L’OEUVRE DE LA CRÉATION
LES ENGENDREMENTS
JUIFS OU HÉBREUX
ISRAËL ET LES NATIONS
MESSIANISME
THÈMES FONDAMENTAUX

VAYERA - SÉRIE 1993

Le cours

 

  (1993)  וַיֵּרָא

 

Etude d’un principe :  

On va s’apercevoir d’une accélération de l’accomplissement de promesses antérieures dont l’accomplissement avait beaucoup tardé. On se posera la question de savoir comment comprendre cette situation : il y a eu des promesses faites à Abraham dans toute la Parashah précédente. On y remarque une difficulté pour Abraham, non pas d’admettre que Dieu puisse accomplir ce qu’Il promet, mais de réaliser que c’est bien à lui que Dieu s’adresse.  

Il y a une mutation d’identité qu’Abraham doit vivre pour être capable d’entendre ce qu’il écoute. Il écoute ce que Dieu lui dit dans ces promesses mais n’arrive pas à les entendre. Pourquoi ? Parce qu’il revient d’une identité d’exil, l’identité araméenne, et il faut qu’il retransforme son identité en redevenant hébreu.  

 

Et cette difficulté d’acquiescer à admettre qu’il a le mérite d’être celui que Dieu interpelle par ces promesses, est parallèle à cet effort de retrouver la racine hébraïque de son identité qui s’était diluée et clandestinisée dans l’identité deגָלוּת , dans l’identité d’exil de la civilisation de Babel.

 

Abraham n’est pas un mésopotamien qui magiquement deviendrait hébreu, à la suite d’une révélation qui lui parle en hébreu d’ailleurs, tout simplement parce qu’Abraham est hébreu, un hébreu se trouvant en situation de diaspora et en fonction de diaspora dans la civilisation du temps qui est celle de Babel.  

 

Il y a eu un événement grave : cette civilisation qui est la civilisation de Nimrod, le tyran de cette époque, devient totalitaire. Et comme dans toute civilisation qui devient totalitaire, je vous résume là des Midrashim, l’identité la plus exposée est toujours celle d’Israël. Nous avons suffisamment d’exemple de cela dans l’histoire, ainsi que récemment dans l’empire soviétique.  

Cela se retrouvera dans l’exil d’Egypte, ainsi qu’à travers tous les exils. Lorsque une civilisation devient impérialisme, alors toutes les minorités sont interpellées, mais plus centralement cette manière d’être homme si particulière qu’est l’identité hébraïque.  

Ce qu’il fallait restaurer comme mémoire historique, c’est qu’il y avait une dispersion des Hébreux à Babel. Une famille de ces Hébreux de la dispersion de Babel a été rescapée de la fournaise d’Our-Qasdim. Il a fallu attendre les temps contemporains pour avoir l’expérience et la signification de cet événement mentionné par les Midrashim : des Babyloniens jetant les enfants hébreux dans la fournaise d’Our-Qasdim !  

 

C’est difficile pour nous à identifier parce que c’est tout simplement notre problème, le problème de notre génération. Une génération de fin d’histoire d’exil qui doit opérer cette mutation d’identité et retrouver l’identité hébraïque originelle, compte tenu de ce qui s’est passé entretemps dans son histoire.  

Pour le dire en terme contemporains : les Juifs sont sortis de la civilisation européenne contemporaine et de toutes ces annexes du colonialisme européen, et finalement sont en train de vivre cette mutation d’identité qui les mène à redevenir des Hébreux. Cela se passe dans la société d’Israël qui est la matrice du ré-engendrement de l’Israël hébreu à partir de l’Israël juif.  

Alors c’est la même difficulté, c’est le même effort, c’est le même problème, que la תּוֹרָה nous raconte au niveau de l’histoire d’Abraham et de sa famille.

 

La difficulté c’est qu’on arrive difficilement à imaginer cela : Abraham a passé par différentes étapes d’identités et n’est pas le même à la fin qu’au début de cette itinéraire anthropologique et spirituel.  

Il est Abram l’hébreu devenu araméen et il faut qu’il redevienne Abraham l’hébreu. Une des dimensions de cette mutation c’est de passer d’une identité galoutique, une identité d’exil très spécifique (Abraham n’était pas juif mais il était en quelque sorte judéo-mésopotamien), à l’indice de l’universel : judéo-l’humanité entière. C’est précisément cela l’hébreu. 

Cf. les études précédentes sur les ancêtres d’Abraham. En particulier Ever qui est l’ancêtre d’Abraham et qui a fondé cette manière d’être homme. 

 

Ever est à l’indice de l’homme universel. C’est encore l’identité telle qu’elle était créée au niveau du הָרִאשׁוֹן אָדָם qui s’est préservée à travers la catastrophe de Babel où l’humanité a éclatée en nations. A partir du temps d’Ever, c’est la génération de son fils Peleg qui est celle de la  הָפֶּלָגָה דּוֹר de la tour de Babel. Il y a les nations qui sont toutes spécifiques et géniales mais partielles d’être l’homme, et il y a l’hébreu qui est l’homme universel.  

Les Juifs, mystérieusement, peuvent être n’importe quelle manière d’être homme. Eskimo y compris.  La familiarité de cet événement masque la massivité de ce cas particulier de l’histoire des hommes : Une manière d’être homme qui peut être n’importe quel autre homme à la fois, et avec un patriotisme local second qui est admirable.   

De manière négative : une visite au musée de la diaspora à Tel-Aviv montre les Juifs, parce qu’ils sont les Hébreux, capables de toutes les identités et avec un génie de civilisation qui est celui des nations chez lesquelles ils ont vécus, mais à la manière juive.

 

Il y a une preuve assez paradoxale : le Juif de l’exil est la preuve que l’Hébreu est universel. Mais le Juif de l’exil, lui, est cosmopolite. Le cosmopolitisme c’est au fond l’échec de l’universel. De la même manière que l’impérialisme, l’empire, c’est l’échec de l’universel. Mais l’exigence, l’idéal, est celui de l’universel.  

Nous sommes dans un temps où sociologiquement l’identité israélienne oblige l’identité juive à prendre conscience de cela. Je crois que c’est une des raisons de la résistance des Juifs non-sionistes face au sionisme. Car cela oblige à prendre partie vis-à-vis de ce problème : qui suis-je en tant que juif ? Depuis toujours avec cet idéal universel, se découvrir cosmopolite par rapport à un hébreu... Cela travaille beaucoup d’israéliens d’ailleurs qui préféreraient être des cosmopolites parlant hébreux. C’est de la microsociologie des problèmes israéliens qui ne peuvent s’éclairer que par l’analyse de la société juive elle-même.   

