Dans le calendrier hébraïque il y a deux structures du temps qui s’entremêlent. L’année qui commence à Tichri et qui récapitule, les événements de l’histoire universelle, dont le principe est la création du monde, et celle qui commence à Nissan, qui est spécifique au calendrier des hébreux, et qui commémore les grands événements de l’histoire d’Israël dont le principe est la sortie d’Egypte.
Ces deux structures du temps d’Israël, convergent dans une journée particulière, celle de Hochana Raba qui fait à la fois partie du calendrier du mois de Tichri et de celui du mois de « Nissan.
« Hochana Raba » est intégré au temps de Nissan en tant qu’elle est le dernier jour de la fête de Souccot. Elle est également intégrée au temps de Tichri, puisqu’elle fait partie des fêtes de jugement et d’expiation, comme les fêtes de Roch Hachana et celle de Yom Kippour.
Le mois du Tichri a sa propre liturgie qui est celle des jours de jugement : Roch Hachana est le jour du jugement lui même. Yom Kippour est le jour d’expiation et de pardon, et Hochana Raba réalise l’achèvement des jours de jugement.
La Torah écrite appelle le jour de Roch Hachana, « Yom Hazikaron », le jour de la mémoire, alors que la Torah orale appelle ce jour « Yom Hadin », le jour du jugement.
Quel est le lien entre le jugement et la mémoire ? C’est tout simplement que nous sommes jugés par la mémoire. Lorsque nous sommes jugés par la mémoire, le jugement est impitoyable
A Roch Hachana le monde de l’homme passe en jugement. S’il y a un créateur au monde, alors il y a une mémoire, une mémoire totale, absolue, depuis la création du monde, et c’est cette mémoire qui est appelée à partir de Roch Hachana afin de pouvoir confronter ce qui a été fait avec l’idée que nous nous faisons du monde.
Le peuple hébreu est le seul peuple à avoir accepté la loi morale comme condition du salut. La condition de cette acceptation c’est la possibilité de la « Téchouva ».
La « Téchouva » peut-être envisagée à plusieurs niveaux : A un premier stade, au niveau individuel, c’est le retour à l’endroit où on avait dévié par rapport à la faute pour la recouvrir. A un niveau plus collectif, c’est le retour de la collectivité d’Israël et cela passe également par la terre d’Israël. Plus haut encore, les sages nous expliquent que les mondes sont en processus de « Téchouva », c’est-à-dire qu’il y a un mouvement de retour du monde à sa source.
Quoiqu’il en soit, si cette possibilité ne nous était pas offerte, cette loi serait invivable parce qu’à la moindre faute, nous serions perdus.
Pour pouvoir faire « Techouva » il faut donc pouvoir se souvenir.
Le jugement se fait à 3 niveaux (Rocha Hachana, Yom Kippour et Hochana Raba) parce qu’il y a trois dimensions au jugement.
Le Talmud nous enseigne que parallèlement au développement de la destinée de chaque personne un livre s’écrit. C’est le livre de notre vie. Le jour du jugement c’est la confrontation entre deux livres : le livre de notre vie et le livre de la loi, de la vérité.
Il y a trois sortes de livres qui s’écrivent dans la vie des hommes : Le livre des « Tsadikim », les justes, ils sont très rares. Le livre des « Bénonim », c’est à dire au milieu, moyens, et justes et mauvais à la fois. C’est le livre de la majorité d’entre nous. Chacun de nous est au milieu des valeurs du bien absolu et des valeurs du mal absolu. La vie de chacun, sauf des cas exceptionnels, c’est la vie d’un « Bénonim ». Enfin le livre des « Rachaim », des mauvais, ils sont également très peu nombreux.
Les justes sont traversés par le jugement le jour de Roch Hachana, par la « Midat Hadin », la valeur de la justice stricte. C’est la mesure du jugement la plus stricte, la plus rigoureuse. La confrontation entre le livre de chacun et le livre de vérité est stricte. Les justes sont capables d’être jugés par la vertu de justice.
