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ISRAËL ET LES NATIONS
MESSIANISME
THÈMES FONDAMENTAUX

NITSAVIM - 1984

Le cours

 

                                              (1985)   נִצָּבִים

 

Dans la Parashah de la semaine, le chapitre 30. Hier soir a eu lieu une excellente étude du Rav Aviner sur le début du chapitre. Nous allons voir la suite, ce qui nous donnera l’occasion de faire le תִּקּוּן de tout ce que nous avons appris jusqu’à aujourd’hui.

 

Je reprendrais la question par laquelle on a commencé la semaine dernière.

Chapitre 30, verset 11.

נִפְלֵאת הִוא מִמְּךָ וְלֹא רְחֹקָה הִוא כִּי הַמִּצְוָה הַזֹּאת אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם לֹא

Car cette loi que je t'impose en ce jour, elle n'est ni trop ardue pour toi, ni placée trop loin.

 

J’aurais à revenir sur un des versets du début du chapitre, mais on va d’abord traduire les versets à partir du verset 11 puisque l’étude que vous avez eu hier soir portait jusqu’au verset 10 compris.  

Cela concerne les versets qui institueraient la תְּשוּבָה comme מִצְוָה dans le sens de חוֹבָה, c’est-à-dire comme une מִצְוָה dans le sens de commandement : d’avoir à faire תְּשוּבָה s’il y a eu une faute à quelque niveau que ce soit et rappelez-vous : il y a מַחְלֹקֶת chez les grands פּוֹסְקִים, en particulier entre Ramban et Rambam. Je le rappellerais autant que nécessaire mais je vais d’abord établir la lecture du texte et ensuite je reprendrais point par point l’étude de ce problème.

 

Prenez à partir du verset 1 pour la transition :

[נִצָּבִים 30 :10] :

תִשְׁמַע בְּקוֹל יְהוָה אֱלֹהֶיךָ לִשְׁמֹר מִצְו‍ֹתָיו וְחֻקֹּתָיו הַכְּתוּבָה בְּסֵפֶר הַתּוֹרָה הַזֶּה כִּי תָשׁוּב אֶל יְהוָה כִּי

אֱלֹהֶיךָ בְּכָל לְבָבְךָ וּבְכָל נַפְשֶׁךָ  

 

Les promesses de la גֵּאֻלָה – hier soir  le Rav Aviner avait employé le terme de « rédemption » mais je préfère dire « délivrance » parce que le terme de « rédemption » comporte une dimension théologique pas forcément juive. Il s’agit de la גֵּאֻלָה, c’est-à-dire du « salut » dans le sens de  délivrance, de tout le processus du עוֹלָם הַזֶּה, ce monde-ci qui se termine par la fin du dernierגָלוּת , du dernier exil pour Israël par ce qu’on appelle la גֵּאֻלָה - la délivrance de la condition d’exil. Mais la condition d’exil d’Israël est au paroxysme, comme témoignage de ce qu’est la condition de créature dans le monde.   

Prenez si vous le voulez l’équivalence suivante : La créature comme créature est en situation d’exil. Seul Israël le sait puisque c’est son histoire. Il vit cette histoire-là.

Indépendamment du principe qu’il y a une différence entre l’existence collective en Israël, la situation existentielle collective en Israël, et les Yéridei Ségoulah des אוּמוֹת הָעוֹלָם à l’échelle individuelle, c’est vécu chez les nations mais comme expérience individuelle. La seule société qui a vécu cela au niveau collectif en tant que collectivité c’est la collectivité d’Israël.  

Au niveau du comportement dans l’histoire, nous vivons ce qu’est la condition métaphysique de la créature comme telle : être exilés.

Les philosophes peuvent entrevoir cette notion, mais elle ne peut être vécue existentiellement que par des individus, que nous appelons dans la tradition les חָסִידֵי אוּמוֹת הָעוֹלָם.  

La définition est très simple : la création créée des êtres en exil. Dieu créé l’autre que Lui, cela signifie qu’Il créé loin de Lui, et qu’il dit « reviens ! ».  C’est la תְּשוּבָה!  

Une image employée par les maîtres du Moussar et de la חָסִּידוּת: l’histoire est un apprentissage, nous sommes créés en apprentissage d’être. Comme je le dis souvent, ce n’est pas qu’une blague, on est un peu aidé par le français : avant d’être sage il faut être apprenti sage. Il y a le temps de l’enfance avant l’âge adulte. Nous sommes en train de passer une licence de l’être.  L’objectif est d’obtenir le diplôme et d’être licencié...

 

Tout ce temps- là que nous appelons le stade du passage par le temps du עוֹלָם הַזֶּה est un temps d’exil. Que signifie être exilé ? Cela signifie être loin de chez soi. Et la condition de créature est une condition d’exil du « devant Dieu ». L’image la plus simple c’est que nous avons été exilés de notre lieu naturel qu’est le paradis. « וַיְגָרֶשׁ אֶת-הָאָדָם». En vue de quoi ? En vue qu’il y revienne ! 

 

Alors ce que disent les apologues, tant dans la חָסִּידוּת que dans le Moussar, c’est qu’il y a une véritable question que Dieu pose à la créature : Il l’amène loin de lui pour qu’elle apprenne à marcher (licence de l’être) mais maintenant qu’elle a appris à marcher que va-t-elle faire ? Va-t-elle revenir ou aller ailleurs ? Il y a vraiment une angoisse : « pour voir ce qu’il adviendra de lui ».  

Il y a dans cet exil un passage par l’épreuve de l’apprentissage, on apprend à marcher : on part en exil pour revenir avec la Halakha si j’ose dire. Et puis ontologiquement, métaphysiquement, c’est la condition de la créature : être mis loin de devant le Créateur avec pour objectif de revenir avec l’acquis du mérite. C’est toute la problématique : on a appris à marcher mais pour aller où ? Pour revenir ou pour aller ailleurs ? Ailleurs, il n’y a pas, cela s’appelle אָבָּדוֹן en hébreu – la perdition. Etre perdu. Peut-être l’origine du mot français ”abandon” ?

Psaumes 1:6: תֹּאבֵד רְשָׁעִים וְדֶרֶךְ

 

Je préfère traduire le terme de גֵּאֻלָה par le terme de « salut » bien que son sens soit aussi très ambigu dans l’emploi théologique du terme, mais retenons que pour l’histoire d’Israël et l’enseignement de la prophétie, la גֵּאֻלָה signifie la גֵּאֻלָה de l’exil. Entendons de suite cette harmonique : la גֵּאֻלָה de la condition d’exil qui est la condition de créature dans ce monde-ci עוֹלָם הַזֶּה. Il y a à la fois une dimension historique et une dimension religieuse dont c’est le cas particulier de la société d’Israël d’en vivre l’expérience.  

 

Ce mot de salut peut se dire en hébreu יְשׁוּעָהּ, c’est à un autre niveau, et ce mot de salut a pris dans la théologie chrétienne un tout autre sens. Cela a pris à la limite le sens d’être sauvé du problème moral. Alors que dans le judaïsme c’est d’être sauvé de la condition de créature par le problème moral. Voyez à quel point on ne peut jamais parler de judéo-chrétien. Ce sont vraiment des polarités complètement différentes. Mais l’harmonique de sensibilité spirituelle sinon religieuse est très analogue : L’homme connaissant sa condition de créature de ce monde-ci est candidat à un salut. Alors גֵּאֻלָה me semble ainsi plus traduisible par « salut » que par « rédemption » qui traduit plus le terme de כַּפָּרָה, à la limite le תִּקּוּן. Mais תִּקּוּן ne peut être traduit par rédemption.

 

  1. C’est donc un exil au 2nd degré que nous vivons ?

R : Absolument. Nous vivons dans un exil au second degré. Le חֲכָם תַּלְמִיד est dans le premier. Il vit dans ce גֵיִהנוֹם qui s’appelle עוֹלָם הַזֶּה, comme s’il était  עוֹלָם הַבָּא מּאֵין cela veut dire גַן-הַעֵדֶן מּאֵין.  

Quelle est la différence entre גַן-עֵדֶן et עוֹלָם הַבָּא ? גַן-עֵדֶן c’est עוֹלָם הַבָּא avant qu’on l’ait mérité, עוֹלָם הַבָּא c’est le גַן-עֵדֶן une fois mérité.  

