L’OEUVRE DE LA CRÉATION
LES ENGENDREMENTS
JUIFS OU HÉBREUX
ISRAËL ET LES NATIONS
MESSIANISME
THÈMES FONDAMENTAUX

BO - SÉRIE 1996

Le cours

 

(1996) בֹּא

Dans la Parashah de בֹּא au moins 2 sujets fondamentaux :

 

=> L’achèvement de la sortie d’Egypte et en particulier la 10ème plaie : la plaie de la mort des premiers-nés qui va déclencher la décision du Pharaon de laisser s’opérer la sortie d’Egypte.

 

=> Le début de la תּוֹרָה comme le lieu des מִצוֹת.

 

Je pense prendre le temps suffisant pour traiter du 2Ème sujet. Mais nous allons étudier en particulier le 1er verset qui est un peu dans le prolongement de ce que nous avons étudié la semaine dernière.

 

Le sujet principal d’introduction c’est le fait que ces événements de la sortie d’Egypte auxquels la תּוֹרָה donne une importance si considérable puisque toutes les מִצוֹת générales sont indexées et reliées au souvenir de la sortie d’Egypte. Il n’y a au fond de תּוֹרָה que la תּוֹרָה qui a été donné à ceux qui sont sortis d’Egypte et c’est indiqué de manière très claire dans le 1er verset des 10 commandements : « Je suis celui qui vous ai fait sortir d’Egypte et voilà Ma loi... »

C’est un thème pour lui-même qui est extrêmement important. Je pense que le prochain numéro de Mayanot sera lié à ce sujet.

 

Effectivement, depuis le début de l’histoire humaine jusqu’à la sortie d’Egypte, on savait que le monde avait un Créateur.

Il y a une connaissance, non que Dieu existe, ce n’est pas un problème propre à la תּוֹרָה mais une évidence de l’identité hébraïque à qui la תּוֹרָה a été donnée,  mais on savait que le monde a un Créateur, avec toutes les implications importantes que cela représente, en particulier à travers la lignée des grands Tsadikim des générations depuis הָרִאשׁוֹן אָדָם jusqu’au temps de Moïse. Tous les « patriarches » c’est ainsi qu’on les appelle, הָעוֹלָם  אֲבוֹת, ce sont les pères d’Israël – Abraham, Isaac et Jacob – il y a des textes qui donnent également cette dénomination de הָעוֹלָם  אֲבוֹת aussi aux grands Tsadikim d’avant comme par exemple Noa’h. Il y avait une connaissance que le  monde avait un Créateur et que donc la créature doit se comporter d’une certaine manière pour authentifier son identité de créature. Il y a en particulier la notion bien connue des שֶׁבַע מִצְוֹת בְּנֵי נֹח les 7 lois des נֹחַ  בְּנֵי, la morale noa’hide... Tout cela est connu. Mais on n’avait pas encore la preuve de l’intervention du Créateur dans l’histoire humaine. Avec quoi commence la foi d’Israël ? Que le Créateur est Providence de l’histoire des hommes à travers l’histoire d’Israël. C’est la raison pour laquelle pour toute la Bible surtout pour la תּוֹרָה, הָעוֹלָם מֶלֶךְ  יְהוָה אֱלֹהֵינוּ est appelé Dieu d’Israël. Et à travers le temps, on ne peut pas ne pas remarquer que la civilisation humaine a fini par reconnaître que le seul Dieu auquel on peut se référer dans cette catégorie qu’Il s’est révélé c’est le Dieu d’Israël.

 

Il y a d’un côté la chrétienté et de l’autre côté l’islam chacun à sa manière dans sa rivalité propre mais ce sont des religions qui reconnaissent que le Dieu auquel ils se réfèrent est le Dieu d’Israël. Alors que dans les autres traditions religieuses - je dis bien traditions pour ne pas dire révélation – ou philosophies religieuses comme par exemple le Bouddhisme, qui montre bien cela plus que ce qui a précédé en Orient. Je pense à l’indouisme ou au brahmanisme même, pour lesquelles c’est l’homme qui recherche son Dieu alors qu’avec la Bible tout s’inverse radicalement : c’est Dieu qui s’adresse à l’homme. Il y a une différence de nature radicale et l’événement de la sortie d’Egypte est l’événement central de cette révolution dans l’histoire du monde. A partir de la sortie d’Egypte, on sait que le Créateur intervient dans l’histoire. 

 

Il y a eu dans les générations qui ont précédées la génération de la sortie d’Egypte cette intervention de Dieu comme Providence. Par exemple avec Abraham. On est frappé en relisant l’histoire d’Abraham de la formulation très étroitement analogue de ce que Dieu dit à Abraham et de ce qu’il va dire d’Israël à la sortie d’Egypte. « Je suis Celui qui t’a fait sortir d’Our-Qasdim... »

Abraham a vécu à l’échelle individuel l’événement central qu’Israël va vivre au niveau de la collectivité à la sortie d’Egypte. Il y a bien intervention de Dieu dans l’histoire des hommes, mais jusqu’à la sortie d’Egypte, c’est à l’échelle individuelle que des privilégiés, des initiés, ont bénéficié de cette expérience. A partir de la sortie d’Egypte c’est de manière irréversible une expérience – דַּעַת - que cela est non seulement vrai, mais que c’est vrai que c’est vrai. On savait cela que Dieu existe et qu’Il s’occupe de Son monde.

 

On a aussi des philosophies religieuses des traditions de l’orient et de l’occident où l’on croit que Dieu existe mais ne s’occupe pas de son monde. Ce sont des visions démoniaques du monde.

 

Mais les hommes de bonne foi savaient cela et avaient cette expérience que c´était le cas et qu’il n’y avait que certains hommes privilégiés, à l’échelle individuelle. Dans notre histoire c’est Abraham, à l’échelle individuelle. Et à partir de la sortie d’Egypte c’est une donnée de la conscience humaine universelle et irréversible.    

 

Ceci pour remettre en évidence de nouveau l’importance de la référence מִצְרָיִם לִיצִיאָת זֵכֶר, en relation au souvenir de la sortie d’Egypte. C’est une sorte de refrain qui revient de manière tellement systématique, et qui revient en parallèle avec בְּרֵאשִׁית לְמַעֲשֵׂה זֵכֶר  en souvenir de la Création du monde.

 

Toute cette période qui va depuis la création du monde, le 1er homme, jusqu’à la sortie d’Egypte, va être close dans les événements que nous raconte le début de notre livre de שְׁמוֹת, les événements qui commencent corollairement avec les persécutions et les dix plaies d’Egypte qui ont pour aboutissement l’expérience de la libération d’Israël de cette aliénation d’Egypte.

