Chemot

Vaéra : l’élection irréversible d’Israël

Israël, sujet de la délivrance     Shémot, VI, 7 : « Je vous prendrai pour Moi pour peuple, et Je serai pour vous Dieu ». Par ses expressions mutuelles de dévouement li, pour Moi et lakhem, pour vous, ce verset indique le mariage de Dieu avec Son peuple pour réaliser le projet messianique. D’emblée, par amour, Dieu nous prend pour peuple sans tenir compte de la justesse de nos actes, sans avoir mérité, quel que soit notre niveau de moralité, et seulement ensuite, Il deviendra notre Seigneur, nous serons ce peuple qui est Sien : « Et vous saurez que c’est Moi, Hashem votre Dieu, qui vous fais sortir des tribulations de l’Égypte ». Notre peuple est érigé en cette dimension d’excellence liée à la liberté du klal Israël, à la collectivité d’Israël, et, par la suite, nous reconnaîtrons Dieu.     C’est ainsi qu’un nouvel aspect fondamental de la stratégie providentielle est dévoilé dans l’aventure de l’âme du peuple d’Israël. La directive divine, cherchant à faire aboutir la Création vers son accomplissement, s’exprime essentiellement à travers le devenir collectif de ce peuple mis à part. À travers le devenir collectif du peuple des Enfants d’Israël, la Providence agit dans l’histoire. Elle accompagne Israël à travers l’histoire, partout où il se trouve (Talmud Méguila 29a).     Par ailleurs, notre verset a la même balance relationnelle de mutualité que celui de Shémot, XXV, 8, où la collectivité du peuple mis à part est le sujet de l’attention divine particulière, tout au long de l’histoire : « Ils Me construiront un sanctuaire et Je résiderai au milieu d’eux ». Le choix d’Israël comme peuple du Seigneur est une donnée cardinale du prophétisme biblique, Bemidbar, XI, 29, Moshé, notre maître, s’exclame : « Ah ! Plût au Ciel que tout le peuple du Seigneur ne se composât que de prophètes ». Ce choix et cette élection dépassent la volonté humaine. La libre décision et la bonne volonté d’un groupe d’hommes sont contraintes par une volonté supérieure imposée d’En Haut. Au niveau de l’individu, elle peut se refuser, comme Yishma’el et ‘Essav l’ont refusée. L’individu juif peut tout faire, tout au moins dans une certaine limite, pour ignorer ou effacer sa qualité de juif, l’expliquer comme bon lui semble : antisémitisme, religion étriquée au culte suranné, morale caduque, contingences accidentelles, pressions socio-culturelles, économiques, philosophiques, théologiques, assimilation galopante, persécutions, circonstances atténuantes, complaisance matérielle. Mais en tant que collectivité, le peuple juif restera toujours le peuple juif, même si sa quête d’identité véritable le contraint à une mutation d’identité pour accéder à l’être du peuple du Seigneur, Shmouel II, VI, 21 : « David répondit à Mikhal : “C’est devant le Seigneur, qui m’a élu, de préférence à ton père (Shaoul, le roi) et à tous les siens, en m’instituant prince du peuple du Seigneur, prince d’Israël, c’est devant le Seigneur que j’ai dansé et que je danserai encore” ». Sans cette contrainte imposée au peuple juif, le projet divin pourrait capoter puisque sa réalisation dépendrait dès lors du bon vouloir des hommes mais cette contrainte métahistorique se révèle dans son insertion à la destinée d’Israël, espérance du monde, puisée aux sources vivantes de la réalité prophétique (Rav Docteur Avraham Livni, Le retour d’Israël et l’espérance du monde). Le choix du Roi     Ma belle-mère Myriam Ben’hamou, que Dieu lui prête longue vie ! m’a fait comprendre ce qu’était le choix du Roi. Après la naissance de mes enfants en Érets Israël, elle s’est écriée : c’est le choix du Roi ! En effet, être géniteur du peuple d’Israël en Érets Israël est le choix voulu par le Roi, Maître de l’univers. Rabi Yéhouda Halévy dans son Kozari écrit que le fondement de la foi juive est la présence dans