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MESSIANISME
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CHEMOT + VAERA - 1985

Le cours

 

(1985)  וָאֵרָא -שְׁמוֹת

 

 

Je veux décrire le cheminement, le diagnostic d’identité du Moïse tel qu’il est à la fois d’origine hébraïque centrale - Lévi - et d’autre part le fils adoptif de l’université du temps, de l’universel du temps si vous voulez..

Il rencontre finalement Tsiporah, il l’épouse et en fin de compte, au fameux verset 21, il s’installe chez Jéthro. Si nous ne connaissions pas la suite, le verset pourrait s’arrêter là. Et ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants…  Et on nous aurait raconté l’histoire d’un Israël midianite, avec comme fondateur de religion un Moïse. Il ne s’agirait plus d’Israël.

 

Dans le verset 21, il y a une indication extrêmement importante :  

2 :21

וַיּוֹאֶל מֹשֶׁה, לָשֶׁבֶת אֶת-הָאִישׁ; וַיִּתֵּן אֶת-צִפֹּרָה בִתּוֹ, לְמֹשֶׁה

Et Moïse accepta de résider chez l’homme (Jéthro) Et il donna Tsiporah sa fille à Moïse

 

Rashi sur וַיּוֹאֶל מֹשֶׁה:

וַיּוֹאֶל

כְּתַרְגוּמוֹ (ס"א כְּמַשְׁמָעוֹ) וְדוֹמֶה לוֹ הוֹאֶל נָא וְלִין. וְלוֹ הוֹאַלְנוּ. הוֹאַלְתִּי לְדַבֵּר. וּמִדְרָשׁוֹ לָשׁוֹן אָלָה נִשְׁבַּע לוֹ שֶׁלֹּא יָזוּז מִמִּדְיָן כִּי אִם בִּרְשׁוּתוֹ

Mochè consentit (וַיּוֹאֶל) : C’est ainsi que le rend le Targum Onkelos, comme dans : « consens, de grâce (הוֹאֶל נָא) à passer la nuit » (Choftim 19, 6) ; « Ah, si nous avions consenti à (. וְלוֹ הוֹאַלְנוּ)… » (Yehochou‘a 7, 7) ; « j’ai osé (הוֹאַלְתִּי) parler » (Beréchith 18, 27). Quant au midrash, il rend le mot dans le sens de : « serment » (אָלָה) : il lui a juré de ne pas quitter Midian sans son autorisation (voir infra 4, 18 ; Midrach tan‘houma 12 ; Nedarim 65a).

 

Le 1er sens du Pshat nous dit Rashi qui cite des exemples de versets que nous sauterons, c’est accepter, bien vouloir. Lehoîl. D’après le Midrash c’est « לָשׁוֹן אָלָה » un serment. Il lui a juré qu’il ne sortirait pas de Midian sans sa permission. C’est le contrat de l’exil. Nous retrouvons ce thème familier : à partir du moment  où l’on signe le contrat de travail de l’exil, on ne peut pas sortir sans une autorisation des גּוֹיִם. On verra par la suite en Egypte qu’il faudra que le Pharaon y consente. L’objectif central et important des 10 plaies d’Egypte ce n’est pas seulement de punir l’Egypte pour qu’Israël puisse sortir sinon il aura suffit de la dernière la plus terrible et cela aurait suffit, mais pour convaincre le Pharaon de donner le feu vert de la sortie d’Egypte. Il y a un contrat « signé », et on ne peut y mettre fin qu’avec l’autorisation du patron גּוֹי.  

 

Nous vivons une expérience similaire : la fin d’exil et la création de l’Etat d’Israël qui n’ont pu être amorcés que par la déclaration Balfour. Il a fallu une S.D.N. qui se réunisse pour donner le feu vert...  

 

C’est important. Cela veut dire ici que Moïse va recommencer l’histoire de Jacob et c’est cette espèce de tentation d’annuler sa propre histoire, sa propre antériorité. La tentation de faire tout commencer à partir de soi.  

[Cf. le livre d’E. Amado Levi sur le livre de Freud sur Moïse : c’est le problème de Freud qui nie toute son antériorité. Pour cela, il faut qu’il change sa préhistoire : Moïse était égyptien...

C’est une tentation que l’on retrouve dans l’intelligentsia contemporaine : ne pas prendre la fidélité au passé parce que c’est avec moi que cela commence. Cette espèce de scotomisation du passé. Une sorte d’ingratitude envers l’histoire. Freud veut être égyptien donc il projette sa propre histoire sur Moïse. J’ai été étonné qu’elle félicite Freud pour sa bonne foi et son honnêteté intellectuelle après avoir démontré cette machination… Je lui demanderais des explications à ce sujet…]

 

Il y a donc un contrat d’exil, Moïse jure de ne pas quitter Midian sans l’autorisation de Jéthro.

Cela veut dire qu’il lie son sort à l’histoire de Midian. Il a trouvé son ersatz d’Israël. Il y a un autre Midrash que Rashi n’a pas cité : il lui a juré qu’il consacrerait un de ses enfants à l’idolâtrie de Midian, l’Avoda Zara.  

Ce Midrash m’a toujours intrigué jusqu’à ce que j’ai étudié un passage de la Guemara de Ketouvot avec l’un de mes maîtres : « celui qui vit dans l’exil, c’est comme si il était idolâtre ». La comparaison est très simple : cela veut dire que Moïse a juré la vocation d’exil à Jéthro, à travers un de ses enfants.  

 

Jusque-là la scène est très claire : Moïse, déçu de l’Egypte, déçu d’Israël en Egypte, adopte Midian, se fait adopter par Midian, veux faire souche et être le Moïse de Midian.

 

S’il n’y avait pas la suite. Cela s’arrêterait là et ce Moïse-là n’aurait pas été mentionné.  

Mais au verset 22 un événement important apparait qui va déclencher la vision du buisson ardent où Dieu va intervenir et interpeler Moïse en confirmant d’abord que son initiative de sauver Israël d’Egypte est bonne et qu’Israël n’est pas Midian mais c’est bien l’Israël de l’Egypte. Ce qui va donner le fond de diagnostic à Moïse.   

Comment Moïse a été mené à être disponible à cette révélation où Dieu intervient pour éclairer tout ce drame ? Par ce qui se passe au verset 22.  

Finalement, Jéthro donne Tsiporah à Moïse comme femme, elle enfanta un fils...  

 

2:22

וַתֵּלֶד בֵּן, וַיִּקְרָא אֶת-שְׁמוֹ גֵּרְשֹׁם:  כִּי אָמַר--גֵּר הָיִיתִי, בְּאֶרֶץ נָכְרִיָּה

Elle enfanta un fils, Il appela son nom Guerchom Car il a dit : J’ai été étranger dans un pays étranger.  

Cela veut dire que finalement Moïse diagnostique qu’il ne sera jamais chez les גּוֹיִם qu’un métèque même s’il est leur Moïse. Alors c’est là qu’il devient disponible pour la révélation du buisson ardent.  

C’est au moment où Moïse fait son diagnostic d’identité nationale qu’il rectifie son cheminement par rapport aux valeurs.  

Lorsqu’il se rend compte que dans tous les cas il est étranger en Midian comme il l’était en Egypte, alors il est prêt à écouter la voix de son père. C’est pourquoi même lors de la 1ère fois que Dieu se révèle à lui pour lui dire « mon peuple qui est en Egypte, ne me parle d’un autre... » « רָאִיתִי אֶת-עֳנִי עַמִּי אֲשֶׁר בְּמִצְרָיִם » et que tu t’es trompé de diagnostic... alors que Moïse est disponible pour cette révélation, le Midrash dit que Dieu l’a appelé en prenant la voix de son père pour que les choses soient bien claires. Enfin, Moïse entend  la voix de son père en hébreu. Quand ? Après qu’il ait nommé son fils Guershom : Je suis hébreu et non pas Goï...  

 

C’est une pérégrination d’identité qui me semble très éclairante quant à l’identité contemporaine de l’intelligentsia juive désorientée. Cela les rassurerait beaucoup de savoir que Moïse est passé par là. Mais peut-être ne veulent-ils pas l’entendre parce que connaissant la suite…

 

C’est la tentation de Moïse à Midian. Jusque-là, il n’y a eu aucune révélation à Moïse.  