D’après le récit de la תּוֹרָה la différence entre גַן-עֵדֶן et ce monde-ci c’est que dans le גַן-עֵדֶן l’homme et Dieu sont en présence l’un de l’autre et aucun des deux n’a peur de l’autre. Dans עוֹלָם הַזֶּה il n’y a plus cette présence. Il y a vraiment un exil au 2ème degré.

C’est parallèle à « פָנִים אֶסְתֵּר » et « אַסְתַּרַה בּתּוֹךְ  אַסְתַּרַה ». 

De la même manière qu’à un autre niveau le temps biblique où la prophétie est présente c’est moins l’exil que le temps biblique où la prophétie est occultée. Cela c’est plus l’exil.

 

Retenez cette expression de « אַחֲרִית הַיָּמִים » « la fin des temps » qui est le moment de la גֵּאֻלָה, c’est la fin des temps de l’exil, dans tous les contextes des prophètes qui se servent de cette expression.  בְּאַחֲרִית הַיָּמִים וְהָיָה.  

C’est donc qu’il y a une sorte de promesse de béatitudes si j’ose dire. Le mot est exact bien que son contenu soit différent parce qu’il se réfère au sens très précis - je crois que André Chouraqui seul l’a retrouvé dans sa traduction de la Bible [Psaumes 1:1] :

 רְשָׁעִים בַּעֲצַת הָלַךְ לֹא אֲשֶׁר הָאִיש אַשְׁרֵי,  

אַשְׁרֵי c’est les béatitudes de l’homme dans le sens français du terme.

 

Là vous l’avez au verset 9 : 

[30:1 "Or, quand te seront survenus tous ces événements, la bénédiction ou la malédiction que j'offre à ton choix; si tu les prends à cœur au milieu de tous ces peuples où t'aura relégué l'Éternel, ton Dieu,

2 - que tu retournes à l'Éternel, ton Dieu, et que tu obéisses à sa voix en tout ce que je te recommande aujourd'hui, toi et tes enfants, de tout ton cœur et de toute ton âme,

3 - l'Éternel, ton Dieu, te prenant en pitié, mettra un terme à ton exil, et il te rassemblera du sein des peuples parmi lesquels il t'aura dispersé.

4 - Tes proscrits, fussent-ils à l'extrémité des cieux, l'Éternel, ton Dieu, te rappellerait de là, et là même il irait te reprendre

5 -  Et il te ramènera, l'Éternel, ton Dieu, dans le pays qu'auront possédé tes pères, et tu le posséderas à ton tour; et il te rendra florissant et nombreux, plus que tes pères.

6 - Et l'Éternel, ton Dieu, circoncira ton cœur et celui de ta postérité, pour que tu aimes l'Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme, et assures ton existence.

7 - Et l'Éternel, ton Dieu, fera peser toutes ces malédictions-là sur tes ennemis, sur ceux dont la haine t'aura persécuté.

8  -Tandis que toi, revenu au bien, tu seras docile à la voix du Seigneur, accomplissant tous ses commandements que je te prescris aujourd'hui.

9 -Et le Seigneur, ton Dieu, te prodiguera des biens en favorisant tout le travail de ta main, le fruit de tes entrailles, le fruit de ton bétail, le fruit de ton sol; car il se plaira de nouveau, le Seigneur, à te faire du bien, comme il s'y est plu pour tes ancêtres,

 

On commence au verset 10 :

30 :10

תִשְׁמַע בְּקוֹל יְהוָה אֱלֹהֶיךָ לִשְׁמֹר מִצְו‍ֹתָיו וְחֻקֹּתָיו הַכְּתוּבָה בְּסֵפֶר הַתּוֹרָה הַזֶּה כִּי תָשׁוּב אֶל יְהוָה כִּי

 אֱלֹהֶיךָ בְּכָל לְבָבְךָ וּבְכָל נַפְשֶׁךָ  

Pourvu que tu écoutes la voix de l'Éternel, ton Dieu, en gardant ses préceptes et ses lois, écrit dans ce livre de la doctrine; que tu reviennes à l'Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme.

 

אֱלֹהֶיךָ יְהוָה בְּקוֹל תִשְׁמַע כִּי

Lorsque tu écouteras la voix de Hashem ton Dieu ...

 Là je voudrais faire une petite échappée de חָסִּידוּת encore.

Simplement le fait d’entendre la voix de Hashem – ici cela a le sens d’obéir à ce qu’Il demande – mais  avant d’arriver là, le niveau plus profond, plus haut, la béatitude absolue c’est d’être dans le monde où Dieu parle et on l’entend. Il n’y a pas la solitude du silence...

 

לִשְׁמֹר מִצְו‍ֹתָיו וְחֻקֹּתָיו הַכְּתוּבָה... Il y a là un mystère de l’exégèse, je ne peux m’arrêter dessus cela prendrait des heures, et je crois que c’est le seul du Tanakh : on attend un pluriel et il y a un singulier.

 

Regardez bien le verset :

תִשְׁמַע בְּקוֹל יְהוָה אֱלֹהֶיךָ לִשְׁמֹר מִצְו‍ֹתָיו וְחֻקֹּתָיו הַכְּתוּבָה בְּסֵפֶר הַתּוֹרָה הַזֶּה  כִּי

 « הַכְּתוּבָה - écrit » au singulier. On attendrait  הַכְּתוּבָוֹת

J’ai une proposition d’explication : c’est le קוֹל qui est כְּתוּבָה.

אֱלֹהֶיךָ יְהוָה בְּקוֹל תִשְׁמַע כִּי ... הַכְּתוּבָה בְּסֵפֶר הַתּוֹרָה הַזֶּה.

 

Mais ce n’est plus de l’hébreu biblique mais un Drash ! Il y a ici un mystère de l’exégèse. Consultez les Méfarshim. Je ne sais pas s’il y a une réponse simple.

 

Et voilà la fin du verset :

כִּי תָשׁוּב אֶל יְהוָה אֱלֹהֶיךָ בְּכָל לְבָבְךָ וּבְכָל נַפְשֶׁךָ

Quand Tu reviendras vers Hashem ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme.  

Vers Lui et non pas à la porte fermée de devant lui. Cf. l’analyse du rav Aviner : Il y a un premier niveau de תְּשוּבָה par rapport auquel le peuple juif actuel est en travail depuis la fin de l’émancipation.

C’est de revenir « עַד-יְהוָה»  c’était le verset 30 : 2.  

וְשַׁבְתָּ עַד-יְהוָה אֱלֹהֶיךָ וְשָׁמַעְתָּ בְקֹלוֹ כְּכֹל אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם אַתָּה וּבָנֶיךָ בְּכָל-לְבָבְךָ וּבְכָל נַפְשֶׁךָ

Que tu retournes à l'Éternel, ton Dieu, et que tu obéisses à sa voix en tout ce que je te recommande aujourd'hui, toi et tes enfants, de tout ton cœur et de toute ton âme.

 

C’est dans l’enseignement du Rav Kook, dont l’expression la plus positive est d’arriver en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל même sans les מִּצְוֹת et la תּוֹרָה : c’est-à-dire de revenir jusqu’à Dieu sous la condition qu’on ne parle pas de Lui... C’est la première תְּשוּבָה. C’est inouï ce que cela éclaire de manifestations de la culture contemporaine qui sans cette explication venant du Rav Kook serait aberrantes. Ce foisonnement de retours au judaïsme sans judaïsme, de retours à la תּוֹרָה sans תּוֹרָה. Vous avez compris de quoi il s’agit. Il n’y a qu’à lire la littérature juive contemporaine, israélienne comprise en grande partie. Si un observateur objectif neutre des גּוֹיִם faisait l’analyse du phénomène, il déclarerait ce peuple fou, incohérent...etc.

 

J’avais expliqué cela d’une autre manière à propos de l’histoire de Joseph : au moment où il arrive portant le salut à l’Egypte devenu stérile. La femme de Putiphar devenue fécondable mais infécondée parce que Putiphar était eunuque, stérile.  

Il y a donc un stade des sociétés où l’on attend Joseph. On l’attend comme le sauveur ! D’ailleurs, dans toutes les liturgies des nations qui ont diagnostiqué la figure de Joseph, Joseph est considéré comme le sauveur. Saint-Joseph chez les chrétiens, Youssouf Hatsadik chez les musulmans...etc.  