l’histoire du peuple des enfants d’Israël, dont la vertu spécifique, סגולת ישראל, ségoulat Israël, est la force de sainteté secrètement cachée dans sa nature profonde, par la volonté du Seigneur. Israël représente cette dimension de la Création qui ne peut échouer, parce qu’elle est, dès le début, mise à part, ce qui la distingue des autres peuples. Israël est la part acquise de Dieu, consacrée au Seigneur, Yirméyahou, II, 3 : « Israël est sainteté pour le Seigneur, les prémices de Sa récolte. Tous ceux qui en font leur nourriture seront condamnés, il leur arrivera malheur, dit le Seigneur ». Pourquoi Israël a été choisi ? Parce que c’est le choix de Dieu.     L’élection d’Israël est le choix dans son absolu de perfection, voulue par notre Seigneur dans Sa totale liberté, élection éternelle, immuable, indéfectible, irréversible, comme la Création du monde est irréversible, Talmud Qidoushin 36a : « Devarim, XIV, 1 : “Vous êtes les enfants du Seigneur, votre Dieu” : Rabi Yéhouda enseigne : lorsque vous vous comportez comme des enfants véritables, vous êtes appelés enfants du Seigneur, en revanche, lorsque vous vous comportez autrement, vous n’êtes pas appelés enfants du Seigneur. Mais Rabi Méir enseigne : que vous le vouliez ou non, que vous vous comportiez comme des enfants véritables ou non, vous êtes les enfants du Seigneur, car le prophète Hoshé’a, II, 1, dit : “Ils seront dénommés les Fils du Dieu vivant” ». Fils de Dieu vivant une fois, fils de Dieu vivant toujours, cela n’est pas interchangeable et ne peut être différé. Ce qui est absolument contraire au principe fondamental de la théologie chrétienne : Israël ayant fauté, il ne peut plus s’appeler Israël. Oui, la première partie de l’axiome est vraie : nous avons fauté et nous avons été punis par la destruction de notre premier et de notre deuxième Temple, nous avons failli et nous reconnaissons nos fautes mais la deuxième partie est fausse : nous restons toujours Israël, à jamais à proximité de Dieu et non une pâle approximation (Rav Shlomo Aviner, Les vertus d’Israël, Itourei Yéroushalayim 121, p.4). La vertu spécifique d’Israël     Le Maharal l’exprime ainsi, Nétsa’h Israël, XI : « Le Seigneur, Béni est-Il, a choisi Israël pour lui-même, indépendamment de ses bonnes actions. De sorte qu’il est impossible de déclarer que cette élection serait effective à condition qu’il accomplisse Sa volonté, et qu’elle serait caduque s’il lui désobéit. Car il est écrit (Yirméyahou, XXXI, 32 ; Yé’hezqiel, XXXVII, 27) d’abord : “Je serai

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Vayakel – Pékoudei : Moshé, le rassembleur et le sauveur

Le but du rassemblement général      Shémot XXXV, 1-3 : « Vayaqhel Moshé, Moshé convoqua toute l’assemblée des enfants d’Israël et leur dit : “Voici les choses que le Seigneur a ordonné d’observer. Pendant six jours on travaillera, mais au septième vous aurez une solennité sainte, une cessation d’agir absolue en l’honneur du Seigneur ; quiconque travaillera en ce jour sera mis à mort. Vous ne ferez point de feu dans aucune de vos demeures en ce jour de repos” ».     Rashi commente : « Moshé rassembla : Cela se passe au lendemain du jour des Kipourim, lorsque Moshé descendit de la montagne. La forme du verbe est un hif’il (un factitif : il les fit se rassembler). Il n’a pas rassemblé les hommes de ses propres mains, mais ils se rassemblent d’eux-mêmes par sa parole. Et sa traduction araméenne : il les réunit ». Le jour des Kipourim est le premier 10 Tishri de l’histoire où les deuxièmes Tables de la Loi furent données à Moshé, après la faute dite du Veau d’Or et l’expiation, en tant que signe de pardon de la faute et de la réconciliation définitive de Dieu. Le lendemain de ce jour, Moshé réunit toute l’assemblée des enfants d’Israël par la force de sa parole fédératrice qui réalise le trait d’union des hommes entre eux.     