Nous avons vu la dernière fois l’enseignement sur la vocation de Moïse et cela a mis en évidence la difficulté à laquelle on assiste pour la mise en train des événements qui mèneront à la sortie d’Egypte. Ce thème a différentes dimensions.

Je rappelle brièvement la raison essentielle pour laquelle ces événements qui doivent être les événements où s’accompliront les promesses de la fin de l’exil – cf. les derniers chapitres de בְּרֵאשִׁית où l’éventualité de l’exil déjà avait été annoncée  aux אֲבוֹת.  

 

Une des raisons principales c’est que l’annonce de l’exil qui va être celui des enfants de Jacob descendant rejoindre Joseph en Egypte devait durer 400 ans. Et l’accélération des événements a fait qu’il a fallu anticiper la date de la fin de cet exil, pour deux raisons corollaires :

- la gravité de la persécution s’accentue.

- le risque d’assimilation à l’identité égyptienne s’accentue.  

 

Nous avons déjà étudié le lien entre ces deux raisons.

 

Chaque fois que nous voyons qu’un événement annoncé par la prophétie doit se réaliser par anticipation, avant son temps prévu ou son temps normal, il joue toujours deux raisons majeures,  l’une interne et l’autre externe. L’une concerne l’identité d’Israël à ce moment-là et l’autre concerne la relation d’Israël avec le monde extérieur. C’est le cas pour le déclenchement des événements de la sortie d’Egypte.  

 

Alors nous allons admettre par postulat que tant les Hébreux que les Égyptiens, au moment où ces événement de la sortie d’Egypte vont se déclencher, sont déjà au courant de cette tradition qui vient du temps des אֲבוֹת qu’il y a 400 ans prévus pour ce que je vous ai appelé le contrat de travail en ce temps-là entre Israël en gestation et la civilisation du temps.  

Et lorsque Moïse, par son diagnostic personnel des événements, décide de déclencher par lui-même, et à priori de toute révélation qui le lui indiquerait, ces événements [parce que son diagnostic lui a permis de comprendre par lui-même que les deux raisons évoquées précédemment jouent – le risque de dénaturation d’identité par l’assimilation et le risque de disparition de l’identité par la persécution] Moïse va se heurter à un double obstacle : d’une part de la part des Hébreux eux-mêmes – nous aurons souvent à refaire l’analyse des obstacles que le peuple d’Israël lui-même met à la fin de son propre exil.

 

L’analogie avec la période contemporaine : le temps est arrivé et tout se passe comme s’il y avait une résistance à se réaliser soi-même et une tendance à différer les promesses – et d’autre part une résistance de l’Egypte elle-même. Tous les deux sont au courant d’une tradition d’un terme annoncé à l’exil. Ce à quoi finalement - c’est probablement ainsi que travaille la loi de l’inertie – l’Egypte s’était habituée : avoir des Hébreux en son sein ; et les Hébreux s’étaient habitués à vivre en Egypte à son service.  

 

Il y a donc un obstacle qui apparait. C’est dans ce contexte que nous est enseignée la prise de conscience par Moïse de sa propre vocation. D’une part décrocher de l’identité égyptienne, et d’autre part de tenter de rejoindre l’identité hébraïque. Il en est déçu et il s’enfuit pour s’installer à Midian. 

 

A la fin de cet épisode de Midian se produit le dernier moment de la ré-identification de Moïse par lui-même. Il se connait comme n’étant pas rattaché à l’Egypte mais n’étant pas non plus rattaché à quelques ersatz d’Israël, l’exemple en étant ici Midian, il se ré-identifie comme hébreu. 

 

Midrash :

Au moment de la vision du buisson ardent, Dieu s’adresse à Moïse, et c’est la 1ère fois que Moise a une révélation. « מֹשֶׁה מֹשֶׁה» : le Midrash dit que Dieu l’appelle en prenant la voix de son propre père אַבְרָם.  

A partir du moment où Moïse s’est identifié, Dieu confirme à Moïse que le diagnostic que Moïse avait fait était le bon et le confirme dans sa mission.  

 

Chapitre 3 verset 6:

וַיֹּאמֶר, אָנֹכִי אֱלֹהֵי אָבִיךָ, אֱלֹהֵי אַבְרָהָם אֱלֹהֵי יִצְחָק, וֵאלֹהֵי יַעֲקֹב; וַיַּסְתֵּר מֹשֶׁה, פָּנָיו, כִּי יָרֵא, מֵהַבִּיט אֶל-הָאֱלֹהִים

Il dit : Je suis le Dieu de ton père Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob Moïse se couvrit le visage, craignant de regarder le Seigneur.

 

Pourquoi la formulation au pluriel אֱלֹהֵי  et non אֱל qui aurait suffit ?

C’est un thème que je vous signale en passant. 

 

On voit l’identification : « le Dieu de ton père ».

Si d’abord on s’identifie par rapport à sa filiation propre personnelle, alors la filiation par le Qlal Israël est possible. D’abord אֱלֹהֵי אָבִיךָ et ensuite אֱלֹהֵי אַבְרָהָם אֱלֹהֵי יִצְחָק, וֵאלֹהֵי יַעֲקֹב

 

Pourquoi est-ce important ici ? Parce que précisément ce qui est en question pour Moïse c’est la décision de savoir comment il s’affilierait à l’identité hébraïque de l’Egypte ou à son identité d’adoption qui est égyptienne. Il y a donc un effort d’épuration d’identité. Et c’est au moment où cet effort a été suffisamment fait qu’il y a révélation d’évidence et que l’événement peut commencer.   

On ne prend pas garde au fait que l’initiative de la sortie d’Egypte a premièrement été prise par Moïse lui-même a priori de toute révélation.

 

C’est un thème important : le fait que l’initiative de la fin d’un exil vient d’abord de l’homme lui-même. Nous avons rencontré ce thème la première fois avec Abraham. Le modèle est celui de la sortie d’Abraham d’Our-Kasdim. Nous revivons le même problème.

Il y a toute une perplexité autour du temps contemporain exactement de la manière dont cela s’est passé en Egypte. A la sortie d’Egypte, le temps est arrivé mais il y a une perplexité sous prétexte que cela ne vient pas « d’En-haut » ! Mais c’est d’abord l’étape de l’initiative prise par le peuple lui-même. Et ensuite seulement la révélation vient. Et la révélation vient simultanément au niveau des événements et au niveau de la prophétie.

 

Au niveau des événements celui qui voit, voit. Nous ne sommes plus à Paris mais à Jérusalem !

Au niveau de la capacité prophétique, c’est premièrement le fait que nous puissions lire ces textes avec leur sens contemporain.   

 

***

 

Toute la révélation depuis le verset 4 est au nom de Hashem.

 

Chapitre 3 Verset 7

וַיֹּאמֶר יְהוָה, רָאֹה רָאִיתִי אֶת-עֳנִי עַמִּי אֲשֶׁר בְּמִצְרָיִם; וְאֶת-צַעֲקָתָם שָׁמַעְתִּי מִפְּנֵי נֹגְשָׂיו, כִּי יָדַעְתִּי אֶת-מַכְאֹבָיו  

On est au tout début de la révélation du buisson ardent.

 

וַיֹּאמֶר יְהוָה, רָאֹה רָאִיתִי אֶת-עֳנִי עַמִּי אֲשֶׁר בְּמִצְרָיִם

Et יְהוָה (י-ה-ו-ה) dit :

Voir j’ai vu la misère de mon peuple qui se trouve en Egypte  

C’est un des versets à travers lesquels Dieu explique à Moïse sa propre erreur de diagnostic lors de sa déception de la société hébraïque.

Rashi résume quelques uns des nombreux commentaires.

 

אֲשֶׁר בְּמִצְרָיִם: L’expression est superflue, c’est une information que nous connaissons déjà.

C’est qu’il s’agit d’un enseignement à Moïse : « mon peuple est celui qui est en Egypte et pas celui qui comme tu l’as cru est Midian... ».

