Le Livre de Vayiqra
Le contenu du Livre de Vayiqra est d’une brûlante actualité. Le fait du retour entre nos mains du lieu où s’élevèrent nos deux premiers Temples n’arrête pas de focaliser l’attention du monde entier comme s’il n’avait pas d’autres chats à fouetter. La notion des sacrifices au Temple est particulièrement difficile à comprendre pour nous, et à plus forte raison pour le monde entier. Ce dernier, avec l’ONU comme cheval de bataille, essaye de nous convaincre sans cesse que la Montagne du Temple n’est peut-être pas le lieu saint d’Israël par excellence, que Yéroushalayim devrait être divisée et que notre territoire domanial est en sursis d’existence… pas moins !
Et les gouvernements israéliens successifs, pour ne pas faire de vague dans la politique internationale, ni de tsunami dans les consciences, ont décidé de mettre entre parenthèses notre présence sur la Montagne du Temple, cautionnant ainsi cette vulgaire opinion internationale. Mais les nations sont en commotion car, de fil en aiguille, elles découvrent qu’il y a peut-être un Dieu des Juifs qui conduit de main de maître le cours de l’Histoire, selon ce qu’en ont décrit Ses prophètes dans la Bible des Hébreux, et que cela « »colle » » de façon tout à fait naturelle à la réalité, avec une évidence eidétique massive. Tonnerres et tremblements : les Israéliens d’aujourd’hui pourraient être les ossements desséchés ressuscités de ces mêmes Hébreux de la Bible qui étaient chez eux au royaume de Shlomo, le roi, du temps où ils sacrifiaient à leur Bon Dieu, au Temple de la Paix à Yéroushalayim ! Si les nations savaient que les sacrifices au Temple attiraient la bénédiction divine sur le monde tout entier, elles ne nous mettraient pas des bâtons dans les roues pour réussir notre projet. Elles apporteraient elles aussi leurs sacrifices à Yéroushalayim.
De plus, les nations du monde nous accusent de maintenir cette présence chez nous par la force ! Comme si les Francs venus d’un peu partout des pays barbares n’avaient pas envahi la Gaule et n’avaient pas passé au fil de l’épée tous leurs opposants pour s’installer finalement en Île de France. Comme si les Chinois, composés de cinquante-six-nationalités diverses, étaient chez eux en Chine, plusieurs fois divisée et recomposée, alors qu’ils ont conquis des territoires par une brutalité réputée et qu’ils imposent actuellement au Tibet une hégémonie autoritaire. Sans parler des Américains qui ne sont sûrement pas chez eux puisque venus récemment de partout d’Europe et d’ailleurs, dans un immense melting-pot. La population du monde entier est métissée et si on lui imposait le principe que tous les humains doivent retourner à sa contrée d’origine, cela coûterait très cher, trop cher !
Si on obligeait ces milliards d’individus de retourner chez eux, ils mettraient des dizaines d’années à revenir à leurs contrées d’origine ; des pays se videraient et d’autres regorgeraient de ressortissants ne parlant plus la même langue. Nouvelle Tour de Babel, grand bazar et anarchie, guerres ethniques et migrants belliqueux, crises d’identité. Nul ne peut s’enorgueillir de pouvoir ou de vouloir revenir à sa contrée d’origine comme nul ne peut se gausser de savoir de quelle famille anthropologique il appartenait il y a deux mille ans. Sauf les Juifs qui sont chez eux à Yéroushalayim, en Israël, et nulle part ailleurs. Nous sommes l’exception à la règle : de fait, seuls nous des Juifs sommes chez nous en Israël, quand bien même par la force dont le caractère est défensif.
