Paracha de la semaine

Lekh-lekha : Avraham, notre Père fondateur

Pour sauvegarder l’humanité en particulier, et au-delà, le monde en général, il fut absolument nécessaire que Noa’h se retire dans l’Arche, accompagné d’une partie de l’humanité, sa famille proche, ainsi que des animaux purs et impurs. Cette retraite fut rendue indispensable car le reste du monde avait perverti sa voie morale. À l’époque de Noa’h, la morale telle que voulue par le projet divin était en déroute, comme mentionné dans Béréshit VI, 12 : « Dieu constata que la terre était corrompue, toute créature ayant perverti sa voie sur la terre ». Pour perpétuer le monde, il était donc crucial de préserver cette voie de morale, et ainsi, Noa’h trouva grâce aux yeux du Seigneur, Béréshit VII, 1 : « Le Seigneur dit à Noa’h : « Entre, toi et toute ta famille, dans l’arche, car c’est toi que J’ai reconnu honnête parmi cette génération. » » Le moment de l’introspection est arrivé. Noa’h incarne l’introversion individuelle par excellence, un introverti vertueux pour son salut personnel. À l’inverse, Avraham représente tout le contraire. Béréshit XII, 1-2 : « Le Seigneur dit à Avram : Va pour toi, hors de ton pays, de ton lieu natal, de la maison paternelle, vers le pays que Je t’indiquerai. Et Je ferai de toi une grande nation, Je te bénirai, Je rendrai ton nom glorieux et tu seras bénédiction ». Cette bénédiction, destinée à toutes les familles de la terre, s’incarne depuis le pays désigné, la terre de prédilection, le pays de Moriah. La mutation d’identité de l’humanité Depuis la création, le monde a été saturé par la Parole divine interventionniste. Toutefois, après « la faute », cette Parole s’est arrêtée, s’est occultée et s’est interdite elle-même. Bien que parfois la Parole réapparaisse, elle est à sens unique, sans dialogue entre Dieu et Sa créature. La parole humaine elle-même fut interrompue : Noa’h ne laissa échapper que des paroles de malédiction contre Cana’an. Il fallut attendre Avram pour que la Parole revienne et que le dialogue s’établisse à nouveau. Dieu s’adressait auparavant à des individus d’exception, capables de se hisser vers cette rencontre divine. Avec Avraham, la stratégie divine se réoriente radicalement : le temps de l’extraversion est venu, celui de divulguer la morale selon le projet divin, pour fonder une humanité nouvelle et sauver l’univers tout entier. Avraham, appelé Avram l’Hébreu, אברם העברי, est l’extraverti sage et dévoué au salut de l’humanité tout entière. Contrairement à Noa’h qui agit sur un plan personnel, Avram marque le début d’une éthique collective et universelle. Les dix épreuves subies par Avraham, suscitées par Dieu, forgent la nature profonde de la nation hébraïque. Comme dit le Pirqei Avot V, 3 : « À dix épreuves divines, Avraham, notre père, la Paix sur lui, s’est mesuré et les a surmontées toutes, démontrant ainsi la grandeur de l’amour qu’il portait au Saint, Béni soit-Il ». Le Midrash Béréshit Raba (42, 8) éclaire le titre d’« Avram l’Hébreu » et souligne ses multiples significations : il était du côté opposé du monde, descendant de ‘Ever, et il parlait hébreu, la langue de la sainteté apprise dans la Yeshiva de ‘Ever. Avram est resté le seul à utiliser cette langue de prophétie unissant l’humanité avant la confusion des langues. De l’intérieur à l’extérieur Rav Kook explique que la vertu d’Avraham est celle d’une sagesse de compréhension fondée sur ses capacités personnelles. Cette vertu l’a poussé à appeler au nom de l’amour universel du Créateur, rendant manifeste la Parole divine dans le monde extérieur, en initiant une ère où l’homme participe activement à l’œuvre divine, faisant ainsi émerger la nation hébraïque pour diriger l’humanité sur la voie du bien.

