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Pandémie : réussir enfin à être vieux

Nous connaissons tous ces pages du Talmud : Un Jeune homme de 30 ans entre dans un hôpital à cause de grosses difficultés respiratoires et nécessite d’urgence d’être branché à un respirateur. Mais le seul respirateur de l’hôpital est déjà branché sur un patient de 85 ans. Alors inévitablement se pose la question : Que faire ? débrancher « le vieux » pour sauver le « jeune » ? Après des heures de discussions et de controverses la réponse tombe : On ne débranche personne quel que soit son âge, et peu importe son âge. La personne plus jeune est arrivée dans des conditions existantes et il faut réussir à la sauver en tenant compte du contexte, de l’environnement et des contraintes préalables. Bien évidemment cette situation nous parle plus que jamais, dans cette période particulière et inédite que nous traversons, et même si officiellement on nous dit que nous n’avons pas eu à faire de tels arbitrages en France, et que nous avons évité la catastrophe d’un cheveu, alors que hôpitaux étaient bondés, surchargés, et qu’ils commencent seulement maintenant à se vider un peu, il existe des voix non autorisées qui nous assurent que dans certains services de réanimation en France il a fallu faire des choix. Cette crise aussi dramatique soit elle aura peut-être eu au moins un mérite, celui de remettre un certain nombre de valeurs indispensables au centre de notre société. Et notamment le rapport que nous avons avec la vieillesse et le vieillissement. Nous vivons dans un monde moderne dans lequel on ne supporte plus l’idée de perte, de disparition, de vieillissement. Les signes de cette situation sont multiples et on peut citer le phénomène du jeunisme qui a envahi nos sociétés, les personnes de tout âge qui se déplacent en trottinette, ces adultes qui passent leur journée ou presque, à se divertir, à jouer sur leur téléphone portable ou à regarder ces séries dont le format est adapté aux jeunes, le discours branché qu’adoptent certains adultes pour ne pas paraitre décalés, les tenues vestimentaires…  Le langage des adolescents a envahi notre mode de vie, et nous enjoint de l’utiliser pour éviter d’être considéré comme un « vieux ». Cela se retrouve également dans le vocabulaire : on est qualifié de jeune jusqu’à un âge très avancé dans la vie, on n’a plus le droit de parler de vieux. « Personnes âgées » est presque un gros mot. Non il faut employer le mot de « senior », et encore, à partir d’un certain âge, parce que traiter de senior une personne qui n’est encore qu’adulte est totalement indélicat. Bref, tout cela a été plusieurs fois analysé, et dévoile parallèlement au moins deux attitudes et deux motivations de nos sociétés modernes.  La première est le renoncement à la responsabilité individuelle qui normalement s’impose à chacun de nous, le second est ce refus de la mort et cette exigence d’éternité, à laquelle nous avons désormais « presque » accès. Dans cet environnement il est alors normal de ne pas vieillir, et du coup, jeune et vieux se retrouvent presque au même niveau puisqu’évoluant sur le même terrain. Ce que cette crise aura probablement contribué à dévoiler, c‘est de nous faire prendre conscience de la place indispensable des « vieux » dans nos familles et dans nos sociétés. Cette fragilité retrouvée, nous permet de porter un regard renouvelé sur la vieillesse et de reconsidérer son apport essentiel dans notre société Les personnes âgées sont un lien, un passage, un trait d’union entre les générations, elles constituent notre passé, notre mémoire, représentent la possibilité de transmission des cultures des traditions et des connaissances, elles sont capables de sagesse. Ces personnes ne sont plus jeunes, elles ont perdu un certain nombre de choses avec le temps, mais nous apportent un lien, une présence, une connaissance avec notre histoire individuelle et collective.  Etrangement dans cette période, on nous demande de faire la différence entre jeune et vieux, de pouvoir distinguer le jeune du vieux peut être pour « débrancher » le vieux et laisser vivre le jeune, ce qui ressemble étonnamment à cette prière silencieuse d’Abraham pendant qu’il monte sur le Mont Moriah avec son fils Isaac. Les vieux ont leur place dans le monde, une place indispensable, incontournable, qu’il faut continuer à occuper et que notre monde, qui va décidément beaucoup trop vite, avait failli nous faire oublier en refusant l’idée du vieillissement.  Essayons de ne pas oublier que si nous voyons plus loin que nos anciens, c’est parce que nous sommes des nains assis sur des épaules de géants. Et subitement nous retrouvons une compassion, non, bien sûr, ce n’est pas  le terme, il est trop en surplomb, plutôt une solidarité, une affection particulière et authentique, pour les personnes âgées qui retrouvent la place qui est la leur aux yeux de la société et de la famille. Mais avec cette vulnérabilité retrouvée le sens de la vie reprend alors ses droits. Nous sommes créés en vue de mériter l’être que nous avons reçu à la naissance. La finalité de l’existence c’est de mériter d’avoir été créé. Et du coup il se peut qu’à chaque instant, à chaque seconde de notre vie, nous nous perdions ou que nous nous acquérions. Chacun de nos actes fait pencher la balance du bon ou du mauvais côté, nous sauve où nous perd, et il faut apprendre cela et l’oublier très vite car on ne peut pas vivre avec le poids d’une telle rigueur, d’une telle discipline. Et pourtant c’est comme cela que ça fonctionne. Nous passons tous à chaque instant de notre vie un test, une épreuve. Chaque instant présent, chaque seconde suspendue, avant qu’elle ne s’envole, nous donne l’occasion de nous accomplir, de regarder nos erreurs, de les rattraper, de les recouvrir, de les corriger, de réussir ou d’échouer, de nous sauver ou de nous perdre. Cette perspective lorsqu’elle s’applique aux personnes âgées devient terriblement plus exigeante, plus difficile, plus impitoyable, et pourtant c’est ainsi que notre tradition parle. Il faut profiter de chaque seconde pour améliorer notre dossier. Au lieu de laisser filer les heures il faut essayer de retenir chaque