 

Il faut lire l’histoire d’Abraham en sachant qu’il a vécu cette histoire comme un itinéraire. On ne peut pas juger l’Abraham du début dans le critère du profil d’identité de la fin ; ce n’est qu’à la fin qu’il est confirmé comme étant Abraham. Tout ceci se passe dans la Parashah de la semaine dernière et surtout dans notre Parashah de וַיֵּרָא.

 

***

 

La question soulevée précédemment :

Pourquoi fallait-il confirmer à Abraham la promesse de sa terre alors qu’on a appris qu’il s’agit de la terre des Hébreux et d’Abraham l’hébreu ?

 

Entre temps il y a eu l’histoire de l’exil. On peut le rattacher à ce qui a été dit préalablement : il y a dans cette identité hébraïque une dimension de l’homme universel et une dimension spécifique.  

 

Nos maîtres nous enseignent que la spécificité d’Israël c’est l’universalité. Ce qui est un paradoxe absolu pour l’anthropologie et la sociologie de n’importe quelle société humaine. 

Un français est un français, c’est sa spécificité, un suisse est un suisse c’est sa spécificité, etc.

Et puis chacune de ces spécificités à des tribus et sous-tribus et tout cela est génial. Il y a une ethnologie de l’humanité à étudier. Deux pages du Talmud en parlent. Le mystère des visages humains qui se ressemblent mais qui sont uniques. Une espèce de génie individuelle. Lévinas a beaucoup étudié cela : la marque de l’infini sur le visage qui renvoie à un génie personnel de chacun. Le Talmud dit que Dieu a créé différents visages qui sont à chaque fois un monde à part entière.  

 

Et il y a une manière d’être homme dont la spécificité consiste à être universel. Cela s’effectue au niveau de juiveries très spécifiques : les Juifs. Les Juifs sont délégués d’une certaine essence humaine dont la spécificité consiste à être universelle. Il n’y a pas identité, égalité, équivalence, de la vie spirituelle chez tous les Juifs. Chaque tribu d’Israël possède sa spécificité, son authenticité. Mais ce qu’il y a de vraiment commun est probablement de l’ordre du psychisme. Il y a des comportements juifs qui sont le propre de tous les Juifs, quelque soit leur manière d’être l’homme juif. C’est plus de l’ordre psychologique que de l’ordre biologique, ou intellectuel, ou spirituel ou culturel. C’est vrai aussi, mais c’est surtout un comportement de l’homme, c’est dans le נֶפֶשׁ. Il y a נֶפֶשׁ HaYehoudi. Il y a aussi le נֶפֶשׁ du côté obscur du נֶפֶשׁ. Cela s’appelle dans le langage de la Kaballah « Shedin Yéhoudaïn ». Je ne traduis pas. Ceux qui entendent l’araméen vous comprenez ce qu’il y a derrière.

J’allais dire que cela se ballade au gouvernement, mais je ne l’ai pas dit.  

 

Retenez en tout cas les 2 pôles :

-  Abram identité de laגָלוּת  de Babel : Aram, araméen. Vous savez à quel point l’araméen est notre patrimoine folklorique familiale, et pourtant ce n’est pas l’hébreu. Il n’y a que l’araméen qui peut redevenir hébreu, mais c’est quand il est redevenu hébreu qu’il est hébreu. Pour oser une comparaison qui n’est qu’une comparaison : l’araméen a été le yiddish commun à tous les Hébreux à la foi. D’ailleurs c’est resté la langue rabbinique. Lorsque les rabbins s’écrivent ou écrivent leurs חִדֻשִׁים en langage de l’hébreu rabbinique, c’est de l’araméen hébraïsé. Certains disent de l’hébreu araméisé mais je crois que c’est l’inverse, de l’araméen hébraïsé. Les rabbins se comprennent en araméen d’abord. C’est la raison pour laquelle très souvent, si vous faites un peu d’érudition juive, vous devez remarquer que les  textes fondamentaux de la tradition sont hermétiques aux gens qui ne connaissent que l’hébreu car ils sont en araméen. En particulier la littérature rabbinique qui est la pensée juive vraiment. 

 

***

 

Chapitre 18, verset 1 :

 

La scène précédente est l’alliance de la circoncision à la fin de la Parashah לֶך לְךָ. Nous verrons qu’il y a là une clef du problème signalé : quel est le facteur qui a cristallisé cette accélération des événements qui sont racontés dans la Parashah de וַיֵּרָא ?  

C’est le fait que très tard dans l’histoire de sa vie, Abraham va se circoncire. Cet événement va ouvrir les portes de la prière comme le dit le Midrash.  

 

Je prends l’exemple de la prière.  On rentre là dans le mystère de l’expérience qui est propre à chacun, c’est subjectif. On ne peut pas le mettre en forme collective, subjective. Très souvent on  s’aperçoit qu’il y a des moments de la vie où énormément de choses espérées arrivent ensemble. Cela a tardé et il y avait des obstacles. Tout se passe comme s’il y avait une accumulation de prières non exaucées qui attendent un certain facteur de mérite – mystérieux pour nous – qui lorsqu’il survient ouvre les portes de la prière et alors les vannes s’ouvrent et la bénédiction arrive.  

C’est ce qui arrive dans l’histoire d’Abraham. Tout se passe comme si c’est l’alliance de la circoncision qui déclenche cette accélération des événements que nous allons lire.

 

Question : Comment se fait-il qu’Abraham l’hébreu va attendre si longtemps pour entendre qu’il lui faut qu’il se circoncise ?

Nous en avons une illustration assez énorme, c’est un clin d’œil de l’histoire avec ces juifs russes qui arrivent et qui finalement trouvent normal, pour la majorité d’entre eux, qu’ils doivent se circoncire. Et pourquoi pas avant ?

Je n’ai pas dit qu’Abraham était un juif russe qui a attendu si longtemps avant la circoncision. Abraham est un hébreu mésopotamien revenu de son exil qui, en fin de compte, entend ce qu’il faut.  

 

Le Midrash raconte de manière apparemment anecdotique mais en réalité très profonde que quand Abraham a finalement entendu le commandement de la circoncision, il va prendre conseil de son ami cananéen. L’ami cananéen, Mamré, lui confirme positivement.  

Voilà l’exemple typique de la difficulté de se réhébraïser de l’hébreu Abraham. Ce n’est pas n’importe qui. En plus le Midrash raconte qu’Abraham a compris qu’il fallait se circoncire mais il ne sait pas quel membre ? Après tout cela ne va pas de soi. Cela n’est d’ailleurs pas dit en clair dans le texte.  