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Toledot : Les engendrements

La rivalité fraternelle     Béréshit (25, 21) nous apprend que Yits’haq et Rivqa « ont imploré le Seigneur. » Mariés depuis vingt ans, ils n’avaient pas d’enfant, Rivqa étant stérile. La fécondation médicale n’était pas au point à cette époque et la prière reste, encore de nos jours, la meilleure façon de demander le manque, et c’est ainsi que : « Le Seigneur accueillit cette prière. » Rivqa enceinte, l’humanité perdue rebondit à travers elle, à la recherche de l’authenticité adamique d’avant ‘la faute’ : enfanter un être capable de résoudre les deux tâches imposées à Adam, le premier homme. Il s’agit de la tâche spirituelle qui assure le salut du ciel dans le monde à venir et la tâche matérielle qui permet l’existence dans la vie de ce monde. La matrice éternellement féconde des engendrements trouve de nouveau en Rivqa le réceptacle de sainteté pour la continuation du projet divin.     Mais la stratégie divine divise ces tâches et les répartit à deux jumeaux : « Les enfants s’entre-couraient en son sein. » Rivqa comprend que la rivalité et la séparation qui animaient, à la génération précédente, Yits’haq et Yishmaël, n’ont pas été entièrement résolues. Cela d’ailleurs lui rappelle trop la rivalité de Caïn et Hével, avec pour conclusion la suppression du mot frère de la Torah et l’exil de la fraternité. Il a fallu attendre Avraham pour que le mot frère réapparaisse. Rashi souligne ce problème sur le verset de Béréshit (25, 19) : « Et voici les engendrements de Yits’haq : Ya’aqov et ‘Essav dont parle la parashah ». Autrement dit, comme Avraham a engendré un conflit fraternel avec Yits’haq et Yishma’ël, Yits’haq aussi engendra un conflit fraternel du même genre, avec Ya’aqov et ‘Essav. Le conflit d’identité entre les deux enfants, déjà dans la matrice, reflète un problème spirituel d’envergure telle que Dieu seul détient la solution : « Rivqa alla consulter le Seigneur », car à quoi bon l’enfantement si, déjà dans ses entrailles, le combat ne peut se résoudre ? Béréshit (25, 23) répond à ce dilemme : « Le Seigneur lui dit : ‘Deux nations sont dans ton sein et deux peuples sortiront de tes entrailles ; un peuple sera plus puissant que l’autre, et l’aîné obéira au plus jeune’. » Rivqa est tranquillisée car au moins, il n’y aura pas de fratricide, les deux enfants vivront ensemble malgré leurs lignées qui revendiqueront deux tâches diamétralement différentes. ‘Essav choisit la matière et Ya’aqov l’esprit. Le combat fondamental     Le Midrash Béréshit Raba (63) souligne l’antagonisme virulent qui oppose ces deux mondes antinomiques : « Quand Rivqa passait devant les maisons d’études de Chem et de ‘Ever, ancêtres d’Avraham, Ya’aqov se débattait pour sortir et s’y précipiter ; et quand elle passait devant un lieu d’idolâtrie, c’est ‘Essav qui voulait sortir. » L’un est attiré vers le bien, l’autre vers le mal, Ya »aqov est intègre et ‘Essav est disposé à la faute. Ya’aqov est né circoncis, parfait à tous égards, sans besoin de perfectionnement. Leurs tempéraments se distinguent dès l’adolescence et Rivqa prévoit un combat cosmique fondamental qui séparera la tâche de ses enfants, Béréshit (25, 27) : « Les enfants grandirent, ‘Essav devint un homme habile à la chasse, un homme du champ, et Ya’aqov un homme intègre qui habite dans les tentes. » Leurs personnalités sont radicalement opposées, ce que Rabi Lévi dit : « Ils sont comme une ronce et un cédrat qui poussent l’un à côté de l’autre. Quand ‘les enfants grandirent’, tous deux allèrent à l’école pendant treize ans, l’un a donné du fruit, l’autre des épines ; après treize ans, l’un se rendit à la Maison d’études, l’autre à la Maison d’idolâtrie. »     L’homme du champ ‘Essav est un homme courageux qui se mesure avec la réalité matérielle et terrestre, mais il est foncièrement violent. Il ne consacre pas sa vie à limer son cerveau à celui des Sages de la Maison d’Etudes de Shem et de ‘Ever, ses ancêtres, ou à la recherche spirituelle. Son domaine préféré est la nature, la forêt et les champs, il bat la campagne pour l’assujettir. Or il n’y a aucun mal à trouver un assouvissement à son caractère sanguinaire dans les choses permises. Il chasse de telle façon que son gibier est cachère et que son père accepte d’en manger. Béréshit (25, 28) en témoigne : « Yits’haq préfère ‘Essav car il met de la chasse dans sa bouche. » Pour lui, son grand fils est bon puisqu’il le respecte en lui assurant sa subsistance, quotidiennement. La spécialisation de ‘Essav est la matière avec pour polarisation la technique pour dompter la terre. Son grand fils mérite une attention particulière au vu de ses potentialités infinies de se mesurer au monde-ici-bas. Pour Yits’haq, il y a nécessité absolue de l’entourer de toute son envergure spirituelle pour lui donner la motivation de construire ce monde dans la droiture, en toute pureté.     Le mérite d’Essav est le respect filial. En effet, tant qu’Avraham vécut, le Talmud nous dit qu’il est resté apparemment dans le droit chemin. Il avait quinze ans quand Avraham mourut. Pendant deux ans, depuis la Bar Mitsvah à l’âge de quinze ans, il s’est dissimulé pour que ses crimes ne soient pas dévoilés car il ne voulait pas causer de peine à son père duquel il voulait tellement la bénédiction dans ses actes. Tant que son père vécut, il faisait semblant d’étudier devant lui la Torah et il ne voulait pas tuer son frère pour ne pas le peiner. Pour lui faire plaisir, il épouse une fille d’Yishmaël (Béréshit 27, 8), mais il ne répudie pas ses femmes païennes. Cependant, donner à la matière une priorité automatique démesurée et déconnectée du spirituel, débouche sur la violence effrénée. Bien sûr, la nature est sacrée, elle nous sert à la sainteté et au service divin, au salut de l’homme, mais s’en occuper incessamment conduit à la divinisation du matériel et à l’idolâtrie. Au lieu de se servir de la nature pour un but élevé, on se met à son service. De plus, cette concentration de forces humaines sur les problèmes terrestres