 

Or, c’est la 1ère fois qu’un tel événement arrive. Comme c’est la 1ère fois que cela arrive, il peut y avoir impatience et incompréhension de la part d’Israël et de Moïse.

 

Pourquoi est-ce si compliqué, pourquoi cela tarde-t-il tellement ? Pourquoi toute cette progression de l’intensification de l’oppression et cette gradation de ce qui va se dévoiler aux Égyptiens à travers les 10 plaies, qu’il y a une volonté consciente qui intervient ? C’est cette découverte qui va se faire progressivement à travers les 10 plaies parce que s’il n’y avait pas cette découverte à faire, ce qui va nous être dit au début de la Parashah, alors la 10ème plaie aurait suffit. La 10ème qui a été tellement massive qu’elle a contraint le Pharaon à la panique et a obligé Israël à quitter l’Egypte.

 

C’est donc qu’il y a une stratégie de révélation de dévoilement qui se passe à travers ces 10 plaies. Dit succinctement : les Égyptiens d’un côté et aussi les Hébreux de l’autre, découvrent qu’il y a une Volonté libre qui intervient. Essentiellement dans le fait que les plaies sont sélectives, frappant les Égyptiens et pas les Hébreux alors mêlés aux Égyptiens. Au point culminant, des familles égyptiennes sont frappées par la mort des 1ers nés et que la providence qui intervient pour agir dans ces plaies choisit et fait la différence entre les premiers-nés.

 

C’est un grand principe de la תּוֹרָה : la Providence qui intervient sait ce qu’elle fait jusque dans le moindre détail, alors que chez les philosophes, quelque soit les philosophies religieuses, tout est de manière globale, générale, approximative. On ne trouve jamais que le détail est surveillé (au sens de « veiller sur »).

 

Les hommes pieux ne se rendent pas compte qu’il faut prendre cela au sérieux : si c’est vrai qu’il y a une Providence, alors Elle prend en compte tous les détails.

 

C’est le dernier verset de l’Ecclésiaste : « Tout est passé en jugement »

כִּי אֶת-כָּל-מַעֲשֶׂה הָאֱלֹהִים יָבִא בְמִשְׁפָּט עַל כָּל-נֶעְלָם: אִם-טוֹב וְאִם-רָע

 

On le sait une fois mais ensuite on ferme les yeux car vivre avec une telle consigne c’est parfois difficile. Il arrive que les gens en soit malade dans leur scrupule...

Mais il faut savoir que c’est cela qui arrive en Egypte : Ce qui se dévoile à travers les dix plaies d’Egypte c’est le dévoilement de la Providence.

C’est surtout le prophète Isaïe qui va parler de cela : « Celui qui a fait l’oreille n’entendrait-Il pas ?» On pourrait y ajouter « Celui qui a fait les yeux ne verrait-Il pas ? »… etc.

 

Enseignement du Rabbi de Kotsk :

Je voudrais vous citer un Enseignement du Rabbi de Kotsk, je vous conseille le livre Mayanah shel Torah – recueil de commentaires à propos de chaque verset, citant surtout des ‘Hassidim, avec des thèmes de réflexions très importants en 3 lignes faciles à comprendre.

 

A un certain moment de cette perte de patience de Moïse, Dieu va intervenir pour lui expliquer pourquoi cela tarde : il a fallu tous ces degrés du dévoilement jusqu’à ce qu’en fin de compte, il a fallu la mort des 1er nés de la 10ème plaie pour que l’Egypte découvre cela qu’il y a une Providence. Il fallait qu’Israël aussi soit convaincu de cela. Cela nous est dit dès les premiers versets de Bo.

 

בֹּא  10:1-2

בֹּא אֶל-פַּרְעֹה:  כִּי-אֲנִי הִכְבַּדְתִּי אֶת-לִבּוֹ וְאֶת-לֵב עֲבָדָיו, …

L'Éternel dit à Moïse: "Viens-va chez Pharaon; car moi même j'ai appesanti son cœur et celui de ses serviteurs, afin que Je puisse placer Mes signes autour de lui.

 

בֹּא אֶל-פַּרְעֹה

Viens chez Pharaon  

On s’attendrait à אֶל-פַּרְעֹה לֶךְ – ce que va expliquer le Rabbi de Kotzk.

« בֹּא» peut signifier « Viens » dans le sens habituel ou « Va ».   

 

כִּי-אֲנִי הִכְבַּדְתִּי אֶת-לִבּוֹ וְאֶת-לֵב עֲבָדָיו

Car c’est Moi qui est appesanti son cour et le cœur  de ses serviteurs  

 

לְמַעַן שִׁתִי אֹתֹתַי אֵלֶּה, בְּקִרְבּוֹ

Afin que je puisse placer Mes signes en son sein

 

Il faut donc que quelque chose soit signalé et donc patience, dit Dieu à Moïse !

 

Un commentaire très particulier que dit que Moïse aurait pensé peut-être qu’il n’y aurait pas d’espoir si l’entêtement venait de Pharaon lui-même.

 

Dieu le rassure en précisant que c’est lui qui a endurci leur cœur, donc il y a des chances qu’un jour il vous laisse partir. Il reste à comprendre pourquoi cela aurait inquiété Moïse si c’est le Pharaon de lui-même qui ne voulait pas ?

 

Parce qu’il est nécessaire que le Pharaon de lui-même les laisse partir. Si ce n’est pas de par sa volonté libre qu’il les laisse partir, ce n’est pas juste. Pourquoi ? Il y a deux raisons.

 

Dieu explique ici à Moïse que ce n’est pas le Pharaon qui refuse de lui-même. Dieu empêche le Pharaon de les laisser partir jusqu’à ce qu’il découvre ce qu’il faut découvrir. Mais il y a des clauses qui doivent jouer. Il faut que ce soit Pharaon de sa décision libre et non contrainte qui les laisse partir.

 

C’est le problème de la גָלוּת: il y a un contrat de travail entre Israël et l’Egypte. Quel est ce contrat de travail ? Quelle est la fonction de la גָלוּת dans la relation entre Israël et les Nations ? C’est un sujet pour lui-même.

 

Or, dans ce cas particulier nous avons le modèle de l’exil en Egypte avec une date fixée pour la sortie d’Egypte: c’était 400 ans. Or, il ne se passe que 210 ans lorsque ces événements commencent à se déclencher. On l’apprend d’autre part, il y a donc une accélération. Si les Hébreux avaient attendu encore, ils auraient disparu pour deux raisons : les deux dangers de l’exil : le danger intérieur de l’assimilation et le danger extérieur de la persécution. Effectivement, à la fin de chaque temps d’exil cela s’accélère, et l’assimilation, et la persécution. Il ne faut pas s’attarder sinon c’est la disparition.

