Vayikra – 1994

Le cours

Face A

Face B

Texte Face A

/3ème livre de la Torah qui est Vayiqra.

Etude du verset de Bamidbar Chapitre 28 verset 23.

C’est la 1ère Parashah du livre, je commence par une introduction générale sur le livre de Vayiqra qui s’appelle dans la formulation talmudique « Torat Kohanim » – la Tora propre aux prêtres.

Je vais essayer d’expliquer une des manières de rendre de compte de cette intitulé. En français, le Lévitique qui est analogue mais pas exact. Les Kohanim était la branche aînée de la tribu de Lévi. « Lévitique » signifierait le statut ou le code propre aux Lévites, mais bien que les Lévites aient un statut particulier vis-à-vis de la sainteté et différent des autres membres d’Israël, malgré tout ils n’étaient pas au niveau de sainteté des Kohanim.

Il y a trois niveaux de relation à la sainteté dans le peuple d’Israël :

ð  Kohanim.

ð  Léviim.

ð  Israel.

Les Kohanim et les Léviim sont à part du reste des tribus d’Israël, et d’autre part de la sainteté propre à l’ensemble d’Israël. Un moyen mnémotechnique qui provient d’un enseignement de la Kabalah note que les Rashé Tévot donne le terme de Kéli : Kaf-Lamed-Youd.

Il y a une définition à retenir. Bien qu’il y ait des différences du point de vue de la sainteté entre les

Kohanim et les Léviim et Israël, tout cet ensemble forme un même ensemble par rapport à la mise à part de la sainteté.

La traduction fondamentale en français du terme « Qadosh » est d’abord « la mise à part », mais dans une signification différente d’un autre terme hébreu qui signifie « mis à part ».

Paroush – mise à part

Les Peroushim, les Pharisiens, étymologiquement.

L’histoire a fait que le terme a pris une connotation négative en français et synonyme de « jésuites »

Peroushim : ceux qui avaient le parti pris de sainteté, même s’il n’étaient pas Kohanim ni Léviim. La conduite de Péroushim dans les tribus d’Israël à partir du temps du 2ème temple, époque où il y avait une multitude de sectes. Il y a une discussion chez les historiens et les théologiens pour savoir de laquelle de ces sectes est sorti le christianisme. La grande discussion consiste à savoir si c’est sorti des Esséniens ou des Pharisiens.

Je penche vers la thèse défendue par André Néher selon lequel le christianisme apparait plutôt comme issu d’une secte hérétique des Pharisiens plutôt que comme une secte hérétique des Saduccéens. La découverte des manuscrits de la mer morte montre qu’il en est ainsi. Quoique du point de vue des calendriers, les Chrétiens ont un calendrier plus proche que le calendrier saduccéen, c’est-à-dire ni pharisien ni essénien. Ce sont des débats assez compliqués qu’il faut laisser aux spécialistes.

Etymologie du terme Qadosh : il ne peut être traduit par le terme français de sacré. C’est plutôt le terme de saint. La Qedoushah c’est le « saint » et non pas le « sacré ».

Pour certains « sacré » et « saint » sont synonymes, mais E. Lévinas  dans un de ses ouvrages a donné des repères importants pour la distinction entre le sacré et la sainteté.

Le sacré va du côté de la violence toujours. Il y a un parallèle entre le sacré et la violence. Alors que la sainteté, le saint, va du côté de la morale. Il y a une identification Qedoushah et morale dans l’enseignement de la Bible. Alors que le sacré dans l’immense majorité des religions n’a pas à priori forcément à voir avec la morale. On peut être dans le sacré et être complétement en dehors de toute intention morale, de vérité morale… Et d’ailleurs l’histoire des religions le montre et l’histoire contemporaine d’autant plus.

Il y a des tendances dans les sociétés modernes où l’on voit bien que être voué au sacré ne passe pas forcément par ce dont parle la bible lorsqu’elle évoque la Qedoushah la sainteté qui s’identifie avec la morale.

