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CHOFTIM - 1995 (1/2)

Le cours

 

(1995)  שֹׁפְטִים
 

Je vais donc commencer l'étude par les premiers versets de la Parashah qui commence à partir du verset 18, chapitre 16.  

Chaque année le même problème étant donné l'interruption des cours jusqu'aux fêtes nous n’avons jamais d’indications des Parashiot à venir כִּי-תֵצֵא / כִּי-תָבוֹא/ נִצָּבִים avant Rosh Hashana. Je prendrais quelques moments pour étudier un texte des Parashiot d’avant Rosh Hashana et étudier un peu en guise de préparation quelques questions sur la תְּשוּבָה.  

Je vais choisir cette année un certain nombre de questions que les commentateurs ont posé sur ces versets.

 

16 :18

שֹׁפְטִים וְשֹׁטְרִים תִּתֶּן לְךָ בְּכָל שְׁעָרֶיךָ אֲשֶׁר יְהוָה אֱלֹהֶיךָ נֹתֵן לְךָ לִשְׁבָטֶיךָ וְשָׁפְטוּ אֶת הָעָם מִשְׁפַּט                                                                                                                                              צֶדֶק

שֹׁפְטִים וְשֹׁטְרִים

Des juges et des policiers  

שֹׁפְט littéralement c’est un juge, la traduction est assez aisée. שֹׁטְרִים: le mot de שֹׁטְר en hébreu a été conservé en hébreu moderne pour dire un policier mais cela signifie littéralement un gardien – ceux qui sont préposés à la surveillance de l’ordre dans la cité. Je crois que dans l’ancien français on disait les gens d’armes – il y avait des confréries chargées par le roi de l’ordre dans la cité. A leur tête un prévôt. En araméen ce sont les Nétourim, « nétourei karta » ce sont les gardiens de la cité : cela veut dire les policiers.

 

תִּתֶּן לְךָ בְּכָל שְׁעָרֶיךָ

Tu te donneras dans toutes tes portes  

Littéralement: « dans toutes tes portes » mais שְׁעָרֶיךָ cela renvoie à la notion de portes de la ville, (דלת c’est la porte de la maison). Parce que c’était la coutume dans toutes les civilisations de l’antiquité que chaque ville avait un tribunal qui siégeait aux portes de la ville.

Probablement, parce que je n’ai pas de sources à vous citer, dans le cas où il y avait contestation avec des étrangers lors des jugements cela se faisait au tribunal à l’entrée de la ville.  

 

Le lundi matin et le jeudi matin on lit le תּוֹרָה סֵּפֶר car c’était des jours de marché, et il y avait le rassemblement de la communauté de tous les petits villages autour des bourgades qui venaient. Et par conséquent, tous les litiges étaient menés ainsi devant le tribunal rabbinique le lundi ou le jeudi matin. Et on en profitait pour faire l’office public pour tout le monde et on y lisait pour tous la תּוֹרָה. De là vient le fait que quand on déplace le תּוֹרָה סֵּפֶר d’un endroit à un autre, il faut lire au moins trois fois dans l’endroit où on le déplace : le Shabbat après-midi, le lundi, et le jeudi.  

 

La lecture officielle a lieu le Shabbat matin. Mais il y a trois autres lectures en plus : Shabbat après-midi,  lundi et jeudi. Le Shabbat après-midi pour ceux qui n’ont pas pu arriver Shabbat matin. On venait à pied (distance autorisée de 2.5 km alentour le Shabbat). A ces époques dangereuses la venue de nuit était impossible et donc s’ils ne venaient pas à pied le matin, il leur restait l’après-midi.  

Ici, l’enseignement est que chaque ville doit avoir son tribunal.

Il y a différentes hiérarchies des tribunaux : 3 juges, 7 juges, 21 juges et le tribunal suprême c’est 71 juges. Mais chaque ville et chaque tribu devait avoir sa hiérarchie de tribunaux à elle. 

 

Nous l’avons déjà étudié à propos d’un tout autre texte : c’est parce qu’il devait y avoir une connaissance personnelle, je dirais presque anthropologique, des plaideurs que le juge a à juger. Le juge doit connaitre l’intimité psychologique du cas à juger pour éviter de donner un verdict faux pour ce cas-là bien que ce verdict soit bon pour un autre cas....  

Nous sommes malheureusement arrivés à un stade avec une sorte de légalisme commun à tous, de la juridiction, qui fausse l’objectif de justice qu’il y a dans l’essence juridique. Il y a décalage entre la légalité de la loi et la moralité de la loi qui elle est la vraie justice.

On emploie abusivement le terme de « justice » au lieu de celui de juridiction des tribunaux.  

Dans les anciennes sociétés, notamment du moyen-âge, il y avait un droit coutumier qui changeait de province en province et de village en village. C’est la véritable justice car ce sont des juges qui connaissent les profils d’identités des cas qu’ils ont à juger.  

Vous voyez que la תּוֹרָה le prévoit : des tribunaux dans chaque ville. Cela signifie qu’on ne nomme pas dans une ville un juge d’une autre ville.

 

תִּתֶּן לְךָ בְּכָל שְׁעָרֶיךָ

Tu te donneras dans toutes tes portes

Vous voyez comment c’est formulé : cela indique l’identité de chacun.  

En filigrane c’est une critique du juridisme de la société israélienne contemporaine dans lequel on trouve une tendance au juridisme qui est copiée des sociétés de droit romain et qui est extrêmement dangereuse : au nom de la légalité on aboutit au fait que la justice est une contre-justice. C’est la différence des mots justice et légalité. On dit « חוֹק מְדִינָת », il faut dire « צֶדֶק מְדִינָת ». C’est très différent צֶדֶק et חוֹק.

 

שֹׁפְטִים וְשֹׁטְרִים תִּתֶּן לְךָ בְּכָל שְׁעָרֶיךָ אֲשֶׁר יְהוָה אֱלֹהֶיךָ נֹתֵן לְךָ לִשְׁבָטֶיךָ וְשָׁפְטוּ אֶת הָעָם מִשְׁפַּט                                                                                                                                              צֶדֶק

Que HM ton Dieu te donne selon tes tribus et ils jugeront le peuple d’un jugement de justice  

Le verset est très clair : Pas tout מִשְׁפַּט mais  צֶדֶק מִשְׁפַּט: Il faut que le מִשְׁפַּט soit compatible avec le צֶדֶק.

Le mot צֶדֶק  c’est étymologiquement ce qui tombe juste – ce qui est en justesse avec la norme. Je préfère le  substantif de « justesse » en français pour éclairer le mot צַדִּיק – qui est la porte du substantif de justice. La justice c’est la justesse en morale.  

