L’OEUVRE DE LA CRÉATION
LES ENGENDREMENTS
JUIFS OU HÉBREUX
ISRAËL ET LES NATIONS
MESSIANISME
THÈMES FONDAMENTAUX

CHEMOT - SÉRIE 1994

Le cours

 

(1994) שְׁמוֹת

Deux questions posées la dernière fois :

Q1 : Pourquoi l’engendrement tarde-t-il ?

Q2 : Pourquoi les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל ne sont-ils pas partis tout de suite ?

 

1ère question :

Pourquoi l’engendrement tarde-t-il ?

 

C’est un thème important dans l’histoire de la famille des Patriarches mais qui se continue dans la suite de l’histoire d’Israël. Il y a un certain nombre de thèmes d’identité que la תּוֹרָה explique assez en détail à certains niveaux de l’histoire de la famille des Patriarches, en particulier les problèmes des mères d’Israël qui tardent à enfanter. Il y a un empêchement à enfanter jusqu’à ce qu’il soit assuré pour des critères propres à la תּוֹרָה, que l’enfant qui naîtra sera compatible à ce qui est attendu, et non une approximation, ce qui est une catastrophe ! Parce que lorsqu’apparait dans l’histoire une approximation d’un certain projet, elle est là. Tout ce que Dieu créé ou laisse exister est irréversible. Lorsque l’approximation apparait, c’est vraiment une catastrophe ! Elle est là et il faut en tenir compte ! C’est un thème très important, et la תּוֹרָה explique que si Dieu a laissée exister quelque chose, Lui sait pourquoi et il faut en tenir compte quoiqu’il en soit. 

 

Nous sommes dans un monde encombré des déchets du passé, mais cela a existé et cela existe. Il y a des leçons de morale pratique à tirer de cela. Mais chacun le comprend à son échelle et par rapport à son expérience et aux problèmes qu’il a à résoudre. On ne peut pas tirer de conclusions généralisées. Ce sont d’ailleurs des thèmes pour lesquels on ne peut avoir de règles générales, chaque cas étant un cas particulier.  

 

Mais le principe qui est indiqué là est très important. Ce qui existe, étant donné que dans la cohérence de la perspective de ce qu’enseigne la תּוֹרָה, ce monde est le monde d’un Créateur, qui sait comment Il gère Son monde. Et donc même si nous ne comprenons pas – et il y a beaucoup de choses que nous ne comprendrons jamais, non pas parce que nous ne le pouvons pas mais parce qu’il ne le faut pas – ce qui existe existe et il faut en tenir compte.

Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas lutter contre le mal quand le mal existe mais c’est un thème un peu différent : il y a des approximations de la vérité qui encombrent le monde de la vérité.  

 

C’est le retard de l’enfantement dans la famille des Patriarches.

Pourquoi Sarah tarde-t-elle tellement à enfanter ?

Parce qu’elle doit enfanter Yitzhak – « il rira » - elle doit enfanter un fils de l’homme qui ne sera satisfait du monde que lorsque le monde le méritera : « il rira » est au futur. Le risque d’une approximation, c’est précisément un enfant d’Abraham qui rirait au présent. La תּוֹרָה dit d’Ismaël qu’il rit au présent. L’approximation d’Isaac est Ismaël dans les termes de la תּוֹרָה. Ce n’est pas qu’un thème d’actualité, c’est un thème permanent depuis 4000 ans. Grâce à Dieu nous savons que cela ne va pas durer longtemps, mais nous y sommes encore.    

 

Lorsque Sarah intervient pour demander à Abraham de renvoyer, de chasser (divorcer) Agar et Ismaël (en termes de politiques étrangère israélienne cela s’appelle un transfert) la motivation donnée est qu’il riait, au présent.

 

21:9-10:

וַתֵּרֶא שָׂרָה אֶת-בֶּן-הָגָר הַמִּצְרִית, אֲשֶׁר-יָלְדָה לְאַבְרָהָם--מְצַחֵק

« Elle a vu le fils de Agar l’égyptienne qu’elle avait enfanté à Abraham, riant (au présent).

וַתֹּאמֶר, לְאַבְרָהָם, גָּרֵשׁ הָאָמָה הַזֹּאת, וְאֶת-בְּנָהּ:  כִּי לֹא יִירַשׁ בֶּן-הָאָמָה הַזֹּאת, עִם-בְּנִי עִם-יִצְחָק

Et elle dit à Abraham : renvoie cette esclave et son fils, car il n’héritera pas le fils de cette esclave avec mon fils Isaac »   

 

Si on compare les deux mots : מְצַחֵק, rire au présent et יִצְחָק, rire au futur, alors on comprend que c’est quelque chose de beaucoup plus important que simplement le fait que Ismaël se moquait d’Isaac.

 

Midrash : lorsqu’Isaac est né Abraham a fait un festin  בְּיוֹם הִגָּמֵל le jour du sevrage de Isaac le jour où Isaac peut manger par lui-même et où il est autonome, il existe par lui-même et n’est plus rattaché à sa mère par l’allaitement, Abraham a fait un grand festin.  

C’est la 2ème naissance.

 

C’est un thème du Talmud, l’allaitement de la vie intra-utérine et l’achèvement extra-utérin. Il y a des organes de l’embryon qui ne peuvent pas encore supporter directement la nourriture sauf par le lait de la mère, c’est que le lait est une transformation du sang de la mère. En réalité il y a douze mois pour l’embryon dont 9 sont intra-utérin et 3 extra-utérin. Avec le temps de l’évolution de l’histoire cet allaitement extra-utérin dure plus longtemps que 3 mois, mais nous avons les chiffres exacts selon la תּוֹרָה. Le jour où Isaac est sevré est sa vraie naissance. Ce jour-là Abraham fait un festin et Ismaël avait plus de 13 ans.

 

Midrash : pendant ce festin Ismaël riait d’Isaac dans un rire de dérision : « il croit qu’il héritera d’Abraham mais c’est moi l’aîné et j’hériterais de 2 parts !» (L’Arabie et la Palestine.)  

Nous vivons l’histoire des Patriarches, donc nous connaissons la suite, la fin, c’est Israël qui arrive triomphant, mais à quel prix ? Cela dépend du mérite et de la responsabilité des Juifs.  

