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KI TISSA - SÉRIE 1980 (3/3)

Le cours

 

  (1980)  כִּי תִשָּׂא

 

Ces deux Sidrot שְׁמוֹת et וַיֵּרָא sont le récit des événements qui vont déclencher la sortie d’Egypte. Dans tout le livre de שְׁמוֹת, toutes les Parashiot vont par deux.

שְׁמוֹת et וַיֵּרָא sont le récit des événements qui vont déclencher la sortie d’Egypte. Le thème par rapport à ce sujet c’est que les événements de la sortie d’Egypte sont déclenchés plus rapidement que prévu. La prophétie de l’exil à Abraham c’était 400 ans, et finalement c’est au bout de 210 ans seulement que les événements vont être déclenchés. D’où du point de vue de ce sujet le sens du détail du récit.

 

Il y a dans la תּוֹרָה 3 durées mentionnées pour l’exil : 430, 400, 210 ans :

La durée des 430 ans commence à la prophétie dévoilée à Abraham qui lui annonce qu’il vivra en גָלוּת. C’est le contexte de בְּרִית בֵּין הַבְּתָרִים – l’alliance entre les morceaux.

La durée des 400 ans commence à partir de la naissance d’Isaac.

La durée des 210 ans à partir de la descente de Jacob en Egypte.

 

Il y a d’autres chiffres qui sont plus en filigrane. En fait, il y a une date importante c’est celle de la descente de Joseph en Egypte.

 

שְׁמוֹת et וַיֵּרָא concernent les événements qui préparent le déclenchement de la sortie d’Egypte. Pourquoi y-a-t’il un problème ? C’est parce que ce déclenchement doit se faire avant le temps prévu pour deux raisons :

 

  • une raison extérieure : la persécution.
  • une raison intérieure : l’assimilation.

 

Et c’est le même problème actuellement en גּוֹלַה.

 

Ensuite :

בֹּא  et בְּשַׁלַּח qui concernent les événements de la sortie d’Egypte.

Il y a deux niveaux : la sortie d’Egypte elle-même qui est commémoré à Pessah et  le 2ème niveau dans בְּשַׁלַּח: le passage de la mer rouge qui est commémoré le 7ème jour de Pessah.

 

Ensuite :

יִתְרוֹ et מִּשְׁפָּטִים, c’est la révélation de la תּוֹרָה.

Dans יִתְרוֹ, la תּוֹרָה שֶׁבִּכתָּב avec les 10 commandements et dans מִּשְׁפָּטִים, déjà, le principe de la תּוֹרָה שֶׁבְּעַל פֶּה, l’application des principes.

 

Il y a donc trois événements : la sortie d’Egypte, le passage de la mer rouge, et la תּוֹרָה.

C’est la 1ère partie du livre de שְׁמוֹת.

 

Il y a une tradition que les initiales de ces Parashiot donnent le mot שׁוֹבָבִים.

Toute cette période où l’on lit ces Parashiot-là s’appelle la période de שׁוֹבָבִים. Il y a un rituel particulier dans cette période de l’année qui est connue des communautés les plus traditionnalistes où il y a en plus des prières habituelles des prières qui se relient à cette période-là.

 

שׁוֹבָבִים pluriel de שׁוֹבָב =  enfant turbulent en hébreu moderne. Cela a même pris un sens affectueux.

שׁוֹבָב = rebelle dans l’hébreu biblique. Cela vient de la racine שׁוּב = revenir.

 

De la racine שׁוב il y a deux substantifs :

  • תְּשׁוּבָה = repentir : on revient sur ce qui a été fait pour לְתָקֵן réparer.
  • מְשוּבָה = revenir pour recommencer : d’où la notion de rébellion.

 

Vous vous rappelez du chemin de la תְּשׁוּבָה: il y a un chemin droit dont on s’est écarté. La תְּשׁוּבָה c’est revenir là où l’on s’est écarté pour reprendre le chemin droit. משוּבָה = la récidive, revenir sur l’action pour recommencer la même erreur. תְּשׁוּבָה = revenir sur l’action pour la réparer. שׁוֹבָב est donc l’adjectif du substantif מְשׁוּבָה. Celui qui est שׁוֹבָב et qui fait le contraire de la תְּשׁוּבָה, la מְשׁוּבָה. L’adjectif du substantif תְּשׁוּבָה pour désigner ceux qui reviennent, c’est שָׁב au singulier et שָׁבִים au pluriel. שָׂבִים avec le שׂ signifie autre chose : סָבָא avec un Samekh est un mot araméen et qui signifie grand-père et le mot correspondant en hébreu est שׂבָע avec un Sin qui veut dire aussi le vieillard. Pluriel שׂבים = les vieillards.

שָׁבִים c’est ceux qui reviennent.

 

Il y a une leçon de morale que l’on a l’habitude de donner : ne pas attendre d’être vieux pour faire תְּשׁוּבָה.  Il y a dans un poème de Judah Halévi une jolie formulation: « Donne-moi la force de me courber avant que ce soit mes os qui se courbent ».

 

Pourquoi avoir appelé cette période du mot qui apparait-là : « שׁוֹבָבִים » ?

Parce que cette sortie d’Egypte a été si difficile parce que les Hébreux étaient rebelles à la sortie. L’idée est très simple. Tout ce qui nous est raconté là c’est ce qui a dû se passer dans la stratégie de l’histoire pour que la sortie d’Egypte soit possible parce qu’il y avait une résistance à la sortie d’Egypte. Les Hébreux étaient שׁוֹבָבִים alors il s’est passé tout cela...

 

Ensuite, on arrive à la 2ème partie du livre de שְׁמוֹת avec d’autres זוּגוֹת:

תְּרוּמָה - תְּצַוֶּה dont le sujet est la construction du Tabernacle.

כִּי-תִשָּׂא fait apparemment exception dans ce tableau et son sujet principal est la faute du veau d’or.

וַיַּקְהֵל - פְקוּדֵי: on y reprend les lois concernant la construction du מִּשְׁכָּן.

 

La série des שׁוֹבָבִים  concernent ce qui s’est passé pour que la sortie d’Egypte soit possible, et on abouti à la révélation de la תּוֹרָה, et ensuite vient la 2ème série des Sidrot concernant la construction du מִּשְׁכָּן. C’est un sujet très important que je vais vous formuler rapidement : La cohérence de l’ensemble du livre de שְׁמוֹת montre que l’objectif de la sortie d’Egypte c’était la construction du מִּשְׁכָּן.

 

Il y a un fait de structure qui apparait dans le récit et qui va nous servir d’introduction à notre sujet : Il y a une 1ère fois où les lois sont données pour la construction du מִּשְׁכָּן et puis arrive une catastrophe par la faute du veau d’or, alors les lois de la construction de ce même מִּשְׁכָּן sont reprises dans un autre sens.

 

Voilà le thème que nous allons étudier. A priori de la faute, la fonction du מִּשְׁכָּן comme préfiguration du בֵּית הַמִּקְדָּשׁ: c’est parce que ce peuple a été rebelle qu’il a fallu une sorte d’éducation supplémentaire durant les 40 ans du désert qu’il y a eu cette parenthèse des 40 ans du désert. Sinon ils seraient rentrés directement d’Egypte en Israël. Et par conséquent il n’y aurait pas eu ce מִּשְׁכָּן provisoire, une sorte d’apprentissage – le מִּשְׁכָּן c’est le Temple dans le désert – le Tabernacle dans le désert – il y aurait eu directement la construction du Temple à Jérusalem.

 

Et donc, à priori de la faute, la fonction du culte dans le temple n’était pas la fonction d’expiation. Mais à postériori de la faute, la fonction du culte dans le Temple deviendra aussi, j’ajoute aussi, la fonction d’expiation.

 

Il y a là un thème extrêmement important : A priori, l’objectif du culte dans le temple c’est le culte des sacrifices et ce n’était pas l’expiation. Mais cette dimension de la fonction d’expiation va apparaître à postériori de la faute, parce qu’il y a eu faute.

 

Quel devait être la fonction du בֵּית הַמִּקְדָּשׁ à priori de la faute ?

Maintenant que nous sommes habitués à l’idée que la fonction du sacrifice c’est en hébreu כַּפָּרָה c’est-à-dire beaucoup de choses mais pour notre sujet : expiation.

Nous étudierons en quoi le sacrifice est-il le culte de l’expiation ?

Et nous serons gênés par le terme de « sacrifice » car le terme hébreu de « קָרְבַּן » a une toute autre signification. Mais provisoirement, on conservera ce terme de « sacrifice ». Il s’agit du même acte mais le terme de « sacrifice » vient du latin.

 

Nous sommes donc habitués à ce principe que la fonction du sacrifice c’est l’expiation de la faute et il y a des rites de sacrifices très différents. C’est une חוֹכְמָה pour elle-même. Il y a autant de sorte de rites de קָרְבַּן - traduit par sacrifices - qu’il y a de conduite dans la conduite humaine. C’est une science pour elle-même à laquelle on n’est plus habitué parce que cela fait 2000 ans que le Temple n’existe plus et au bout de 2000 ans on s’est complètement déshabitué à comprendre quoique ce soit de ce culte-là.

 

Le seul culte normal de la loi de Moïse c’est le culte des sacrifices. La prière c’est autre chose. Le culte qui correspond à cette religion de la loi morale ce sont les sacrifices. Mais nous sommes surtout habitués au fait que cela signifie l’expiation. 

 

Questions :

A priori de la faute quelle serait cette עֲבֹדַה du בֵּית הַמִּקְדָּשׁ?

En quoi consiste le culte des קָרְבַּנוֹת dans le מִּשְׁכָּן si leur fonction n’est pas la כַּפָּרָה?

A postériori de la faute, la dimension de כַּפָּרָה apparait, mais à priori de la faute quel en est le sens ? Réfléchissez-y.

 

Je vais simplement vous expliquer cette notion de כַּפָּרָה pour expliquer ce que je viens de dire :

Le עֲבֹדַה, le culte normal de la loi de Moïse, c’est les sacrifices dans la fonction d’expiation.

L’explication est simple et se relie au problème de la תְּשׁוּבָה, le repentir : si j’accepte d’être jugé par la loi morale ; et habituez vous bien à cette idée que la seule tradition religieuse où la morale et la religion coïncide c’est la tradition biblique qui n’est bien entendu authentique que dans la tradition du judaïsme. Car partout ailleurs la morale et la religion sont séparées, même si cela se recouvre dans certaines conduites, mais en principe la conscience humaine en dehors d’Israël a séparé la religion et la morale.

 

Exemple d’un livre célèbre d’un philosophe célèbre: « les deux sources de la morale et de la religion » d’A. Bergson d’origine juive qui a perçu le problème mais l’a abordé comme un Goï.

 

Et par conséquent, si j’accepte d’être jugé pour le sens de ma destinée par la loi morale, je suis devant un problème insoluble parce que je sais très bien que ce qui me définit comme homme c’est la liberté ; et la liberté c’est le risque de la faute, et par conséquent à la première faute je risquerais d’être condamné s’il n’y avait pas la soupape de l’expiation, de la כַּפָּרָה

. Littéralement, originellement, le sens signifie « recouvrir » : cette capacité de recouvrir la faute. לְכָפֵּר= en hébreu c’est d’abord recouvrir. Le sens ici pour notre sujet c’est « expier ».

 

Dès que le principe de la loi de Moïse apparait, alors il apparait comme relation nécessaire que le culte c’est donc le culte de l’expiation. Il n’y en a pas d’autre. La prière c’est autre chose. C’est une toute autre stratégie spirituelle qui consiste à demander une בְּרָכָה supplémentaire à ce qu’il y a dans mon monde. Rien à voir avec le problème de la  עֲבֹדַה qui est celui de l’expiation.

Cette idée que la prière c’est le culte par excellence est très dérivée.

 

A postériori de la faute, et c’est prévu à priori, mais cela ne se dévoile à postériori que dans les deux Sidrot après  כִּי-תִשָּׂא, à postériori de la faute, la עֲבֹדַה, le culte, va prendre la dimension de l’expiation. Mais a priori de la faute quelle devait être la עֲבֹדַה compatible avec מֹשֶׁה תוֹרָת?

Je vous pose la question mais n’y répond pas aujourd’hui. Réfléchissez au problème.

 

Je reviens à notre question : Vous allez un peu percevoir l’importance du problème : tout se passe comme si se produit au moment de la sortie d’Egypte pour la génération qui est sortie d’Egypte et qui est le commencement de l’histoire d’Israël à l’échelle collective comme nation, ce qui s’est produit à l’échelle individuelle au temps d’Adam HaRishone au commencement de l’humanité.

 

L’histoire collective d’Israël commence sur un rythme parallèle à l’histoire de l’humanité entière avec la faute du 1er homme. Tout se passe comme si il y a ici une espèce de « péché originel » du commencement de l’histoire d’Israël, quelque chose qui va handicaper dès l’origine et qui va nous accompagner jusqu’à la fin des temps. Et c’est très parallèle à ce qui se passe au début de l’histoire de l’humanité avec le חֵטְא de הָרִאשׁוֹן אָדָם: le fait que l’histoire de l’homme commence avec une faute.

 

Enlevez de votre mémoire tout ce que les Chrétiens ont pu dire de cette histoire du « péché originel ». Nous retrouverons cette notion mais elle n’a pas du tout la même signification que dans la théologie chrétienne. Pour celle-ci, nous naissons damnés de la faute du péché originel. Ce qui est une notion monstrueuse ! La catégorie de base d’une telle théologie est d’une injustice colossale et incompréhensible ! En fait, ce qu’il y a d’originel dans la nature humaine c’est la liberté, donc la capacité de fauter et non pas la fatalité de fauter. C’est dire que chaque fois que quelqu’un faute, il commence à faire la faute de l’origine. C’est en ce sens-là seulement qu’on peut garder, en français en tout cas, l’expression de « péché originel », cela veut dire le péché de l’origine de tout péché.

 

Il y a quelque chose d’analogue. D’où l’importance de ce récit.

Dès le commencement de son histoire le כְּלָל יִשְׂרָאֵל va être handicapé par ce qui se passe-là. Et c’est donc très parallèle au récit de la faute du 1er homme. Mais c’est en dehors de la catégorie de la damnation de la théologie chrétienne

 

כִּי-תִשָּׂא - Chapitre 32 Verset 7 :

 

Du point de vue des événements historiques dans lesquels s’insère cet événement de la faute du veau d’or.

Une première question de vocabulaire :

Cette expression de « faute du veau d’or » en français a été utilisée dans le vocabulaire de l’antisémitisme reliée à l’accusation de cupidité des Juifs. Cela n’a aucune base dans le récit, en fait c’est tout à fait différent. Ils ont fabriqué une idole et s’agissant de gens pieux ils l’ont faite en or, mais il ne s’agit pas d’adorer l’or.

La gravité de la faute réside dans le veau et non dans l’or. Le fait que l’idole soit en or a un sens. Ce sens aurait été différent dans la חוֹכְמָה de l’idolâtrie si l’idole avait été en argent ou en airain... en bois ou en pierre.     

 

Ceux qui ont fait cette faute du veau d’or, d’abord ce n’étaient pas des Hébreux, et deuxièmement ce qu’ils ont voulu faire n’était pas une idole pour remplacer Dieu qui s’est révélé au Sinaï mais pour remplacer Moïse. Il y avait là une sorte de faute qui est d’idolâtrer Moïse, Ce qu’on appelle aujourd’hui le culte de la personnalité, divinisant Moïse.

 

Ce qui se révèle lors de cet épisode de la faute du veau d’or c’est que la partie du peuple qui accompagnait les Hébreux avait une faute préalable : la tendance à diviniser Moïse. Ce qui est la définition de l’idolâtrie que reprendra le christianisme d’ailleurs.

 

La personnalité de Moïse dans la tradition biblique juive : la seule tradition qui n’a pas divinisé ni idolâtré le héros fondateur. Au point qu’il est nécessaire de ne pas savoir où Moïse est enterré pour éviter un culte du Saint-Sépulcre... Au point qu’on va même risquer une sorte d’ingratitude dans la Haggadah de Pessah vis-à-vis de Moïse, intentionnellement pour éviter ce culte de la personnalité. Le nom de Moïse n’y apparait pas. Pour pas qu’on croit que c’est Moïse qui nous a fait sortir d’Egypte. Pour éviter que cela se charge d’une idolâtrie mystique aucune allusion à Moïse.

 

Il y a un cas particulier, dans l’Islam de tradition abrahamique, où le prophète qui transmet la révélation de Dieu se met en parenthèse et est mis entre parenthèse pour éviter le risque de l’idolâtrie. Un musulman authentique est en dehors de ce risque de l’idolâtrie. Chez les mystiques musulmans pas de tombe de Mahomet.

 

Les mystiques musulmans soufis ont des כַּוַּנוֹת – des intentions de prières – l’incantation de la profession de foi de l’islam est « il n’y a de Dieu que Dieu et Mahomet est son prophète ». Dans la כַּוַּנַה des mystiques à ce moment-là ils ont tout un processus d’unification de la personne humaine dans la formulation de la 1ère partie. Ils prennent une inspiration « Il n’y a de Dieu que Dieu » avec un cheminement intérieur dont je ne vous donne pas le détail, et ensuite le résultat de l’inspiration c’est l’expiration. C’est le geste de rejetter le déchet part l’expiration : « et Mahomet est son prophète ».

  

Rien à voir avec les כַּוַּנוֹת impures des Chrétiens pour qui c’est l’homme-Dieu et le Dieu homme divinisé... c’est l’idolâtrie absolue. La faute ici c’est d’abord la divinisation de Moïse. Dans tous les cas, sauf pour Israël et l’islam le fondateur a été divinisé.

 

Même comme une culture aussi athée apparemment que le marxisme a divinisé ses héros, les a embaumés comme en Egypte : le culte de la personne alitée dans les sarcophages du Kremlin... Une véritable église d’idolâtres ! Cf. le culte de Staline « petit père des peuples » et celui de Mao en Chine…

 

Il y a donc eu la révélation du Sinaï et Moïse est monté sur la montagne pendant 40 jours pour recevoir la תּוֹרָה. Or, il leur avait donné rendez-vous 40 jours après. On apprend que Moïse va tarder 6 heures sur le compte qu’ils attendaient et c’est la panique...

Ils avaient donc un compte astrologique différent. Et puis voilà qu’ils ont cru que Moïse a tardé et qu’il est monté au ciel pour ne plus revenir et ils veulent lui faire un culte. Leur faute est au niveau de leur relation avec Moïse. C’est une des raisons selon la קַבָּלָה pour laquelle le nom de Moïse doit disparaître des Parashiot qui parlent de la construction du temple, surtout dans תְּצַוֶּה. La faute c’est celle de ceux qui ont idolâtré Moïse mais il y a une relation de Moïse à cette faute puisque c’est lui qui a été idolâtré ; et c’est pourquoi son nom va disparaître des Parashiot de la construction du בֵּית הַמִּקְדָּשׁ.

 

Nous avons une tradition de la קַבָּלָה selon laquelle chaque נְשָׁמָה a sa lecture de la תּוֹרָה. Il y a 600 000 lettres dans la תּוֹרָה et 600 000 âmes dans Israël. Il y a 4 lectures de base : PaRDeS. Et comme il y a 600 000 âmes il y a donc 2 400 000 sens fondamentaux d‘un verset qui change chaque jour... Et donc chaque חֲכָם תַּלְמִיד a son חִדֻשׁ de la תּוֹרָה. Nous savons par ailleurs par tradition qu’il y a une Sidra qu’il ne voit pas c’est celle de la semaine de sa mort. A chaque fois la règle joue : une Sidra est vide de commentaire personnel. C’est dans cette Parashah que survient le jour de la naissance et de la mort de Moïse. C’est le 7 Adar. Dans cette Parashah de תְּצַוֶּה, le nom de Moïse disparait. Etant donné que la faute du veau d’or a été l’idolâtrie de Moïse il est nécessaire que son nom disparaisse des Mitsvot concernant le culte du מִּשְׁכָּן. 

