Paracha de la semaine

Bamidbar : le dénombrement

Au désert Notre parasha débute avec l’ordre de Dieu à Moshé, notre maître, de dénombrer le peuple, Bémidbar (1, 2-3) : « Le Seigneur parla à Moshé, dans le désert de Sinaï, dans la Tente d’assignation, le premier jour du second mois de la deuxième année après leur sortie du pays d’Égypte, pour dire : “Faites le relevé de toute la communauté des enfants d’Israël, selon leurs familles et leurs maisons paternelles, bémispar shémot במספר שמות selon ‘le nombre des noms’, c’est-à-dire au moyen d’un recensement nominal de tous les mâles, comptés par tête. Depuis l’âge de vingt ans et au-delà, tous les Israélites aptes au service militaire, vous les classerez en fonction de leurs légions, toi et Aharon. Vous vous adjoindrez un homme par tribu, un homme qui soit chef de sa famille paternelle.” ». Le quatrième Livre de la Torah commence par le terme « Bemidbar », au désert. Pourquoi notre Seigneur a choisi de parler dans le désert ? Parce que le désert est un lieu neutre qui n’est à personne et que la Voix divine ne peut s’adresser qu’à tous ensemble, elle ne peut se faire entendre collectivement que dans un lieu ouvert à tous. Le désert dépasse les frontières, il est ouvert aux quatre points cardinaux et tous peuvent s’y rencontrer ; il n’y a rien, et pourtant, tout peut s’y passer. Selon le Talmud Shabat 96b, le désert ainsi que la mer ne peuvent être définis par des barrières ou des limites précises comme, au contraire, d’une part, la cour privée d’une résidence, le jardin privé d’un groupe d’immeubles, ou, d’autre part, le lieu-dit public qui n’appartient qu’à l’ensemble de la communauté ou du village, de la ville intra-muros. Cela est important de définir les limites des propriétés privées et des lieux publics pour pouvoir passer d’un endroit à l’autre des objets que l’on porterait le Shabat, par exemple, une fois une délimitation construite pour les deux par le ‘Érouv ; ou d’interdire cette possibilité permise en absence d’Érouv. Les Sages dénomment le désert et la mer du terme de Carmélite car ils n’ont pas de limites supérieures alors qu’un endroit de moins de 4×4 téfa’him (1 téfa’h = entre 8 et 9,6 cm, donc 4×4 tefa’him = entre 1,024 et 1,474 m2) est défini comme un lieu vacant  פטורpatour. La signification du mot carmélite ne vient pas du Mont Carmel mais de l’araméen et signifie ‘comme une veuve’ ou ‘une femme qui n’est pas vierge mais n’est pas mariée’ (Rabi Ovadia de Bartenoura, Shabat XI, 1). Ainsi, le lieu-dit Carmélite n’est ni un lieu privé ni un lieu public, mais un non-lieu, un lieu isolé ou un lieu de désolation, un lieu où tout homme quel qu’il soit peut s’y rendre et déambuler librement. Par extrapolation, tant que le peuple d’Israël au désert n’a pas reçu la parole de Dieu au Sinaï, il est en désolation, isolé comme une femme non mariée, mais qui ne peut se marier à quiconque d’autre sinon à son Dieu. Et pour pouvoir se marier, il faut recenser le peuple d’Israël car Dieu ne peut «  »se marier » » qu’avec une collectivité au nombre minimum de personnes, en quantité et en qualité. L’assemblée des enfants d’Israël, édah עדה, doit atteindre un seuil minimum de personnes, en quantité et en qualité, pour être digne d’être le véhicule de la Présence divine, d’accueillir la révélation de Dieu. Ce recensement octroie une importance particulière à la quantité : les corps sont dénombrés mais ce sont les âmes qui sont nommées, במספר שמות bémispar shémot, par le nombre des noms. Chacun pris individuellement ne participe à la collectivité que par le compte de son nombre mais chacun aussi, selon son génie propre et sa fonction dans la collectivité, représente une identité irremplaçable et personnelle par son nom. Les deux, ensemble, son nombre et son nom, représentent son essence, sa fonction en ce monde. Alors que l’on aurait pu croire que la sainteté naturelle est uniquement spirituelle, voilà qu’elle a donc besoin d’une quantité optimale de personnes pour s’effectuer ! C’est ainsi que le peuple d’Israël ne doit pas descendre au-dessous du nombre de six cent mille âmes, – comme défini dans la Torah : ces âmes sont au service du divin, – sous peine de voir fondre, sur lui et le monde, des catastrophes. De nos jours, nous avons dépassé le seuil des six millions de Juifs qui participent au fait national juif en Israël, et l’Histoire semble s’accélérer selon le projet divin, sans aucune mesure avec le vécu auparavant. Les prophètes, les Sages de toutes les générations auraient voulu être de notre temps pour diagnostiquer l’intensité de la Shékhina revenue de son exil. Cependant, la majorité des Juifs trouve bon de se maintenir, contre toute logique, en ‘houts laarets, en dehors de la terre…sur la Lune ? Pour accueillir la Torah, chaque homme doit aussi, tout comme les Hébreux sortant d’Egypte, aller se mesurer au désert, seul, devenir désert lui-même, abandonner ses présupposées, ses tabous et ses mythes, déserter ses anciennes croyances, remédier sa souillure par accumulation des fautes en faisant tabula rasa, rechercher son lui-même, faire l’expérience de la nouvelle liberté et des crises du désespoir spirituel. La Torah et l’humanité Au désert, tous peuvent recevoir la Torah. Le Midrash Mékhilta Yitro raconte que la Torah fut proposée au préalable aux soixante-dix nations du monde qui en acceptèrent toutes le principe mais chacune la rejeta à cause d’une seule de ses lois qui ne convenait pas à son caractère intrinsèque. Les nations du monde n’y sont donc pas tout à fait étrangères et ne peuvent donc pas se soustraire aux jugements de ses lois : « Shemot XIX, 1-2 : « Et ils campèrent במדבר bemidbar, au désert ». La Torah fut donnée publiquement, en un lieu sans maître. Si elle avait été donnée en terre d’Israël, Israël eût pu dire aux nations de la terre : « Vous n’avez point de part en elle ». C’est pourquoi elle fut donnée publiquement, en un lieu sans maître, de sorte que, celui qui la veut, peut la prendre. Mais pensez-vous qu’elle