Il y a d’abord une conduite de justesse en morale que connaissaient les compagnons dans les confréries d’ouvriers du moyen-âge. Ils étaient considérés comme des צַדִּיקִים – des justes. Parce qu’ils travaillaient juste dans le sens de la justesse. Un compagnon ne trichait pas avec son patron et ne trichait pas avec son métier. C’était des confréries mystiques authentiques. Cela s’est perdu depuis la laïcité en France mais qui revient de notre temps : je pense à partir de Vichy on a reconstitué les compagnonnages. Il y a aujourd’hui différents compagnonnages dans différents métiers. J’ai rencontré quelques uns d’entre eux : ils ont un souci d’ordre moral au moins aussi important que le souci de leur métier. C’est la notion de חֵברַה dans la société juive. Il y a des חֵברוֹת pour  telle ou telle conduite dans la société. La חֵברַה Kadishah est un cas particulier.  

Aujourd’hui, et depuis le temps du Talmud d’ailleurs, c’est condamné par le Talmud, à la place des חֵברוֹת il y a quelque chose qui se substitue à la חֵברַה. Les חַברים sont des initiés à certaines confréries. Il y a les Qranot, les comités. L’expression « Yoshevei leqranot » -  ceux qui siègent dans les comités - c’est quelque chose de très négatif dans l’enseignement du Talmud. C’est la définition même de la perte de temps. 

 

Je vous cite une phrase du talmud : les חֲכָמִים תַּלְמִידֵי qui font partie d’une ‘Hevra de limoud  

Une confrérie d’étude disent : « Ana’hnou Yoshvim Lé’haï Olam Haba : nous nous sommes assis en vue de la vie du monde à venir, et eux sont Yosheivei Kranot ».

Ils se réunissaient d’ailleurs dans le Shouk, dans le marché dans les gargotes du marché on se donne rendez-vous pour traiter des affaires du pays...  En français « le café du commerce ».

Il y a une allusion d’ailleurs dans la prière du matin : que notre sort et celui de nos enfants soit avec les חַברים d’une חֵברַה et pas avec les  Yosheivei Kranot... 

 

צֶדֶק  וְשָׁפְטוּ אֶת הָעָם מִשְׁפַּט

Et ils jugeront le peuple d’un jugement de justice.  

On va voir quelques indications de Rashi à ce sujet, mais d’abord je vous pose une question très simple : En quoi ai-je besoin de savoir que pour organiser une société j’ai besoin de juges et de policiers ? Où est le חִידֻשׁ ici ? Que m’enseigne la תּוֹרָה ici ? Ai-je besoin d’une révélation pour me dire qu’il faut des juges et des policiers pour gérer un pays, gérer une cité ? Quel est ici le חִידֻשׁ ? Quelle est cette chose nouvelle que je ne saurais pas par moi-même et que la תּוֹרָה m’enseigne ici dans la manière dont elle s’exprime pour parler d’une évidence ?  

 

C’est l’ordre donné !

שֹׁפְטִים  d’abord etשֹׁטְרִים  ensuite.  

Il faut d’abord que la prérogative soit donnée aux juges et que la police soit soumise à la juridiction.

Alors que dans une société où le ministre de la police a plus de pouvoir que le ministre de la justice c’est une société perdue. C’est le cas du gouvernement israélien actuel au niveau des ministres et des juges qui décident d’après les intérêts de la police. C’est une catastrophe. Cela je vous le cite parce que cela fait des années qu’on connait ce problème. Ce n’est possible au sien du gouvernement actuel que parce que le chef du gouvernement a un mépris total de la juridiction.

Une espèce de Bolchévik attardé. Mais c’est effectivement connu : chaque foi qu’il y a une injure à la justice à commettre ils ne se gênent pas.      .../...

Lorsque le pouvoir politique à travers la police prend le pas sur le pouvoir juridique qui devrait être indépendant, il y a une catastrophe du point de vue de la moralité de la société.

 

Prenez le commentaire de Rashi sur שֹׁפְטִים וְשֹׁטְרִים.

Le thème général de ce que je viens de citer: il y a une différence entre la justice et la légalité, et le fait de les confondre c’est le drame des sociétés de droit romain. La notion de droit prime la notion de justice. Il y a là un piège du langage : le droit signifie que l’on cherche la voie droite, mais le terme de « droit » dans le sens technique signifie « la légalité » et non pas « la voie droite » dans son sens moral. De nombreux avocats sont spécialistes du droit pour savoir comment contourner la loi. « Les avocats marron ».

 

Mishna des Pirqey Avot (1:8) :

Le juge ne doit jamais entrer dans la peau d’un avocat.

אל תעש עצמך כעורכי הדיינים

עורכי הדיינים  c’est les avocats. Et le juge reçoit une consigne très claire : ne te fais pas avocat, tu dois juger et non pas plaider. Le juge ne doit pas être accusateur ou défenseur : il doit juger. Il doit chercher le צֶדֶק מִשְׁפַּט, le jugement de vérité et non pas la légalité. Cela ce sont les avocats qui plaident.

On cherche le מִשְׁפַּט compatible avec le צֶדֶק.  

Mais à qui est confié le critère du צֶדֶק, de la justice ? Aux juges et non aux avocats. Et le drame c’est quand dans une société, par ancienneté ou par hiérarchie, on nomme des avocats comme juges.

C’est tout un problème : les grands conflits entre la civilisation hébraïque et la civilisation romaine plus que grecque. Car dans la civilisation grecque, il y avait quand même ce souci, cette intuition du souci de distinguer entre la justice et le droit. Tandis que chez les romains cela s’identifie.

 

Rashi :

Il va nous expliquer le mot de שֹׁפְטִים, – et cela veut dire les juges.

"" דַּיָּנִים הַפּוֹסְקִים אֶת הַדִּין

Il change les mots : au lieu de nous dire « juges – שֹׁפְטִים » il dit « דַּיָּנִים » c’est un juge qui décide du jugement » ! Que veut nous expliquer ici Rashi ?

C’est un des Rashi difficiles. Rashi dit : כְּלוֹמַר « c’est comme pour dire : deux points ouvrez les guillemets... C’est très difficile, cela semble facile. Rashi veut expliquer le sens sémantique.  כְּלוֹמַר « c’est-à-dire », « comme pour dire ». En réalité ou bien c’est cela que cela veut dire ou bien ce n’est pas cela, que signifie alors « כְּלוֹמַר comme pour dire » ?

L’explication qu’il donne et qui semble traduire tout simplement les mots qu’il veut interpréter est en réalité un sens autre que la simple traduction du mot.

 

Un חֲכָם תַּלְמִיד de Colmar m’a raconté qu’à la Yeshivah de Colmar on disait : מַר כֻּלוֹ – ce Rashi est tout entier amer...  