René Girard auteur d’un texte paru dans la revue Esprit :  « la Violence et le Sacré »

Dans un autre ouvrage il se dévoile beaucoup plus antisémite que dans le premier. Il fait tous les efforts considérables et pénibles pour distinguer le sacré de la violence et il ne s’en sort pas car il y a identité violence-sacré. Il tente d’opposer la sublimation des sacrifice dans le rite chrétien à la violence du sacrifice dans le rite juif. C’est notre sujet par un autre biais. J’ai lu attentivement son livre et j’ai été tenté de lui répondre mais je me suis rendu compte que c’était inutile. Il y a des   passion à priori qui rendent le dialogue impossible. Il y a une réappropriation de l’enseigenment de la radition juive sur la Bible sans jamais rien citer des sources juives. Un ignorant de l’existence du judaïsme serait persuadé que la Bible est un livre gréco-romain, surtout grec d’ailleurs..

Alors qu’en réalité le rite chrétrien est basé sur une symbolique de la violence du sacré. La violence la plus abominable et la plus impure, mais symbolisée, de façon à évacuer la violence dans la cité : il y a alors une déculpabilisation de la violence du sacré dans la cité à travers le rite chrétien.

Ce qui m’a frappé c’est la violence de son style contre les Juifs sans jamais rien citer des sources juives. Eliane Amado Lévi appelle cela « le refoulé de l’Occident » : les sources juives de la civilisation chrétienne.

Le rite principal du sacrifice qui est censé remplacer les sacrifices du temple de Jérusalem, qui est donc le rite de la messe, surtout chez les catholiques, c’est un des crimes les plus abominables et impur : un père qui tue son fils pour le salut du monde, dans l’impureté la plus absolue de l’immaculée conception, et dans l’idolâtrie la plus énorme de l’homme qui se prend pour Dieu. C’est la récapitulation de tout ce qu’il y a de violent dans les rites païens, mais sublimé, symbolisé, pour  tenter d’évacuer la violence du sacré.

Cette thèse est une thèse formulée de manière antijuive. Si ce n’était pas le cas, les Juifs et les théologiens de son genre auraient pu collaborer sur ce problème de la différence entre la sainteté et le sacré.

Des travaux sont en cours de la part des psychanalistes juifs qui s’occupent des questions d’antisémitisme chrétien et dans le monde de l’intelligentsia juive, il y a énormément de périphéries autour de la bible et de spécialités de ce genre.

Des études pshychanalitiques de l’origine de l’antisémitisme chrétien.

Il y a des thèmes d’une vérité aveuglante mais qui ne doivent plus être utilisés parce qu’ils sont  dépassés dans l’Occident. Que se passe-t’il dans ce rite du sacrifice de la messe ? On mange du juif et on boit son sang ! c’est une manière rituelle théologique d’évacuer la violence du sacré des Pogroms. On fait cela à l’église, symboliquement, religieusement.

Les rabbins au courant de ces recherches font tout ce qu’ils peuvent pur les empêcher, mais n’y arriveront pas. Les psychanalistes, comme les journalistes, existent et on ne peut pas les éviter…

Retour au sujet :

En ajoutant un thème important : c’est précisèment dans ce type de religion où il y a tendance à ne pas savoir différencier la sainteté du sacré, la tendance à renvoyer le sacré à son origine païenne. C’est d’ailleurs un mot latin en français qui renvoit à l’idée d’une sorte de substance, de fluide, de réalité mystérieuse qui serait la présence du dieu dans les choses, et que finalement Descartes a tenté d’évacuer sans succès de la mentalité de la philosophie chrétienne.

C’est cette impossibilité à comprendre l’identification entre la sainteté et la morale alors que le sacré c’est la religion en dehors de la morale à priori. Le salut n’est pas cherché à travers la morale mais à travers une stratégie qu’on appelle « mystique » mais qu’on peut appeller « magique » et qui toujours renvoit à des comportements de violence.