Au-delà de cette 1ère information dans le sens important qu’elle a, la misère du peuple vient du fait qu’il est en Egypte. Entendez-le en hébreu de nouveau :  

אֶת-עֳנִי עַמִּי אֲשֶׁר בְּמִצְרָיִם

La misère De mon peuple En ce qu’il est en Egypte.

 

Avec les Taamim :

אֶת-עֳנִי עַמִּי avec le signe disjonctif  אֲשֶׁר בְּמִצְרָיִם qui différencie deux unités de lectures : la misère de mon peuple / en ce qu’il est en Egypte.  

C’est sur cette expression qu’il faut se baser pour comprendre l’explication que Dieu donne à Moïse de l’état de dégradation dans lequel Moïse a trouvé sa propre société hébraïque : c’est en ce qu’elle était en Egypte. Vous verrez Rashi par vous-même, en particulier sur la fin de ce verset 7.

 

Ce que je voulais noter comme élément d’étude pour notre sujet de ce soir, c’est :

וַיֹּאמֶר יְהוָה (י-ה-ו-ה) :

Lorsque Dieu va se révéler à Moïse pour le confirmer dans sa vocation et lui donner sa mission de retourner en Egypte pour délivrer Israël, alors le terme employé pour dire la médiation de révélation à ce moment-là c’est celui de Hashem. C’est dire que Dieu s’adresse à Moïse dans la modalité de révélation que nous avons l’habitude d’appeler la הָחֲכָמִים מִּדָת

 

Je vous rappelle la règle : lorsque le texte emploie le mot de  יְהוָה , cela veut dire que Dieu se révèle à travers la הָחֲכָמִים מִּדָת à travers la médiation de miséricorde. Le mot français a la valeur qu’il a mais correspond assez à ce que veut dire הָחֲכָמִים מִּדָת.

Cela veut dire que le mérite n’entre pas en ligne de compte. Il y a là l’accomplissement miséricordieux d’une promesse qui se fait, mérite ou pas. Il n’y a pas à craindre une mise en jugement pour savoir s’il y a suffisamment de mérite d’identité pour obtenir ce qui a été promis.  

Sinon le texte aurait dit  אֱלֹהִים וַיֹּאמֶר et il faudrait s’attendre à ce que cela se passe à travers un jugement parce que le terme אֱלֹהִים est la révélation de Dieu à travers la הָדִין מִּדָת, qui demande des comptes : « es-tu celui à qui J’ai parlé lorsque J’ai dit, J’ai promis que... »

C’est une mise à l’épreuve de jugement qui est au-delà du niveau des comportements des actes ponctuels particuliers quotidiens. C’est un jugement qui récapitule les comportements au niveau d’une évaluation de l’identité. La promesse a été faite à un certain Israël : Si tu es cet Israël authentiquement, par rapport à une certaine norme d’évaluation, à qui J’ai parlé lors de la promesse, elle se réalise pour toi. Si tu ne l’es pas encore alors il faut que des événements te mettent à l’épreuve de telle sorte que cela te soit acquis...  

 

Ici, c’est important à savoir, c’est la הָחֲכָמִים מִּדָת qui a révélé cela à Moïse.

 

J’ouvre une parenthèse avec l’exemple de la יִצְחָק עֲקֵדָת comme modèle.

Admettons qu’il faille que ce soit à travers le jugement du mérite.

Rappelez-moi d’expliquer pourquoi  il y a deux interventions possibles dans l’accomplissement des promesses : soit à travers la הָחֲכָמִים מִּדָת soit a travers la הָדִין מִּדָת.

J’explique de suite par peur d’oublier :

C’est un grand enseignement de la Guemara repris dans le Midrash :

La délivrance a lieu soit à Nissan (Pessah) soit à Tishri ?

-  A Nissan, c’est par la הָחֲכָמִים מִּדָת, c’est-à-dire sans la clause de mise en évidence par le jugement et les épreuves corollaires pour savoir s’il y a mérite ou pas.

-   A Tishri, cela se fait à travers l’épreuve du mérite – הָדִין מִּדָת.

 

Il y a une discussion dans la Guemara qui double d’ailleurs une discussion beaucoup plus profonde encore : la création du monde a-t-elle eu lieu en Tishri ou en Nissan ?

Comment peut-on poser une question pareille puisque la תּוֹרָה dit que c’est en Tishri ?

D’ou le savons-nous ?

 

Q : C’est le projet de la création ?

R : Non, la création du monde est en Tishri, et vous avez raison pour le projet qui est en Nissan.

 

Q : Parce qu’au 1er chapitre, c’est אֱלֹהִים alors qu’au 2ème chapitre, c’est יְהוָה אֱלֹהִים. La différence entre le monde tel qu’il a été fait et tel qu’il aurait du être créé?

 

R : le verset dit בְּרֵאשִׁית, בָּרָא אֱלֹהִים... alors il a bien été créé !

Ensuite au début du chapitre 2 verset 4 :

אֵלֶּה תוֹלְדוֹת הַשָּׁמַיִם וְהָאָרֶץ, בְּהִבָּרְאָם:  בְּיוֹם, עֲשׂוֹת יְהוָה אֱלֹהִים--אֶרֶץ וְשָׁמָיִם

 

Le Midrash demande pourquoi, au verset 4, il y a יְהוָה אֱלֹהִים alors qu’au 1er verset du 1er chapitre il y avait אֱלֹהִים et le Midrash nous dit ce que tu as cité en partie mais cela ne répond pas à notre question.

 

Un grand principe du Talmud : Ein mikra yotze midei peshuto (Shabbat 63a; Yev. 11b, 24a)

« Jamais le texte ne sort de son Pshat »

On n’a pas dit cela pour le Pshat puisque c’est évident que le Pshat ne sort pas du Pshat, on l’a dit pour tous les Midrashim. Dans tous les Midrashim que nous avons appris, jamais le verset n’est sorti de son sens Pshat, cela veut dire que le Midrash vient pour nous expliquer le Pshat.  

Le Midrash que tu cites traite d’un autre problème : pourquoi le verset ajoute יְהוָה   avant אֱלֹהִים? Alors le Midrash explique : D’abord Il avait voulu créé par la הָדִין מִּדָת...

 

Ma question : la discussion de la Guemara sur la création du monde en Tishri ou en Nissan. Mais la תּוֹרָה elle-même dit que la création a eu lieu en Tishri ! D’ou savons nous que la création  a eu lieu en Tishri ?

 

Q : Il y a une Témourah sur בְּרֵאשִׁית ?

R : Nakhon, mais c’est une Temourah de Rabenou Be’hayé bar Asher Hanassi HaSefardi grand disciple de Na’hmanide.

Il enseigne בְּרֵאשִׁית = Alef béTishri , le 1er de Tishri.

Mais c’est une allusion, un Rémez. Ce n’est pas la réponse.

Cherchez la réponse pour la prochaine fois.

 

Retour au sujet :

La question au sujet de la גֵאֻלָה c’est de savoir si elle se passe à Tishri ou à Pessah ?

Finalement la tradition du Talmud a enseigné : de même que nos ancêtres ont été délivrés à Pessah, la גֵאֻלָה aura lieu à Pessah. L’importance c’est que lorsque la גֵאֻלָה a lieu à Pessah c’est par grâce - חֲכָמִים. On ne fait pas passer en jugement. Si elle passe par Tishri c’est qu’on fait passer en jugement.  

Si vous étudiez le calendrier des événements contemporains de la גֵאֻלָה, vous verrez tous les événements que nous commémorons dans l’époque de Pessah sont des événements faciles, alors que tous les événements commémorés dans l’époque de Tishri sont des événements difficiles.   

 

Chapitre 3 Verset 7 :

וַיֹּאמֶר יְהוָה, רָאֹה רָאִיתִי אֶת-עֳנִי עַמִּי אֲשֶׁר בְּמִצְרָיִם; וְאֶת-צַעֲקָתָם שָׁמַעְתִּי מִפְּנֵי נֹגְשָׂיו, כִּי יָדַעְתִּי אֶת-מַכְאֹבָיו

Et Hashem dit  Voir j’ai vu la misère de mon peuple qui se trouve en Egypte J’ai accueilli sa plainte contre ses oppresseurs, car je connais ses souffrances.  