 

. כִּי-תִשָּׂא 32 :1:

וַיַּרְא הָעָם כִּי-בֹשֵׁשׁ מֹשֶׁה לָרֶדֶת מִן-הָהָר וַיִּקָּהֵל הָעָם עַל-אַהֲרֹן וַיֹּאמְרוּ אֵלָיו קוּם עֲשֵׂה-לָנוּ אֱלֹהִים אֲשֶׁר יֵלְכוּ לְפָנֵינוּ--כִּי-זֶה מֹשֶׁה הָאִישׁ אֲשֶׁר הֶעֱלָנוּ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם לֹא יָדַעְנוּ מֶה-הָיָה לוֹ

Et le peuple vit que Moïse tardait à redescendre de la montagne et le peuple s’est assemblé sur Aaron,  et lui dit קוּם  «lève-toi » ! Fais-nous des dieux qui marcheront devant nous ! Car celui-là l’homme Moïse qui nous a fait monter du pays d’Egypte, Nous ne savons pas ce qu’il est advenu de lui.

 

הָאִישׁ après le nom propre c’est une catégorie des anges.

מֹשֶׁה הָאִישׁ ou מֹשֶׁה הָאִישׁ ce n’est pas le même sens.

 

Ils ont vu Moïse comme un personnage légendaire, divin descendant du ciel, ils ont vu Moïse comme une espèce de héros fondateur de religion comme dans les religions gnostiques, les religions à mystères, et puis il est remonté avec Dieu et il n’est pas redescendu... Ils ont donc symbolisé le héros fondateur dans un culte, substitut de Moïse qui n’est pas redescendu... 

Ensuite, nous verrons d’autres dimensions du contenu de cette faute mais c’est celle qu’il faut d’abord retenir.

 

2nd point :

Ce n’est pas les Hébreux qui ont fait cette faute mais ils en sont atteint malgré tout parce qu’ils n’ont pas été capable de l’éviter.

Mais alors qui a fait cette faute ? Nous allons prendre le verset 32:7.

Pendant que se produit ce culte en bas de la montagne et que le veau d’or est installé :

 

32:7

וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה:  לֶךְ-רֵד--כִּי שִׁחֵת עַמְּךָ אֲשֶׁר הֶעֱלֵיתָ מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם

Et הַשֵּׁם parla à Moïse : va descend ! Car TON peuple s’est mal conduit (littéralement ‘a détruit son chemin’) que tu as fait monter du pays d’Egypte.

 

« Ton peuple que tu as fait monter du pays d’Egypte »

Lorsque Dieu s’adresse à Moïse, il lui dit : il se passe quelque chose en bas, Ton peuple à toi que tu as fait monter d’Egypte a fauté... 

Première expression à laquelle vous allez réfléchir : A chaque fois qu’il est question de la sortie d’Egypte des Hébreux, il n’est pas dit « monté ». 

Il s’agit de la sortie de l’Egypte : « לְצִיאָה מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם». Cela s’appellera de façon dérivée par la suite « עָלִיָה ». Mais on ne parlera de « עָלִיָה » que pour ceux qui sont tombés et qui sont remontés. L’expression à étudier est maintenant עַמְּךָ. Que signifie l’expression « עַמְּךָ» ?

 

Prenez le verset 32:11 à comparer en détail au verset 32.7.

Lorsque Dieu dit à Moïse « Ton peuple a fauté je vais les détruire… » Alors Moïse prie et intercède pour le peuple.

 

32:11

וַיְחַל מֹשֶׁה, אֶת-פְּנֵי יְהוָה אֱלֹהָיו; וַיֹּאמֶר, לָמָה יְהוָה יֶחֱרֶה אַפְּךָ בְּעַמֶּךָ, אֲשֶׁר הוֹצֵאתָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם, בְּכֹחַ גָּדוֹל וּבְיָד חֲזָקָה

Et Moïse pria à la face de הַשֵּׁם son Dieu (ici il y a un cas particulier seul occurrence de l’expression « יְהוָה אֱלֹהָיו הַשֵּׁם son Dieu ») et il dit : Pourquoi Dieu ta colère s’enflammerait-elle contre Ton peuple que Tu as fait sortir du pays d’Egypte. (Il s’agit d’Israël) Avec une grande force et une main forte ?

 

On voit qu’il ne s’agit pas du même peuple.

Lorsque Dieu s’adresse à moïse : Ton peuple que tu as fait monter אֲשֶׁר הֶעֱלֵיתָ מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם a fauté.

Et Moïse lui répond en lui parlant de Son peuple à lui : Pourquoi Dieu ta colère s’enflammerait-elle contre Ton peuple que Tu as fait sortir du pays d’Egypte. (Il s’agit d’Israël) ?

 

De plus le mot de עַמֶּךָ n’est pas écrit de la même manière dans les deux versets. Lorsqu’il s’agit du peuple de Moïse au verset 7 : וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה: לֶךְ-רֵד--כִּי שִׁחֵת עַמְּךָ  il est écrit עַמְּךָ avec un Shéva. On dit עַמֶּךָ en Séfardi puisqu’il y a un Daguesh. La prononciation israélienne et Ashkénaze donne עַמְךָ. Tandis que dans le verset 11 לָמָה יְהוָה יֶחֱרֶה אַפְּךָ בְּעַמֶּךָ on trouve עַמֶּךָ avec un Ségol ! Je ne peux pas vous expliquer cela c’est de la קַבָּלָה mais simplement pour vous expliquer que rien n’est dû au hasard... Et comme on trouve le même accent on ne peut pas dire que c’est à cause de l’accentuation. (Le טַעַמ avec deux point en haut : zakef katan )

 

Rashi sur 32 :7 :

כִּי שִׁחֵת עַמְּךָ car ton peuple a fauté  Lorsque c’est Dieu qui parle à Moïse.  

שִׁחֵת עַמְּךָ

שִׁחֵת הָעָם לֹא נֶאֱמַר אֶלָּא עַמְּךָ עֵרֶב רַב שֶׁקִּבַּלְתָּ מֵעַצְמְךָ וְגִיַּרְתָּם וְלֹא נִמְלַכְתָּ בִּי וְאָמַרְתָּ טוֹב שֶׁיִּדְבְּקוּ גֵּרִים בַּשְּׁכִינָה הֵם שִׁחֲתוּ וְהִשְׁחִיתוּ

S’est corrompu ton peuple… Il n’est pas écrit : « S’est corrompu le peuple », mais : « “ton” peuple ». Il s’agit du « ramassis » que tu as accueilli de ta propre initiative et que tu as converti sans me consulter, en disant : « Il est bon que desגֵּרִים ,des convertis s’attachent à la שְּׁכִינָה! » Ce sont ces gens-là qui ont fauté et ont fait fauter ! » Shémot Rabbah 42 :6

 

La racine « ערב » en hébreu a énormément de sens, en particulier « עֵרוּב» signifie mélangé.

Par exemple le mot de « עֵרֶב » pour le soir, c’est le moment où les formes se mélangent. « עָרֵב» est un adjectif qui signifie doux. Le mot français « séduisant » : la douceur qui vient du mélange... « Aarev » doux avec cette idée de mélange lorsqu’on a atténué les contrastes alors cette douceur apparait...

 

Au moment de la sortie d’Egypte, il n’y a pas seulement les tribus d’Israël qui sont sorties d’Egypte mais tout un mélange d’hommes et de femmes d’autres peuples qui étaient asservies en Egypte en même temps que les Hébreux et qui sont sortis d’Egypte sur la décision de Moïse en même temps que les Hébreux. Au moment de la sortie d’Egypte, on a donc les enfants d’Israël et tout un peuple qui s’est adjoint à eux et qui s’est intégré en fin de compte chez les enfants d’Israël. Et donc le peuple hébreu qui descend de la sortie d’Egypte a une double origine : les descendants des tribus plus les descendants de toute cette grande peuplade qui a profité de la sortie d’Egypte pour s’intégrer à Israël.

 

Et donc nous avons deux choses à expliquer :

Pourquoi Moïse les a-t’il accepté ? Quel en est le sens ?

 

En principe, le récit nous raconte qu’une promesse va s’accomplir pour les descendants des Patriarches, les tribus, les שְׁבָטִים. Et voilà qu’à la sortie d’Egypte, ce qui est confirmé dans les versets, pas seulement les descendants des tribus, les Hébreux, les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל à proprement parler, sortent d’Egypte, mais les accompagne toute une foule de gens qui avait eu la même expérience d’asservissement et qui vont avoir la même גֵּאֻלָה. Et c’est Moïse qui prend l’initiative de les intégrer à Israël. Et c’est de ce peuple là qu’est sortie la faute du veau d‘or. Dès la lecture de ce Rashi 1000 questions surgissent...

 

Nous avons donc 2 catégories d’individus :

 

  • Les descendants des patriarches qui avaient déjà l’éducation hébraïque de ces 6 générations depuis Abraham jusqu’à Moïse et qui étaient donc préparés par leur identité propre (que Judah Halévi va appeler le « הַאֱלֹהִי עִנְיַן») à recevoir la תּוֹרָה comme elle est.

 

  • Et puis ce sont adjoints à eux les hommes et femmes d’origines païennes qui n’avaient pas cette préparation préalable et qui rencontrent Moïse dans des catégories païennes. C’est pourquoi Moïse prend un risque en les acceptant.

 

Il semble y avoir une différence d’opinion entre Dieu et Moïse à ce sujet. Il faut donc comprendre pourquoi Dieu fait ce « reproche » à Moïse et pourquoi Moïse avait raison de se mettre dans ce cas.

 

La première notion est que la גֵּאֻלָה doit être universelle et pour Israël et pour ceux qui s’adjoignent à Israël. Le Messie que nous attendons viendra pour Israël et pour l’humanité entière.

 

D’une certaine manière, toutes proportions gardées, c’est un peu ce qui se passe à la sortie d’Egypte.

On comprend donc que Moïse sait ce qu’il fait, mais la difficulté c’est que Moïse n’a pas eu le temps de leur donner la préparation qui était nécessaire pour que leur conversion soit כְּהֲלָכָה.

Tous ces événements se passent dans une précipitation telle que Moïse a pris le risque de les convertir en bloc rapidement de telle sorte que la sortie d’Egypte se fasse. Moïse a des raisons de comprendre que s’il ne prend pas avec lui cet עֵרֶב רַב, la sortie d’Egypte  ne peut pas se faire pour Israël.

 

En schématisant :

Lorsque la faute du veau d’or se fait, Dieu dit à Moïse « ton peuple a fauté Je vais les détruire... »

Et pour qui Moïse prie-t-il ? Pour Israël ! En disant : « Ton peuple à toi... » Sous-entendu : « Si Tu détruis le עֵרֶב רַב, Ton peuple est perdu... » Vous voyez comme le plaidoyer de Moïse semble décalé.

 

32:7

וַיְדַבֵּר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה:  לֶךְ-רֵד--כִּי שִׁחֵת עַמְּךָ אֲשֶׁר הֶעֱלֵיתָ מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם

Et הַשֵּׁם parla à Moïse : va descend ! Car TON peuple s’est mal conduit.

Quel peuple ?

Celui que tu as fait monter du pays d’Egypte.

L’ensemble de גּוֹיִם convertis en bloc, sans préparation.

Il leur manque la préparation de Abraham, Isaac, Jacob, Lévi, Qehat, Amram, jusqu’à la 7ème génération de Moïse. C’est toute une fabrication d’identité qu’ils n’ont pas eu.

 

32:8

סָרוּ מַהֵר מִן-הַדֶּרֶךְ אֲשֶׁר צִוִּיתִם--עָשׂוּ לָהֶם עֵגֶל מַסֵּכָה וַיִּשְׁתַּחֲווּ-לוֹ וַיִּזְבְּחוּ-לוֹ וַיֹּאמְרוּ, אֵלֶּה אֱלֹהֶיךָ יִשְׂרָאֵל אֲשֶׁר הֶעֱלוּךָ מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם

Ils se sont vite détournés du chemin que je leur avais enseigné, et ils se sont fait un dieu en statue et se sont prosternés devant lui, ils ont sacrifié pour lui et ils dirent : « voici tes dieux Israël qui t’ont fait monter du pays d’Egypte ».

 

Cela veut dire : « Voilà le symbole qui va remplacer Moïse qui t’as fait monter d’Egypte ». C’est dire qu’ils n’ont rien compris de ce qui s’est passé à la manière dont un hébreu peut le comprendre.

 

32:9

וַיֹּאמֶר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה:  רָאִיתִי אֶת-הָעָם הַזֶּה וְהִנֵּה עַם-קְשֵׁה-עֹרֶף הוּא

Et הַשֵּׁם dit vers Moshe : J’ai vu ce peuple et voici un peuple à la nuque raide lui.

 

Il s’agit du עֵרֶב רַב. C’est un autre sujet qui apparait. On s’aperçoit que la définition d’Israël comme « עַם-קְשֵׁה-עֹרֶף » peuple à la nuque raide  est une calomnie. En fin de compte, Dieu va pardonner, et en fin de compte tout ce peuple va s’intégrer à Israël. Et c’est avec ce peuple que s’introduira en Israël la tendance à la nuque raide – c’est-à-dire rebelle.

 

32 :10

וְעַתָּה הַנִּיחָה לִּי וְיִחַר-אַפִּי בָהֶם וַאֲכַלֵּם וְאֶעֱשֶׂה אוֹתְךָ לְגוֹי גָּדוֹל

Et maintenant laisse-Moi (ne prie pas, la prière ne pourra rien) Ma colère éclatera contre eux, Je les détruirais et Je ferai de toi une grande nation.

 

C’est là qu’on arrive à la prière de Moïse

 

32:11

וַיְחַל מֹשֶׁה אֶת-פְּנֵי יְהוָה אֱלֹהָיו וַיֹּאמֶר לָמָה יְהוָה יֶחֱרֶה אַפְּךָ בְּעַמֶּךָ אֲשֶׁר הוֹצֵאתָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם בְּכֹחַ גָּדוֹל וּבְיָד חֲזָקָה

Et Moïse pria à la face de הַשֵּׁם son Dieu et il dit : Pourquoi Dieu ta colère s’enflammerait-elle contre ton peuple que Tu as fait sortir du pays d’Egypte (Il s’agit d’Israël) avec une grande force et une main forte ?

 

Dieu dit à Moïse : « ton peuple (עֵרֶב רַב) a fauté je vais les détruire et Moïse dit à Dieu : pardonne leur pour sauver Ton peuple à Toi (Israël).

 

32:12

לָמָּה יֹאמְרוּ מִצְרַיִם לֵאמֹר בְּרָעָה הוֹצִיאָם לַהֲרֹג אֹתָם בֶּהָרִים וּלְכַלֹּתָם מֵעַל פְּנֵי הָאֲדָמָה; שׁוּב מֵחֲרוֹן אַפֶּךָ וְהִנָּחֵם עַל-הָרָעָה לְעַמֶּךָ

Pourquoi l’Egypte dirait pour dire : Il les a fait sortir sous un signe maléfique pour les détruire dans les montagnes (les montagnes du Sinaï) Et pour les détruire de dessus la face de la terre. Reviens de Ta colère et reprend Ta décision de mal en faveur de Ton peuple.

 

La traduction française rend : « Repend-toi du mal que tu veux faire à ton peuple » !

(וְהִנָּחֵם   c’est plus l’idée de regret que de repentir).

Cette traduction est fausse d’après les טַעַמִים

Sous וְהִנָּחֵם עַל-הָרָעָה il y a un טַעַמ, une accentuation qui est disjonctive : « וְהִנָּחֵם עַל-הָרָעָה et reviens de Ta décision de les punir לְעַמֶּךָ en faveur de Ton peuple ». Et non pas « reviens sur Ta décision de punir Ton peuple ». La traduction est fausse dans tous les cas.

 

32:13

זְכֹר לְאַבְרָהָם לְיִצְחָק וּלְיִשְׂרָאֵל עֲבָדֶיךָ אֲשֶׁר נִשְׁבַּעְתָּ לָהֶם בָּךְ וַתְּדַבֵּר אֲלֵהֶם אַרְבֶּה אֶת-זַרְעֲכֶם כְּכוֹכְבֵי הַשָּׁמָיִם; וְכָל-הָאָרֶץ הַזֹּאת אֲשֶׁר אָמַרְתִּי אֶתֵּן לְזַרְעֲכֶם וְנָחֲלוּ לְעֹלָם

Souviens-toi d’Abraham, de Isaac et de Israël tes serviteurs auxquels Tu as juré au nom de Toi-même et Tu leur a parlé en leur disant : Je multiplierai votre postérité comme les étoiles du ciel et toute cette terre que J’ai dit Je donnerais à votre postérité et ils l’hériteront à jamais.

 

Dieu dit à Moïse : Ton peuple a fauté, Je vais les détruire.., et on s’attendrait à ce que Moïse plaide pour son peuple, mais il plaide pour Israël, disant à Dieu : « pourquoi vas-tu détruire Israël ? ».

 

Israël ne peut mettre fin à l’exil, la גֵּאֻלָה ne peut venir pour Israël, que si elle est aussi pour tous les autres hommes qui ont vécu la même histoire qu’Israël. Une des raisons de la descente en exil est de ramener avec nous ceux qui avaient la même vertu.

 

Mais on voit qu’il y a un décalage : ces hommes qui ont suivi Moïse et que Moïse a pris avec lui on eu cette expérience  גֵּאֻלָה- גָלוּת comme les Hébreux. Et s’ils ont rejoint les Hébreux c’est qu’il y a quelque chose qui est commun. Donc Moïse a raison de les intégrer. Mais la catastrophe qui est arrivée dévoile que leur préparation n’était pas suffisante. Ils y ont droit en principe mais pas en fait. Ce n’est pas n’importe quels hommes : ils ont eu l’expérience de l’asservissement, ils ont eu l’expérience de la libération, ils se sont adjoints aux Hébreux, disant d’une certaine manière « ton Dieu c’est mon Dieu... », mais voilà qu’il y avait un malentendu de vocabulaire théologique : ils le disaient de manière païenne…

 

En principe, ils seront avec Israël mais en fait pas encore. Et c’est l’événement qui fait éclater cette disproportion. Moïse court le risque et il a raison mais voilà que le risque éclate.

Dieu formule le jugement absolu : suite à l’échec, c’est la sanction d’annulation. Mais Moïse intercède en faisant deux prières. La 1ère est celle de ces versets précédents, la 2ème est celle qu’il va faire pour le peuple en question lorsqu’il sera intégré. Il devient comme Israël, il est soumis à la loi d’Israël et il faut donc prier pour lui. Et c’est la 2ème prière que nous verrons dans la lecture.  

 

Le raisonnement de Moïse est le suivant :

Si Dieu Tu détruis le עֵרֶב רַב alors Ton peuple est perdu ! Il sera encore obligé de redescendre en exil parce que cela a échoué et il faut qu’il recommence. Alors, pour sauver Ton peuple Israël il faut sauver et intégrer le עֵרֶב רַב! Finalement, Dieu va accepter et va intégrer cet עֵרֶב רַב qui est עֹרֶף קְשֵׁה עַם, à Israël. C’est pourquoi cette מִּדָה de עֹרֶף קְשֵׁה va entrer en Israël, mais c’est à postériori, elle ne lui appartient pas à priori. C’est-à-dire qu’Israël prend sur lui la difficulté d’être de l’humanité entière pour la sauver. Les défauts d’Israël nous viennent du עֵרֶב רַב. Israël peut se sauver tout seul, c’est facile : Abraham, Isaac, Jacob, et tout le reste de l’humanité est disqualifié !