Yitzhak apparait dans le texte comme l’enfant promis qui tarde à être engendré, enfanté, parce que si on enfante précipitamment une approximation ce serait Ismaël.  

Je suis né en pays d’islam, suis familier avec l’identité d’Ismaël à laquelle les Européens ne comprennent rien. Il faut avoir vécu chez eux pour savoir. C’est une autre manière d’être homme.

(Albert Memni, juif tunisien, dans un de ces 1ers livres – « Juifs et Arabes » - dénonce ce cliché de la coexistence idyllique des Juifs et des Arabes en Afrique du Nord.)

 

Pour en revenir au sujet :

Ce sont des thèmes d’identité que nous avons dans l’histoire d’Israël :

Pour Sarah cela tarde pour éviter qu’elle engendre Ismaël.

Avec Agar, Abraham a de suite un enfant, donc l’empêchement ne vient pas d’Abraham mais de la matrice qui n’est pas encore prête à donner l’enfant attendu. La précipitation, l’impatience d’anticipation fait qu’Abraham avec Agar engendre Ismaël.

   

מְצַחֵק - יִצְחָק.   Midrash dans Tossefta : Rire au présent = se satisfaire du monde au présent ; alors que Isaac n’aura le droit de rire qu’à l’avenir, lorsqu’ elle monde sera tel qu’on aura droit d’en être satisfait.

La perspective est très différente.  

Effectivement, Ismaël est un fils d’Abraham : il peut rire ! Il sait que le monde a un Créateur, un Maître, une Providence. Le rire n’est possible que lorsqu’on sait que c’est Dieu qui a créé le monde. En dépit de l’état du monde, il a un sens puisque créé par Dieu ! Donc, Ismaël est capable de rire devant le Créateur : il est fils d’Abraham reconnaissant un Créateur. Mais il rit au présent, satisfait de l’état de monde comme il est maintenant, avec son bien et son mal, alors que Yitzhak n’a le droit de rire qu’à l’avenir, lorsque le monde sera tel qu’on aura le droit de rire et que ça.  

 

Psaumes (Ps.126.2) : אָז יִמָּלֵא שְׂחוֹק, פִּינוּ alors seulement on aura le droit de rire...  

Il s’agit dans ces thèmes de choses très importantes bien au-delà de l’anecdotique.

C’est le conflit de deux manières d’être Abraham. Les deux sont capable du rire, mais l’un rit au présent, c’est le rire d’un רָשָע. Il faut être רָשָע pour être satisfait du monde comme il est.   

Il y a des thèmes d’identité propre à l’histoire d’Israël, en particulier celui-là : l’empêchement d’enfanter jusqu’à ce que l’enfant soit vraiment celui qu’on attendait, parce que l’approximation est dangereuse, elle s’installe et se multiplie et il faut en tenir compte, c’est irréversible.

La תּוֹרָה explique cela, c’est un thème de קַבָּלָה, il fallait que Sarah arrive à un certain âge pour pouvoir enfanter Yitzhak à 90 ans.  Et Abraham a déjà 100 ans.

Pourquoi 90 ans et pourquoi 100 ans ?

 

Après Sarah, la même chose avec Rivqah et Rachel et ‘Hannah mère de Samuel...

C’est un thème de l’histoire d’Israël : Il faut parfois attendre longtemps pour que l’enfant promis naisse. Pourquoi ce que Dieu promet tarde-t-il à s’accomplir ? Du côté divin c’est promis mais on attend que les conditions soient réunies.  

Notre génération privilégiée en a eu l’exemple : nous avons attendu 2000 ans l’accomplissement d’une promesse : le retour en Israël. Subitement cela arrive ! L’enfant est arrivé et tout le monde s’est mis à rire ! Tandis que lors de la nationalisation du canal de Suez, je me souviens du rire de Nasser. Ceux qui ont vécu en pays d’Islam connaissent ce rire d’Ismaël…  

 

Avant d’arriver à la 2ème question, j’ouvre une parenthèse, précisément à propos de Yitzhak.

Des tractations avec le Vatican ont duré plusieurs années. C’est plus de l’intérêt du Vatican que de l’intérêt d’Israël. Le Vatican a été obligé de reconnaître sous une forme ou une autre l’Etat d’Israël. Si le Vatican avait reconnu dès la fondation on aurait économisé 7 guerres, mais le Vatican est maintenant pris au piège. Il a 3 problèmes avec Israël :

- Le peuple juif et l’histoire juive.

- La religion juive, le judaïsme.  

- L’Etat d’Israël.   

 

Actuellement il est obligé de résoudre les problèmes avec l’Etat d’Israël comme Etat. Pour deux raisons essentielles :

  • Tous les états de la planète reconnaissent Israël l’un après l’autre.
  • Il a des intérêts matériels en Israël pour avoir occupé le pays pendant des années et ont intérêt à être présent lors des négociations sur Jérusalem.  

Israël en tant qu’état n’a aucun intérêt à cela parce que cela enclenche sur les deux autres dimensions : discussions sur les rapports de religion à religion et des rapports du peuple juif et son histoire, la Shoah... C’est compliqué.  

Quoiqu’il en soit ils sont pris au piège et obligés de reconnaître Israël.  

C’est le thème du retard de la naissance de l’enfant promis et la théologie chrétienne en a fait une maquette : cette impossibilité est transformée en naissance à partir d’une vierge.

 

Autre Exemple :  

L’entrecroisement des bénédictions.

Il y a dans les engendrements, un thème qui revient très souvent dans l’histoire des familles de la תּוֹרָה, c’est l’ainé et le cadet, la primogéniture et l’ultimo géniture : il y a une manière d’être le fils qui consiste à être le fils aîné, le cadet ; et il a une manière d’être fils qui consiste à être le dernier, le benjamin. Il y a alors deux héritiers auxquels son confiés l’héritage de la génération précédente.

Or, cela correspond dans l’histoire à deux vertus que l’on trouve dans l’identité d’Israël mais qui sont deux vertus contradictoires : patience et impatience.  

La patience c’est lorsque l’on met l’accent sur l’héritage du passé qu’il faut réussir et l’impatience c’est lorsque l’on met l’accent sur l’échec du passé qu’il faut remplacer. Dans l’histoire d’Israël, on voit que les deux vertus sont à l’œuvre, mais elles sont contradictoires.  

