KORAH : la faute de « la querelle de Kora’h et son assemblée »

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Qora’h :

la faute de « la querelle de Qora’h et son assemblée »

La rivalité

Sous l’égide de Qora’h, l’un des principaux représentants de la lignée de Lévi, et avec la participation de deux cent cinquante chefs de clans des différentes tribus d’Israël, la révolte gronde contre les prérogatives attribuées à Moshé et à Aharon, Bemidbar XVI, 3 : « Et ils s’assemblèrent contre Moshé et Aharon, et leur dirent : “C’en est assez pour vous ; car toute l’assemblée, tous sont saints, et Hashem est parmi eux. Pourquoi vous érigez-vous en chefs de la communauté de Hashem” ? ». Moshé leur répond : « Demain, le Seigneur fera savoir qui est digne de Lui, qui est le saint qu’Il admet auprès de Lui ; celui qu’Il aura élu, Il le laissera approcher de Lui. Faites ceci : munissez-vous d’encensoirs, toi Qora’h, et tout ton parti ; mettez-y du feu et remplissez-les de parfum, devant le Seigneur, demain ; or l’homme que distinguera le Seigneur, c’est celui-là qui est saint. Assez donc, enfants de Lévi…c’est donc peu pour vous que le Dieu d’Israël vous ait distingués de la communauté d’Israël, en vous admettant auprès de Lui pour faire le service du Tabernacle divin…et vous réclamez encore le sacerdoce ! ».

Rabi Avraham Ibn ‘Ezra indique les raisons de cette révolte : les partisans de Qora’h étaient tous des insatisfaits. D’abord les Léviim qui n’avaient pour fonction que d’assister les Cohanim et à leur tête Qora’h, reconnu pour être « un grand de la Torah » (Midrash Tan’houma Qora’h 2, 1). Ensuite, des membres de la tribu de Réouven, l’aîné des tribus d’Israël, dont Datan et Aviram, ainsi que One, fils de Péleth, qui prétendaient à la royauté alors que le rôle dominant est attribué à Yéhouda et Ephraïm. Puis, autre argument de Qora’h : les aînés des tribus ont été remplacés par les Cohanim. Et enfin Qora’h, lui-même, compte tenu de sa valeur, dont la revendication personnelle était la grande-Cohanout mais elle échoit à son cousin Aharon.

Seul Qora’h pouvait prétendre à une telle rivalité, de la part de quelqu’un d’autre, cette prérogative aurait semblé ridicule. D’où sa faute, entraînée sans doute par la convoitise, de fomenter une révolte qui ne visait pas le bien commun, mais destinée à la satisfaction d’intérêts particuliers, Pirqei Avot V, 17 : « Toute querelle de bonne foi est destinée à s’accomplir et toute querelle de mauvaise foi est destinée à ne pas s’accomplir ».

Rashi, sur la généalogie de Qora’h au premier verset, explique pourquoi elle s’arrête à Lévi et ne cite pas leur ancêtre Ya’aqov. Car Ya’aqov avait demandé dans sa bénédiction des fils, à ne pas être nommé dans les querelles, Béréshit XLIX, 6 : « Ne t’associe point à leurs desseins, ô mon âme ! Mon honneur, ne sois point complice de leur alliance ! ». Le Talmud Sanhédrin 109b commente : « Leurs desseins, il s’agit du complot des explorateurs ; leur alliance, c’est Qora’h et son assemblée ».

De fait, remarque le Rav Yéhouda Askénazi (KM, p. 300), la faute la plus grave, la plus difficile à réparer, est bien la querelle de mauvaise foi entre les Sages, eux-mêmes. Nous ajouterons la querelle de mauvaise foi des rabbins entre eux, aussi grands puissent-ils être, et la querelle de mauvaise foi des rabbins, aussi petits puissent-ils être, contre les grands : Fine allusion à ces grands-rabbins, à ces chefs de file, ces maîtres à penser, ces politiciens influents, tous enracinés en galout, exhortant leurs ouailles à rester au dehors d’Israël, sous prétexte de conserver leur Torah d’exil, et ceux qui critiquent à hue et à dia l’État d’Israël et ses immenses réussites qui ne peuvent être, selon eux, la volonté de Dieu.

Le Maharal élargit dans son Dérekh ‘Hayim, commentaire sur la Mishna des Pirqei Avot, l’exhortation à s’éloigner de la querelle quelle qu’elle soit. Toute querelle est l’apparition de la dualité et de la séparation néfastes. La querelle est la faute par excellence, que ce soit la querelle de mauvaise foi ou celle de bonne foi, dans la mesure où elle n’est pas immédiatement évacuée et se maintient indéfiniment, se perpétue de génération en génération. La querelle met en relief la disparité et accentue l’antinomie des contraires, elle met en exergue l’incapacité d’accéder à l’authentique monothéisme de l’unité. Car c’est là le signe d’une incapacité à reconnaître l’unique volonté divine enchâssée dans la Torah comme le critère de l’autorité ultime, agissante dans les idéaux divins, depuis l’émanation des mondes à leur source, où tout est unité une. La querelle met l’accent sur la disparité des valeurs alors que la vertu de vérité est celle de l’unité des valeurs.

Les railleries de Qora’h

Dans sa propagande, Qora’h donnait, comme raison à son opposition, le bien commun, Bemidbar XVI, 19 : « Qora’h avait ameuté contre eux toute la communauté à l’entrée de la Tente d’assignation ». Rashi : « Grâce à des paroles démagogiques, toute cette nuit, il alla séduire les tribus, en leur disant : Croyez-vous que c’est uniquement pour moi mais c’est pour votre bien à tous, alors qu’eux s’octroient toutes les grandeurs, pour lui la royauté et pour son frère la Cohanout. – Jusqu’à ce que tous en soient convaincus ». Les attaques de Qora’h étaient doubles : Moshé et son entourage se sont accaparé tous les postes élevés, Moshé attribue ses paroles et ses injonctions à Dieu alors qu’il a tout inventé.