(A propos de מַר כֻּלוֹ : Quand il y a מַחְלֹקֶת c’est entre 2 maîtres. Un maître dans le langage talmudique se dit soit « Mor » soit « Mar ». « Mor » en prononciation ashkénaze et « Mar » en prononciation séfarade. Il y a un paradoxe, normalement les Ashkénazes disent ‘o’ les Séfarades disent ‘a’.  Mais là les Sefardim disent « Amar Mor » et les Ashkénazes disent « Amar Mar ». La discussion est entre Mar et Mar. Lorsque c’est מַר כֻּלוֹ on ne sait pas lequel des deux a raison.)

 

Donc ce Rashi est מַר כֻּלוֹ.

Qui peut expliquer ce que veut dire Rashi ?  

En même temps cela vous éclaire une question de sémantique de l’hébreu israélien.

Quand on parle de בֵּית הַמִשְׁפַּט ou du דִין בֵּית on ne parle pas du même tribunal.

Le בֵּית הַמִשְׁפַּט c’est le  tribunal civil. Le דִין בֵּית c’est le tribunal rabbinique.

Le שֹׁפֵטc’est le juge au tribunal civil. Le Dayan c’est le juge au tribunal rabbinique.

 

Rashi:

"" דַּיָּנִים הַפּוֹסְקִים אֶת הַדִּין

Rashi veut expliquer שֹׁפְטִים et parle des דַּיָּנִים ?

Mais ce qu’il y a de difficile c’est ce qu’il ajoute : הַפּוֹסְקִים אֶת הַדִּין.

C’est la définition pure et simple, ce qu’on appelle en français une tautologie, une répétition.  

Les דיינים sont des juges qui tranchent d’après la justice, le דין, et non d’après la légalité, le מִשְׁפַּט simple du בֵּית הַמִשְׁפַּט, mais d’après le צֶדֶק מִשְׁפַּט du דִין בֵּית.

Un Dayan va dans le sens du דיןet non dans le sens du מִשְׁפַּט.

En réalité, il va dans le sens de ce que dit le verset ‘צֶדֶק מִשְׁפַּט:

 

Q : Doit-on trancher chaque fois ?

R : Oui, cela d’autres parts nous avons une Mishna des Pirqey Avot « Hévou métounim badin » rendue par la platitude en français : « Soyez circonspect dans le jugement ». C’est encore une platitude : un juge qui ne serait pas attentif à son jugement ne serait pas un juge authentique !

Que signifie être circonspect dans le jugement ? Doit-on réellement donner de pareilles consignes à un juge ? C’est un des personnages les plus respectables de la société. Le Dayan incarne la vérité, la royauté sur terre.  

Le commentaire explique qu’il faut comprendre l’expression de « hévou métounim badin » dans son sens étymologique. Matoun : celui qui prend son temps avant de donner sa décision, pondéré. Prendre le temps de décider.  

En particulier, dans la législation talmudique, si un juge se trompe dans « Dinei Nefashot » un procès où le prévenu est passible de prison, le juge est mis à mort. Un juge n’a pas le droit de se tromper. S’il se trompe c’est que lui-même est trompeur. Un juge trompeur n’a pas le droit de vivre. C’est un niveau de civilisation que les modernes ont perdu.  

Au moyen-âge européen : les généraux qui perdaient une guerre étaient fusillés (plus que du regard). Un général perdant une guerre est un imposteur.

Lorsque les druides formaient leurs disciples, les disciples apprenaient par cœur des dizaines de milliers de vers des ballades des druides. Si un disciple de druides se trompait d’un mot, il était mis à mort. Quelqu’un qui doit transmettre la tradition n’a pas le droit de se tromper.

 

Vous voyez à quel niveau d’exigence se situait cette civilisation. Cela s’est perdu dans le monde moderne.  

Alors un juge était impliqué dans son jugement, lui personnellement. C’est pourquoi avant de prendre une décision surtout quand il y a risque de condamnation à mort, les juges devaient jeûner et c’était à jeun, après une journée de jeûne qu’il donnait leur décision et ce n’est qu’après qu’ils avaient le droit de manger.  

Raison pour laquelle le procès de Jésus est invraisemblable car censé se passer un jour de Pessah et on ne jeûne pas un jour de Pessah : cela suffit pour disqualifier les sources en question. D’ailleurs les chrétiens le savent et sont très embêtés. D’autant plus que le dimanche qui précède s’appelle le dimanche des rameaux. Les chrétiens se baladent avec des rameaux et des palmes. Or les palmes c’est à Soukot et non à Pessah. Il y a beaucoup d’invraisemblances intentionnelles. Je suis persuadé que les rédacteurs des Evangiles ont mis des serrures et des clefs sur les serrures pour savoir que celui qui a des yeux comprenne... Il y a des messages codés.

Dans l’histoire de la philosophie on sait qu’il y a des inadvertances, quelques unes des fois chez les grands philosophes. Or, un grand philosophe ne peut pas être pris en inadvertance logique. C’est donc un message caché là-dedans. Chez Descartes, il y a une énorme invraisemblance, de même  chez Kant, chez Spinoza, cela veut dire que c’est un petit clin d’œil à être attentif à ce qu’il y a derrière.  

De même l’idée invraisemblable que le juge se trompe. Parce que la vérité sur terre dépend de lui.

 

La Justice de vérité dépend de trois facteurs :

=>  Que l’on connaisse la loi.

=>  Que les témoins soient véridiques.

=>  Que les juges soient véridiques.

 

Ici nous avons 2 postulats :

=>  Nul n’est censé ignoré la loi, les juges sont censés connaitre la loi.

=>  Les témoins sont censés être véridiques. La législation des faux témoins est terrible dans la bible. Et puis l’intégrité des juges.  

Si la loi est connue, le témoignage authentique, le juge fausse le jugement, alors tout est faussé dans l’histoire terrestre de la vérité sur terre de la responsabilité du juge.

C’est pourquoi on nommait comme juge des sages de plus de 70 ans : détachés de tous les instincts de la vie, des passions...  

Aujourd’hui on nomme les juges sur diplôme : on en arrive à des sociétés où la justice est bafouée à cause des juges. A ce propos, je vous citerais un commentaire du livre de Ruth. Le verset à propos des témoins dit que le juge ne doit pas accepter de pot-de-vin.

 

כִּי הַשֹּׁחַד יְעַוֵּר עֵינֵי חֲכָמִים וִיסַלֵּף דִּבְרֵי צַדִּיקִם

Car le שֹּׁחַד aveugle les yeux des sages Et dénature-falsifie les paroles des justes  

A propos de témoins, le verset dit que le juge ne doit pas accepter de שֹּׁחַד – le pot de vin.