Dans cette révélation qui a pour titre יְהוָה  du verset 7 au verset10 : Dieu commence par dire que le temps est venu de l’accomplissement de la promesse :

« וַיֹּאמֶר יְהוָה» : le temps de l’accomplissement de la promesse est accompli.  

Cela veut dire que Dieu légitimisme ce diagnostic qu’effectivement, bien qu’il s’agissait de 400 ans à priori, il faut accélérer les événements de la fin ; et donc précipiter le terme des temps prévus par la loi du temps. Et donc, puisque le moment est arrivé, cela doit se réaliser. Il n’est pas besoin de faire appel à une clause supplémentaire d’un mérite pour déclencher les événements.  

 

C’est là qu’au verset 10 il dit :

וְעַתָּה לְכָה, וְאֶשְׁלָחֲךָ אֶל-פַּרְעֹה; וְהוֹצֵא אֶת-עַמִּי בְנֵי-יִשְׂרָאֵל, מִמִּצְרָיִם

Et maintenant Va et je t’enverrai vers Pharaon Sors mon peuple des enfants d’Israël hors d’Egypte…

 

Voilà le dernier verset de ces premières révélations. Je reviens sur l’expression :

Et maintenant Va et je t’enverrai vers Pharaon

C’est le principe d’une mission. On s’attendrait normalement à l’inverse : « Je t’envoie, va... »

Mais il y a là : לְכָה, וְאֶשְׁלָחֲךָ « Va, je t’enverrai... ».

C’est dire : Si tu t’en vas par toi–même Je t’enverrais…  

Nous trouvons une expression inverse à la fin de l’exil de Jacob lorsqu’il va prendre congé de Laban il dit : « שַׁלְּחֵנִי וְאֵלְכָה» laisse-moi partir.

 

Le 1er sens qu’exploite le Midrash renvoie à un thème important que nous aurons à reprendre au temps de la sortie d’Egypte : lorsque nous étudierons les plaies d’Egypte nous verrons qu’un des objectifs principaux des plaies de ce temps-là en Egypte était d’obtenir l’acquiescement de Pharaon. Les Hébreux auraient pu partir dans un temps de catastrophe qui aurait frappé les Egyptiens de stupeur et ils seraient sortis sans cette permission du Pharaon : pourquoi attendre la permission du Pharaon pour sortir d’Egypte ?

S’il y a contrat de travail entre Israël et les Nations – le visage des Nations de ce temps-là c’est l’Egypte souveraine – alors s’il est nécessaire de rompre ce contrat de travail parce que les clauses n’en sont pas respectées, alors il faut quand même qu’il y ait acquiescement de la part des deux parties contractantes...  

 

A rattacher au principe très important que nous voyons souvent :

Tous ces thèmes sont difficiles à entendre tant qu’on se situe en dehors du monothéisme intégral.

Il faut de nouveau s’intégrer au centre du monothéisme intégral absolu pour comprendre cela que cette histoire est l’histoire de l’universel humain qui est la création du Dieu unique.

Il y a d’un côté Israël et de l’autre côté l’Egypte.

Israël ne peut décrocher de ce contrat de travail que s’il y a l’accord à travers Dieu dans sa promesse pour Israël qui doit s’accomplir et à travail Dieu pour l’Egypte. Il faut prendre congé.  

Les Midrashim lisent dans l’expression de Jacob à Laban : שַׁלְּחֵנִי: donne-moi la permission de partir sinon je ne peux pas partir.  

Après cette lecture nous avons ce diagnostic que nous sommes obligés de faire à chaque sortie d’exil : A chaque fin d’exil, il faut qu’on nous renvoie pour que nous partions : « שַׁלְּחֵנִי וְאֵלְכָה , renvoies-moi, alors je partirai... »  

Pour la 1ère lecture il est clair qu’il a fallu le feu vert du Pharaon pour qu’elle se passe.

Et jusque-là Dieu demande à Moïse de patienter. Nous le verrons tout à l’heure.

Moïse ne comprend pas pourquoi c’est si difficile alors que c’est la הָחֲכָמִים מִּדָת qui lui a dit : « Sors Mes enfants d’Israël d’Egypte... »  

En cours d’histoire de ces difficultés, dont les premières péripéties nous sont racontées dans la 1ère Parashah en fin de שְׁמוֹת, Moïse va poser la question : Pourquoi est-ce si difficile ?

 

C’était très difficile à Laban de donner congé à Jacob : il emmène les 4 filles et les troupeaux...

Le pays de Laban est vidé par Jacob. Chaque fois qu’Israël a quitté une nation, elle a fini par disparaître. De notre temps, Jacob retourne chez lui, on voit ce qui se passe au Liban.  

Pour la sortie d’Egypte, il a fallu avoir le feu vert de Pharaon

Pour l’exil de Babel, il a fallu avoir le feu vert de la puissance politique du temps qui était Cyrus.

De notre temps, c’est très clair, cela s’est déclenché après la déclaration Balfour.

 

Chaque fois cette clause a joué :   

Chapitre 3,  verset 10

וְעַתָּה לְכָה, וְאֶשְׁלָחֲךָ אֶל-פַּרְעֹה; וְהוֹצֵא אֶת-עַמִּי בְנֵי-יִשְׂרָאֵל, מִמִּצְרָיִם

Et maintenant Va et je t’enverrai vers Pharaon Sors mon peuple des enfants d’Israël hors d’Egypte  

Dieu n’impose pas cette mission à Moïse il ne lui propose que si Moïse est prêt à y aller.

Surprise, au verset 11 alors que c’est יְהוָה qui s’adresse à Moïse, le terme change pour הָאֱלֹהִים.   

 

Chapitre 3, verset 11

וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה, אֶל-הָאֱלֹהִים, מִי אָנֹכִי, כִּי אֵלֵךְ אֶל-פַּרְעֹה; וְכִי אוֹצִיא אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, מִמִּצְרָיִם

Et Moïse dit à Elohim (הָאֱלֹהִים = הָדִין מִּדָת) "Qui suis-je, pour aborder Pharaon et pour faire sortir les enfants d'Israël de l'Égypte?"

 

Midrash :

Il y a chez Moïse encore ce souci, cette inquiétude, que cela risque de se passer au niveau de la הָדִין מִּדָת. Il entend lui parler de la הָחֲכָמִים מִּדָת mais il répond en s’adressant à la הָדִין מִּדָת.

  

C’est une perplexité de Moïse qui ne comprend pas une promesse...


La rencontre de Moïse et Aaron : Chapitre 4 à partir du verset 13.

Dans tout ce dialogue où Moïse résiste à sa vocation, il essaie que cette mission ne passe pas par lui. 

Midrashim : Moïse a été jusqu’au bout, atteint par ce scrupule qu’il n’arriverait pas à mériter que par lui la sortie d’Egypte puisse se faire vraiment.

C’est l’ambiguïté d’identité qu’il avait qui lui laisse ce scrupule : « Cela ne marche pas bien parce que c’est par moi que cela passe ». Alors que Aaron qui est son frère aîné et était hébreux à la tête de la communauté des hébreux dans le ghetto. On retrouve cette dialectique de perplexité dans le Midrash très systématiquement. Elle se trouve dans ce verset 13. 

 

4:13

וַיֹּאמֶר, בִּי אֲדֹנָי; שְׁלַח-נָא, בְּיַד-תִּשְׁלָח

Et Moïse pria Adonaï : envoies je t’en prie par qui tu enverras.

 

Midrash : De qui parle-t-il ? Il pense à Aaron son frère.

[Pour notre temps contemporain : La fin de cet exil s’est faite par un profil d’identité juive qui n’était pas évidemment celui de la tradition. Alors imaginons un sioniste du temps de Herzl pris de scrupule et se disant si ce ne serait pas mieux avec un juif de tous les jours...]

Moïse pense que c’est difficile parce que cela passe par lui. Alors il doute que ce soit par lui.