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A’harei mot – Kedoshim : l’amour, toujours

Obéir à Dieu est la clé de voûte de toute réussite car c’est la preuve de l’authenticité à notre identité profonde. Mais pour obéir totalement il faut aimer absolument. Or, l’application de la plus importante exigence adressée à l’homme porte sur tous ses actes et a pour objet la sainteté, Vayiqra XIX, 2 : « Vous serez saints, car Saint Je suis, Hashem votre Dieu ». De quelle manière ? En obéissant aux lois de la Torah qui embrassent tous les domaines de la vie, et surtout les relations humaines, allant du particulier au général, des rapports de l’homme avec sa femme, avec sa famille, avec les faibles et ceux qui ont besoin de lui, avec l’étranger, avec ceux qu’il hait et ceux qui l’oppriment, jusques aux rapports avec son Créateur. Tous les recoins de la vie sont explorés par la Torah et l’homme est instruit de ses devoirs, jusqu’à la plus grande des exigences qui concerne les relations de l’homme avec son prochain où elle atteint son point culminant, Vayiqra XIX, 18 : « Ne te venge ni ne garde rancune aux enfants de ton peuple, et tu aimeras ton prochain comme toi-même, Je suis Hashem, le Seigneur ». Dans le Talmud Babli Shabat 31a  et le Talmud de Yéroushalayim Nédarim 9, 44, Rabi Aqiva dit que cette mitsva est une généralité qui englobe toute la vie : « Et tu aimeras ton prochain comme toi-même : c’est un principe grand dans la Torah ». Pourquoi est-ce un grand principe plus que tout autre ? Car tous ces amours ne sont que les vecteurs du grand amour pour notre Créateur. Le Rav Ashlag dit que l’amour pour Dieu est la plaque tournante de tous les autres commandements de la Torah. Au rond-point, à la bifurcation de toutes les directives de la Torah, se trouve l’amour pour Dieu. Comment L’aimer ? Totalement ! Devarim VI, 5 : « Tu aimeras Hashem ton Dieu, ואהבת את ד’ אלהיך véahavta et Hashem Élohékha », absolument, directement, sans aucun intermédiaire. Quand tu aimes, c’est uniquement Hashem ton Dieu que tu aimes, sans transition. Comment ? « בכל לבבך ובכל נפשך ובכל מאדך, bekhol levavékha, ouvekhol nafshékha ouvekhol méodékha, de tout ton cœur, de toute ta personne et de tout ton pouvoir ». La formulation de la mitsvah d’amour pour Dieu est transitive : lorsque tu aimes, c’est qu’il s’agit, en vérité absolue, de l’amour pour Dieu. Pour la mitsva de l’amour du prochain nous avons la formule ואהבת לרעך כמוך véahavta léréakha kamokha, tu aimeras (pour) ton prochain comme toi-même. Ce que le latin rend par le datif. Autrement dit : tu aimeras Hashem ton Dieu pour ton prochain comme toi-même. Le prochain est un relais vers Dieu mais le sujet de l’amour est, et ne peut être, que Hashem ton Dieu, sinon il y a idolâtrie. Le danger d’idolâtrie disparaît quand on insiste sur le principe de réciprocité (Rav Yéhouda Askénazi, leçon orale sur la liberté). L’amour doit être mutuel sinon il y a dérive. Il est donc suicidaire d’accorder à nos ennemis un altruisme illimité, sans réciprocité, alors qu’ils ne se sentent pas étrangers chez nous mais réclament en être