Ici se passe une chose énorme : Israël à la sortie d’Egypte sur la décision de Moïse prend sur lui l’identité de l’humanité hors d’Israël pour la sauver. C’est pourquoi s’introduisent en Israël les capacités de faute des גּוֹיִם par le biais du עֵרֶב רַב.  

  

Un exemple pour illustrer :

Nous allons voir que ce n’est pas Israël qui est עֹרֶף קְשֵׁה עַם mais les autres peuples. Mais Moïse décide que cette sortie d’Egypte doit réussir, donc il faut avec rapidité et sans précaution les faire passer et on verra bien après...

 

Il y a toute une dialectique entre Dieu et Moïse, et finalement Dieu va accepter parce que c’est ce qu’il fallait faire. Et puis l’épuration de cette faute va se faire à travers tout le temps de l’histoire. Jusqu’à la fin des temps nous avons à évacuer cette scorie qui vient des non-préparés à la manière des Hébreux. Dans le peuple d’Israël d’aujourd’hui à travers les siècles, disons le peuple juif, il y a les descendants des Hébreux qui sont les צַדִּיקִים et il y a les Juifs. Et les Juifs descendent du עֵרֶב רַב. Et personne ne peut dire, sauf ceux qui savent mais qui ne le disent pas, de qui on descend vraiment...

 

Quelle est la différence ?

Moïse n’a pas le temps de leur donner la préparation qui a fait qu’Abraham devient Moïse.

Et donc, il les prend d’emblée et il suffit qu’ils aient dit « on est avec vous » pour qu’ils entrent ! Exactement comment commence le Seder de Pessah. On ouvre la porte et on proclame que tout celui qui veut faire Pessah avec nous vienne ! On fait Pessah, le passage, la sortie et que tout ceux qui veulent passer passent. Et Moïse prend l’initiative sans précaution ni préparation. Alors éclate la catastrophe…  

 

D’où la dialectique entre Dieu et Moïse. Dieu n’en veut pas mais Moïse argumente : si Tu ne les prends pas Ton peuple est perdu. Pour sauver ceux-là, sauve ceux-ci...

 

Ce n’est pas que Moïse ait eu tort d’accepter des convertis mais c’est rien que pour cela qu’il fallait passer en exil. Pour ramener les âmes, les נְשָׁמוֹת, compatibles avec Israël et qui sont au dehors. Seulement, il fallait une préparation mais il n’a pas eu le temps. Voilà ce qui se passe.

Aujourd’hui les catégories sont claires : c’est כַּהֲלָכָה גִיוּר (c’est casher) ou כַּהֲלָכָה לֹא גִיוּר. (Ce n’est pas cachère et c’est le עֵרֶב רַב). C’est pourquoi le problème est grave. C’est pourquoi les tribunaux rabbiniques sont tellement méticuleux.

 

Q : Pourquoi Israël ne pouvais pas exister sans le עֵרֶב רַב?

R : Je n’ai pas dis qu’il ne pouvait pas exister, j’ai dit que l’objectif de la sortie d’Egypte est de faire sortir avec Israël ceux des autres créatures du même Bon Dieu qui sont de la même sorte qu’Israël perdus chez les גּוֹיִם. A la sortie d’Egypte, ils se sont dévoilés en suivant la messianité d’Israël. Et Moïse les a acceptés. On ne peut comprendre l’enseignement de la תּוֹרָה que de l’intérieur d’un monothéisme absolu. Le Dieu d’Israël est le Dieu de l’humanité entière. Tant qu’on n’arrive pas à ce  niveau on ne comprend pas ce que la תּוֹרָה nous explique. Cela veut dire : Il y a chez les autres peuples des individus qui sont de la même sorte qu’Israël, mais camouflés et perdus. Quand les Patriarches ont constitué l’âme d’Israël des étincelles sont restées dehors. Une des raisons de l’exil est de les ramener. Alors la dialectique de Moïse est très claire. Pour que la גֵּאֻלָה d’Israël soit possible, il faut que j’accepte le עֵרֶב רַב ! Bien sûr il a fauté, mais s’ils sont détruits alors la גֵּאֻלָה est un coup pour rien. Et il faudra qu’Israël retourne en exil pour ramener ces âmes-là. Pour bien comprendre l’enseignement de la תּוֹרָה, il faut comprendre le monothéisme qui n’est pas cette idée qu’Israël aurait un Dieu pour lui tout seul et les autres d’autres dieux. C’est le même qui dirige l’histoire de l’humanité entière. C’est dans l’économie à l’intérieur du monothéisme total qu’on comprend ces problèmes. Ici, la difficulté qui apparait c’est que Moïse veut vraiment sauver Israël. Alors pour cela, il faut sauver le עֵרֶב רַב. S’il avait attendu les 190 ans restant... mais il y a urgence ! En 190 ans il avait le temps de préparer ces נְשָׁמוֹת -là. Alors on va mettre 1900 ans a postériori pour les arranger.

 

Q : Moïse ne peut pas sauver Israël d’une seconde גֵּאֻלָה?

R : C’est ce qu’il a essayé de faire.

Q : Mais la 1ère ne s’est faite qu’en Egypte, pourquoi ramener seulement des gens d’Egypte ?

R : Nous sommes dans un temps de civilisation. Et celle-ci arrive à être totalitaire : l’Egypte des Pharaons. Et puis à ce moment-là cette civilisation va éclater et la sortie d’Egypte se fait. Si cela avait réussi c’était le temps messianique. C’est ce que Moïse veut faire : il veut le réussir absolument. Il a fait tout ce qu’il a pu mais en fin de compte cela finit par échouer et donc on recommence avec un autre empire. Mais Moïse vise le plus haut possible, et c’est pourquoi ce récit nous est raconté : c’est le récit d’une histoire qui est la nôtre et qui a échouée une fois. Et elle nous est donnée comme modèle. Il n’y a que 3 tentatives et la dernière ne peut que réussir. Et nous y sommes !

 

Q : Pourquoi Aaron n’a pas essayé de les dissuader ?

R : Je ne vous ai pas traduit ces versets-là. D’une certaine manière parce que lui aussi espérait que cela allait s’arranger. Il a pensé : Si c’est moi qui le fait je le ferais cachère mais eux ne le feront pas cachère.

 

Q : On parle du compte différent mais est-ce que les Hébreux ne comptaient pas comme Moïse ?

R : On arrive là à un autre problème mais je n’ai plus le temps : c’est un peuple qui a deux parties : les Hébreuxמַמָּשׁ  qui n’auraient jamais fait cette faute-là et qui attendaient Moïse sachant qu’il n’est pas une divinité païenne – et le עֵרֶב רַב avec sa propre familiarité de l’idolâtrie habituelle de ces peuples-là mais du dedans de cette population païenne sont sortis ces hommes qui ont pressenti cela : le Messie des Hébreux est là et on sort avec lui...

Au moment de la faute du veau d’or, relisez bien attentivement le récit, l’ensemble des gens sortis d’Egypte, les Hébreux et le עֵרֶב רַב se sont divisés en deux camps. Les Hébreux qui ont essayé d’empêcher cette faute et ceux qui ont voulu la faire. Et il y a eu conflit mais on apprend que ni l’un ni l’autre camp n’arrivait à l’emporter. La faute des Hébreux n’est pas d’avoir fait cette faute mais de ne pas avoir pu l’empêcher.

 

Remarquez bien que depuis ce temps-là le peuple Israël se divise toujours grosso modo en deux, 51 et 49%, dans tous les problèmes. Les צַדִּיקִים n’arrivent pas à être plus forts que les רֶשָעִים et vice et versa. C’est la raison pour laquelle le Talmud enseigne qu’il suffit d’un Juif juste pour faire pencher la balance, et ce Juif peut être toi. Parce qu’on est toujours dans le même problème d’indécision, moitié-moitié. Cf. ce qui se passe à la Knesset à propos de chaque problème : tout de suite cela se divise en deux.

 

On a des surprises quand on étudie ce problème car le עֵרֶב רַב n’est pas forcément là où l’on croit qu’il est ! La plupart du temps ils se trouvent, c’est ceux qui se prennent pour des צַדִּיקִים. Ils étaient très pieux cet עֵרֶב רַב qui voulaient se faire un culte : ils l’ont fait en or !

   

Lorsque Moïse descend de la montagne, c’est ce que Josué va dire :

Moïse : J’entends un bruit, qu’est-ce qui se passe ?

Josué : Ni un bruit de victoire ni un bruit de défaite

C’est-à-dire : le camp est divisé en deux. On ne sait pas quel camp va gagner. C’est pourquoi la גְּמָרָא dit : il suffit d’un pour faire pencher la balance. Je vous ajoute cela parce que c’est important à comprendre Même à l’échelle individuelle nous avons tout cela en nous : la moitié hébreu la moitié עֵרֶב רַב. Une seule מִצְוָה suffit pour faire pencher de l’un à l’autre...  

 

Q : Lu dans le פִּירוּש de Ibn Ezra et de Judah Halévi sur le 1er verset : les 40 jours de Moïse parti sans manger à quel niveau cela se situe ?

R : c’est au niveau astrologique, je ne veux pas entrer là-dedans.

 

Il a suffit d’un retard, sans rentrer dans les détails que l’on apprend dans la קַבָּלָה, selon le compte de leur calendrier à eux pour qu’ils se sentent perdu. Alors se déclenche le culte de Moïse à la manière dont eux étaient habitués. La tribu de Lévi prend l’initiative mais n’a pas réussi. C’est notre problème jusqu’à la fin des temps. Nous sommes mélangés entre Hébreux et עֵרֶב רַב, et il s’agit de savoir lequel des deux va être plus fort que l’autre.     

 

J’en arrive simplement à cette explication : Quel est le חִדֻשׁ que Moïse apporte lors de la גֵּאֻלָה ? La loi morale à la place de la religion païenne !

 

La religion païenne c’est l’idolâtrie des influences naturelles sur la vie humaine qui consistait en un culte avec les représentations des signes du zodiaque. Ce veau-là est le Taureau du zodiaque. On était sorti d’un signe du zodiaque où gouvernait le bélier et on va rentrer dans le signe suivant et d’après les lois astrologiques très compliquées, on prend comme divinité le signe précédent le signe ancien. Oubliez les détails, je ne suis pas chargé de vous enseigner l’astrologie. Ils ont voulu représenter sous leur manière idolâtre à laquelle ils étaient familiers, l’événement qui s’était passé.

Je vous dis une chose précise que vous oublierez juste pour signaler qu’il y a toute une חוֹכְמָה derrière : Le jour de la sortie d’Egypte, on est sorti du signe du Bélier pour rentrer dans le signe suivant. De la même manière qu’à l’époque précise de la proclamation de l’Etat d’Israël, on est sorti du signe des poissons pour rentrer dans le signe du Verseau. De la même manière que lorsqu’on est sorti du signe de la Vierge pour rentrer dans celui des Poissons, les Chrétiens ont dit : le sauveur est né de la Vierge ! Mais on voit que cela se passe au niveau astrologique. Ils ont déclaré que cette vierge s’appelle Marie, femme juive, sœur de Moïse... etc. Il y a là une idolâtrie de religion de mythes astrologiques. Alors dans leur calcul de la sortie du zodiaque, il y avait 6 heures de décalage.

 

Je referme cette parenthèse ouverte pour que vous entendiez que c’est beaucoup plus sérieux que ce que l’on croit.

 

Effectivement, l’humanité est en train de sortir du signe des Poissons cela prend une centaine d’année mais il y a un point précis de passage, et on entre dans le temps du Verseau. L’Eglise des poissons – la chrétienté - c’est fini. Et puis on rentre dans le temps du Verseau. A ce moment-là Israël sort d’Egypte. Cette Egypte s’appelle Rome. Fait remarquable : Il y a quelques années l’Eglise catholique a changer un rite très important de sa liturgie : manger du poisson le vendredi. (C’est devenu caduc)

   

Le חִדֻשׁ apporté par Moïse c’est qu’on va sortir des rythmes astrologiques pour découvrir la Providence qui dirige le monde par la loi morale. Tant que Moïse est là avec sa loi, ils le suivent, tout en le voyant comme une espèce de sauveur des religions, un sauveur à la manière païenne. C’est là la catastrophe. Et quand Moïse n’est plus là, ils sont perdus et reviennent à leur idolâtrie ancienne. C’est cette gravité de la faute d’introduire la mentalité païenne en Israël. Et il nous faut jusqu’à la fin des temps pour l’évacuer, mais ce sont ces hommes là qu’il faut sauver parce que ce sont eux qui ont compris גֵּאֻלָה -גָלוּת  . Seulement ils leur manquaient les 6 générations des enfants d’Israël et cela il faudra le leur donner à postériori.

 

***

 

Chapitre 32 : 2 choses :

-  La différence entre les 2 parties du peuple dans ce problème : verset 32.7.

Je vous rappelle les versets sur lesquels vous appuierez cette référence.

Tout d’abord le verset 32-7. Pour bien comprendre le problème, il faut reprendre le récit de ces chapitres plusieurs fois de sorte d’en avoir les détails bien en tête mais je veux surtout vous donner les points d’articulation qui vous permettront de comprendre ce qui s’est passé là.

 

Ce qui se dévoile à partir du verset 7 c’est qu’une partie du peuple Israël sorti d’Egypte n’était pas originellement du peuple d’Israël et qu’on appelle en hébreu עֵרֶב רַב.

Il y a aussi d’autres termes dans le texte, en particulier celui de הָאסַפְסֻף (בְּמִדְבַּר 11:4 : וְהָאסַפְסֻף אֲשֶׁר בְּקִרְבּוֹ Or, le ramas d'étrangers qui était parmi eux…) que je ne veux pas expliquer aujourd’hui. (2 opinions : הָאסַפְסֻף= עֵרֶב רַב / הָאסַפְסֻף= קצינים)

  

Pendant que se passe cette scène du veau d’or :

 

32:7

וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה:  לֶךְ-רֵד--כִּי שִׁחֵת עַמְּךָ אֲשֶׁר הֶעֱלֵיתָ מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם

Et הַשֵּׁם dit à Moïse : va descend, car ton peuple a fauté…

Il faut dire Amkhah en prononciation moderne, mais il y a un daguesh dans le מּ. Bien qu’il y ait un shéva sous le מְּ, en prononciation ashkénaze on dit Amkha, mais à cause du daguesh on devrait dire Amékha avec un Shéva Dégoushah qui ne se prononce pas comme le Ségol mais en ‘é’ quand même. Cela s’est perdu mais les Sefardim disent Amékha quand même. Il y a une différence avec l’Amékha avec un ségol de la première prière de Moïse et qui se trouve au verset 11.

 

32:11

וַיְחַל מֹשֶׁה, אֶת-פְּנֵי יְהוָה אֱלֹהָיו; וַיֹּאמֶר, לָמָה יְהוָה יֶחֱרֶה אַפְּךָ בְּעַמֶּךָ

Et Moïse pria à la face de הַשֵּׁם son Dieu et il dit : Pourquoi Dieu ta colère s’enflammerait-elle contre ton peuple ?

 

עַמֶּךָ avec un ségol. Je ne prendrais pas le temps de l’expliquer ce matin. Simplement, il y a une différence dans le sens du mot. Dans tous les cas עַמֶּךָ cela veut dire ton peuple, mais lorsque cela se décline avec un shéva ou avec un ségol, il y a une petite nuance.

 

Il apparait quand même qu’il y a un peuple qui s’est adjoint au peuple hébreu lors de la sortie d’Egypte et qu’on appelle עֵרֶב רַב - le grand mélange. Un grand mélange d’individus.

 

32:7

וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה:  לֶךְ-רֵד--כִּי שִׁחֵת עַמְּךָ, אֲשֶׁר הֶעֱלֵיתָ מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם

Et הַשֵּׁם dit à Moïse : va descend ! Car TON peuple s’est mal conduit Celui que tu as fait monter du pays d’Egypte

 

Cette racine שִׁחֵת vient du verbeלְשַׁחֵת  dont le sens étymologique signifie « détruire », mais ici le sens est לְשַׁחֵת אֶת-דַּרְכּוֹ: a détruit son chemin, mal se conduire. Sous entendu le mot de דֶּרֶךְ: une route, un chemin, une voie, dans le sens aussi comme en français la conduite la manière de se conduire.

 

Comme s’il y avait écrit כִּי שִׁחֵת עַמְּךָ (אֶת-דַּרְכּוֹ).

Je vous donne cette référence vous l’avez aussi dans Dieu dit « Ton peuple » en s’adressant à Moïse comme s’il s’agissait du peuple de Moïse. Qu’est-ce que cela signifierait-il ? Est-ce qu’il ne s’agirait pas du peuple d’Israël ?

Il se dévoile que non ou en tout cas pas encore.

Et l’expression qui est employée pour dire la sortie d’Egypte est différente de l’expression habituelle lorsqu’il s’agit d’Israël lui-même. Lorsqu’il s’agit d’Israël lui-même c’est le verbe Yatso : c’est לִיצִיאָת מִצְרָיִם - la sortie d’Egypte. Et lorsqu’il s’agit du עֵרֶב רַב   c’est עָלִיָה - la montée.   

Je reprends brièvement le verset :

 

32:7

וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה:  לֶךְ-רֵד--כִּי שִׁחֵת עַמְּךָ, אֲשֶׁר הֶעֱלֵיתָ מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם

Et הַשֵּׁם dit à Moïse : va descend ! Car ton peuple s’est mal conduit (Celui) que tu as fait monter du pays d’Egypte.

 

Du point de vue du raisonnement, il suffit de mettre en contraste tout les récits précédents depuis le livre de שְׁמוֹת où il se dévoile que c’est Dieu lui-même qui intervient pour délivrer Israël d’Egypte. Lorsque nous étudierons la Haggadah nous verrons que c’est n’est pas possible uniquement avec des forces humaines de réaliser la fin de l’exil. Il faut que Dieu intervienne. Et il y a donc un contraste avec cette expression qui laisserait supposer dans la bouche de Dieu Lui-même que c’est Moïse qui les a fait sortir d’Egypte. Il y a donc à deux niveaux, deux événements dans le même. 

 

Rashi sur עַמְּךָ:

לֶךְ-רֵד--כִּי שִׁחֵת עַמְּךָ

Va descend car TON peuple s’est mal conduit

Rashi : « Il n’est pas dit le peuple s’est mal conduit mais ton peuple ».  

Rashi va accrocher sa question sur la différence qu’il y aurait entre ce mot עַמְּךָ et le mot הָעָם. 

שִׁחֵת הָעָם לֹא נֶאֱמַר: On voit la différence entre l’expression עַמְּךָ ton peuple - c’est spécifié et défini - et non pas הָעָם en général.  

Rashi continue :

« Que signifie עַמְּךָ ton peuple ? C’est עֵרֶב רַב   ce grand mélange de populations que tu as  accueilli, de toi-même «וְגִיַּרְתָּם» et tu les as converti

 

Le sens de « conversion » en français n’est pas très adapté bien que l’on traduise habituellement גִיוּר par conversion. Cela a pris un sens purement confessionnel. En réalité, le terme plus correct est celui de « naturalisation » : quand on est naturalisé membre d’un autre peuple. Le גִיוּר consiste à entrer dans le peule d’Israël. Il y a bien entendu une procédure de Halakha selon la תּוֹרָה et qui en fin de compte va prendre dans le vocabulaire une signification confessionnelle. A travers les siècles, on s’est habitué à une dimension du sens de גִיוּר qu’on traduit par conversion et qui existe dans le mot גִיוּר mais qui n’est pas principal. Parce qu’on s’est habitué à une connotation du mot en français, qui vient de la théologie chrétienne. Etymologiquement, en dehors du contexte juif en français, la conversion correspond à ce que nous disons en hébreu תְּשׁוּבָה. Lorsqu’un chrétien parle d’un converti, il fait allusion à ce qui, en langage juif, signifie la תְּשׁוּבָה, et non pas le mot גִיוּר d’intégration à un nouveau peuple. « וְגִיַּרְתָּם » : il faudrait plutôt traduire par « tu les as naturalisés, tu en a fait des בְּנֵי יִשְׂרָאֵל ». C’est un processus dont la procédure est religieuse mais dont l’acte, le phénomène, est national. Exemple supplémentaire de la confusion des notions occasionnée lors du passage d’une langue à l’autre.