En particulier le sacrifice du fils par son père pour sauver le monde. Et lorsque l’on sait que ce fils représente Israël on a compris de quoi il s’agit dans les problèmes sociologiques du sacré et de la violence.

Sachant de quoi il s’agit, comment comprendre l’entêtement contemporain des Juifs à vivre parmi ces nations ? Ils continuent d’invoquer leur mission chez les Goyim « tu aimeras ton prochain comme toi même ».

Ce sont des civilisations habituées à penser le sacré en dehors de la morale. Ce qui ne signifie pas qu’elle soient immorales mais l’entreprise du sacré surtout dans la perspective de salut se perçoit en dehors de la morale.

Une ecclésiastique chrétien vraiment orthodoxe serait scandalisé à l’idée que le salut passe par le comportement moral, ce serait pour lui le blasphème d’orgueil. C’est l’orgueil juif de croire que l’homme peut être moral… Il y a une définition du mot de « saint » appliqué à l’homme qui se rattache à cela : dans ce type de sensiblité religieuse le « saint » survient après la mort : ce sont les morts qui sont saints.

Alors que dans la Sidra de Qedoshim, à l’opposé dans le judaïsme ce sont les vivants qui sont des Qedoshim.

Par rapport à la morale, je vous donne la définition la plus simple, la plus riche, la plus féconde, que nous avons reçu du Rav Kouk :

Il y a différentes valeurs morales. Le drame de la conscience morale c’est que les valeurs morales sont divergentes : elles sont toutes vraies, toutes importantes, mais elles divergent et parfois elles se contredisent. Vous connaissez l’analyse fondamentale du vocabulaire du Midrash par exemple : justice et charité, deux valeurs morales qui divergent, se contredisent, et sont exclusives l’une de l’autre.

Il faut bien le comprendre pour s’imprégner de l’exigence de l’unité des valeurs propres au monothéisme hébreu de la Torah. Lorsqu’on est juste, on n’est pas charitable ; et lorsqu’on est charitable, on n’est pas juste. Alors quand sera t’on moral ? Etre juste c’est être moral, mais d’une morale qui n’est pas celle de la Torah. Ce n’est pas celle que Dieu veut puisqu’Il nous a donné à être une conscience sollicitée par l’absolue opposée. Etre charitable c’est être moral mais ce n’est pas la vérité morale. La vérité morale serait l’unité des deux. Mais l’unité des deux est surhumaine. C’est une des raisons pour lesquelle nous savons que la Torah doit être révélée : la conscience humaine est dans l’impossibilité de savoir comment se comporter pour être l’homme de la conduite de l’unité des valeurs. Dans notre exemple, simultanément juste et charitable. C’est cela que cherche la Halakhah : l’unité des valeurs.

Si la Halakhah bascule uniquement du côté de la charité, on trouve les synagogues réformées, et lorsqu’elle bascule du côté de la rigueur, on trouve les synagogues dites orthodoxes. 

Ce sont des tendances du peuple juif, mais des tendances qui risquent d’être divergentes parce qu’on a esquivé l’exigence à priori de la Halakhah qui est celle de l’unité des valeurs.

On fera un jour des exercice dans le Talmud sur ce sujet : rechercher dans une Sougiyah du Talmud quelle est la Halakhah. Rabbi Untel dit elle sera comme cela… et on peut démontrer qu’elle peut être comme cela. Et Rabbi untel argumente et démontre qu’elle sera comme cela… et finalement le maître de la génération tranche selon un 3ème avis de l’unité des valeurs…

Tous les débats talmudiques sont construits ainsi sur les différentes tendances ie. valeurs.

C’est pourquoi dans la communauté juive traditionnelle, les options individuelles sont permises à condition qu’elles restent individuelles. Si elles veulent s’imposer comme étant la règle collective cela devient hérétique. Tant que cela reste au niveau individuel c’est kasher. Dès que cela veut s’imposer comme règle commune cela devient hérétique, cela devient une secte. Cela a été la naissance des sectes au temps du 2nd Temple.