 

Pour pas qu’Israël tarde trop et disparaisse, Dieu décide de promouvoir l’intervention de Moïse 190 ans avant la date fixée. Mais le Pharaon et les Égyptiens, qui sont des personnages de la תּוֹרָה, savent que c’était 400 ans. A bon droit, le Pharaon dit : ce n’est pas le temps ! Il faut que Moïse fasse sa preuve que c’est le temps. Il y a un obstacle.

 

La 1ère raison cherchée est dans ce contrat de travail de 400 ans.

Si le contrat est rompu, il faut que le patron donne son accord.

 

Et puis 2ème raison :

il y avait une clause au fait que le Pharaon laisse partir les Hébreux et cela joue à travers l’aggravation des plaies jusqu’à la dernière : la clause c’est « laisse sortir Mon peuple ou bien Je te frappe de telles plaies… » Or, l’Egypte a été frappée de toutes les plaies ! Donc le peuple hébreu lui appartient encore au Pharaon ! Cette panique-là d’Israël se révélera au passage de la mer rouge dans la Parashah בְּשַׁלַּח. Il y a un étonnement très grand. Le peuple a eu la preuve que Dieu intervient pour lui. Pourquoi cette peur au passage de la mer rouge ?

 

Parce que le peuple savait qu’il fallait un mérite supplémentaire puisque le bon droit était pour les Égyptiens. Cette panique d’Israël et Dieu même dit à Moïse « ce n’est pas le temps de la prière, dis au peuple qu’ils avancent !» Et c’est là le mérite de foi supplémentaire qui permet à Dieu de faire pencher la balance pour Israël. נַחְשׁוֹנ בֵּן עַמִינדב: symbole du courage du peuple. עַמִינדב veut dire celui qui s’est dévoué pour son peuple.

 

Dans ce commentaire précis : Il faut que Dieu explique à Moïse que c’est lui qui empêche Pharaon (pour rétablir l’équilibre de sa liberté par rapport aux interventions surnaturelles) donc il y a un espoir quand Il finira de l’empêcher. L’inquiétude de Moïse était : si c’est Pharaon qui de lui-même s’est endurci le cœur alors il n’y a plus d’espoir. (Dieu ne peut pas intervenir sans être injuste, arbitraire...)

 

Rabbi de Kotsk sur בֹּא אֶל-פַּרְעֹה :

 

Normalement, il faudrait s’attendre à אֶל-פַּרְעֹה לֶךְ.

בֹּא  peut avoir le même sens que לֶךְ mais généralement בֹּא  signifie viens

לָבֹּא  signifie « viens » mais aussi « aller », c’est un peu littéraire, mais c’est employé.

 

« Il n’est pas dit לֶךְ maisבֹּא , parce qu’on ne quitte pas Dieu lorsque Dieu se révèle, puisque le verset dit que « la terre entière est pleine de Sa gloire ». (Il cite un verset où le mot de בֹּא  a le même sens) Cela veut dire que Dieu est aussi chez Pharaon ».

 

Dieu appelle Moïse de chez le Pharaon et lui dit « Viens chez Pharaon ». Etant donné l’universalité de la Présence de Dieu dans le Monde alors il y a Dieu prisonnier du Pharaon. Et c’est Dieu prisonnier du Pharaon qui demande à Moïse de venir le délivrer.

 

Cela se rattache dans l’enseignement des ‘Hassidim, au Psaume qu’on lit dans les 10 jours de pénitence : מִמַּעֲמַקִּים קְרָאתִיךָ יְהוָה   des profondeurs je T’appelle הַשֵּׁם, que les chrétiens nomment De profundis. Le Pshat du verset : « celui qui prie est dans les profondeurs, et des profondeurs où il se trouve il appelle Dieu... »

 

Les חָסִידִים lisent autrement : « ´ה מִמַּעֲמַקִּים קְרָאתִיךָ  » Celui qui prie dit « Je t’appelle Toi qui est dans les profondeurs pour T’en faire sortir... »

 

On voit l’importance de cette lecture aussi pour les expressions familières :

« N’agis pas pour nous mais agis pour Toi », « J’espère en Ton salut » cela ne veut pas seulement dire le salut que Tu me donneras, mais Ton salut à Toi...

 

Nous avons ici un exemple : il y a des étincelles de sainteté dans l’Egypte, qui est la civilisation du temps, et qu’il faut délivrer. Il y a une parole censée délivrer un message. Il y a un message qu’il faut délivrer car il est prisonnier, et Israël est chargé de délivrer ce message. Alors ce message appelle Israël pour lui demander de le délivrer.

 

Je vous rattache cela à un enseignement de la Haggadah de Pessah :

La Mishna qui dit qu’Israël est descendu en Egypte « vayéréde mitsrayma anousse al pi hadibour » obligé par la parole. Quelle parole ? Le Pshat c’est la parole de Dieu à Abraham :

« Ils seront esclaves dans un pays qui ne leur appartient pas, il s’avérera que c’est l’Egypte, mais Je le délivrerai ».  

 

Dieu a indiqué que les circonstances ayant joué, Israël sera exilé et délivré. Il faut qu’Israël ait cette expérience גָלוּת - גֵאֻלָה pour pouvoir recevoir la תּוֹרָה. Parce que l’objet de la תּוֹרָה c’est l’achèvement de la libération d’Israël de l’Egypte. L’application de la תּוֹרָה c’est la réalisation de ce qui se passe depuis la sortie d’Egypte jusqu’au niveau messianique.     

On l’apprend dans la Parashah de מִּשְׁפָּטִים: L’esclave hébreu doit être libéré à la 7ème année. On l’amène devant la מְּזוּזָה et on lui perce l’oreille qui a entendu « Je t’ai délivré » et lui préfère être esclave. Il faut achever la תּוֹרָה de la sortie d’Egypte.  

 

Le Pshat de cette Mishna de la Haggadah de Pessah est très clair : puisque Dieu a promis à Abraham que dans des circonstances données sa descendance sera esclave en Egypte et sera délivrée, alors il faut que cela se passe. Et Jacob, nous dit le Midrash, aurait dû descendre enchaîné en Egypte s’il avait refusé. C’est pour la gloire de Jacob que Joseph a été envoyé à l’avance pour le recevoir comme un roi. Il fallait en tous les cas descendre en Egypte, pour délivrer cette étincelle de sainteté. Quel דִיּבּוּר ? Ce דִיּבּוּר, cette parole, qui doit être révélée par Moïse et qui n’arrive pas à être révélée par Moïse. 

 

Tant qu’Israël est asservi en Egypte, Moïse ne peut pas parler. Ce grand paradoxe que c’est à un homme qui ne peut pas parler auquel est confié par Dieu le rôle de porte-parole est énorme.