Moshé détient le rôle de sauveur parce qu’il intercède auprès de Dieu pour plaider la cause d’Israël. Les versets lui attribuent, de même, la fonction de rassembleur de la communauté par sa parole fédératrice. Moshé, notre maître, est habilité comme celui grâce à qui Dieu révèle la Loi à Israël et en tant que porte-parole de la Torah, il est le sauveur et le rassembleur des enfants d’Israël.   Le jour du Shabat apparaît ici, une fois de plus, comme lien indissociable et indéfectible entre Dieu et Israël. C’est son observance absolue que Dieu exige au moment où Il accorde Son retour dans le camp des hommes. Le Livre du Zohar Vayaqhel enseigne : « Pourquoi Moshé rassembla-t-il toute la communauté ? Pour lui donner le Shabat. Avant d’avoir fait le Veau d’Or, Israël avait déjà reçu le Shabat, mais comme les étrangers parmi eux n’avaient pas observé la sainteté de ce jour, ils finirent par en détourner Israël. Après la mort de ces intrus, Moshé rassembla de nouveau la communauté d’Israël pour lui ordonner d’observer le Shabat, de ne pas travailler en ce jour et de ne pas allumer de feu dans ses demeures ». D’une part, la faute du Veau d’Or n’a pas annulé l’obligation d’observer le Shabat, d’autre part, les lois essentielles relatives au Shabat précèdent, en priorité, à celles de la construction du Tabernacle, afin de souligner que la sainteté du Shabat doit être observée même durant l’exécution des travaux du sanctuaire (Talmud Yéroushalmi Shabat 87, 9). Ce qui fait que le principe de cessation intentionnelle d’activité le jour du Shabat prédomine le principe de l’activité des travaux en jours de semaine pour construire le Tabernacle.      Le rassemblement général a pour but d’effacer la faute du Veau d’Or dont l’érection a été le désir du magma humain, «  »le peuple » » que Moshé a fait sortir Israël, qui « s’attroupa autour d’Aharon ». Et nous savons que la Téshouva, la repentance, doit être effectuée dans les mêmes conditions que la transgression. La profanation ayant été publique, sa réparation exige un rassemblement général, avec cette différence que la première fois, il s’agit surtout des intrus, et actuellement de toute la communauté d’Israël. C’est pourquoi, lors de la confection du Veau d’Or, ils sont désignés par l’expression ‘le peuple’, tandis qu’ici, le verset précise ‘toute la communauté des enfants d’Israël’, pour signifier que la responsabilité des actes lors du séjour au désert est vécue par tous les présents.      Mais Moshé, l’homme de la transcendance absolue, le porte-parole de la ‘sagesse supérieure’, est responsable en quoi que ce soit de cette faute car c’est lui le chef. Dieu est vérité absolue et Sa Loi est vérité absolue. Moshé est l’homme par qui la faute commise accuse vraiment la transgression, menant à sa perdition le pécheur irrémédiablement, selon la stricte rigueur de la Loi. Moshé prend l’initiative de mettre en congé la vérité absolue pour sauver le peuple. En brisant « les premières tables écrites du doigt du Seigneur », Moshé sauva toute la communauté des enfants d’Israël car il mit ainsi la Loi de vérité absolue entre parenthèses, afin de suspendre la punition immédiate et la relativiser.   Sagesse supérieure et sagesse inférieure      Voici un enseignement, à la parasha Shla’h le’ha, du Shné Lou’hot Habrith (Les Deux Tables de l’Alliance du saint Rabi Yésha’yahou Horowitz ben Avraham Halévi, connu par son sigle Hashlah haqadosh, 1567-1630, talmudiste, moraliste et qabaliste, Rav de Prague après le Maharal, il s’installe en Erets Israël où il devient le chef de la communauté ashkénaze. Sa sépulture se trouve à Tibériade à côté de celle du Rambam) :     Lorsque Dieu voulut créer le monde, il conçut, à l’intérieur de Sa réflexion intime au début, l’acte final, « סוף מעשה במחשבה תחילה sof ma’assé bema’hshava té’hila, l’acte