֶקֶת, mais tellement différenciée qu’elle était inféconde : elle ne pouvait que se démultiplier par copie conforme. 

 

Le Midrash intervient pour nous dire pourquoi cela marche avec Tamar c’est parce qu’elle est la fille de Shem, l’antérieur le plus indifférencié.  

Tant que l’identité d’Israël n’est pas engendrée au temps des Patriarches on comprend alors le récit de la תּוֹרָה : pourquoi Abraham

 

…/…

 

Les versets du chapitre 32 verset 2-3, juste la Parashah précédente deוַיֵּצֵא :

וְיַעֲקֹב הָלַךְ לְדַרְכּוֹ וַיִּפְגְּעוּ-בוֹ מַלְאֲכֵי אֱלֹהִים

Et Jacob alla suivant son chemin (pour revenir en direction du pays de Kenaan) Et le rencontrèrent-heurtèrent des envoyés de Dieu.  

Ici le mot de מַלְאֲךְ qui a le sens de « envoyé » va de suite être défini par le contexte comme des anges. Le mot de מַלְאֲךְ signifie envoyé, chargé d’une מְלַכֲה, qui une mission à accomplir mais à un autre niveau, cela veut dire un ange. On ne sait pas ce que c’est, mais admettons par postulat que la Bible sait de quoi elle parle. En tout cas, des anges ce ne sont pas des hommes.

 

Le verset suivant nous dit :  

וַיֹּאמֶר יַעֲקֹב כַּאֲשֶׁר רָאָם מַחֲנֵה אֱלֹהִים זֶה וַיִּקְרָא שֵׁם-הַמָּקוֹם הַהוּא מַחֲנָיִם

Et dit Jacob lorsqu’il les vit Voici un camp de Dieu Et il nomma le nom de cet endroit מַחֲנָיִם

 

Le mot deמַחֲנֵה  le camp est au duel מַחֲנָיִם.  

Et je reviendrais sur cette question : pourquoi après nous avoir dit que Jacob prend acte qu’il y a un מַחֲנֵה אֱלֹהִים va le nommer au duel מַחֲנָיִם double camp ?

 

Parashah וַיֵּצֵא  32:4:

וַיִּשְׁלַח יַעֲקֹב מַלְאָכִים לְפָנָיו אֶל-עֵשָׂו אָחִיו אַרְצָה שֵׂעִיר שְׂדֵה אֱדוֹם

Et Jacob envoya des מַלְאָכִים  devant lui vers Ésaü son frère, au pays de Séir, dans le champ d'Édom  

 

Il envoie une délégation à Esaü pour essayer de faire la paix. C’est le premier récit. Nous avons le même terme de מַלְאָכִים, et il y a discussion dans le Midrash Raba pour savoir si ce sont des envoyés וְדָמ בָּשָׂר, de chair et de sang ou si ce sont des מַלְאָכִים מַמָּשׁ.  

Rashi dit: מַלְאָכִים מַמָּשׁ. Ce sont des anges vraiment.

On pourrait demander pourquoi on pourrait en douter ? 

Question d’exégèse : qu’est-ce qui fait que Rashi a tranché parmi les deux opinions du Midrash Raba à ce propos : des envoyés de chairs et de sangs ou מַלְאָכִים מַמָּשׁ.

 

Je vais me baser pour ce problème sur un enseignement du Shlah (Shnei Lou’hot Habrit) qui va inspirer l’étude que nous allons avoir, avec essentiellement cette question. Vous aurez là un exemple d’exégèse rabbinique très poussé. Qu’est-ce qui fait que Rashi a tranché entre 2 opinions des maitres du Midrash : מַלְאָכִים מַמָּשׁ vs. וְדָמ בָּשָׂר שילוּחֵי.

D’autant plus que la simple lecture semble donner raison à Rashi. Puisque Jacob vient de rencontrer des anges, et juste après, deux mots après le texte nous dit qu’il envoie desמַלְאָכִים  et donc ce mot deמַלְאָכִים  reporté au contexte précédent signifie donc des anges. Pourquoi cette nécessité de le préciser dans le Midrash puisque cela va de soi apparemment ? C’est donc que cela ne va pas de soi !  