 

Comme quoi, il y a toute une sagesse préalable indispensable à la capacité d’entendre ce que la תּוֹרָה demande et qu’il fallait retrouver pour pouvoir être capable d’entendre ce que la תּוֹרָה demande. 

Un exemple me revient à l’esprit, un événement apparemment anecdotique qui s’est produit pendant la dernière guerre. Le petit village italien San Nicandro où il y a eu un schisme dans l’église. Finalement ceux qui se sont séparés de l’église officielle ont décidé de refonder la véritable religion de la Bible c’est-à-dire la loi de Moïse. En ignorant complètement l’existence des Juifs. La catéchèse de l’Eglise avait une formulation telle que les chrétiens étaient incapables d’identifier les Hébreux biblique dans les Juifs. D’ailleurs les Juifs y mettaient du leur pour empêcher cette identification.

Ces Chrétiens de San Nicandro ont essayé de refondé ce que nous appelons le judaïsme. Mais incapables de le faire ils se sont fabriquer une espèce de liturgie de מִצוֹת à leur manière un peu sadducéenne : un texte et un dictionnaire et on va voir comment on va faire…

 

Il y a avait un certain nombre de clichés, connus par ailleurs : la circoncision chez les musulmans par exemple. Sinon cela n’est pas dit. Finalement pendant la guerre l’armée américaine est entrée à San Nicandro avec des soldats juifs et un aumônier rabbin qui les ont rencontrés. Ils ont fini par s’expliquer et l’aumônier américain les a engagés à monter en Israël après la guerre. Ils y ont a fondé d’ailleurs un Kibboutz qui s’est défait depuis, mais il doit y avoir encore quelques rescapés de ces convertis (ex-chrétiens) de San Nicandro qui se baladent dans le pays…  

Je voulais mettre cela en évidence Abraham si tard dans sa vie et la circoncision.

Voyez jusqu’où peut aller l’assimilation.

 

Essayez de bien comprendre ce que je vais dire maintenant parce que c’est un problème contemporain qui est très important pour nous. Il y a une grande erreur chez les sociologues : l’assimilation dont on parle pour les milieux juifs n’est pas une catégorie religieuse, mais c’est une catégorie nationale. Certains comportements nationaux sont identifiés à tort comme étant des comportements religieux parce que le vocabulaire de la civilisation contemporaine les désigne ainsi, mais qui sont en réalité des comportements nationaux.  

 

Exemple pour la circoncision :

Il y a eu un grand débat universitaire en Israël. C’était un des épisodes d’un des débats qui redevient très dangereux actuellement où une partie du gouvernement, les gens du Merets pour dire les choses en clair, tiennent absolument à déjudaïser le pays. Non seulement le pays est arabe mais le peuple n’est plus juif ! C’est rassurant car descendus si bas on va remonter très haut... Vous connaissez les rebondissements de l’histoire. Il faut être juif pour être cinglé comme ça !

A ce moment-là c’était l’affaire Shalit.

C’était un israélien d’origine juive mais de culture hébraïque déjudaïsée qui était marié avec une scandinave et qui avait demandé de mettre sur sa carte d’identité non pas juif mais hébreu. Pour dire que sa religion n’était pas la religion juive mais qu’il était hébreu de nationalité. Finalement il a quitté le pays après cette histoire. Et d’ailleurs sa femme était protestante pratiquante. Il y a eu tout un remouds politique dans le pays qui aurait du nous alerter déjà : il y a un vrai problème qu’il faut résoudre.  

 

Il y a eu un grand débat à l’université, animés par des universitaires surtout de gauche et le public était énormément d’étudiants d’extrême gauche, surtout de HaShomer haTsaïr. Alors le Rav Neiria Rosh Yéshivah des Bnei Akiva commença son discours en interpellant les Juifs non-religieux sur le fait étonnant qu’ils circoncisent leurs enfants : Du sang innocent est versé et vous ne dites rien ? Silence dans la salle. Et en fin de compte un membre de l’assistance des HaShomer HaTsaïr se lève et lui dit en hébreu: « Tu nous prends pour des bâtards ? ».

Vous voyez la réaction. Alors que tous parlent de la circoncision comme d’un acte religieux, ce qu’elle est aussi. La séance s’est arrêtée là. Tout le monde a applaudi et est parti. Cela veut dire qu’il y a des limites. Ce que j’ai nommé une fois « les lignes rouges ».   

Effectivement la Guémara dit :

Il y a deux מִצוֹת que les Hébreux au désert ont acceptées avec joie et qui sont indélébiles : Pessah et la circoncision.  

Effectivement, remarquez que quelque soit le comportement culturel des Juifs, Pessah et la בְרִית מִילָה, sont des comportements d’ordre national avant d’être religieux.

Il y a des barrages qui jouent.  

 

L’enseignement du Midrash à ce sujet: les Hébreux d’Egypte sont sauvés par plusieurs mérites : ils n’ont pas changé leur langue, leurs habits, leurs noms, ils sont restés pudiques... 

Tout cela ce sont tous des comportements nationaux. Il n’y a rien de cultuel là-dedans.  

Effectivement il faut bien comprendre qu’on peut ainsi être très pratiquant de la religion juive et être assimilé complètement. Et inversement, on peut être pas du tout pratiquant et être très juif. Cela ne veut pas dire que cela donne le droit á n’importe qui d’être tordu.  

Pour certains, en particulier des Juifs très assimilé à l’Allemagne, l’idée même du sionisme a été identifiée à un blasphème religieux.  

 

Quand le consistoire de France a adopté comme slogan : « civilisation et religion » :

עִם תּוֹרָה דֶּרֶךְ אֶרֶץ. Mais cela allait de soi qu’il s’agissait de la civilisation française...

De la même manière cela allait de soi à Frankfort qu’il s’agissait de la civilisation allemande. L’idée qu’il y avait une civilisation hébraïque, une civilisation d’Israël, s’était perdue avec le temps de l’exil. Il était resté la religion.   

Retenons cela que l’assimilation est une catégorie nationale.

 

Chapitre 18 :

 

Parashah לֶך לְךָ: les promesses de Dieu. L’annonce faite à Sarah.

A partir du chapitre 18, Dieu se révèle à Abraham et à Sarah à travers la vision des 3 anges et la révélation de Dieu pour annoncer à Sarah l’enfant à venir. Dieu a promis dans toute la Parashah de לֶך לְךָ. Et en fin de compte, il va naître maintenant. Il s’agit d’un événement d’accomplissement d’une promesse, mais la promesse attendait l’occurrence de sa réalisation.  

2ème scène : la destruction de Sodome et Gomorrhe. Cela commence au Chapitre 18 verset 16.