en son terme est dans la pensée au début », selon la maxime du Rav Shlomo Alqabets, dans son piyout Lekha Dodi, chanté à la prière du vendredi soir du Shabat. Au début, Dieu crée les cieux et la terre ; Béréshit, au début, est traduit par le Yéroushalmi : par la sagesse. Donc, Béréshit : Par la sagesse, Dieu créa les cieux et la terre. La pensée de Dieu s’appelle ‘le début’, c’est-à-dire ‘la sagesse’, il s’agit de la ‘sagesse supérieure חכמה עליונה’ dont Moshé, notre maître, est le porte-parole. À ce titre, Moshé a obtenu la fonction de rassembleur, selon la parole dictée par la ‘sagesse d’en haut’ חכמה עילאה, ‘hokhma ‘ilaa, en araméen. Shlomo, le roi, a écrit Qohélet, L’Ecclésiate, qui signifie, par le biais de la traduction du grec : le rassembleur de la communauté, de la même racine קהל que le premier mot  ויקהלde notre parasha Vayaqhel, il rassembla. Shlomo, le roi, signe la fin de l’acte

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Ki tissa : Faire le Shabat

« Ne manquez pas d’observer Mes Shabats »      L’institution du Shabat est fondée par d’innombrables raisons et comporte des aspects multiples. Ce sujet d’une exceptionnelle richesse renferme des mondes d’idées et d’aspirations, de commémorations et d’actualisations dans le présent. La prescription d’observer « Mes Shabats » est renouvelée à maintes reprises et fait l’objet, de la part de nos Prophètes de la Bible des Hébreux, d’appels répétés sans cesse au peuple récalcitrant et réfractaire, jusqu’à nos jours. Dans notre parasha, l’observance du Shabat est mentionnée deux fois. Une première fois avant la faute dite du Veau d’Or au trente et unième chapitre, verset douze à dix-sept ; elle est réitérée après le Veau d’Or au trente quatrième chapitre, verset vingt et un.    Le Shabat occupe une place significative dans les Dix Commandements du Décalogue puisqu’il suit immédiatement les trois premiers commandements relatifs au Seigneur, notre Dieu, Lui-même, et à Son Nom. Place de choix de la première révélation religieuse solennelle, le Shabat est en quatrième position parmi les Dix Commandements, avant même l’obligation d’honorer et de respecter ses parents. Sur les deux Tables de la Loi « gravées par le doigt de Dieu », le Shabat fait face à l’interdiction de porter un faux témoignage contre son prochain. Ce qui nous rappelle le fil conducteur depuis le début de la Création : la recherche en fraternité impeccable, sans compromission, aussi bien devant la police que devant les tribunaux et à plus forte raison pour les juges eux-mêmes ainsi que pour toute la judicature.    À l’échelle de la société israélienne, tout se passe comme si le manquement à l’interdiction du faux témoignage contre son prochain découle du non-respect du Shabat. La transgression du Shabat porte atteinte foncièrement à la lucidité des juges contemporains, au plus haut niveau, et les témoins faux dansent la carmagnole, vive le son, vive le son, vive le son de la fausse information. Situation dégradante qui transpire à l’international hors de nos frontières et grève notre position face aux nations ainsi qu’à nos frères encore en diaspora.    De plus, sur les Dix Paroles de la Révélation des commandements au Sinaï, sept sont inaugurés par la négation « lo, ne pas ». Seules la première « Je suis le Seigneur…», la quatrième « Souviens-toi du Shabat…» et la cinquième « Honore ton père et ta mère…» sont positives. De plus encore, particularité remarquable en hébreu, le mot Shabat שבת est un nom féminin et masculin qui se conjugue au féminin et masculin. Le ou la Shabat est donc un principe positif d’envergure cosmique qui réconcilie le féminin-masculin, liant le principe féminin au principe masculin, ce couple qui régit le monde tout entier. La prescription du Shabat apparaît en tête des commandements fondamentaux de la morale hébreue, et fonde, par