 

Nous continuons la lecture. Et rappelez vous que nous devons revenir à la première question : pourquoi le texte après avoir dit מַחֲנֵה  au singulier nous dit מַחֲנָיִם au duel ?

 

וַיִּשְׁלַח יַעֲקֹב מַלְאָכִים לְפָנָיו, אֶל-עֵשָׂו אָחִיו, אַרְצָה שֵׂעִיר, שְׂדֵה אֱדוֹם

Et Jacob envoya desמַלְאָכִים  devant lui...  

Tout de suite vous allez être sensibles à une sorte de répétition de tous les termes des versets.

Il y a un mot de trop : « envoyer » signifie « devant lui ». Il y a déjà répétition. 

 

אֶל-עֵשָׂו אָחִיו, אַרְצָה שֵׂעִיר, שְׂדֵה אֱדוֹם.

à Essav son frère, et direction de Séir du champ de Edom...

 

אַרְצָה שֵׂעִיר et שְׂדֵה אֱדוֹם c’est la même chose, il s’agit ici d’une répétition.

 

32:5

וַיְצַו אֹתָם לֵאמֹר כֹּה תֹאמְרוּן לַאדֹנִי לְעֵשָׂו כֹּה אָמַר עַבְדְּךָ יַעֲקֹב עִם-לָבָן גַּרְתִּי וָאֵחַר עַד-עָתָּה

Et il les ordonna en disant Ainsi vous direz À mon maître, à Esaü (répétition) ainsi a dit ton serviteur Jacob Avec Laban j’ai séjourné Et j’ai tardé jusqu’à présent.  

 

Ici aussi même si la répétition est moins visible mais c’est la même chose.

Ensuite, il y a tout un message qui va se développer, et il envoie ce message avec ces messagers.

 

32:7

וַיָּשֻׁבוּ הַמַּלְאָכִים אֶל-יַעֲקֹב לֵאמֹר בָּאנוּ אֶל-אָחִיךָ אֶל-עֵשָׂו וְגַם הֹלֵךְ לִקְרָאתְךָ וְאַרְבַּע-מֵאוֹת אִישׁ עִמּוֹ

Et sont revenus les envoyés vers Jacob en disant Nous sommes allés chez ton frère Esaü Et même il vient à ta rencontre Avec 400 hommes avec lui  

 

Le Midrash explique : 400 guerriers  

 

32:8

וַיִּירָא יַעֲקֹב מְאֹד וַיֵּצֶר לוֹ וַיַּחַץ אֶת-הָעָם אֲשֶׁר-אִתּוֹ וְאֶת-הַצֹּאן וְאֶת-הַבָּקָר וְהַגְּמַלִּים--לִשְׁנֵי מַחֲנוֹת

Et Jacob eu très peur et fut dans l’angoisse Et il sépara le peuple qui était avec lui Et le gros bétail et le menu bétail En 2 camps.

 

Nous retrouvons le même mot que מַחֲנָיִם mais sous sa forme plurielle féminine  מַחֲנוֹת .

La source de l’enseignement se trouve dans le Shla’h basé sur le Zohar.

 

Jacob revient de son exil, et il va passer une épreuve d’identité dont l’objet est de savoir s’il peut ou non recevoir le nom d’Israël.  

En fin de compte, toute l’organisation du récit peut être résumée dans ces deux moments : à la fin de l’exil l’épreuve de recevoir le nom d’Israël. Cela ressemble vraiment aux épreuves des événements de la société juive en général à la fin de l’exil, l’épreuve de recevoir le nom d’Israël. Dans l’exil, Israël ne s’appelle pas Israël sinon par abus de langage parce qu’on connait le potentiel de Jacob à devenir Israël. Même nommé Israël, Jacob est nommé Jacob lorsqu’il va de nouveau en exil. Et lorsqu’il revient de l’exil, il reçoit le nom d’Israël.

 

Finalement, le peuple juif n’a pas été nommé Israël pendant les 2000 ans d’exil, et c’est en arrivant au pays qu’il est nommé Israël.

Et nous sommes encore au stade de la contestation, l’ange d’Esaü ne veut pas encore dire Israël. En particulier la civilisation chrétienne qui est encore en discussion à se demander si le peuple juif est vraiment Israël.  

 

Chapitre 46, verset 2 :

Au moment où Jacob va descendre en Egypte rejoindre Joseph.