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Contre apologie du doute Entre Croyance et Foi

 Le monde occidental a évacué l’idée de la foi. La foi a déserté notre monde, elle a quitté la cité, et ne peut plus se dévoilée d’une manière claire.  C’est un mot qui petit à petit disparait de notre vocabulaire. On lui préfère le mot, l’idée, de croyance. La croyance a remplacé la foi. Aujourd’hui on croit, ou on ne croit pas, et si on n’y prend pas garde on pourrait penser que c’est à peu près la même chose. Les opinions se seraient donc très légèrement déplacées, de la foi à la croyance. Mais en réalité la différence est beaucoup plus importante qu’il n’y parait entre ces deux concepts, et cette différence a des conséquences dans notre approche au sens. Croire, quand on entend croire en Dieu, qu’est-ce que cela signifie ? est-ce que ca voudrait dire que cela dépend de moi que Dieu existe ou pas ? Le concept est surprenant. Alors comment continuer à s’exprimer ainsi ? D’autant que la croyance est suspecte, car je crois dans quelque chose qui n’est pas sûr, qui n’est que « peut-être ». Et lorsqu’on applique le concept à celui qui pourrait être le créateur du monde et de la nature, le décalage apparait de façon brutale entre l’idée d’un être créateur et la légèreté, la fragilité, la réticence presque, avec laquelle je pourrais me relier à lui à travers une simple croyance. Cela signifie que le socle sur lequel repose cette possibilité est instable, en mouvement, dérisoire car contestable à chaque instant puisque je ne fais que croire. Je ne suis donc pas sûr. Je doute.  C’est très certainement une des raisons pour lesquelles notre histoire contemporaine offre une place significative à l’apologie du doute. Il n’est plus possible d’être certain, d’avoir une conviction affirmée, le doute est mis en avant comme le témoignage d’une délicatesse, d’un raffinement ultime, d’une tolérance à la position de l’autre qui pourrait être différente puisque précisément il est autre. En même temps que la philosophie de l’autre se développe dans l’espace public, l’apologie du doute prend de l’ampleur, et il devient presque impossible d’être sûr, parce qu’être sûr c’est enlever à « l’autre » la possibilité d’avoir une position opposée à la nôtre, c’est le priver de son statut et le transformer en un même. Douter devient une vertu et celui qui ne doute pas est à ranger dans le clan des intransigeants, des radicaux, des extrémistes. Le monde est désormais divisé en deux clans opposés, d’un côté ceux qui doutent au nom de l’autre, au nom de l’incertitude même, au nom de la prudence que je reconnais dans ce que je ne connais pas ou dans ce que la raison m’empêche d’entrevoir, et de l’autre les idéologues, les fanatiques, les barbares. Il est vrai de dire que certains mettent leur absence de doute au service de causes totalement ignobles et inacceptables. Que cette absence de doute les transforme en monstres disposés à tout pour faire régner par la terreur et la haine, leur vision misérable du monde à l’échelle de l’humanité.  Que cette vision du monde basée sur la violence et le sang, et cela au nom d’une absence total de doute, ne peut avoir le dernier mot.  Mais est-ce à cause d’une poignée d’irresponsables et de décérébrés que la condamnation doit être unanime et s’appliquer à tous. Pourquoi une minorité de bouchers, dérangés, privés de tout sens commun, de respect pour la personne humaine, devrait elle l’emporter sur l’immense majorité de ceux qui ne doute plus, mais de façon raisonnable ?  L’absence de doute peut s’accompagner du plus grand respect des valeurs humaines.  D’autant que l’idée qui se trouve également derrière le doute est aussi souvent celle que l’on reproche à notre civilisation contemporaine. C’est encore et toujours l’individu roi qui peut assouvir le moindre de ses désirs, l’illimité à porté de la main, l’éternité qui devient aussi un doute possible. Le fait de douter permet de douter de tout et donc de rendre tout possible, tout accessible à l’horizon du doute. Rien n’est figé, rien n’est fini, rien n’est limité et ce mouvement permanent à l’intérieur de la société des hommes se mue en espoir secret de voir les rêves les plus fous pouvoir se réaliser. Douter c’est espérer que l’impossible puisse un jour s’accomplir et devenir possible. Ce qui est proposé derrière cette croyance qui a progressivement remplacé l’idée de la foi, c’est le doute comme vertu, le doute comme projet, comme objectif. Mais c’est oublier un peu vite qu’une conscience de bonne foi n’a qu’un seul objectif : c’est de sortir du doute. Le doute n’est qu’un stade provisoire de la réalisation de l’être et que l’objectif du doute, sa réalisation, c’est de parvenir à le transformer en certitude. Le doute n’a de sens que s’il est provisoire, éphémère, comme un chemin pour parvenir à le dépasser, à l’évacuer. L’existence même du doute n’a de sens que s’il s’envisage de façon provisoire comme stade préalable à sa disparition future, en vue de parvenir à une certitude. Et commence à se dévoiler ici la foi qui est bien différente de la croyance. Alors que la croyance est un acte intellectuel, la foi est un acte d’adhésion de la volonté. L’objet de la foi c’est la confiance qu’une promesse que Dieu a faite se réalisera, il ne s’agit pas du tout de croire que Dieu existe ou pas. Rien à voir. La foi c’est une confiance, un consentement à adhérer par certitude en l’absence de preuve, mais le comportement est le même que si la preuve était là. Lorsque je dis AMEN en hébreu, j’adhère, je suis d’accord, et c’est ce que traduit la foi. La nuit j’ai la foi, la foi que je vais sortir de la nuit et que je vais vers le jour, alors que le jour je suis sûr, je suis certain. J’entre dans la nuit avec confiance et j’en sors avec certitude. Mais le comportement pendant la nuit doit être le même que celui durant la journée, et le doute de la croyance se