 

Le Midrash l’apprend qu’il pense à Aaron par le fin du verset :  

4 :14

וַיִּחַר-אַף יְהוָה בְּמֹשֶׁה, וַיֹּאמֶר הֲלֹא אַהֲרֹן אָחִיךָ הַלֵּוִי--יָדַעְתִּי, כִּי-דַבֵּר יְדַבֵּר הוּא; וְגַם הִנֵּה-הוּא יֹצֵא לִקְרָאתֶךָ, וְרָאֲךָ וְשָׂמַח בְּלִבּוֹ

 

וַיִּחַר-אַף יְהוָה בְּמֹשֶׁה

Et la colère de Hashem s’enflamma contre Moïse…  

C’est toujours ce dialogue que nous retrouvons souvent quand Dieu dit à l’homme : « C’est toi ! »

Et l’homme répond à Dieu : « tu es sûr que c’est moi ? »

Nous trouvons cette perplexité d’abord chez Abraham.  

 

וַיִּחַר-אַף יְהוָה בְּמֹשֶׁה

Et la colère de Hashem s’enflamma contre Moïse…  

וַיֹּאמֶר הֲלֹא אַהֲרֹן אָחִיךָ הַלֵּוִי--יָדַעְתִּי, כִּי-דַבֵּר יְדַבֵּר הוּא;

Et Il dit N’est-ce pas que ton frère Aaron le Lévi Je sais que lui peut parler

 

Parce qu’un des arguments de Moïse c’est qu’il ne sait pas parler…

C’est un autre thème d’étude : Moïse, le porte-parole par excellence, ne peut pas parler !

On peut le diagnostiquer rapidement déjà : Moïse sait très bien parler en égyptien (il était à l’université du Caire). On peut imaginer un juif à l’identité ambivalente. Très à l’aise pour écrire un livre magnifique en français sur la condition juive mais devant l’expliquer à un juif du ghetto en yiddish il se met à bégayer. Comment parler aux Hébreux du dedans de la culture égyptienne ? Cela ne veut pas dire que Moïse, enfant adoptif de l’Egypte, ne connaissait pas l’hébreu. Il le connaissait  puisque c’est sa vraie mère qui l’a allaité. Sa modestie consiste à dire : peut-être ne serais-je pas à la hauteur de ma mission puisque je ne saurais pas leur parler.

Imaginez Moïse de notre temps, pour ce même événement mais de notre temps, venant de la cour du prince et allant dans le ghetto subitement et puis se mettant à leur parler en termes de culture générale, de problèmes de traditions familiales ancestrales ? Il avoue son incapacité.

Aaron, lui, le sait...

 

Alors Dieu lui répond : Aaron je sais qu’il sait parler…  

וְגַם הִנֵּה-הוּא יֹצֵא לִקְרָאתֶךָ, וְרָאֲךָ וְשָׂמַח בְּלִבּוֹ

Et le voilà même allant à ta rencontre Il te verra et se réjouira en son cœur.  

Cette expression demande un commentaire.

Dans une lecture simple : Tu as besoin d’aide, d’interprète, de porte parole ? Aaron va te traduire...

« Il vient à ta rencontre et il te verra et se réjouira en son cœur... »  

« Il vient à ta rencontre… ». C’est important et Dieu rassure Moïse : il y a quelque chose qui vient du côté des Hébreux, de l’aide, ce qui n’était pas le cas 40 ans avant. Cf. l’épisode avec Datan et Aviram.  

Dans le chapitre 12, la 1ère des מִצוֹת concernant le calendrier est mise sous le nom de Moïse et Aaron. Rashi cite d’ailleurs un Midrash : parce qu’Aaron a participé aux miracles de la sortie d’Egypte.

 

שְׁמוֹת 12:1:

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן, בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם לֵאמֹר

L'Éternel parla à Moïse et à Aaron, dans le pays d'Égypte, en ces termes.  

וַיֹּאמֶר ה' אֶל מֹשֶׁה וְאֶל אַהֲרֹן

בִּשְׁבִיל שֶׁאַהֲרֹן עָשָׂה וְטָרַח בַּמּוֹפְתִים כְּמֹשֶׁה חָלַק לוֹ כָּבוֹד זֶה בְּמִצְוָה רִאשׁוֹנָה שֶׁכָּלְלוֹ עִם מֹשֶׁה בַּדִּבּוּר

Hachem dit à Moshe et à Aaron Etant donné que Aaron avait travaillé durement, tout comme Moshe, à l’accomplissement des miracles, Hachem lui rend ici hommage, au moment de proclamer la première de toutes les מִצוֹת, en l’associant à Moshe au moment où Il va l’annoncer.  

Il y a une rencontre entre Moïse et Aaron. Vous comprenez par vous même ce que cela représente dans notre expérience contemporaine.  

Moïse prend l’initiative politique de l’événement et personne ne sait que la parole de Dieu s’adresse à Moïse et que Dieu a finalement confirmé que son initiative politique est la bonne. Et voilà que depuis le ghetto juif en pays de Goshen, Aaron le chef de la communauté qui est son frère vient à sa rencontre...  

וְרָאֲךָ וְשָׂמַח בְּלִבּוֹ

Il te verra et se réjouira en son cœur.  

Pourquoi cette indication supplémentaire ?

La réponse habituelle : une des perplexités de Moïse du dedans de sa modestie. Le problème est clair : il y a deux entités sociopolitiques qui peuvent être l’une ou l’autre à la tête de ce mouvement de libération. C’est soit le juif assimilé qui redevient hébreu dans la figure de Moïse, soit le juif fidèle, traditionnel dans sa vie intérieure et dévoilé sous la figure d’Aaron. 

Nous vivons cette tension entre ces deux entités de notre temps.

C’est là qu’intervient le fait qu’Aaron était l’aîné chef de la tribu de Lévi.

Moïse pense qu’Aaron mérite plus que lui d’autant plus qu’il est l’aîné…

 

C’est à cela que répond le verset :  

וְרָאֲךָ וְשָׂמַח בְּלִבּוֹ

Il te verra et se réjouira en son cœur

Rassure-toi : tu crains de l’humilier, mais quand il te verra il se réjouira ...

 

Enseignement du Rav Tsvi Y. Kook au nom de son père :

A ce propos, un enseignement du Rav Tsvi Yehoudah Kook avec beaucoup de pudeur au sujet de son père comme ce Kohen Gadol rencontrant un chef politique sioniste et s’en réjouissant....

Lorsque le Rav Kook rencontrait Ben Gourion, il se réjouissait en son cœur.  

Finalement Moïse se décide à y aller et il se heurte à des difficultés graves au point d’envisager peut-être que pourquoi par l’Ouganda… ?

Surtout le fait que la persécution s’aggrave.  

A partir des données de ces 1ers  versets, voici ce que le Midrash explique :

Moïse pense que peut-être il s’est trompé : peut-être cette libération n’a pas lieu par la הָחֲכָמִים מִּדָת mais par la הָדִין מִּדָת ?

 

[C’est aussi la perplexité de nombreux Juifs de diaspora qui se résignent à faire leur Alyah pour cette raison, ce même constat. Enseignement Rav Kook : Un Shidoukh : Un jour un jeune homme a demandé une jeune fille en mariage, la jeune fille connaissait de réputation le jeune homme et n’en voulait pas. Le jour de l’entrevue, au lieu de s’embellir elle s’est enlaidie : il y eu une réaction négative du jeune homme qui n’en voulait plus... Moralité de l’histoire c’est la jeune fille qui n’en voulait pas... Le Rav ajoutait « insistez, insistez, la fiancée est belle, c’est אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל... Il faut évidemment comprendre quand on a ce genre d’expérience que c’est une épreuve]  

 

Chapitre 5, verset 22

וַיָּשָׁב מֹשֶׁה אֶל-יְהוָה, וַיֹּאמַר:  אֲדֹנָי, לָמָה הֲרֵעֹתָה לָעָם הַזֶּה--לָמָּה זֶּה, שְׁלַחְתָּנִי

Moïse retourna vers le Seigneur et dit: "Mon Dieu, pourquoi as-tu rendu ce peuple misérable? Dans quel but m'avais-tu donc envoyé?  

Dans les versets immédiatement précédents, cette saturation de persécution qui s’intensifie, font que les Hébreux se révoltent contre Moïse et Aaron qui les ont mis dans cette aventure sioniste imprudente de ce temps.  