 

וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים לְיִשְׂרָאֵל בְּמַרְאֹת הַלַּיְלָה וַיֹּאמֶר יַעֲקֹב יַעֲקֹב וַיֹּאמֶר הִנֵּנִי

Et Dieu dit à Israël dans les visions de la nuit Et il dit Jacob, Jacob...  

Il va descendre en exil, alors les conditions de la révélation sont les visions de la nuit parce que comme vous le savez l’exil est comparé à la nuit, et Erets Israël au jour dans le temps d’Israël.

 

Chaque fois que je devais partir en voyage pour prendre congé de mon maître, il me disait « laïlah tov !»  

Lorsque Jacob descend en exil il est nommé de nouveau Jacob.  

L’objet du récit de notre Parashah, c’est de nous montrer Jacob revenant de son exil et passant l’épreuve pour montrer s’il est digne du nom de Jacob.  

C’est à deux niveaux, il y a deux épisodes : d’abord l’ange d’Esaü, le principe d’identité d’Esaü qui le lui conteste jusqu’au bout, et en fin de compte Jacob l’homme finit par le vaincre, alors il le nommera Israël et il disparait.  

Un grand principe d’angéologie : chaque ange a une mission à accomplir, et lorsqu’il a accompli sa mission, il chante son chant et il disparait. Alors l’ange d’Esaü, à la fin de la nuit, disparait et son chant consiste à dire à Jacob « tu t’appelleras Israël... ».  C’est ce qui arrivera à Rome.  

Le deuxième épisode, c’est quand Dieu lui-même donne à Jacob le nom d’Israël. Il y a une phrase dans le בִּרְכָּת הַמָּזוֹן du rite Ashkénaze qui relie un peu ce thème-là.

Lehitsa’hel vessekhel tov Baénei Elohim vaadam.

Bien sûr nous savons que Dieu nous a appelé Israël, mais tant que l’humanité ne nous a pas appelé Israël c’est encore en question.

 

Dans le récit de la תּוֹרָה, il y a une lutte pour obtenir de l’ange d’Esaü le nom de Jacob-Israël, mais ensuite Dieu confirme le nom d’Israël.  

C’est une épreuve importante, cela signifie que simultanément Jacob doit se justifier et s’expliquer devant Esaü son frère qui lui conteste son identité, et devant Dieu qui doit décider à qui il va donner cette identité d’Israël.  

 

Toujours dans le cadre de l’enseignement du Shla’h, je cite un principe un peu difficile à étudier, mais je vais tenter de le schématiser.  

Il faut se référer à la définition du monothéisme absolu. Cela veut dire que c’est un Dieu unique qui est providence de toutes les créatures. Donc le monothéisme juif ne signifie pas que ce Dieu ne s’occupe que d’Israël. C’est un peu la mentalité des autres traditions religieuses : Dieu est le Dieu de ses fidèles et les autres sont ses ennemis. Mais un monothéisme réel, authentique absolu, comme le monothéisme juif, signifie qu’il y a un seul et unique Dieu et que c’est le même Dieu qui est providence et de Jacob et d’Esaü. C’est la difficulté d’être juif, cela veut dire que notre Dieu est aussi le Dieu des autres. Qu’ils le reconnaissent ou pas, c’est un autre problème. Le monothéisme n’est pas une monolâtrie. C’est un monothéisme radical et absolu. Les miracles de Lourdes, ou d’ailleurs, prouvent seulement que Dieu s’occupe de ses créatures, quel qu’elles soient.  

 

Jacob doit se justifier simultanément devant son frère Esaü qui est en contestation avec lui, et devant Dieu pour Esaü. Un ennemi d’Israël dans sa foi religieuse propre est tranquille : son Dieu est contre Israël. Pour Israël aux prises avec un de ses ennemis cela n’est plus aussi simple que cela. Il doit se mesurer aussi contre la volonté de Dieu pour son ennemi. D’où la difficulté. Il y a un décalage moral impossible à combler entre la morale religieuse des autres religions et Israël lui-même.

 

C’est ce qui nous explique ce dédoublement du vocabulaire dans ce texte.  

וַיִּשְׁלַח יַעֲקֹב מַלְאָכִים לְפָנָיו אֶל-עֵשָׂו אָחִיו אַרְצָה שֵׂעִיר שְׂדֵה אֱדוֹם

Et Jacob envoya des מַלְאָכִים  devant lui à Essav son frère, et direction de Séir du champ de Edom.