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L’Islamo-gauchisme ou un nouveau retour de l’histoire

On dit souvent de l’histoire qu’elle se répète, qu’elle bégaye, mais elle ne se répète jamais sous la même forme, ni de la même façon, et il faut essayer de raccrocher le moment que l’on, vit avec le temps dans l’histoire auquel il se rattache. C’est ce qui est difficile, mais c’est aussi le travail qui permet d’anticiper et de comprendre le monde dans lequel nous vivons, et le moment que nous traversons dans l’histoire ainsi que ceux qui le suivent. Pour pouvoir comprendre l’avenir et l’anticiper il faut bien connaître le passé. Les récits de notre tradition sont, à ce sujet assez précieux, parce qu’ils nous apportent un éclairage pour chaque période pendant lesquelles nous les lisons. La Bible parle à chaque époque et chaque génération et c’est aussi toute la difficulté de l’étude, de parvenir à identifier la période dont nous sommes les contemporains à travers les récits de notre tradition et de faire parler la Bible pour les périodes dans lesquelles nous sommes insérés. Lorsqu’on dit de deux sages qu’ils sont en controverse sur un verset, ce n’est bien évidemment pas sur l’explication du verset qu’ils comprennent tous les deux de la même façon, mais c’est sur la façon dont il faut faire résonner le verset dans la période dans laquelle on le lit. Et c’est bien entendu sur ce point qu’il peut exister entre les sages, des divergences, des controverses, des antagonismes. Un Sage, un prophète est capable de diagnostiquer la période que nous vivons en la rapprochant de certains versets et permet ainsi de faire parler les versets et de nous donner un éclairage sur notre période. Quand on lit le journal on a l’’impression de lire la Bible et quand on lit la Bible on a l’impression de lire le journal. Cette phrase de Manitou résume assez bien le point de vue. Et en effet tout l’effort d’actualisation et de renouvellement consiste à essayer de comprendre la période dans laquelle nous vivons et de la raccrocher à celles qui nous sont révélés dans les récits Bibliques. Lorsque Abraham monte sur mont Moriah avec le projet de répondre à ce qu’il pense avoir compris de la demande de Dieu, de « sacrifier » son fils, il croise le Satan déguisé en sage qui lui dit : « Que t’a demandé le Satan ? » On est brusquement saisi par la nécessité de voir juste et de ne pas se tromper sur le diagnostic. Que le regard posé sur notre propre foi peut à tout moment se révéler erroné, peut-être même hérétique. La période particulière que nous venons de traverser pose un certain nombre de questions et d’interrogations sur notre monde. Ce confinement à l’échelle de la planète a été une épreuve pour l’humanité de laquelle il est possible de tirer de précieux enseignements pour notre avenir commun. Cette interruption momentanée de la marche en avant du monde a été vécue en France avec difficultés, crainte et anxiété. Mais on peut aussi considérer ces deux mois de confinement comme une formidable pause entre des périodes d’une très grande tension, dans un climat social explosif ou les divisions, les fractures, mais également les contestations, et les revendications identitaires se multiplient, et traduisent l’éparpillement et la fragmentation de la société française. Les gilets jaunes, le personnel soignant, les professeurs, les manifestations contre la réforme du droit du travail, celles contre la réforme des retraites, et dernièrement la mobilisation anti raciste contre les discriminations et le racisme anti noirs, illustrent l’éclectisme, la diversité et la multiplicité des contestations. A chacune de ces manifestations les groupes de « Blacks bloc » s’invitent dans les cortèges pour installer le désordre et le chaos dans les rues de France. Les scènes particulièrement violentes des interventions de ces idéologues fanatiques sont saisissantes, effrayantes et plongent le pays dans une situation de quasi guerre civile. La mobilisation initiale est, la plupart du temps, prise en otage et permet d’offrir une tribune à ces casseurs, mobiles et aguerris aux techniques de la guérilla urbaine. Pourtant si on essaye d’être un peu attentifs aux enjeux réels de la situation contemporaine traversée par la France on s’aperçoit tout de même qu’il y a des mobilisations que ces groupes d’ultra gauche respectent plus que d’autres, et avec lesquelles ils n’interfèrent pas. Ce sont précisément les mobilisations anti racistes à qui ils permettent de défiler dans le calme à l’intérieur des rues de la capitale. Si ces dernières revendications peuvent bien entendu avoir leur légitimité, elles sont aussi, la plupart du temps, instrumentalisées par des mouvements Islamistes, radicaux et politiques. D’ailleurs il n’est pas rare d’entendre à l’occasion de ces mobilisations, des propos particulièrement injurieux à l’encontre de l’Etat d’Israël et des proclamations de soutien répétés vis-à-vis « des frères Palestiniens ». Et bien entendu le lien entre la discrimination et le racisme anti noir en France d’un côté et le sort des Palestiniens en Israël de l’autre, est limpide ! Et, chose surprenante les « blacks bloc », ces groupes d’ultra gauche, dont on avait cru pouvoir identifier le profil, comme des jeunes bourgeois blancs, venant parfois de toute l’Europe, rien à voir avec l’islam radical donc, se mettent à taire leurs actions, à cesser leurs violences, à interrompre le chaos qu’ils entendent infliger à la société française pour laisser ces revendications Islamistes et anti racistes s’exprimer. C’est apparemment le seul discours, le seul message qu’il est possible de faire passer dans les rues de France. La France qui généralement devient le théâtre d’affrontements d’une violence inouïe orchestrée par ces « Blacks bloc », qui interviennent pour installer une situation de chaos à l’occasion de toutes les mobilisations qui s’organisent dans le pays, et provoquent des scènes qui saisissent d’effroi la planète entière, voit également défiler autour d’un cortège préservé de toutes actions qui pourraient venir parasiter le message, ces manifestations anti-racistes, ou souvent, une partie (parfois importante) du discours de l’islamisme radical et politique, est repris et porté. Ce qui est frappant, c’est que la tendance de fond, qu’on avait cru pouvoir déceler, et que de nombreux intellectuels ont dénoncé il y a