 

La réponse est que le message n’arrive pas à être délivré parce que la libération de cette sainteté n’est pas faite. Mais dès que la sortie d’Egypte est faite, alors le verset éclate : « Parle aux enfants d’Israël... Parles aux enfants d’Israël... » Et qui parle alors ? Moise !

 

Il y a d’autre dimension d’explication sur cet empêchement de parler de Moïse. La plus profonde à mon sens, qui vient de la קַבָּלָה, ce n’est pas parce qu’il ne savait pas quoi dire mais c’est qu’il avait trop à dire. Alors il ne peut pas dire. Il est le porte-parole de la vérité absolue : comment la dire à ceux qui ne la possèdent pas ?  Alors il est empêché de parler parce qu’il a trop à dire !

 

Il y a une autre explication qui est très importante:

Moïse n’a pas encore fini de décider entre Israël et l’Egypte. Il est encore dans cette mixité du Juif de diaspora. Nous savons que lorsque nous avons deux mères, l’une de sang et l’autre adoptive, en général on bégaye. Aliéné à deux cultures, cela bégaie…

Malraux je crois disait: « celui qui a deux cultures perd son âme. »

 

C’est effectivement le drame des Juifs de l’assimilation et de la double appartenance. Il y a une difficulté supplémentaire de l’existence. Consigne pour les עוֹלִים חַדַשִים français : tenter de se désintoxiquer de la culture française et ne pas l’oublier. Ne pas l’oublier parce que c’est une très grande culture, mais il faut vraiment s’en désintoxiquer parce que c’est une culture gréco-romaine d’inspiration spirituelle chrétienne qui n’est pas du tout la nôtre. D’autant plus que cela semble se référer au même livre et aux mêmes mots. Il y a là le drame de l’approximation. Il y a deux termes en français qui aident á comprendre ce dont il s’agit ici : La proximité et l’approximation. Le drame de ce qui est proche et qui n’est que proche c’est que c’est très loin. Cette proximité est approximation dangereuse. Au fond c’est ce qui est le plus proche sans être vraiment identique qui est dangereux. Celui qui est plus loin n’est pas dangereux. Quelqu’un de proche mais d’inexact c’est très dangereux.  

 

C’est ce qui se passe avec la culture occidentale. Les Juifs ont été fascinés par cette culture, surtout en particulier par Kant, le philosophe occidental qui a formulé la plus grande approximation occidentale du judaïsme. Et les Juifs ont été fascinés par la place importante accordée à la notion de devoir qui ressemble beaucoup à celle de מִצְוָה. Mais cela n’a rien à voir. Il faut savoir dépister Kant chez tous les philosophes juifs contemporains qui ont chacun leur « Kant-à-soi »...

 

Je dis cela pour l’avoir expérimenter par moi-même quand j’étais en Europe. Il y a une imprégnation biblique mais à la manière chrétienne. Le véhicule est tellement loin du véhicule hébraïque que cela a l’air d’être proche mais ce n’est qu’approximatif.  

Dès que la libération est faite, alors Moïse parle. La parole est délivrée, le message est délivré.

 

C’est indiqué dans la קַבָּלָה par le mot de פַּרְעֹה  qui est lu « רָע פֶּה» bouche mauvaise et le mot de פֶּסַח est lu « סַח  פֶּה » la bouche pure. Cela veut dire que Pessah a permis au message enfoui dans la gorge du Pharaon de pouvoir sortir d’une manière pure. C’est cela Vayéréd mitsrayma anousse al pi hadibour. La descente en Egypte obligée par la parole : La parole qui est chez le Pharaon dit à Moïse : « בֹּא אֶל-פַּרְעֹה»

 

Il y a là un enseignement important de l’universalité de la Providence. Et surtout le Talmud dit ceci : « Si tu vois l’idolâtre prier devant son idole, ne te moque pas de lui car c’est le vrai Dieu qu’il croit adorer, mais détruit l’idole ». C’est ainsi que l’histoire d’Israël a commencé avec Abraham.

 

Etudiant le Tanya après la guerre à Paris avec le Rav Schneerson, cousin du Rabbi de Loubavitch actuel, il disait : dans l’idole une étincelle de sainteté a été arrachée à l’unité divine. C’est pourquoi les mythes sont tellement vivants tant qu’ils sont vivants. Ce qui donne sa force au mythe c’est l’étincelle d’idéal vrai arrachée à l’unité des valeurs. Cela devient défiguré, cela devient une idole, mais à l’origine c’était dans l’unité des valeurs. C’est ce pluriel des idéaux duquel on détache et on privilégie un idéal sur les autres, et alors il devient une idole. Idéal-idole ont même origine étymologique latine. Il faut se méfier de ces idéaux privilégiés qui deviennent idolâtrie : par exemple mettre en évidence la grâce par rapport à la justice, ou la justice par rapport à la grâce. Toutes les civilisations qui ont privilégié l’une au détriment de l’autre se sont effondrées, il faut l’unité des valeurs.  

Il faut énormément de délicatesse et de pudeur pour parler de cela. Quelle est l’étincelle de sainteté derrière ces mythes et idoles païennes ? Il vaut mieux ne pas s‘en occuper et laisser cela aux spécialistes.

 

Je vous cite un autre enseignement qui montre à quel point cela a préoccupé les Rabbins :

Dans  la Parashah כִּי-תֵצֵא, l’épisode de la belle captive. Sous certaines conditions elle pouvait être prise pour femme : observer un deuil pendant un mois de sa famille d’origine, se raser les cheveux...etc. Après seulement  elle était permise une fois sa beauté et les passions sur le front disparues. En général, l’homme n’en voulait plus. S’il en voulait encore c’est que sa beauté intérieure se révélait cachée dans sa beauté extérieure...

 

Un des enseignements : וְעָשְׂתָה אֶת-צִפָּרְנֶיהָ  elle se fera les ongles.

 

Deux commentaires : soit elle se laissera pousser les ongles, soit elle se les coupera. Parce qu’il y a des civilisations où la mode de la beauté c’est les ongles longs et d’autres les ongles courts. Elle fera le contraire de la règle de beauté de sa civilisation pour s’enlaidir.

 

Un des commentaires dit : quand on a un enseignement de sagesse qui vient des Goyim, il faut lui faire les ongles. On lui fait les ongles et après on  peut s’en occuper. Il faut le kachériser pour pouvoir l’intégrer. 

 

Chapitre 12, verset 32 :

 

A la fin des 10 plaies, quelque chose que Pharaon dit à Israël et qui est assez difficile à comprendre

C’est le récit dans la תּוֹרָה qui suit les 1ères מִצוֹת données à Israël, concernant le calendrier.  