ailleurs, le jour du repos dans la morale universelle. Shabat, d’ordre cosmique    Le Shabat est motivé par des considérations de l’ordre de la religion universaliste, – la messianité hébraïque, – religion d’Israël qui n’est que la religion de la moralité et sa moralité n’est autre que la moralité de la religion, considérée comme la moralité de la Loi, Shemot XX, 2-17 : « Souviens-toi du jour du Shabat, pour le sanctifier. Tu travailleras durant six jours, et t’occuperas de toutes tes affaires. Mais le septième jour est le jour de trêve consacré par le Seigneur, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ton fils, ta fille, ton serviteur mâle ou femelle, ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes murs. Car en six jours, le Seigneur a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qu’ils renferment, et Il s’est reposé le septième jour : C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du Shabat et l’a sanctifié ». Pour la génération de la sortie d’Égypte, la motivation du Shabat est d’ordre cosmique, elle se trouve dans la création du monde.    Nous avons là une reprise de ce qui a été dit à la fin du récit du commencement de la Création par les Dix Paroles (Béréshit II, 1-3) où le Shabat apparaît comme son achèvement et sa finalité, son couronnement. Shabat est le signe (ot) אות que le monde a un Créateur et qui exprime le grand principe fondateur de la moralité hébreue, celui de la création, que le monde est créé, et qu’il n’a donc jamais été éternel, – qu’il n’est pas éternel, – par essence.    En d’autres termes, la création est celle du mouvement et de l’action, inséparables de leur corollaire : la cessation d’activité intentionnelle le jour du Shabat. Il devient donc évident que le principe de cessation intentionnelle d’activité propre au jour du Shabat n’est pas contredit par la notion de renouvellement perpétuel de l’œuvre des Dix Paroles de la création à partir du commencement. Il s’agit là en effet d’une différence dans l’ordre de la valeur et non d’une interruption de la réalité par un arbitraire «  »repos » » de notre Créateur qui n’en a nul besoin et qui annoncerait la disparition de l’œuvre des Dix Paroles.    C’est tout au contraire au terme de l’œuvre des Dix Paroles, aux six jours du commencement de la Création, que s’éclaire par la lumière du Shabat, en son temps, la finalité de cette œuvre, lors de l’engagement par Israël du respect des lois du Shabat. Dès le Shabat des Dix Paroles s’annonce la lumière intense des Dix Commandements révélés à l’évènement du Sinaï, dont les Dix Paroles du commencement de la Création apparaissent dès lors comme leur véhicule et leur support, Bemidbar Raba, 14, 11 : « Les Dix Commandements sont le monde intérieur des Dix Paroles ». Shabat, jour de l’espérance des hébreux    Par là-même, l’œuvre des Dix Paroles du commencement est définie comme contenant par rapport à un contenu, un récipient périphérique par rapport aux valeurs de l’intériorité. C’est le cercle par rapport à la droite, c’est-à-dire les lois impersonnelles de la nature soumises aux lois personnelles de la

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Bechallah : la générosité partout

«  Israël, révélateur de la générosité     Shémot, XIV, 19 – 21 : « Le messager de Dieu, qui marchait en avant du camp d’Israël, passa derrière eux : la colonne nébuleuse cessa d’être à leur tête et se fixa en arrière. Elle passa ainsi entre le camp égyptien et celui d’Israël : pour les uns il y eut nuée et ténèbres, pour les autres la nuit fut éclairée ; et, de toute la nuit, les uns ne s’approchèrent point des autres. Moshé étendit sa main sur la mer, et le Seigneur fit reculer la mer, toute la nuit, par un vent d’est impétueux, et Il mit la mer à sec, et les eaux furent fendues ».     