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Epidémie : Entre Immanence et Transcendance

Est-ce que l’événement que nous venons de traverser collectivement est un événement de l’ordre de la transcendance ? On a l’habitude de dire, en simplifiant beaucoup les choses, que la transcendance c’est ce qui échappe au domaine des hommes, qui est extérieur à la cité, alors que l’immanence est plutôt à l’intérieur. On parle également souvent de ces notions en termes géométriques. Ce qui est transcendant est de l’ordre de la verticalité alors que ce qui est immanent est horizontal. Manitou insérait ces concepts dans un cours qu’il avait l’habitude de donner dans une introduction à la cabale et qui avait pour titre « le cercle et la droite ». Le cercle représente le déterminisme des lois de la nature avec un cycle qui se répète de façon rigoureusement identique et inexorable. La nature est enfermée dans sa propre condition de laquelle elle ne peut s’échapper, à l’image de ce cercle qui tourne sur lui-même pour arriver là où il était parti au départ, alors que la droite représente l’objectif que se fixe l’homme pour parvenir à se réaliser, et qui à chaque fois qu’il pense pouvoir l’atteindre, s’éloigne à l’infini à l’image de cette droite qui ne finit jamais et dont on aimerait parvenir à arrêter la course mais en vain. Et l’homme révèle ainsi sa finitude face à l’infini de cette droite. Ce n’est pas le néant qui a précédé l’être expliquait Manitou, c’est l’être qui a précédé le néant, puis il y a eu une néantisation d’un point d’être pour faire exister le vide c’est à dire la place du monde dans l’être. Autrement dit le monde vient du néant mais l’être a précédé le néant et a fait exister le vide à l’intérieur de l’être par un acte de retrait qu’on appelle dans notre tradition le « TsimTsoum ». Le « Tsim Tsoum », c’est cet acte de retrait, de rétractation, d’évidement du créateur pour laisser place à une forme sphérique vide au départ, et qui représentera la place du monde dans l’être. Pour que cette place soit vide il faut que la lumière qui y était présente originellement ait été rejetée de ce vide. Mais cette lumière qui a été évacuée va avoir tendance à vouloir revenir avec force et impétuosité, c’est la tendance de l’absolu à vouloir revenir de là où il a été retiré avec force. Pour éviter que cette lumière ne revienne de là d’où elle a été expulsée, pour préserver cette place du monde, il faut faire jouer une force, inouïe, surpuissante. Cette force préserve, protège, maintient la place du monde dans l’être car si elle ne jouait pas la place du monde serait détruite, avalée par l’être absolu. Cette force qui protège la place du monde et dont on dit, chose dangereuse pour notre avenir, que l’intensité dépend de la conduite morale de l’homme, s’appelle en hébreu la « Gvoura », c’est la vaillance. Mais qu’est ce que cela signifie la vaillance lorsqu’on parle du créateur ? Est-ce que le créateur pourrait ne pas être fort, ne pas être vaillant ? Cette vaillance, c’est en réalité être plus fort que soi-même, c’est être capable de maitriser son instinct. Cette force est phénoménale car si elle ne joue pas la place du monde est absorbée, avalée par la tendance naturelle de l’être à revenir d’où il a été retiré. Cette force, c’est une limite, une limite entre le créateur et son monde, le monde qu’il a créé, la créature en train d’être engendrée. Et on voit apparaître les deux concepts qui nous permettent d’avancer dans une tentative d’approche des notions de transcendance et d’immanence : D’un côté le cercle, cette forme sphérique, qui a été vidée de l’être, qui représente le monde et qui va être insérée dans un conditionnement et un déterminisme duquel il ne peut pas échapper, mais qui est également la condition de la liberté de l’homme. Et de l’autre cette force, cette vaillance, cette limite, cette ligne droite infinie qui dit à sa divinité : « jusque là mais pas plus » et qui dit à son monde : « jusque là mais pas plus », afin précisément que la place du monde, le lieu de l’homme, puisse être créé et préservé. Le cercle et la droite, entre immanence et transcendance. Et l’homme, comme sorte de compromis, se situe entre les deux, à mi-chemin entre le cercle et la droite Par exemple son visage est un compromis un mélange entre droites et cercles. L’objectif pour l’identité humaine est donc de briser le conditionnement naturel pour parvenir à se libérer du déterminisme et devenir une personne libre, un peuple libre. C’est précisément ce que nous avons vécu au moment de la sortie d’Egypte avec une libération à deux niveaux : Tout d’abord une libération vis-à-vis de la domination, de l’aliénation par rapport à la volonté de quelqu’un d’autre, d’un autre individu, c’est l’événement de la sortie d’Egypte à proprement parlé, puis dans un second temps, une libération par rapport à la domination et à l’aliénation que les lois de la nature ont tendance à avoir sur nous, avec l’événement du 7ème jour de la sortie d’Egypte et la déchirure de la mer rouge. Tout cela pour nous amener à l’événement transcendant par excellence qui est l’événement de la révélation de la loi morale sur le mont Sinaï. Autrement dit lorsqu’un homme, un peuple parvient à briser les lois de conditionnement naturel, à se libérer du déterminisme dans lequel il était inséré cela l’amène à un événement de transcendance, et ce lien toujours, le cercle et la droite, le déterminisme naturel dont il faut se libérer, entre immanence et transcendance. Lorsqu’il échoue, l’homme se résume à un être de « nature » et perd sa capacité à devenir une personne humaine, il reste soumis aux lois impersonnelles et déterminées de la nature. Alors comment parvenir à caractériser un événement de l’ordre de la transcendance ? Lorsqu’un événement de cet ordre intervient, il impacte chaque personne concernée par l’événement. Il suscite la stupeur, la stupéfaction, la mise en retrait, l’inclinaison. Au « tsim tsoum » du créateur, à sa rétractation pour permettre de créer