L’identité juive est une patience infinie - la traversée de l’histoire et des siècles -  et une impatience quotidienne. Aujourd’hui, tout de suite... Quand viendra-t-il ?

La patience est la vertu du 1er né, et l’impatience est la vertu du dernier né.

 

Il y a toujours dans la descendance une réaction de la génération suivante qui est soit de patience soit d’impatience.  

On voit qu’il y a deux forces à l’œuvre dans l’histoire, mais si on donne la bénédiction de patience à celui qui naturellement est dans la patience et la bénédiction de l’impatience à celui qui naturellement est dans l’impatience, cela se sépare et ne se rejoindra jamais. Alors il y a entrecroisement des bénédictions : on donne au 1er né la bénédiction du dernier né et au dernier né la bénédiction du 1er né.  

C’est pourquoi chaque fois qu’il y a un relai des générations, le Patriarche entrecroise les mains et inverse le don des bénédictions de telle sorte qu’il y ait chance d’unité des vocations. 

Il y a, par exemple, dans le problème de la bénédiction d’Isaac qui doit transmettre deux bénédictions : la bénédiction matérielle et la bénédiction spirituelle. Or, on apprend du récit de la תּוֹרָה qu’Esaü avait la vocation matérielle. Donc, il faut que la bénédiction matérielle soit donnée à Jacob. Jacob avait la bénédiction spirituelle, il faudrait que la bénédiction spirituelle soit donnée à Esaü pour qu’il y ait une chance qu’ils s’unifient, parce que sinon ils se séparent irrémédiablement. Ce sont deux vocations humaines tellement différentes qu’elles sont incompatibles.

 

Le caractère surhumain de l’histoire d’Israël, c’est d’espérer l’homme qui ait les deux vocations à la fois. Or, humainement c’est impossible !  

La Halakha est très claire : on essaie d’abord la תּוֹרָה pendant 5 ans. Si on voit que cela ne marche pas et qu’on ne voit pas la bénédiction, alors on essaie encore 5 ans. Si cela ne marche pas on va faire du commerce et on réussit parce qu’entre temps on est devenu intelligent, et on donne la dîme aux Yeshivot…  

 

La תּוֹרָה ne réussit pas pour tous (1 sur 100). Cf. les titres actuels de « גאָוֹנִים‎», mais en réalité ce sont des savants qui s’ennuient et qui font des דִינִים …  

Un faux savant est nommé par la תּוֹרָה un « חָמוֹר נוֹשֵׂא סֵּפָרִים - un âne chargé de livres ».

 

Comme pour les approximations, lorsque les livres son écrits alors il faut en tenir compte. Et on ne s’en sort plus. La תּוֹרָה est la תּוֹרָה שֶׁבְּעַל פֶּה!  

Proverbes : « קֵּץ אֵין סֵּפָרִים עָשׂוֹת »  « faire des  livres sans fin ».

Au sens Pshat ce sont des livres sans fin…   

Fausse déclaration de « peuple du livre », Rav Kook : « Israël n’est pas un peuple de libraire, mais le peuple de celui qui a dit ce qu’il a dans le livre ». Mais nous sommes devenus un peuple de libraires : le phénomène d’édition de répétitions de gloses des glosateurs... et une fois que les livres existent il faut en tenir compte...

 

La תּוֹרָה c’est  וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר   et Dieu a parlé à Moïse pour dire.

Lorsqu’il s’est aperçu que les hommes risquaient de perdre la mémoire, il dit « met la par écrit » pour pas qu’ils l’oublient. Mais la תּוֹרָה a d’abord été une parole non un livre.   

C’est un problème important. On a transformé l’identité de la tradition, on a créé des universités où on fait des doctorats, des thèses sur un livre et on appelle cela la tradition. Comme si Dieu avait créé une imprimerie pour créer un livre…

Pour être un vrai talmudiste c’est 24/24 sinon on est amateur.

Pour être un vrai mathématicien c’est pareil.

 

Réponse de la Halakha : essayer 5 ans si cela ne marche pas, essayer de nouveau 5 ans dans une autre Yeshivah et si cela ne marche toujours pas, choisir sa vocation matérielle temporelle et étudier en bon juif 2 heures par jour et pratiquer tout ce qu’il faut mais en amateur. Mais un vrai חֲכָם תַּלְמִיד c’est 24h/24. Quantité de personnes on gâché leur vie car elles auraient pu être de grands mathématiciens, et elles sont devenues amateurs en תּוֹרָה après un stage à בְּנֵי בְּרַק.

 

Voilà donc le thème de l’entrecroisement des bénédictions :

Chaque fois qu’il y a une remise en jeu dans une histoire qui va recommencer, alors il faut donner à l’aîné la bénédiction du dernier et au dernier la bénédiction du premier parce que sinon ces deux vocations humaines se séparent.

 

Une expression biblique revenant souvent :

כִּימֵי הַשָּׁמַיִם, עַל-הָאָרֶץ « Les cieux au-dessus de la terre ».  

Tant que les cieux sont au-dessus de la terre, c’est séparé : les cieux montent et la terre descend. Il faut que les cieux soient en-dessous de la terre pour supporter la terre.

Si on accepte que les cieux soient sur la terre, on est perdu parce que les cieux montent de haut en haut et la terre tombe de bas en bas. Il faut que les cieux soient en-dessous de la terre pour supporter la terre. C’est ainsi que c’est, grâce à Dieu.

 

Un poème d’Abraham Ibn Ezra qui est dans le chant séfarade du Jour de Kippour :

« Je me prosternerai face contre terre parce qu’il n’y a rien de plus bas que la terre »

 Au point de vue du Pshat on comprend cet élan de piété poétique.

Mais הַקַבָּלָה עָל פִּי cela veut dire tout à fait autre chose :

« Je me prosterne face vers la terre car le אַיִן est plus bas que la terre »

Le אַיִן, le סוֹף אֵין est plus bas que la terre. Se prosterner vers la terre, c’est se prosterner devant Dieu qui supporte le monde qu’Il a créé.  

Lorsqu’il y a deux vocations, deux forces, deux tendances différentes il faut d’abord savoir qu’elles sont incompatibles. L’idéal serait de les unifier mais il faut savoir que c’est surhumain.  