 

Par exemple : Esaü en bas c’est son ennemi, en haut c’est son frère. Il faut que simultanément ce plaidoyer se formule à 2 niveaux. D’où la מַחְלֹקֶת du Midrash Raba. Il a finalement envoyé les uns et les autres.

Sur terre il a envoyé les « envoyés de terre » et dans le ciel il envoie des מַלְאָכִים מַמָּשׁ. 

Voilà donc qui reprécise notre question initiale :

 

Pourquoi Rashi a-t-il donc tranché entre les deux ?  

Comment Jacob peut-il dire d’Esaü (32:5):

וַיְצַו אֹתָם לֵאמֹר כֹּה תֹאמְרוּן לַאדֹנִי לְעֵשָׂו:  כֹּה אָמַר, עַבְדְּךָ יַעֲקֹב עִם-לָבָן גַּרְתִּי וָאֵחַר עַד-עָתָּה

 Ainsi vous direz à mon maître à Essav…  

 

Cela veut dire qu’il y a une modalité où Esaü est son maître.  

לַאדֹנִי il s’adresse en haut, לְעֵשָׂו il s’adresse en bas. Et ainsi de suite

אַרְצָה שֵׂעִיר c’est pour en bas, שְׂדֵה אֱדוֹם c’est pour en haut... etc.  

Et après on voit Jacob qui se prosterne devant Esaü ?

Il se prosterne en direction de la terre. C’est à dire du Dieu de la terre, Esaü devant lui.

Le Midrash va être terrible pour Jacob qui se prosterne devant Esaü.  

Jacob n’a pas l’intention de se prosterner devant une idole qui s’appellerait Esaü. S’il se prosterne c’est qu’il reconnait là la souveraineté du Dieu unique qui passe aussi à travers la manière d’être homme qui s’appelle Esaü.  

 

C’est ce dont parle la tradition lorsqu’elle parle des anges tutélaires des nations, les שָׂרִים.

Toutes les nations ont un שָׂר – un génie céleste – qui est l’expression de la volonté du Créateur Unique pour telle manière d’être homme en particulier.  

Pourquoi Israël est-il spécial ? Israël n’a pas d’intermédiaire. C’est Dieu Lui-même qui est le Dieu d’Israël. Pour tous les autres, c’est par délégation d’un génie tutélaire – le שָׂר de chaque nation.

 

En français le terme de « génie » donne exactement le sens du mot שָׂר: génie dans le sens de l’angéologie et génie dans le sens abstrait : la manière d’être homme que cela représente avec les valeurs très particulières que cela représente. Ce qui fait qu’un français n’est pas un allemand et qu’un allemand n’est pas un français, il le doit à son Sar. La France a un שָׂר, l’Allemagne a un שָׂר … Toute créature a un projet, une volonté, du Créateur pour elle.  

יִשְׂרָאֵל שָׂר est nommé מִיכָאֵל et la Guemara explique très clairement que quand Israël est authentique c’est Dieu lui-même qui est sa providence et quand ce n’est pas le cas, alors Israël a un Sar qui s’appelle מִיכָ-אֵל « qui est comme Dieu ».

 

Je referme la parenthèse, il y aurait énormément d’analyses à faire sur ce sujet là, en particulier la naissance du christianisme sur cette idée-là...  

Israël est confronté à ce que le verset va dire pour expliquer pourquoi Dieu le nomme Israël :  

וַיֹּאמֶר לֹא יַעֲקֹב יֵאָמֵר עוֹד שִׁמְךָ--כִּי אִם-יִשְׂרָאֵל  כִּי-שָׂרִיתָ עִם-אֱלֹהִים וְעִם-אֲנָשִׁים וַתּוּכָל

Ton nom ne sera plus Jacob mais Israël  Car un grand Sar avec Elohim et avec les hommes, tu as gagné  

 

C’est le seul cas dans l’histoire de l’humanité : Israël est confronté à cela de lutter avec des forces divines et humaines, et c’est pourquoi il reçoit le nom d’Israël.  