Tout le reste de l’humanité n’est pas chez lui, c’est le résultat de conquêtes sanglantes, toujours en dépit de toute moralité, de vols collectifs, de rapines, de kidnappings, d’incursions militaires offensives, de déplacements contraints de population, de métissages démographiques imposés et tout le toutim, au vu et au su de tous, et personne ne pipe mot,. Tout cela au nom d’un dieu inconnu ou d’idéaux fabriqués de toutes pièces. Comme ce principe de retourner tous à sa terre d’origine est impossible à réaliser, il faut imposer aux Juifs cette idée impossible qu’ils ne sont pas chez eux chez eux, en Israël, à Yéroushalayim ! Et cela marche, chez nous, ici, en Israël, pour une frange de nos concitoyens et surtout pour nos frères hors d’Israël qui s’entêtent à végéter dans des contrées qui leur sont étrangères et suggèrent, par leur présence ailleurs que dans leur terre de prédilection, que les nations du monde ont peut-être raison…
Vient alors le Livre de Vayiqra pour montrer à toute l’humanité que l’impensable est possible : la tendance naturelle de l’homme de vouer un culte ne doit s’adresser qu’à Dieu seul, selon le principe absolu du monothéisme hébreu. Et cela ne peut se réaliser que par le truchement de l’institution des règles de la liturgie propre au culte impliqué par la Loi de Moshé, au Temple à Yéroushalayim, Shemot XXII, 19 : « Quiconque sacrifiera à une divinité sera frappé d’interdit ».
La structure du Livre de Vayiqra
L’architecture de Vayiqra se construit par dix parashot, dont la première, Vayiqra, décrit l’utilisation et l’inauguration du sanctuaire, monde où l’homme et Dieu sont présents. Ensuite, Tsav énonce l’énumération de la liturgie des sacrifices dans le Temple : le sacrifice du matin et le sacrifice du soir correspondent aux repas du Cohen Gadol, dans le Temple, repas parfaits de l’homme parfait, habillé de vêtements parfaits, dans la Maison parfaite ; Shemini, la pureté alimentaire ; Tazria’, la pureté morale, la pureté religieuse de la femme et les maladies morales des situations d’impureté ; Metsora’, la pureté et la sainteté, la pureté familiale ; A’harei Mot, la pureté morale entre l’homme et son prochain, l’universalisme de la Torah ; Qédoshim, les lois sociales et l’amour du prochain comme un autre soi-même ; Emor, la pureté des Cohanim.
Pourquoi autant de lois dictées pour la pureté ? Parce que la pureté est tout ce qui est du côté de la vie (Rav Yéhouda Askénazy, Pardès 23, p. 174). Évidemment, cette liste est exhaustive et n’est qu’un condensé des développements de l’Unité du Nom de Celui qui est Dieu, qui apparaît, au fur et à mesure de l’édiction des lois du culte au sanctuaire, dans leurs plus infimes applications.
Le sacrifice, acte d’approche volontaire
En effet, par définition, en hébreu, le sacrifice est un acte volontaire intentionnel pour approcher Dieu. En français, la notion de sacrifice implique la nécessité d’une perte définitive, de la privation radicale d’un bien, sans retour. Par contre, en hébreu, le mot קרבן qorban signifie d’abord une approche, une proximité acquise par don de soi, suite à un qirouv lévavot, קירוב לבבות, un rapprochement des cœurs et une rencontre des consciences. Les mathématiques définissent l’approximation imprécise quand la précision d’approche absolue est impossible : on parle alors de qirouv קירוב. La racine ק.ר.ב donne aussi קרובים qerovim, les proches parents ; ou bien קרב מגע qrav maga’, le combat rapproché, comme tout combat qui se fait au corps à corps, entre deux ou plusieurs groupes et qui se termine curieusement toujours par un traité de paix ou un accord de circonstance.
Par complémentarité d’idées et association phonétique, la Torah décrit les kérouvim, כרובים, avec cette fois-ci un kaf כ qui peut s’intervertir avec le qouf ק, les chérubins, au-dessus du couvercle de l’Arche de l’Alliance, dont nos Sages disent qu’ils étaient des jeunes enfants, frère et sœur, face à face, unis l’un et l’autre (Rashi, Shemot XXV, 18 ; Rambam, Guide des Égarés III, 1). Selon le Talmud Yoma 54a, les Cohanim les présentaient au peuple d’Israël durant les Fêtes de pèlerinage, quand tous les visages des enfants d’Israël se rencontraient au parvis du Temple, à Yéroushalayim. Les chérubins se regardaient quand tout Israël était saint et avait mérité, ils détournaient et regardaient vers le Miqdash quand Israël avait démérité, en manque de sainteté (Talmud Baba Batra 99a).