Israël est au-delà de Jacob et Esaü qui sont tous deux incompatibles dans leurs deux vocations respectives. Tant que Jacob n’est que Jacob et Esaü que Esaü il n’y a pas de solution. Il faut qu’il y ait un Israël c’est-à-dire un Jacob qui ait aussi la capacité de la vocation matérielle alors il s’appelle Israël.

 

Rappelez-vous quand Jacob reçoit le nom Israël : Jacob reçoit le nom d’Israël à son retour d’exil de chez Laban. Contraint et forcé par ses femmes Leah et Rachel qui l’ont obligé à décrocher de l’exil chez Laban. Arrivé en pays de Canaan, il reçoit le nom Israël. De nouveau en exil en Egypte il reprend son nom de Jacob.

 

Effectivement, je vais illustrer cela dans le temps contemporain : Jacob est la vocation spirituelle et que cela.

 

Israël est la vocation spirituelle qui est capable de la vocation matérielle comme צַדִּיק, parce qu’Esaü représente la vocation matérielle comme רָשָע.  

On l’apprend en particulier du vœu que Jacob va faire lorsque, s’enfuyant du pays de Canaan à cause de la haine d’Esaü, il va aller chez Laban, alors (Parashah וַיֵּצֵא  ) il part de Beer Sheva où la famille d’Isaac habitait et va remonter dans la région du Liban et de la Syrie actuels, là où se trouvait l’autre branche de la famille d’Abraham qui était restée dans l’exil de Aram, là où se trouvait Laban fils de Bétouel fils de Na’hor frère d’Abraham.

 

Il est arrêté à Bethel par une vision qui est la vision de l’échelle de Jacob. Lorsqu’il se réveille de la nuit, il faut un vœu « וַיִּדַּר יַעֲקֹב, נֶדֶר לֵאמֹר » et dans ce vœu il dit :

« Si tu me donnes du pain pour manger et un vêtement pour m’habiller tu seras mon Dieu »  

וַיִּדַּר יַעֲקֹב, נֶדֶר לֵאמֹר:  אִם-יִהְיֶה אֱלֹהִים עִמָּדִי, וּשְׁמָרַנִי בַּדֶּרֶךְ הַזֶּה אֲשֶׁר אָנֹכִי הוֹלֵךְ, וְנָתַן-לִי לֶחֶם לֶאֱכֹל, וּבֶגֶד לִלְבֹּשׁ

Et Jacob fit un vœu en disant Si Dieu est avec moi Et qu’il me préserve sur ce chemin où je vais. Qu’il me donne du pain pour manger et un vêtement pour m’habiller.  

 

Il ne s’agit pas comme dans la prière des païens d’un marchandage donnant-donnant (comme dans la formule latine do ut des - je te donne afin que tu me donnes), c’est un vœu ! Il veut se priver de la bénédiction matérielle devant aller à Esaü et que Rivqah lui a imposé. Jacob est un type d’homme qui ne supporte pas la vocation matérielle. Or, Rivqah la lui impose aussi car si c’est Esaü qui l’obtient c’est perdu. Mais Jacob ne supporte pas cela.

 

Nous avons d’ailleurs un Midrash à propos du verset [Gn. 28:10] :

וַיֵּצֵא יַעֲקֹב, מִבְּאֵר שָׁבַע; וַיֵּלֶךְ, חָרָנָה

« Et Jacob sorti de Beer-Sheva et il alla à ‘Haranah »

 

Tous ces éléments étant connus des informations des textes précédents le Midrash dit :

Ma zeh ‘haranah? ’Haron hapo shel Olam! L’endroit de la colère du monde.

C’est un thème très important qu’on étudiera un jour : L’endroit où étaient les bergers de la famille d’Abraham qui sont restés araméens, et que Jacob rencontre près du puits.

Il leur demande d’où êtes-vous ? Ils répondent : « Nous sommes de ’Haran ».

Le Midrash explique : le pays de la colère du monde. C’est le thème du péché originel des païens : A l’origine de l’histoire du monde, il y a une colère, et il faut apaiser la colère.

Réponse de Jacob : Non ! « מֵאַיִן אַתֶּם Vous êtres créés du néant !» : il faut mériter l’être !

Ce sont deux théologies qui s’affrontent : la théologie de Jacob comme bergers et celles des bergers de Laban...

 

Quoiqu’il en soit, ce Midrash cité précédemment nous apprend que Jacob est parti en colère de Beer-Sheva parce qu’il apprend qu’il doit se marier. Alors que lui sa vocation c’est l’étude. Il ne veut pas fonder une famille. Vous remarquerez que dans la vocation spirituelle, et que cela, on transmet la charge de la famille à la femme. Et lui aura 4 femmes, le pauvre ! Alors il était en colère. C’est une sorte de quadrature du cercle familial. Jacob n’aime pas la vocation matérielle, alors il dit à Dieu : « si tu me donnes du pain pour manger et un vêtement pour m’habiller, tu seras mon Dieu » c’est tout ce que je demande !

 

Commentaire ’Hassidique :

Que signifie du pain pour manger et un vêtement pour m’habiller ? Le pain est pour manger et le vêtement pour s’habiller ! Cela signifie donc : « Je ne veux pas du pain que je devrais vendre pour acheter un vêtement, ni un vêtement que je doive vendre pour pouvoir m’acheter de quoi manger... » C’est le refus du commerce ! Jacob est un vrai Barour Yeshivah et que cela. Mais ce n’est pas encore Israël, mais une vocation spirituelle monastique et ascétique... Des Juifs sont comme ça : ‘Hassid ascétique ! (Rires)

Cette vocation est une dimension présente dans les sociétés humaines en général et juive en particulier. Mais c’est un échec parce que ce qu’on attend c’est Israël et non pas Jacob.