Grand principe enseigné par la Guemara : chaque ange est chargé d’une mission. Il y a 3 anges et donc trois missions

-  Mikaël vient annoncer la naissance d’Isaac à Sarah.

-  Rafaël vient guérir Abraham de la fièvre de la circoncision.

-  Gabriel, la הָדִין מִּדָת vient punir Sodome et Gomorrhe.

 

Or, que se passe-t-il ?

Au chapitre 16, les versets nous ont décrit la situation de saturation de l’immoralité de Sodome et Gomorrhe. Ils formaient l’abomination de l’immoralité sur terre. Cela durait depuis longtemps. Pourquoi Dieu tarde-t-il à les punir ?

 

Il y a là un thème très important qui est le thème du sursis.

En hébreu אֲרִיכוּת אַפַּיִם

Dieu est אֶרֶךְ אַפַּיִם ce qui est traduit par « patient » mais c’est plus que la patience il s’agit de « longanimité » qui est la traduction exacte de l’hébreu : אֶרֶךְ אַפַּיִם « visage long ». Arikh Anpin de la Kaballah. C’est plus que la patience. La patience pour Dieu c’est le fait qu’il est dû à la créature l’abri du sursis, quelque soit l’erreur ou l’échec commis.    

C’est une מִּדָה, une modalité d’être, un attribut du Dieu de la Bible qui est très important : tous les sursis sont donnés jusqu’au bout. Cela nous est dû jusqu’au bout, mais il y a un rendez-vous.  

Cela nous est dû parce que nous sommes condamnés pas le fait d’avoir été créé à quelque chose d’impossible : être sans être Dieu !  

Comment en effet être sans être Dieu ? Il n’y a que Dieu qui est !

Alors Dieu nous condamne à être, et tous les trébuchements sont possibles à l’être de créature. Et donc le Créateur nous doit, si j’ose dire, cet abri du sursis.

 

Nous avons un grand débat avec le christianisme sur leur manière de lire les textes de la Bible. Au fur et à mesure que je reprends ces problèmes avec eux, parce qu’il faut les aider à sortir de cette impasse. Pendant 2000 ans ils ont cru qu’ils étaient Israël. Et maintenant il fait qu’ils résolvent un problème insoluble pour eux : S’ils ne sont pas Israël, qui sont-ils ? C’est un autre sujet.

Il n’y a que les théologiens juifs qui peuvent aider les théologiens chrétiens à résoudre ce problème. Et nous avons intérêt à cela. Parce que tant qu’ils se croyaient Israël – il ne pouvait y avoir deux Israël et nous nous, nous étions en danger.

 

Maintenant qu’on a ressuscité comme ils disent il faut qu’on les aide à s’y retrouver.  

Pour eux la lecture de la faute du premier homme qu’ils nomment le péché originelle et qui est une lecture tragique. Il en résulte une formulation très chrétienne : l’homme est pécheur par nature.  

 

Pour la lecture juive à l’opposé, l’homme n’est que peccable par nature, cela signifie « donné au risque de la faute ». Notre nature est d’être libre, chacun a son niveau de liberté, a sa capacité de liberté. On est plus ou moins libre. Quasi-conditionné et quasi-libre. C’est notre spécificité d’être humain, ce facteur liberté en quoique ce soit.  

 

Et parce qu’on est libre, alors on est donné au risque de la faute. Cela ne veut pas dire que l’on est pécheur. C’est une sensibilité religieuse très différente. Il y a un perpétuel souci du juif pour savoir s’il est en ordre : en hébreu, « suis-je צַדִּיק ? ».Est-ce que je marche juste ? C’est un souci de morale pratique. Mais jamais un juif ne se prend pour un monstre. Parce qu’il sait qui est son Dieu en tant qu’homme. Ce serait un blasphème de croire que Dieu nous ait créé monstrueux.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des hommes qui arrivent à devenir des monstres. Mais ils sont les déchets de l’histoire et non pas l’histoire. Et comme nous avons une épaisseur de vieillesse d’histoire énorme nous sommes encombrés de déchets. Alors c’est plein de monstres. Mais cela ne veut pas dire que l’homme est monstrueux. Alors il y a une espèce de diagnostic pessimiste de désespérance dans l’âme chrétienne qui se connait dans sa bonne foi propre comme déchu.

 

Je vais vous raconter une anecdote :  

En France chez les Scout, nous avions une réunion des aumôniers et je me rappelle d’une conversation avec l’aumônier protestant.

 

Chez les Protestants, encore plus que chez les catholiques, l’homme n’est pas seulement déchu, mais il est maudit. Le blasphème est de faire semblant d’être joyeux, heureux. Ils ont des problèmes avec leurs moments de joie. Vous voulez donner un complexe à un protestant ? Dites-lui qu’il est heureux ! Alors tout de suite il va se mettre à genou et faire l’aveu de se fautes… ‘Hatati Avati… je suis pécheur.  Et alors ils avaient un problème avec la méthode scout qui est la morale par la joie. Je me rappelle de ce pasteur qui n’arrivait pas à s’en sortir. Je suis très scout mais très protestant. Comment faire ? C’est contradictoire !  

Et au fond, ils aboutissent tous à une sorte de dualité qui est je pense un peu de l’ordre de la schizophrénie. Surtout chez les protestants. Il leur faut une force morale énorme pour ne pas devenir fou.  

  1. Neher avait cité une phrase de Pasteur : je ne suis pas le même à l’oratoire (croyant) et au laboratoire (savant).  

 

Enormément de Juifs très pieux et très savants sont intoxiqués par cela. Ce n’est pas le Dieu un de la תּוֹרָה, Nous croyons au Dieu un.  « אֱלֹהִים הוּא יְהוָה » et non pas l’inverse.

 

Lu avec la sensibilité juive, ce récit de la faute du 1er homme, l’expression « péché originel » signifie l’origine du péché.

C’est la faute de l’origine, l’origine de toute faute. Dire à Dieu : « La loi c’est ma loi !».

C’est ce qu’a dit le serpent à l’homme :

 וִהְיִיתֶם כֵּאלֹהִים יֹדְעֵי טוֹב וָרָע Vous serez comme Dieu connaissant bien et mal.

 

Midrash : aucune parole mensongère dans la Bible même pas les paroles du serpent.

Le serpent dit au 1er homme : « vous serez comme Dieu en ce qui concerne la connaissance du bien et du mal ». C’est l’humanisme. L’homme est la mesure de toute chose. C’est moi l’homme qui décide ce qu’est le bien et ce qu’est la mal. C’est cela la faute : ce n’est pas Ta loi mais c’est ma loi. En cela il se trouve en faute vis-à-vis de la loi, parce qu’il décide en tant que créature comment doit être la loi.  