 

Dans le texte biblique, Joseph est porteur du rire, du rire de la réussite de la גֵּאֻלָה. Et c’est ce qu’attend la femme de Putiphar. Imaginez cette civilisation arrivée au stade où elle ne rit plus. Dans tous les sens du rire, qui vient d’Yitzhak. Je vais paraphraser cela en terme de culture contemporaine mais avant je vous lis le verset : Comment se plaint elle à son mari ?

 

וַיֵּשֶׁב 39:17 :

וַתְּדַבֵּר אֵלָיו כַּדְּבָרִים הָאֵלֶּה לֵאמֹר בָּא אֵלַי הָעֶבֶד הָעִבְרִי אֲשֶׁר הֵבֵאתָ לָּנוּ לְצַחֶק בִּי

Tu l’as fait venir cet esclave hébreu pour mettre le rire en nous….. et il ne l’a pas voulu, il s’est sauvé au dernier moment !  

Alors elle se plaint avec véhémence et l’envoie en camp de concentration...

C’est un sujet explosif auquel j’ai touché là: Ce sont les nations qui attendent d’Israël la parole de Dieu, Israël qui est théophore, porteur de Dieu. Et voilà Joseph coquet comme nous le dit le Midrash à cet âge comme disant: « oui mais moi je suis athée... ! » » C’est le pourquoi de l’explosion de la femme de Putiphar. Voilà le drame.

 

Il y a une certaine pudeur de l’histoire environnante de ne pas être trop antisémite à cause de la Shoah, mais il y a des époques où il y a eu cette fureur de réaction face à cette ambiguïté ambivalente : judaïsme sans judaïsme, Israël sans Israël, תּוֹרָה sans תּוֹרָה, religion sans religion, ... il n’y a qu’à lire la littérature des philosophes juifs contemporains. Cela commence avec Hermann Cohen et puis bien avant.

 

Un lecteur objectif du phénomène culturel juif ou deviendrait fou ou déclarerait ce peuple fou!

Et bien ce premier stade est prévu par la תּוֹרָה. Il s’agit de quelque chose de tellement important qu’il y a des étapes, des paliers...

 

Voilà donc la fin des versets à partir de laquelle nous allons partir : cela arrivera quand ?

כִּי תָשׁוּב אֶל יְהוָה אֱלֹהֶיךָ בְּכָל לְבָבְךָ וּבְכָל נַפְשֶׁךָ

Quand tu reviendras à Hashem ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme.  

Quand tu reviendras – pas seulement jusque devant et pas plus («עַד»)  – mais devant vraiment...  

Non seulement tu feras ce qu’il faut mais tu avoueras de quoi il s’agit... Tu diras l’aveu de ce dont il s’agit. Le thème que nous allons étudier c’est que la תְּשוּבָה  n’est authentique que si il y a le וִדּוּי, l’aveu, l’annonce de ce que l’on fait. Il n’y a pas de תְּשוּבָה  sans וִדּוּי. Ce serait une velléité de תְּשוּבָה. וִדּוּי cela veut dire l’aveu. Et nous verrons que toute la controverse des פּוֹסְקִים porte sur ce point.

 

Les Juifs font finalement ce qui est prévu dans le programme de la תּוֹרָה mais ne disent pas ce dont il s’agit vraiment. Formulé autrement : si vous faites une enquête dans une ville d’Israël pour savoir pourquoi ils sont là ? Vous entendez des réponses variées, intéressantes d’un point de vue culturel, qui donnent un éclairage de l’histoire sociologique de chaque juif arrivé dans ce pays mais personne ne dit la vérité. L’un dira : je suis venu là pour être socialiste, l’autre dira je suis venu ici pour pouvoir être religieux... Personne n’ose dire : parce que jusqu’à maintenant en tant que juif j’étais en exil, et que le moment est arrivé de rentrer chez moi en tant qu’hébreu. Certains commencent à le dire : j’ai accompli la promesse qui a été faite au peuple juif – nous le faisons mais c’est Dieu qui le fait...  Certains attendent que Dieu fasse tout, tout seul, d’autres encore plus mystiques croient qu’ils ont tout fait tout seul sans l’aide de Dieu...

Mais la vérité n’est pas dite : On fait ce qu’il faut mais il n’y a pas l’aveu de ce qui est fait. La תְּשוּבָה  se fait mais il n’y a pas וִדּוּי!

 

Complémentairement : même chose en גּוֹלַה, on peut enquêter sur les raisons de la présence des Juifs חוּצ לָאָרֶץ ? Chacun va raconter l’histoire de sa vie sans pouvoir donner la vraie raison.... Comme précédemment, la vraie raison pour ceux qui sont là c’est qu’ils sont là. Et après ils se cherchent des justifications. Et ceux qui sont là-bas, idem.  

On est en plein dans ce texte-là : La תְּשוּבָה  exige וִדּוּי ! Il faut avouer ce qui se passe pour que cela soit authentifié. On pourrait faire tout une mise au point qui n’a probablement jamais été faite par l’étude importante de la sociologie de la société juive dont la richesse viendrait de l’être paradoxal des juifs. Aucun ethnologue n’a encore fait cela.  Cela enrichirait et aiderait l’humanité dans sa propre conscience d’elle-même parce que c’est la même chose que le fait humain mais au paroxysme, mais au 2nd degré, en témoignage, et plus ou moins lucide d’ailleurs...

Cette espèce de virtuosité a présenté une position contradictoire, marginale, pleine de mystère... Aucune société au monde ne présente ce phénomène.

 

***

 

Q : «אֵל» תְּשוּבָה   et pas  «עַד» תְּשוּבָה   ?

R : «אֵל»  תְּשוּבָה c’est à visage découvert. Autre exemple : dans l’exil, le peuple juif a quand même joué le rôle qu’il devait jouer mais pas à visage découvert, pas « ès-qualités », pas au titre de son identité réelle. Et donc de façon défigurée, parfois ténébreuse. Il a joué son rôle de « peuple de prêtres et de nation sainte ». Ce qu’il devait faire il l’a fait, mais dans le chaos, la défigure, sous des masques... De la même manière, ici le retour se fait, mais avec des contorsions, des détours. .../...

Tout cela est rassurant car c’est prévu par la תּוֹרָה.

 

Q : (?) inaudible.

R : Oui bien sur, je vous donne un exemple. A chaque moment où il faut renouveler l’alliance, il y a un וִדּוּי. Quand Josué est entré dans le pays, il a rassemblé le peuple devant Hashem et leur a demandé d’avouer qui ils étaient. Tant qu’ils ne le font pas, l’alliance ne marche pas. Il faut un courage d’être soi-même, sans contorsion (« juif, mais... »). 

Je crois qu’une étude aiderait à faire comprendre la condition existentielle de l’homme dans l’humanité en général. Cette sorte de panique d’être homme que l’on trouve dans le peuple juif qui a la panique d’être juif, au 2nd degré. Rappelez-vous l’histoire de Joseph. C’est tellement important d’être le Joseph qui porte le rire, c’est-à-dire, la joie, la réussite, la גֵּאֻלָה pour les nations arrivées en fin de course de civilisation que cela risque de donner le vertige. Quand il ne se prend pas au sérieux, les גּוֹיִם le perçoivent comme athée, alors que pour lui c’est une hypothèse de travail.

 

***

Retour au texte :

C’est donc dans ces termes que la תּוֹרָה prévoit tout ce programme.

Alors, on commence notre texte au verset 11 :  

כִּי תָשׁוּב אֶל יְהוָה אֱלֹהֶיךָ בְּכָל לְבָבְךָ וּבְכָל נַפְשֶׁךָ

Quand tu reviendras à Hashem ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme.  

Lorsque le retour sera authentifié !  

30:11

נִפְלֵאת הִוא מִמְּךָ וְלֹא רְחֹקָה הִוא כִּי הַמִּצְוָה הַזֹּאת אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם לֹא

Car cette מִצְוָה là que Je te prescris aujourd’hui Elle n’est pas trop merveilleuse pour toi

Elle n’est pas trop loin de toi,  

30 :12

לֹא בַשָּׁמַיִם הִוא לֵאמֹר מִי יַעֲלֶה לָּנוּ הַשָּׁמַיְמָה וְיִקָּחֶהָ לָּנוּ וְיַשְׁמִעֵנוּ אֹתָהּ וְנַעֲשֶׂנָּה

Elle n’est pas dans les cieux Pour que tu dises qui monterait pour nous dans les cieux

Et la prendrait pour nous Et la ferait entendre pour qu’on l’accomplisse.  

