Le Front populaire
L’alliance de l’orgueil de la haine et de la honte
Après la dissolution de l’assemblée nationale par un président vexé qui se comporte comme un enfant gâté à qui on a confisqué ses jouets, la France vit un séisme politique et les déflagrations s’enchaînent les unes aux autres, jour après jour.
Les tambouilles politiques, les unions contre nature et la mise de côté des valeurs pour sauver les budgets et les sièges, préserver les partis, les postes et les privilèges, se multiplient. Les exemples de renoncement aux valeurs inondent le quotidien sous les yeux incrédules et médusés des français. Tant de témoignages supplémentaires pour justifier que la politique n’est pas compatible en France avec la morale.
Mais c’est plutôt sur ce qui est en train de se passer à gauche, chez les forces que l’on a l’habitude d’appeler les forces progressistes, que je souhaiterais orienter ces quelques lignes.
Selon les organisations de gauche la situation du pays serait au bord de l’abîme avec un risque majeur et historique en France de voir le front national, le « camp des racistes », et des nazis, gouverner le pays. Les forces de gauche se sont donc mobilisées, en dépit de leurs divergences, parfois profondes, et de leur inimitié, pour constituer un « front populaire », pour faire barrage à l’extrême droite et saisir une occasion inédite qui leur est donnée de tenter de reprendre le pouvoir en faisant converger leurs idées.
Cette convergence ne peut alors se faire que si on met de côté les idées portées par des personnalités de certains des partis qui composent cette nouvelle alliance, notamment au sein de la LFI et du NPA, et qui pourtant semblaient inexcusables tant elles étaient indignes.
Alors pour faire cette union des gauches face à la menace du nazisme, brandit comme un épouvantail, qui serait aux portes du pouvoir en France, la LFI propose de « jeter les rancunes à la rivière ». On efface tout, les insultes, les outrances, la brutalité dans le débat public, la violence des accusations, les commentaires antisémites et on recommence. Mais de quelle rivière pourraient-ils bien parler exactement ? Ne serait-ce pas de celle dans laquelle ils se proposent également de jeter les juifs, « from de river to the sea » pour vider la « Palestine » des juifs ?
Evidemment la question qui se pose de manière singulière aujourd’hui lorsque l’on cumule deux gros défauts aux yeux de certains partis de gauche, celui d’être juif et celui d’être sioniste est bien de savoir de quel côté se trouve le camp de la brutalité, le camp de la haine, de la détestation de l’autre ? De quelle menace sérieuse avons-nous réellement à nous préoccuper aujourd’hui en France ? D’un risque d’une prise de pouvoir d’un parti supposé fasciste, ou de celui de l’accès au pouvoir d’un certain socialisme qui non seulement ne dénonce plus, mais désormais s’associe à des propos et une ligne directrice qui rappellent les heures les plus sombres de notre histoire commune ?
Car si selon certains la gauche est à la hauteur de l’enjeux, nombreux sont ceux qui s’émeuvent de voir les partis de gauche censés être plus modérés, passer l’éponge sur les propos nauséabonds et sulfureux de la LFI ou du NPA, de les oublier, de faire comme s’ils n’avaient jamais été prononcé, de les laver à l’eau de la « rivière ».
Cette union ressemble à s’y méprendre à un pacte avec le diable auquel se soumettent assez volontiers des formations de gauche qui prennent le prétexte d’un risque fasciste pour le pays pour se perdre dans un accommodement minable et une compromission misérable.
Cette semaine nous lisons la paracha de Béhalotékha dans laquelle figure le passage « des gémissants » ou le peuple qui a été adjoint aux enfants d’Israël, ce Erev Rav, le grand mélange, lors de la sortie d’Egypte se met une nouvelle fois à se plaindre dans la désert. Bien qu’il ait été le témoin de nombreux miracles. Ils se sentaient accablés et s’insurgeaient en se demandant comment était-il possible de vivre dans le désert. Que manger, que boire, dans un endroit si vide et si aride ? Comment survivre à la souffrance du voyage ? Cette errance prendra-t-elle fin un jour ?
Pour comprendre cette complainte, et le verset au sein de la paracha, il faut savoir que la Torah utilise le mot mitonénim qui signifie se plaignirent et vient du mot toana qui veut dire un prétexte. En d’autres termes, le peuple du grand mélange qui accompagnait les enfants d’Israël dans le désert émirent des plaintes injustifiées et des prétextes pour créer la discorde et rejeter le Dieu des hébreux. Ces gémissements servaient de prétexte pour défier le Dieu des enfants d’Israël car ils le mettaient en doute.
Le verset de notre paracha résonne avec notre actualité de manière étonnante au point qu’il nous enseigne sur ce que nous sommes en train de vivre actuellement.
Ces manifestations qui parcourent le pays contre le fascisme, ces appels à l’union pour résister à la montée du rassemblement national qui représenterait toujours le danger ultime pour la France sont des prétextes. Un bruit de fond pour masquer la réalité qui les a fait naître.
Des prétextes à tous les étages
Un prétexte pour préserver le budget des partis, les sièges des députés et les privilèges du pouvoir, en évitant de les voir disparaître au profit d’autres.
Prétexte contre cette menace fasciste, ce risque censé être majeur et historique pour la France de revoir un totalitarisme d’extrême droite revenir au pouvoir . Ces manifestations, cette union contre nature déshonore cette gauche que l’on disait modérée.
Un prétexte enfin pour lutter contre une menace imaginaire et permettre à un discours antisémite de retrouver une place au sein de l’histoire. Se réunir pour lutter contre une menace présumée afin de créer les conditions d’installer une menace bien réelle.
Alain Finkielkraut disait récemment : la gauche ne dit plus « l’extrême droite ne passera pas » mais « l’extrême droite ne trépassera pas ». La gauche qui s’unit, celle du front populaire, des petites combines entre amis pour rester en poste, celle des renoncements, refuse de voir l’extrême droite fasciste mourir car c’est le prétexte parfait pour faire croire que c’est dans ce camp ci que la détestation de l’autre advint alors qu’elle se trouve dans les rangs mêmes de ceux qui prétendent la combattre.
Dans la langue hébraïque, le mot qui sert à dire le « front » est le même que celui qui veut dire « orgueil », parce que l’orgueil sort du front. On peut alors se demander si le « front » national de Jean Marie Le Pen qui était bien un parti de la haine, du racisme et de l’antisémitisme n’est pas en train de transmettre par le « front » à ce nouveau courant populaire, l’orgueil et la haine qui fondent l’essence même des régimes totalitaires.
La soumission de la gauche socialiste aux idées de la LFI pose un problème, parce que la gauche « raisonnable » a quitté le paysage politique, parce que le risque de voir un parti extrémiste à droite ou à gauche devient bien réel. Elle pose également le problème des valeurs auxquelles la société française souhaite continuer à être attachée. Cette compromission, ce déshonneur des partis de gauches que l’on disait jusqu’à présent modérés pourraient créer les conditions d’une déflagration en France, lorsque seront connus les résultats de cette alliance de l’orgueil de la haine et de la honte.
Olivier Cohen