L’homme créé libre est donné au risque de la faute. Par conséquent tous les sursis lui sont dus qui aménagent la possibilité du repentir.  On voit en quoi la sensibilité religieuse juive va dès le début être différente de la sensibilité religieuse chrétienne. Le drame c’est qu’on lit le même livre, apparemment. En réalité, ils le lisent en grec et en latin d’abord. Et nous en hébreu.

 

C’est un drame parce que finalement beaucoup de juif eux-mêmes croient qu’il y a un ensemble « judéo-chrétien ». C’est un faux concept ce « judéo-chrétien », il y a les Juifs et il y a les Chrétiens. Et les Juifs ne sont pas des Chrétiens et les Chrétiens ne sont pas des Juifs. Malgré le fait qu’historiquement il y a eu des judéo-chrétiens qui ont fondé le christianisme. Et c’est une sensibilité radicalement différente. Mais ce n’était pas des Juifs hébreux. Exemple de Paul, qui était un romain de culture grecque d’origine juive. Tout cela s’arrangera quand le Vatican reconnaîtra l’état d’Israël. Mais c’est une histoire ancienne…

 

Dans tous les cas, voilà le problème, le sursis. Nous assistons à la fin du sursis. Les gens de Sodome et Gomorrhe ont beau être les pires fauteurs de l’histoire, en tant que créatures ils sont à l’abri d’un sursis. Mais pourquoi ce sursis a-t’il duré aussi longtemps ?  

Alors va se dévoiler un thème de l’enseignement de la תּוֹרָה qui est très important.

Je l’explique par le biais d’un exemple :

Selon la Kaballah Job est Terah le père d’Abraham.

 

La Guemara déjà dans Baba Batra situe Job à chaque époque charnière de l’histoire. Avec le thème que il y a des époques de l’histoire de la morale, et on est צַדִּיק juste – l’homme de vertu - dans  un certain monde de la vertu, et voilà qu’il y a un progrès des valeurs de la vertu et se dévoile que celui qui était צַדִּיק dans le temps ancien devient רָשָע par rapport aux critères des temps nouveaux.  

 

Voilà ce que dit la Kaballah : Job c’était Terah, et Terah était צַדִּיק de sa génération tant qu’Abraham ne s’est pas circoncis. Dès qu’Abraham s’est circoncis, Terah-Job a commencé à souffrir. Pourquoi ? Parce qu’il est devenu préhistorique. Cela signifie que quand le צַדִּיק du Monde qui Vient apparait ce צַדִּיק –là qui disqualifie tous les צַדִּיקִים précédents. Ils commencent alors à souffrir et ne comprennent pas pourquoi. C’est précisément l’histoire de Job. Job n’a fait aucune faute, aucun mal. Dieu se révèle finalement aux amis de Job théologiens qui souscrivent aux thèses de théologie classique et qui analysent la souffrance de Job comme résultat d’une faute commise. Il leur reproche d’avoir mal parlé de Son serviteur Job qui n’a fait aucune faute. Le texte ne dit pas qu’il a fait du bien, mais en tout cas il n’a pas fait de faute. 

 

Cela veut dire que lorsqu’il y a une mutation dans la découverte des valeurs morales, ceux qui continuent à se satisfaire de l’état antérieur de la moralité deviennent des justes souffrants.  

C’est le problème : tant qu’Abraham n’était pas encore Abraham, il y a encore le sursis pour Sodome et Gomorrhe mais dès qu’Abraham est Abraham, Sodome et Gomorrhe sont disqualifiés.

C’est là la source sociologiquement de l’anticléricalisme et de l’antijudaïsme.

 

Un autre exemple éclairera cela. Il faut d’abord se rappeler un peu la préface du livre de Job.

Le 1er chapitre du livre de Job est la clef du problème de la souffrance du juste. On nous raconte l’histoire idyllique d’une famille heureuse, riche avec des enfants beaux. Et chaque jour on faisait la fête, chez l’un des enfants. Mais à la fin de la nuit de fête, Job offrait pour le matin un sacrifice d’expiation quant aux fautes éventuelles  que ses enfants auraient peut-être fait dans leur festin.

 

Regardez le scrupule : Job est juste mais n’est pas sûr de sa descendance ! Alors il commence à souffrir. Ce caractère dramatique de la souffrance d’un juste qui n’a pas fait de faute. Ce n’est pas une faute d’acte mais une faute d’être. Terah a été capable d’être le père d’Abraham mais n’est pas capable d’être le fils d’Abraham. Alors il souffre.  

 

Au début de Parashah תּוֹלְדֹת 25 :19:

וְאֵלֶּה תּוֹלְדֹת יִצְחָק בֶּן-אַבְרָהָם  אַבְרָהָם הוֹלִיד אֶת-יִצְחָק

Voici les engendrements d’Isaac fils d’Abraham, Abraham a engendré Isaac...  

 

On attendait les engendrements d’Isaac pas les engendrements d’Abraham.

On attendait un Isaac qui engendrerait Abraham mais on reste en surplace : Abraham a engendré Isaac... Alors qu’on attend qu’Isaac engendre Abraham !  

Et d’ailleurs dès qu’Isaac est capable d’engendrer un Abraham, Jacob apparait. On voit à quel point c’est difficile qu’Isaac engendre Abraham parce qu’il n’arrive qu’à engendrer Jacob et Esaü. Quand Jacob s’appelle Israël alors Abraham est justifié.

 

Retour au problème :

Il faut se méfier du Satan parce qu’il se cherche un Job.

Le Satan dans ce récit de Job est l’accusateur public au tribunal d’En-haut. Dès qu’il y a une doute quelconque, il est formulé par le Satan. C’est pourquoi on a peur de lui car il dit la vérité. C’est lui qui, au tribunal, met en forme les doutes cachés. C’est terrible l’accusateur public !

Le premier chapitre du livre de Job explique pourquoi il souffre. Non pas parce qu’il a fait du mal. Mais parce qu’il n’arrive pas à passer au degré supérieur du צַדִּיק: il est alors le צַדִּיק devenu préhistorique.

 

Je vous ouvre une petite parenthèse pour citer au nom du Rabbi Na’hman de Breslev :

Moïse reçoit la תּוֹרָה au Sinaï et pose des questions préalables à Dieu : 

« Madouâ Tsadik véTov lo, tsadik vé râ lo, rashâ vé tov lo, rashâ verâ lo ? »

« Pourquoi le צַדִּיק qui a du bien et le צַדִּיק qui a du mal, le רָשָע qui a du bien et le רָשָע qui a du mal ? »

C’est en plein dans le livre de Job.