 

Donc, ce n’est pas un marchandage mais un refus de la vocation matérielle. Nous en avons confirmation lors du retour de Jacob de chez Laban et qu’il rencontre Esaü, il y a un verset extraordinaire que commente Rashi : il envoie une délégation à Esaü pour dire :  

 

וַיִּשְׁלַח  32:5-6

וַיְצַו אֹתָם, לֵאמֹר, כֹּה תֹאמְרוּן, לַאדֹנִי לְעֵשָׂו:  כֹּה אָמַר, עַבְדְּךָ יַעֲקֹב, עִם-לָבָן גַּרְתִּי, וָאֵחַר עַד-עָתָּה

Il leur avait donné cet ordre: "Vous parlerez ainsi à mon seigneur, à Ésaü: ‘Ainsi parle ton serviteur Jacob : « Avec Laban j’ai séjourné et j‘ai tardé jusqu’à maintenant »  

 

וַיְהִי-לִי שׁוֹר וַחֲמוֹר, צֹאן וְעֶבֶד וְשִׁפְחָה; וָאֶשְׁלְחָה לְהַגִּיד לַאדֹנִי, לִמְצֹא-חֵן בְּעֵינֶיךָ

J'ai acquis bœufs et ânes, menu bétail, esclaves mâles et femelles; je l'envoie annoncer à mon seigneur, pour obtenir faveur à ses yeux.’ "  

 

עִם-לָבָן גַּרְתִּי, וָאֵחַר עַד-עָתָּה... et je t’ai envoyé לְהַגִּיד לַאדֹנִי tout cela Dieu me l’a donné !

 

Rashi : au lieu de lui envoyer une délégation pour faire la paix il excite sa colère avec le résultat de la bénédiction volée à Esaü ? Alors Rashi explique : Tout cela וַיְהִי-לִי שׁוֹר וַחֲמוֹר, צֹאן וְעֶבֶד וְשִׁפְחָה cela ne me vient pas des bénédictions de Isaac, c’est mon travail. Donc tu n’as pas à me haïr…  

Effectivement, la bénédiction matérielle que Esaü devait recevoir et que Jacob a prise pour qu’il y ait unité des vocations et pour qu’il puisse devenir Israël (Israël = Jacob + Esaü, les deux étant kasher) On retrouve dans la descendance de Jacob un Esaü kasher qui est Joseph que la גְּמָרָא définit comme עֵשָׂו שֶׁל שִׂטנוֹ, le Satan d’Esaü, l’antagoniste d’Esaü. Il fait la preuve que l’on peut être homme de la vocation matérielle et rester צַדִּיק. Lorsqu’il a ces deux forces, Jacob devient Israël.

 

Nous vivons ce problème : pendant 2000 ans, la vocation juive consistait en Jacob et que cela. La vocation matérielle était laissée aux גּוֹיִם. En fait, on s’en occupait mais à l’abri des גּוֹיִם: la cité était גּוֹי, mais la synagogue était juive. C’est Jacob chez les Nations. Au bout de 2000 ans Jacob devient Israël. L’homme de la vocation spirituelle prend la vocation matérielle, et il fonde des Kibboutzim, des universités, des hôpitaux, des villes... etc. Et Jacob est contre, les gens des Yeshivot sont contre les חֲלוּצִים. Chaque fois que l’on parle de ce problème on oublie qu’indépendamment des חִלּוֹנִים et des חֲרֵדִים, il y a les Juifs normaux. Ceux qui sont et l’un et l’autre, on les oublie, et ils toujours les victimes. Israël c’est ceux qui sont et l’un et l’autre. Et puis il y a les deux extrêmes : ceux qui ceux ou l’un ou l’autre. Mais pourquoi parle-t-on toujours de ces extrêmes et jamais des Juifs normaux ? Il y a une incompréhension totale. Remarquez que ces deux extrêmes sont les ennemis des Juifs normaux. Les deux ! Ils sont alliés contre les Juifs normaux. Dans le gouvernement actuel, les חֲרֵדִים et les חִלּוֹנִים ont fait une alliance contre-nature contre les sionistes religieux ! Tout cela on l’oublie.

Mais la majorité du peuple n’est ni חֲרֵדִים, ni חִלּוֹנִים. Ce sont des Juifs !  Je n’ai pas dit que les autres ne sont pas Juifs. Ce que j’aurais tendance à dire c’est qu’ils sont d’origine juive. (Rires) Ce sont des Juifs originaux… (Rires). C’est cela le fond du problème. Cela est arrivé souvent dans notre histoire que la branche חִלּוֹנִית ait abandonné Israël et s’est perdue. Elle est allée fonder le marxisme, l’existentialisme... et tout ce que vous voudrez, et la branche religieuse exclusive nous a quittés pour aller fonder le christianisme, l’islam...etc.

Mais c’est ce qui nous attend. On voit en microcosme dans la société israélienne comment sont nés ces courants antijuifs sortis du judaïsme, soit חִלּוֹנִים soit religieux. Il faut avoir le courage de voir la réalité en face. Cette histoire nous est racontée dans la תּוֹרָה. Très souvent on me pose en חוּצ לָאָרֶץ la question faussement naïve : vaut-il mieux être religieux à Aix-les Bains ou athée en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל ? Je réponds : ne peut-on être normal ? C’est une fausse question ! Pourquoi devrait-on choisir entre la peste ou du choléra ? Et pourtant il y a une grande différence. Il vaut mieux être dans la maison que dehors !

 

Je suis souvent invité à Hashomer hatsaïr. Et je ne peux pas manger (Ndlr : Pour cause de cacherout) mais je m’y sens chez moi ! Alors qu’invité dans la communauté orthodoxe à Anvers -  c’est le monde à l’envers ! - je peux manger, mais je ne m’y sens pas chez moi !

 

C’est là le drame Jacob-Israël. Effectivement, il faut bien le comprendre, il n’y a que Jacob qui peut être Israël ! Mais ce n’est que lorsque que Jacob est Israël qu’il est Israël ! Or, c’est Israël que l’on attend dans ces histoires et non pas Jacob ! Et pourtant c’est ce qu’on dit, mais il faut lire la תּוֹרָה comme c’est écrit : c’est אָבִינוּ יַעֲקֹב, mais c’est Israël. Alors, il y a une différence d’envergure, de stature, mais nous sommes dans la société israélienne dans ce problème : Jacob est en train de devenir Israël alors surgissent toutes les scories : un Jacob qui ne veut pas devenir Israël, un Esaü qui n’est qu’Esaü et qui se prend pour Jacob... alors ce qu’il faut c’est un Jacob qui devienne Israël.  

 

Q : Pourquoi les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל ne sont-ils pas partis tout de suite ?

R : Vous pouvez maintenant conclure par vous-mêmes : Tant qu’ils ont l’identité de Jacob en tant que Jacob ils sont pris…

Q : Le fait qu’on peut attendre d’être Jacob en exil avant que Dieu nous donne le signe ?