Quand en fin de compte le Pharaon va donner le feu vert à Israël, c’est le récit qui suit dans ce chapitre les premières מִצוֹת concernant le calendrier et le sacrifice de Pessah, Moïse applique une stratégie. C’est important pour comprendre la stratégie du peuple juif à travers l’histoire des civilisations : Moïse réclame le droit au culte particulier des Hébreux dans le désert. Il réclame le droit d’aller dans le désert rendre un culte au Dieu d’Israël. Pharaon accepte pour les hommes uniquement. Moïse refuse et exige les hommes, les femmes et les enfants. Pharaon accepte: Prenez uniquement les bêtes utiles aux sacrifices mais laisser vos troupeaux ici. Moïse répond : non seulement on prendra tous nos troupeaux plus ceux que tu vas nous donner...

 

En fin de compte lorsque Pharaon se décide : …

בֹּא  12:32

גַּם-צֹאנְכֶם גַּם-בְּקַרְכֶם קְחוּ כַּאֲשֶׁר דִּבַּרְתֶּם וָלֵכוּ; וּבֵרַכְתֶּם, גַּם-אֹתִי

Prenez vos ovins et bovins comme vous l’avez demandé Et vous me bénirez moi aussi.

 

Ce וּבֵרַכְתֶּם, גַּם-אֹתִי  est difficile.

 

Rashi : וּבֵרַכְתֶּם גַּם אוֹתִי

הִתְפַּלְּלוּ עָלַי שֶׁלֹּא אָמוּת שֶׁאֲנִי בְּכוֹר

Prenez-les, comme vous avez parlé et allez, vous me bénirez aussi Priez pour que je ne meure pas, car je suis un premier-né (Mekhilta).

Il donne l’opinion de la plupart des commentateurs que j’ai lus. Je ne les ai pas lu tous par définition, et chaque année je me pose chaque fois la même question. Il me reste un résidu à expliquer que les commentateurs n’expliquent pas. 

 

« Prier pour moi que je ne meure pas, puisque je suis 1er né » 

C’est au moment de la mort des premiers-nés. Pharaon prend peur… D’une manière plus ou moins analogue, l’ensemble des commentateurs disent la même chose. 

Pour ce commentaire-là il y a le fait que le véhicule de la תְּפִלָּה, la prière, c’est les בְּרָכוֹת : on reconnait Dieu comme source des bénédictions et donc ce qu’on lui demande dans la prière ce sont des bénédictions, car on reconnait qu’Il en est la source. 

 

Un jour on étudiera le texte des בְּרָכוֹת שְׁמוֹנֶה עֶשְׂרֵה. La question est : pourquoi prier à travers des bénédictions ? La prière de demande est une demande de bénédiction, et alors les prophètes nous ont révélé que Dieu est Celui qui donne telle et telle bénédiction. Nous le savons, alors nous demandons à Dieu : « Toi qui est celui qui donne telle bénédiction, je manque de cette bénédiction, alors donne-moi cette bénédiction »...etc.

 

La bénédiction fondamentale qui est demandée, toutes les autres sont de dimensions inférieures, c’est la connaissance. 

La 1ère chose demandée dans le שְׁמוֹנֶה עֶשְׂרֵה [il y a 12 demandes dans le  שְׁמוֹנֶה עֶשְׂרֵהqui sont treize et qui correspondent aux 12 tribus qui sont 13] c’est la demande de la connaissance. אַתָּה חוֹנֵן לְאָדָם דַּֽעַת (4ème Brakhah ): Nous savons que Tu donnes דַּֽעַת la connaissance à l’homme. Alors donne-nous…

 

Je vous donne rapidement l’ordre des trois בְּרָכוֹת: S’il connaissance alors la faute c’est la faute. Par conséquent, la 2ème demande est celle d’être capable du repentir- תּשוּבָה. Car la connaissance entraine que la faute c’est la faute ! Donc il faut le repentir pour rédimer la faute. Après le repentir on demande le pardon. 

Il y a une cohérence dans le déroulement de ce qui est demandé. C’est 4 groupes de 3 demandes ...etc. 

Cela va dans le sens de ce qu’on lit là.

Le Pharaon demande la bénédiction : וּבֵרַכְתֶּם, גַּם-אֹתִי  

Rashi : « priez pour moi ! »

Cela reste difficile. Même avec cette explication que je viens de vous donner, cela ne devrait pas être formulé comme cela.

 

Je reviens sur un point : On s’adresse à la source des bénédictions en disant « בָּרוּךְ אַתָּה יְיָ » qu’on traduit faussement par « Loué sois-Tu », car les traducteurs se sont trouvés devant l’impossibilité de dire « Bénis sois-Tu ». Qui en effet peut bénir Dieu ? On prend acte que personne ne peut Le bénir et qu’il faut le reconnaître comme Source des bénédictions.

בָּרוּךְ אַתָּה יְיָ  = c’est Toi qui est le Béni pas Essence donc c’est toi qui peut bénir.

C’est un participe passé passif, mais d’essence. Ce n’est pas un adjectif.

 

De la même manière pour הוּא בָּרוּךְ הָקָדוֹשׁ. Le קָדוֹשׁ qui est lui même le קָדוֹשׁ בָּרוּךְ.

קָדוֹשׁ cela veut dire loin de moi : la perfection de la sainteté absolue.

בָּרוּךְ, Celui qui donne la bénédiction, qui est près de moi.

En termes philosophiques : transcendance et immanence. C’est la transcendance qui est l’immanence.

Et dans cet ordre-là: Celui qui a créé le monde qui est providence : הוּא בָּרוּךְ הָקָדוֹשׁ : le קָדוֹשׁ c’est Lui qui est le בָּרוּךְ. Rien à voir avec la traduction de « Saint Bénit Soit-Il ». Il faut se désintoxiquer de ces traductions françaises.

 

Je vous donne ici une hypothèse de lecture, je n’ai pas de source :

וּבֵרַכְתֶּם, גַּם-אֹתִי    Et vous me bénirez moi aussi.

 

Cela va beaucoup plus loin : Quand vous reconnaîtrez Dieu comme source des bénédictions vous m’ajouterez avec lui.

Vous me bénirez moi aussi : il se met comme shoutaf de הוּא בָּרוּךְ הָקָדוֹשׁ!

Quand vous bénirez votre Dieu, bénissez-moi avec...

Je m’étonne de n’avoir jamais trouvé cette explication parce que cela me semble être le Pshat direct. J’ai l’impression que les commentateurs ont été gênés d’expliquer cela comme ça parce qu’ils vivaient dans des ambiances de civilisations où précisément les croyants croyaient en un médiateur.  

Déjà dans la Guémara, au début de l’apparition du christianisme, un enseignement qui ne s’explique que de cette manière : l’interdiction de répéter dans la liturgie un certain nombre de mot :

Celui qui ditיִשְׂרָאֵל   שְׁמַע deux fois de suite ...etc.