30 :13

וְלֹא מֵעֵבֶר לַיָּם הִוא לֵאמֹר מִי יַעֲבָר לָנוּ אֶל עֵבֶר הַיָּם וְיִקָּחֶהָ לָּנוּ וְיַשְׁמִעֵנוּ אֹתָהּ וְנַעֲשֶׂנָּה

Elle n’est pas au delà de la mer pour que tu dises « qui traversera pour nous l’au-delà de la mer et la prendrait pour nous et nous la ferait entendre pour que nous l’accomplissions ? »  

 

30 :14

כִּי קָרוֹב אֵלֶיךָ הַדָּבָר מְאֹד בְּפִיךָ וּבִלְבָבְךָ לַעֲשֹׂתוֹ

Car cette chose est proche de toi beaucoup Dans ta bouche et dans ton cœur pour l’accomplir.

 

Rappelez moi quand on arrivera là, il s’agit là de la תְּשוּבָה  et du וִדּוּי. Le וִדּוּי c’est וּבִלְבָבְךָ בְּפִיךָ: enדִּיבּוּר  et en מַחְַשָבָה, en parole et en pensée.

 

Cela enchaine sur le contrat d’alliance. Un des versets les plus forts de toute laתּוֹרָה : «רְאֵה» Vois ! 

Il n’y a plus שְׁמַע mais רְאֵה! On est arrivé au stade où on n’a l’expérience directe où l’on voit, et non plus l’expérience médiate de tradition qu’on écoute ceux qui ont vu.

Cf. la différence entre «יִשְׂרָאֵל  שְׁמַע» et «יִשְׂרָאֵל  רְאֵה». C’est un principe de la législation talmudique. Pour la Halakha, il y a deux sortes de témoignage :

=>  Le témoignage de celui qui a vu et qui dit ce qu’il a vu.

=>  Le témoignage de celui qui a entendu et qui dit ce qu’il a entendu.  

Pour la législation talmudique, il est évident que le témoignage de celui qui a vu et qui dit ce qu’il a vu passe avant l’autre témoignage.  

On est donc arrivé au stade où il n’y a plus simplement שְׁמַע (écoute ! je t’explique de quoi il s’agit parce que tu ne le vois pas encore...) mais on est arrivé au stade רְאֵה Vois !

 

30:15

רְאֵה נָתַתִּי לְפָנֶיךָ הַיּוֹם אֶת הַחַיִּים וְאֶת הַטּוֹב וְאֶת הַמָּוֶת וְאֶת הָרָע, - -, -, -

Vois, J’ai placé devant toi aujourd’hui La vie et le bien Et la mort et le mal.

 

Et nous avons entres autres une définition très claire de ce qu’est le bien : c’est la vie.

Et de ce qu’est le mal : c’est la mort...  

Maintenant il faut comprendre ce que c’est que la vie et ce que c’est que la mort.

Mais je pourrais aussi dire, c’est aussi le 2ème volet de l’étude :

Qu’est-ce que la vie : c’est le bien,

Et qu’est-ce que la mort : c’est le mal.

 

Mais nous avons là une définition très claire de ce que la תּוֹרָה entend par le bien et le mal.

Ce qui va du côté de la vie, c’est le bien ; et ce qui va du côté de la mort, c’est cela le mal.   

Et le problème de la sagesse est de savoir diagnostiquer ce qui engendre la vie et ce qui engendre la mort. On retrouve là l’allusion que le Rav Aviner avait faite hier soir à la définition de la prophétie : il nous fait voir comment il faut voir. C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas du tout d’un diagnostic ponctuel contingent de civilisation immédiate où l’on peut définir le bien et le mal, la vie et la mort, par expérience contingente du ponctuel. Mais il s’agit de ce qui correspond à l’exigence ontologique de la vie et au refus ontologique de la mort.

 

30:11

נִפְלֵאת הִוא מִמְּךָ וְלֹא רְחֹקָה הִוא כִּי הַמִּצְוָה הַזֹּאת אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם לֹא

Car cette מִּצְוָה-là que Je te prescris aujourd’hui Elle n’est pas trop merveilleuse pour toi

Elle n’est pas trop loin de toi.  

De quelle מִצְוָה parle-t-on ?

Hypothèse de lecture : D’après tout ce qu’on a dit précédemment, il s’agit de la תְּשוּבָה.

 

***

 

Q: (?) inaudible

R: Tu veux dire que toute la תּוֹרָה c’est une seule מִּצְוָה et c’est celle-là ?

Verset 10 :

תִשְׁמַע בְּקוֹל יְהוָה אֱלֹהֶיךָ לִשְׁמֹר מִצְו‍ֹתָיו וְחֻקֹּתָיו הַכְּתוּבָה בְּסֵפֶר הַתּוֹרָה הַזֶּה

C’est vraiment un Piroush très élaboré qui consisterait à dire : Il y a ici הַכְּתוּבָה au singulier parce que toute la תּוֹרָה entière c’est une seule מִּצְוָה d’après le verset 11 suivant :  

30:11

נִפְלֵאת הִוא מִמְּךָ וְלֹא רְחֹקָה הִוא כִּי הַמִּצְוָה הַזֹּאת אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם לֹא 

Cela n’est pas du point de vue du Pshat.

 

***

 

Notre première hypothèse de lecture : la תְּשוּבָה  est appelée מִּצְוָה.

Nous allons voir que c’est en controverse, et ce que nous pouvons apprendre de celle-ci de manière immédiate du point de vue de la sagesse du comportement du retour et du repentir.

 

Je vais commencer à introduire un principe d’exégèse que nous devons à l’enseignement du Rav Kook et qu’il est important de rappeler :

Ce que nous appelons un commandement, un ordre dans le style de la תּוֹרָה, devrait être à l’impératif. La חוֹבָה obligation doit être à l’impératif, Or on s’aperçoit que ce n’est pas le cas puisque c’est formulé au futur.

Lorsque la תּוֹרָה veut dire « Fais », elle dit « Tu feras ». Et lorsqu’elle veut dire « Ne fais pas », elle dit « Tu ne feras pas... ». La תּוֹרָה dit par exemple « לֹא תִגְנֹב» - tu ne voleras pas  et on attendrait : « אַל תִגְנֹב» - ne vole pas ! 

On s’est tellement habitué au style biblique qu’on ne s’aperçoit plus qu’elle emploie le futur pour dire l’impératif... Mais l’impératif existe dans la bible ! Pourquoi alors employer le futur ?

 

Le Rav Kouk a expliqué que l’obligation, le commandement, la dimension de l’impératif, est en soi une promesse. Donc au futur.

Premier stade d’explication : Si la loi s’adresse à moi pour me donner une obligation c’est qu’elle sait que je suis en cas de l’accomplir. Donc elle me promet que je l’accomplirai. Le seul fait que la loi s’adresse à une conscience pour lui ordonner quoique ce soit au nom d’une valeur, implique la promesse qu’elle finira par l’accomplir sinon la loi ne s’adresserait pas à elle. La loi ne s’adresse qu’à la conscience qui y est sensible. Donc cela veut dire que c’est une promesse qu’en fin de compte cela s’accomplira.  

 

Prenons les 10 commandements où tout est écrit au futur sans impératif. [Même dans les cas où l’on croit à un infinitif (par exemple זָכֹּר) c’est quand même un futur. C’est un problème de grammaire mais qui a sa solution]. Cela voudrait dire à la fois qu’au niveau de la promesse, si tu es Israël, Dieu promet que tu feras ça et pas ça. Voilà comment tu seras, telle est ta carte de comportement et ta charte d’identité simultanément. C’est là l’aspect promesse.

Et d’autre part, cette promesse implique une tension entre l’état où tu te trouves et l’état d’accomplissement de la promesse, alors la loi s’adresse sous la forme impérative pour m’enjoindre de combler cette distance.  

Et alors on entend deux choses à la fois : « Tu dois », mais dans tout les cas sache-le, que tu le veuilles ou pas, tu y arriveras parce que c’est ton identité qui est comme ça.  

 

 

Le Rav a résolu le problème de cette tension en deux niveaux de manière importante :

La promesse comme promesse s’adresse à la collectivité d’Israël. L’impératif comme impératif s’adresse à l’individu au sein de la collectivité. C’est dire que simultanément, en tant qu’individu, j’entends l’impératif d’avoir à coïncider à l’être de la collectivité qui est l’objet de la promesse. Et simultanément, j’entends cette impératif et cette promesse en tant que je suis inséré dans cette collectivité. En tant que je suis untel membre de la communauté d’Israël, ploni al moni, c’est l’impératif qui me concerne. Il me concerne au niveau d’adéquation, réussie ou pas encore, à l’identité collective. C’est-à-dire que l’individu va entendre plus d’obligations ou plus de promesses, plus de promesse ou plus d’obligations, suivant le niveau de mérite où il se trouve.