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Vayera : Avraham et Sarah – fondateurs de l’univeralité

Béréshit, XVII, 1 : « Avram étant âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans, Hashem, (שם הויה) le Seigneur, lui apparut et lui dit : “Je suis El Shadaï, Dieu tout-puissant (אל שדי) ; marche devant Moi et sois intègre… Pour sauvegarder l’humanité en particulier, et au-delà, le monde en général, il fut absolument nécessaire que Noa’h se retirât dans l’Arche, accompagné d’un concentré d’humanité, sa famille proche, les animaux purs et impurs. Cette retraite fut rendue nécessaire car le reste du monde avait corrompu sa voie morale. En effet, à l’époque de Noa’h, la morale selon le projet divin pour l’humanité était en débâcle, Béréshit VI, 12 : « Dieu considéra que la terre était corrompue, toute créature ayant perverti sa voie sur la terre ». Il fut absolument nécessaire, pour perpétuer le monde, de garantir la voie de la morale, c’est ainsi que Noa’h trouva grâce aux yeux du Seigneur, Béréshit VII, 1 : « Le Seigneur dit à Noa’h : « Entre, toi et toute ta famille, dans l’arche ; car c’est toi que J’ai reconnu honnête parmi cette génération. » ».     Le temps de l’introspection est venu, et si l’on peut s’exprimer ainsi, Noa’h représente l’introversion de l’individuel par excellence, c’est l’introverti vertueux pour son salut personnel. Par contre, en ce qui concerne Avraham, c’est tout le contraire, Béréshit, XII, 1-2 : « Le Seigneur dit à Avram : Va pour toi, hors de ton pays, de ton lieu natal, de la maison paternelle, vers le pays que Je t’indiquerai. Et Je ferai de toi une grande nation, et Je te bénirai, Je rendrai ton nom glorieux et tu seras bénédiction ». Bénédiction pour toutes les familles de la terre à partir du pays indiqué, la terre de prédilection, le pays de Moria ! La mutation d’identité de l’humanité     Depuis le début de la création, l’atmosphère du monde est saturée par la Parole divine interventionniste. Mais depuis « la faute », elle s’est arrêtée, occultée, interdite d’elle-même. Parfois la Parole réapparaît mais elle n’est qu’à sens unique, le dialogue est absent entre Dieu et Sa créature. La parole humaine elle-même est interrompue, Noa’h n’ouvre la bouche que pour maudire Cana’an. Il faudra attendre Avram pour que la Parole revienne et que le dialogue se rétablisse. Auparavant, Dieu s’adressait à quelques individus de stature exceptionnelle qui pouvaient s’efforcer et grimper aux cimes de la rencontre avec Dieu. Depuis Avraham, la directive stratégique divine nécessite obligatoirement un retournement radical d’orientation : le temps de sortir des sentiers battus est venu, le temps de l’extraversion est venu. Le temps du jaillissement vers l’extérieur, de divulguer la morale selon le projet divin à travers le monde pour perpétuer une nouvelle humanité et sauver, avec elle, l’univers tout entier.     