 

Il y a dans la Guemara cet enseignement : une nation ne peut pas vaincre une autre nation si son שָׂר en haut a déjà vaincu le שָׂר de l’autre: cela se décide en haut avant de se réaliser en-bas.

 

Un exemple parmi d’autres qui m’a beaucoup frappé pendant la guerre mondiale : la Russie tout entière, géant énorme, qui a attaqué la Finlande. La Finlande un tout petit pays qui a tenu en échec la Russie pendant plusieurs mois parce qu’ils avaient une force morale qui leur permettait de tenir. Un pays perd une guerre lorsqu’il a déjà perdu moralement, alors il la perd physiquement. L’exemple le plus clair pour nous est la guerre d’Algérie. La France a perdu la guerre d’Algérie parce qu’elle l’avait déjà perdu moralement, alors elle l’a perdu physiquement. Puisqu’au niveau des lois de la guerre il n’y avait aucune raison qu’elle perde la guerre…

 

On revient maintenant à la 1ère question pour lire ce que nous dit Rashi. Quel est le problème ?  

Jacob revient d’exil et à la frontière, il rencontre des anges. Il appelle l’endroit « אֱלֹהִים מַחֲנֵה ». Pourquoi emploie-t-il l’expression מַחֲנָיִם à la forme duelle ?  

 

Rashi : Les anges de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל sont venus à sa rencontre. Pour l’accompagner en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל.

שְׁתֵּי מַחֲנוֹת שֶׁל חוּצָה לָאָרֶץ שֶׁבָּאוּ עִמּוֹ עַד

Ma’hané est au duel Ma’hanayim parce qu’il y a deux camps, les anges de חוּצ לָאָרֶץ qui l’ont accompagné jusque-là et ceux de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל qui sont venus à sa rencontre. (Midrach tan‘houma Wayichla‘h).  

 

Et par conséquent cela nous résout notre problème. C’est la réponse du Midrash Tan’houmah que cite Rashi : Jacob est accompagné par les anges de חוּצ לָאָרֶץ jusqu’à la frontière et puis il est accueilli par les anges de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל à la frontière. Il a donc vu deux camps.  

Le Shlah explique cela par le fait que, et c’est très lié au contexte, et d’autre part à une autre tradition que chaque fois qu’un homme a un mérite, il a un ange positif qui l’accompagne. Un ange négatif à chaque עָבֶרָה. Donc Jacob est accompagné par ses mérites qu’il a acquis enחוּצ לָאָרֶץ et il est accueilli par les mérites qu’il a par rapport à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל.  

La question devient donc : lesquels desמַלְאָכִים  selon Rashi furent envoyés à Esaü ?

 

Vous voyez comment raisonne Rashi :

Etant donné qu’il y avait deux sortes deמַלְאָכִים  et que cela voulait dire les mérites qui vont justifier le nom d’Israël, quels sont lesמַלְאָכִים  qu’il envoie en direction de son problème d’épreuve ? Est-ce qu’il envoie les מַלְאָכִים  de חוּצ לָאָרֶץ ? Ou envoie-t-il les מַלְאָכִים  deאֶרֶץ יִשְׂרָאֵל ? Rashi ne tranche pas en disant « מַלְאָכִים מַמָּשׁ», c’était la מַחְלֹקֶת de la Guemara.  

La réponse est très simple, nous la trouvons dans le plaidoyer même du message que Jacob envoie à travers cesמַלְאָכִים : nous allons voir qu’il s’agit effectivement desמַלְאָכִים  deאֶרֶץ יִשְׂרָאֵל qui vont aider Jacob à obtenir le nom de Israël.

 

On va le voir sur la fin du verset 5 :

וַיְצַו אֹתָם לֵאמֹר כֹּה תֹאמְרוּן לַאדֹנִי לְעֵשָׂו  כֹּה אָמַר עַבְדְּךָ יַעֲקֹב

Il leur avait donné cet ordre: "Vous parlerez ainsi à mon seigneur, à Ésaü: ‘Ainsi parle ton serviteur Jacob:

עִם-לָבָן גַּרְתִּי, וָאֵחַר עַד-עָתָּה

J’ai séjourné chez Laban et j’ai tardé jusqu’à présent.