***

Retour au sujet :

Il y a des sensibilités religieuses qui indexent la sainteté à la mort, alors que, pour la Torah, c’est la vie qui est sainte. Par rapport à la morale, ce que nous avons reçu du Rav Kook, c’est que lorsqu’il y a unité des valeurs morales, lorsque les valeurs de l’absolu convergent et s’unifient, alors la sainteté apparait. La sainteté c’est l’unité des valeurs morales.

Vous voyez à quel point on est loin du sacré.

Et surtout les dégats pour la vie spirituelle juive d’utiliser une langue, très belle d’autre part et avec sa propre cohérence, comme le français, pour traduire la Bible. Car le français renvoie à un univers du sacré, alors que nous voulons parler de la sainteté, ce qui n’a rien à voir.

Ce sont 2 perspectives qui à la racine pourraient se ressembler mais qui finalement sont extrêmement différentes. Il me semble que la réaction protestante contre le catholicisme avait sans doute à l’origine cette même motivation d’essayer de retrouver une moralité dans le sacré, plus proche de la sainteté, au temps de la réforme, surtout chez Luther. Malheureusement, cela a basculé pour beaucoup dans le puritanisme, une sorte de sacré de la morale et les excès de la morale…

Il y a une expression folklorique en hébreu qui semble contredire ce que je viens de dire au sujet de la sainteté qui est dans la vie. C’est l’expression «קְדֹשִׁים אַחֲרֵי מוֹת A’harei Mot Qedoshim ». 

C’est la suite de deux Parashiot.

Il y a d’abord A’harei Mot qui raconte ce qui s’est passé après la mort des enfants d’Aharon.

וַיְדַבֵּר יְ־הֹוָ־ה אֶל מֹשֶׁה אַחֲרֵי מוֹת שְׁנֵי בְּנֵי אַהֲרֹן

Vayehi A’harei Mot Beni Aharon…

Et ensuite, Qedoshim

קְדֹשִׁים תִּהְיוּ כִּי קָדוֹשׁ אֲנִי

kedoshim tiheyou ki kadosh ani Adonay Eloheychem.

Dans le folklore juif on a pris l’habitude de faire la louange de tous les morts, tous Tsadikim. C’est une Halakhah, dès que quelqu’un est mort, on doit dire ce qu’on peut dire de louange de lui. C’est une ’Hovah. C’est une obligation de dire à côté du mort tout ce qu’on peut dire de louange de lui.  Il y a des raisons profondes pour cela. Mais cela ne signifie pas qu’après la mort on devient saint.

Dans l’expérience juive, il n’y a que ceux qui ont été saints dans leur vie qui sont saints dans leur mort. C’est cela que ça veut dire: c’est après la mort de quelqu’un qu’on sait s’il a été saint dans sa vie. C’est au moment de sa mort. Et après il y a des preuves. Miracles autour de sa tombe etc…

Tout cela existe, mais il faut être prudents, adultes.

Guémara : « On n’a confiance en personne jusqu’au jour de sa mort ». Quelqu’un reputé de Tsadik on ne le sait que le jour de sa mort. Car même le Tsadik un jour avant sa mort il peut changer.