R : C’est cela, ce sont des alibis !

Je vous donne un exemple : j’ai été élevé dans la tradition séfarade pour laquelle quelqu’un qui se balance dans la synagogue pendant la prière on le fait passer par la fenêtre ! Il n’y a que les vieux pieux mystiques que l’on permet de se balancer noblement. Parce qu’avant il y avait une technique mystique des balancements dans la prière. C’est toute une science ! Mais lorsque l’on voit les jeunes se balançant dans la frénésie - les psychologues savent de quoi il s’agit – cela n’a rien à voir avec la mystique c’est de la névrose sexuelle. Il faut s’en méfier.

C’est toute une science. La frontière entre la sexualité et la mystique authentique est très ténue.

Je me rappelle mon professeur de français Monsieur Moniot qui disait une chose très jolie: Quand on écrit des vers à 17 ans c’est parce qu’on a 17 ans. Si on écrit des vers à 70 ans c’est qu’on est peut-être poète. C’est la même chose pour la mystique. Quand on est mystique à 17 ans c’est qu’on a 17 ans. Si on est mystique à 70 ans c’est qu’on est peut-être mystique. Il faut être sérieux.

Ce balancement est l’illusion de la marche mais c’est un surplace. C’est cela l’histoire : 2000 ans !

 

Un Midrash dit ceci dans la vision de Jacob de l’échelle des anges : Pourquoi des anges qui montent et descendent ? Une des explications : Ils voient les génies des grandes civilisations monter et descendre : l’apogée et le déclin. L’ange de Babel qui monte et qui tombe, l’ange de Paras qui montent et qui tombent…, et il voit l’ange d’Esaü qui monte et reste en haut et il prend peur. Il demande à Dieu pourquoi ne descend-il pas ? Et Dieu lui répond : « Toi, montes le faire descendre ! ». Alors il se prépare.

Je vais le dire en bonne part : la 3ème chance est toujours la chance critique. Il y a toujours un rythme de trois. Quand c’est la dernière chance, il ne faut pas échouer.

Israël a traversé les civilisations de l’antiquité qui ont disparu, et Israël est resté. Et voilà cet exil qui a duré 2000 ans ! Il a fallu 2000 ans pour avoir le courage d’affronter Rome ! Et ce n’est que cette semaine qu’on va signer pour en revenir à l’actualité.

 

Il y a une espèce de crainte de l’engagement qui risque parfois de se masquer derrière un alibi de la vocation : j’attends ! Et la vertu c’est d’attendre. Si je n’attends plus je n’ai plus de vertu. Je me suis habitué pendant 2000 ans à ce que la vertu c’est l’attente, lorsqu’arrive le temps de l’impatience on devient traitre à la vertu de l’attente...  Il vaut mieux se marier avec la cousine que d’être traite à la tante !

Imaginez l’inertie de 2000 ans et Israël dans l’attente projetée dans un avenir éternel. L’année prochaine à Jérusalem… Subitement l’événement attendu arrive et je continue d’attendre…  

C’est ce qui est arrivé en Egypte: l’occasion de terminer l’exil au moment où il fallait le terminer et on s’est installé ! C’est la fin de la Parashah וַיְחִי. Les Hébreux s’installent en Egypte.

Alors black-out de la révélation : la révélation se tait depuis le dernier verset de בְּרֵאשִׁית où les Hébreux s’installent en Egypte, jusqu’au verset qu’on va lire où ils sortent d’Egypte. Il ne se passe plus rien. Black-out! L’attente. Une éclipse ! Nous sommes la génération de la fin de cette période de 2000 ans où la vertu était l’attente.  

 

C’est le grand conflit que nous avons avec les Juifs de diaspora qui accusent les israéliens d’être traitres à la vertu de l’attente. Ils attendent.  

Il y a un conflit très grave. Pour un israélien les Juifs de diaspora sont dans une préhistoire de l’attente. Ils sont dans « l’être-père » qui a la promesse que « le fils » viendra. Alors que l’israélien est au niveau du fils déjà venu. C’est un verset du prophète Jérémie. « וְשָׁבוּ בָנִים, לִגְבוּלָם - et les fils reviendront à leur frontières »  Et les pères ?

Ce n’est pas une question d’état-civil. Chez les israéliens il y a aussi des pères, et chez les Juifs il y a aussi des fils. Il y a de pères et des fils partout. Mais il s’agit ici de l’indice de l’identité d’Israël.

 

L’indice père c’est la promesse. Et la vertu consiste en l’attente que la promesse s’accomplisse et de croire que la promesse s’accomplira. Mais le temps va vite de notre temps. On est en plein jour et il y en a toujours qui disent : bientôt l’aube, l’aurore ! Alors qu’on est en plein jour. Et je connais énormément de Juifs de diaspora qui sont sincèrement convaincus que nous sommes traitres à l’espérance juive : Cela viendra! Sans s’apercevoir qu’en Israël c’est déjà arrivé ! C’est un drame.

 

Jacob comme Jacob s’installe en Egypte, alors qu’Israël c’est Jacob remonté d’Egypte.

 

Pendant 2000 ans il y avait des Hébreux parmi les Juifs mais ils n’ont rien pu faire.

Au moment de Yéhoudah Halevi, un des plus grands de nos maîtres a dit : c’est le temps, on quitte la גָלוּת l’Espagne et on rentre à Jérusalem. Na’hmanide... Personne ne les a suivis.

De la même manière que le Rav Ashlag dans les années 20 qui fut rabbin à Varsovie a clamé que le temps était arrivé de décrocher et de rentrer. Tous les rabbins de Varsovie ont voulu l’excommunier. Il s’est enfui et les autres sont restés. Il a mis plusieurs mois pour arriver en Palestine à l’époque. Il a gagné sa vie comme מָשְׁגִיחַ d’une Yeshivah où il faisait répéter la Mishna aux enfants alors qu’il était un grand kabbaliste.

Il y en a eu beaucoup comme cela.

 

Jabotinski lui-même a annoncé la Shoah. Il a fait des randonnées en Amérique en particulier avec un Sefer תּוֹרָה sur le bras en demandant de sauver les Juifs du monde. Personne ne l’a écouté, on voulait le brûler aussi. C’est la même chose.   