 

Et tu n’as pas pris conseil de Moi.

Qu’est-ce que cela signifie ? Il y a là un problème énorme ! Cela signifie que Moïse a pris l’initiative sans faire une שְׁאֵלָה? Il avait un problème de Halakha à résoudre. C’est le moment de la sortie d’Egypte : va-t-on accepter ou non tous ceux qui ne sont pas d’Israël mais qui veulent sortir avec Israël ? C’est un problème de שְׁאֵלָה énorme ! Lorsqu’un problème nouveau se pose, il faut poser la question aux חֲכָמִים תַּלְמִידֵי. Qui est alors le maître de Moïse, c’est Dieu lui-même ! Il devait Lui demander la démarche à adopter. Pourquoi ne l’a t’il pas fait ? Comment est-il possible de prendre Moïse en telle faute d’inadvertance ?

 

Cela signifie qu’il connaissait la réponse et c’était non, d’après ce que nous en lisons ici.

Le contexte de ce que Dieu dit ici à Moïse c’est que si Moïse avait demandé, Dieu lui aurait dit non. Mais pourquoi l’avoir fait quand même ? Les raisons pour lesquelles Moïse a fait sortir cet Am d’Egypte c’est une chose, mais pourquoi Dieu l’a t’il fait quand même sachant que Dieu était contre ?

 

Réponse :

Moïse sait très bien qu’il ne faut pas mais qu’il faut quand même. Dans ce problème la solution est double, contradictoire : oui il faut et non il ne faut pas...

Nous connaissons d’après les sources données par Rashi quelle est l’opinion de Dieu et l’opinion de Moïse. Il ne faut pas selon Dieu, il faut selon Moïse. Et les deux choses sont vraies.   

C’est pour cela que Moïse ne demande pas. Moïse ne demande pas car il connait la réponse négative de Dieu, mais il sait par ailleurs qu’il faut le faire de l’avis de Dieu lui-même. Quelle est la différence ? C’est un décalage dans le temps : en principe il le faut mais maintenant ce n’est pas possible.

 

Du point de vue de l’objectif les deux sont bien évidemment d’accord. Il faut que tous ceux des nations dont la נְשָׁמָה, l’âme est compatible avec celle d’Israël sortent d’exil en même temps qu’Israël. Sinon la fin de l’exil risque d’être un échec. Ici, il y a l’option de savoir quel risque on va préférer.

 

Et donc Moïse sait très bien ce qu’il fait. Mais il sait très bien que s’il posait la question dans ces circonstances précises : la sortie 190 ans avant le terme, dans la précipitation du pain qui n’a pas levé, il y avait quelque chose à faire et on n’a pas eu le temps, est-ce qu’on le fait quand même ?

 

Moïse connait la réponse de Dieu s’il pose la question. Dieu ouvre le שׁוּלחָן עָרוּךְ et dit non ! C’est la raison pour laquelle Moïse ne pose pas la question et le fait quand même parce qu’il sait que c’est ce qu’il faut faire, bien que prématurément.

 

Sur le fond des choses : La preuve que Dieu est d’accord c’est qu’ensuite après la faute et après la prière de Moïse, Dieu va accepter de les intégrer en Israël. Seulement, du point de vue de la rigueur stricte sur ce problème la loi répond négativement : non, ce n’est pas le temps ! 

 

D’après d’autres commentateurs, autres que Rashi, c’est parce que Moïse n’a pas eu le temps de changer l’identité de ces hommes candidats à l’identité d’Israël pour les accepter. C’étaient eux-seuls qui étaient capables de venir mais ils n’étaient pas encore au stade où l’on pouvait les accepter. Il faut se rappeler que ce n’est pas n’importe qui qui est candidat à devenir Israël. Ce sont ceux qui ont eu la mêmeגָלוּת  qu’Israël et qui comprennent que la גֵּאֻלָה est venue. C’est-à-dire ceux qui à l’échelle individuelle sont en train de vivre ce processus de l’histoire d’Israël גֵּאֻלָה -גָלוּת .

 

Et cependant, bien que ce soit eux qu’on attendait - et qu’on est allé chercher d’une certaine manière puisque c’est une des raisons de la גָלוּת  d’aller les chercher (sans réduire à cela toutes les raisons de laגָלוּת  ) – et bien qu’il faille le faire, ce n’était pas possible maintenant. La preuve, c’est qu’à la 1ère occasion – comme avec le premier homme - c’est une catastrophe.

 

Les deux opinions (Dieu et Moïse) ont absolument raison mais il y a un décalage dans le moment de la décision. Moïse ne demande pas car il sait la réponse et il prend sur lui ce risque. Et effectivement, il va attacher son sort à ce risque, raison pour laquelle il ne rentrera pas en Israël. Mais c’est pour sauver le peuple d’Israël qu’il a pris ce risque.

 

Question importante : comment se fait-il que Moïse n’ait pas eu le mérite d’entrer en Israël, alors que nous y sommes nous-mêmes ?

 

La réponse de la גְּמָרָא est très claire:

Moïse rentrera en Israël que lorsqu’il ramènera avec lui la génération du désert qui a échoué. Il y a ici une option de Moïse de prendre ce risque, de se mettre lui-même en question pour le salut propre d’Israël. Il y a par ailleurs d’autres dimensions de la même réponse. Tout ce qu’a fait Moïse devient éternel. La מִּדָה de Moïse c’est יִשְׂרָאֵל נֶצַח. Cela veut dire toutes les réalités, les valeurs, les vertus, que les Patriarches ont transmis à leur descendance constituent l’identité d’Israël. Mais c’est Moïse qui a mis la dimension d’éternité dans ces valeurs venues des patriarches. Par exemple : le fait que la loi c’est la loi de Moïse est irréversible et éternel. Le nom de Moïse est attaché à la תּוֹרָה.

 

La גְּמָרָא explique de la manière suivante : si Moïse avait construit le temple cela aurait été très grave pour Israël. Parce que tout ce que fait Moïse est éternel. Mais si le peuple avait fauté alors le temple n’aurait pas pu être détruit et cela aurait été le peuple. C’est donc pour sauver le peuple que ce n’est pas Moïse qui est entré en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל.

 

On retrouvera ce problème lors de l’étude de la fonction des sacrifices. La fonction de la עֲבֹדַה avant la faute du veau d’or, avant que la עֲבֹדַה prenne la dimension de l’expiation – כַּפָּרָה. 

Dans beaucoup de textes de la prière dont la source se trouve chez les Prophètes, c’est qu’il y a un contrat entre Dieu et Israël. Et ce contrat est éternel puisqu’un des deux contractants est éternel. Dès qu’il y a alliance entre Dieu et Israël on sait que cette alliance est éternelle et irréversible par définition. Le statut de ce contrat c’est la תּוֹרָה. Et par conséquent, si Israël viole la תּוֹרָה, il risquerait de disparaître. Puisque l’alliance est éternelle c’est très grave pour Israël. S’il n’est plus Israël, se définissant par rapport à la תּוֹרָה, il risquerait de disparaître. C’est la raison pour laquelle il faut que le Temple puisse être détruit puisque c’est le Temple qui assure l’expiation. Tant qu’Israël est צַדִּיק et qu’il y a des fautes, le Temple peut expier les fautes. Mais si l’alliance de la תּוֹרָה est rompue, c’est au-delà des fautes, le Temple n’a plus d’objet alors le Temple est détruit. Et  la soupape de sécurité des Juifs c’est l’exil. Si Israël n’était pas capable d’exister dans la dimension de l’exil, il disparaîtrait. Alors, pour qu’Israël ne disparaisse pas – et il ne peut pas disparaître puisque l’alliance est éternelle – il faut que le Temple puisse être détruit et que l’exil soit possible. Et c’est d’ailleurs l’exil qui va prendre le relai du Temple dans la fonction d’expiation.   

 

C’est la raison pour laquelle Moïse n’est pas rentré en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל, parce que si c’était Moïse qui avait construit le Temple, il aurait été indestructible et le peuple aurait été destructible.

 

C’est pourquoi, on le verra lorsque ce même récit sera repris dans le Deutéronome, Moïse va dire au peuple : « Dieu s’est mis en colère contre moi pour vous » : pour votre bien !

 

Moïse a pris le risque d’intégrer le  עֵרֶב רַב en Israël pour le bien d’Israël en sachant très bien que s’il demandait à Dieu, Il lui répondrait négativement au nom de la loi. Mais Moïse sait très bien que c’est le secret désir de Dieu de le faire quand même. Il y a un décalage des circonstances.

C’est ici l’exemple d’une question à ne pas poser. Moïse sait très bien que s’il pose la question la réponse est non. Or, il sait très bien qu’il faut le faire, bien qu’il ne faille pas le faire maintenant. Alors il a pris le risque sur lui. 

 

***

Q : Je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas הַשֵּׁם qui prend cette responsabilité et qui la laisse à Moïse ?

R : C’est pour cela que justement j’ai laissé cela en suspend pour que vous le découvriez par vous-même. Je vous donne un exemple. Dans le verset 10 :

 

32:10

וְעַתָּה הַנִּיחָה לִּי וְיִחַר-אַפִּי בָהֶם וַאֲכַלֵּם; וְאֶעֱשֶׂה אוֹתְךָ לְגוֹי גָּדוֹל

Et maintenant laisse-Moi (ne prie pas, la prière ne pourra rien) Ma colère s’enflammera contre eux Je les détruirais et Je ferai de toi une grande nation…

 

Et Moïse refuse !

 

Midrash :

Exemple donné dans le Midrash sous forme un peu imagé mais pas tellement imagé: Imaginons un enfant qui a fait une faute. D’après la loi cette faute est passible de mort. Les parents doivent juger. Il y a deux principes qui vont s’incarner de façon différente chez le père et la mère. Pour le père la faute exige une sanction prévue par la loi : la destruction en jetant la montagne sur eux… La mère approuve mais demande une sanction morcelée petit à petit sur 2000 ans, par petits cailloux, la montagne sera jetée mais de manière telle qu’ils puissent survivre.

Dieu veut les détruire mais il va les punir à la manière dont Moïse a demandé. En pardonnant mais en mettant la punition en sursis. Cela veut dire que chaque fois qu’une faute sera faite, elle sera payée pour elle-même et un petit peu aussi pour la faute du veau d’or, jusqu’à ce que la faute du veau d’or soit évacuée, expiée. Il en résulte que la décision est là, il faudra les détruire mais là Moïse obtient que cela soit de telle sorte qu’ils survivent quand même. Cela veut dire que toute cette identité va être mise en jeu dans l’histoire : et l’histoire dévoilera que celui qui a vraiment fauté disparaîtra et que celui qui n’a pas vraiment fauté s’améliorera.

 

La question posée « faut-il les accepter ? » conduit Moïse devant un dilemme : oui il faut les accepter du point de vue de l’objectif, mais non il ne faut pas les accepter du point de vue de leur état actuel. Moïse sait très bien que s’il demande à Dieu la Halakha la réponse sera négative. Mais Moïse sait par ailleurs que Dieu attend l’initiative de Moïse.

  

Je vous donne le 2ème exemple et vous comprendrez par vous-même:

 

2ème exemple : 

A la descente de la montagne, Moïse prend les tables de la loi et les casse.

 

32:19

וַיְהִי כַּאֲשֶׁר קָרַב אֶל-הַמַּחֲנֶה וַיַּרְא אֶת-הָעֵגֶל וּמְחֹלֹת; וַיִּחַר-אַף מֹשֶׁה וַיַּשְׁלֵךְ מִיָּדָו אֶת-הַלֻּחֹת וַיְשַׁבֵּר אֹתָם, תַּחַת הָהָר

Et il arriva quand il s’est approché du camp il vit le veau et les danses, la colère de Moïse s’enflamma et il jeta de ses mains les tables et il les brisa au pied de la montagne.

 

Ensuite, lorsque Moïse va intercéder pour cette partie du peuple qui a fauté, et c’est la 2ème prière qu’il fera. La 1ère des prières est faite pour Israël lui-même, la 2ème est pour la partie du peuple qui n’était pas Israël mais que Dieu a accepté d’intégrer à Israël sur demande de Moïse. A partir du moment où cet עֵרֶב רַב entre en Israël, il est justiciable de la loi pour Israël, et c’est la raison pour laquelle il faut prier pour lui. Mais la 1ère prière était pour Israël. Je vous rappelle le raisonnement :

Dieu dit à Moïse : « ton peuple a fauté !» Moïse dit à Dieu : « pour sauver ton peuple » avec pour raisonnement : « Si Tu détruis mon peuple, Ton peuple est perdu... ». Parce que la sortie d’Egypte n’est possible que si le עֵרֶב רַב sort avec Israël. C’est le raisonnement de Moïse. L’initiative de Moïse est la suivante: si on n’accepte pas cet עֵרֶב רַב, l’exil d’Egypte a raté son objectif sur ce point de la fonction de l’exil. Et c’est cela l’initiative que prend Moïse quelque soit le risque.

 

La première prière est pour Israël lui-même. Une fois que Dieu va pardonner et suspendre la punition en la répartissant sur toute l’histoire jusqu’à la fin des temps, une fois la punition suspendue le עֵרֶב רַב est intégré en Israël. Il en résulte qu’il est soumis à la loi d’Israël et que la faute est vraiment une faute. Raison pour laquelle il faut une 2ème prière pour le עֵרֶב רַב et pour que la punition soit suspendue au nom de la loi même. A ce moment là, Dieu demande à Moïse de remonter sur la montagne et c’est l’épisode des deuxièmes tables.

 

Chapitre 34, verset 1 :

34 :1

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה, פְּסָל-לְךָ שְׁנֵי-לֻחֹת אֲבָנִים כָּרִאשֹׁנִים; וְכָתַבְתִּי, עַל-הַלֻּחֹת, אֶת-הַדְּבָרִים, אֲשֶׁר הָיוּ עַל-הַלֻּחֹת הָרִאשֹׁנִים אֲשֶׁר שִׁבַּרְתָּ

Et הַשֵּׁם dit à Moïse taille pour toi deux tables de pierres comme les premières. Et j’inscrirais sur les tables les paroles qu’il y avait sur les premières tables que tu as brisées

 

גְּמָרָא Shabbat 87a :

אֲשֶׁר שִׁבַּרְתָּ que tu as brisées

Shabbat 87a enseigne : que nous apprend אֲשֶׁר שִׁבַּרְתָּ que tu as brisées – nous savons que c’est Moïse qui les as brisées d’après le verset précédent ?

אֲשֶׁר שִׁבַּרְתָּ que tu as brisées – signifie en fait : yashar korakha sheshibarta  que tu as bien fait de briser ! Cela nous apprend que Dieu a accepté que Moïse ait brisé les tables.

 

Raisonnement d’exégèse : étant donner que le verset précédent nous a appris que c’est Moïse qui a brisé les tables, il est inutile de rappeler ici que c’est lui qui les a brisées. Par conséquent, si Dieu Lui-même dit : « les premières tables que tu as brisées » cela veut dire qu’Il est d’accord ! C’est donc là le חִדֻשׁ du verset : « que tu as bien fait de briser ». C’est le seul raisonnement possible sur l’exégèse de ce verset. On pourrait dire  le contraire que Dieu n’était pas d’accord mais la גְּמָרָא nous précise la preuve que Dieu était d’accord c’est qu’Il lui a donné les secondes tables. Donc c’est bien homogène au récit. D’où la question qui va se poser sur cette exemple comme sur l’exemple précédent : tout se passe comme si Dieu attendait que Moïse brise les tables de la loi.

 

Questions :

Pourquoi ne lui a t-Il pas demander de les briser directement ? Et que signifie que Dieu attende que Moïse brise les tables de la loi ? En quoi le fait de briser les tables de la loi va-t-il sauver le peuple ?

 

Réponse :

Tant que la loi n’a pas été donnée il n’y a pas faute ! Et par conséquent, si Moïse donne les tables de la loi, il y a faute ! Il faut par conséquent briser les tables de la loi pour qu’il n’y ait pas faute et pour sauver le peuple. C’est soit les tables, soit le peuple. Dieu attend que Moïse prenne l’initiative d’annuler la loi pour que le peuple ne soit pas détruit.

 

Question : Pourquoi Dieu ne le dit-il pas directement à Moïse : « sort aussi le עֵרֶב רַב d’Egypte avec les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל», « brise les tables de la loi » ... ?

 

Midrash :

Lorsque Dieu dit à Moïse : « ton peuple s’est mal conduit, ils se sont fait un idole ! »

Moïse répond : jusqu’à présent, il n’y a que moi qui aie reçu la תּוֹרָה, eux ne l’ont pas encore reçu. Parce que les 10 commandements ont été donné au singulier, Dieu s’adressant à Moïse : « Tu ne feras pas d’idole… » Moïse suspend l’histoire : tant qu’ils n’ont pas reçu la loi, tant que je ne leur ai pas transmise, il n’y a pas faute légale. Il y a bien faute d’identité. Dieu déclare que ce peuple n’est pas fait pour cette loi et veut le détruire... Mais si en plus Moïse leur donne la loi, alors il y a faute légale. Pour qu’il n’y ait pas faute légale, il préfère briser les tables.

 

Ce thème-là nous allons le rattacher au problème de la תְּשׁוּבָה d’autre part.

 

Avec les premières tables, la loi est telle qu’à la première faute celui qui est coupable est détruit. La loi est donnée sans que le principe de la תְּשׁוּבָה soit possible. Avec les deuxièmes tables, la loi est donnée avec l’éventualité que s’il y a faute, il y a pardon. Raison pour laquelle les deuxièmes tables sont données le jour de Kippour.  

 

Chronologie des événements:

Au 6 Sivan : la promulgation de la תּוֹרָה. Moïse monte pour 40 jours. Ensuite il redescend, c’est le 17 Tamouz où les tables ont été détruites. Dans l’histoire, le 17 Tamouz est le jour de la destruction des murailles de Jérusalem. Ensuite il remonte 40 jours pour prier et 40 jours pour recevoir les deuxièmes tables, et il redescend le 10 Tishri. Du 6 Sivan au 10 Tishri, il y a 3 fois 40 jours, avec la fin des premiers 40 jours le 17 Tamouz. Les deuxièmes tables ont été données le jour de Kippour.

 

L’événement historique du 10 Tishri qui est le jour de Kippour est la promulgation des deuxièmes tables, c’est-à-dire le pardon de la faute qui avait été faite par rapport aux premières tables. Les deuxièmes tables sont la même loi, mais compte tenu de l’expiation possible en cas de faute. C’est pourquoi après Kippour il y aura Sim’hat Torah qui correspond à תּוֹרָה מָתַן du 6 Sivan.

 

Question :

Pourquoi Dieu n’a-t’Il pas demandé à Moïse de briser les tables ?

Ici la גְּמָרָא veut nous faire comprendre que Dieu approuve le geste de Moïse et n’attend que cela. La גְּמָרָא de Shabbat nous enseigne que Dieu est d’accord avec l’initiative prise par Moïse.

 

Question : Pourquoi Dieu n’a-t’Il pas demandé à Moïse de briser les tables ?

Réponse : Dieu ne peut pas s’opposer à la loi. Dieu ne peut pas porter atteinte à la vérité absolue. C’est pourquoi il faut que l’initiative vienne de Moïse. L’idée que Dieu suspende la loi est une idée impossible. C’est la stratégie de Moïse qui fait que c’est possible et Dieu est d’accord avec lui.