 

Un de mes maitres, le Rav Epstein, un des fondateurs du Goush Letsion d’ailleurs, a expliqué cela comme cela. C’est à cause des premiers ‘Hazani qui étaient christianisant :יִשְׂרָאֵל   שְׁמַע au nom du père, etיִשְׂרָאֵל   שְׁמַע au nom du fils… Répéter deux fois « nous te reconnaissons comme Dieu »

Indique les deux intentions du dualisme chrétien pour le père et pour le fils...

 

D’ailleurs, les critères de schisme dans la communauté juive passent toujours par la prière. Il faut écouter attentivement comme la synagogue prie. Pour l’état d’Israël ou pas ? Je n’ai rien dit mais c’est cela le problème, le schisme risque de passer par là un jour.

 

וּבֵרַכְתֶּם, גַּם-אֹתִי   Et vous me bénirez moi aussi.  

Signifie qu’il y a une influence du Pharaon qui va accompagner Israël qui va sortir d’Egypte. Après la sortie d’Egypte, il faut se débarrasser de cette emprise du Pharaon sur Israël. Ce וּבֵרַכְתֶּם, גַּם-אֹתִי  nous accompagne jusqu’à la fin des temps. Il faut achever la génération de l’Egypte. Je vous donne une indication.

 

2nde Mishna de la Haggadah de Pessah :  

עֲבָדִים הָיִינוּ לְפַרְעֹה בְּמִצְרָיִם

Nous avons été esclaves de Pharaon en Egypte, et si Dieu ne nous avait pas délivré d’Egypte nous serions encore nous nos enfants et nos petits enfants asservis au Pharaon en Egypte ...  

Il y a quelque chose de difficile dans la Mishna qui va dans ce même sens: nous étions asservis au Pharaon en Egypte et Dieu nous a délivrés de l’Egypte mais pas complètement du Pharaon. Et s’il ne nous avait pas délivré, nous serions encore asservi au Pharaon en Egypte, maintenant nous sommes asservis au Pharaon en dehors de l’Egypte…

 

Dans la קַבָּלָה, le parallèle entre les destinées du corps qui vient de la poussière et qui y retourne et le corps matrice des passions et des tendances de l’envie, du mal, et du הַרַע יֵצֶר alors que l’âme elle est déjà libérée de cela en elle-même, et donc nous sommes le résultat de l’union de l’âme et du corps, et il nous faut nous délivrer de ce que représente l’aliénation au corps.

 

Or, le mot de פַּרְעֹה possède les mêmes lettres que עָפָר la poussière.

 

Israël a été enfanté par l’Egypte du Pharaon, un peu comme l’homme est créé à partir de la poussière, et doit être libéré de cette aliénation à la poussière. Il y a alors une aliénation qui continue, même une fois libéré, on ne peut l’être complètement. Tant qu’on est présent en ce monde-ci, on est encore attaché à la poussière. Et par conséquent, bien que libéré d’Egypte, on est encore handicapé le עָפָר de פַּרְעֹה...  

 

L’Egypte de Pharaon a été la civilisation la plus Afar, la plus « poussiéreuse » de l’histoire : elle est le modèle de ce dont il faut être sauvé : l’aliénation à la matière.  

 

Il y a eu de grandes civilisations qu’Israël a traversées, elles sont enfouies dans la poussière. Mais maintenant c’est la civilisation égyptienne qui est le modèle de ce dont il faut être libéré. La תּוֹרָה a choisi d’être révélée à Israël à la sortie d’Egypte, et non pas à la sortie de Babel, ni à la sortie d’Athènes, ni à la sortie de Rome, mais à la sortie de l’Egypte du Pharaon !    

Il y a une dignité de cette civilisation qui a mérité qu’on parle d’elle tellement dans la תּוֹרָה. Une civilisation approximative mais proche : on en a sauvé ce qu’il y avait de sauvable : la קְדוּשָׁה enfouie en Egypte en sortant d’Egypte. Ce ne sont pas les Égyptiens qui ont le שׁוּלחָן עָרוּך égyptien entre les mains, c’est nous ! Cela va jusque-là.

 

De la même façon les Hébreux ont sauvé la sainteté de Babel avec la famille d’Abraham, la sainteté de la Grèce avec les Maccabi. Et on est en train de sauver la sainteté de l’Occident contemporain avec Israël contemporain.

 

Vous allez me dire tout de suite : « Quoi ! L’occident va disparaître ? »  Et alors ? Ce n’est pas notre problème !  (Rires).

 

Ceci dit il faut effectivement sauver ces valeurs occidentales et les mettre à l’abri.

Si vous avez des cousins qui s’occupent encore de ramasser des saintetés françaises, envoyez-leur un télégramme : ça urge ! 

Dans les premières émissions de « la source de vie » de Josy Eisenberg, il m’avait demandé de faire l’émission de Pessah. Depuis j’ai disparu de l’écran. Cela se passait dans les salles du Louvres. J’étais embêté parce que c’est plein de statues et c’est interdit. Alors j’ai demandé à mon rabbin qui m’a dit : « c’est une מִצְוָה vas-y quand même mais ferme les yeux !» (Rires).

Pour arriver dans les salles égyptiennes, il fallait passer dans les salles grecques. Et c’est beau, l’esthétique grecque et les canons de la beauté.etc. Mais quand je suis rentré dans les salles égyptiennes j’ai eu u choc car la beauté grecque est morte à côté de la beauté des statues égyptiennes : la vie prise dans la pierre. Alors que les statues grecques c’est la mort emprise dans la pierre. Les statues grecques ont les yeux vides et morts alors que les statues égyptiennes c’est tout à fait autre chose.

 

Alors, je me suis rendu compte de plusieurs choses à la fois : la force des Hébreux en Egypte d’avoir résisté á une civilisation pareille. On a un peu de dérision vis-à-vis des primitifs d’Abou Simbel, mais en réalité c’est une civilisation colossale. Il y avait derrière une vie spirituelle bien que païenne : la sagesse d’une civilisation de la matière. Quelque chose de fort, d’abyssal ! C’est le choc que j’ai eu. Corolairement, c’est le mérite de nos ancêtres en Egypte. C’est cette emprise de l’Egypte sur Israël sorti d’Egypte qu’on n’a pas fini d’évacuer.

 

C’est ce que le ‘Hassidisme explique et la קַבָּלָה en parle de manière très profonde, c’est qu’à l’échelle individuelle nous vivons cela : nous sommes sortis d’Egypte en accédant à la vie de la נְשָׁמָה mais cette Egypte nous tire par les pieds du corps, le « עָפָר ». Ce n’est qu’au moment vraiment de la délivrance de ce monde-ci qu’on est délivré de cette Egypte. Ce que je veux dire c’est que la vie corporelle, c’était cela la sagesse de la civilisation égyptienne. La vie biologique incarnée par la sagesse égyptienne au plus haut niveau...