« הֵן בִּקְדֹשָׁו, לֹא יַאֲמִין Hen bikdoshav lo yamin Dieu n’a pas confiance en ses saints » (Job 15.15) tant qu’ils sont en vie. Même un Qadosh peut trébucher à la fin, et inversèment même la pire des crapules peut faire Teshouvah. C’est de sa vie qu’une personne est appelée Qadosh. Et parce qu’il a été Qadosh durant sa vie, il l’est après sa mort…

C’est la mentalité gréco-romaine de déclarer à leur mort les gens saints, immortels, demi-dieux, dieux…

D’autre part, nous avons 2 définitions de la sainteté :

1- L’une négative : Le parti-pris de sainteté dans une attitude négative, d’abord indiqué par le terme de Paroush « se séparer de ». C’est le parti pris de sainteté qui s’oppose aux tendances naturelles. Or, on a pris l’habitude de croire que c’est cela la sainteté et que ça. C’est une première forme de la sainteté, c’est le tremplin pour la sainteté en tant qu’unité des valeurs dont j’ai parlé tout à l’heure. C’est toujours l’enseignement du Rav Kook. On s’est habitué, et peut-être par imitation inversée parfois de la conception de la sainteté des Goyim avec la tendance à croire que le parti pris de sainteté c’est l’opposition à la nature. Et que c’est dans l’opposition à la nature que la sainteté apparait. C’est dangereux et surtout c’est en dehors du monothéisme. Parce qu’on oublie que la nature est créé par Dieu. Ce dualisme n’est pas juif du tout et oublie que Dieu a créé la nature.

Il y a une phrase du Talmud et Na’hmanide base toute sa définition de la Qédoushah là-dessus:

kadesh et atsmekha bemah shemoutar lakh : Sanctifie-toi dans ce qui est permis…

Il y a le permis et l’interdit. Où est l’engagement de sainteté ?

C’est dans le domaine de ce qui est permis ! C’est-à-dire être plus strict dans le domaine de ce qui est permis. Mais cela ne signifie pas s’opposer à, ou être contre.

Par exemple il est permis de manger, mais il y a une manière de manger qui est sainte et l’une qui est grossière. Et toutes les jouissances sont dans ce cas et peuvent être le véhicule de la sainteté dans la manière de se comporter. Mais avoir le parti pris de sainteté pour « se priver de » ou « annuler », anéantir la tendance naturelle, c’est déjà suspect, c’est autre chose. Il faut alors faire appel au médecin, le Rofeh Nefesh car il y a un défaut du psychisme qui est la cause du défaut spirituel.

Il y a des comportements apparemment religieux de sainteté exagérée – dès que j’ai dit exagéré, je les ai comdamné – qui sont en réalité des comportements psychiques, qui sont habillés de religiosité et cela se fait prendre pour de la sainteté.

Il est permis de jouir mais pas n’importe comment. Ce qui est à l’opposé de l’attitude qui dit qu’il est interdit de jouir.

Tout comportement rituel quelqu’il soit, religieux ou non, risque de conduire à la maniaquerie.

S’il y a une terrain psychique atteint, on risque de se tromper et de croire que ce qui est en réalité de l’ascétisme d’origine psychique serait de la sainteté. Là encore il faut distinguer entre ascétisme et sainteté.

La clef c’est que l’option à l’échelle individuelle peut être légitime. C’est quand elle veut se présenter comme le modèle de l’idéal religieux que cela devient hérétique.

La 1ère définition du Qadosh, c’est le Paroush séparé.

Je vous cite la Guémara à ce sujet :

Le pharisien était Paroush-séparé de l’impureté et non pas de la communauté.

L’échec bascule dans l’erreur de croire que pour se séparer de l’impureté, (et c’est le propos positif de l’option du pharisaïsme étymologique), il faut se séparer de la communauté. C’est là l’échec. C’est « Paroush min hatouma » et non « Paroush mi hatsibour » !

C’est donc le 1er niveau de l’option de sainteté. La sainteté s’affermit comme s’opposant à la nature. Dans tous les cas il faut un guide comme dans tous les comportements religieux d’ailleurs,  et il faut savoir que ce n’est qu’une première étape.