 

Rashi sur גַּרְתִּי :

לֹא נַעֲשֵׂיתִי שָׂר וְחָשׁוּב אֶלָּא גֵּר אֵינְךָ כְּדָאי לִשְׂנוֹא אוֹתִי עַל בִּרְכוֹת אָבִיךָ שֶׁבֵּרְכָנִי הֱוֵה גְּבִיר לַאֲחֶיךָ שֶׁהֲרֵי לֹא נִתְקַיְּמָה בִּי. דָּבָר אַחֵר גַּרְתִּי בְּגִימַטְרִיָּא תַּרְיָ"ג כְּלוֹמָר עִם לָבָן הָרָשָׁע גַּרְתִּי וְתַרְיָ"ג מִצְוֹת שָׁמַרְתִּי וְלֹא לָמַדְתִּי מִמַּעֲשָׂיו הָרָעִים

 Je n’y suis devenu ni un prince ni un notable, mais j’y suis resté un étranger, [le mot גַּרְתִּי, (« j’ai séjourné ») étant de la même racine que גֵּר (« étranger »)]. Tu n’as plus aucune raison, par conséquent, de me haïr à cause de la bénédiction que m’a donnée ton père : « sois un chef pour tes frères » (supra 27, 29), car elle ne s’est pas réalisée (Midrach tan‘houma Wayichla‘h 5). Autre explication : La valeur numérique des lettres de  גַּרְתִּי est six cent treize, comme si Ya‘aqov avait voulu dire : Tout en séjournant chez Lavan l’impie, j’ai continué d’observer les six cent treize commandements et je n’ai pas suivi ses mauvais exemples.

  

לֹא נַעֲשֵׂיתִי שָׂר וְחָשׁוּב je ne suis pas devenu prince ou premier ministre de Laban...  

Mais  גַּרְתִּי cela veut dire « j’ai séjourné » de la même racine d’où proviendra le mot de גֵּר étranger. Un étranger ne devient par premier ministre. Cela veut dire que Jacob a préservé son identité de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Il n’a pas accepté de devenir le premier ministre de Laban, un libanais quelconque. Il est resté attaché à la terre d’Israël depuis l’étranger. Il est resté גֵּר à l’étranger.

Par conséquent puisque je suis resté étranger-métèque chez mon beau-père, mon oncle et puisque je ne me suis pas cru chez moi ailleurs, j’ai le droit de revenir en Israël.  

Vous voyez donc pourquoi je dis que Rashi a tranché en faveur de la מַחְלֹקֶת du Midrash en disant que ce sont des « מַלְאָכִים מַמָּשׁ» parce que Jacob avait besoin d’envoyer son mérite de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל.

 

La bénédiction d’Isaac à Jacob était : [27:29]:

הֱוֵה גְבִיר לְאַחֶיךָ וְיִשְׁתַּחֲווּ לְךָ בְּנֵי אִמֶּךָ

Sois dominateur sur ton frère (puisqu’elle ne s’est pas réalisée pour moi.)  

J’ai entendu une fois un très joli ‘חִדֻשׁ là-dessus :גְבִיר  - גֵּר. Jacob dit qu’il a été béni par גְבִיר  mais le בִ deגְבִיר  manque…  

Du point de vue de la signification c’est très important : cette première réponse c’est qu’il est resté fidèle à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Vous voyez toutes les implications que cela peut avoir pour nos problèmes contemporains.

 

2ème réponse de Rashi sur עִם לָבָן גַּרְתִּי:

Guématria  תַרְיָ"ג  valeur numérique de 613 nombre des commandements.

J’ai séjourné chez Laban et malgré cela j’ai préservé,שָׁמַרְתִּי , les 613 commandements et je n’ai pas appris des comportements du mal.  

Donc il s’agit bien d’un plaidoyer de la part de Jacob et non pas d’une simple information historique : J’étais chez Laban et voilà comment j’étais chez Laban, c’est pourquoi j’ai tardé jusqu’à présent… 

C’est-à-dire qu’il a fait la preuve qu’il méritait le nom d’Israël puisque dans la condition de déperdition d’identité il est resté fidèle à son identité.  

 

Le frère du Maharal, Rabi ‘Hayim, a écrit un livre très important qui s’appelle le Sefer Ha’Hayïm, et dans un des chapitres il donne une explication - parmi 17 en tout - de l’exil très paradoxale : c’est une mise à l’épreuve de la fidélité d’Israël. Pour savoir si vraiment Israël est capable d’être fidèle à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Parce que ne peuvent revenir de l’exil que ceux qui sont fidèles à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Pourquoi cela dure-t-il si longtemps ? C’est mystérieux ! Alors il y a 16 autres réponses....