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Hamakom

« L’Etat hébreu doit se préparer à une alyah massive due au coronavirus ». C’est la déclaration assez surprenante faite cette semaine par la ministre israélienne de la Diaspora Tzipi Hotovely à l’occasion d’une rencontre avec la direction de l’organisation Nefesh B’Nefesh qui encourage l’immigration juive américaine. Selon, le Times of Israël, la ministre aurait évoqué « un réveil parmi les communautés » et assuré « que le gouvernement devait être préparé à une vague d’alyah ».  On peut comprendre que certains juifs de diaspora en Europe comme aux Etats-Unis s’inquiètent d’une épidémie qui frappe surtout les pays occidentaux. Mais ces raisons sanitaires paraissent insuffisantes, à elles seules, à expliquer la vague attendue. D’une part, le virus ne menace pas spécifiquement les Juifs – même s’il provoque ici ou là une remontée de l’antisémitisme – et, d’autre part, Israël n’est pas épargnée par la maladie, même si la réaction des gouvernants semble avoir été plus adaptée.   Il convient sans doute de s’interroger plus avant pour tenter de rendre raison de ce nouvel élan après plusieurs décennies pendant lesquelles les Alyihot en provenance des Etats et d’Europe se déroulaient, en dépit des chocs internationaux, de manière modérée et progressive.  Si l’on quitte le sens « pchat » (simple) de l’annonce ministérielle, on peut constater aisément que l’épidémie de coronavirus aura eu comme première conséquence concrète de ramener chacun chez soi, que ce soit au niveau individuel avec le confinement ou que ce soit au niveau collectif avec le rétablissement des frontières. En contraste avec les appels du monde global qui vantait les mérites d’une existence sans appartenance, la consigne est dorénavant donnée de « rester chez soi ». Et de fait, chacun a été contraint de retrouver son lieu d’habitation. Cette impérieuse nécessité a aussi été l’occasion d’une plus grande introspection. Chacun d’entre nous a eu le loisir de réexaminer le sens de son existence. Et ce faisant de rendre actuelle la question de savoir où les Juifs devaient habiter. La propension de certains d’entre eux à vouloir maintenir le primat de leur intégration à l’universel s’est heurtée à la réalité d’une nouvelle assignation à résider quelque part. Dès lors les Juifs de diaspora ne peuvent plus vraiment éluder la question de leurs appartenances territoriale et nationale.  Exemple d’une telle remise en cause : cette lettre poignante envoyée par un rabbin américain à sa communauté dans laquelle, après avoir fait un méa culpa sur son attitude passée, il encourage ses fidèles à immigrer en Israël. Irrépressiblement, le questionnement de savoir où l’on habite surgit de l’actualité du moment sous la forme de l’urgence. Il éclaire sans doute aussi, au-delà des considérations sur les craintes de l’épidémie, la perspective d’un regain de l’Alyah en provenance des Etats-Unis et d’Europe de l’Ouest lorsque ce retour sera à nouveau concrètement possible. Cela permet de rappeler que les Juifs ne sont pas seulement des bâtisseurs de temps. HaMakom, le lieu, est aussi un des noms de Dieu. Le terme renvoie à l’espace consacré à la présence divine. Lieu où la transcendance peut s’insérer dans l’immanence sans la dénaturer. Le Traité des pères nous apprends qu’« il n’y a pas une chose qui n’ait pas sa place » (Chap. 4). Et le Maharal de Prague interprète : « C’est pourquoi « endroit » se dit Makom, car il fait exister (mekayem) la chose qui s’y tient » (Netsah Israel).  En revenant sur notre lieu, nous accédons ainsi un nouveau niveau d’existence. Pour le peuple juif, le retour sur sa terre est de nature à rendre possible la réussite de sa mission : conduire l’humanité sur le chemin d’une rédemption en permettant au divin de résider parmi nous.    Antoine Mercier Journaliste