 

Chapitre 5, verset 22

וַיָּשָׁב מֹשֶׁה אֶל-יְהוָה, וַיֹּאמַר:  אֲדֹנָי, לָמָה הֲרֵעֹתָה לָעָם הַזֶּה--לָמָּה זֶּה, שְׁלַחְתָּנִי

Moïse revint vers Hashem Et il dit Adonaï (écrit א-ד-נ-י)…

 

Retenez que le mot אֲדֹנָי, comme le mot אֱלֹהִים, mais pas au même niveau, représente aussi la הָדִין מִּדָת.

 

On voit pourquoi le Midrash s’est basé sur les termes mêmes de la תּוֹרָה pour dire que l’annonce de la délivrance se faisait par la הָחֲכָמִים מִּדָת Aussi facile que la guerre d’indépendance... (Nissan). Après on s’aperçoit que ce n’est pas si facile que cela : aussi difficile que la guerre de Kippour... (Tishri). Un exemple parmi d’autres avec les deux polarités.  

Tout se passe comme si Moïse retrouve sa perplexité : est-ce que c’est l’accomplissement des promesses parce que le temps est arrivé et donc c’est le mérite des pères et là nous n’avons pas à nous mettre en question dans un jugement de mérite, car c’est par הָעֶלְיוֹן חֶסֶד.

 

Retenons la règle : La sortie d’Egypte s’est faite par הָעֶלְיוֹן חֶסֶד. Et puisque c’est par הָעֶלְיוֹן חֶסֶד par grâce absolue, alors comment se fait-il qu’il faille passer par l’épreuve de la הָדִין מִּדָת ?  

 

Regardez bien la précision du verset:

וַיָּשָׁב מֹשֶׁה אֶל-יְהוָה, וַיֹּאמַר:  אֲדֹנָי

Moïse revint vers Hashem Et il dit Adonaï (écrit א-ד-נ-י)

לָמָה הֲרֵעֹתָה לָעָם הַזֶּה--לָמָּה זֶּה, שְׁלַחְתָּנִי

Pourquoi as-tu fait du mal à ce peuple ? Pourquoi m’as tu envoyé ?

 

Le raisonnement est le suivant : si on ne les avait pas provoqués à la révolte contre l’Egypte pour en sortir, ils auraient continué plus ou moins bien à être les serviteurs de l’Egypte. Mais maintenant avec le fait que Tu m’as envoyé pour leur donner l’annonce de cette délivrance, cela leur a fait du mal... 

 

C’est la perplexité de Moïse croyant que c’était la הָחֲכָמִים מִּדָת qui l’envoyait mais il voit que c’est (peut-être) la הָדִין מִּדָת sous sa forme אֲדֹנָי

 

[Précision sur la règle :

Il y a dix noms différents pour dire l’intervention de Dieu dans l’histoire dans le texte de la תּוֹרָה. Ces dix noms renvoient aux 10 médiations - Sefirot - à travers lesquelles Dieu intervient dans le monde, et le nom אֲדֹנָי désigne la Sefirah Malkhout alors que le nom d’ELOHIM désigne la Sefirah Gvourah. A travers ELOHIM et la Sefirah Gvourah, c’est le « Din kashé » le Din dur. A travers ADONAÏ et la Sefirah Malkhout c’est le « Din Raphé », doux.]

 

Verset 23

וּמֵאָז בָּאתִי אֶל-פַּרְעֹה, לְדַבֵּר בִּשְׁמֶךָ, הֵרַע, לָעָם הַזֶּה; וְהַצֵּל לֹא-הִצַּלְתָּ, אֶת-עַמֶּךָ

Depuis que je suis allé vers Pharaon Pour parler en ton nom (On pourrait de nouveau refaire l’analyse : en quel nom) Il y a eu du mal à ce peuple-là  Et délivrer Tu n’as pas délivré ton peuple.

 

C’est énorme comme interpellation avec un peu de ’Houtspah. C’est une sorte de cri d’angoisse qui sort de l’expérience difficile du moment. On peut comprendre ce désarroi absolu. On va pour un accouchement sans douleur et on s’aperçoit des douleurs impossibles. La prière de Moïse ici porte cette interpellation d’inquiétude :הָחֲכָמִים מִּדָת ou הָדִין מִּדָת ? 

 

Alors Dieu se dévoile à Moïse :

Verset 24

וַיֹּאמֶר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה, עַתָּה תִרְאֶה, אֲשֶׁר אֶעֱשֶׂה לְפַרְעֹה:  כִּי בְיָד חֲזָקָה, יְשַׁלְּחֵם, וּבְיָד חֲזָקָה, יְגָרְשֵׁם מֵאַרְצוֹ

Dieu dit à Moïse Maintenant tu verras ce que je ferai à Pharaon Car c’est par une main forte qu’il les renverra

 

Le Midrash met l’accent de nouveau sur le fait qu’il y a un obstacle du côté des Hébreux. Il faut qu’il les renvoie fortement... Le Pshat habituel c’est que וּבְיָד חֲזָקָה c’est celle de Dieu contre Pharaon mais ici כִּי בְיָד חֲזָקָה, יְשַׁלְּחֵם

, וּבְיָד חֲזָקָה, יְגָרְשֵׁם מֵאַרְצו et par une main forte il les expulsera

 

Ici c’est clair : Il faut qu’on les expulse pour qu’ils sortent.

C’est important à mettre en évidence, il ne faut pas croire que c’est simple.

Il y a deux obstacles, deux raisons :

-  L’obstacle venant du côté des Hébreux. Les Hébreux sont des traditionalistes : on leur a dit 400 ans, c’est 400 ans… !   

-  Les Egyptiens, à la suite des Hébreux, en sont également convaincus.

 

Alors Dieu explique cela à Moïse.

 

De façon plus générale :

Moïse aurait pu comprendre cela par lui-même qu’étant donné que ces évènements arrivent, en leur temps mais de façon anticipée, alors cela se passe difficilement. Comment ne peut-il comprendre cela alors que nous, étudiant la תּוֹרָה nous le pouvons ? La réponse donnée c’est que c’est la 1ère fois que cela arrive. Lorsque l’on possède un modèle cela nous permet de diagnostiquer. C’est cela qu’on appelle l’expérience. Mais la première fois que cela arrive, il faut le découvrir entièrement par soi-même. La sagesse des commencements n’est pas la même que celle de la suite.  

Nous apprenons cette indication de la fin du verset qu’il y a un obstacle qui vient des Hébreux qui vont devoir être expulsés plus tard pour que cela arrive.  

Plus tard, nous apprendrons qu’il y a 5 catégories dans la communauté des Hébreux en Egypte, et l’une des 5 est la plus difficile, celle qu’il faut expulser.  

Au moment de l’événement, il y a :

- Ceux qui prennent l’initiative

- Ceux qu’il faut aider

- Ceux qu’il faut obliger... etc.  

Vous comprenez les différents niveaux.  

L’événement va arriver quand même. Cette גְבוּרָה,  cette force qui intervient pour les obliger est en fait l’expression d’un חֶסֶד supérieur : « c’est pour ton bien que tu va boire la potion amère... ». « Le חֶסֶד c’est en fait גְבוּרָה pour pouvoir être חֶסֶד vraiment »

C’est apparemment très schématique mais c’est l’expérience fondamentale de l’histoire.

 

Reprenez surtout les chapitres 30 d’Ezéchiel qui parle pour la sortie du 2ème exil mais en préfiguration de la sortie du nôtre, la sortie du 3ème exil. Vous ne voulez pas mais vous verrez que vous le voudrez quand même... Il y a dans Ezéchiel des expressions terribles qui sont employées. 

 

Il y a là qui affleure un des mystères de l’histoire d’Israël, et de l’histoire juive, qu’Israël est contraint à son histoire, que c’est malgré lui que cela se passe. Pas pour l’ensemble, il y a des niveaux, il y a ceux pour qui cela va de soi... il y a ceux pour qui il faut aider... il y a tous les niveaux de la contrainte. Au moment de l’accouchement pour reprendre cette image, cela se fait aussi dans la douleur. Comme c’est la première fois que cela se passe, Moïse l’expérimente et en est étonné…  

 

Verset 6:1

וַיֹּאמֶר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה, עַתָּה תִרְאֶה, אֲשֶׁר אֶעֱשֶׂה לְפַרְעֹה:  כִּי בְיָד חֲזָקָה, יְשַׁלְּחֵם, וּבְיָד חֲזָקָה, יְגָרְשֵׁם מֵאַרְצוֹ

Dieu dit à Moïse Maintenant tu verras ce que Je ferai à Pharaon Car c’est par une main forte qu’il les renverra Et par une main forte il les expulsera. 