 

C’est une indication importante : cela veut dire que Jacob dans l’exil est passé par l’épreuve de cette interpellation : es-tu Israël ? Rester fidèle à la תּוֹרָה et à la terre d’Israël dans l’exil, c’est surhumain, mais il l’a fait. D’où son plaidoyer... 

 

A retenir :

L’identité d’Israël va désigner trois dimensions simultanées que l’on voit dans ce Rashi:

 

  • Jacob est l’ancêtre du peuple qui devient le peuple Israël.

 

  • Il ne reçoit le nom d’Israël que lorsqu’il peut justifier de 2 autres dimensions avec le peuple.

 

  • La fidélité à la terre La fidélité à la תּוֹרָה.

 

Ben Ish ’Hay sur le passage de Jacob à Israël => Jacob + תּוֹרָה + אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל = Israël.

Jacob 182 + Moshe 345 + David 14 = 541  

Si on enlève une des dimensions, les deux autres restent ce qu’elles sont, mais Israël n’est plus présent. Les 3 sont nécessaires pour qu’Israël apparaissent. On le voit bien dans Rashi.

Jacob doit se justifier de rester fidèle à la תּוֹרָה et à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל pour recevoir le nom d’Israël.

C’es le même enseignement mais sous deux formes différentes.  

 

***

Thème supplémentaire sur ce qui arrive par la suite :

A partir du verset 32:8. Lorsque Jacob entend que son frère se prépare à lui faire la guerre:  

וַיִּירָא יַעֲקֹב מְאֹד וַיֵּצֶר לוֹ

Jacob a eu très peur et fut dans l’angoisse

 

וַיַּחַץ אֶת-הָעָם אֲשֶׁר-אִתּוֹ

et sépara le peuple qui était avec lui

 

וְאֶת-הַצֹּאן וְאֶת-הַבָּקָר וְהַגְּמַלִּים--לִשְׁנֵי מַחֲנוֹת

Moutons... chameaux... en deux camps  

 

Il y a une correspondance qui ne peut pas ne pas être significative.

Jacob a vu dans le ciel deux camps, alors il l’appelle מַחֲנָיִם au pluriel masculin.

Et fait de même sur terre et sépare son peuple en deux camps,  מַחֲנוֹת (pluriel féminin) qui correspondent aux deux camps célestes.  

Lorsqu’il se prépare à rencontrer Esaü, il met d’abord les fils de Léa et des servantes dans le premier camp et le deuxième camp, c’est Rachel et Joseph.

 

Il dit lui même le pourquoi de cette stratégie :  

וַיֹּאמֶר אִם-יָבוֹא עֵשָׂו אֶל-הַמַּחֲנֶה הָאַחַת וְהִכָּהוּ--וְהָיָה הַמַּחֲנֶה הַנִּשְׁאָר לִפְלֵיטָה

Si Esaü vient contre le 1er camp et le frappe Le camp qui restera sera rescapé.

 

La première approche de cela : Effectivement, dans l’exemple du 3ème exil contemporain, la Providence fît en sorte qu’il fut très différencié ; et par conséquent lorsqu’Israël fut persécuté en un endroit,  il était sauf dans un autre. Il y a dans cette protection durant l’exil quelque chose de cette stratégie. Si l’un des camps d’Israël est détruit, il y en a un autre qui prend la relève.

Toute l’histoire de la diaspora juive de ces 2000 ans fait apparaître un déplacement des centres juifs au fur et à mesure des persécutions.  

Un Midrash du Talmud Babli applique cela à la séparation entre la communauté juive en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל et celle en diaspora, disant que la stratégie de Jacob est d’essayer אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל mais qui si Esaü est plus fort alors la Golah sera l’échappatoire…

 

Q : Loubavitch ?

R : Par exemple, mais c’est un Midrash ancien. C’est un peu la stratégie d’aujourd’hui. Pas seulement Loubavitch, mais je pense dans beaucoup de milieux fidèles á la תּוֹרָה mais pas à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל, il y a un peu cette argumentation qui est très difficile et honteuse, pas noble : servir de réserve en cas d’échec pour assurer la pérennité d’Israël.  