La générosité de Dieu pour Israël est sans limite : au top moment, nuit noire pour les Égyptiens, et nuit éclairée pour les Hébreux. Par ces trois versets, la Torah définit la générosité par excellence. Il s’agit du fondement de la grâce du Nom du Seigneur. L’Unité des valeurs englobe d’un lien indéfectible les médiations de grâce et de rigueur, ensemble, au plus haut sommet imperceptible (Rav Kook, Lettres, III, 207).Dans le lashon haqodesh, la langue de sainteté de la Torah, ces versets se suivent et sont composés chacun de soixante-douze lettres, ce qui est exceptionnel. Pour comprendre cette extrême générosité de la part du Seigneur qui intervient dans l’histoire humaine, nos Sages du Zohar, et à leur suite, entre autres, Rabi Avraham Ibn ‘Ezra, dans son commentaire, indiquent que l’équivalence numérique de חסד générosité, est de 72. Ce n’est donc pas fortuit si ces trois versets se suivent car ils conjuguent le grand Nom du Seigneur, Hashem hamefourash, par lequel arrivent, d’un seul tenant, la défaite des égyptiens idolâtres avec le triomphe des Hébreux qui suivent le projet du Créateur, jusqu’à ce qu’il aboutisse forcément. La première générosité     Selon Rashi, la première générosité en faveur d’Israël fut, dans le premier verset, d’intercaler le messager de Dieu entre Israël et les chars égyptiens qui les visaient avec leurs flèches et leur jetaient des pierres. Or l’expression jeter des pierres nous rappelle la sanction par la lapidation d’une personne qui aurait fauté par idolâtrie, ou qui aurait transgressé le Shabat en public, ou qui aurait outrepassé les lois sexuelles. Car les Hébreux sortis d’Égypte avaient atteint le dernier degré supportable d’idolâtrie. Rashi commente que le verset emploie le Nom de Dieu Élohim sous son attribut de rigueur, et donc qu’ils étaient en train d’être jugés au ciel, pour être délivrés ou pour être perdus. À chaque étape de notre histoire, une délibération de justice céleste nous accompagne car il y a confrontation entre la liberté humaine et les valeurs.     La clause de chacune des dix plaies avait été remplie : « Laisse sortir mon peuple, sinon tu seras frappé…», et elles avaient déjà toutes eu lieu. Mais si Dieu, dans sa directive de Justice rigoureuse, permet le fait que les Égyptiens les poursuivent, c’est qu’Israël appartenait encore à la clause d’exil égyptien, Shémot, XIV, 10 : « Et le Pharaon s’approcha, et les Enfants d’Israël levèrent les yeux, et voici : l’Égypte était à leur poursuite, et ils eurent très peur ; et les enfants d’Israël crièrent vers le Seigneur ». Rashi commente la raison de leur peur : « Ils ont vu le prince céleste de l’Égypte venir du ciel pour aider l’Égypte ». Chaque nation possède un ange tutélaire, un mentor céleste qui plaide pour elle au Tribunal céleste. Or, en stricte justice, l’Égypte avait déjà payé le prix de son oppression exagérée sur Israël par les dix plaies. Les Hébreux, levant leurs yeux au loin, virent dans le ciel le שר sar l’ange préposé à la défense égyptienne accourir à l’aide de l’Égypte terrestre et dire au tribunal céleste : ceux-là sont idolâtres mais ceux-ci aussi.     Le Maharal, dans Guevourot Hashem, suggère qu’il y aurait une onzième plaie, encore plus grande que les dix premières, selon les miracles décrits dans la Hagada de Pessa’h qui multipliera l’importance des plaies qui eurent lieu sur la mer. Les épreuves de la sortie d’Égypte ne devaient s’achever qu’après le passage de la Mer de Jonc et non à la fin des dix plaies. L’épreuve de l’armée égyptienne lancée à leur poursuite faisait aussi partie du plan d’endurcissement de Pharaon. Deux expériences de salut devaient en effet être vécues par le monde en général et par Israël en particulier, pour témoigner de l’existence d’une Providence, au-delà des conditionnements naturels les plus contraignants.     