2- La 2nde étape, c’est la sainteté qui s’unifie avec la tendance naturelle, c’est beaucoup plus haut. C’est-à-dire lorsque la tendance naturelle et l’exigence de sainteté vont dans le même sens. Je vous donne un exemple privilégié par les moralistes juifs : l’exemple du mariage. Il y a l’option de type religieux qui n’est pas du tout juif, avec sa cohérence propre, une option de type ascétique qui consiste à réputer la conduite de mariage, et donc premièrement la conduite sexuelle, comme étant impure et comme étant irrémédiablement profane. Et par conséquent, l’option de sainteté serait l’option de célibat… C’est pour la Torah l’abomination de la désolation !

Il y a une consuite de la sexualité qui est la sainteté elle-même.

En hébreu, un des noms du mariage est Kidoushim. En français c’est « le sacrement du mariage », et avec ce terme le sacré résurgit ! C’est la consécration réciproque au mariage où l’on est consacré l’un à l’autre… Le vocabulaire est païen parce que gréco-romain. Il y a d’autres noms du mariage ’Hatounah = la fête du mariage.

Nissouyim = le supportement réciproque, on se porte, on se supporte….

Voilè donc un exemple :

=> 1er niveau de sainteté, le célibat.

=> 2nd niveau de sainteté plus haut : le mariage Kasher.

Et on pourrait multiplier les exemples.

Une Guémara, que je vous cite comme cela par allusion, définit l’identité de l’homme comme dramatique parce que donnée à des oppositions d’absolus contraires. Il y a une description très concise en quelques lignes de ce qu’un grec appelerait l’identité tragique de l’homme bien qu’il n’y ait pas de tragédie dans le judaïsme.

En culture générale la différence entre la tragédie et le drame dans l’histoire de la littérature c’est la différence entre Racine et Corneille. La tragédie est un drame sans solution. Alors que le drame a toujours une solution que le dramaturge appelle le Deus Ex Machina.

Même si la solution apparait comme magique, symbolique, il y a une solution. Le mot tragique ne fait pas partie du vocabulaire juif.

Dramatique c’est ce qui est donné à la sollicitation des contraires.

L’homme est constitué de la tendance au bien et de la tendance au mal.

Selon l’enseignement de la Torah, la tendance au bien la tendance au mal ne sont pas extérieures à moi, c’est moi qui veut quand je veux le bien et c’est moi qui veut quand je veux le mal. Je ne veux pas de la même manière, mais c’est moi qui veut (avec toutes les nuances possibles).

Lorsque je fais le bien, c’est tragique dirait le Grec, c’est dramatique, car une partie de moi-même est mutilée et quand je fais le mal inversèment, il y a une autre partie qui est mutilée : je ne suis donc jamais heureux !

L’analyse est profonde et simple. On ne peut pas tricher.

Je ne vous donne pas les autres dimensions des dualités, il y en a plusieurs autres.

Un grand philosophe, Nietsche je crois, a nommé cela «le malheur de la conscience ».

Après lui, j’ai entendu Jean Vahl grand philosophe juif et grand poète français qui a écrit une thèse sur la conscience malheureuse: la conscience humaine est malheureuse, elle est donnée au malheur car elle n’est jamais entière avec elle-même, elle est sollicitée par des absolus contradictoires qui la constituent.

Ce sujet est rattaché à une particularité grammaticale du verset qui parle de la formation de l’homme. C’est le verset 7 du chapitre 2 de Bereshit : וַיִּיצֶר יְהוָה אֱלֹהִים אֶת-הָאָדָם Vayyitser Hashem Elohim er HaAdam… Le verbe « forma » est écrit avec 2 youd. Et cette dualité est analysée par le Talmud car pour dire la formation des animaux, il n’y a qu’un seul youd. Et cela est analysé par la Guémara dans cette espèce de condition dramatique de l’homme qui est sollicitée par des absolus contradictoires. Et donc le bonheur serait impossible.

Le paradoxe c’est qu’on trouve cette analyse dans la Guémara. Alors il faut bien comprendre. Le passage qui suit parle du mariage. Le mariage Kasher c’est donc la seule conduite où ce que veut l’instinct du mal et ce que veut l’instinct du bien coïncide. C’est la solution du problème. C’est pourquoi c’est là qu’est la volupté ! C’est vrai de toutes choses où les deux contraires se résolvent dans la même conduite.