Le Pshat habituel serait que יָד חֲזָקָה c’est celle de Dieu qui les renvoie mais la fin du verset nous a empêché de lire ainsi donc ici בְיָד חֲזָקָה, יְשַׁלְּחֵם c’est bien Paro !  

וּבְיָד חֲזָקָה, יְגָרְשֵׁם מֵאַרְצוֹ .

Et par une main forte il les expulsera

 

Cela sera repris dans Parashahבְּשַׁלַּח  [Ex.13:17]:  

וַיְהִי, בְּשַׁלַּח פַּרְעֹה אֶת-הָעָם

Il arrive lorsque Pharaon eut renvoyé le peuple

 

Pendant 10 chapitres on apprend que Dieu intervient pour sauver Israël et le texte dit ici que c’est Pharaon qui les a renvoyés ? C’est ainsi que cela se passe ! Cela aurait pu être autrement, mais c’est ainsi que cela se passe.

 

Haggadah de Pessah :

On le retrouve dans une étude à propos de la Haggadah de Pessah, à propos des 4 enfants de la Haggadah. Pour le 3ème enfant - le Taam - celui à qui il faut d’abord raconter l’histoire, la Mishna dit ceci : Taam mah hou omer mah zot ?

Le Taam pose la question  que se passe-t-il qu’est-ce que c’est que ça Pessah ?

Et tu lui diras : « c’est à main forte que Dieu nous a fait sortir d’Egypte ».

 

Midrash : D’Egypte on ne sortait pas. A partir du moment où un régime totalitaire s’installe on ne sort pas. Par conséquent, on a appris cela dans la mémoire historique des Hébreux que cela va rester comme le fondement de la foi : bien que d’exil on ne sort pas, nous savons que nous Dieu nous fait sortir d’exil. Mais c’est וּבְיָד חֲזָקָה!   

 

Il faut le faire, c’est inouï, incroyable, impensable, mais cela se passe ! On va garder cela dans la mémoire, et donc la foi et l’espérance que le salut est possible vont être nourries par cette expérience impossible. On ne sortait pas de Russie, ni des camps de concentration… et pourtant on en sort... C’est cela le modèle d’expérience d’espérance... La sortie d’Egypte n’est pas possible à moins qu’un facteur « autre » intervienne. C’est cela qu’on va dévoiler à l’enfant Taam.  

 

Haggadah :

Et tu lui diras : « c’est à main forte que Dieu nous a fait sortir d’Egypte».

Commentaire :

« Tu lui diras « à main forte » « en le secouant » : « Dieu nous a fait sortir d’Egypte. »

C’est le récit : Dieu nous a fait sortir d’Egypte. Mais il faut lui dire fortement et l’expérience montre qu’il en est bien ainsi. 

 

 

וָאֵרָא:

 

6:2:

וַיְדַבֵּר אֱלֹהִים, אֶל-מֹשֶׁה; וַיֹּאמֶר אֵלָיו, אֲנִי יְהוָה

Et Elohim parla à Moïse Il lui dit c’est Moi Hashem.  

Et voici alors אֱלֹהִים après ce que יְהוָה a dit précédemment dans les derniers versets de שְׁמוֹת. C’est ce que je voulais étudier ce soir.  

 

Nous avons étudié la logique du changement de terme יְהוָה - אֱלֹהִים.

En particulier à partir du verset 23 :

 וַיֹּאמֶר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה, עַתָּה תִרְאֶה  jusqu’à notre Sidra chapitre 6 verset 1:

וַיְדַבֵּר אֱלֹהִים, אֶל-מֹשֶׁה; וַיֹּאמֶר אֵלָיו, אֲנִי יְהוָה

 

Il faut découvrir que Moïse pense que peut-être c’est la הָדִין מִּדָת et non pas la הָחֲכָמִים מִּדָת qui intervient, d’où les épreuves. La הָחֲכָמִים מִּדָת se révèle à lui pour lui dire je m’appesantirai sur Pharaon car je suis la הָדִין מִּדָת contre le Pharaon. Ensuite la הָדִין מִּדָת s’adresse à Moïse pour dire : « c’est Moi qui suis Hashem ».  

La perplexité de Moïse ici se renouvelle de la manière suivante : peut-être est-il nécessaire que les événements se passent à travers l’intervention de la הָדִין מִּדָת à cause de l’Egypte alors cela atteint aussi Israël ?  

S’il y a des raisons objectives extérieures que la catastrophe s’abatte sur l’Egypte, étant donné qu’Israël est en Egypte, la catastrophe s’abat aussi sur Israël aussi.

 

A propos de la Haggadah, les miracles qui ont été faits en Egypte.

« Assarah nissim...  Dix miracles ont été faits à nos pères en Egypte » c’est une Mishna des Pirquey Avot.

Maïmonide explique qu’il s’agit des 10 plaies qui atteignaient les Egyptiens mais pas les Hébreux. En quoi est-ce un miracle ? C’est que les Hébreux étaient en Egypte !      

Le raisonnement est le suivant que l’on retrouve dans le Midrash : Moïse se dit peut-être que cela se fait dans la הָדִין מִּדָת à cause des Égyptiens alors si c’est le cas cela porte aussi sur les Hébreux...  

Voilà la réponse qu’il entend qui est une leçon de monothéisme extrêmement fin dialectiquement :

La הָחֲכָמִים מִּדָת dit à Moïse « Je suis la הָדִין מִּדָת», et la הָדִין מִּדָת dit à Moïse « Je suis la הָחֲכָמִים מִּדָת».

La הָחֲכָמִים מִּדָת pour Israël dit  « Je suis la הָדִין מִּדָת» pour l’Egypte

Et la הָדִין מִּדָת pour l’Egypte dit « je suis la הָחֲכָמִים מִּדָת pour Israël. »

Pour nourrir ce principe reportez vous à l’enseignement du Kli Yakar sur le 1er verset du שְׁמַע קרִיאָת.

Si vous avez étudié ce ’Houmash avec tous les commentateurs. 

Vous y trouverez cet enseignement à propos de « יִשְׂרָאֵל יְהוָה אֱלֹהֵינוּ יְהוָה אֶחָד  שְׁמַע»

 

6:2

וַיְדַבֵּר אֱלֹהִים, אֶל-מֹשֶׁה; וַיֹּאמֶר אֵלָיו, אֲנִי יְהוָה

Et Elohim parla à Moïse ; Et (ensuite) il lui dit c’est Moi Hashem.

 

Il y a deux parties.

Dans la 1ère partie on nous dit que la הָדִין מִּדָת s’adresse à Moïse personnellement, particulièrement et lui parle mais on ne sait pas ce qu’Il lui a dit.

Ensuite la הָדִין מִּדָת dit à son propos אֵלָיו  pour que Moïse le révèle : אֲנִי יְהוָה.  

 

וַיְדַבֵּר אֱלֹהִים, אֶל-מֹשֶׁה  Et Elohim parla à Moïse ;

Avec l’explication de Rashi.

D’abord le Pshat du verset :

Elohim a parlé à Moise ; et en plus ensuite il lui a dit : אֲנִי יְהוָה

On ne sait pas ce qu’il y a dans ce וַיְדַבֵּר. C’est ce que Dieu a dit à Moïse pour lui-même.

La 1ère expression n’introduit pas la deuxième. Ce sont deux enseignements.

Premièrement Elohim a parlé avec Moïse, s’est expliqué avec lui...

Et ensuite il lui dit « אֲנִי יְהוָה – Je suis Hashem »

Avec les Taamim, il y a un Atna’h sous מֹשֶׁה  qui est un accent disjonctif absolu.

C’est une unité de lecture pour elle-même.