 

Il y a différentes réponses. Il y a 2 réponses classiques à cette Gémarah :

-  le צַדִּיק qui a du bien est un צַדִּיק parfait

-  le צַדִּיק qui a du mal c’est pour la petite part d’imperfection qu’il possède, il est guéri par le mal qu’il a en tant que צַדִּיק.

-  le רָשָע qui a du mal est un רָשָע complet

-  le רָשָע qui a du bien n’est pas complètement רָשָע.

 

Sauf les cas de perversions exceptionnelles, il n’y a pas de רֶשָעִים qui n’ait pas une petite מִצְוָה, une petite vertu. Il y a des gangsters qui aiment leur chat ! Alors on les récompense dans ce monde-ci et puis c’est réglé pour le Monde-à-venir. Pour le צַדִּיק c’est l’inverse.

Le צַדִּיק est puni dans ce monde-ci et c’est bien pour le monde à venir. 

 

La 2ème réponse que l’on donne à cette question est plus difficile, je vous la cite sans l’expliquer :

 

-  Le צַדִּיק qui a du bien est un צַדִּיק fils de צַדִּיק.

-  Le צַדִּיק qui a du mal c’est un צַדִּיק fils de רָשָע.

-  Le רָשָע qui a du bien c’est un רָשָע fils de צַדִּיק.

-  Le רָשָע qui a du mal est un רָשָע fils de רָשָע.

 

C’est très difficile à comprendre mais cela va plus loin dans le problème.

 

Rav Na’hman de Breslav enseigne de la manière suivante.

 

-  Le צַדִּיק qui a du bien c’est le צַדִּיק qui vit dans un temps où la Halakha est comme lui, et où le bien selon Dieu c’est le bien selon lui. Alors il est non seulement צַדִּיק mais heureux. Car on peut être צַדִּיק mais hérétique : ce n’est pas comme cela que Dieu pense et pourtant il est צַדִּיק...

-  Le צַדִּיק qui a du mal, c’est un צַדִּיק mais la Halakha n’est pas comme lui.

-  Le רָשָע qui a du bien, c’est le רָשָע du צַדִּיק que la Halakha est comme lui.

-  Le רָשָע qui a du mal, c’est le רָשָע du צַדִּיק que la Halakha n’est pas comme lui.

 

C’est au fond la même explication à des niveaux très différents. Il y aurait une étude de la sociologie de la société israélienne à faire là-dessus.

Il y a des צַדִּיקִים pour lesquels la Halakha n’est pas comme eux, et leur רֶשָעִים, Dieu préserve ! Il y a des צַדִּיקִים pour lesquels la Halakha est comme eux, et leur רֶשָעִים sont comme eux.

 

Retour au sujet :

Tant qu’Abraham n’est pas circoncis, Sodome et Gomorrhe sont en sursis. Dès qu’Abraham est circoncis le sursis prend fin. Il y a d’autres facteurs ont joué : le progrès moral chez Abraham déclenche la condamnation des רֶשָעִים. C’est pourquoi les רֶשָעִים n’aiment pas les צַדִּיקִים. Parce que c’est à cause des צַדִּיקִים que les רֶשָעִים souffrent et sont disqualifiés et jugés. Sociologiquement c’est l’explication du mécanisme de l’anticléricalisme et de l’antisémitisme. Les gens n’aiment pas les curés, les rabbins car en leur présence, ils sont disqualifiés. Ils n’aiment pas les צַדִּיקִים en présence desquels ils se sentent רֶשָעִים. C’est pourquoi je vous cite ensemble l’anticléricalisme et l’antisémitisme, j’ai étudié cela en laboratoire, cela va ensemble. On n’aime pas les Juifs parce qu’à côté des Juifs on est disqualifié. Ce qui est faux d’ailleurs mais ce sont là des mécanismes psychologiques pathologiques. Mais voilà comment cela fonctionne.

Parce que si les paroissiens du curé connaissaient les angoisses et les affres des curés, ils se rassureraient…etc.

 

Une scène nous est racontée dans la תּוֹרָה lors de la querelle de Qora’h où Dieu s’adresse à Moïse pour lui dire qu’Il va les détruire. Les ennemis de Moïse lui disent : tu veux notre mort ! Il  suffit que Moïse soit là pour que Qora’h soit disqualifié. Qora’h est un grand homme mais en présence de Moïse il est disqualifié comme רָשָע. C’est pourquoi les צַדִּיקִים doivent être modestes. Parce que s’ils ne le sont pas ils le paient. Il faut éviter tout comportement ostentatoire. Il faut de la réserve, signe de l’authenticité.

 

Pris au niveau le plus haut :

La présence du צַדִּיק sur terre disqualifie tout le monde, donc le צַדִּיק doit se cacher : c’est sans doute cela la notion de נִסְתָּר צַדִּיק. Pourquoi est-il plus grand que le נִגְלֶה צַדִּיק ? Précisément parce qu’il est caché. נִסְתָּר צַדִּיק: le צַדִּיק caché, personne ne sait qu’il est צַדִּיק même pas lui car s’il le savait il serait orgueilleux.

 

Cela va jusque dans le vocabulaire sociologique contemporain : entendu de mes maitres : on n’a pas le droit de se dire « orthodoxe » - étymologiquement orthodoxia celui qui suit la voie droite – c’est d’un orgueil épouvantable. Comme au temps des Albigeois et leur communauté des « parfaits ». Les parfaits au chocolat !  

 

Q : Il y a sursis de Sodome et Gomorrhe jusqu’à la circoncision d’Abraham mais comment comprendre qu’il a prié et lutté pour sauver Sodome et Gomorrhe ?

