Berechit

Berechit : Le monde du début

«  Le recommencement de la Lecture. À l’office du matin du premier Shabbat qui suit les solennités du premier mois de l’année, Tishri, les communautés juives du monde entier reprennent la Lecture de la Torah depuis le début … Force est de constater que les commentateurs ont expliqué de toutes les manières possibles ce premier verset du Pentateuque, et pourtant, il demeure énigmatique, comme s’il cachait un secret qui tient du prodige et qui n’a jamais fini de se révéler… à suivre. Ce secret du commencement Béréshit interpelle toute personne honnête qui lit ce verset, car chacun est à la recherche de son identité propre. Or, la Lecture de la Torah décrit et définit la Charte de l’identité humaine. Cette identité, que chacun recherche, serait toujours à proximité, directement accessible, mais de suite aussi très lointaine, scellée, hermétique. Notre identité authentique est une pérennité occultée non encore dévoilée, c’est-à-dire un secret qui se révèle au compte-goutte selon les évènements qui se déroulent au cours du temps de cette année, des années précédentes et de celles futures. Ce secret de l’identité humaine dans son absolu de perfection est une connaissance occultée actuellement mais que l’on pourrait posséder à condition de l’étudier et de l’approfondir, selon une initiation qui se transmet de père en fils et de maître à élève. Redoublant d’effort, il nous faut piocher dans les cieux des textes écrits et dans la terre des dires de tous les Sages du Talmud. Toutefois, cette recherche doit aussi s’éclairer des péripéties historiques et des bouleversements de la vie. En effet, la Tradition hébreue se situe dans un monisme intégral de l’essence du monde, c’est-à-dire que tout est absolument en Dieu qui transcende le tout, ce que les savants appellent le panenthéisme radical : c’est le même Créateur qui a voulu le monde de vérité et qui a fait le monde de réalité. C’est le même Créateur qui fait exister la vérité dans son absolu de perfection et la réalité dans son absolu d’imperfection, à chaque instant et partout dans les mondes, aussi bien physiques que spirituels, réels qu’intuitifs. C’est ce qui fait que le monothéisme du Tnakh, la Bible des Hébreux, n’est pas le résultat d’une recherche de la pensée naturelle humaine, quand bien même aurait-elle une visée moniste et monothéiste, mais c’est une révélation de Dieu, du début à nos jours. Même si cette évidence est une catégorie de la foi, elle trouve son application dans le domaine de la réalité : depuis la création de l’Etat d’Israël, ce qui faisait partie des catégories de la foi devient l’évidence même d’une réalité qui se révèle à nos yeux éberlués. Il est évident pour l’homme de foi que tout est voulu par Dieu dans le monde de vérité et que le monde de réalité obéit en tout à la loi de vérité. Ce qui fait que ce que nous vivons en Érets Israël, sous l’égide de la réalité de l’État d’Israël, n’est que pure vérité. Le alef et le bet Tout découle d’une même question, tout revient à cette même interrogation : Qui suis-je ? Quelle est la condition de mon être ? Pourquoi et comment ? Pour qui ? Pour quel but ? Ce qu’en hébreu nous questionnons par lamah למה ? Mais ce questionnement du pourquoi de la fin ne peut se résoudre qu’en ayant une connaissance du début par le questionnement du commencement, comment cela s’est-il révélé, comment eikh איך ? Si mon identité authentique reste un secret enfermé dans la tour d’ivoire du premier verset, insondable à moi-même, secret qui dépasse toutes les explications et tous les commentaires, pourquoi donc a t’il été mis par écrit et lu chaque année de nouveau ? Rashi s’étonnera de toujours, et nous après lui : « Au commencement Dieu créa les cieux et la terre : Rabi Yits’haq dit : Il n’était nécessaire de faire débuter la Torah que par la première des lois prescrites à Israël, Shémot, XII, 2 : « Cette néoménie sera pour vous le commencement de l’année ; il sera pour vous le premier des mois de l’année ». Pour quelle raison le texte commence-t-il par Béréshit, le récit de la Création du monde ? ». Parce que le premier verset aurait dû commencer par la première lettre de l’alphabet alef, qui signifie la catégorie de l’Unique, mais il commence par la lettre bet qui indique que la création, pour être cohérente à elle-même, est inscrite dans la catégorie de la dualité. Dès qu’il y a création, il y a dualité, car l’éloignement de la source de création s’accompagne de l’apparition de l’être autre que l’Être qui donne l’être. Dès qu’il y a un monde d’en bas, il y a dualité puisqu’il s’est détaché du monde d’en haut ; il y a deux, l’un et l’autre, le bien et mal. Autrement dit, le alef, le Un primordial, source de tout l’être, s’est caché avant le bet, et lorsque le alef se dévoile, c’est toujours à reculons, incognito et par miracle, par des prodiges dans le monde de la nature, Shémot, XXXIII, 23 : « Alors Je retirerai Ma main, et tu Me verras par derrière ; car Ma face ne peut être vue ».     Lorsque le alef אלף se montre c’est par en arrière, avec un mot formé des mêmes trois lettres, mais à reculons : פלא pélé, le miracle. Lorsque le alef אלף descend par en bas, il se dévoile en pélé פלא. Ainsi l’Unité profonde se dévoile un peu : Elle aurait déjà voulu que l’être Israël respectât le premier des commandements prescrits mais pour ce faire, il fallait commencer par créer le lieu de cette révélation, depuis son commencement, Béréshit. Sinon, l’histoire aurait été incohérente et « mystique », elle aurait été une connaissance de l’ordre du mystère, impossible à posséder. Cela vient de ce que la notion de création du monde échappe à la raison humaine ; elle est renvoyée par la Torah à l’absolu du commencement, à l’impensable absolu. Si commencement il y eut c’est bien parce qu’il enferme en lui toute la création elle-même car cette création ne pourrait avoir lieu avant son propre commencement, dixit Rav Yéhouda Askénazi.

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