 

Midrash précédent :

C’est avec une intention très profonde que le Midrash a toujours éclairé et illustré ce genre de  situation avec le problème de la famille. Par exemple quand le père dit à la mère : « arrête-moi, sinon je... », ce qui signifie « arrête-moi ! ». C’est dire que la conduite du père doit être הָדִין מִּדָת et c’est la mère qui doit intervenir pour arranger les choses. Mais si la mère n’intervient pas alors les choses ne s’arrangent pas. Parce que la loi est comme cela.

 

Il n’est pas question que Dieu porte atteinte aux tables de la תּוֹרָה, mais il attend que Moïse prenne l’initiative. Et lorsque Moïse prend l’initiative Dieu le félicite : c’est ce qu’il fallait faire.

 

Quelle est l’idée ?

C’est qu’il faut suspendre la loi en attendant que le peuple soit capable de la recevoir. Si la loi est donnée alors que le peuple n’est pas capable de la recevoir, cette loi va l’écraser.

 

Exemple :

La גְּמָרָא nous append par ailleurs que très tôt dans l’histoire d’Israël on a suspendu la peine de mort. C’est un problème dans les temps contemporains dans la civilisation occidentale, ce n’est que très récemment que l’on s’est posé la question de la légitimité de cette peine de mort. Mais la raison pour laquelle le Sanhédrin a supprimé la peine de mort est toute autre. Au point que la גְּמָרָא dit qu’un tribunal qui condamne à mort une fois en 70 ans peut être défini comme un tribunal d’assassins. Mais que veut dire la suspension de la peine de mort ? C’est protéger les assassins ?

 

Cette suspension de la peine de mort ne survient pas après un développement de la moralité, c’est exactement le contraire : c’est un diagnostic que la société est tombée à un niveau d’immoralité tel que cela n’a plus de sens d’appliquer la peine de mort. La peine de mort ne vient sanctionner que les cas extrêmes de violation de la loi. Lorsqu’il y a quelques cas de temps en temps, cela a un sens d’appliquer une telle mesure. Cela veut dire que le peuple est au niveau de cette loi. Mais si c’est tous les jours qu’il faut appliquer cette loi de peine de mort cela dévoile que le peuple n’est plus au niveau de cette loi. Alors c’est la loi qu’il faut suspendre. Ce n’est pas par amélioration de la moralité que l’on a supprimé la peine de mort mais pas excès d’immoralité. Cela signifie qu’il faudrait mettre tout le monde à mort. Quand on diagnostique qu’une société est tombée à ce niveau-là cela n’a plus aucun sens d’appliquer cette peine-là.

 

La Knesset a suspendu la peine de mort et en cela n’avait pas vraiment la motivation du Sanhédrin de cette גְּמָרָא. C’est plus par raison humaniste d’un peuple de persécutés pendant 2000 ans qui a horreur de la peine de mort... Je crois que l’atavisme juif a joué profondément lors de ce vote.

 

Mais il peut y avoir des cas exceptionnel où il est évident qu’il faut l’appliquer. Et du point de vue de la loi une telle peine ne peut qu’être exceptionnelle. Lorsque c’est tous les jours, on ne peut plus.

Ce n’est pas par évolution de la conscience morale, c’est l’inverse : c’est par diagnostic d’une immoralité plus grande. Il faut donc suspendre la loi. Le principe ce n’est pas du tout qu’il est immoral de condamner à mort, mais qu’il est immoral de condamner à mort tous les jours. Cela veut dire que le niveau moral de la société a baissé et donc la loi est suspendue. Mais au niveau de la vérité la loi reste la loi. Comme un organisme sain qui a une cellule malade : c’est l’ablation. Mais si c’est tout l’organisme qui est malade il faut choisir une autre thérapeutique...

  

Cela se rattache un peu à notre problème :

Pour que le peuple puisse être sauvé il faut donc suspendre la loi. D’où l’initiative de Moïse que Dieu ne peut pas prendre par Lui-même. C’est le même problème à propos du עֵרֶב רַב. Du point de vue de la loi absolue, le עֵרֶב רַב n’était pas dans l’état d’être intégré, et pourtant il fallait le faire c’est pourquoi Moïse prend ce risque.

 

Rashi nous explique ce que signifie ici « Ton peuple ».

Jusqu’à ce qu’ils soient à la hauteur de la loi ce n’est pas le peuple de Dieu mais le peuple de Moïse.

C’est pourquoi Moïse ne pose pas la question parce qu’il savait très bien que Dieu aurait dit non. De la même manière s’il avait demandé à Dieu de briser la loi. Dieu aurait répondu négativement. Mais il le fait de sa propre initiative et Dieu le félicite.

 

Q : Quand Dieu donne les 2èmes tables est-ce que le peuple est apte à les recevoir ?

R : Quand Dieu donne les deuxièmes tables cela veut dire que quelque soit la faute, le repentir peut être possible. Et c’est l’expérience de cela qui a eu lieu dans cet épisode du désert. A priori, seuls ceux qui sont compatibles avec cette loi sont Israël et les autres sont disqualifiés. Mais ce n’est plus les premières tables que l’on reçoit, on n’est pas confronté à ce niveau-là de la loi mais au deuxième. Cela veut dire que s’il y a eu faute, l’expiation peut venir. Et donc que la réception des deuxièmes tables est à un niveau bien plus inférieur que celles des premières.

 

Q : Pourquoi הַשֵּׁם n’a pas donné directement les deuxièmes tables ?

R : parce que la vraie loi [est au niveau des premières bien sûr.]

 

Q : Est-ce que le fait d’avoir été en exil équivaut à une suspension de la loi ?

R : Elle n’avait pas encore été promulguée. Ici la faute est grave parce qu’elle apparait après le תּוֹרָה מָתַן. Ils ont entendu le contenu de la loi mais ne l’ont pas encore reçu comme contrat. Alors Moïse préfère briser la loi pour sauver le peuple.  

 

Q : N’est-ce pas jouer avec la loi que de la suspendre et de l’adapter en la transformant en fonction du niveau du peuple... Et Dieu finalement félicite Moïse... ?

R : Les personnages ne sont pas n’importe qui : ce sont Dieu et Moïse !

La réponse est dans la question : une telle conduite de la morale n’est possible que pour une conscience de bonne foi. Il y a un affrontement entre la vérité et la réalité. Cela se relie à ce qu’on a appris à propos du repentir. Cela n’est possible que pour une conscience de bonne foi !  C’est évident. Celui qui dit : « Je sais que la clause du repentir est possible, je vais fauter et je me repentirais.... », son repentir n’est pas accepté parce qu’il y a une clause de bonne foi.

 

La morale de la תּוֹרָה est très difficile parce qu’elle s’adresse au צַדִּיק. Il faut une option de bonne foi, alors la vie selon la loi est praticable malgré le décalage entre la vérité et la réalité. Mais s’il y a mauvaise foi, alors évidemment on est hors la loi.

 

Il y a un grand principe dans la morale juive : toute chose même la plus apparemment insignifiante à priori c’est absolument interdit. On va détruire le monde. Mais lorsque c’est arrivé a postériori on va s’arranger en recollant les morceaux en sachant très bien que lorsqu’il y a brisure les morceaux se recollent à un niveau inférieur. C’est cela l’enjeu. C’est á comprendre au niveau de la vie de tous les jours d’ailleurs.

  

C’est la première leçon qui nous est donné : a priori une faute c’est impossible car c’est au niveau de la vérité. Mais si cela arrive dans la réalité, alors il y a une stratégie de כַּפָּרָה.

Mais à chaque fois on descend de niveau. Mais cette tradition morale ne peut être basée que sur la bonne foi

S’il y a mauvaise foi il y a divorce.

 

***

 

Q : Est-ce que les premières et les deuxièmes tables sont identiques ?

R : non, des mots ne sont pas les mêmes, mais c’est surtout à un niveau tout à fait autre. Pour les premières tables c’est a priori de la faute, le contrat est absolu : il y a une charte d’identité : celui qui coïncide avec est d’Israël et celui qui ne coïncide pas en est exclu. Cette charte est en même temps une carte d’identité. Seul celui qui s’y reconnait est d’Israël.

Pour les deuxièmes tables, c’est : voilà l’idéal à réaliser. C’est a postériori de la faute : la loi est toujours la loi avec l’identité d’Israël et pour celui qui y correspond c’est bien. Et pour celui qui y correspond pas on pourra toujours le récupérer. Mais il sera un récupéré.

 

Q : Est-ce qu’on peut faire un parallèle avec le Gan Eden : c’était le monde de la vérité et on est récupéré par cela par où on passe mais pour en arriver là ?

R : c’est dans un tout autre thème, cela ressemble formellement mais ce n’est pas exactement comme cela. La différence entre le גַּן-עֵדֶן et le עוֹלָם הַבָּא c’est le mérite. Gan Eden avant de l’avoir mérité, עוֹלָם הַבָּא prés l’avoir mérité. C’est la même chose au niveau du contenu mais pas dans la relation au mérite, c’est totalement différent.     

 

***

 

On a vu suffisamment ce premier point de la différence entre le עֵרֶב רַב  et les tribus d’Israël.

 

עֹרֶף קְשֵׁה עַם   

Dans l’histoire d’Abraham, l’histoire avec Loth au moment de la guerre qu’Abraham a du faire et qu’à ce moment-là l’exil lui a été annoncé : déjà lui est indiquée cette clause qu’il faudra ramener...

 

Retenez provisoirement cette idée : Il y a une sorte d’inachèvement de la nation d’Israël dans son identité profonde et ce n’est pas seulement une question du nombre d’individus, puisque finalement nous voyons les 4/5ème des hébreux se perdre en Egypte, et que l’une des fonctions de l’exil est de réaliser ce parachèvement.

 

Ce qui m’étonne c’est que vous ne le perceviez pas par vous-même. Il faut penser ce genre de question-là à l’intérieur du monothéisme total. C’est dire qu’il y a la même Providence, bien qu’à des niveaux différents, pour Israël et pour le reste de l’humanité. Cette histoire qui est raconté à travers l’histoire d’Israël concerne l’humanité toute entière. Admettons comme postulat qu’il y a à l’échelle individuelle en dehors d’Israël chez les autres nations, des individus dont le statut est analogue.

 

Et par conséquent, ce fait que la naturalisation en Israël est possible pose à priori problème : s’il y a à priori une élection d’identité aussi radicale de la définition d’Israël, l’idée d’un גִיוּר serait impensable.

 

Cf. le séminaire de Benno Gross sur Judah Halévi.

 

Comme je connais sa manière d’enseigner je pense qu’il a du mettre l’accent là-dessus qu’il y a à priori une différence d’essence entre Israël et le reste de l’humanité (הַאֱלֹהִי עִנְיַן), idée à nuancer. Mais on ne peut penser ce problème qu’à l’intérieur d’un monothéisme total et cohérent. Le fait que l’identité Israël est radicalement différente à l’échelle collective, mais à l’échelle individuelle dans toutes les autres nations peut se trouver des individus dont le chemin de destinée (גּוֹרָל) a été celui d’Abraham, chacun à son niveau. Alors ils sont d’Israël dans le principe. Par conséquent en ce qui concerne la sortie d’Egypte, la fin de l’exil, étant donné que pour Israël toute cette histoire de l’exil est une dialectique d’expérience גֵּאֻלָה -גָלוּת , celui qui a vécu la même dialectique est candidat à être le fidèle de ce Dieu Unique dont la תּוֹרָה parle. Tout celui qui a vécu l’exil d’Egypte et la גֵּאֻלָה d’Egypte fait partie de ceux à qui Dieu s’adresse lorsqu’Il dit «  אָנֹכִי יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, אֲשֶׁר הוֹצֵאתִיךָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם.. »

 

Le fait qu’une foule ait assaillie Moïse au moment de la sortie d’Egypte pour sortir avec Israël fait partie de ce problème. La difficulté vient de l’accélération des événements qui a fait que le pain n’a pas levé. On commence toute cette histoire avec un pain non levé, on n’a pas eu le temps.

 

Vous voyez donc ces deux niveaux : il y a eu quelque soit leur raison, des hommes qui ont voulu s’adjoindre à Israël c’est cela la conversion, la naturalisation : sentir, sans savoir pourquoi, faire partie de l’histoire d’Israël. Et Moïse de leur dire Bévakasha : la porte est ouverte. C’est pour cela que l’histoire est faite. Seulement ils sont dans un état tel qu’ils portent en eux un handicap pour Israël. Au niveau de la vérité absolue on ne peut pas les accepter tant qu’ils ne sont pas compatibles.

 

Une des fonctions de l’exil, et il y en a d’autres, c’est celle-ci : revenir enrichis de toutes les נְשָׁמוֹת qui dans le principe font partie d’Israël mais dont l’histoire a fait qu’elles sont restées chez les גּוֹיִם. Je vous donnerais les textes dans l’histoire d’Abraham.

 

Après 2000 ans d’exil on a fini par être habitué à l’idée d’un monothéisme restreint, à un dieu tribal pour Israël et que ça. En oubliant que la תּוֹרָה commence à la création du monde pour nous apprendre que ce Dieu dont on parle c’est Celui qui a créé tous les univers et donc toutes les humanités. C’est à cela qu’il faut se réhabituer. On ne peut comprendre ce que la תּוֹרָה enseigne du point de vue du sens de l’histoire d’Israël si on ne comprend pas qu’elle concerne d’emblée dans le principe l’humanité toute entière.

 

Et donc à ce niveau là il n’y a pas de problème, pas de question. Mais je sais par expérience qu’il faut plusieurs dizaines d’années d’effort pour arriver à hausser le monothéisme juif au niveau réel de celui dont parle la תּוֹרָה. On a une espèce de panique de penser les choses à ce niveau : Dieu providence d’Israël est le Créateur de l’univers tout entier et donc la Providence de tous les êtres vivants, araignées y compris et tous les גּוֹיִם. Il faut arriver jusque-là. C’est difficile.

 

La difficulté vient du fait qu’actuellement vous recevez des bribes par ce qui s’intègre dans votre mémoire et dans votre connaissance mais il faut bien comprendre qu’il y a une synthèse unique et que chaque chose doit être à sa place. A ce moment là il n’y  plus de problème. Dès que chaque chose est reliée à l’endroit où elle est il n’y a plus de question, tout est simple. Mais tant qu’on est dans le chaos des bribes de connaissances cela reste entrechoqué. C’est inévitable. Tout ce que je peux faire c’est vous donner la perspective, à quel niveau il n’y a plus de contradiction. Mais tout cela il faut le vivre dans l’expérience spirituelle personnelle et arriver à l’intégrer personnellement.

 

Donné dans un autre thème :

L’histoire est un tri : une certaine identité est mise en jeu dans l’histoire et elle doit faire la preuve d’elle-même et va dire ainsi qui elle est. Et un tri se fait. Et à travers l’histoire, ceux qui sont d’Israël viennent à Israël et ceux qui ne sont pas d’Israël quittent Israël. Seulement on n’a pas l’habitude de dire les choses de façon aussi tranchée et j’en ai souvent parlé, parce que l’histoire a d’autre part une patience infinie. Alors on n’a pas le droit à l’ultimatum d’interpellation. Il y a une patience infinie qui sait attendre la fin du monde. Le problème est au niveau des péripéties où les événements sont accélérés : est-ce qu’on aura le temps ? Mais en principe tant que Dieu attend, il faut attendre pour le jugement. Le jugement sera le jugement dernier. Et il n’y a pas de doute que l’histoire de l’exil fait partie de ce problème. C’est une mise en jeu en vue d’un tri. C’est l’exil qui fait que ceux qui sont d’Israël reviennent en Israël, et ceux qui ne sont pas d’Israël ne reviennent pas en Israël. Mais dit de façon aussi exagérée je n’ai pas le droit. Pourquoi ? Parce que Dieu attend. Le jugement se fera en fin de compte. Mais il y a bien un problème de tri.

 

Et par conséquent, tout se passe comme si une certaine quantité d’âmes qui fait partie d’Israël mais qui est perdue chez les גּוֹיִם doit rejoindre Israël pour que la Gueoulah soit réelle. Et les processus par lesquels cela passe, seuls les חֲכָמִים תַּלְמִידֵי les comprennent. Ce n’est pas visible, c’est un tri qui se fait de façon invisible.

 

C’est à l’intérieur de ce principe qu’il faut comprendre votre questionnement.

A rattacher au problème du גִיוּר. C’est une des grandes difficulté de l’étude de Judah Halévi pour ceux qui n’ont pas suffisamment de familiarité avec le problème.. Il y a une contradiction s’il y avait une différence d’essence entre Israël et les גּוֹיִם à l’échelle individuelle (à l’échelle collective c’est sûr) et le fait que le גִיוּר soit possible. Or, qu’est-ce qu’un גִיוּר? C’est le fait de prendre acte que quelqu’un qui apparemment était chez les גּוֹיִם en réalité fait partie d’Israël. Seulement, il y a un processus de dévoilement d’identification. C’est le temps de ce processus de dévoilement de l’identification qui a manqué à Moïse. Mais il a pris le risque quand même parce qu’il y avait là un événement décisif à l’échelle de la destinée collective d’Israël : Si on sort d’Egypte sans le עֵרֶב רַב   toute cette histoire de l’exil d’Egypte est un coup pour rien. Il faudra recommencer et Moïse ne veut pas entendre l’éventualité d’autres exils. Il est venu pour sauver Israël de cet exil comme si c’était la fin des temps, comme si on sortait de ce monde-ci pour entrer dans le עוֹלָם הַבָּא. Et quand il s’aperçoit qu’il faut recommencer à ce monde-ci עוֹלָם הַזֶּה alors il passe le relai à Josué et donne rendez-vous pour la fin des temps.

 

Mais toute son histoire ne peut être comprise que si on comprend cela : il a un seul objectif de passer du עוֹלָם הַזֶּה au עוֹלָם הַבָּא. C’est en cela que cette histoire est notre modèle : c’est toujours comme ça que cela se passe toujours jusqu’au moment où cela réussira.

 

Quand il prend acte qu’il faut redescendre pour repartir du plus bas pour arriver au plus haut il passe le relai à Josué avec rendez-vous à la fin des temps.

 

Mais le fait que la גֵּאֻלָה n’est possible que si le עֵרֶב רַב vient avec, c’est à priori. Parce qu’elle concerne aussi l’histoire des individus qui sont analogues au niveau de leur נְשָׁמָה avec ceux d’Israël.

 

C’est le fait qu’il y a une entité nationale collective « Israël », mais qu’en dehors il y a des individus qui au début de départ de cette histoire auraient du faire partie de cette histoire d’Israël mais qui sont perdus dans les autres peuples. Une des fonctions de l’exil c’est ce tri-là.

 

La décision n’appartient pas aux hommes parce que par définition nous ne connaissons pas l’avant et l’après de la destinée de chacun. C’est pourquoi nous avons une législation très précise qui permet de diagnostiquer si c’est casher ou pas. Mais Moïse savait apriori qu’il prenait sur lui tout ce risque-là. Il l’a pris quand même pour le bien d’Israël. Et finalement c’est cet עֵרֶב רַב qui a été intégré à Israël. Finalement s’est intégré.

 

Il ne faut pas oublier que nous lisons la תּוֹרָה pour la petite fenêtre que nous avons sur le développement de notre destinée historique entre la naissance et la mort.

 

On ne peut comprendre l’envergure de cet enseignement qu’à un certain âge pour percevoir l’évidence que mon existence n’a pas commencé à ma naissance et qu’elle ne se terminera pas à ma mort. Ce qu’il y a avant et ce qu’il y a après nous échappe mais il est évident que tant qu’on n’a pas rencontré ce principe-là on ne peut pas penser le problème d’un enseignement concernant le sens d’une histoire qui traverse les individus et qui commence au 1er homme et qui s’achèvera qu’avec le  Messie.  