« Car le pot de vin aveugle les yeux de sages et dénature les paroles des justes »   

On a l’habitude d’appliquer le verset au juge, mais il s’applique au témoin. Un témoin est celui qui est capable de dire ce qu’il a vu. Si le juge a reçu un pot de vin, le témoignage du témoin est falsifié parce que le juge a reçu un pot de vin.  

 

Un témoin ע-ד: עד que l’on retrouve dans « les yeux » et « les paroles ».

וִיסַלֵּף דִּבְרֵי צַדִּיקִם  עֵינֵי חֲכָמִים

La 1ère lettre de עַינ c’est  ע et la 1ère lettre de דְּבָרִים c’est ד => עד témoin.  

Le témoin est celui qui dit ce qu’il a vu, s’appelle un עד, cela va de l’œil à la parole.

Effectivement, une des choses les plus difficiles au monde c’est d’être témoin de vérité.

 

J’explique cela de cette manière :

Quand on lit les journaux, on s’aperçoit que ceux dont la profession est d’être témoins n’arrivent pas dire la vérité. Si on lit trois journaux sur le même événement, c’est trois événements différents !

Etre témoin, ne serait-ce que pour un journaliste, c’est la chose la plus difficile au monde : arriver à dire ce que l’on a vu. D’abord il faut savoir voir et savoir parler et savoir dire ce qu’on a vu.

C’est pourquoi l’interdiction du faux témoignage figure parmi les 10 commandements. Celui qui fait un faux témoignage met en question le fonctionnement du monde. Parce que cela dépend de lui. Surtout dans les reconstitutions des faits.  

La législation des témoins étaient extraordinaire.

Si le juge a un doute concernant le témoin, il doit l’interroger avec minutie hors du commun.

Si le témoin s’avère être un témoin de mensonge, il est condamné à la peine auquel son témoignage aurait condamné.

 

Rashi sur מִשְׁפַּט צֶדֶק:  

וְשָׁפְטוּ אֶת הָעָם מִשְׁפַּט צֶדֶק

Et ils jugeront le peuple d’un jugement de justice :  

ושפטו את העם וגו': מנה דיינין מומחים וצדיקים לשפוט צדק

Nomme des juges compétents, et justes, pour juger en vérité de justice,

Là encore Rashi semble répéter le verset ? Cela va de soi !

Une des sources de Rashi c’est « be’hor lekha dayanim agounim : « choisis-toi des juges convenables ». La source est dans le Midrash. Alors si le Midrash reconnait l’existence de juges convenables et d’autres non convenables, c’est dangereux. Le Midrash nous prévient et nous avertit qu’il y a des juges non convenables.

Dans les בֵּית הַמִשְׁפַּט il y a des juges corrompus. L’actualité est suffisante pour s’en rendre compte. Mais que des דַּיָּנִים soient corrompus, cela donne à réfléchir. Le Midrash le sait.

 

Ici au verset 20 :

צֶדֶק צֶדֶק תִּרְדֹּף לְמַעַן תִּחְיֶה וְיָרַשְׁתָּ אֶת הָאָרֶץ אֲשֶׁר יְהֹוָה אֱלֹהֶיךָ נֹתֵן לָךְ

Tu poursuivras la justice de la justice afin que tu vives et que tu hérites du pays que HM ton Dieu donne pour toi  

Cela veut dire que si on a des juges qui jugent mal on n’a pas le droit au pays. Cf. les דַּיָּנִים qui reçoivent les budgets du gouvernement et leur position voulant donner la terre aux Arabes.   

Je n’ai cité personne ! Mais je n’ai parlé que de lui. Vous avez compris de qui je veux parler...  

 

Et que dit Rashi ?

« Choisis-toi des juges intègres ».

Cette précision du texte montre que la תּוֹרָה sait à l’avance ce qui corrompt une société et cela remet en jeu son histoire même.  

On ne peut pas rester impassible devant ce qu’on lit dans les journaux de jour en jour : toutes les tractations entre le parti Shass et le gouvernement sur des affaires de jugements... 

 

L’expression est la suivante: be’hor lekha dayanim hagounim 

Cela signifie qu’il y a des דַּיָּנִים qui ne sont pas hagounim.

Il ne faut pas souhaiter que ce que le texte prévoit leur arrive, mais si vous voyez quelqu’un porter des lunettes noires parce que sa vue baisse et qu’il commence à bredouiller... méfiez-vous parce que c’est écrit.

 

Q : צֶדֶק צֶדֶק?  

R : La justice de la justice ? Je ne veux pas entrer dans les détails mais c’est à cause de תִּרְדֹּף.

Il y a beaucoup de Mishnayot du Pirqey Avot qui pose la question suivante : quelle est la voie droite que l’homme doit choisir ?

Cela signifie qu’il y a plusieurs voies droites et qu’il faut un critère pour la choisir ?

La Mishna répond : « c’est un choix de conduite qui est agréé aux yeux de Dieu et des hommes »  

Il y a différentes décisions possibles vraies. Il faut décider laquelle on prend, à cause des implications et des conséquences, et il alors faut vraiment être inspiré pour savoir parmi les différentes décisions vraies (et pas seulement légales) qui sont toutes paroles du Dieu vivant, et parmi toutes ces décisions possibles il faut en choisir une qui sera la règle à suivre. Halakha Lémaasséh.

.../...  

Et ont grâce aux yeux de Dieu et des hommes.  

Quelqu’un qui décide uniquement d’après ce que lui pense être le jugement de Dieu et qui ne tient pas compte du tout du jugement des hommes; ou l’inverse qui est plus grave, quelqu’un qui décide de l’opinion public et qui ne pense pas au jugement de Dieu, c’est cela un juge pas intègre.    

Par exemple, nous avons une règle du Talmud :

Un tribunal rabbinique a pris une décision et puis finalement, les rabbins en poste dans cette génération, ceux habilités, jugent que la décision prise ne peut pas être supportée par le peuple.

.../...

  

***

 

Toute décision est vraie mais celle qui est Torar Latsibour dès que c’est une charge pour le public on l’annule. C’est une règle minutieusement appliquée.

 

***

 

Dans cette Parashah 4 pouvoirs sont décrits :

- מֶלֶךְ: le roi pouvoir civile,

- שֹׁפֵט: le juge et le pouvoir juridique,

- כֹהֵן: le prêtre et le pouvoir religieux – sacerdotale,

- נָבִיא: le prophète et le pouvoir prophétique.  

On nous parle des privilèges de ces 4 pouvoirs, et le principe de la תּוֹרָה est une séparation absolue des 4 pouvoirs.  

Si il y a cumul de 2 pouvoirs, ce que la תּוֹרָה va interdire, c’est le cas des théocraties par exemple, c’est interdit par la תּוֹרָה. Il y a un exemple historique d’une telle catastrophe lorsqu’on a violé cette interdiction du cumul des pouvoirs.  