 

Chez les חָבֶרִים de la ‘Hevrat Qadishah :

Un rituel où l’on lit le verset

« Et Moïse est monté vers Elohim et הַשֵּׁם l’a appelé du haut de la montagne... »

C’est dire que c’est au moment de la fin de la vie qu’on a le Sinaï.

Beaucoup de Midrashim expliquent cela qu’au Sinaï la נְשָׁמָהavait quittée le corps pour des Hébreux pour pouvoir recevoir la תּוֹרָה. C’est ce qui se passe au Sinaï. La mort ce n’est pas terrible, au contraire ! La preuve : c’est que personne n’en est revenu ! En tout cas ceux qui sont vraiment revenus ne nous le dirons jamais. 

Pour la tradition de la תּוֹרָה ce n’est pas la mort qui fait peur, c’est le jugement. La mort au contraire est une délivrance.

 

Retour au sujet :

וּבֵרַכְתֶּם, גַּם-אֹתִי   

Voilà pour ce verset mais je n’ai jamais trouvé de source à ce que je viens d’expliquer.

     

***

Par manque de temps, je vous dis l’essentiel de ce que je voulais vous dire.

 

2ème thème d’étude :

 

בֹּא  12 :1

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן, בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם לֵאמֹר

L'Éternel parla à Moïse et à Aaron, dans le pays d'Égypte, pour dire...

 

Là va commencer la révélation de la תּוֹרָה comme livre des מִצוֹת données à Israël

Il ya eu quelques מִצוֹת précédemment depuis הָרִאשׁוֹן אָדָם, Noah, les Patriarches... mais c’est à l’échelle individuelle, et elles ne reprendront force de loi qu’à partir du Sinaï lorsqu’Israël est constitué en peuple à la sortie d’Egypte. Et il était alors nécessaire d’avoir une préface historique depuis le début de בְּרֵאשִׁית בָּרָא אֱלֹהִים. C’est la question que pose Rashi dans son 1er commentaire.  

Si la תּוֹרָה avait commencé à ce 1er verset de Bo 12:1, alors il fallait se demander qui est הַשֵּׁם ? Qui sont Moïse et Aaron ? et que font il dans le pays d’Egypte ? Quel est ce peuple auquel Il s’adresse... ? Pour tout cela, il était nécessaire à postériori que la תּוֹרָה comme livre des מִצוֹת ait une préface historique qui commence à בְּרֵאשִׁית. תּוֹרָה

 

La question que pose Rashi :

Il était nécessaire de commencer la תּוֹרָה par ce 1er verset de Parashah בֹּא, pourquoi alors la תּוֹרָה commence t’elle au commencement ? Rashi donne sa réponse à lui. Mais par rapport à cette question  c’est obligatoire qu’il y ait une préface historique, sinon ce n’est pas clair.  

Il y a donc 2 volets dans la תּוֹרָה :

 

  • l’histoire d’Israël depuis la création du monde jusqu’à la sortie d’Egypte.

 

  • les מִצוֹת de la תּוֹרָה.

 

L’étonnement porte sur le fait que cette מִצְוָה semble ne s’adresser qu’à Moïse et Aaron.

 

בֹּא  12 :1-3

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן, בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם לֵאמֹר

L'Éternel parla à Moïse et à Aaron, dans le pays d'Égypte, pour dire...

 

הַחֹדֶשׁ הַזֶּה לָכֶם, רֹאשׁ חֳדָשִׁים:  רִאשׁוֹן הוּא לָכֶם, לְחָדְשֵׁי הַשָּׁנָה

Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois; il sera pour vous le premier des mois de l'année

 

Et ensuite seulement :

  

דַּבְּרוּ אֶל-כָּל-עֲדַת יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר בֶּעָשֹׂר לַחֹדֶשׁ הַזֶּה  וְיִקְחוּ לָהֶם אִישׁ שֶׂה לְבֵית-אָבֹת--שֶׂה לַבָּיִת

 « Parlez à toute l’assemblée en disant :

Le 10ème du mois vous commencerez à préparer le sacrifice de Pessa’h ».  

Les מִצוֹת de Pessah sont introduite par une מִצְוָה qui semble apparemment être adressée uniquement à Moïse et Aaron.

 

Deux questions se posent là :

 

1-   Pourquoi la מִצְוָה est-elle apparemment adressée uniquement à Moïse et Aaron ?

2-   Quel rapport entre la structure du calendrier et le sacrifice de Pessah ?

 

Ce calendrier, à partir de la sortie d’Egypte, commence par Nissan et non plus par Tishri comme cela l’était au temps des patriarches, Tishri qui était le premier mois devient le 7ème mois.

 

-     Le temps des אֲבוֹת, les patriarches, est dans l’histoire universelle, c’est l’année universelle qui commence à Tishri.

 

-     L’année où les événements de l’humanité toute entière s’inscrivent, c’est l’année qui commence à Tishri. Mais l’année propre à l’histoire d’Israël commence à Nissan.  

 

Quel rapport entre la structure du calendrier et le sacrifice de Pessah ?

Pourquoi lier ces deux événements ? Cette loi de la structure du calendrier ne pouvait-elle être donnée avec les autres lois au Sinaï ?

Pourquoi les lier ? Les מִצוֹת du sacrifice de Pessah sont données à la sortie d’Egypte, on comprend bien qu’elles soient données en Egypte. On n’aura pas le temps de traiter cette question.

  

1-     Pourquoi la מִצְוָהs’adresse essentiellement à Moïse et Aaron ?

 

Rashi :

וַיֹּאמֶר ה' אֶל מֹשֶׁה וְאֶל אַהֲרֹן

בִּשְׁבִיל שֶׁאַהֲרֹן עָשָׂה וְטָרַח בַּמּוֹפְתִים כְּמֹשֶׁה חָלַק לוֹ כָּבוֹד זֶה בְּמִצְוָה רִאשׁוֹנָה שֶׁכָּלְלוֹ עִם מֹשֶׁה בַּדִּבּוּר

הַשֵּׁם dit à Moshé et à Aaron 

Etant donné que Aaron avait travaillé durement, tout comme Moshé, à l’accomplissement des miracles, הַשֵּׁם lui rend ici hommage, au moment de proclamer la première de toutes les מִצוֹת, en l’associant à Moshe au moment où Il va l’annoncer.

 

Parce que Aaron a agit et peiné dans les miracles de la sortie d’Egypte, il a partagé avec lui cet honneur dès la 1ère מִצְוָה que la תּוֹרָה a impliqué Aaron avec Moïse dans la révélation des commandements.