Donc, en plus de la notion d’approche nous avons celle de la rencontre qui font, elles deux, allusion à l’union des contraires, spécificité d’Israël, unique en son genre. Au vu des réussites successives extraordinaires du peuple d’Israël sur sa Terre de Vie, en Erets Israël, tout en sachant que la situation doit être améliorée, nous en déduisons qu’en Haut, dans les sphères supérieures du Trône de Gloire, les Kérouvim (Béréshit III, 24) se regardent actuellement face à face comme quand un homme parle à son prochain (Shemot XXXIII, 11), bien que nous ne sachions pas en quoi consiste vraiment notre mérite, si ce n’est l’amour que porte notre peuple à sa terre et au monde entier, la bénédiction divine l’accompagne.
La sainteté dans le Livre de Vayiqra
Selon le Rambam, (Sefer Hamitsvot, Introduction, Quatrième racine), l’exhortation à la sainteté de Vayiqra XIX, 2 : « Parle à toute l’assemblée des enfants d’Israël, et tu leur diras : Vous serez saints, car Saint Je suis, Moi Hashem votre Dieu » récapitule l’ensemble des prescriptions de la Torah et ne désigne pas une conduite concernant telle ou telle mitsva particulière. Mais toutes les mitsvot doivent être effectuées avec l’intention d’être saint en ce monde de l’immanence comme Hashem notre Dieu est Saint dans les hauteurs de Sa transcendance. La sainteté est atteinte dans l’unité de toutes les valeurs.
Notre maître, le Rav Tsvi Yéhouda HaCohen Kook enseigne (Leçons III, p. 181-183) : Le projet de ce verset est la sainteté donnée comme modèle pour tout Israël. C’est le leitmotiv rencontré à chaque mitsva. La rémunération de la mitsva serait alors la sainteté conséquente à l’observance de la mitsva. Ce projet de sainteté est à la fois un commandement, une conduite à suivre : vous devrez être saints, vous avez à être saints, qedoshim tiyhou קדושים תיהו, et une promesse qui se réalisera de toute manière : vous serez saints, sachez que de toute manière, bon gré mal gré, vous serez saints, car telle est Ma bénédiction pour vous.
Le commandement pour la conduite à suivre s’adresse à l’individu quant à l’obligation de faire coïncider son être individuel à celui de la collectivité d’Israël, Klal Israël כלל ישראל. L’individu actionne son libre arbitre en choisissant la voie de sainteté à tous les niveaux, entre l’homme et lui-même, entre l’homme et son prochain, entre l’homme et le monde, entre l’homme et son Créateur, comme nous le disons dans la prière des Dix-Huit bénédictions : « Tu es Saint, et Ton Nom est Saint et les saints prononcent Ta louange ».
La Tradition des Sages formule la bénédiction prononcée lors de l’accomplissement des mitsvot : « Qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a prescrit de…», d’être des saints. La promesse s’adresse à l’ensemble de la collectivité d’Israël car la sainteté est intrinsèque à son âme, Hoshéa’, XI, 9 : « Le Saint qui réside au milieu de toi », Rashi explique : « Tout se passe comme si toutes tes entrailles et tous tes viscères sont consacrés à la sainteté, impossible d’y passer outre ». HaShlah HaQadosh s’exclame (Béréshit) : « Le corps est saint et l’âme est le Saint des Saints » ! À ce niveau, cette promesse est inconditionnelle, elle est nécessaire et obligatoire, Vayiqra XXI, 8 : « Car Je suis Saint, Moi le Seigneur, qui vous sanctifie ».
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