Le prophète est au dessus de tous et puis un roi peut être juge mais ne peut pas être prêtre. Un prêtre eut être juge mais ne peut pas être roi.  

La personnalité du juge est très importante dans cette hiérarchie des pouvoirs. Au point que, après l’entrée dans le pays de Canaan, au temps de Josué après la sortie d’Egypte, le pouvoir a d’abord été confié aux Juges. C’est quand le pouvoir des Juges a échoué que l’on a institué la royauté.  

 

Au temps des Hasmonéens, dans la révolte contre les Grecs, c’est une parti de la famille des Lévi qui a fait la révolte, les Maccabi, qui ont institué une royauté provisoire de pouvoir civil contre les romains et ont institué la royauté des Hasmonéens. Ils devaient rendre le pouvoir à la dynastie royale, immédiatement après la victoire contre les Grecs. Mais ils ont gardé le pouvoir. Ce fut la catastrophe qui a amené les Romains dans le pays à détruire entièrement le royaume de Judah.

Ils ont installé une théocratie : les prêtres ont pris le pouvoir politique. Ce qui est absolument interdit par la תּוֹרָה. Les rois n’ont pas le droit d’être les prêtres et les prêtres n’ont pas le droit d’être les rois.

Or, les Hasmonéens ont fait cette faute énorme et ont été donc responsables de la destruction du 2ème royaume de Judah et ont mené le pouvoir sacerdotale aux Saduccéens qui ont ouvert cette révolte contre la תּוֹרָה.

 

[C’est pourquoi j’ai l’habitude de dire qu’il ne faut jamais demander de conseils politiques aux rabbins et jamais demander de consignes religieuses aux hommes politiques. Si nous avons des problèmes avec la montagne du Temple, c’est parce qu’en 1967 des rabbins ont pris des décisions politiques, on en paye la note. Le gouvernement discute pour savoir si cela appartient aux Palestiniens ou aux Jordaniens et les Juifs n’ont pas de droit là-dessus ! Alors que le seul peuple qui ait un droit sur la montagne du Temple ce sont les hébreux, les autres sont des conquérants. Par crainte de prendre une décision, les grands rabbins au moment de la guerre des 6 jours ont interdit au gouvernement de monter sur la montagne du Temple. L’argument c’était de dire que l’on ne mérite pas. On n’est pas assez pur. Des arguments de rabbins, mais avec des implications politiques. J’y ai été mêlé à ce moment-là. Le grand responsable de ce qui se passe actuellement c’est Yossef Bourg qui était le chef du Mafdal à l’époque. Ce qui se passe dans tous les problèmes concernant les problèmes de politique israélienne. Il y a eu une vengeance de la justice immanente : son fils lui fait payer la note. Il y a une sorte d’Œdipe énorme entre Abraham Bourg et Yossef Bourg. Quand les rabbins députés ministres et des chefs religieux qui deviennent des politiques, c’est la fin de la législation de la תּוֹרָה en Israël. Or c’est le cas actuellement. Ce rabbin que je ne veux pas nommer sinon en Rashei Tevot Dalet Resh Alef Youd Daat Rabi Ovadia Yossef : le  Rabbin Ovadia Yossef un rabbin ministre. ]

 

***

 

Livre de Ruth 1:1:

וַיְהִי בִּימֵי שְׁפֹט הַשֹּׁפְטִים וַיְהִי רָעָב בָּאָרֶץ

Il arriva au temps où les juges jugeaient  

C’est une information historique : l’épisode de Ruth se passe au temps du pouvoir des juges.

Le Talmud dit : « au temps où les juges étaient jugés » quand les juges jugeaient : enlève la paille que tu as dans l’œil, on lui répondait enlève la poutre que tu as dans le tien. Cela veut dire : lorsque les juges jugent mal, ils se font jugés.  

 

וַיְהִי רָעָב בָּאָרֶץ

Il y eu une famine dans le pays (qui aboutit à l’exil)  

Le juge doit juger : מִשְׁפַּט צֶדֶק mais sinon, s’il juge au niveau de la légalité, c’est la catastrophe dans la cité.  

Avant la guerre de 14, il y a eu une série de romans décrivant la société où la morale est en question  dans la justice, alors les catastrophes de guerre mondiale sont inévitables. On sent que c’est une société qui va à la catastrophe. J’ai été frappé par cela : Jean-Christophe de Romain Rolland.

On sent même a postériori que cela conduit à une telle catastrophe. Le droit est bafoué et le même risque existe dans la société contemporaine où la légalité prime la justice.

חוֹק מְדִינָת: c’est un terme très utilisé en Israël. Alors que ce qu’il faut c’est צֶדֶק מְדִינָת. Avec cette propagande insidieuse qui donne à la légalité l’aspect de la justice... La תּוֹרָה prévoit cela et nous avertit.


***

כִּי-תָבוֹא Chapitre 26, 1er verset.

Je voudrais vous indiquer un thème en vous demandant de réfléchir : il y a 2 catégories qui sont très importantes. Petite introduction : Nous avons, entre autres, 2 commencements de l’année. Le mois de Tishri est le 7ème mois lorsque le commencement de l’année est Nissan qui serait le 1er mois. Cela commémore deux événements radicalement différents mais qui sont des clefs de la liturgie traditionnelle juive :

 

  • Le mois de Tishri, au 1er Tishri c’est Rosh Hashana le jour de l’an. L’événement fondamental c’est le souvenir de la création du monde et la liturgie fondamentale du mois de Tishri c’est la Téshouvah – le repentir - littéralement « le retour ».
  • Le mois de Nissan, c’est le souvenir de la sortie d’Egypte et la liturgie de ce mois de Nissan est la délivrance, la גֵּאֻלָה. גֵּאֻלָה signifie délivrance dans le sens de la fin de l’exil. גָלוּת – גֵּאֻלָה.

 

Je vous explique brièvement le parallèle entre ces deux notions, la notion de תְּשוּבָה et la notion de גֵּאֻלָה.

 

תְּשוּבָה :  

Il y a une grande discussion chez les décisionnaires, est-ce que le fait d’avoir à se repentir s’il y a une faute est un commandement de la תּוֹרָה ou non ?

C’est un problème sérieux, nous savons qu’il y a 613 commandements de la תּוֹרָה.

 

Certains décisionnaires comptent parmi les 613 la תְּשוּבָה comme obligation de commandement. Cela veut dire qu’en cas de faute il y a obligation d’après la loi de la תּוֹרָה de se repentir.  

D’autres décisionnaires comme Rambam ne comptent pas du tout le repentir comme obligation de la תּוֹרָה.  