 

C’est un non-sens de supposer qu’on peut étudier la תּוֹרָה avec l’idée que la destinée de chacun commence à la naissance de chacun et se termine avec sa mort. Cette loi-là du comportement a une préface historique d’envergure métaphysique et pas du tout purement et simplement législative. Ce n’est pas un simple code de comportements comme n’importe quelle société a le sien, c’est le code de comportement pour ceux qui sont insérés dans l’histoire de la destinée du monde depuis la création jusqu’à la rédemption. C’est à ce niveau-là qu’il faut comprendre ces problèmes.

 

Il faut pour cela apprendre ce qu’il y a à comprendre car il y a une dimension d’arriver à  expérimenter dans la réalité ce qu’on a appris au niveau abstrait des idées, et chacun à son rythme, avec son passé, sa capacité de mémoire...

 

Ce qu’il faut découvrir c’est que toute cette חוֹכְמָה fait une unité absolue. On commence par des bribes. Il suffit de comprendre qu’un verset  a été compris pour savoir que tous les versets sont dans le même cas. Des choses qu’on comprend maintenant et des choses qu’on comprend plus tard...

C’est un procédé du raisonnement logique qu’on appelle le raisonnement par récurrence en mathématiques. Si une loi est vérifiée sur un point et un point +1 alors elle est vraie pour toute la série. Mais on ne comprend pas encore forcément pour tous les autres.

 

A chaque difficulté rencontrée, il faut la rattacher aux principes de bases. Il est évident qu’il peut arriver que vous ne voyiez pas par vous-même le lien. Un jour viendra où tel commentaire donnera le lien…

 

A partir du moment où vous avez eu l’expérience que sur un point, le verset vous a enseigné quelque chose, ce n’est pas vous qui lui avez fait dire quelque chose par vos propre forces de conscience, alors vous avez découvert l’attitude de l’étude : c’est le verset qui m’enseigne, c’est à lui de me dire ce que je dois savoir et non pas l’inverse. Ce n’est pas moi qui vais le faire parler. Tant qu’on a un problème de controverse avec le verset, il faut savoir à priori que c’est le verset qui a raison. Tant qu’on n’a pas compris en quoi il a raison c’est qu’on n’a pas compris du tout.

 

Enseignement de la גְּמָרָא :

« J’ai appris de mon maître ce qu’un chien peut laper de l’océan une fois ».

C’est cela la תּוֹרָה. Il suffit d’avoir eu même au niveau des bribes l’expérience une fois que c’est la תּוֹרָה qui enseigne. Cela permet d’économiser du temps. Les questions sont par manque de connaissance pour arranger deux opinions l’une avec l’autre. Ne pas perdre de temps à lire des commentaires mais lire à la source. Après seulement on s’aperçoit que le commentaire est enrichissant. Après quand on a les bases nécessaires pour le comprendre. Sinon cela ne peut que suggérer de fausses questions. La manière d’être de l’esprit c’est à travers le temps. Rien de pire que la perte de temps. Crime le plus abominable pour l’esprit est la perte de temps d’étude.

Cf. l’expression française : « tuer le temps » c’est de l’assassinat.

 

***

 

בְּרֵאשִׁית Chapitre 15 :

Deux versets qui annoncent l’exil en Egypte déjà avec Abraham.

Le verset 15:13 fait suite au récit précédent de la guerre entre les 4 et 5 rois entre lesquels Abraham est intervenu pour sauver Loth qui se trouvait à Sodome.  

 

15:13

וַיֹּאמֶר לְאַבְרָם, יָדֹעַ תֵּדַע כִּי-גֵר יִהְיֶה זַרְעֲךָ בְּאֶרֶץ לֹא לָהֶם  

Il dit à Abram  savoir tu sauras que ta postérité seraגֵר  (étranger) dans un pays qui n’est pas à eux

 

Et on ne nous dit pas encore quel est ce pays bien que depuis le commencement de ce récit on a pressentir qu’il s’agit de l’Egypte. Il s’agit de la préfiguration de tous les exils et le pays où l’on va en exil se définit ainsi : une terre qui n’est pas la leur. Et puis finalement il se dévoilera que c’est l’Egypte parce que c’est en règle générale là où la civilisation s‘installe, là où est l’empire de la civilisation du temps, selon l’histoire des civilisations entre elles.   

On peut conclure pour la civilisation actuelle qui a commencé il y a 2000 ans, il s’agit de la civilisation de Rome. Et c’est là où le foyer de cette civilisation de Rome que se trouve principalement le foyer de l’exil du peuple d’Israël. C’est Romeמַמָּשׁ  ou un de ses satellites, Espagne, Angleterre Russie, USA...

 

וַעֲבָדוּם, וְעִנּוּ אֹתָם--אַרְבַּע מֵאוֹת שָׁנָה

Et on les asservira et les persécutera 400 ans

 

On va se poser la question de suite : à cause de quoi une telle décision est donnée ?

 

15 :14

וְגַם אֶת-הַגּוֹי אֲשֶׁר יַעֲבֹדוּ, דָּן אָנֹכִי; וְאַחֲרֵי-כֵן יֵצְאוּ, בִּרְכֻשׁ גָּדוֹל

Et aussi la nation qui les aura asservis Je la jugerais Et après cela ils sortiront avec un grand butin

 

Etonnement :

Il y a l’éventualité d’un exil et de grandes persécutions avec cette compensation de sortir avec de grandes richesses ?  

Ce mot de  רְכֻש   se retrouve dans le 1er contexte.  

En fin de compte grâce à Abraham, lors de cette guerre contre les rois, le camp dans lequel se trouve Sodome et son roi où était Loth pour lequel Abraham a fait cette guerre. Abraham avait promis protection à Loth : « si tu va à droite je vais à gauche et si tu vas à gauche je vais à droite » pour être toujours à tes côtés... (au milieu)

Abraham apprend que Loth a été fait prisonnier et rentre dans la guerre pour le délivrer et par conséquent il faut basculer la victoire dans le camp où Loth se trouvait, c’est-à-dire Sdom.

 

Après la victoire au  Verset 21 du chapitre 14 :

14 :21-22

וַיֹּאמֶר מֶלֶךְ-סְדֹם אֶל-אַבְרָם:  תֶּן-לִי הַנֶּפֶשׁ, וְהָרְכֻשׁ קַח-לָךְ

Et dit le roi de Sedom à Abram Donne moi les prisonniers et le butin garde-le

 

וַיֹּאמֶר אַבְרָם אֶל-מֶלֶךְ סְדֹם:  הֲרִמֹתִי יָדִי אֶל-יְהוָה אֵל עֶלְיוֹן, קֹנֵה שָׁמַיִם וָאָרֶץ

Abram dit au roi de Sedom J’élèverai ma main vers Dieu suprême créateur du ciel et de la terre

 

אִם-מִחוּט וְעַד שְׂרוֹךְ-נַעַל וְאִם-אֶקַּח מִכָּל-אֲשֶׁר-לָךְ וְלֹא תֹאמַר אֲנִי הֶעֱשַׁרְתִּי אֶת-אַבְרָם

Que ce soit d’un fil ou d’un cordon de soulier je jure que je ne prendrais rien de tout ce qui t’appartient Et tu ne diras pas « moi j’ai enrichis Abram ».

 

Contexte :

La guerre a été faite et a été gagnée et au moment du partage du butin, le roi de Sedom demande les prisonniers et laisse tout le reste du butin. Abraham répond qu’il garde tout, le butin et les prisonniers. Ces deux contextes que nous venons de lire sont liés. Le fait qu’Abraham s’est entendu dire dans le deuxième contexte que sa descendance sera exilée, est relié à ce qui se passe là parce que le même mot a été employé dans les deux contextes : רְכֻשׁ.

 

15:14

וְאַחֲרֵי-כֵן יֵצְאוּ, בִּרְכֻשׁ גָּדוֹל

Et après cela ils sortiront avec un grand butin

 

Dans ce récit Abraham n’a pas voulu garder et intégrer en lui tout ce butin du résultat de la guerre et va être condamné à ce que sa descendance sera destinée à aller chercher ce butin, là où il se trouvera. En fin de compte il s’avère que ce butin est en Egypte et il faudra donc aller en Egypte pour récupérer ce butin qu’Abraham a laissé de côté, ce רְכֻשׁ.

 

Dès le début de la constitution de la Knesset Israël - l’assemblée d’Israël - il laisse en dehors des valeurs et des personnes qui auraient du être au-dedans ? 

Deux problèmes à comprendre :

De quoi s’agit-il ?

Pourquoi Abraham agit-il ainsi ?

 

Talmud Nédarim 32a:

Rabi Yohanan enseigne: pourquoi Abraham notre père a-t’il été puni et sa descendance a-t-elle été asservie en Egypte 210 ans ? (A relier avec le problème des différents nombre de l’exil d’Egypte) Réponse : parce qu’il a empêché des hommes d’entrer sous l’aile de la שְׁכִינָה ainsi que dit le verset :

וַיֹּאמֶר מֶלֶךְ-סְדֹם, אֶל-אַבְרָם:  תֶּן-לִי הַנֶּפֶשׁ, וְהָרְכֻשׁ קַח-לָךְ

Et dit le roi de Sedom à Abram Donne-moi les prisonniers et le butin garde-le

 

Le jugement est très dur. 

Nous savons qui est Sedom, la société la plus dépravée qu’il y avait en ce temps-là. Et Abraham s’est fait l’allié du roi de Sedom pour sauver Loth. Et le roi de Sedom demande les prisonniers à Abraham qui lui laisse non seulement le butin et les personnes. Donnant un argument : qu’on ne dise pas que le roi de Sedom a enrichi Abraham...

 

Finalement tout ce רְכֻשׁ va rester en dehors. On retrouve ce mot deרְכֻשׁ  dans le 2ème contexte.

D’où cet enseignement de la גְּמָרָא Nédarim 32a que je vais formuler par rapport à notre sujet : pourquoi cet exil a du avoir lieu ? Parce qu’Abraham a laissé toutes ces personnes qui aurait pu être converties à l’identité d’Israël. Là où ces נְשָׁמוֹת sont tombées il faudra que la descendance d’Abraham aille les chercher en exil pour les faire sortir avec eux.

 

Il y a toute une stratégie de relation entre la vérité et la réalité qui n’est pas facile. Mais c’est ainsi que les choses se sont faites. Et finalement cela entraine des handicaps. Chaque étape possède une sorte de déchet qui se récapitule et se répercute sur l’étape suivante.

 

Une des fonctions de l’exil est de mettre en évidence les valeurs qui sont de l’ordre de l’identité d’Israël mais qui sont déjà préalablement dans une sorte d’exil total en dehors d’Israël. Lorsque le peuple d’Israël se met dans le cas d’avoir à être puni par l’exil, alors à postériori cette fonction va trouver son emploi. Il pourrait y avoir d’autres manières de sauver ces valeurs sans forcément passer par l’exil. Mais à postériori si déjà l’exil est nécessaire d’autre part, alors cela va servir aussi à cela.

 

Dans ce contexte du Talmud, il y a deux autres épisodes de la vie d’Abraham qui sont reliés au même contexte comme cause lointaine de l’exil pour sa descendance.

 

Une de ces causes ici, c’est ce que Moïse va faire à la sortie d’Egypte en emmenant avec lui le עֵרֶב רַב c’est le תִּקּוּן de ce qui s’est passé au temps d’Abraham d’avoir laissé cet עֵרֶב רַב en dehors. Comment cela fonctionne dans le détail historique de la destinée de chacun cela nous échappe. Mais c’est une identité humaine qui est en jeu dans ce thème historique. Comment être sûr que telle personne qui se trouvait dans le עֵרֶב רַב au moment de la sortie d’Egypte c’est bien la réincarnation de telle personne qu’Abraham avait laissé dehors, cela nous échappe. Ce que nous pouvons et devons comprendre c’est le thème historique à l’échelle collective.  

 

Je vous cite autre chose que vous avez sûrement entendu d’autre part, à relier au même problème :

Toutes les נְשָׁמוֹת des convertis, de quels siècles que ce soit, se trouvaient au pied du Sinaï lors de la révélation du Sinaï... Comment cela fonctionne c’est un autre problème. Mais c’est le thème d’identité qu’il faut comprendre.

 

Il y a là deux sources : Qui sont ces גֵּרִים qui viennent en Israël ?

La 1ère source : le רְכֻשׁ  qu’Abraham a laissé en dehors.

La 2nde source : les נְשָׁמוֹת qui étaient au Sinaï en même temps qu’Israël.

 

L’une des sources parle du point de vue de la constitution de la nation et l’autre du point de vue de la תּוֹרָה. Mais finalement c’est le même enseignement dans deux formules différentes.

 

Ceci est nécessaire pour comprendre l’importance de l’initiative de Moïse de prendre leעֵרֶב רַב à la sortie d’Egypte. C’est déjà depuis le temps d’Abraham que se prépare cette nécessité. Il s’agit de cette histoire qui commence avec Abraham et qu’il faut bien qu’un jour elle ait son issue. C’est ce נֶפֶשׁ -là du temps d’Abraham qu’il faut sauver en même temps qu’Israël. Si cela ne se fait pas au moment de la sortie d’exil d’Egypte toute l’histoire de l’exil d’Egypte est privé de sens, en tout cas sur ce point-là et il faudrait recommencer. Vous voyez l’importance de l’initiative de Moïse pour améliorer l’histoire d’Israël. La difficulté, l’empêchement c’est qu’ils n’étaient pas assez préparés. Mais finalement le fait de les faire sortir passe avant les handicaps qu’ils vont introduire.

  

***

Question : Pourquoi Abraham agit ainsi ? Abraham ne savait-il pas tout cela ?

Réponse à partir d’un enseignement du Maharal basé sur le principe suivant : Pour que l’identité d’Israël soit présente, il faut différentes étapes dans l’ordre des vertus, différentes מִּדוֹת, et Abraham est la première. La מִּדָה d’Abraham, הָחֶסֶד מִּדָת c’est le commencement mais ce n’est pas encore l’identité d’Israël. Il faut la מִּדָה de Yitzhak, la הָדִין מִּדָת d’Isaac. Elle est nécessaire en deuxième étape mais ce n’est pas encore l’identité d’Israël. Il faut arriver à la 3ème étape où ces deux מִּדוֹת sont unifiées dans celle de Yaaqov pour que l’identité d’Israël soit là. Et alors à postériori de Jacob Isaac aussi et Abraham sont des enfants d’Israël.

Si chacune de ces מִּדוֹת, celle d’Abraham ou d’Isaac, agit de façon exclusive..

 

… A l’époque de ce récit, il s’appelle encore Abram.

Je vous ai suffisamment parlé de cela : Maintenant que nous vivons au niveau de la descendance des Patriarches, l’histoire accomplie de l’acquisition de ces vertus, alors il semble que cela va de soi mais on ne perçoit plus  l’effort de conquête et d’émergence de constitution de chacune de ces vertus pour elles-mêmes. Et il y a toute une histoire de la mise au point de la vertu de חֶסֶד. Et c’est très long jusqu’à ce qu’Abraham entende comment doit être la הָחֶסֶד מִּדָת pour être celle d’Israël.

 

On l’a étudié avec cette notion de la foi chez Abraham : quel est ce mérite de cette foi d’Abraham de croire quand Dieu lui dit : tu auras un enfant... ? Et comment apparait là toute une expérience difficile pour arriver à intégrer ce nouveau niveau de la foi auquel Abraham n’est pas habitué et le fait qu’il l’acquiert lui confère un mérite qui pour nous n’est plus compté en mérite mais qui pour Abraham est un mérite absolu. Etre capable de croire comme cela la 1ère fois c’est un immense mérite alors que maintenant pour sa descendance pour qui c’est déjà intégré alors où est le mérite de croire lorsque c’est Dieu qui promet ? Mais lorsque cela a commencé cela n’était pas évident d’entendre une promesse et de vivre une telle foi.  

Cf. la controverse entre Rashi et Na’hmanide à ce sujet.

On a étudié cette différence d’étape du cheminement de la découverte de cette nouvelle manière d’être reliée au Créateur au-delà des conditionnements naturels.

 

La הָחֶסֶד מִּדָת chez Abraham ici à ce niveau-là est exclusive, totale, donc hypertrophiée et exagérée, et c’est du trop plein de la foi de la confiance qu’apparait cette faiblesse. Abraham juge que même si ces personnes ne sont pas Israël elles seront sauvées quand même. Il y a là, si vous voulez, une erreur de la vertu, mais c’est une erreur de la vertu.

 

C’est-à-dire que dès que l’identité d’Israël sera constituée ce genre d’erreur ne se fera plus. Il y a là une faute qui n’est pas chez Abraham une culpabilité. Quand Israël fera cette même faute, pour Israël c’est une faute. Il se dévoilera alors que cela a commencé chez Abraham pour qui ce n’est pas une faute mais une vertu, une vertu exagérée. Quand la descendance d’Abraham tombera dans les mêmes erreurs alors c’est imputé en faute, et la racine de la possibilité d’une telle faute se trouve dans la vertu d’Abraham.

 

בְּרֵאשִׁית 12:5 :

וַיִּקַּח אַבְרָם אֶת-שָׂרַי אִשְׁתּוֹ וְאֶת-לוֹט בֶּן-אָחִיו וְאֶת-כָּל-רְכוּשָׁם אֲשֶׁר רָכָשׁוּ וְאֶת-הַנֶּפֶשׁ אֲשֶׁר-עָשׂוּ בְחָרָן; וַיֵּצְאוּ לָלֶכֶת אַרְצָה כְּנַעַן וַיָּבֹאוּ אַרְצָה כְּנָעַן

 

וְאֶת-כָּל-רְכוּשָׁם אֲשֶׁר רָכָשׁוּ, וְאֶת-הַנֶּפֶשׁ, אֲשֶׁר-עָשׂוּ בְחָרָן

et tous les biens et les âmes qu'ils avaient faites à Harân…

 

Si Abraham sait cela, qu’il est chargé de faire ces convertis, comment se fait-il qu’ici il réagit ici comme cela ? C’est pourquoi la גְּמָרָא note de suite ce point comme commencement de l’éventualité de l’exil pour sa descendance.

 

Je vais utiliser cela pour notre sujet et décanter tout cela en une seule phrase :

Etant donné qu’il y a en dehors d’Israël des נְשָׁמוֹת d’Israël, il faut donc aller là où elles sont prisonnières pour les délivrer. Mais ceci pour nous faire comprendre la force de l’initiative de Moïse : on ne peut pas sortir d’Egypte sans avoir fait cela. Et quelle était la difficulté ? C’était trop improvisé. Alors il en est sorti le veau d’or !

Quelle est l’initiative de Moïse ? C’est d’avoir pris sur lui le risque qu’il y ait quelque chose de cet ordre parce que son objectif va beaucoup plus loin : faire que la sortie d’Egypte réussisse. Même si on sort avec un handicap on prendra ce handicap, l’essentiel étant que la sortie d’Egypte réussisse !

C’est à ce niveau qu’il faut penser le problème.

 

Dans ce contexte, c’est Aaron lui-même qui va prendre l’initiative de leur faire le veau d’or.

Il va dans le même sens mais trop loin. « Si moi je le fais, ce sera casher… »

S’en suit le dialogue entre Moïse et Aaron. En schématisant :

Moïse : pourquoi as-tu fait cela ?

Aaron : tu sais bien qu’on ne pouvait pas faire autrement...

 

Ces textes ont une cohérence absolue dans le détail mais il faut les étudier à la loupe pour percevoir á quel niveau cela devient cohérent.

 

Q : le terme רְכֻשׁ   et le terme נֶפֶשׁ

R : Il y a non seulement le נֶפֶשׁ mais même le רְכֻשׁ: il y a les personnes et il y a les valeurs.   

C’est la même fonction mais à deux niveaux. Dans cette définition de cette fonction de l’exil c’est d’une part qu’il y a des personnes, des sujets des נְשָׁמוֹת qui sont concernés par l’identité d’Israël, et là il s’agit du גֵּר à proprement parler. Mais non seulement cela il y a d’autre part le רְכֻשׁ, les valeurs, les מִּדוֹת, qui se trouvent prisonnières de cette civilisation à l’intérieur de l’impureté qu’elle représente et qu’il faut délivrer. Mais c’est le même processus.