 

Lorsqu’on arrive au mérite du צַדִּיק réalisé on ne perçoit plus l’aspect obligation. Cela devient une מִּדָה  - une manière d’être. Il y a coïncidence avec sa chartre d’identité. En tant que je participe à la collectivité, j’entends l’aspect promesse. Toutes les מִצוֹת sont dans ce cas.  

Et donc, depuis l’intérieur de ces problèmes généraux nous allons nous poser par rapport à la תְּשוּבָה, et cela va éclairer, je pense, assez facilement pourquoi les décisionnaires sont en controverse de savoir s’il faut considérer la conduite de תְּשוּבָה - repentir, s’il y a eu faute, comme une obligation parmi les obligations de la תּוֹרָה ou s’il faut considérer que c’est un processus naturel qui nous est promis. On particularisera cette controverse entre Maïmonide et Na’hmanide assez rapidement. En particulier pour la תְּשוּבָה  qui est particulière parmi toutes ces מִצוֹת

 

Il y a 613 מִצוֹת. 

Or, je n’ai à faire תְּשוּבָה  que si l’une des 613 מִצוֹת a été transgressée ! Par conséquent la מִּצְוָה de תְּשוּבָה  serait une 614ème ? Est-ce que la מִּצְוָה qui consiste à réparer un défaut des 613 fait partie des 613 ? Vous comprenez la difficulté du problème. Nous avons d’autres מִצוֹת, 3 ou 4, qui sont dans ce cas-là.  

Mais surtout considérer la תְּשוּבָה  comme מִּצְוָה serait très pessimiste parce que cela reviendrait à dire qu’il n’y a pas de צַדִּיקִים. Pourquoi ? Parce que personne ne pratiquerait toute la תּוֹרָה. Si une des מִצוֹת c’est la תְּשוּבָה  cela voudrait dire que la תּוֹרָה prévoit qu’elle ne sera jamais accomplie ! Et la difficulté est double. Cela voudrait dire que seul le תְּשוּבָה בָּעַל serait צַדִּיק. Puisqu’il serait le seul à accomplir les 613 מִצוֹת! Mais pour être צַדִּיק il faudrait avoir été ‘Hoté pour pouvoir être תְּשוּבָה בָּעַל , c’est très difficile.  

La clef qui détend la difficulté, c’est cette différence de niveau entre la collectivité d’Israël qui reçoit ce verset comme une promesse - au futur de promesse - et l’individu qui doit la recevoir comme un commandement.  

Même pour ceux qui considèrent que la תְּשוּבָה  n’est pas une מִּצְוָה le וִדּוּי est une מִּצְוָה. Dans tous les cas, la תְּשוּבָה  n’est pas authentique en l’absence du וִדּוּי. Or, il y a une מִּצְוָה de la תּוֹרָה instituant l’obligation du וִדּוּי lorsque l’on fait תְּשוּבָה . 

 

Les psychologues savent que tant que celui qui souffre d’un trauma quelconque n’est pas capable d’en parler, il n’y a aucun signe qu’il est en train de guérir. C’est l’aveu qui guérit. La capacité à en parler c’est le signe que la guérison a commencé. Le courage de l’aveu c’est le signe du repentir. Tant qu’il n’y a pas encore le courage de l’aveu, on n’est encore que dans le remord. Le remord est le signe même de la maladie alors que le repentir et l’aveu est le signe de la guérison.  

Nous allons entrevoir que le comportement du repentir est le comportement moral le plus difficile à cause de l’aveu qui est difficile.  

Je me base, en le résumant, sur un enseignement du Maharal dans son commentaire des Pirqey Avot sur l’expression de la Mishna « Yédei Avérah » littéralement « les mains de la transgression », cela veut dire « ce qui mène à la transgression ».

Le Maharal explique ceci :

Il y a un comportement qui mène à toute faute que ce soit. Et les différentes écoles de moralistes le définissent de différentes manières. Pour le Maharal c’est l’orgueil qui mène à quelque faute que ce soit. Donc,  « les mains de la faute », quelque faute que ce soit, c’est l’orgueil.  

A rattacher à notre analyse : Pourquoi l’aveu est le plus difficile ? Parce que toute faute étant une faute d’orgueil, l’aveu est difficile.  

 

On pourrait également citer d’autres écoles de moralistes qui désignent les vertus un peu différentes ou parallèle. Mais le Maharal a consacré un chapitre entier à l’analyse de cette question : la tendance à l’orgueil comme commencement de toute faute.  

Le Malbim a étudié le même thème sur un des Psaumes que l’on lit le vendredi soir :

 «  גֵּאוּת לָבֵשׁ יְהוָה מָלָךְ » Hashem seul  peut s’enorgueillir... »

Le manque d’humilité c’est la faute par excellence pour toute créature.

Seulement d’Hashem on peut dire « lorsque Dieu règne il s’habille d’orgueil ».

Un commentaire attribué au Malbim : « Seul les humbles ont le droit d’être orgueilleux ».   

C’est la même idée :

 

Toute faute est un manque de mérite, un manque de niveau d’être. C’est le signe qu’on n’est pas encore le צַדִּיק accompli, c’est-à-dire la créature réussie. Se prendre pour la créature réussie avant de l’être, c’est cela l’orgueil. C’est donc bien l’orgueil qui est la racine de toute faute.  

 

Une autre école a mis en évidence l’idée que la faute c’est l’ingratitude. Si on étudie bien la portée du récit biblique dans l’ordre de l’échec de la créature jusqu’au moment de la גֵּאֻלָה, on s’aperçoit que tous les récits montrent que la faille vient de l’ingratitude. A lire attentivement dans le Moussaf de Kippour. Quel a été l’échec du 1er homme ? L’ingratitude ! Rappelez-vous l’image précédente : il n’est pas revenu, ayant appris à marcher il est allé ailleurs. C’est l’ingratitude. Et idem dans tous les récits.

 

Je ne peux dire que c’est la même explication car elle est différente du point de vue de l’expérience. Du point de vue intellectuel cela revient au même. Mais finalement, on va viser les comportements moraux dans l’expérience existentiel suivant la sensibilité propre à chaque école de Moussar et c’est très probablement - tout cela qui est vrai à la fois – mais par rapport à l’aspect de la mode culturel du temps considéré. Il y a des temps de culture où il fait bien d’être orgueilleux, d’autre temps où il fait bien d’être ingrat, ...etc. 

 

Retour au problème :

Quand le verset dit :  

30:11

נִפְלֵאת הִוא מִמְּךָ וְלֹא רְחֹקָה הִוא כִּי הַמִּצְוָה הַזֹּאת אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם לֹא 

Car cette מִצְוָה que je te prescris aujourd’hui...

 

C’est évidemment un des commandements de la תּוֹרָה apparemment, de quoi parle-t-il ?

De la תְּשוּבָה d’après le contexte ? Ou parle-t-il d’autre chose ?  

Je m’appuie ici sur l’étude faite par l’avant-dernier Grand Rabbin Bnei Ashkénazi, le Rav Jolti qui est un très grand Darshan, un des plus grands orateurs de l’enseignement de la תּוֹרָה de notre temps. Dans son texte il cite la Mishna que nous allons étudier ensemble.

Chapitre 7, Halakhah 5 des Hil’hot Teshouvah de Maïmonide :  

  1. Tous les prophètes ont prescrit [au peuple] la תְּשוּבָה. C’est seulement par la תְּשוּבָה que le peuple juif sera racheté. La תּוֹרָה a déjà promis que les juifs se repentiront à la fin de leur exil, et seront immédiatement délivrés, comme il est dit : «Or, quand te seront survenus tous ces évènements… tu retourneras à l’Eternel ton D.ieu…l’Eternel mettra un terme à ton exil et aura pitié de toi, et Il te rassemblera du sein des peuples parmi lesquels Il t’aura dispersé ».  

Cela ressemble à une מִּצְוָה. Et ici Rambam entre dans une discussion importante de la Guemara Sanhédrin : est-ce que la גֵּאֻלָה n’est possible que si Israël fait תְּשוּבָה ou bien même sans תְּשוּבָה la גֵּאֻלָה viendra ?