On voit bien que cette séparation entre les deux camps implique une certaine stratégie. Le verset ne dit pas à laquelle des deux pense Jacob. Le Midrash des Bablim intervient pour dire que c’est celle de la diaspora argumentant que si Israël est détruit nous serons pour l’état et cela donc justifie de rester enגָלוּת  .

 

Si on compare les deux définitions de מַחֲנָיִם et de מַחֲנוֹת, on voit qu’il s’agit bien de cela.

Rashi nous avait dit : Les anges de חוּצ לָאָרֶץ et les anges de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל.

Ces deux מַחֲנוֹת sont effectivement Israël de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל et Israël de חוּצ לָאָרֶץ, et nous verrons dans la suite de l’étude que la descendance de Joseph est définie comme cela : la relation à l’extérieur.  

La descendance de Joseph, c’est la tentative à travers la diaspora, alors que la descendance de Léa c’est la tentative à travers Israël.  

Le moment messianique est défini par le fait que Joseph décide qu’il faut revenir en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Quand c’est Yehoudah qui le décide, cela va de soi, il n’y a pas de חִדֻשׁ. Quand c’est Yossef qui décide qu’il faut revenir en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל, c’est vraiment le temps messianique ! C’est pourquoi le temps messianique s’appelle יֹסֵף  בֵּנ מַשִיחַ !  

 

Ce même Joseph qui va être connu pendant toute sa vie et jusqu’au bout, comme le juif assimilé au service du Pharaon, lorsque lui décide que le diagnostic est négatif et que les fils devront ramener ses ossements en Israël, c’est le signe du messianisme authentique, du retour de la fin d’exil. C’est Moïse qui fera ce diagnostic, c’est pourquoi il ne quittera pas l’Egypte sans ramener les ossements de Joseph, lui Moïse, parce que dans son diagnostic, Moïse justifie Joseph.  

Il est important de voir comment dans le temps contemporain, le sionisme politique a été effectivement déclenché par ces Juifs-là qui apparemment ont été les plus assimilés. Et quand eux ont fait le diagnostic que le temps de décrochage était arrivé, c’est la fin d’exil. C’est très paradoxal : Le sionisme a été un mouvement apparemment déjudaïsé mais c’est le signe de son authenticité. Nous en avons le modèle dans l’histoire de Joseph lui-même.

 

Lors d’une discussion avec un prêtre sur un bateau en route vers Israël à l’époque où le désert refleurissait, le miracle israélien. Il s’étonnait que ce soit le fait de Juifs non religieux.

Je lui ai répondu : Si cela avait été des Juifs religieux à l’origine du sionisme politique qui auraient agi au nom de leur foi on aurait dit que c’est une œuvre humaine et on n’aurait pas été sûr d’y voir l’œuvre de la providence. Des hommes avec une foi, un idéal qui font tout pour l’accomplir ! Par exemple les Mormons qui ont accompli leur foi en Amérique. Mais le fait que ce soit précisément des athées, c’est le signe que c’est Dieu qui le fait.

 

Et cela va dans le sens de cet enseignement : c’est Yossef qui est l’homme de la diaspora qui déclenche le retour ! C’est pourquoi le 1er moment messianique s’appelle יֹסֵף  בֵּנ מַשִיחַ. Il y a aussi d‘autres raisons, bien sûr. Mais à ce niveau-là c’est la raison essentielle.

 

J’aimerais bien revenir sur cette analyse beaucoup plus longuement parce que c’est une chose que les Juifs non sionistes ou antisionistes au nom de la תּוֹרָה arrivent difficilement à comprendre.

Cette histoire contemporaine nous est déjà racontée et c’est ainsi qu’elle se passe quand elle se passe. Pendant toute sa vie Joseph aurait pu être suspecté d’avoir pris le parti du Pharaon. Jusqu’au moment où il se dévoile dans sa fidélité à son identité hébraïque. Joseph diagnostique que sa tentative de transfigurer la civilisation égyptienne – se mettre au service de l’humanisme égyptien universel de ce temps – est un échec, alors il demande que lorsqu’ils reviendront, ils ramènent ses ossements en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל...

 

 

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