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Vaét’hanan : Israël, peuple de la prophétie monothéiste
Le Livre de Devarim, le Deutéronome, est la répétition générale de la Torah par Moshé, notre maître. Il entremêle le rappel des évènements vécus à la sortie d’Égypte par la génération des enfants d’Israël et les préceptes divins à préserver, par commémoration et par fidélité, ainsi que la leçon à tirer de ce temps de la révélation divine et des épreuves corrélatives à l’histoire des hommes.
L’étude active la délivrance
La recommandation de commémoration, par deux fois dans notre parasha, d’abord à la répétition des Dix Commandements puis dans l’exhortation du « Shema’ Israël, Écoute Israël » de l’unité de Dieu est le leitmotiv important répété par Moshé au peuple qui va conquérir sa « Terre donnée ». Or, si cette unité de Dieu est si souvent répétée c’est parce que cela n’est pas évident à la connaissance d’Israël.
La connaissance qu’Israël a eue sous la conduite de Moshé, dans sa propre chair, de l’unité de Dieu, a besoin d’un travail de mémoire. C’est un métier dans les sciences de la Torah dont le viatique consiste en six cent treize mitsvot. Habituellement, les Dix Commandements sont divisés en deux Tables, dans la première les lois qui régissent les relations entre l’homme et Dieu et, dans la deuxième, les lois qui régissent les relations entre l’homme et son prochain.
Rabi Abraham Ba’hya Hanassi Hasepharadi, qui vivait au Nord de l’Espagne il y a onze siècles, enseigne dans Higayon hanéfesh : Devarim IV, 13, (et Shemot XXXIV, 28) : « Anokhi Hashem Éloheikha, אנכי השם אלהיך, Je suis Hashem ton Dieu », est le titre générique de la promulgation des Dix Commandements, et voici comment y parvenir : avec la suite des commandements. L’exhortation à la mémoire de Moshé à Israël est bien la recommandation à rester fidèle au monothéisme hébreu radical, ce qui ne va pas de soi.
Dans le schéma des Dix Commandements, le premier n’en serait pas un dans le sens habituel du terme mais une définition : voilà Qui suis-Je, puis : et voilà Ma Loi. Les neuf commandements suivants sont stipulés en trois groupes, le premier groupe de trois principes des lois qui régissent les rapports entre l’homme et Dieu, puis trois principes de lois qui régissent les conduites de l’homme et lui-même et enfin le dernier groupe de trois qui régissent les relations entre l’homme et son prochain.
Dans le premier groupe, c’est au niveau de la ma’hshava, la pensée, l’idéal supérieur, le deuxième groupe est au niveau du dibour, de la parole, et le troisième est au niveau du ma’assé, de l’acte. Les trois groupes ne sont pas cloisonnés mais leur dimension véritable est le lien unificateur des trois groupes entre eux, soit un commandement de culte, soit un commandement de morale, soit un commandement de vie spirituelle et tous les commandements de la Torah relèvent d’une de ces trois intentions qui se retrouvent en filigrane dans les autres groupes entre eux. Leur lien unificateur est répercuté à travers tous les commandements de la Torah (Rav Yéhouda Askénazi, leçon orale 5753).
Force est d’admettre que la répétition constante, à travers les générations, nous a familiarisé avec le principe de l’Unité de l’Être-Un qui est Dieu. Ce principe est rappelé dans la promulgation des dix commandements pour la génération d’Israël qui va entrer au Pays. Autrement dit : entrer au pays est le summum de la délivrance et cela passe par le Connaître-Dieu Un.
L’Être-Un
Or, il semble bien qu’une Torah orale ait précédé la Torah écrite par Moshé qui a donné ensuite naissance à la Torah orale actuelle, que tout Juif s’escrime à décortiquer, à laquelle tout élève des Sages lime son cerveau. La Mishna, le Talmud et les dires de nos Sages, depuis le Sanhédrin jusqu’à nos jours, ne seraient que la redécouverte de la Torah orale de notre Seigneur à Moshé, la mise à jour au vu et au su du monde entier de ce qui fut occulté.
C’est ainsi que tout Sage du Talmud est nommé du nom de Moshé, Talmud Shabat, 101b : « Le grand de la génération est comme Moshé à sa génération. Shmouel à sa génération est comme Moshé à sa génération ». Sauf que la capacité d’écoute de Moshé est la plus grande qui soit, jamais apparue chez un être créé à l’écoute de la Parole de l’Être-Un. C’est, chez Moshé, sa condition d’être, un besoin essentiel, car l’exploration de la vérité se fait par l’écoute.
Un autre Moshé, le grand aigle, Rabi Moshé Ben Maïmon, Rambam, termine son œuvre central Yad Ha’hazaqah, fondement des Sages du Talmud contemporains, par l’espérance de la venue des jours du Messie (Lois des rois et leurs guerres, XII, 5) : « En ce temps, il n’y aura ni famine, ni guerre, ni jalousie ni concurrence, car le bienfait se déversera d’abondance et tous les délices seront accessibles comme la poussière. Le monde entier n’aura d’autre préoccupation que le Connaître-Dieu. Les Enfants d’Israël seront de grands sages, détenteurs des secrets des choses et ils atteindront la possibilité maximale de la connaissance humaine de leur Créateur, comme le prophète Yésha’yahou XI, 9, dit : “La terre sera emplie de science du Seigneur, comme les eaux recouvrent la mer” ».