 

Rashi : וַיְדַבֵּר אֱלֹהִים, אֶל-מֹשֶׁה:   

 Il a instruit son procès (voir II Melakhim 25, 6) pour s’être exprimé en termes durs lorsqu’il lui avait demandé : « Pourquoi as-tu fait du mal à ce peuple ? » (supra 5, 22).

 

וַיֹּאמֶר אֵלָיו אֲנִי ה'

נֶאֱמָן לְשַׁלֵּם שָׂכָר טוֹב לַמִּתְהַלְּכִים לְפָנַי. וְלֹא לְחִנָּם שְׁלַחְתִּיךָ כִּי אִם לְקַיֵּם דְּבָרִי שֶׁדִּבַּרְתִּי לָאָבוֹת הָרִאשׁוֹנִים. וּבַלָּשׁוֹן הַזֶּה מָצִינוּ שֶׁהוּא נִדְרָשׁ בְּכַמָּה מְקוֹמוֹת אֲנִי ה' נֶאֱמָן לְהִפָּרַע. כְּשֶׁהוּא אוֹמֵר אֵצֶל עוֹנֶשׁ כְּגוֹן וְחִלַּלְתָּ אֶת שֵׁם אֱלֹהֶיךָ אֲנִי ה' וּכְשֶׁהוּא אָמוּר אֵצֶל קִיּוּם מִצְוֹת כְּגוֹן וּשְׁמַרְתֶּם מִצְוֹתָי וַעֲשִׂיתֶם אוֹתָם אֲנִי ה' נֶאֱמַן לִתֵּן שָׂכָר

Et donc digne de confiance. Je récompense à profusion ceux qui « marchent devant moi ». Et ce n’est pas pour rien que je t’ai envoyé, mais pour accomplir les promesses que j’ai faites aux premiers patriarches. Cette expression : « Je suis Hachem », lorsqu’il s’agit de sanctionner, est à interpréter dans beaucoup de textes comme signifiant : « on peut me faire confiance pour punir ». Exemple : « tu profanerais le nom de ton Eloqim : Je suis Hachem » (Wayiqra 19, 12). De même lorsqu’il s’agit de l’accomplissement des Mitsvot, comme dans : « Gardez mes commandements et pratiquez-les : je suis Hachem » : on peut me faire confiance pour récompenser.

 

 « Dieu a parlé avec Moïse, מִשְּׂפַת un jugement (durement), à cause de ce qu’il avait dit précédemment dans son incompréhension (Pourquoi as-Tu fait du mal à ce peuple… »), et ensuite (continue Rashi) il lui dit אֲנִי יְהוָה – נֶאֱמָן לְשַׁלֵּם digne de confiance pour payer -récompenser d’un bon salaire ceux qui marche devant Moi (Cf. l’expression pour Abraham « marche devant moi… »)  et ce n’est pas pour rien que Je t’ai envoyé mais pour réaliser Mes paroles que J’avais dites aux 1ers  pères. (Les promesses  aux אֲבוֹת). C’est toujours par cette expression que nous trouvons que l’expression « אֲנִי יְהוָה » est expliquée dans les Midrashim en beaucoup d’endroits. « אֲנִי יְהוָה», chaque fois que le texte confirme en disant « אֲנִי יְהוָה » cela signifie « à qui on peut faire confiance pour punir ceux qui le méritent » cela pour la punitions (on nous donne des exemples), « et qui donne un salaire lorsqu’il s’agit de récompenser une vertu » à qui on peut faire confiance pour donner le salaire.   

C’est dire que « אֲנִי יְהוָה» ajoute dans cette explication, la dimension et le sens de celui qui accomplit la promesse. C’est le ’Hidoush supplémentaire que nous avons à travers Rashi : אֲנִי יְהוָה pas seulement la הָחֲכָמִים מִּדָת mais Celui qui accomplit la promesse.

 

C’est un verset difficile à traduire en français.

La הָדִין מִּדָת - וַיְדַבֵּר אֱלֹהִים, אֶל-מֹשֶׁה - s’est adressée à Moïse pour l’admonester et après la הָדִין מִּדָת lui dit : אֲנִי יְהוָה.  

L’effort d’étude est justement de comprendre cela, que la הָדִין מִּדָת peut passer par la הָחֲכָמִים מִּדָת et que la הָחֲכָמִים מִּדָת peut passer par la הָדִין מִּדָת. Et que c’est ce « mystère » de l’affirmation du שְׁמַע קרִיאָת de l’unité des valeurs.  

Que celui qui est la הָדִין מִּדָת c’est Lui qui est la הָחֲכָמִים מִּדָת c’est au-delà de notre entendement. Mais c’est le fondement même de la foi juive monothéiste : יְהוָה אֶחָד.

Malgré l’invraisemblance que la הָדִין מִּדָת est le contraire de la הָחֲכָמִים מִּדָת et que la  הָחֲכָמִים מִּדָת est le contraire de la הָדִין מִּדָת.

 

Ne pas croire que c’est une évidence rationnelle.

 

Cela dépasse l’entendement. Il a fallu qu’il y ait des événements, des expériences qui l’ont dévoilé pour que nous le sachions par expérience historique d’événements. C’est ce que nous gardons comme confiance de la foi. Si nous perdons cette mémoire, jamais la raison, jamais l’expérience, ne la restaurera. L’expérience du monde tel qu’il est, éclaté en absolus contradictoires, et l’expérience de la raison qui fonctionne sur le mode du principe d’identité, nous empêchent d’être monothéistes à la façon des Hébreux. Si on ne garde pas la mémoire de ces événements qui l’ont dévoilé, nous nous coupons de ce monothéisme-là. On parlera d’autre chose en croyant parler du monothéisme des Hébreux... un déisme philosophique qui n’engage à rien finalement.

 

Q :….

R : oui on pourrait dire cela comme ça : Tishri c’est Nissan mais Nissan c’est Tishri…

Il faut expérimenter ce fondement de la confiance que lorsqu’on est occupé à Nissan, il faut savoir que Tishri existe et inversement. Ce n’est pas facile car tout est caché, ce dévoilement de l’unité est occulté, et il faut donc s’y rattacher par la force de la mémoire. Si cette mémoire est coupée, ni le raisonnement, ni l’expérience ne pourra la restaurer.

 

Question qui m’est souvent posée :

Finalement nous sommes obligés de nous rattacher à l’expérience d’autres : nos ancêtres sont sortis d’Egypte et toute la תּוֹרָה tourne autour de cela ? Si on ne se relie pas à eux on entend les rabbins nous raconter des histoires invraisemblables, que Dieu est Un... par exemple.

Il faut donc se rattacher à cette mémoire.

 

Kli Yakar utilise ce principe du Midrash qu’au niveau de l’histoire c’est ce qui est apparu : c’est la même force qui se fait הָדִין מִּדָת par rapport au Egyptien הָחֲכָמִים מִּדָת par rapport aux Hébreux. 

 

C’est aussi dans le verset שְׁמוֹת15:26 :

 כָּל-הַמַּחֲלָה אֲשֶׁר-שַׂמְתִּי בְמִצְרַיִם, לֹא-אָשִׂים עָלֶיךָ, כִּי אֲנִי יְהוָה, רֹפְאֶךָ …

« …Et toute la maladie que j’ai mise dans l’Egypte, je ne les mettrai pas sur toi, car chez Moi qui suis Hashem ton guérisseur. »

 

Problème : s’il n’y a pas de maladie pourquoi avoir besoin du médecin ? C’est la définition du médicament qui fait du mal aux uns et guérit les autres. Une espèce de mystère.  On comprend pourquoi dans beaucoup de traditions anciennes la chose médicament est appelée sacrée : il y a de la divinité là-dedans. Retour au texte :

 

6:2

וַיְדַבֵּר אֱלֹהִים, אֶל-מֹשֶׁה; וַיֹּאמֶר אֵלָיו, אֲנִי יְהוָה

Et Elohim parla à Moïse ; Et (ensuite) il lui dit c’est Moi Hashem.

 

C’est une leçon de monothéisme. Jusqu’au bout et à travers de grandes expériences comme celle de Job, en particulier, cela reste difficile. Nous le savons par foi.

 

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