R : Quand on lit ce texte on voit qu’Abraham discute et négocie pied-a-pied avec Dieu. Pourquoi Abraham s’est-il arrêté à dix ? Il aurait dû aller jusqu’à un ? Il y en avait en fait neuf et non pas dix: il y a avait Lot et sa famille et cela faisait neuf. Et encore quels drôles de צַדִּיקִים! C’est par rapport aux autres. En vérité on est émerveillé de la charité d’Abraham qui a prié pour des gangsters ! Cela me rappelle la croix rouge qui intervient pour protéger des assassins…

 

Abraham c’est le juste de la vertu de charité et que ça. Et la vertu de charité est absolue sinon elle n’est pas elle-même. Par conséquent, c’est normal qu’Abraham, dans ce dialogue avec Dieu, va vouloir sauver les criminels. Mais Dieu lui donne une leçon de morale, en lui expliquant pourquoi le jugement ne peut pas être comme il le souhaite : il y a la charité et il y a la justice. Abraham n’est pas encore Israël. Il est la vertu de charité mais totale. Et c’est pourquoi fonctionner comme Abraham ce n’est pas Israël mais on a besoin d’Abraham pour arriver à Israël. Ensuite Isaac est le juste opposé, le juste de la rigueur absolue. Mais ce n’est pas encore Israël. Il faut Jacob qui lie les deux : Jacob fils d’Isaac, fils d’Abraham et dans cet ordre. Alors ici la תּוֹרָה nous explique ce qu’il ne faut pas faire : c’est la vertu qui demande de plaider pour le criminel, mais la justice demande de le condamner. Il y a parfois des conduites suicidaires par vertige de vertu exagérée. Ce à quoi Israël est occupé actuellement. Abraham dans cette Parashah va protéger Ishmaël jusqu’au bout. C’est Sarah qui intervient. Donc c’est normal de la part d’Abraham de plaider ainsi mais il ne faut pas oublier l’autre partie du récit : On oublie toujours qu’en réalité Abraham a reçu une leçon de morale. Il a témoigné de la vertu de charité, mais c’est son rôle. Et donc Abraham aurait dû aller encore plus loin pour que Dieu lui précise que le monde ne peut pas fonctionner ainsi.

 

Un enseignement important de Kabbalah que j’ai étudié avec le fils du Rav Ashlag :

Il y a dans le monde des justes parfaits qui ne savent que donner : ce sont des êtres exceptionnels et c’est très rare, de qui on apprend comment donner. Mais surtout il ne faut pas faire comme eux pour se prendre pour des justes de cette manière sinon on devient fou...

L’art pour l’art en morale. La vertu pour la vertu. La vertu gratuite. Prendre cela au sérieux c’est être fou. Mais alors pourquoi ces צַדִּיקִים existent-ils ? C’est pour nous apprendre comment donner. Parce qu’il n’y a qu’une manière de donner. Ne faire que ça. Sinon est-ce qu’on donne vraiment ?

 

La charité doit être une vraie charité. C’est pourquoi la Halakha va donner des limites. Moins et ce n’est pas de la charité. Plus que cela et c’est de la folie dit la Guémara. Celui qui donne plus que le מַעֲשֵׂר est fou.

 

Trois critères de folie donnés par la Guémara :

-  Celui qui a tendance à se promener dans les cimetières.

-  Celui qui va dehors la nuit tout nu et n’a pas froid.

-  Celui qui donne trop en charité.

 

Il y a des générosités suspectes, si on laisse aller, selon la Guémara, elles mènent à la folie.

 

Donner, si c’est sérieux, c’est donner tout.

J’ai eu une fois un colloque avec des Chrétiens : donner sa vie pour l’autre. Un philosophe juif est intervenu : Mais c’est en fait le don de leur mort et non de leur vie.

 

Je vous donne un exemple : le véritable sacrifice pour la Guémara c’est le sacrifie du fils, parce que si on ne sacrifie pas ce à quoi on tient le plus ce n’est pas un sacrifice. Mais c’est précisément ce que la תּוֹרָה interdit. Pour la religion naturelle c’est normal. Mais c’est païen. C’est la religion naturelle. Pas pour la תּוֹרָה qui intervient et enseigne que c’est une abomination, parce que la véritable vérité morale c’est l’unité des valeurs. Là, ce serait la charité et que cela. C’est catastrophique drames que la charité absolue a déclenché dans le monde, c’est la tragédie de la vertu exagérée. C’est plus méchant que le mal. S’il y a des psychologues parmi vous ils devinent les abîmes d’implications.

 

[Il y a une méchanceté  qui consiste à adopter comme principe que l’autre est sûrement un ange.

C’est très méchant parce qu’il est jugé en tant qu’ange pour mieux le condamner lorsqu’il s’avère n’être qu’un homme... Cela commence par la pire des méchancetés. Cela explique énormément de scène de ménages d’ailleurs.]

 

De la même manière on a besoin des רֶשָעִים dont tout l’être consiste à recevoir pour apprendre comment on reçoit. Parce qu’il faut apprendre comment on donne et il faut apprendre comment on reçoit. Alors nous avons des modèles. Un grand mystère : pourquoi dans notre monde y a t-il des צַדִּיקִים et des רֶשָעִים? On a besoin d’eux pour apprendre comment donner et comment recevoir. Mais surtout ne jamais faire comme eux. Il y a effectivement des צַדִּיקִים – c’est très rare mais cela existe - qui ne sont là que pour donner. On ne sait pas comment ils reçoivent. C’est mystérieux. Et d’eux on apprend comment on donne. Et il y a des רֶשָעִים qui ne sont là que pour recevoir. D’eux on apprend comment recevoir.

 

Les termes en hébreu : לְהַשְׁפִּיעַ רָצוֹן c’est le צַדִּיק: Toute sa volonté est de donner, de déverser. לְקַבֵּל רָצוֹן c’est le רָשָע: toute sa volonté est de recevoir.

 

Nous sommes nous les créatures normales, les בֶּנונִים . Et alors, il n’y a que deux possibilités, deux attitudes possibles. C’est l’histoire de toute la civilisation divisée en 4 catégories :

 

-      Donner pour recevoir : c’est la morale naturelle qui n’est pas encore idéale car le point de chute c’est de recevoir. C’est le don de sa vertu pour recevoir un fauteuil au paradis. 

 

-      Recevoir en vue de donner : c’est la vraie solution selon la תּוֹרָה : recevoir le plus possible pour pourvoir donner le plus possible.

 

Ce qui fait que les deux tendances qui nous constituent, l’altruisme et l’égoïsme, sont toutes les deux satisfaites. Mais dans l’ordre. Il faut recevoir pour donner.

Donner pour recevoir, c’est la morale naturelle. La formule latine est  do ut des « je donne en vue que tu donnes » : c’est le contrat de la morale naturelle. 3 kilo de Psaumes en échange d’une place au paradis....

 

C’est ce que le Rav Ashlag enseigne que l’ordre est de recevoir en vue de donner. C’est pourquoi il y a dans le tempérament juif, la volonté de recevoir. Mais si celle-ci s’arrête en chemin, il s’agit d’un matérialisme grossier. Mais c’est en vue de donner.

Très souvent dans les accusations antisémites se retrouve la moitié du diagnostic : c’est vrai que les Juifs ont un appétit de recevoir. Mais parce que c’est le commencement de l’appétit de donner.

 

Retour au sujet :

C’est la scène de la famille de Lot rescapé de la destruction de  Sodome et Gomorrhe.