Avraham, notre patriarche fondateur de la nation hébreue, qui portait encore son nom d’origine, Béréshit XLII, 13 : Avram l’Hébreu, אברם העברי, représente l’extraversion de l’individuel par excellence. C’est l’extraverti fervent et sage pour le salut de l’humanité tout entière. Il ne s’agit plus du niveau comportemental moral individuel, comme ce fut le cas de Noa’h mais, avec Avram, c’est au niveau du comportement de l’être, à l’indice d’une nation dans toute son envergure universelle. Si Noa’h avait trouvé grâce aux yeux du Seigneur, par gratuité absolue de Sa part, Avram, quant à lui, doit faire preuve de sa vertu par dix épreuves, suscitées par Dieu, pour forger le caractère intrinsèque de la nation hébreue, au niveau de son être universel.     Le Midrash Béréshit Raba, 42, 8 enseigne à propos de la dénomination « Avram l’Hébreu » : « Que signifie l’Hébreu ?– Rav Yéhouda dit : le monde entier est d’un côté et Avram est de l’autre côté (‘éver, עבר).– Rav Né’hémia dit : Avram était l’un des descendants de ‘Ever (fils de Shem fils de Noa’h).– Les Sages disent : Avram était de l’autre côté du fleuve (l’Euphrate, comme il est dit, Yéhoshoua’, XXIV, 3 : « Et Je pris votre père Avraham, de l’autre côté du fleuve ») et qu’il parlait l’hébreu ».     Avram parlait hébreu car la connaissance se transmettait en hébreu, la langue de sainteté, dans la Yéshiva de ‘Ever, où il étudiait. Avram est le seul des descendants de ‘Ever à parler encore la langue de la prophétie (Béréshit Raba, 37, 7) qui unissait l’humanité et précédait la confusion des langues conséquente à la Tour de Babel. Il instaure le projet de la messianité de l’histoire d’Israël jusqu’à son aboutissement ultime, qui l’oppose aux impérialismes du monde entier représentés par l’exil d’Our Kasdim, la « fournaise » de Kasdim.     En correspondance aux dix paroles par lesquelles le monde fut créé, la nation hébreue fut créée par les dix épreuves subies par Avraham qui les surmonta toutes, Pirqei Avot, V, 3 : « À dix épreuves divines Avraham, notre père, la Paix sur lui, s’est mesuré et il les surmonta toutes, pour montrer la grandeur de l’amour qu’il portait au Saint, Béni est-Il ». C’est mutuel, car ces épreuves montrent aussi le grand amour que Dieu lui porte. Le peuple d’Israël a donc sur qui prendre exemple, à la lumière directrice d’Avraham, notre patriarche, le plus grand homme parmi les géants de la nouvelle humanité (Yéhoshoua’, XIV, 15, selon Béréshit XXIII, 6 : « Tu es le Prince de Dieu parmi nous ».) Et dire, à l’instar du Talmud Rosh Hashana, 20a, pour la nouvelle lune : « Ainsi, vois et sanctifie ». La première épreuve : sortir de son cocon     Notre Seigneur interpelle Avram pour qu’il sorte à l’extérieur. À partir de cet appel, Avram n’est déjà plus une personne individuelle mais une personnalité d’envergure universelle, appelée à fonder une nation telle que par son truchement, la bénédiction divine se répande à travers l’univers, urbi et orbi, à l’intérieur de la Cité et à l’extérieur. Ainsi, depuis Avram, une révolution bouleverse l’histoire, un sursaut d’humanité nouvelle balaie le monde, la vie individuelle de chacun saute d’un cran pour passer à l’ampleur d’une collectivité. La vie d’un peuple est inaugurée par son premier fondateur Avram, avec sa femme Sarah, notre matriarche. Avec Avraham et Sarah surgit subitement dans l’histoire, non pas seulement une nouvelle dimension morale de la préoccupation spirituelle de son prochain, mais une dimension jusqu’ici occultée dans

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