Bien que l’essentiel de l’écoute est ce qui mène à la pratique : « nous ferons »; – c’est ce que la Loi nous demande, – le Rav Kook écrit, Lumières de la Torah, 8, 1 : « Lorsque “nous ferons na’assé” précède “nous écouterons venishma’”, cela souligne notre reconnaissance de la Torah comme segoulah élohit,סגולה אלוהית , la virtualité prophétique hébraïque, plus que le besoin utilitaire de l’acte exécuté qui ressort de son étude. Car la déclaration du “nous ferons” implique le lien avec le principe de l’étude pour application et lui est absolument intégré, tandis que le “nous écouterons” dans le sens de “nous comprendrons” est le lien à l’étude du principe lui-même, en propre ». L’expression “nous ferons” intègre la simple écoute première nécessaire pour savoir comment agir, tandis que l’expression “nous écouterons” implique l’investigation profonde qui façonne l’architecture interne de la personnalité humaine s’adonnant à l’étude, et au-delà, de la construction de l’univers entier, résultat de l’étude.
L’étude assidue de la Torah est donc le lien indéfectible entre les profonds arcanes de l’âme humaine et la volonté de Dieu : étudier la Torah c’est construire des mondes, s’en abstenir c’est les détruire, Dieu préserve ! Rav Tsvi Yéhouda Kook, développe, Lintivot Israël, 2, 76 : Lorsque l’homme étudie la Torah afin de l’appliquer, cette étude n’est pas lishma, non en vue d’un idéal supérieur, alors : « encore une fois, la Torah est comprise comme un simple moyen d’accéder à un but, dont la finalité est certes de sainteté, puisqu’il s’agit d’exécuter les commandements divins, mais c’est comme si son sujet n’est pas inhérent à elle-même ».
Alors que l’étude lishma, dont la finalité est un idéal supérieur, se réalise quand l’homme étudie pour s’attacher à la volonté divine. Cette étude construit des myriades de mondes, aussi bien à l’intérieur de la personnalité humaine universelle, que dans la réalité des mondes. Non pas pour le seul savoir pragmatique mais pour l’enrichissement de la volonté humaine, dû au lien qui la rattache à la réflexion divine interne ; c’est elle qui octroie motivation et énergie. Cette haute compréhension est essentielle pour toute personne honnête qui veut étudier. L’acoustique divine travaille le cerveau de l’étudiant en Torah, souterrainement : c’est Moshé, notre maître, qui exhorte à l’écoute intérieure dans l’acoustique de la compréhension, comme Devarim, VI, 4, qui énonce le principe d’unité pour Israël : « Shéma’ Israël, Écoute Israël, Hashem Ce-Lui qui est notre Dieu est l’Être-Un ».
L’avertissement du Shéma’ Israël
« Shéma’ » veut dire écoute, entends, comprends, prends garde, prête attention. Lorsque Moshé s’adresse à Israël et lui dit de prendre garde, c’est la recommandation à rester fidèle au monothéisme radical hébreu. Ce dernier relève de l’expérience cognitive qu’Israël a eue de l’unité de Dieu : Hashem, notre Seigneur, par transcendance, notre Dieu, par immanence, c’est le Même. Cette exhortation est à entendre continuellement, comme si elle se répétait de la bouche de Moshé, transmettant à chaque instant son message éthique.
Dieu nous parle sans cesse, Il nous parle en intervenant dans le monde entier, depuis la louange du vent dans les arbres et les fleurs, dans les bouleversements historiques, à partir de l’histoire et du chant de la Torah. Il est de notre devoir d’atteindre la capacité d’entendre cette acoustique divine et de ne pas s’en boucher les oreilles. Cette capacité d’écoute est une grande science de la Torah, un art qui concerne le sens de l’existence.
L’écoute auriculaire ne suffit pas mais prêter attention à la parole intérieure est le résultat d’une grande ascèse. Se préparer à entendre, dans son essence, la parole divine communiquée par Moshé, l’écho intime des paroles dites à haute voix, de les percevoir, de les ressentir, de les évaluer dans son être profond, en s’élevant vers leur source originelle, n’est pas un travail facile, surtout lorsque l’Auteur est le Seigneur et l’auditeur est Moshé.
Hashem, השם, le Nom personnel imprononçable du Seigneur compose les mêmes lettres, comme dans un miroir limpide, que le nom Moshé משה, l’Un face à l’autre ! Pour étudier la Torah, pour la comprendre et pour s’y élever, la vertu d’humilité est nécessaire et primordiale (Maharal, Nétivot ‘Olam, Nétiv Hatorah II). Le génie de l’écoute est de recevoir tout avec pour but de tout donner, sans qu’intervienne le prisme de déformation de ses propres défauts. Cela ne tient qu’à un seul mot : l’humilité, vertu comportementale de Moshé, notre maître.
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