Rambam considère que la תּוֹרָה n’a pas à légiférer pour tout comportement naturel de l’homme. Pour Rambam le fait de se repentir après une faute est un comportement naturel de l’homme.

Par conséquent, il n’y a pas de place pour la liberté si c’est une tendance naturelle et donc la תּוֹרָה ne légifère pas lorsqu’il s’agit d’un comportement qui s’inscrit dans la nature humaine. 

Par conséquent, ce qu’il faut expliquer c’est comment Rambam - Maïmonide - comprend que le repentir est un comportement naturel. Pour Ramban – Na’hmanide - défendant la thèse opposée, c’est un commandement.  

Ce qu’il faut comprendre c’est un grand principe d’après les versets de la Bible : les fautes ne peuvent qu’être les fautes de justes. Ce sont les justes qui fautent. Et par conséquent, si un juste a fauté on peut compter sur lui et le fait que sa conscience ne le laissera pas tranquille jusqu’à ce qu’il se repente. Pour Rambam quand il se repentira il doit avouer la faute. La seule obligation est d’avouer la faute. C’est l’aveu de la faute qui est le signe que le repentir est authentique.

Quelqu’un qui est en faute qui n’a pas encore le courage ni la force d’avouer ce qu’il a fait, n’est pas guéri de sa faute. Les psychologues connaissent cela : quand quelqu’un parle de son problème, il est déjà sur le chemin de la guérison. Il faut le faire à voix haute et devant témoins.

Il y a une coutume chez les Juifs pieux de se téléphoner la veille de Rosh Hashana et de dire : si je t’ai fais du tord pardonnes-moi ! Mais d’après la תּוֹרָה il faut 2 témoins. On a avoué sa faute devant 2 témoins : le repentir est difficile parce que l’aveu est difficile. C’est très difficile d’avouer, surtout devant deux témoins. Si la faute concerne quelqu’un qui est décédé : on doit se rendre devant la tombe devant 10 témoins pour avouer... il faut un Miniane.  

Pour Rambam le repentir en lui-même est naturel et l’obligation de la loi concerne l’aveu.

Il y a d’autres exemples où la תּוֹרָה ne légifère pas sur la conduite mais sur la forme de la conduite.

C’est la thèse de Maïmonide que j’ai citée en premier parce qu’elle est très homogène avec l’esprit de la תּוֹרָה.

La תּוֹרָה considère que c’est un juste qui faute et que l’on peut compter sur lui. Pourquoi ?

Parce que ne faute que celui qui a déjà été sensible à la transcendance d’une loi : c’est cela un צַדִּיק. Celui qui est sensible à l’obligation de la loi et qui veut agir en justesse par rapport à la loi. Si une conscience est sensible à l’évidence de la loi, alors on peut être sûr que sa conscience ne le laissera pas tranquille tant qu’il a une faute dans son remord. Cela s’appelle en hébreu « Moussar klayot » : ses reins ne le laisseront pas dormir jusqu’à ce qu’il se repente.

 

Question : Est-ce vraiment le cas de tous les fautifs d’avoir des remords ?

R : C’est pourquoi le Talmud légifère : il y a deux cas : תְּשוּבָה MéAahavah et תְּשוּבָה MéYirah.

Celui qui, spontanément, de façon suggérée par lui-même, se repend c’est très bien. On appelle cela le repentir par amour. Mais dans l’immense majorité des cas on a beau être צַדִּיק, on n’a pas le courage d’avouer la faute. Alors viennent les épreuves où finalement le צַדִּיק, acculé par les épreuves de la vie, finira par reconnaitre et avouer : תְּשוּבָה méyirah. A force de Yissourim, le jeu de la vie le force à avouer sa faute.

 

Rambam : principe exposé dans Sefer HaMitsvot : la תּוֹרָה ne légifère pas lorsqu’il y a conduite naturelle. Il faut découvrir que la doctrine de Maïmonide est très aristocratique et s’adresse au sommet de la nature humaine : la תּוֹרָה s’adresse aux צַדִּיקִים, aux Justes qui veulent vivre comme justes. La תּוֹרָה ne s’occupe pas des autres. C’est le Talmud, la תּוֹרָה Shebéalpeh, qui tient compte de ceux qui sont de mauvaise volonté. C’est pourquoi le Talmud est en araméen – langue populaire - alors que la תּוֹרָה est en Lashone Haqodesh, en hébreu. Je vous dis cela de façon symbolique sans l’approfondir. C’est comparé à l’arbre de vie du jardin  – l’hébreu - et l’arbre du bien et du mal – l’araméen.

 

[En hébreu il n’y a aucun nom qui désigne des choses mauvaises, c’est toujours que des périphrases.

En araméen, on peut exprimer le bien et le mal. C’est la langue du Talmud. Lorsqu’on distingue le bien et le mal il faut parler araméen. On ne sait pas parler du mal en hébreu. D’ailleurs le mot qui dit le mal en hébreu est un mot pur, alors que le mot qui dit le mal en araméen est un mot impur : C’est ‘bisha’. Mauvais en araméen, c’est le ‘boushah’ en hébreu. Quand on dit Bisha en araméen c’est mauvais. Tandis que ‘Râ’ en hébreu, c’est l’appétit de vivre, c’est tout à fait autre chose, c’est pur. ‘Râ’ amène Réa ou Roé. Je ne traduis pas car cela nous mènerait trop loin... Le mot de Râ en hébreu c’est un mot Tov. Alors que le mot de Bishâa en araméen c’est épouvantable... Regardez comment on appelle les abréviations du code en hébreu : C’est le ‘Tour’ cela veut dire les colonnes du jugement mais cela se lit  Tov VaRâ (Tav-Vav-Reish).]  

Alors effectivement, la תּוֹרָה ne s’adresse qu’aux צַדִּיקִים.  

Enseignement d’un de mes maîtres lorsqu’on étudiait la peine de la bastonnade : pour les peines prévues par la תּוֹרָה : Ou bien il y a mauvaise volonté irréversible et c’est la peine de mort décrétée par un tribunal. (Cas pratiquement exceptionnel : un tribunal qui condamne une fois à mort tous les 70 ans est un tribunal assassin...)

Ou bien c’est une faute dont il faut punir, non pas le contenu de faute, mais le fait d’avoir fauté.

Et c’est la même peine pour toutes les fautes : la peine de bastonnade. 

Et on devait adapter le nombre de coup de bâton à la capacité physiologique du fauteur parce qu’il faut le guérir de sa mauvaise volonté, mais « c’est ton frère »... Il y avait donc des experts pour évaluer le nombre.  

Un de mes maitres avait comparé la bastonnade à l’électrochoc : quand quelqu’un a un trouble psychique, il lui faut un choc pour se réveiller. Son âme voudrait agir en bien seulement son âme est malade. Alors il faut donc le guérir de sa mauvaise volonté...  