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Le Calendrier Israélien et le Déconfinement

Dans notre tradition, chaque fête, commémore un événement qui s’est produit dans l’histoire des hommes, et plus spécifiquement dans l’histoire de notre peuple au travers des siècles. Il faut en effet comprendre qu’au-delà de la structure de notre calendrier qui récapitule en une année la vie du monde dans son temps prophétique, chaque fête, chaque commémoration vient célébrer un événement qui s’est réalisé dans notre calendrier. Par exemple la fête de Pessah vient commémorer la sortie des hébreux de l’esclavage en Egypte ou encore la fête de Chavou’ot, le jour de la révélation de la Torah. Mais cela ne signifie pas pour autant que la fête n’existait pas avant l’événement qu’elle commémore. Par exemple les patriarches célébraient déjà la fête de Pessah. Ou, autre exemple peut être encore plus parlant et que nous connaissons désormais bien dans notre tradition, c’est la fête de Hanoucca : Le premier homme, Adam, célébrait déjà la fête de Hanoucca. Mais comment cela est-il possible, et comment comprendre cela ? Et surtout, comment se fait il que l’événement tombe à la bonne date ? Par exemple, comment expliquer que la sortie des hébreux d’Egypte ait eu lieu précisément le jour de la pleine lune du printemps, et que c’est précisément un 25 Kislev, jour de Hanoucca, que le temple libéré par les Maccabées fut inauguré grâce à cette fiole qui ne devait bruler qu’un jour et qui a pu bruler huit jours ?  En fait, nous expliquait Manitou, le temps est qualifié, chaque jour à son intensité qui lui est propre, son essence même. Un jour du mois de Tichri n’a pas la même intensité qu’un jour du mois de Nissan. Par exemple, on a l’habitude de dire que tout ce qui se passe pendant le mois de Tichri est dur, difficile de l’ordre du jugement et nécessite un mérite pour pouvoir s’accomplir, alors que ce qui se passe pendant les moments de Nissan est au contraire plus facile, plus doux, et fait appel à la grâce et à la bonté.  La guerre des 6 jours, s’est déroulée autour du mois de Nissan, elle a été une victoire miraculeuse, elle a été offerte en cadeau, par grâce absolue.  Un journaliste a interrogé le ministre de la défense Israélien de l’époque, Moshe Dayan, juste après la victoire et lui a demandé : « Vous ne croyez pas que Dieu vous a un peu aidé dans cette affaire ? » Et Moshe Dayan lui a immédiatement répondu : « Non vous n’avez pas compris. C’est nous qui lui avons donné un petit coup de main ». Alors que guerre de Kippour a été une guerre dure, difficile, périlleuse, ou Israël a risqué de disparaître de nouveau, elle s’est déroulée au mois de Tichri. Il y a donc bien une intensité particulière pour chaque moment de l’année, le temps est qualifié, et on se déplace dans le temps, du mois de Tichri au mois de Nissan, puis du mois de Nissan vers le mois de Tichri, de la modalité de justice stricte, à la modalité de charité pure, entre mérite et grâce. C’est lorsqu’un événement dans l’histoire des hommes rencontre sa date qu’il faut ensuite le célébrer. Et on devine alors que toutes les dates du calendrier n’ont pas encore rencontré leur événement dans l’histoire des hommes, et que l’objectif de notre tradition est de remplir le calendrier, de le compléter afin que chacun des jours de l’année ait rencontré son événement dans l’histoire de notre peuple, et ait révélé l’identité propre qu’il renferme. En réponse à cette attente on peut indiquer qu’il y a 3 calendriers qui se superposent dans notre tradition :   En complément à cet enseignement, Manitou nous faisait remarquer une chose importante : c’est que toutes les commémorations récentes qui concerne l’Etat d’Israël sont logées précisément dans la période que nous sommes en train de traverser et qui est la période du Omer. Tout se passe comme s’il y avait un calendrier à l’intérieur d’un autre calendrier, et que la période du Omer avait un calendrier qui lui était propre, presque autonome, à l’intérieur du calendrier d’une année. Et c’est un fait que Yom Ha Shoa, Yom Haatsmaout, Yom Hazikaron, Yom Yeroushalaim sont des fêtes qui concernent l’Etat d’Israël et sont toutes logées dans cette période du Omer. Comme si notre histoire récente, l’histoire de la reconstruction de l’identité hébraïque sur sa terre, faisait en sorte, de se mettre à jour, de parvenir à identifier les correspondances entre l’intensité de chaque jour dans cette période du Omer, et l’événement dans notre histoire qui lui correspond. Tout se passe comme si ces 49 jours qui vont de Pessah à Chavou’ot doivent se remplir, doivent se compléter des événements historiques afin de faire en sorte que cette période vulnérable entre la commémoration de la sortie d’Egypte et le don de la loi morale, parvienne à nous mener de la libération physique du peuple d’Israël à une libération plus spirituelle. Comme nous sommes contemporains de ces événements nous savons qu’ils ont eu lieu et que ces à ces dates qu’ils se sont réalisés. On peut être rassuré que l’événement a bien rencontré sa date et que nous pouvons le commémorer. Mais du même coup cette rencontre révèle aussi l’intensité de la période que nous traversons, et nous confirme à quel point cette période Omer est vulnérable et délicate, et peut nous amener soit à la remise en cause des acquis de la commémoration de la fête de Pessah s’il y a ligne échec, soit au contraire au renforcement des acquis s’il y a ligne de réussite et de succès. Mais ce que révèle ainsi la conception de notre calendrier, c’est que lorsque l’événement dans l’histoire des hommes se réalise, il dévoile du même coup l’identité profonde de la date à laquelle l’événement s’est réalisé. L’histoire des hommes dévoile l’intensité, l’essence, l’identité de chacun des jour de notre calendrier, et nous voilà sur deux plans parallèles : Un premier plan horizontal qui représente la succession des jours de l’année à l’intérieur du calendrier, puis un second plus spirituel, qui est lui