Les « Bénonim », sont traversés par le jugement le jour de Kippour par la « Midat Harahamim », la valeur de miséricorde. Ils sont jugés par la vertu de miséricorde qui réalise l’unité entre la valeur de charité pure et celle de justice stricte.
À Hochana Raba la confrontation se fait au niveau des « Rachaim ». C’est un jugement pour les mauvais. C’est la « Midat Hahessed », la valeur de charité pure, qui juge, ainsi même ceux qui ne sont que mauvais, sont dans le cas de pouvoir être sauvés de ce jugement.
Manitou nous enseigne en se basant sur la tradition orale qu’un sursis supplémentaire nous est donné jusqu’à la fête de Hanouka.
Le juste, le moyen ou le mauvais sont jugés par rapport à la loi. Ce sont des consciences qui se mesurent par rapport à la loi. Les unes de façon positive, ce sont les justes. Les autres de façon approximatives, les « Bénonim », mais attention ce sont souvent des grands qui sont les « moyens ». Puis les cas exceptionnels du côté du mal, mais ayant conscience de la loi, et cependant mauvais. Ils sont définis d’après la loi comme « Tsaddikim », « Bénonim », « Rachaim ».
Il y a ceux qui n’ont aucun lien à la Torah, d’aucune sorte, mais qui font partie de l’assemblée d’Israël. Ceux-là ont un sursis jusqu’à Hanouka.
La fête de Hanouka commémore la victoire des Ashmonéens sur les Grecs. Dans les autres exils, le risque d’érosion de l’identité Israël était fort, mais sur des terres étrangères, alors que les Grecs avaient réussi à dénaturer l’identité d’Israël sur sa propre terre. L’exil Grec, c’est lorsque les Grecs occupaient la Judée et qu’ils avaient réussi à dénaturer l’identité des Judéens, en Judée. Hanouka remet les choses à leur place.
La fête de « Hanouka » commémore la restauration de la sainteté du temple qui a été détruit à Tichabeav. La catastrophe qui s’est produite à Tichabeav a été restaurée à « Hanouka ». C’est un événement national.
Ceux qui pratiquent Hanouka, se relient à la restauration de l’identité nationale d’Israël et ne sont pas forcément reliés à la Torah. Ils sont intégrés à ce sursis du jugement qui est donné depuis Roch Hachana.
Nous vivons cela de notre temps : Il y a des juifs qui pratiquent Roch Hachana sérieusement, il y a des juifs, c’est la majorité, qui pratiquent Yom Kippour. Il y a quelque chose de très positif d’être juif, au moins à Kippour. Il y a ceux qui récupèrent leur identité à Hochana Raba.
Et puis il y a ceux qui ne se définissent pas dans toutes ces catégories de la Torah, dans les vertus de justice, de miséricorde ou de charité, et qui font cependant partie de l’Assemblée d’Israël.
Il y a ce sursis du jugement à Hanouka. Celui qui n’a pas vécu les étapes Roch Hachana, Yom Kippour, Hochana Raba, mais qui allume les bougies de Hanouka fait encore partie de ce salut.
Pour permettre le retour à la racine de notre identité qui n’est pas juive mais hébraïque, notre tradition va offrir aux juifs qui ne font pas partie des trois premières catégories d’être traversés par le jugement pendant la fête de Hanouka et leur donne ainsi la possibilité de la Téchouva, pour réintégrer l’Assemblée d’Israël.
Cela s’inscrit dans un véritable mouvement de reconstruction de l’identité nationale.
Un « Midrash », récit parabolique de la tradition orale, vient confirmer cette séquence :
La faute du premier homme a eu lieu, nous dit notre tradition, le jour de Roch Hachana. A la suite de sa faute, le premier homme se sent perdu. Cette chute se confirme lorsqu’il voit les jours raccourcir. Chaque matin et chaque soir, le jour diminue et l’espace de lumière se réduit. Il se pense condamné et se voit finir dans les ténèbres. Le jour de Hanouka, qui est le jour du solstice d’hiver, de la ré inauguration de la lumière, il voit de nouveau les jours rallonger. Alors il est joyeux parce qu’il sait qu’il est délivré.
Par Olivier Cohen
Depuis les enseignements de Manitou