C’est Judah Halevi, Na’hmanide, le Gaon de Vilna aussi quand il a dit : le temps est arrivé ! Les Juifs ne l’ont pas suivi. C’est cette inertie de type Jacob.

 

Q : Pourquoi ont-ils suivi Shabataï Tsvi ?...

R : C’était les faux-messies. C’est une question importante, j’ouvre une parenthèse. Chaque fois qu’un individu s’est pris pour le messie et a dit : « C’est moi, suivez-moi ! » cela a échoué. La première fois où c’est le peuple juif qui l’a dit : « on décroche ! », cela a réussi. Le seul messianisme vrai c’est le sionisme. Parce que c’est le peuple juif qui a dit que c’est le temps et non pas un mystique. Chaque fois cela a échoué.

C’est pourquoi la גְּמָרָא (Brakhot 12a sur un verset des prophètes) parle de הַמַשִיחַ  יֵּמוֹת – et le signe de הַמַשִיחַ  יֵּמוֹת c’est quand les Juifs reviennent du monde entier. Au bout de 2000 ans car Dieu était fâché contre nous. Subitement Il donne le feu vert et on revient de partout et le monde entier est contre nous : c’est le signe ! Qui a déclenchez cela ? Herzl ! Un analphabète de la תּוֹרָה ! Il ne savait pas  בא ! Et quand il s’est adressé aux Juifs pour leur annoncé que c’était le temps on lui a dit comme on avait dit à Moïse en Egypte : tu bégaies !

 

C’est cela la vocation de Jacob qui ne veut qu’être Jacob et qui s’installe en Egypte. Et on est pris au piège ! Si je parle tellement de choses aussi simples à comprendre c’est parce qu’il y a 2000 ans d’inertie pour arriver à comprendre.

Ce slogan « l’année prochaine à Jérusalem » a été prononcé sincèrement, avec une ferveur totale pendant 2000 ans. Subitement le temps arrive où l’on peut être à Jérusalem mais on continue de dire cette formule ! Alors de quoi s’agit-il ? Et la ferveur reste la même !

Invité à un séminaire à Montréal dans une communauté essentiellement constitué de Juifs marocains, ils ont chanté la הַתִּקְוָה et m’ont obligé de me mettre au garde à vous parce que c’est le chant national et ensuite « לָשָנַה הַבָּאַה בִּיְרוּשָׁלַיִם » avec une ferveur incroyable ! Je me suis demandé : « רִבוֹנוֹ שֶׁל עוֹלָם qu’est-ce qui se passe ? »

« L’année prochaine à Jérusalem » c’est sérieux ! Mais est-ce que cela signifie le tour de la planète : 1ère étape Casablanca-Montréal ?

La vocation Israël c’est לָשָנַה הַבָּאַה בִּיְרוּשָׁלַיִם mais c’est Jacob qui le dit à Montréal !

Et on ne peut pas dire qu’ils ne sont pas de bons Juifs : Tefillin, cacherout… C’est la vie juive authentique : Jacob installé dans le ghetto. Et pendant ce temps-là Israël est aux prises avec son histoire ! Et avec beaucoup de ferveur on dit « לָשָנַה הַבָּאַה בִּיְרוּשָׁלַיִם ».  C’est cela la question : Jacob s’est installé... Mais il s’agit d’Israël à Jérusalem !  

 

Rappelez-vous ce qu’enseigne Rashi sur le début de וַיְחִי 47.28:

וַיְחִי יַעֲקֹב בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם

Parashah fermés des plus fermées.

La Parashah est סְתוּמָה et Rashi explique que Jacob a voulu révélé אֶת הַקֵּץ la fin de l’exil, mais la prophétie l’a quitté. Parce que Jacob ne voit pas la fin de l’exil. C’est Israël qui voit la fin de l’exil.  

Et ceci dit c’est Jacob qui est Israël mais quand il est Israël. Effectivement les israéliens sont d’origine juive. Ce n’est pas une blague. Quand les Juifs oublient qu’ils sont d’origine juive ils deviennent Esaü. Mais nous sommes d’origine juive. Je peux vous le dire, je suis né dans une famille de rabbins, que je vis ce problème. Mes petits-enfants deviennent hébreux d’origine juive. Vous le voyez avec vos enfants et petits-enfants déjà.  

Comme cela nous est arrivé au bout de 2000 ans on est stupéfait, suffoqué ! Que nous arrive-t-il ? Il nous arrive cela : la sortie d’Egypte ! La partie d’Israël qui reste en Egypte c’est Jacob et la partie d’Israël qui remonte d’Egypte, c’est Jacob qui redevient Israël. Voilà le problème !

 

שְׁמוֹת 1 :1:  

וְאֵלֶּה, שְׁמוֹת בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, הַבָּאִים, מִצְרָיְמָה:  אֵת יַעֲקֹב, אִישׁ וּבֵיתוֹ בָּאוּ

Et voici les noms des enfants d’Israël venus en Egypte avec Jacob  

 

Voilà Pashout, vous avez compris déjà. Chacun est venu avec sa famille, avec sa maison.

Du seul fait qu’on les appelle les enfants d’Israël venus en Egypte avec Jacob, on sait qu’il y aura la sortie d’Egypte. Parce que ce sont des enfants d’Israël qui sont nés avec Jacob en Egypte…  

 

On énumère ensuite les noms:   

1:2

דָּן וְנַפְתָּלִי, גָּד וְאָשֵׁר   יִשָּׂשכָר זְבוּלֻן, וּבִנְיָמִן  רְאוּבֵן שִׁמְעוֹן, לֵוִי וִיהוּדָה

 

1:3

וַיְהִי, כָּל-נֶפֶשׁ יֹצְאֵי יֶרֶךְ-יַעֲקֹב--שִׁבְעִים נָפֶשׁ; וְיוֹסֵף, הָיָה בְמִצְרָיִם

Et ce fut le nom des personnes sorties de la hanche de Jacob, 70 personnes.  Et Joseph était en Egypte.

 

Les commentateurs expliquent de la manière suivante :

D’après le 1er verset, les enfants d’Israël venus en Egypte avec Jacob étaient en direction de l’Egypte מִצְרָימַה. Seul Joseph était capable d’être en Egypte וְיוֹסֵף, הָיָה בְמִצְרָיִם et de rester Israël.  