Le Midrash Tan’houma (2) développe le discours de Qora’h : « Il dit à Moshé : Auparavant tu as dicté la parasha des tsitsiot, ces franges aux vêtements. Un habit entièrement de couleur azur est-il dispensé de porter des tsitsiot ? Moshé : Non. Qora’h reprit : un habit entièrement en tsitsit n’est pas en règle et quatre fils le mettent en règle ? Une maison pleine de livres est-elle dispensée de mezouza ? Moshé : elle doit en avoir. Qora’h reprit : la Torah et ses 278 parashot ne mettent pas en règle la maison et les deux paragraphes de la mezouza le font ? Jamais tu n’as reçu de tels prescriptions, tu les as inventés de toutes pièces ». Qora’h fait l’allusion suivante : le peuple est entièrement saint et il a besoin de nombreux chefs.

Le Midrash Sho’har Tov, Téhilim I, 1, montre comment Qora’h s’insurge contre les exigences démesurées de la Torah : « Et Qora’h assembla contre Aharon et Moshé toute la communauté, et se mit à conter devant eux des paroles de moquerie en disant : Il y avait en mon voisinage une veuve, et avec elles deux filles orphelines ; et elles avaient un champ. Elle vint à labourer, mais Moshé lui dit : “Tu ne laboureras point avec un âne et un bœuf liés ensemble”. Elle vint à semer mais Moshé lui dit : “Tu ne sèmeras point en ton champ des semences hybrides diverses”. Elle vint à moissonner et à faire des gerbes, Moshé lui dit : “Laissez le glanage aux pauvres et oubliez pour eux les gerbes non ramassées et celles au coin du champ”. Elle vint à mettre en grange, et Moshé lui dit : “Tu me donneras la dîme première et la dîme seconde”. Elle donna tout. Elle trouva que c’était justice et alors, que fit-elle ? Elle se leva et vendit son champ. Elle acheta alors deux agnelles, pour se vêtir de leur tonte et profiter de leurs produits. Quand elle les tondit, Aharon vint et dit : “Les prémices de la tonte, tu donneras aux Cohanim, car ainsi l’a ordonné le Saint, Béni est Il”. Quand elles mirent bas et eurent des petits, Aharon vint et réclama : “Donne-moi les premiers-nés, car ainsi l’a prescrit le Saint, Béni est Il”. Elle trouva que c’était justice et donna les petits. Elle se dit : “Il n’est pas en mon pouvoir de résister à cet homme. Je vais donc les égorger et les manger”. Quand elle les eut égorgées, Aharon lui dit : “Donne-moi l’épaule, les mâchoires et l’estomac, car c’est la loi du Seigneur”. Et elle dit : “Comment, même égorgées, je ne peux les sauver de sa main ?” Et elle ajouta : “Eh bien ! Je les proclame maudis !” Aharon répondit : “Dans ce cas, elles m’appartiennent tout entières, car ainsi l’a dit le Seigneur, Béni est Il : tout anathème en Israël sera à toi”. Il les prit et s’en alla ; et la veuve resta pleurante, avec ses deux filles. Voilà ce qui est arrivé à cette malheureuse, eux font tout cela, et ils l’attribuent à Dieu ! ».

Qora’h discute d’un cas particulier et non de principes généraux, il a choisi des personnages qui forcent à la pitié et n’entre pas dans le fond du problème, en ne mentionnant que des devoirs et non des droits qui sont très nombreux, Shemot XXII, 22 : « N’humiliez jamais la veuve et l’orphelin », Devarim XXIV, 21 : « Quand tu vendangeras ta vigne, n’y grappille pas après coup ; ce sera pour l’étranger, l’orphelin ou la veuve ». De plus, Aharon n’est pas le seul Cohen au service exclusif du divin. Qora’h ne dit pas que “toute l’assemblée est sainte” mais “toute l’assemblée, tous sont des saints”, ce qui est fautif : la sainteté d’Israël n’est pas individuelle mais collective, de même que sa fonction et sa mission dans le monde.

La sainteté est donnée à l’échelle collective, à l’échelle individuelle elle doit se conquérir par l’effort et le travail, en coïncidence avec le projet de sainteté qui est l’organisation de l’unité des valeurs. Or, ce n’est qu’en Érets Israël que les individus peuvent retrouver l’unité entre le paysage du monde et les valeurs de la sainteté. Le peuple d’Israël en tant que collectif, dans son ensemble, est la preuve de l’existence de la sainteté.

Le fait national juif en Érets Israël est l’unique preuve de la possibilité de la sainteté. Depuis plus d’une centaine d’années, la construction progressive de l’État d’Israël, mais surtout depuis l’accès à son Indépendance il y a soixante-dix ans, est la preuve incontestable de la victoire de la sainteté. Ce ne sont guère de belles phrases mais il s’agit du dévoilement de la volonté du Créateur dans le monde, de Sa volonté déjà réalisée dans la convergence de vertus habituellement irréductibles. La sainteté authentique s’unit à la nature de la terre d’Israël, à sa géographie, à sa topologie, à son anatomie, car les mitsvot sont appelées à être réalisées sur la bonne Terre d’Israël donnée au bon peuple d’Israël, exclusivement.

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