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EPREUVES

Voilà plus d’un mois que nous sommes confinés et un nouveau mois semblable au premier s’ouvre devant nous sans que nous sachions ce qui pourrait advenir. Situation proprement inédite et au sens propre inouïe : l’immobilisation et l’isolement de la plus grande partie de l’humanité pendant une longue période. Après avoir connu quelques semaines d’adaptation à nos nouvelles conditions d’existence, nous intégrons l’idée que celles-ci vont se prolonger encore plusieurs semaines. Nous franchissons un seuil. Celui à partir duquel il apparaîtra de plus en plus clairement que nous sommes confrontés individuellement et collectivement à une véritable épreuve. Qu’est-ce qu’une épreuve ? La tradition nous en donne un exemple paradigmatique : l’épreuve pour Abraham de la ligature d’Isaac. La fin de la section « Vayera » qui relate l’épisode commence par ces termes : « Il arriva, après ces faits, que Dieu éprouva Abraham… » (Genèse 22/1). L’épreuve présente deux caractéristiques : 1/ Elle nous place dans une situation incertaine qui nous est imposée. Bien qu’on en connaisse l’origine et qu’on puisse en cerner les contours, sa signification nous échappe. Dans l’exemple biblique, Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils alors qu’Il lui a promis dans le même temps que sa descendance passerait par lui. L’impossibilité de donner un sens à l’épreuve est constitutif de sa réalité. Être éprouver, c’est d’abord ne pas connaître avec certitude l’épilogue d’une histoire dans laquelle nous sommes irrémédiablement plongés et vis-à-vis de laquelle nous n’avons ni la possibilité de nous désengager, ni celle de trouver une échappatoire.  2/L’incertitude sur l’issue du processus en cours suscite de l’angoisse même si les conditions d’existence au jour le jour ne sont pas dramatiques. Nous pouvons vivre sans difficultés notre confinement, il n’en demeure pas moins intérieurement éprouvant. Il nous contraint à une décantation intime et à un recentrement sur notre être au monde. Il nous ramène invariablement à ce qui reste de nous quand plus rien ne se passe autour de nous. La perspective peut faire vaciller. Abraham lui-même exécuta l’ordre divin en tremblant. Il demeurait bien décidé à suivre l’injonction qui lui avait été donnée mais il redoutait en même temps son issue. Selon le Midrach, le Satan l’aborda à plusieurs reprises pour le faire renoncer. Dans la conscience du patriarche, rien ne permettait de différencier le scénario finalement heureux de la ligature de celui, tragique, du sacrifice réel. L’épreuve est ainsi faite que tant qu’elle n’est pas achevée, on en ignore le résultat. Sentiment partagé par tous les candidats à des examens, eux aussi soumis à l’épreuve. Vue du point où nous en sommes, celle que nous traversons aujourd’hui peut produire le meilleur comme le pire. Ainsi, être en situation d’épreuve n’implique pas forcément une confrontation avec des difficultés objectives mais elle laisse ouverte toute les options y compris les plus tragiques. Cela explique qu’elle mette les individus en situation de fortes tensions mentale et psychologique. L’avenir s’échappe de toutes les significations ou des projections dans lesquelles on voudrait l’enfermer. Eprouvés comme le serait un matériau en laboratoire dont on cherche à connaître le niveau de solidité, nous sommes appelés à démontrer le degré de résistance des valeurs qui nous animent. Pour Abraham, il s’agissait d’éprouver la confiance dans la promesse que Dieu lui avait faite. Et pour nous ? Individuellement, la question de connaître le sens de l’épreuve reste ouverte. A chacun d’y apporter sa réponse. Et collectivement, que devons nous nous prouver à nous-mêmes ? Qu’il n’est ni possible ni souhaitable de s’accrocher à notre volonté de domination de la nature et à notre désir de maîtrise absolue de nos existences. Qu’il est urgent de sortir de l’agitation égoïste. Qu’il faut retrouver le sens de l’action désintéressée. Qu’il convient de lâcher prise pour laisser une place au déroulement providentiel de l’Histoire. Le récit biblique consacré à la ligature d’Isaac se termine par ces termes : « Toutes les nations de la terre seront bénies par ta postérité ». Les commentateurs y voient la preuve que la perpétuation de l’esprit de l’Akeda dans l’humanité permettra de la faire participer aux promesses des bénédictions divines.  Tel est, selon eux, le testament d’Abraham et telle est la tâche de ses descendants, le peuple d’Israël. Par Antoine Mercier Jounaliste

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Confinement : Retrouvons le sens véritable du Chabbat