J’explique encore un point du problème : La peine n’est pas adaptée au contenu de l’acte, car le contenu de l’acte qui est le contenu de l’acte de la faute dépend du fonctionnement du monde. Ce n’est pas l’homme qui l’a inventé ou voulu. L’homme s’est mis dans le cas d’entrer dans un engrenage de cause à effet qui fait que cela l’oblige à agir comme cela. Mais il n’est pas responsable d’agir comme cela puisque c’est Celui qui a créé les mécanismes du monde qui a créé le monde ainsi. On n’est donc pas puni du contenu de la faute mais puni d’avoir fait une faute. Or, un juste ne veut pas faire de faute. S’il a fait une faute c’est qu’il est malade. Et il faut un électrochoc. Après l’électrochoc, il est guéri et il est de nouveau ton frère. Il y a des quantités de stratégies médicales mais finalement toutes se ramènent à Makout (les coups). Les patients ont mal d’aller se faire soigner, de la même manière que celui qui se rend pour recevoir sa bastonnade. Cela veut dire que la sanction ici n’est pas punition mais thérapeutique.  

Na’hmanide – Ramban - dit : oui c’est vrai en principe, en théorie, la תּוֹרָה parle pour l’homme de bonne volonté mais on connait l’homme et il faut parler au niveau où il est. S’il n’est pas écrit qu’il faut faire תְּשוּבָה ils ne le feront pas. D’où la nécessité d’intégrer la תְּשוּבָה dans les 613. C’est une stratégie éducative et pédagogique. Effectivement, en son temps, je pense que Na’hmanide avait raison. Mais pour notre temps, il est optimiste. Ce n’est pas parce que c’est écrit qu’on va le faire... Enfin de compte c’est Maïmonide qui a raison.    

Je voulais indiquer le lien entre la תְּשוּבָה et la גֵּאֻלָה mais je n’ai pas le temps.

 

La différence entre Rambam et Ramban :

Les deux sont d’accord qu’il faut avouer la faute mais pour Ramban seulement la תְּשוּבָה est commandement. Dans tous les cas, le repentir est authentique que s’il y a aveu. D’où l’obligation de l’aveu.

 

גֵּאֻלָה :  

Pour la גֵּאֻלָה aussi très rapidement:

A Pessah on commémore la fin de l’exil. Or, la sortie d’Egypte est la fin d’exil qui nous rattache à la foi d’Israël. La foi d’Israël - la אֵמוּנָה - c’est que la sortie d’exil est possible.

On peut reprendre toute l’histoire des Patriarches, tout ce que Dieu révèle aux Patriarches, c’est qu’on peut sortir d’exil. Cela explique pourquoi dans l’universel humain on a été frappé par l’événement de Pâques au point que la chrétienté l’a pris comme liturgie centrale. On sait de l’histoire du peuple juif que la délivrance est possible : la délivrance de quoi ? De la situation d’exil.  

 

Toute créature quelle qu’elle soit a une mal être (qui provient) de sa prise de conscience de créature qui consiste à être en exil du Créateur. Or, chaque tradition, chaque culture, l’exprime à sa manière, mais il y a une exigence à être sauvé (comme le disent les chrétiens par la notion de salut) dans toutes les traditions humaines quel qu’elles soient. Cela exprime ce malaise, ce mal être, de se connaitre comme créature, en exil du Créateur. Chaque tradition va définir ce dont il faut être sauvé. 

Pour Israël, c’est directement être sauvé de la condition de créature qui est une condition d’exil.

Et alors ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que il y a une liturgie de l’aveu dans la commémoration de la sortie d’Egypte – le וִדּוּי – on avoue ce qu’on a fait lors de la sortie d’exil.

C’est parallèle à l’aveu lors de la תְּשוּבָה.  

La délivrance de l’exil s’est achevée au Sinaï à la révélation de la loi. Il y a eu une délivrance physique à la sortie d’Egypte (Pessah) et une délivrance spirituelle lors de la révélation de la תּוֹרָה (Shavouot).  

 

Le jour de commémoration de la révélation de la תּוֹרָה c’est le jour de la fête des prémisses.  

Je vous lis comment la תּוֹרָה prévoit la liturgie du jour de la fête des prémisses.

 

C’est notre chapitre 26:

וְהָיָה כִּי תָבוֹא אֶל הָאָרֶץ אֲשֶׁר יְהוָה אֱלֹהֶיךָ נֹתֵן לְךָ נַחֲלָה וִירִשְׁתָּהּ וְיָשַׁבְתָּ בָּהּ

Et il arrivera quand tu viendras dans le pays (l’Alyah) que Hashem ton Dieu donne pour toi en héritage, tu en hériteras et tu t’y installeras (ce qu’on est en train de faire depuis une centaine d’années, de notre exil de la civilisation occidentale, mais ce texte concerne la sortie d’exil de la civilisation égyptienne). 

 

וְלָקַחְתָּ מֵרֵאשִׁית כָּל פְּרִי הָאֲדָמָה אֲשֶׁר תָּבִיא מֵאַרְצְךָ אֲשֶׁר יְהוָה אֱלֹהֶיךָ נֹתֵן לָךְ וְשַׂמְתָּ בַטֶּנֶא וְהָלַכְתָּ אֶל הַמָּקוֹם אֲשֶׁר יִבְחַר יְהוָה אֱלֹהֶיךָ לְשַׁכֵּן שְׁמוֹ שָׁם                

Tu prendras des prémices de tous les fruits de la terre. que tu amèneras de ton pays, que Hashem ton Dieu te donne tu les placeras dans un panier tu iras à l’endroit que Hashem ton Dieu choisira pour faire résider Son Nom là-bas.  

(Cet endroit est en compétition entre le roi Hussein de Jordanie et le président de Gaza.)

 

וּבָאתָ אֶל הַכֹּהֵן אֲשֶׁר יִהְיֶה בַּיָּמִים הָהֵם וְאָמַרְתָּ אֵלָיו הִגַּדְתִּי הַיּוֹם לַיהוָה אֱלֹהֶיךָ כִּי בָאתִי אֶל הָאָרֶץ אֲשֶׁר נִשְׁבַּע יְהוָה לַאֲבֹתֵינוּ לָתֶת לָנוּ

Et tu viendras chez le prêtre qui sera en ce temps-là et tu lui diras, je viens raconter aujourd’hui à Hashem ton Dieu (il s’agit de chaque hébreu qui s’adresse au Kohen)

que je suis venu au pays que Dieu a juré à nos pères de nous donner.

