Emmanuel Moreno z.l. Ce nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant : Emmanuel Moreno était considéré comme étant le meilleur soldat de Tsahal. Né en France, sa famille a fait l’alyah lorsqu’il avait un an. Il a été tué lors de la seconde guerre du Liban, il y a quinze ans exactement. Il était officier dans le célèbre commando d’élite Sayeret Matkal et remplissait les missions les plus dangereuses derrière les lignes ennemies avec un courage physique et psychique inégalé. Brillant aussi dans ses études, il avait appris l’arabe qu’il parlait couramment. Ses nombreux exploits sont toujours tenus secrets et même son visage nous reste inconnu puisqu’aucune photo de lui ne peut être publiée, même après sa mort, parce que ses missions sont toujours classées secret défense et cela risquerait de mettre en danger d’autres personnes impliquées.
Je devine que certains d’entre vous ne vont pas résister à la tentation de chercher sur Google. Sachez que la photo que vous trouverez n’est pas celle d’Emmanuel Moreno mais celle du premier ministre Naftali Bennet qui l’a bien connu lorsqu’il était à l’armée et qui parle souvent de lui avec émotion.
Certains ont comparé Emmanuel Moreno à Bar Kokhba, le grand combattant juif contre les romains, on n’en aurait depuis pas connu d’autres de ce niveau.
Des dizaines d’opérations de commando qu’il a menées, deux seulement ont été divulguées : on sait ainsi qu’il a enlevé le chef d’Amal, Mustafa Dirani, dans sa maison au Liban pour l’amener se faire juger en Israël.
Et malgré toutes ces qualités, tous ceux qui l’ont connu témoignent qu’il était particulièrement humble. J’avais d’abord écrit qu’il était « le plus humble de tous les hommes » mais j’ai corrigé car cette expression est traditionnellement réservée à Moise. Cela montre à quel point cette valeur d’humilité est centrale dans le peuple juif : le plus grand des prophètes et le plus grand des soldats d’Israël étaient aussi les plus humbles… On dit qu’en entrant dans une salle de cours ou dans un restaurant où se trouvait Emmanuel Moreno, on ne pouvait pas deviner qui il était, tant il se fondait parmi les autres, un simple homme parmi les autres qui ne faisait pas un grand cas du fait d’être un héros.
L’humilité n’est pas très à la mode (mais ne l’a-t-elle jamais été ?). Nous vivons le règne du selfi. Dans tous les pays les nouvelles idoles sont celles qui font du bruit et passent sur les plateaux TV, en particulier les « stars » des émissions de TV réalité. Sans parler de tous ces génies du clavier expliquant sur Facebook qu’ils savent mieux que les Professeurs qui ont consacré leur vie à la recherche.
J’ai rencontré le père d’Emmanuel, Ilan Moreno, et je lui ai fait part de mon admiration pour son fils. Je lui ai dit que cela fait du bien de savoir qu’il existe aussi des hommes d’exception comme Emmanuel Moreno – courageux, désintéressés et idéalistes. Surtout qu’en lisant la presse en Israël, on n’entend parler que de corruption, de petites magouilles ou de politique politicienne.
Ilan Moreno m’a répondu ceci : « Si tu prends un bus en Israël, n’importe quel bus, ne regarde pas les petites choses, tel jeune qui aurait bousculé sans demander pardon, ou bien telle dame qui parle fort au téléphone… Sache que la moitié des gens dans ce bus, qui sont des gens simples, sont peut-être des héros. Il y a ceux qui travaillent peut-être pour un service de renseignement et mettent leur vie en danger sans que personne ne le sache, il y a ces personnes âgées qui ont survécu à la Shoah en ayant vu leurs proches mourir devant eux, il y a des hommes qui ont traversé des déserts à pieds pour venir vivre ici, ceux qui ont été blessés dans des guerres ou des attentats, ceux qui ont quitté toutes leurs propriétés dans certains pays arabes et sont repartis à zéro, il y a ce jeune qui s’entraine tous les jours pour accomplir son rêve d’intégrer un jour une unité de combat, ceux qui travaillent dans deux ou trois postes pour nourrir leur famille et trouvent en plus le temps de faire du volontariat dans les hôpitaux… Il y a beaucoup plus d’héros au quotidien qu’on ne le croit. Parce qu’on ne les voit pas. »
Je pense souvent à cette leçon d’Ilan Moreno, je tenais à vous en faire part. Emmanuel Moreno z.l. a dû grandir avec ces valeurs familiales. Un peu plus d’humilité, un peu plus de bienveillance dans nos jugements des autres au quotidien.
Monsieur Michael Grynszpan