La générosité divine devait se déployer par deux directives cumulatives. D’une part qu’elle pouvait délivrer de l’oppression humaine par la sortie d’Égypte, et ce premier évènement est commémoré au soir du Seder de Pessa’h. D’autre part, que le déterminisme des lois naturelles pouvait être brisé pour réaliser Sa volonté et sauver Israël, et ce dernier évènement est commémoré la nuit du septième jour de Pessa’h shevi’i shel Pessa’h. L’une et l’autre fondent la foi d’Israël : le Créateur de la nature déterminée dans ses lois causales depuis le début, est Lui-même le Sauveur, intervenant par individuation dans l’histoire, en tordant les lois qui organisent le lien causal. Tant que dure la nuit, l’un ne peut s’approcher de l’autre, mais lorsque la nuit de l’exil cessera avec la décrépitude des hors-la-loi, au grand bénéfice d’Israël, le lien causal entre les deux directives divines sera rétabli dans l’Unité originelle (Rav Kook, Medaber Shor, 355).Or, si l’on ne pouvait s’échapper de cette société égyptienne, totalitaire et concentrationnaire, la sortie d’Égypte a bien eu lieu. Des camps de la mort nazis, non plus, nul ne pouvait s’échapper, et pourtant !… La deuxième générosité     La deuxième élévation de générosité fut vécue au second verset : les ténèbres s’appesantirent sur les Égyptiens alors que la lumière régnait chez les Hébreux. Il fallait qu’ils sachent que la protection divine leur était déployée, afin que la foi d’Israël soit fondée en leur Libérateur. Au petit matin, ils

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Bo : la maîtrise du temps et de l’espace

«  Israël, libérateur du temps     Shémot, XII, 1 et 2 : « Et Hashem parla à Moshé et à Aharon, au pays d’Égypte, en ces termes : “Ce mois-ci sera pour vous le commencement des mois ; il sera pour vous le premier des mois de l’année” ». Ce commandement du premier des mois de l’année est la première loi constitutionnelle de la Torah considérée comme ensemble des mitsvot de la loi de Moshé, en tant que législation ordonnée à la collectivité du peuple d’Israël. Depuis la sortie d’Égypte, à la naissance du collectif social du peuple des enfants d’Israël, la Torah donne des lois révélées à la génération d’Israël dirigée par Moshé jusqu’à l’entrée au pays de Cana’an. La Torah s’était présentée d’emblée comme un récit historique qui débute par la création du monde jusqu’à l’évènement de la sortie d’Égypte, avec, pour charnière, cette prescription du rosh ‘hodesh, la tête du mois qui se rapporte au respect extrêmement particulier de la néoménie, le renouveau de la lune. À partir du récit de la traversée au désert, la Torah pourrait être considérée comme uniquement un code d’ordre purement législatif, les lois révélées proprement dites étant alors insérées au fur et à mesure, où sont rassemblés les innombrables éléments qui fondent la vie quotidienne du collectif d’Israël,.     Nous aurions pu croire que la Torah est scindée en deux ensembles radicalement différents ; d’une part, un récit historique et, d’autre part, un code de lois morales et spirituelles à accomplir dans le temps et l’espace. Si la Torah n’avait prôné qu’une orthopraxie de l’accomplissement des règles de fidélité pour acquérir le mérite des actes, nul besoin alors d’une si longue introduction historique depuis la création du monde jusqu’à notre verset. Mais avec cette prescription du renouvellement de la lune, la Torah indique qu’avec le mérite des actes, Israël doit acquérir le mérite d’être sur la base du mérite des actes.     