 

וְלָקַח הַכֹּהֵן הַטֶּנֶא מִיָּדֶךָ וְהִנִּיחוֹ לִפְנֵי מִזְבַּח יְהוָה אֱלֹהֶיךָ

Et le Kohen prendra le panier de ta main Et le placera devant l’autel de Hashem ton Dieu.  

Avant que les prémices soient apportés, Dieu n’est Dieu que du prêtre, mais quant les prémices sont apportés et que l’aveu a été fait, alors Dieu est le Dieu de celui qui a apporté les prémices.  

 

Quel aveu ? Quel est ce rite ? Quel est ce culte de l’homme qui, à Jérusalem, apporte les prémices en reconnaissance de ce Dieu d’Israël qui lui a donné la terre ?

En tant que quoi sommes-nous venus dans le pays pour pratiquer la תּוֹרָה ?  

C’est un וידוי, c’est un aveu : cela veut dire n’importe quand dans le temps, quelque soit l’époque à laquelle on était né, en arrivant au jour de Shavouot pour la fête des prémices on disait : « je viens dire à ton Dieu que j’arrive dans le pays que Dieu nous a donné... »

La Alyah est faite le jour de Shavouot, quelque que soit l’époque où mon grand-père est arrivé en Israël....  

J’ai souvent réfléchi à cela : Quelle est la motivation qui a fait que les Juifs soient arrivés dans le pays au bout de 2000 ans ? Quels sont les intérêts ? Chacun peut raconter le roman de sa vie mais est incapable de raconter la véritable raison : il ne peut pas avouer pourquoi il est venu...

Je vous donne trois exemples de motivations:

  • pour pourvoir être religieux (mais on peut très bien être religieux ailleurs !)
  • pour être socialiste (mais on peut être socialiste ailleurs...) 

Ce sont des alibis pour ne pas avouer la véritable raison...

Même chose pour les Juifs en גָלוּת   : pourquoi es-tu à Sarcelles et pas ailleurs (Jérusalem) ?

Les gens répondent à côté...

 

Quel est cet aveu ? D’où le verset 3 :  

וְאָמַרְתָּ אֵלָיו הִגַּדְתִּי הַיּוֹם לַיהוָה אֱלֹהֶיךָ כִּי בָאתִי אֶל הָאָרֶץ אֲשֶׁר נִשְׁבַּע יְהוָה לַאֲבֹתֵינוּ לָתֶת לָנוּ

et tu lui diras, je viens raconter aujourd’hui à Hashem ton Dieu (il s’agit de chaque hébreu qui s’adresse au Kohen) que je suis venu au pays que Dieu a juré à nos pères De nous donner.  

 

Voilà la vraie raison. Tous les alibis officiels sont effacés devant la vrai raison.

Lorsque j’ai étudié l’axe volontaire en psychologie, il y avait la théorie Béhavioriste : on croit qu’on a décidé et alors on le fait, mais c’est parce qu’on a fait ce qu’on a fait qu’on prend conscience que c’est cela qu’on a décidé. C’est au moment où l’on agit qu’on prend conscience de ce qu’on veut faire. Et on s’invente un roman explicatif...  

La vérité : être venu pour accomplir enfin la promesse divine à mes pères.

Toutes autres motivations sont des alibis fumeux.

Ceux qui restent en גָלוּת  ne veulent pas réaliser la promesse de Dieu.

A cause des diplômes, des allocations familiales, de la profession...etc. Des alibis de toutes sortes et des fausses excuses.

 

Tant pour la תְּשוּבָה que pour la גֵּאֻלָה l’essentiel est l’aveu.  

 

***

 

Q : Avouer des fautes que l’on n’a pas commises me semble être une conduite opposée à celle de l’aveu ?

R : C’est le וִדּוּי de la communauté qui est dit à Kippour et j’ai parlé du וִדּוּי personnel de la תְּשוּבָה qui concerne les fautes personnelles. Pour celui de la communauté c’est dire ce que nous avons fait ensemble en tant que communauté. J’ai étudié cette question avec un de mes maîtres, il a répondu à cette question qui lui fut posée: et qu’en sais-tu que tu n’a pas commis ces fautes-là ? Chaque faute est à différent niveau, quand on dit ‘Hatati Aviti Peshati, méa culpa, j’ai tué...etc. J’ai peut-être vraiment tué du regard, par la parole etc... Ou dans une autre vie...

Dans tous les cas, la réponse c’est que c’est la communauté qui le dit. Exemple : Dans les dix commandements : « Tu n’assassineras pas ». S’adresse-t-on ici à un peuple d’assassins ? Un commentaire dit : on sait qu’une parole peut tuer, un regard peut assassiner : il y a des œillades assassines...

 

(On raconte d’un des élèves du Ari, Molkho, Rabbi‘Hayim Vital qui avait a appris de son maitre qu’il devait être très scrupuleux à chaque commandement, étant à sa dernière réincarnation, un seul geste pouvait le perdre... C’est d’ailleurs un enseignement en général : On est jugé à chacune de ses vies sur un seul comportement, et on ne le sait pas à l’avance. C’est pourquoi il faut être scrupuleux sur tout comportement, pour toute la loi. Pour certains, des commandements paraissent faciles à accomplir et d’autres difficiles et ce ne sont pas les mêmes pour chacun. Cela veut dire que l’on est mis à l’épreuve dans certaines conduites qui sont particulièrement difficiles pour certains...En général il s’agit d’un geste et on ne sait pas lequel.

On raconte dans les livres du Molkho qu’il étudiait un jour un Shabbat et il fut gêné par un moustique et finalement il l’a frappé et tué le moustique. Son maitre s’est révélé à lui pour lui dire qu’il avait échoué : tu as accompli la faute de Caïn envers son frère, tu ne sais pas que c’est ton frère, mais tu l’as tué. Ce Molkho qui était un très grand d‘Israël chaque Kippour disait « j’ai tué, j’ai tué », et il ne savait pas que c’était vrai !)  

 

Cette vigilance du scrupule c’est vraiment le problème du juste.  

Effectivement on ne sait pas l’avance sur quoi on va être éprouvé, alors il faut être vigilant sur chaque détail du comportement. C’est cela un צַדִּיק : celui qui est vigilant sur tout.  

Quelqu’un qui est porté à telle ou telle vertu, telle ou telle obligation va s’appliquer à bien faire la מִצְוָה qui lui correspond et faire les autres comme-ci, comme-ça...  

Il y a un danger grave : la scrupulite : lorsque cela tourne à l’obsession. (Les troubles obsessionnels compulsifs). Je crois que tout rituel risque d’induire des obsessions. Il faut s’en méfier.

 

Lorsqu’on a affaire à un homme pieux qui est maniaque, il faut toujours se demander s’il est pieux parce que maniaque ou bien s’il est maniaque parce que pieux...

 

 

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