 

Verset 27 chapitre 19

 

C’est le récit des 2 filles de Lot avec leur père. Ils sont rescapés. Les récits montrent un progrès de la moralité chez Abraham et une caricature de moralité d’Abraham chez Lot. 

Il y a ici une scène messianique à l’envers, c’est tragique. C’est une tentative de sauver l’humanité et ses engendrements alors qu’on croit que toute l’humanité a disparu et qu’ils ne restent que Lot et ses filles. Il y a alors une initiative des filles de Lot pour sauver l’avenir de l’humanité en ayant des enfants avec leur père. C’est une scène messianique dans la défigure.

 

En étudiant l’histoire en détail on s’aperçoit que les 2 filles de Lot n’ont pas la même conduite du point de vue de la morale. L’une c’est vraiment en vue de sauver l’humanité, l’autre c’est la luxure pure et simple et c’est la différence entre Moav et Amon. Va naitre une lignée de la famille d’Abraham (Lot est le fils du frère d’Abraham, cette famille sortie d’Our-Qasdim) qui va caricaturer les identités d’Israël : les Ammonites et les Moabites et qui seront en rivalité messianique pendant tout le temps de la Bible contre Israël. Cette rivalité n’est pas achevée.

La région des Ammonites c’est la Jordanie. Aman s’appelle Rabat-Amon « la capitale de Amon ».

Et effectivement, la rivalité messianique sur la propriété de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל c’est un problème que nous avons avec les Jordaniens. Je résume tout ce qui se passe actuellement.

 

Lot imite Abraham mais dans la défigure, dans le mal. L’hospitalité d’Abraham est la vertu dans le bien, celle de Lot est l’hospitalité dans la débauche : Donner ses filles à l’étranger…etc.

 

Juste après, progrès de la moralité chez Abraham, et de nouveau cette scène du patriarche qui dit de sa femme qu’elle est sa sœur. On voit le contraste entre l’échec de la moralité chez Lot et sa réussite chez Abraham.

Cette même capacité anthropologique de « l’être frère » : ce qui se cherchait dans la famille d’Abraham qui est précisément capable d’être frère. Il y a alors le vrai frère et le faux-frère : Etre frère dans l’immoralité, c’est l’option de Loth. Etre frère dans la moralité c’est l’option d’Abraham.

 

Voilà le déroulement de ce récit. Le point de départ c’est le fait qu’Abraham va réaliser l’alliance de la circoncision et cela va cristalliser l’accélération de tous ces événements. Tout se déclenche. Alors la promesse de la naissance du fils d’Abraham va s’accomplir. Jugement de Sodome et Gomhorre, séparation définitive entre Loth et Abraham... etc.

 

***

 

Q : De Lot va naître le מַשִיחַ ?

R : C’est trop résumé. De Loth va naître Ruth, l’ancêtre de David.

Loth n’est pas n’importe qui : c’est une étincelle de la famille d’Abraham qui est enfouie sous une écorce d’impureté. A relier au fait qu’Abraham s’était déjà séparé de Loth, mais il va protéger Loth de loin car il protège cette chance de l’âme de Ruth qui est dans la lignée de Lot et qu’il faut sauver. C’est pour sauver cette âme qu’Abraham va intervenir.

C’est ce qui était le plus près qui est devenu le plus loin. Dans ce plus loin, il y a toujours la trace du plus près de l’origine. Ruth c’est celle qui revient du plus loin et qui ramène avec elle tous les autres  car c’est elle qui était la partie de l’identité d’Israël qui s’était perdue avant le commencement de son histoire. Cette lignée de Loth aurait dû être dans Abraham. Elle s’en est séparée en portant une étincelle de sainteté qui est dans l’écorce d’impureté de la débauche. « Enfouie sous la cendre », l’âme de Ruth ! Alors Abraham va protéger l’âme de loin pour sauver cette âme de Ruth qui en fin de compte va revenir.

 

Ruth est le modèle des convertis mais ce n’est pas n’importe quel converti : celle qui revient dans la famille d’Abraham. Elle revient du plus loin et ramène avec elle toutes les autres. Alors elle est le modèle de toutes les femmes converties. Nous avons dans une autre dimension la même chose avec Jethro. Ruth a une place très grande dans la tradition puisque le livre est lu à Shavouot lorsque la תּוֹרָה est donnée. La תּוֹרָה est donnée à Israël et on parle de ceux qui reviennent en Israël du plus loin où ils étaient partis. C’est Ruth qui sera l’ancêtre du מַשִיחַ parce que c’est le מַשִיחַ qui assure la rédemption de l’universel humain. Mais en tant que l’ancêtre du מַשִיחַ, elle est fille d’Abraham rentrée à la maison. Ce n’est pas visible parce que c’est un thème d’identité profonde à travers l’histoire. La question commence ainsi: Pourquoi Abraham protège-t-il Loth ? Ce n’est pas Loth qu’il protège mais ce qu’il y a dedans.

יִתְרוֹ - רוּת - תּוֹרָה c’est à peu près les mêmes lettres : תּוֹרָה sans le ה donne רוּת et en ajoutant le י donne יִתְרוֹ.

 

Q : Laquelle des deux filles ?

R : Celle qui a pris l’initiative la première c’est en bonne part לִשְׁמָּה. La deuxième c’est en mauvaise part לִשְׁמָּה לֹא. Vérifier dans le texte. Talmud: le même comportement peut être au niveau du jugement de valeur soit צֶדֶק soit רָשָע. Dans un cas c’est pour sauver l’humanité et dans un autre cas c’est pour avoir un plaisir supplémentaire avant la catastrophe. Il faut voir cette scène dans son tragique même : c’est une fin de monde, on croit que le monde a disparu. Comment faire pour continuer les engendrements ?

 

Du temps de l’occupation romaine, il y avait ce qu’on appelle dans le Talmud les matrones – matronita – les tenancières de cabarets. Beaucoup de Ba’hourim Yeshivah étaient séduites par les filles, un Ba’hour yeshivah se laisse tenter et va passer à l’acte. En se déshabillant son tsitsit lui a frappé le visage. Il se rhabille en vitesse et sort du cabaret. La fille le poursuis et demande des explications : ne suis-je pas assez belle pour toi ? Non, il y a un maitre  plus fort que toi. Elle lui dit : Tu ne sors pas d’ici sans m’expliquer ce qui t’es arrivé.. Qui est plus fort que moi ? Elle a été voir le maître et subjuguée, s’est convertie. Après la conversion elle a demandé au rabbi une bénédiction…

 

 

Donnez votre avis ou posez vos questions aux intervenants et nous vous y repondrons

Merci de copier les lettres affichées*