 

Effectivement, vous remarquerez que la גְּמָרָא cite le verset tout entier :

Donne-moi l’âme (les prisonniers) et le butin garde-le

 

Nous savons à ce sujet qu’Israël n’est sorti d’Egypte qu’une fois que les Egyptiens pris de panique leur ont donné en les suppliant de prendre tous leurs bijoux. C’est avec ces matériaux qu’a été construit le מִּשְׁכָּן. C’est au niveau des valeurs elles-mêmes, mais il y a les נֶפָשׁוֹת, les personnes. C’est le עֵרֶב רַב.  

 

Abraham a tout laissé. C’est là que la גְּמָרָא intervient alors et dit : pour quelle raison la descendance d’Abraham va-t-elle être frappée de la sanction de l’exil...

 

Comprenez le problème qu’il y a là :

Il y aurait une sorte d’injustice que la descendance d’Abraham soit punie pour une faute qu’Abraham aurait faite : c’est le thème du « péché originel ». 400 ans dans un exil pareil parce qu’Abraham a laissé un butin dehors ?

 

Maharal : c’est lorsque la communauté d’Israël comme telle tombe dans cette faute qu’alors est imputée ce qu’avait fait l’ancêtre. Au niveau de l’ancêtre c’est une vertu, c’est lorsque les descendants le font à leur tour que c’est une faute dont la racine se trouve chez l’ancêtre Abraham. Une tendance à cette faute. Et d’où vient cette tendance ? De la vertu d’Abraham.

 

C’est dit en termes propres dans la גְּמָרָא parce qu’il y avait une sorte de négligence à faire rentrer des אָדָם בְּנֵי sous l’aile de la שְׁכִינָה. On est alors frappé d’exil pour les avoir laisser tomber dans l’enfer. Il faut donc aller en enfer pour les sauver. La גְּמָרָא cherche alors où est la racine d’une telle tendance et le trouve dans un épisode de la vie d’Abraham où cela est déjà arrivé.

 

Du point de vue positif, cela vient de la vertu d’Abraham, comme s’il s’était dit : même גּוֹי ils seront sauvés...

 

Abraham avait là une occasion d’intégrer dans sa famille ces personnes-là et ils les donnent au roi de Sodome !

 

Q : Dans cette situation ces gens-là sont passifs et n’ont rien demandés ils sont des prisonniers, alors qu’à la sortie d’Egypte ils sont actif et prennent une part active dans la sortie d’Egypte ?

R : נָכוֹן. Qui sont ces hommes-là du עֵרֶב רַב  voulant sortir avec Moïse ? D’où viennent-ils ? Qui sont-ils ? Et là à ce niveau-là c’est la même situation. Ce sont ces personnes qui ont été dans les circonstances de pouvoir être relié à Israël et qui ne l’ont pas été. Cet עֵרֶב רַב lui-même d’où vient-il ? La destinée de chaque personne ne commence pas à sa naissance et ne se termine pas à sa mort terrestre. Selon l’enseignement de la גְּמָרָא il s’agit de la même identité. Ces gens-ci sont ces gens-là. Ce qui est pour nous incompréhensible. On ne peut comprendre comment cela fonctionne tant qu’on n’a pas étudié ce qu’il faut pour le comprendre, mais ce n’est pas de votre âge. Je vous souhaite d’arriver à un stade d’étude où vous apprendrez ces choses-là. Laissez sous forme de postulat comment cela fonctionne. Mais c’est ce qu’il faut apprendre pour comprendre ce que veut nous dire la גְּמָרָא.

Parce qu’il y a eu cela au temps d’Abraham, alors il y aura cela pour sa descendance.

Même si à l’échelle individuelle ce n’est pas la même personne, c’est la même identité.

Au temps d’Abraham, il est arrivé que des hommes qui auraient pu devenir Israël ont été laissé en dehors. Au temps de Moïse, on trouve que des hommes veulent participer de l’histoire d’Israël. Les deux faits sont liés. La גְּמָרָא va plus loin en montrant que l’histoire de l’exil elle-même avait sa cause dans ce fait-là.

 

Chaque fois qu’il faut mettre en évidence une dimension d’un thème, alors on s’occupe de lui comme si il n’y avait que cette dimension-là. Mais ce n’est une des dimensions du thème général גֵּאֻלָה -גָלוּת . Mais il faut d’abord le comprendre comme s’il n’y avait que cela. Après on voit ce qu’il y a à côté.  

Voilà ce que dit la גְּמָרָא. Ce qu’on appelle en langage talmudique c’est une lav dafka on va nous dire c’est l’unique raison – en réalité c’est faux il y a tout un faisceau de raisons mais on s’occupe que ce celle-là maintenant – il n’y a eu d’exil que pour chercher ce רְכֻשׁ. En réalité la fonction de l’exil est beaucoup plus ample que cela, mais c’est cette dimension-là dont on s’occupe ici pour la mettre en évidence.

 

Réfléchissez bien :

Il y a une économie de l’histoire humaine attachée à la rédemption de l’identité humaine depuis l’origine. Quiconque doit y participer doit y participer. Il est arrivé qu’à l’origine de cette étape-là d’Abraham on a laissé dehors quelque chose. C’est à relier au fait que lorsqu’il faudra allez dehors c’est précisément pour aller rechercher cela. C’est à deux niveaux : les personnes et les valeurs.

 

Rattachez cela à ce qu’on a déjà étudié dans les cours passés sur l’exil : Chaque communauté de l’exil revient imprégnée des valeurs propres à tel ou tel paysage de l’exil, et avec ses propres convertis. Entre temps, elle a laissé là-bas les 4/5ème, c’est le processus historique du tri.

 

Principe de la croix:

L’histoire horizontale de l’humanité se développe dans sa cohérence propre. Elle est traversée par l’histoire verticale des âmes, des sujets, des hommes, qui la traversent de façon perpétuelle jusqu’à ce qu’elle réussisse. Il y a l’histoire de l’humanité et l’histoire des individus qui la constitue. L’une est horizontale et l’autre est verticale. L’histoire de l’humanité se fait, mais elle est constituée par les destinées individuelles qui la constituent. Et alors nous avons cette génération des convertis potentiels du temps d’Abraham que nous retrouvons dans le problème des convertis au temps de Moïse. Et ainsi de suite...

Et pour beaucoup de thème c’est le même problème. Comme si un thème d’identité qui n’a pas été suffisamment mené à sa perfection, est rejoué dans l’histoire lorsque l’occasion s’en présente.

 

Je vous en parle de façon formelle et intellectuelle et je fais tout ce que je peux pour ne pas vous dire ce que vous n’avez pas à entendre. Mais il est évident que ce sont des thèmes pour lesquelles il faut une préparation plus grande. Dans 40 ans vous comprendrez de façon très simple de quoi il s’agit. Mais il faut d’abord s’habituer à cette idée que c’est comme cela que ça fonctionne. Comment cela fonctionne on ne sait pas mais que c’est comme cela que cela fonctionne, on le sait.

 

Par exemple. Quand chacun d’entre vous se demande « qui suis-je ? ». Ne pas faire l’erreur de croire que l’on commence à la date de l’état civil. Chacun est une identité humaine en jeu dans l’histoire humaine depuis le 1er homme et qui rejoint le problème qu’elle a à résoudre et le rejoue chaque fois qu’il se passe dans l’histoire de l’humanité. Chacun retrouve dans sa mémoire qui il est.

 

Quand on est honnête avec soi-même on retrouve qui on est, et quand on sait qui ont est on sait ce qu’on a à faire. Ou alors il faut être très scrupuleux parce que la plupart du temps on sait ce qu’on avait à faire lorsqu’on a échoué mais c’est trop tard et on recommencera la prochaine fois...  

  

Q : Abraham allié au roi de Sodome qui veut partager: les âmes pour toi et le butin pour moi et Abraham refuse le butin, sous-entendu qu’il prend les âmes ?

R : Non, c’est juste le contraire : on voit que le roi de Sodome dit à Abraham « תֶּן-לִי הַנֶּפֶשׁ, וְהָרְכֻשׁ קַח-לָךְ... » Et Abraham lui répond : « même le רְכֻשׁ garde-le ». Pourquoi la תּוֹרָה nous raconte une anecdote pareille ? La guerre entre 4 et 5 rois, les noms des rois, c’est qu’il y a quelque chose derrière. Et au moment du partage du butin cet épisode ?  Il faut comprendre ce récit et ce point de détail du récit, dans le contexte de la תּוֹרָה toute entière.

 

On sait déjà que le roi de Sodome est un principe du côté du mal et Abraham un principe du côté du bien. Ils ont du faire alliance pour sauver Loth et dans cette alliance le roi de Sodome, comme il est, dit ce qu’il veut : les personnes humaines et donne à Abraham les choses matérielles. Et Abraham laisse faire, non par inadvertance mais parce que c’est sa vertu. « Ce qui est à toi garde-le ». Et il y a là une stratégie qu’il faudra corriger à travers toute l’histoire d’Israël jusqu’à la fin des temps. Israël est dans ce cas, est en tant que fils d’Abraham. D’où vient cette tendance à être comme cela ? D’Abraham. Mais en Abraham c’est une vertu. C’est dans la descendance historique que cela peut être une faute.

 

Q : comment le roi de Sodome du côté delà perversité préférait il les hommes aux richesses ?

R : la perversité a des niveaux psychiques et spirituels dont tu n’as aucune idée.

La perversité est dans l’âme. Alors c’est l’âme qu’il veut.

 

Et le mot de רְכֻשׁ est un mot formel. Que renferme-t-il ? Quand on dévoile au niveau le plus matérialiste : les richesses, le butin… Mais il s’agit de valeurs, à tous les niveaux, matériels aussi. La différence c’est que נֶּפֶשׁ c’est le sujet humain, et רְכֻשׁles מִּדוֹת, les valeurs.

 

***

 

On a ainsi appris que ce problème du עֵרֶב רַב au moment de la sortie d’Egypte a déjà une racine plus ancienne : ce thème qu’il y a à l’échelle individuelle, en dehors d’Israël, déjà constitué ou en cours de constitution, des âmes qui sont censées en faire partie mais qui sont prisonnières du monde extérieur. Et lorsque la גֵּאֻלָה arrive, si elle n’est pas aussi pour eux c’est un échec.   

 

Comment cela fonctionne on ne le sait pas, mais cela fonctionne. A rattacher au thème du tri.

L’histoire est un tri. On met en jeu une quantité d’être et elle dira ce qu’elle est. Ce n’est qu’à la fin qu’on sait qui est d’un côté qui est de l’autre. Tant qu’il y a la patience de l’histoire, il n’y a pas de jugement. Il n’y a pas l’ultimatum du jugement.

 

Nous vivons un temps accéléré du point de vue de ce tri. Il n’y a pas de doute que le tri s’accélère. Mais tant que le temps dure, tant qu’il y a la patience de l’histoire, le temps dure...

 

Chaque fois qu’on était quelque part et qu’on est passé d’un autre côté comment va-t-on se relier avec ceux qui sont restés dans le monde ancien ? En se rappelant comment on a été avant. Et que si c’est arrivé pour moi, cela peut arriver pour l’autre. C’est pourquoi il ne faut pas durcir le jugement.

 

La seule inquiétude à avoir : est-ce que les événements laisseront le temps à une telle patience ?

C’est pourquoi il faut accélérer mais sans juger, ni condamner ; et surtout pas de la part de celui qui a été dans ce cas-là.

 

Nature de la relation à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל

 

Les tribus d’Israël sont d’Israël et leur personne est reliée à cette terre d’Israël, tandis que pour le  עֵרֶב רַב ce n’est pas le cas. Puisque par définition ils étaient des hommes d’un autre paysage terrestre.

 

On revient toujours à notre problème : lorsqu’il y a une division dans le peuple d’Israël par rapport à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל, ceux qui sont dehors c’est cela le עֵרֶב רַב, parce que finalement ils se relient à la תּוֹרָה mais pas à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Pourquoi ? Parce qu’originellement ils n’étaient pas de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל !

Tous ces juifs solidaires avec אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל parce que c’est écrit dans la תּוֹרָה et ils la considèrent comme « une terre sainte », cela vient du עֵרֶב רַב.

Et là le critère est très clair : lorsque le עֵרֶב רַב fait la paix avec la תּוֹרָה, alors il y a un verset qui parle de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Et alors avec la motivation religieuse de la תּוֹרָה parce qu’il y a un verset qui parle de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל, cela devient leur « terre sainte » et non pas leur terre. D’où cela vient-il ? Cela vient de la différence entre les hébreux et les autres. Je vous dis là une chose énorme. Un גּוֹי sioniste est plus d’Israël qu’un juif religieux parce qu’il est sioniste. Parce que l’un est des tribus d’Israël son âme s’est perdue comme cela, et l’autre est de le עֵרֶב רַב.

 

Le critère de division est essentiellement-là.

Tout cet עֵרֶב רַב venait d’autres pays, leur racines venaient d’autres pays, et par conséquent vis-à-vis de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל cela se ressent : אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל sublimée « terre sainte »...

 

Q : Ils n’en sont pas responsables ?

R : Comprendre cette chose élémentaire : Chacun est responsable de ce qu’il est avant d’être responsable de ce qu’il fait. Il fait comme cela parce qu’il est comme cela...  

 

Au-delà de la responsabilité, c’est un problème au niveau des faits : il y a en Israël deux parties. Ceux pour qui cela va de soi d’être relié à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל et ceux pour qui cela ne va pas de soi...

D’où cela vient ? On en a l’explication ici. Il y en a d’autres convergentes, mais il y a ici un point important.

 

Q : Cela veut-il dire qu’ils ne sont pas intégrables ?

R : Non. Cela veut dire qu’ils ne sont pas intégrés, il ne faut pas être pessimiste, tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir. On peut se noyer encore à 15 cm. du rivage, cela veut dire qu’on est encore à 15 cm.

 

Dans une génération précise, la sortie d’Egypte 4/5ème ne sort pas et opte pour l’identité de l’Egypte. Cela veut dire qu’au niveau d’un שׁוֹרֶשׁ, une racine encore plus antérieure à Abraham, il y avait cette tendance.  Il y a les fils de Leah et les fils de Rachel. Vous l’apprendrez plus loin.

Cela vient de loin cette différence-là.

 

Prenons la dans la génération contemporaine : je parle des hommes juifs qui sont tous rattachés à la תּוֹרָה : pour les uns cela va de soi que אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל c’est leur terre et pour les autres cela ne va pas de soi, c’est leur terre sainte.

 

C’est tellement énorme que lorsqu’un sociologue non-juif étudie ce problème il ne le comprend pas.

Pendant 2000 ans ils prient pour cette terre et maintenant qu’ils l’ont, ils n’en veulent pas ?

 

Tout est à nuancer, il y a des niveaux. Cela veut dire qu’il n’y a pas en eux un sentiment d’appartenance en cette terre. D’où cela vient-il ? Cela vient de ce qu’ils sont beaucoup plus enracinés dans un autre paysage que celui de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Ce paysage d’Israël n’est pas encore dans leur mémoire ancestrale.   

 

Cela nous fait comprendre pourquoi même des hommes juifs attachés à la תּוֹרָה, et en dépit de ce que la תּוֹרָה dit, ne sont pas reliés à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Parce qu’il y a un שׁוֹרֶשׁ différent. Et il ne faut juger personne parce que chacun est en cours de rédemption.

 

Q : Qu’est-ce qu’une trentaine d’année à l’échelle d’un peuple, même avec Moïse cela a duré 40 années dans le désert... alors qu’à notre époque 30 années sortir sans Moïse...

R : Sans Moïse tu ne sais pas, parce que même quand Moïse y était du temps de la sortie d’Egypte, ils ne l’ont pas vu comme Moïse, ils l’ont vu comme un agitateur politique...

Cela veut dire que tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir. La question est de savoir si les événements nous laisseront le temps, mais on comprend en tout cas pourquoi il y a cette espèce de perplexité et d’expectative. Il ne devrait pas y en avoir. Certains dès qu’ils ont entendu que c’était possible sont venus à pied, à plat ventre... Pour d’autres qui ont toutes les possibilités de venir, il y a des problèmes ? D’où viennent ces problèmes ? Voilà d’où viennent ces problèmes…

Cf. les Juifs du Yémen exilés du רִאשׁוֹן בָּיִת qui ne sont pas revenus et qui avaient des raisons de savoir que pour eux c’était grave, ils sont revenus à genou. Le תִּקּוּן s’est fait pour eux. Tandis que d’autres sont encore en תִּקּוּן.

 

C’est pourquoi ce n’est pas en termes de responsabilité. On n’est de toute façon responsable de ce qu’on est avant d’être responsable de ce qu’on fait.

 

Q : Mais vous avez dit qu’en Egypte selon que ce soit des descendants de Rachel ou de Leah, que peut-on faire ?

R : Quand on dit à quelqu’un: voilà qui tu es, et voici tes qualités et voici tes défauts. Tes qualités tu vas les faire jouer grâce à Dieu et tes défauts corrige-les. C’est le problème de tout homme dans tous les problèmes humains. Une fois la faute commise on ne peut pas fuir sa responsabilité en arguant de ce que c’est son défaut qui l’a poussé à la commettre. On l’avait prévenu.

 

C’est le problème de la triple relation des בְּנֵי יִשְׂרָאֵל:  

  Le problème de la relation au peuple juif

  Le problème de la relation à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל

  Le problème de la relation à la תּוֹרָה.

 

Cela devrait aller de soi. Si cela ne va pas de soi alors on se demande pourquoi.

Un observateur extérieur objectif conclurait que ce peuple est fou.

 

Je ne parle pas des juifs qui sont prêts à devenir autre chose et partir ailleurs. C’est un autre problème encore, mais de ceux qui se réclament de l’identité juive authentique mais de façon contradictoire. C’est un problème objectivement incompréhensible. Derrière, il y a des ouvertures d’explications. Par rapport à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל en tout cas.  

 

Le peuple juif est un ensemble où il y a deux polarités :

Si vous prenez le postulat que chaque manière d’être homme est corollaire d’un certain paysage. Judah Halévi : l’homme est l’homme de la terre. Chaque manière d’être homme est l’homme de telle terre. Si le peuple juif est un peuple cosmopolite alors qu’il le soit, mais seulement pendant 2000 ans il se réclame peuple de cette terre et ils restent dehors ?!? C’est cela la chose incompréhensible .C’est un peuple d’exilés mais d’exilés de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל ! D’où vient cette contradiction ? C’est que peut-être, sans doute, en le nuançant, le שׁוֹרֶשׁ profond de tel ou tel individu même pieux, n’est pas de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל ! Alors il faut qu’il l’acquière. C’est justement son problème de l’acquérir puisque c’est de cela qu’il se réclame.

Il est bien évident que tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir.

 

En fin de compte, la sortie d’Egypte, le passage par la mer rouge, la réception de la תּוֹרָה... et au moindre problème matériel de nourriture.. le peuple décide de retourner en Egypte !?! C’est parce que c’est leur pays. Mais ils trouvent d’authentiques hébreux descendants des tribus hébreux pour se mettre à leur tête.

 

Q : Comment se fait-il que ce problème soit toujours présent après toute cette période et cette participation à l’identité d’Israël jusqu’au רִאשׁוֹן בָּיִת?

R : C’est cela le problème qu’ils ont à résoudre, et plus il est difficile, et plus ils ont le temps. Il n’y a qu’eux qui pourront réussir mais c’est eux qui échouent, tant qu’ils échouent.