 

Derrière ce Rashi, il y a une littérature énorme. Je vais mettre en évidence la question essentielle :

La תּוֹרָה a été révélée simultanément à Moïse et Aaron. Et cela commence dés le début. Pourquoi la connait-on sous le nom מֹשֶׁה  תּוֹרָת et pas אַהֲרֹן תּוֹרָת? Pourquoi la tradition de la תּוֹרָה la rapporte-t-elle à Moïse et non pas à Aaron ?

 

Je vous en dis l’essentiel : La תּוֹרָה selon Moïse c’est la תּוֹרָה du הָעוֹלָם תִּקּוּן alors que la תּוֹרָה selon Aaron c’est la תּוֹרָה de la כַּפָּרָה.

 

Moïse donne la Loi. La Loi est celle du הָעוֹלָם תִּקּוּן: c’est-à-dire la restauration –la réparation du monde. Le monde est encore en état de trace à l’état de chaos, il faut achever de le réparer.

תִּקּוּן לְתַּקֵּן c’est la עֲשׂיָּה. – לַעֲשׂוֹת c’est לְתַּקֵּן. Ceux qui connaissent les commentaires savent que c’est toujours le sens. Chaque fois que le texte dit « faire » cela veut dire לְתַּקֵּן: faire jusqu’à l’achèvement de la mise au point-réparation-restauration...

 

Moïse donne la loi à Israël qui est chargé de mener le monde à son achèvement. «... אֲשֶׁר-בָּרָא אֱלֹהִים לַעֲשׂוֹת. … » Israël est chargé d’achever la sortie du chaos du monde par les Mitsvot. Cela s’étudie pendant 6 mois, mais vous voyez ce qu’est מֹשֶׁה  תּוֹרָת.

 

Les Midrashim mettent en évidence que chaque fois que Dieu révèle à Moïse une loi concernant la כַּפָּרָה, l’expiation des fautes dans le Temple, Moise ne comprend pas. Moïse, dit le Midrash, apprenait le jour et oubliait la nuit. Dieu lui dit alors : demande à Aaron qu’il t’explique.

 

C’est dire que la תּוֹרָה de Moïse n’est pas celle de l’expiation des fautes. La תּוֹרָה de Moïse c’est le métier d’homme. Dans ce métier d’homme surviennent des fautes de métiers. Alors on a besoin d’Aaron pour les réparer. C’est la même תּוֹרָה, mais dans la perspective de Moïse c’est le תִּקּוּן, et dans la perspective d’Aaron c’est la כַּפָּרָה.

 

Quand on voit une communauté occupée à la prière pour les morts et au וִדּוּי de la faute, à    90 % ce n’est déjà plus le judaïsme ou la תּוֹרָה de Moïse. Lorsque la תּוֹרָה de Moïse bascule sur la תּוֹרָה d’Aaron c’est déjà autre chose. Cela devient la religion de la mort, la religion de la faute...

 

Le problème c’est que lorsqu’il y a des fautes, il faut les réparer, d’où l’importance de Aaron. Mais ne passer son temps qu’à cela dévoile la culpabilité de vivre. La religion sert alors à faire la כַּפָּרָה de cette faute qui consiste à être en vie : c’est en plein le christianisme ! Le christianisme se repent d’exister. La faute c’est d’être ! C’est cela la religion de type כַּפָּרָה qui risque d’envahir les communautés juives.

Chez les réformés aux Etats-Unis ils ne connaissent que la prière des morts le jour de Kippour.

C’est la religion de type espagnole et surtout portugais : une religion noire de la mort qui consiste à expier. Expier le fait d’exister, on existe dans la chute. C'est-à-dire que la religion est un parachute…

 

Voilà le problème : On a besoin d’Aaron mais la תּוֹרָה c’est מֹשֶׁה תוֹרָת!

Cela veut dire que tant pour l’histoire nationale d’Israël qui va inaugurer un temps où la תּוֹרָה va achever la libération du monde, que pour la religion d’Israël - Aaron c’est le grand prêtre - on expie les fautes du métier d’hommes mais la faute prend ici un tout autre sens, c’est un raté du métier de l’homme que Dieu a créé pour achever Sa création...

 

חֵטְא de הָרִאשׁוֹן אָדָם, la faute n’a pas tout ce pathétique de la notion de « péché originelle » dont il faut être sauvé...etc. que les Israéliens ont retrouvé à la mort de Rabin et les Français à la mort de Mitterand. Cela m’a frappé c’était la même chose… Les fabricants de נְשָׁמָה נֶרוֹת ont fait leur affaire.

  

En hébreu חֵטְא signifie rater la cible.

Dès le début de l’histoire humaine, il y a des ratés. C’est pourquoi on court comme des dératés.

Alors qu’il faut marcher Halakha. Halikhah. Si on se met à courir, alors il y a חֵטְא …

 

L’humour du récit de la bible : dès que la vie commence il y a une faute. C’est tellement énorme que les Chrétiens manquent d’humour en prenant cela au sérieux, que vivre c’est être en faute !

Cet incident de la faute du 1er homme est très grave. Il signifie repousser la souveraineté de Dieu. Une faute c’est faire « comme moi je veux » et non « comme Il le veut ». Mais c’est le fonctionnement de la vie qui fait qu’il ya ces ratés-là.

 

Il y a un Midrash de la קַבָּלָה :

Chaque fois que quelqu’un meurt Adam vient auprès du chevet de l’agonisant pour lui dire : « mon fils, ma fille, c’est pour ta faute que tu meurs et non pas pour la mienne, que ce soit clair ! »  

 

D’autant plus que l’on sait que Adam s’est repenti, et après lui il y a Abraham, et le Roi David... qui ont rédimé et effacé. Nous on attend le דָוִד  בֵּן מַשִיחַ, celui qui doit faire la כַּפָּרָה du meurtre d’Abel par Caïn. דָוִד  בֵּן שְׁלֹמֹה qui est  l’homme de la Paix. Alors qu’eux attendent encore le מַשִיחַ de la 1ère faute. La faute de הָרִאשׁוֹן אָדָם le 1er homme mais David a déjà arrangé cela à l’échelle du כְּלָל יִשְׂרָאֵל...    

  

Le mot de חַיִם commence par la lettre ח

Dès que la vie commence c’est le חֵטְא que je n’ai pas voulu et que la vie entraine.

Le חֵטְא que j’ai voulu s’appelle autrement : פֶּשָׁע, חָטָא, ce sont d’autres catégories, mais la faute de הָרִאשׁוֹן אָדָם c’est חֵטְא, un incident.

 

Mais dans le mythe chrétien cela devient la culpabilité d’exister. Chez les Protestants c’est beaucoup plus affirmé que chez les Catholiques.

Il y a là une religiosité qui n’a rien à voir avec la תּוֹרָה et quand cela envahit la conscience juive c’est grave…

 

 

 

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