 

Cela semble contradictoire. En réalité le Rambam ne se contredit pas :  

Tous les prophètes (sans exception) ont ordonné la תְּשוּבָה. Et Israël ne sera sauvé que par la תוֹרָה. Et déjà la תוֹרָה a promis qu’en fin de compte Israël fera תְּשוּבָה, à la fin de leur exil, et immédiatement ils seront délivrés.  

Cela veut dire qu’à la fin des temps d’exil, Israël fera תְּשוּבָה et sera donc délivré.

 

Je reprends la difficulté : Rambam commence par dire que tous les נֵבִיִם ont institué le commandement de la תְּשוּבָה. Et d’autre part, nous dit Maïmonide, nous savons par le Talmud qu’Israël sera délivré que s’il fait תְּשוּבָה. Or, quel est le problème ? Ou bien Israël fait תְּשוּבָה  et n’est délivré que s’il fait תְּשוּבָה. Ou bien il fait תְּשוּבָה et ne sera pas délivré mais la גֵּאֻלָה, la délivrance est nécessaire. Cela semble contradictoire ?

 

La solution est particulière à Maïmonide. C’est une promesse que l’on retrouvera dans notre texte :

Dieu fera qu’à la fin de l’exil - si pendant tout le temps de l’exil, Israël n’a pas obéi au commandement de faire תְּשוּבָה - à la fin de l’exil, Israël fera תְּשוּבָה et ils seront délivrés.

 

C’est ainsi que Maïmonide résout la difficulté.  

La תְּשוּבָה est une conduite autonome qui répond  à une obligation. Mais d’autre part c’est une promesse. Et cela se rattache à la discussion de savoir si la תְּשוּבָה est nécessaire pour que la délivrance ait lieu ou bien, si même si la תְּשוּבָה ne marche pas la délivrance aura lieu ?  

Dans le Talmud la discussion s’arrête sur l’opinion de celui qui dit que même sans תְּשוּבָה la délivrance aura lieu. Maïmonide semble choisir l’autre opinion, mais il résout la difficulté ainsi : il y aura תְּשוּבָה mais parce que Dieu nous obligera à faire תְּשוּבָה à la fin des temps, et nous serons délivrés. Nous serons délivrés par la תְּשוּבָה même sans avoir fait תְּשוּבָה. 

Ce n’est pas la peine d’analyser plus profondément.

Vous retrouvez-là l’analyse du Rav Aviner.

 

C’est ce qui s’est passé de notre temps. On a été obligé de faire תְּשוּבָה alors on a été délivré.

Cela ne peut se passer comme le dit Maïmonide qu’à la fin du temps de l’exil, qu’à la fin du temps prévu pour l’exil. Si nous avions obéi au commandement de תְּשוּבָה avant, par l’initiative humaine, l’exil aurait fini bien avant si nous étions revenus par conduite autonome de תְּשוּבָה.  Mais puisqu’on n’est pas revenu par conduite autonome de תְּשוּבָה et qu’on n’a pas mérité suffisamment à l’échelle individuelle, le retour collectif n’a pas pu se faire, alors nous avons été obligés par les événements. Et puisque obligés par les événements nous sommes revenus, alors nous avons été délivrés. La fin de l’exil a eu lieu pour la partie du peuple qui est revenu sur la terre d’Israël.

 

Voilà le verset que Maïmonide cite à l’appui : נִצָּבִים 30:1-4 :

 

Or, quand te seront survenus tous ces évènements… tu retourneras à l’Eternel ton D.ieu…l’Eternel mettra un terme à ton exil et aura pitié de toi, et Il te rassemblera du sein des peuples parmi lesquels Il t’aura dispersé ».  

Le Rambam n’a pas cité le contexte de la Guemara. Déjà dans la Guemara de Sanhédrin, cette solution est indiquée. Peut-être nous entrons-là dans les soucis pédagogiques de Maïmonide qui souhaitait que la גֵּאֻלָה  ait déjà lieu de son temps. C’est pourquoi il y a écrit Mishneh Torah : pour que les חֲכָמִים תַּלְמִידֵי disposent d’un code maniable pour une société qui en a besoin tous les jours et qu’ils n’aient pas à passer des heures dans le Talmud pour savoir comment faire. Il a écritיָד חֲזָקָה  pour qu’un Etat d’Israël éventuel dispose de la constitution. Vous voyez à quel point il nous manque aujourd’hui.  

Il est possible qu’il y ait aujourd’hui un homme de l’envergure de Maïmonide pour nous donner cette constitution, mais tant qu’on ne la mérite pas, il se cache. Cela veut dire que tant que n’est pas venu le moment où elle peut être reçue elle n’est pas donnée...  

Il y a là une situation contemporaine d’éclatement de diasporas intérieures que nous vivons tous les jours qui est l’indice que cela ne peut pas être pire et donc qu’on va être sauvé. Enfin, il y a encore quelques années...

 

Mais je reviens à notre sujet : la Guemara nous dit comment cela va se passer : soit ils font תְּשוּבָה et c’est très bien, soit ils ne font pas תְּשוּבָה  et je leur enverrai un roi plus méchant que Hamann et ils feront תְּשוּבָה ...  

Cela Maïmonide ne l’a pas cité.

Or, c’est comme cela que c’est arrivé : pourquoi Israël est revenu ?

En fin de compte parce que les grands pogroms ont commencé. Et avant même Hitler il s’agissait de faire תְּשוּבָה.  

Il est évident qu’il est très paradoxal de découvrir cela : quand les Juifs qui ne se basent pas sur la תוֹרָה disent pourquoi ils sont revenus : « à cause des persécutions », c’est précisément ce que la תוֹרָה dit. Il faut leur dévoiler qu’ils sont en ordre. Il aurait fallu éviter cela, mais c’est ce que la תוֹרָה a dit. En venant en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל même comme terre d’asile on commence à accomplir le programme de la תוֹרָה.  

Par conséquent, des deux côtés, ou il n’y a pas du tout à récuser l’authenticité du retour de ceux qui sont revenus comme cela, avec leur argumentation, sans aveu.  Et il n’y a pas non plus à mépriser ce comportement. Il y a bien au contraire à l’éclairer en dévoilant à ceux qui sont dans ce cas qu’ils sont plus צַדִּיקִים qu’ils le pensaient, en tout cas bien plus צַדִּיקִים que ceux qui ne reviennent pas tout en étant des hommes de la תוֹרָה.

 

Rambam nous pose clairement cette difficulté. 

=>  D’une part c’est une מִצְוָה que tous les נֵבִיִם ont prescrit comme מִצְוָה,

=>  D’autre part c’est une promesse que cela arrivera.

 

Il souhaitait que ce soit le cas de son temps. Il s’est bien aperçu que les Juifs étaient occupés ailleurs pendant que lui aurait voulu avec d’autres Rabbins la גֵּאֻלָה de ce temps-là. Pendant ce temps-là les Juifs s’occupaient de fonder Amsterdam et la Nouvelle Amsterdam, d’amener la bénédiction dans les Balkans, de préparer les villas au Maroc et ailleurs... jusque dans les confins de partout. Devant ce diagnostic il ne dit pas ce qui arrivera, il a laissé cela dans le mystère. Comment Dieu va s’y prendre pour que les Juifs reviennent quand même ? Cela la Guemara le dit : ils y reviendront dans la difficulté mais c’est la גֵּאֻלָה.

 

***

 

Q : Si Rambam explique que Israël à la fin des temps sera obligé de faire תְּשוּבָה cela veut-il dire qu’il adopte comme opinion que même sans תְּשוּבָה il puisse y avoir une גֵּאֻלָה puisque c’est une תְּשוּבָה obligée ?

R : Pas du tout. Parce que tout le monde a été obligé, mais seuls ceux qui ont fait une תְּשוּבָה  obligée l’ont faite. Dans cette obligation de faire תְּשוּבָה de tout le monde, une partie d’Israël a fait תְּשוּבָה. Par conséquent, il y a quand même un זְכוּת.