Une partie comprend plus vite, ce n’est pas intellectuel, cela se déclenche plus vite, le תִּקּוּן se fait plus vite. Une partie s’attarde. On a rendez-vous à la fin des temps. Le prix à payer entre temps c’est la quantité de gens chez qui cela se déclenche plus vite, chez qui le תִּקּוּן se fait plus vite. Là ici le nombre joue. Mais il n’y a pas de problème de principe. Sinon est-ce que les événements vont nous laisser le temps. Il est évident que, à moins d’être complètement רָשָע, un juif qui croit en la תּוֹרָה finira par arriver en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Lui ou son descendant. Mais entre temps que ce passe t-il ? Qu’est-ce qui joue ? Où est l’obstacle ? D’où vient-il ? On a une première réponse ici. Et le fait que cela prenne du temps ne pose pas problème.

 

Commentaire d’un grand maître:

Imagine un oiseau pris dans la boue qui passe toute sa vie à se nettoyer. Arrive le moment où il a juste un peu de boue sur la pointe des ongles. Il a encore de la boue et donc cela l’empêche de se présenter devant le roi... mais il reste juste un tout petit peu... Cela a pris beaucoup de temps.   

On a mis 2000 ans à se débarrasser du non-amour d’Israël... il en reste encore un petit peu.

 

Le plus grand obstacle est cette idée de « terre sainte » et avec cela on croit être sauvé par un petit tour au כֹּתֶל...

 

J’espère vous avoir fait comprendre, pas seulement moi, le pays, c’est très différent de se relier à אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל comme une « terre sainte » ou comme à son pays. Lorsque la mutation se fait elle se fait et puis il s’agit d’autre chose.

 

Q : est-ce une influence chrétienne ?

R : très peu, ce n’est que le symptôme de la maladie. L’idéologie chrétienne est aussi sortie de là aussi. Et quand cela recommence c’est la même cause de la maladie qui joue, il n’avait pas besoin des chrétiens, ce sont eux qui l’ont inventé le christianisme.  

 

Q : les enfants de ces gens du עֵרֶב רַב  font-ils eux-mêmes partie du עֵרֶב רַב ?

R : pas forcément, il peut y avoir des enfants du עֵרֶב רַב chez qui viendraient des נְשָׁמוֹת d’Israël et des enfants d’Israël chez qui viennent des נְשָׁמוֹת du עֵרֶב רַב. Ce n’est pas une question d’hérédité fatale, mais c’est une question de manière d’être d’identité. Cela dépend comment l’enfant a été conçu au moment de la nuit des noces. Il y a des הֲלָכוֹת pour cela : comment on fabrique les bébés. Il y a des règles pour cela comme pour la culture des petits pois.

Et si au moment où le bébé a été fabriqué la מַחְַשָבָה n’était pas Casher va savoir quelle נְשָׁמָה va venir chez le bébé. Les parents ont une énorme responsabilité sur ce que sont leur enfants, parce qu’ils les fabriquent. Ne jugez pas vos parents. Au sein d’une même famille l’un peut avoir une נְשָׁמָה d’Israël et l’autre une נְשָׁמָה du עֵרֶב רַב. Mais ce n’est pas si simple, l’un a plutôt une נְשָׁמָה d’Israël avec un peu du עֵרֶב רַב et l’autre... etc.

 

La נְשָׁמָה vient dans le corps qui lui est approprié.

Cela va beaucoup plus loin : il y a d’authentiques גּוֹי qui par hasard fabriquent un corps pour נְשָׁמָה juive, et il y a une נְשָׁמָה juive qui vient chez eux. Et il y a d’authentique juif qui pas par hasard fabrique un corps pour גּוֹי נְשָׁמָה et une  גּוֹי נְשָׁמָה vient chez eux.

 

Il n’y a rien pour rien.

Il y a des communautés où l’on ne donnait pas sa fille en mariage à une famille dont on n’était pas sûr qu’elle pratiquait les lois du mariage.

 

A postériori tout peut s’arranger mais quel est le prix à payer ? C’est le prix à payer. Et il y a d’ailleurs des choses qui ne peuvent pas s’arranger, il y a des niveaux.

 

C’est pour vous dire qu’il y a une économie générale de ces problèmes qu’il faut comprendre à la racine des choses. Cela m’est difficile de répondre à vos questions car vous avez compris que je ne veux pas répondre dans le détail. Mais vous pouvez au moins comprendre quel est le sens de la cohérence.

 

Et je vous répète comme chaque fois ne faites pas comme pour les étudiants en médecine, il ne faut pas s’appliquer ces thèmes d’étude qui sont des règles générales qu’il faut comprendre pour elle-même. Si on a un problème particulier alors on fait une חֲכָם שְׁאֵלָה, on demande à un חֲכָם dans ce cas particulier ce qu’il faut faire.

 

Il faut aborder ces choses-là avec beaucoup d’humour et non pas d’ironie.

 

Q: c’est dans les générations suivantes que l’on verra si le destin de quelqu’un...

R: bien sûr, c’est le privilège des générations vivantes maintenant dans l’histoire c’est de pouvoir  arranger le destin des générations précédentes. Comment cela fonctionne vous ne pouvez pas comprendre mais savoir que cela fonctionne comme cela vous donne une cohérence du problème.

 

C’est une erreur fondamentale de croire que la destinée de chacun commence à sa naissance et s’achève à sa mort. Dès qu’on réalise le sens de cela on est apte à comprendre les choses qu’il faut comprendre. Avant ce n’est pas possible. Ce n’est pas une question d’intellect formel. C’est une question de perception intuitive de sagesse profonde : on comprend ou on ne comprend pas. Ce n’est pas une question du sens des mots. Et pour cela il faut arriver à le réaliser spirituellement. Au-delà de la connaissance proprement intellectuelle. Cela n’a aucun sens de supposer que la destinée de chacun commence à la date d’état civil et s’arrête à l’enterrement.

Ce n’est pas tant pour le comprendre au niveau mystique et religieux mais du point de vue de la cohérence du problème moral au sein de l’histoire de l’humanité. Sinon tous les problèmes de responsabilité, justice et injustice n’ont pas de fondement. Formulé positivement : c’est là le fondement de tous les problèmes qui se posent à propos des questions de responsabilité, de justice et d’injustice dans le destin de chacun.     

  

Q : C’est donc une prise de conscience de chaque individu de faire partie du qlal de la communauté, dans ce sens-là et dans ce sens-là ?

R : Nahon, non seulement horizontal mais vertical aussi, mais ne pensez pas à la croix parce qu’en réalité c’est une étoile à 6 dimensions. La croix c’est quand on veut arrêter cela, le fixer, le figer. C’est tout le contraire.  

 

2ème point d’étude :

 

Chapitre 32, verset 9

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה:  רָאִיתִי אֶת-הָעָם הַזֶּה וְהִנֵּה עַם-קְשֵׁה-עֹרֶף הוּא

Et הַשֵּׁם dit à Moïse J’ai vu ce peuple (ton peuple à toi Moïse) Et voici c’est un peuple à la nuque raide

 

Expression habituellement attribuée à Israël.

 

עַם-קְשֵׁה-עֹרֶף

Peuple à la nuque dure.

 

On voit ici qu’il y a une atmosphère très lourde :

Le peuple a fauté et Dieu dit à Moïse surtout ne Me prie pas, ne fais rien, Je vais les détruire avec l’argument :

J’ai vu ce peuple Et voici c’est un peuple à la nuque raide.

 

Argumentation préalable :

Pourquoi toute cette panique ? Et on voit la panique dans laquelle Moïse entre qui supplie Dieu de suspendre le châtiment pour sauver Israël. C’est donc un problème grave.

Où est la difficulté ? Ils ont fait une faute mais il pourrait se repentir ! Alors cela veux dire que Dieu considère que le repentir n’est pas possible dans cette faute ? Mais nous savons d’autre part que le repentir est plus fort que n’importe quelle faute !  

Quel est donc ce cas particulier que la clause du repentir semble ne pas jouer à priori ?

Et comment est-ce formulé dans ce que Dieu dit à Moïse :

וְהִנֵּה עַם-קְשֵׁה-עֹרֶף הוּא

 Et voici c’est un peuple à la nuque raide 

 

Nous allons nous appuyer sur Rashi pour comprendre mieux la réponse à cette question : Moïse lui-même s’offre en expiation de cette faute. « Pardonne-leur sinon efface moi », d’où l’étonnement que la clause du repentir semble ne pas jouer ?

 

Rashi sur עַם-קְשֵׁה-עֹרֶף:

קשה ערף מחזרין קשי ערפם לנגד מוכיחיהם, וממאנים לשמוע:

« Ils tournent la dureté de leur nuque en face de ceux qui leur font de la moral, et refusent d’écouter ».

 

Quand on leur parle pour les admonester et les exhorter à faire תְּשׁוּבָה ils montrent leur nuque en signe qu’ils refusent d’écouter.

 

Sforno:

Sforno postérieur à Rashi a un peu près précisé l’intention de Rashi sans le citer précisément:

 

עֹרְפָּן בַּרְזֶל גִּיד - le tendon de fer de leur nuque. Et ils n’acceptent de se tourner pour n’écouter aucun maître de vérité, de telle sorte qu’il n’y a aucun espoir qu’ils se repentent.

 

Nous avons ici une précision très importante : ce n’est pas que Dieu refuse un repentir éventuel mais c’est qu’Il les a jugés comme incapables de repentir. Et par conséquent c’est perdu à l’avance.

  

2 remarques :

 

  Cette définition de עַם-קְשֵׁה-עֹרֶף ne concerne pas Israël mais le עֵרֶב רַב.

  Cependant, le fait que le עֵרֶב רַב ait été introduit en Israël introduit cette Midah en Israël.

 

Le 2ème principe est important : Il y a là de la part d’Israël une נֶפֶשׁ נֵסִירות une générosité totale de prendre sur lui les défauts du  עֵרֶב רַב  pour le salut de l’humanité. Une fois le עֵרֶב רַב intégré à tout Israël, il y a solidarité de tout Israël. La conduite du עֵרֶב רַב sera imputée à Israël lui-même. Et Israël prend cela sur lui.

C’est une erreur totale de définir Israël comme peuple de rebelles  à la nuque raide. Et deuxièmement c’est le fait qu’Israël à pris sur lui que cette מִּדָה lui soit imputée.

 

Une autre stratégie possible : faire que de Moïse vienne une grande nation et non pas duעֵרֶב רַב . Et la même générosité de Moïse nous la retrouvons en Israël lui-même.

 

Il y a un autre verset qui dit :

33:5

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה אֱמֹר אֶל-בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל אַתֶּם עַם-קְשֵׁה-עֹרֶף

Et הַשֵּׁם dit à Moïse dis aux enfants d’Israël (et non au  עֵרֶב רַב) vous êtes (devenu maintenant) un peuple à la nuque raide…

 

Pour l’événement lui-même, il y a donc une partie du peuple qui a effectivement fait cette faute et cela se relie à leur identité profonde. Mais quelle est cette faute ? Ce n’est pas une idolâtrie banale : avoir voulu faire une idole à la place de Dieu, mais c’était d’abord remplacer Moïse par un symbole qui a sa valeur propre mais que la תּוֹרָה n’a pas autorisé.

En particulier c’est ainsi que le Kouzari l’enseigne.

 

Ils voulaient concrétiser leur relation à Moïse. Or, le seul symbole que la תּוֹרָה a permis ce sont les lettres de l’alphabet. Parce que c’est à travers la parole de Dieu que la loi morale apparait dans le monde. A travers l’être de parole. C’est pourquoi instinctivement, spontanément le peuple juif a reconnu cela et le seul symbole pour représenter la révélation ce sont les lettres : sur la tables des dix commandements : א, ב, ג, ד...

 

Le seul symbole permis par la תּוֹרָה ce sont les lettres.

C’est à travers la réalité de la parole, véhicule de la révélation morale, et non pas quoique ce soit qui symboliserait une réalité de la création quoique ces symboles là auraient une signification précise du point de vue de ce qu’on veut leur faire signifier...

 

D’autre part, la grande règle tirée par la Halakha de cet épisode-là et qui fait force de loi : on n’accepte pas la conversion d’un כְּלָל, d’une communauté entière. On n’accepte que la conversion des individus.

 

Dans le temps contemporains, énormément de peuples ont demandé leur conversion au judaïsme pour pouvoir venir en Israël. En règle générale, c’est refusé. N’est accepté que la régularisation à l’échelle individuelle. Le problème n’est pas simple : certaines communautés prétendent à tort ou à raison qu’elles descendent d’Israël.

   

Je me suis occupé il y a une trentaine d’années de tribus malgaches de Madagascar qui ont demandé purement et simplement la conversion au judaïsme pour venir en Israël sans prétendre descendre des tribus d’Israël. Elles avaient entendue ce qui se passait en Israël et avaient demandé la conversion au judaïsme pour venir en Israël. Et finalement la Halakha a été appliquée comme elle l’est traditionnellement : A l’échelle individuelle on peut préparer leur conversion mais pas au niveau collectif en tant que כְּלָל.

Il y a eu la même demande d’une tribu du Kenya à la même époque.

 

Ce qui n’a rien à voir avec les Falachas qui eux prétendent descendre de tribus d’Israël, ou les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל de l’Inde.

 

Aujourd’hui dans le Sud du pays, il y a une communauté des hébreux noirs. C’est un problème casse-tête. Cela montre la force de la Halakha parce que finalement il s’agit d’une secte qui n’a rien à voir avec le judaïsme vraiment. Leur position est une religion qui n’est pas exactement le judaïsme ni exactement le christianisme, une espèce de syncrétisme dans une position anti-juive profonde, se prétendant être les seuls authentiques hébreux…

 

Cela se relie au problème d’identité : ne pas accepter une conversion collective.

 

A retenir :

Cette espèce de résistance à l’identité Israël qui est désirée et souhaitée par le עֵרֶב רַב (et en principe ils y ont donc droit) est en réalité envers אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. C’est parce que leur שׁוֹרֶשׁ de leur relation à la terre ne passe pas par le pays d’Israël. Cela expliquera énormément d’épisode de ce qui s’est passé durant les 40 ans du désert qui peut ne pas être clair si ceci n’est pas mis en évidence.  

 

Suite  כִּי-תִשָּׂא

 

C’est qu’il y a dans la prophétie, une programmation de l’histoire, et en particulier je vous en ai parlé par rapport au fait que Israël est confronté à la succession des différents empires, c’est à dire des grandes civilisations. Cette programmation a été enseignée par les prophètes, pas seulement dans les principes généraux mais dans les détails très précis, y compris des dates.

 

On n’entrera pas des les détails, mais l’essentiel pour ceux qui découvrent ces sujets c’est d’être d’abord sensibles à l’identification des événements, en tout cas lorsqu’ils sont massifs comme ceux que nous sommes en train de vivre par exemple : la fin d’une période qui a duré 2000 ans et le commencement d’une autre période, et dans un temps de transition extrêmement accéléré où les choses changent très rapidement.

 

On a tellement été habitué, disons depuis l’émancipation, à des critères qui sont radicalement différents de ceux de l’enseignement de la tradition, que, dans un dialogue entre un habitué de la culture occidentale et ces enseignements de la tradition il y a incompréhension totale  Il faut se familiariser avec un changement de méthode, un changement de perspectives, un changement de structure d’approche des problèmes...

 

Cet enseignement de la tradition concernant la programmation lorsqu’elle joue, est très précis et minutieux. Le problème que cela pose est une espèce de contradiction entre l’idée de la liberté de l’histoire et de la programmation de ces événements. D’autant plus que cet enseignement de la קַבָּלָה va jusqu’aux dates précises, lorsque les événements se déroulent selon la loi des temps.  

 

Je vais un peu vous parler de ces problèmes très rapidement mais je ne vous donne pas des détails précis, parce que l’expérience nous montre que ceux qui s’attachent à ces détails prennent en général ces choses secondaires pour l’essentiel, alors qu’elles font partie de tout un ensemble.   

 

Exemple : le cours doit finir à 12h, ce n’est pas parce que l’aiguille arrive sur 12 que le cours finit mais pour d’autres raisons : le cours devait finir à 12h...

De la même façon : ce n’est pas parce que nous avons une date que l’événement s’est passé à cette date, c’est parce que l’événement devait se passer à cette date que cette date nous a été donnée, mais la raison profonde est ailleurs.

 

La date est connue par ailleurs et il y a une allusion dans un verset. La science des dates fait partie d’une science pour elle-même. Ceux qui sont les savants de cette science l’étudient et ceux qui controversent ne font pas partie de cette science.  Il y a tellement de problèmes psychologiques et spirituels qui se greffent là derrière que tout cela est caché, mais je voulais que vous sachiez que cela existe.   

 

Une règle : les dates importantes existent et elles existent jusqu’à la fin, ceux qui connaissent les dates les connaissent jusqu’au bout, mais il y a une règle absolue de ne jamais parler de ce qui se passera demain.

 

Alors c’est pourquoi je vous donnerais quelques exemples de dates déjà passées.

 

Le Gaon de Vilna a donné la date exacte à l’heure prés de la proclamation d’Israël : il y a derrière cela 40 ans d’études pour arriver à comprendre comme cela est possible. Cela ressemble à de la magie pour ceux qui ne sont pas familiers des raisonnements du Talmud.

 

Q : Avant le nazisme, il y avait des sages qui savaient

  1. oui et ils ont suppliés leurs communautés de bouger qui n’ont pas bougé.

 

Q : mais de toute façon cela devait se passer ?

R : non, si la liberté de l’homme avait joué et qu’on soit intervenu connaissant l’éventualité, alors l’événement serait intervenu à sa date mais dans un tout autre contexte. De toute façon la גֵּאֻלָה a pour date précise la création de Medinat Israël. Quand je vous dis Gaon de Vilna ou Ari sont des autorités colossales.

 

Si vous voulez je vous donnerais une copie d’un texte du gaon de Vilna. Tant que vous l’étudierez avec moi vous comprendrez mais après vous aurez beau avoir le texte sous les yeux vous ne comprendrez rien du tout. La plupart du temps c’est comme cela que cela agit. Ne vous étonnez pas.

  

Ce n’est pas parce que la מְדִינַת יִשְרָאֵל a été fondé le jour prévu par les Kabbalistes qu’elle est vraie. C’est parce qu’elle a été fondée qu’elle est vraie. C’est l’événement qui prime cette apparence.

 

Le problème qu’il y a derrière, c’est donc qu’il y a une programmation.

Effectivement, les phénomènes de l’histoire comme tous les phénomènes du monde sont soumis à des lois. Si on laisse les lois jouer, elles jouent comme cela. Mais si la liberté de l’homme intervient elles jouent  autrement.

 

Il y a deux éventualités:

La גָלוּת  a commencé: si on mérite de l’accomplir dès qu’on mérite de l’accomplir, le plus vite possible, elle se termine. Et il y a des tas de dates possibles en quantité où elle peut se terminer. Et maintenant si la liberté n’a pas joué et qu’il n’y a pas de mérite suffisant, il y a une date ultime où quoiqu’il en soit elle arrive quand même. Or, c’est cela qui a joué. Dans tous les cas la liberté reste entière.   

 

C’est que nous sommes à l’époque où toutes les royautés cessent. Non seulement il y a cette prophétie qu’au moment de la גֵּאֻלָה les royautés cessent, mais nous savons que chacune en leur temps cessera selon la loi des temps.

 

Sachez que cela existe et qu’il y a toute une חוֹכְמָה derrière et il faut des années et des années d’étude pour y être compétent. Cette חוֹכְמָה isolée du contexte de la תּוֹרָה prend les allures de la magie.   

 

Ce n’est pas parce qu’on est arrivé en 1948 qu’on a mérité l’Etat d’Israël. On a mérité l’Etat d’Israël et il s’est créé en 1948.

S’il y a un mérite suffisant alors les choses se passent à un autre niveau de la même loi. En l’absence de mérite suffisant elle se passe quand même de façon déterminée.

 

Enseignement du Zohar sur בְּרֵאשִׁית: .../...

 

 

 

 

 

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