L’humanité a pris conscience de sa finitude, qu’il était inutile de se répandre sur leur monde sans précautions particulières, qu’il fallait se retirer partiellement du monde, qu’il était temps de faire preuve d’attention et de délicatesse, peut être aussi d’exigence morale et s’est brusquement mise à faire Chabbat. Un Chabbat imposé certes, contraint, mais l’histoire retiendra probablement qu’à un moment dans son histoire l’humanité a fait Chabbat et a donné la possibilité au monde d’arriver à des jours plus authentiques. Mais au bout de plusieurs jours de confinement généralisé à l’ensemble de la planète, ou presque, après quelques semaines de ce Chabbat imposé à l’homme, on voit apparaitre les premiers signes de relâchement, d’installation dans une sorte de routine alors que le confinement n’est pas levé. Les sorties se multiplient dans une ambiance un peu étrange. On voit en même temps se multiplier également les premiers signes d’impatience, d’incivilité, d’inélégance parfois d’énervement ou de violence. La patience est mise à rude épreuve et nos individualités se réveillent malgré elles et font apparaître par moment avec force nos défauts devant cette situation intense et interminable qui inscrit l’homme dans la réflexion, dans la lenteur et dans le dégagement. Les échanges entre les personnes deviennent plus difficiles, plus tendus, la suspicion et la méfiance font leur apparition dans le domaine public au moment des sorties, lorsque les personnes se croisent, peut être aussi à l’intérieur du domicile. La peur d’être contaminé provoque des attitudes de repli, de rejet, d’hostilité, de mise à distance de l’autre. Le premier temps de ce confinement universel qui était apparu comme un formidable retrait de l’homme pour laisser la place a l’autre que lui, et pour finalement un peu plus rapprocher les hommes entre eux, est en train de laisser la place à un second temps plus dure, plus difficile dans les relations entre les personnes, qui lui a plutôt tendance à les éloigner, à faire en sorte que chacun se replie sur lui-même en essayant de nouveau de s’approprier le plus de territoire possible dans ce qu’il est possible de prendre. Comme si chacun était un peu seul au monde et seul sur terre. A l’autre extrémité de ce second temps, après une période de sidération, les échanges misérables ont repris sur les réseaux sociaux, les petites blagues, les vidéos sans aucun intérêt et pas à la hauteur de la situation, cette vacuité, ces bavardages creux et vides de sens, et ces rires, ces rires que l’on entend parfois et auxquels on veut crier, taisez-vous ! Certains ont-ils vraiment conscience qu’un drame se joue au sein de l’humanité et qu’il faut respecter ce drame ? Mais finalement tout cela est assez logique, la nature des caractères revient progressivement à la surface, et la célébration du chabbat, qui rythme notre calendrier, est une célébration qui revient alors avec force au cœur de toutes nos réflexions et sur laquelle il est utile de se poser. Faire Chabbat n’est pas si simple, cela demande une exigence morale, une volonté, et l’instauration d’un rythme ou d’une habitude, et il nous revient désormais, à nous, peuple juif, peuple hébreu, à Israël, à ce peuple qui s’est réinstallé sur sa terre après deux mille ans d’exil, de prendre ses responsabilités, et de faire preuve de pédagogie, pour apporter ses lumières au monde, qui découvre soudainement cette fête, et de donner un sens à ce Chabbat que vit aujourd’hui l’humanité. Qu’est ce que signifie « faire Chabbat » ? Le signe du déclin d’une civilisation, c’est souvent la façon qu’elle a d’envisager les loisirs. Or, le Chabbat est devenu, souvent en exil, le jour où l’on se repose après une semaine de fatigue et d’efforts. En Occident, on fait une pause un jour ou un jour et demi par semaine, comme une machine qui a trop fonctionné et doit être mise à l’arrêt. Le Chabbat est entré dans le champ de la société occidentale. Il n’exige plus du Juif d’interpeller le monde, de veiller à être en phase avec le calendrier, mais il l’encourage à se fondre dans l’univers laïc du dimanche, de constituer une société plus harmonieuse, plus reposée. Le Chabbat, c’est pourtant tout autre chose. Ce jour-là, nous entrons dans un autre monde. Ce n’est plus le temps de l’efficacité, ni celui de notre rapport à l’objet. Nous devons cesser de nous investir dans les circuits économiques, d’intervenir dans les mécanismes du monde, qui nous obligent à travailler pour subvenir à nos besoins. Nous ne devons plus laisser agir notre volonté pour intervenir dans les mécanismes économiques. Nous devons nous concentrer sur notre rapport à l’homme, de manière désintéressée, sans rien attendre en retour. Le jour du Chabbat, nous pénétrons dans une dimension où nous sommes capables de nous retirer du monde, de nous en dessaisir partiellement et de donner plus d’importance à l’autre qu’à nous-mêmes. Le jour du Chabbat, nous sommes les invités de quelqu’un, alors que les six autres jours de la semaine, nous ne dépendons que de nous-mêmes pour agir sur les problèmes du monde. Il ne s’agit pas ici de recharger les accus d’un ordinateur ou d’un téléphone portable, mais bien de s’inscrire dans un moment différent, dans lequel le dynamisme de la technique et de la science n’aurait plus aucune prise. Un moment qui place les relations d’homme à homme au centre du questionnement, qui tente de répondre à la question du sens et de la sainteté morale. Un moment dans lequel l’homme ne doit plus travailler pour vivre, mais doit s’élever pour retrouver sa véritable identité d’homme. Cela fait inévitablement penser à ce juif qui tourne à l’extérieur, autour de la porte d’entrée de son immeuble le jour du Chabbat, parfois avec un ou deux de ses collègues, en attendant qu’une âme extérieure et impure lui donne accès à son l’immeuble en appuyant sur le bouton électrique de la porte d’entrée. La tradition hébraïque nous enseigne souvent que nos actes sont jugés en permanence et qu’il n’y a pas de refuge à l’abri duquel nos actes peuvent être revus.

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