 

Encore un point : la Guemara (Sanhédrin 97b 98a) est très claire : la discussion est entre Rabi Yehoshouah et Rabi Eliezer. Selon le premier il faut  faire תְּשוּבָה et il cite des versets à l’appui.  Selon le 2nd sans תְּשוּבָה, et il cite des versets. A la fin au dernier verset cité par Rabi Eliezer, Rabi Yehoshouah se tait et ne cite pas de verset. Beaucoup de commentateurs anti-messianiques diront : il n’en pensait pas moins. On n’en conclut qu’il est d’accord avec lui car il n’a pas cité de verset.    

La réponse dans la même page de Sanhedrin : s’ils méritent la גֵּאֻלָה est avancée et c’est là qu’il faut faire תְּשוּבָה. S’ils ne le méritent pas elle viendra en son temps et là il n’y aurait pas besoin de תְּשוּבָה, c’est le temps qui fera la תְּשוּבָה.

 

Le Rav a fait ici un חִדֻשׁ: quand le temps arrivera on fera quand même תְּשוּבָה mais une תְּשוּבָה obligée.

 

Le peuple juif a vécu l’événement qui l’obligea à faire תְּשוּבָה, mais c’est une partie du peuple seulement qui a fait תְּשוּבָה, mais il y a mérite quand même. 

 

En ce qui concerne la sortie d’Egypte :

Cf. début de Parashah וָאֵרָא: 6 :4

וְגַם הֲקִמֹתִי אֶת בְּרִיתִי אִתָּם לָתֵת לָהֶם אֶת אֶרֶץ כְּנָעַן אֵת אֶרֶץ מְגֻרֵיהֶם אֲשֶׁר גָּרוּ בָהּ

Et aussi j'avais établi mon alliance avec eux en leur faisant don du pays de Canaan, cette terre de leurs pérégrinations où ils vécurent étrangers

 

 אִתָּם בְּרִיתִי  אֶת הֲקִמֹתִי  וְגַם -

La sortie d’Egypte s’est faite הָעֶלְיוֹן בְּחֶסֶד sans mérite parce qu’une promesse devait être accomplie. Il y avait quand même, un peu à la manière de ce que je viens de dire, quelque chose de l’ordre du mérite puisque seuls ceux qui ont mérité sont sortis et les autres ne sont pas sortis !

Mais le Midrash intervient et décrit un mérite qui aujourd’hui nous ferait sourire parce qu’on ne comprend pas à quel point c’est important : « ils n’ont pas changé leur noms, leur langues, leur vêtement, et ont conservé leur pureté familiale... » C’est cela le mérite de la תְּשוּבָה.  

Comparé avec la situation d’aujourd’hui, et toute comparaison doit être faite à un niveau d’analogie, c’est bien ce qui est arrivé : seuls ceux qui voulaient se retrouver Juifs en Hébreux sont revenus : c’est-à-dire ne pas changer leur nom, leur langue, leur vêtement : le Talit ou le drapeau (bleu et blanc, c’est la même chose à ce niveau-là), il ne s’agit pas du Kartan des Sefardim ou de la capote des nationalistes qui sont des vêtements adoptés, sacralisés. Ce ne sont pas des vêtements hébreux mais juifs. Ils sont des vêtements adoptés, ils ne sont pas d’Israël.  

Il y a eu au 2nd degré cette fidélité-là qui explique le comportement des sociétés ‘Harediot : c’est à un certain moment de leur histoire qu’ils ont décidé de ne plus changer, mais elles sont habillées ainsi parce qu’elles ont changé avant... Il y a là un réaménagement de sensibilité à faire : bien sûr que c’est juif, mais ce n’est pas juif d’Israël, mais juifs deגָלוּת   ! C’est un événement important d’être habillé à la manière des ancêtres. Mais quels ancêtres ? Ceux du passage contingent et arbitraire de cet âge ou ceux des ancêtres sémites hébreux ?

 

Avec ces tentations ratées dans les erreurs de tirs du retour aux sources d’aller chercher le modèle chez les arabes...  

En réalité, on ne sait plus comment est ce vêtement ? Ce n’est pas grave car Israël va le réinventer et ce sera le vêtement hébreu, c’est ce la qu’il faut comprendre, et non pas la fidélité au vêtement deגָלוּת  .

 

Une anecdote que le Rav Tsvi Yehoudah Kook m’a raconté : il y a très longtemps son père a été invité à célébrer le mariage de tout nouveaux  juifs palestiniens d’avant l’Etat d’Israël. Il s’agissait d’un Kibboutzim qui était en uniforme de Kibboutzim sous la ‘Houpah avec une casquette de שׁוֹמֵר. Marié à une fille ‘Harédi. Il y a eu une émeute : comment le Rav pouvait-il bénir un tel mariage sous la ‘Houpah kadosh avec cette casquette  ? Il leur a répondu : la casquette du שׁוֹמֵר est dans la תוֹרָה: « שֹׁפְטִים וְשֹׁטְרִים, תִּתֶּן-לְךָ» c’est un verset clair. Tandis que le reste n’y est pas...  

Il faut arriver à ce stade, il faut un effort de vision aigüe pour savoir que ce qui est hébreu est קָדוֹשׁ en tant que c’est hébreu, et qu’il y a une קְדוּשַה à laquelle on s’est déshabitué pendant 2000 ans. On a une קְדוּשַה transfigurée qu’on reconnait même dans des véhicules qu’on a sacralisés mais qui n’était pas les véhicules normaux, naturels יִשְׂרָאֵל עַם. Aujourd’hui je crois que la société juive où qu’elle soit, et surtout en Israël, sans ses habits traditionnels (Kaftans et autres) ne serait pas ce qu’elle doit être. On ne pourra plus s’en passer.  

 

Le Midrash qui nous parle des mérites grâce auxquels les hébreux sont sortis d’Egypte nous diagnostique avant la lettre ce qui s’est passé de notre temps. Cela veut dire que dans notre langage moderne contemporain qui est très partiel, ce sont des critères d’ordre nationaux de fidélité nationale et non pas du tout des critères de niveau religieux dans le sens théologique. C’est bien évident.  

 

Les artistes israéliens de la génération montante, dans la mesure où ils ne se coupent pas de leur origine juive retrouveront de quoi il s’agit. Ils nous donneront les comportements hébreux parce qu’ils seront redevenus hébreux. A quoi cela ressemble-t-il ? Le Rav Kook a un chapitre là-dessus : il faut être צָבָר - né de la terre d’Israël pour être prophète. Il n’y aura que les צָבָרים qui seront prophètes. C’est un peu cela : tout comme il n’y aura que les artistes hébreux israéliens qui seront juifs. Jusqu’à présent il n’y a pas d’artiste. Il y a un art גוֹי « enjuivé ». Comme les ‘Hanoukiot. Un jour on aura une ‘hanoukia israélienne. L’art des juifs a toujours été un art גוֹי sur lequel on a mis un accent de sainteté.

 

***

 

Je termine l’analyse :

La solution c’est qu’on ne parlait pas de la même גֵּאֻלָה dans la discussion du Talmud. Quand Rabi Yehoshouah dit qu’il faut le mérite, il parlait de la גֵּאֻלָה bimei rabe yaménou  il parle de גֵּאֻלָה le plus vite possible. Quand rabbi Eliezer dit qu’on n’a pas besoin du mérite il parle de la גֵּאֻלָה ultime de la fin des temps.     

Il y a là une ligne de lecture depuis le temps des prophètes, surement depuis le temps de la תוֹרָה,  que les deux lignes étaient possibles. Et que de plus en plus les sages d’Israël, et premièrement les prophètes, ont vu qu’Israël avait finalement choisi la ligne de l’attente jusqu’au dernier rendez-vous. C’est pourquoi avec le temps les sources qui parlent de l’éventualité catastrophique (תְּשוּבָה obligée forcée) sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus détaillée. 

 

Je reprends le texte du Rav avant de conclure :

Dans les Hil’hot Teshouvah  il est bien clair que Rambam résout la contradiction en penchant pour  la תְּשוּבָה – en tant que promesse qu’Israël fera תְּשוּבָה - et non pas en tant que commandement.

Le Rav explique de la manière suivante :

Pour le Rambam la תְּשוּבָה est un comportement naturel du צַדִּיק et donc on ne peut pas légiférer sur un comportement naturel puisque c’est une tendance pour laquelle il n’y a pas de liberté. Où est donc l’aspect de la מִצְוָה ? C’est que lorsque ce comportement arrivera en fin de compte avec la promesse qu’il arrivera il faut l’authentifier. Le commandement est donc l’aveu du וִדּוּי.