les propriétaires exclusifs et, de plus, d’étendre notre débordement d’amour pour Dieu élargi à autrui, pour eux, sans retour. Ces étrangers parmi nous ne se reconnaissent pas comme tels mais prétendent usurper notre pays, notre identité et reprennent à leur crédit nos droits sans les devoirs. Ils enseignent la haine et réclament pour eux notre amour, au nom de notre Torah, au nom de notre Dieu. C’est suicidaire si nous nous entêtons d’aimer de bonne foi l’ennemi qui veut notre mort. L’éthique de l’amour doit être authentifiée par l’éthique de réciprocité (Rav Yéhouda Askénazi, KM p. 244). L’amour est fondé sur la compréhension de la nature intrinsèque de l’autre en tant que créature spécifique du Créateur, le Pélé Yo’ets dit : « Le principal de l’amour, c’est l’amour de la personne ». Par amour absolu, notre Créateur a créé Sa créature. Nos Sages l’indiquent par un raisonnement analogique : notre profession de foi est le Shéma’ Israël, Écoute Israël, Hashem notre Dieu, Hashem Un, et de suite, dans le Rituel des prières : Et tu aimeras Hashem ton Dieu. Les mots un é’had אחד et amour ahavah אהבה sont de même équivalence numérique 13 et les deux ensemble sont 26 qui est l’équivalence du Nom du Seigneur, Shem Havaya, de quatre lettres, le Tétragramme. Partout, tu trouves l’amour pour Dieu, du fétu de paille au grand vide intergalactique. L’amour du prochain La formule « tu aimeras (pour) ton prochain comme toi-même » est surprenante aussi bien dans son fond que dans sa forme. Pour ce qui est du fond, nos Sages ont jugé le fondement immuable selon lequel « l’homme n’a rien de plus proche que lui-même », et Rabi Aqiva confirme le sentiment le plus profond de l’être humain en le légiférant : « Ta vie passe avant celle de ton prochain ». Car la Loi peut-elle vraiment nous demander d’aimer chacun également, de le considérer comme un autre soi-même et non en considération de ses actes ? Rashbam restreint cette exigence : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même, s’il agit dans le bien et s’il est bon, comme toi, mais s’il est hors-la-loi et se conduit de façon dévoyée, alors Mishelei VIII, 13 dit : “Craindre le Seigneur, c’est haïr le mal ; l’orgueil et l’arrogance, le chemin du malfaiteur, la bouche perverse, voilà ce que Je déteste” ». La mitsva reste d’aimer son prochain mais de détester ses actes dévoyés. D’autant plus que le verset emploie le terme ré’a  רעprochain qui est général, s’appliquant à tout homme, et aussi les noa’hides. Les noa’hides sont des prochains de sensibilité biblique et sont astreints aux sept lois noa’hides élargies à trente lois comportementales par le Talmud ‘Houlin 92a. Le Sage ‘Oula insiste sur le fait que ces lois noa’hides doivent aussi être respectées par les Juifs et relèvent d’une morale universelle à l’indice de l’identité humaine de ressemblance divine. Cet enseignement universaliste prône qu’il n’existe aucune contradiction entre le fait de la présence d’étrangers parmi nous qui obéissent aux lois divines et l’élection du peuple juif. C’est parce

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