De nouveau, la Torah nous intime ici sa conception d’unité du monde : le récit événementiel de l’histoire est intimement lié aux lois de Moshé, notre maître. L’édification de l’étage supérieur du peuple d’Israël en tant que collectif social s’est bâtie sur l’édification spirituelle d’individus exceptionnels que furent nos patriarches. La réussite du collectif Israël, si complexe à faire aboutir, est fondée auparavant sur la réussite de l’individu. Cependant, obtenir de notre Seigneur le mérite d’accomplir des actes dépend étroitement d’un mérite d’être en potentiel, imprégné auparavant dans l’âme du peuple. Rav Yéhouda Léon Askénazi affirme que le « mérite d’actes » est d’abord révélateur du « mérite d’être ». La prescription d’une application pratique de la Torah ne peut être émise que pour ceux qui ont la capacité, en leur âme profonde, par leur nature spécifique, d’en assumer la pleine application : « Tout ce qui était occulté, évanescent comme une essence, – devient dès lors réalité bourgeonnante, apparition, naissance à l’existence. Ce qui n’était qu’en puissance בכוח, bekoa’h, émerge à l’histoire des réalités בפועל, bepo’al ».     Depuis le commencement de la Création et à l’époque des patriarches, notre Seigneur fixait les mois et déterminait les années embolismiques selon le début du temps de l’année universelle à Tishri, avec pour référence la création du monde. À partir du moment où Israël accède à son être collectif, le Créateur se décharge de ce pouvoir pour le transmettre aux Enfants d’Israël, avec pour point d’appui la sortie d’Égypte et Pessa’h. Au 1er Nissan, le temps devient celui du commencement de l’année de commémoration des évènements constitutifs de l’histoire de la collectivité hébreue : « Jusqu’à aujourd’hui, c’est Moi qui calculais les dates des néoménies et des fêtes, désormais ce sera vous » (Midrash Tan’houma). Cela est absolument inattendu, une véritable révolution qui bouleverse la scène de l’histoire.     Le fait même que Dieu se défasse, de façon si urgente, de la prérogative de maîtriser le temps pour la confier à un peuple rudimentaire et fruste, non encore préparé à cette perfection de déterminer sa destinée historique, est un enjeu très grave. Car jusqu’au temps de Moshé, l’humanité n’a pas fourni la preuve qu’elle était capable de fidélité et de perfection par rapport aux valeurs morales telles que Dieu les a projetées. Les sept mitsvot noa’hides, le respect de la volonté divine avec pour corollaire le respect de la vie et du monde, le nerf sciatique, la circoncision n’ont finalement été respectés que par une poignée d’individus. L’histoire du monde en général est celle de l’idolâtrie, de la faute, de ceux qui ont oublié de se souvenir qu’ils avaient un Créateur. C’est alors qu’apparaît une société, les Hébreux fraîchement sortis d’Égypte en toute hâte, et Dieu lui confie la responsabilité de la prérogative d’avoir à définir le déroulement du temps. Dieu accorde au collectif d’Israël un degré de sainteté particulièrement élevé, et c’est le peuple qui, armé de cette qualité intrinsèque qui fait sa spécificité, assure la capacité de sanctifier le temps, prérogative exceptionnelle dans l’histoire et la culture des civilisations.     Le Talmud Bérakhot, 49a, l’indique clairement : c’est Israël qui sanctifie le temps. Notre Seigneur sanctifie Shabat et Israël qui, lui, sanctifie les temps, selon la bénédiction du qidoush qui introduit cérémonieusement nos Shabatot et nos fêtes. Israël devient le seul peuple à dominer le temps, de lui imposer une dimension spirituelle qui est celle de la sainteté et d’opérer la différenciation du profane et du saint. La trame du temps hébreu est tissée entre des points mis à part : le Shabat, les jours de fêtes et les jours de commémoration que le peuple juif impose dans son calendrier spécifique, tel que le Jour de l’Indépendance qui marque le retour d’Israël, collectif et individuel, sur sa terre de prédilection. Il n’est pas de plus authentiques retrouvailles que celles du temps hébreu qui figure sur notre carte d’identité israélienne et de découvrir enfin le vrai jour de sa naissance selon le calendrier instauré par nos Sages depuis le Sanhédrin.    

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