C’est comme cela que ça se passe dans l’histoire: quand la famille de Jacob va dans un exil, les enfants d’Israël tout de suite sont dans un ghetto quelque part. Mais il y a toujours un Joseph dans le palais du Pharaon. Il n’y a que Joseph qui est capable d’être dans le palais et de rester Israël. En France : les Juifs de la rue du pavée et les israélites du 16ème arrondissement,  un Juif à l’Elysée...

 

Vous voyez que l’histoire se répète toujours de la même manière. Le judaïsme français dont nous avons fait partie – et je ne méprise rien, je suis resté au service du judaïsme français depuis mon Alyah, rabbin français algérien – je ne crois pas que c’est une identité juif-français à laquelle il faut renoncer mais il faut qu’elle soit authentique - le judaïsme français est une communauté qui s’est perpétuellement assimilée, sans arrêt, et qui a chaque fois été ressuscité par l’apport d’immigrés venus d’ailleurs. Après la 2nde guerre mondiale, les rescapés des Juifs d’Europe centrale, les rescapés des Juifs d’Afrique du Nord d’Egypte et du Levant qui ont fait un judaïsme français... Mais il n’y a pas un judaïsme français, il y a des Juifs en France. Devenant israélites c’est le chemin vers la disparition. Il y a des résistants partout. J’ai connu des descendants de familles de juifs français qui étaient français d’avant le temps de Vercingétorix. C’est vraiment une communauté dont l’histoire est celle d’une assimilation perpétuelle. Actuellement il y a une revivance artificielle de la culture juive en France parque l’Etat d’Israël existe. C’est une communauté qui s’assimile.

 

Une page de גְּמָרָא fait allusion au jugement dernier et Dieu fait l’appel famille par famille.  

En début de Massekhet Avodah Zarah page 2 – un Midrash dit qu’à la fin des temps Dieu va convoquer toutes les nations au jugement dernier pour leur demander d’arriver famille par famille, et finalement elles arrivent toutes en désordre – le cosmopolitisme international. Et Dieu leur demande de s’affilier pour pouvoir les juger.  

Il n’y a que deux familles humaines qui arrivent à s’affilier : Rome et la Perse.

C’est dire du point de vue du décodage typologique  religieux c’est la chrétienté et l’islam.

 

[De cette page de גְּמָרָא que le Maharal va d’ailleurs utiliser, on apprend que l’Islam c’est la Perse. Il a fallu notre temps pour savoir que le fondamentalisme religieux musulman c’est bien l’Iran plus que l’Arabie.]  

Le Midrash nous dit que chaque nation doit s’affilier pour pouvoir être jugée, et puis Dieu leur dit la תּוֹרָה ! Alors chacun va plaider pour son histoire, mais Dieu répond qu’ils n’ont pas compris la תּוֹרָה : tout ce que vous dites que vous avez accomplis, c’est Moi qui l’ai fait pas vous ! Le commerce, les guerres, les civilisations, ...etc. Le monde que J’ai créé fonctionne parce que je le fais fonctionner…

 

Les Nations disent alors : on ne savait pas que la תּוֹרָה c’était si sérieux ! Donne-la-nous comme tu l’as donné à Israël et tu verras que cela ira... « Tu ne nous a pas obligé à avoir la תּוֹרָה » parce que  Dieu a obligé Israël au Sinaï…

Dieu : je vous donne une seule מִצְוָה: la סֻּכָּה, et on verra ce qui se passe. Fondez le club méditerrané et on verra ce qui se passe.... (C’est un juif qui leur a fait cela)

Ils font la סֻּכָּה et Dieu sort le soleil de sa gaine et ils sortent de la סֻּכָּה en claquant la porte.

Dieu : vous voyez bien que vous n’êtes pas capables de pratiquer une מִצְוָה de ce genre !

 

La גְּמָרָא demande: ce n’est pas juste que Dieu soit obligée de faire brûler le soleil de telle sorte qu’ils quittent la סֻּכָּה ?

Réponse extraordinaire: la Halakha autorise la sortie s’il fait trop chaud, si c’est insupportable, mais pas en claquant la porte !  

C’est cela la grande différence. Le juif est malheureux de ne pas pouvoir pratiquer la מִצְוָה! Tandis que les גּוֹיִם se frottent les mains !  

Le Midrash s’arrête là : les גּוֹיִם sont disqualifiés, incapables de pratiquer la סֻּכָּה. Et la סֻּכָּה c’est la fête où l’on prie pour les גּוֹיִם et les 70 nations.

 

J’ai ajouté une suite à ce Midrash :

Au moment où Dieu va juger l’humanité, les anges qui préparaient le jugement ont contesté que seul Israël ait accepté la תּוֹרָה. Dieu répond : et bien on va juger Israël d’après la תּוֹרָה !  

Et à ce moment-là toutes les nations en tant que témoins se lèvent et disent : nous avons fait tout ce que nous avons pu pour empêcher les Juifs de pratiquer la תּוֹרָה. Dieu dit alors à Israël : vous l’avez échappé belle !  

Dans le sens de ce Midrash, on ne peut pas juger les nations parce qu’elles n’ont pas accepté la תּוֹרָה, car on ne peut juger que d’après la loi.

Comment va-t-on juger les Nations ? D’après leurs Juifs !  

Quand les Juifs allemands arriveront au jugement dernier ils témoigneront pour l’Allemagne :

Dieu leur demandera : Ai-je bien fait de faire l’Allemagne ? On verra bien ce qu’ils vont répondre. Et nous nous avons le sort de la France entre leurs mains !

Dieu va nous demander : La France qu’est-ce que tu en penses ?   

- Je n’en pense pas moins !  

Alors à ce moment-là on fera l’appel. On entendra une voix qui dira:

-  Judaïsme français ?

La réponse ? Mort pour la France !  

 

C’est ce que je voulais dire : c’est un judaïsme qui s’assimile perpétuellement. Mais on a exactement le même schéma: Les enfants de Jacob c’est Israël, mais en ghetto, car ils ne peuvent pas supporter la vie dans le monde extérieur. Joseph seul en est capable. Mais il y avait un seul Joseph qui était צַדִּיק Pour les autres on voit ce qui est arrivé avec le christianisme qui est une messianité issue d’un fils de Joseph. Cela va dans le même sens.  

On a quand même appris un verset. On se revoit la semaine prochaine.

 

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