 

Comment va-t-il expliquer alors notre verset où l’on parle de la מִצְוָה ? En nous disant que la מִצְוָה dont parle ici la תוֹרָה n’est pas la תְּשוּבָה mais l’étude de la תוֹרָה!

Parce que c’est l’étude de la תוֹרָה qui fera qu’en fin de compte on fera תְּשוּבָה.

 

Quand notre texte dit :

30:11

נִפְלֵאת הִוא מִמְּךָ וְלֹא רְחֹקָה הִוא כִּי הַמִּצְוָה הַזֹּאת אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם לֹא

Car cette מִצְוָה -là que Je te prescris aujourd’hui  Elle n’est pas trop merveilleuse pour toi

Elle n’est pas trop loin de toi...  

Il ne s’agit pas tellement de la מִצְוָה de la תְּשוּבָה mais de celle de l’étude de la תוֹרָה. 

 

Nous sommes en présence d’une problématique : le Rambam parle au plus au niveau d’authenticité de l’homme : si l’homme est véritablement sensible aux valeurs, il n’y a pas à lui commander le retour à la vertu quand il l’a perdu, c’est sa propre nature qui l’obligera à le faire. Et c’est vrai pour la תְּשוּבָה individuelle et c’est vrai pour l’histoire d’Israël. Si Israël est vraiment le peuple d’Israël, il n’y a pas à lui commander de revenir de l’exil, il y reviendra de lui-même, avec la nuance du point de vue de la juridiction que cela ne peut être authentique qu’avec l’aveu.

 

Si on est réfractaires à l’aveu alors on arrive au verset 6 : Dieu intervient :  

30:6

וּמָל יְהוָה יְהוָה אֶת לְבָבְךָ וְאֶת לְבַב זַרְעֶךָ לְאַהֲבָה אֶת יְהוָה אֱלֹהֶיךָ בְּכָל לְבָבְךָ וּבְכָל נַפְשֶׁךָ לְמַען חַיֶּיךָ

Dieu circonciras ton cœur de telle sorte que tu puisses savoir parler... (avouer)

 

Na’hmanide :

Alors que le Ramban va établir l’aspect de commandement de la תְּשוּבָה parce qu’il prend le problème au niveau de la réalité qui se trouve pendant tout le temps qui va jusqu’à la fin des temps. L’histoire ayant donné finalement raison à Maïmonide. Si Israël est revenu c’est qu’il ne pouvait pas faire autrement que de revenir. Pas parce qu’il y avait un commandement de revenir.   

Quand est-ce que Dieu a donné le feu vert pour que la possibilité de revenir en fin de compte, dans toutes les difficultés que nous connaissons depuis 100 ans dans notre histoire, 38 ans après l’état où nous trouvons ? C’est quand le peuple juif a décidé de fonder un mouvement qui s’appelait le mouvement du retour. Le seul messianisme cachère aux yeux de Dieu a été le mouvement sioniste. Pourquoi ? Parce qu’il s’agissait d’une décision du peuple juif de revenir en tant que nation !

Alors cela a réussi. Dans les difficultés que nous connaissons, mais c’est arrivé en 1948. Quelque chose de tellement énorme qu’on ne se rend plus compte que c’est arrivé.

 

Pendant 2000 ans, c’est impossible! A partir de 1948 c’est possible!

Tous ceux qui sont nés après sont défavorisés par qu’ils ne sauront jamais ce qui s’est passé. Sauf intellectuellement. En même temps ils sont privilégiés : ils entrent dans un monde où il y a déjà Israël ! Je vois cela avec mes propres enfants : ils sont nés après l’Etat d’Israël. J’ai connu le monde où il n’y avait pas Israël mais des juifs dispersés. Et voilà que subitement il y a Israël ! Ce n’est plus le même monde. Cela n’a rien à voir. Pas seulement pour les juifs mais pour le monde entier.  

 

D’où cela est-il venu ? D’un surcroit de piété ? Il n’y avait pas de תְּשוּבָה בָּעַל à l’époque !

Le seul mouvement fut celui du sionisme, purement et simplement. C’est-à-dire la décision de la nation juive comme telle de se définir comme nation du retour en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל pour fonder la nation. Ce fut un mouvement national qui a montré à Dieu qu’Israël avait compris et qui a mené à la déclaration Balfour. Avec toutes les difficultés qu’il y a eu, et qui continuent. Mais c’est cela qui s’est passé.  

 

Tout ceux qui font תְּשוּבָה  aujourd’hui dans un sens premièrement religieux, le font dans des conditions privilégiées, et quand ils sont ici, ils ne le sont que grâce à ce qu’il s’est passé de façon irréversible en 1948. Tout a changé. Il est bien évident que cette 2ème étape qui s’annonce déjà - pas seulement « עַד תְּשוּבָה » mais «אֵל תְּשוּבָה » - pas seulement en Israël mais avec la תוֹרָה – n’aurait jamais été possible s’il n’y avait pas eu la première étape.   

Et je crois qu’il est important de le dire aux 2 parties : ceux qui font תְּשוּבָה à la תוֹרָה

et s’enferment là où ils s’enferment le doivent à ceux qui sont revenus sans dire de quoi il s’agissait. Et qu’inversement, ceux qui sont revenus sans dire de quoi il s’agissait, sachent la grande chose qu’ils ont faite, et que c’est dans la תוֹרָה! Peut être cela aidera un jour à dévier ce dialogue impossible entre les uns et les autres et réciproquement.

 

Q : inaudible. [Israël a voulu rester enגָלוּת  ?]

R : Evidemment. C’est comme dira le Midrash un père mécontent de son fils et qui l’envoie et ajoute « et reviens vite ! ». Mais pourquoi attendre la fin des temps. Le Midrash surתִּשְׁעָה בְּאָב le dit de façon claire : le jour de la destruction du Temple, le Messie est né. Mais on n’en a pas voulu. Si on avait voulu, on serait revenu tout de suite... Concrètement c’est un père qui dit à ton fils : « méchant va- t-en, reviens ! ». Et le fils n’entends que le « va-t-en ! »

Mais il y a avait un temps de rendez vous : Ou bien vous me laissez vous faire revenir et vous revenez tout de suite, ou bien vous ne me laissez par vous faire revenir et vous reviendrez quand même. Et alors on a attendu de revenir quand même.

 

C’est ce que le Rav Aviner vous aurait dit à sa manière :

Au fond que faisons-nous ? C’est quelque chose d’assez inouï qui fait partie du caractère ubuesque de l’histoire juive contemporaine. Cela consiste à enfoncer des portes ouvertes avec des tanks. Inouï de voir refuser l’évidence qui nous justifierait. C’est incompréhensible de voir à quel point on s’est dénaturé pendant l’exil.  

Il y a une explication de l’exil qui est qu’Israël est tombé malade, au temps du 1er du 2ème temple. Alors Dieu l’a envoyé en convalescence se soigner et se guérir. Dieu lui dit « tu es guéri, reviens ! » Israël répond que non : en partant il avait pris une valise de médicaments qu’il n’a pas encore finis... Il reste encore des médicaments...

 Reviens tu es guéris !

C’est ce qu’on a à leur dire aujourd’hui. Ce sont les מִצוֹת enגָלוּת .

Jette tes médicaments et reviens ! 

Ce sont des évidences élémentaires.

 

C’est ce qui commence avec notre ancêtre Abraham. Relisez bien les chapitres 14-15-16 de בְּרֵאשִׁית.

Dieu dit à Abraham : « tu sais c’est toi ! ». Abraham: « t’es sûr ? ». Maharal en citant le Talmud y voit la cause de l’exil.

Si tu n’es pas sûr, va te rassurer là-bas... et tu reviendras en étant sûr...

C’est ce qui se passe actuellement après 2000 ans d’exil épouvantables, Dieu leur dit que c’est fini.

Mais le peuple juif a encore des médicaments...

 

 

 

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Hubert HACMAN

11 Septembre 2022 à 15h24

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souheaila HAMIDA

06 Septembre 2018 à 20h17

je suis très touché par cette enseignement que je qualifierais d'initiatique
c'est merveilleusement expliqué faire Teshouva faire retour a ce qui est a l’intérieur de nous , et tout les autres sujets telle que l'EXIL intérieur qui s'explique par l’éloignement de la présence divine, quand je suis identifié a ma personnalité.
je rend grâce,d'avoir eu la chance d’écouter cela, et tout ce que cela a provoquer en moi je rend grâce a Hachem
merci a vous tous.