Pour prendre d’autres dimensions de cette dualité : ce que ma nature veut et ce que Dieu me demande coïncide. Alors qu’en général, ce que ma nature veut, Dieu me demande le contraire. Et le drame c’est que c’est Dieu qui m’a fait ma nature… Et ce que Dieu veut, ma nature me demande le contraire… Mais dans le mariage c’est la même chose.

C’est pourquoi la Guémara dit – et ne croyez pas qu’ils s’agissent de sermons à l’eau de rose –qu’il n’y a pas d’autres joies que la joie du mariage. C’est précisément dans le comportement du mariage que l’unité se fait. La solution du drame c’est Davka dans la ‘Houpah des Kidoushin ! D’où les 7 sortes de joies évoquées pour le mariage.

C’est dans un passage du Zohar : comment font ceux qui ne se marient pas ?

Je ne sais pas. Jeune et insolent, j’ai eu une discussion (la veille de Pessa’h, il faut sortir le ‘Hamets : l’orgueil de Pessa’h sort par le front : metsa’h et ‘hamets) avec un jeune prêtre : Comment faites-vous pour comprendre le Cantique des Cantiques ?

Je citerais pour terminer cette introduction 2 enseignements du rav Kouk sur lesquels il insistait beaucoup, pour la première analyse:

Tout Israël était voué à priori à être « Mamlekhet Kohanim ve Goy qadosh », et par conséquent est arrivé ce qui est arrivé : cela diffère de ce niveau. Mais dans le principe tout Israël est voué à la sainteté des Kohanim.

Texte Face B

/Dans le principe tout Israël est « mamlekhet kohanim vegoy kadosh », par conséquent Torat Kohanim les concerne.

C’est la différence dans la Guémara entre les Pharisiens les Saduccéens et les Ésséniens dans la Guémara qui ne les nomme pas, mais c’est très clair. Très schématiquement

ð  l’option des Pharisiens c’est : le judaïsme pour tout juif à la manière des Kohanim, c’est le Shoulkhan Aroukh des Pharisiens : se comporter comme juif à la manière des Kohanim !

ð  l’option de type saducéenne : c’est un peu le judaïsme officiel du genre « juif du samedi et goï de la semaine ». On va à la prière de Shabat mais en voiture…

ð  l’option essénienne : l’option de pauvreté…

On étudiera cela dans la Guémara elle-même.

***

Pour la 1ère analyse il faut retenir cela:

Tout Israël est dans le cas d’être un Kohen, à sa manière.

Distinction entre l’option de sainteté négative : il y a échec lorsqu’elle reste à ce niveau négatif qui s’érige en étape ultime car ce n’est plus monothéiste. Il y a blasphème de s’opposer à ce qui est sain dans le naturel. Il faut s’opposer à ce qui est devenu corrompu, l’impureté. Mais ce qui est sain dans le naturel est saint du point de vue de la Torah. La Qedoushah naturelle est beaucoup plus profonde que la Qedoushah anti-naturelle. C’est l’enseignement du Rav Kouk.

Le Rav Kouk ajoutait et il fallait attendre son temps pour que cela se dévoile : dans la Galout nous étions condamnés à la Qédoushah du 1er niveau, anti-naturelle, tout simplement parce que l’environnement était hostile : il faut s’ériger contre pour rester soi-même. Alors que ce n’est qu’en Erets Israël qu’il peut y avoir coïncidence entre la sainteté et la nature. C’est la différence fondamentale entre la Torah vécue en Israël et celle vécue dans les guettos de la diaspora. Et c’est le grand différend entre les sionistes religieux et les ghettos juifs en Israël, les ‘Harédim de Bnei Braq etc… Ils continuent à avoir l’option de la sainteté contre la nature. Mais la nature c’est maintenant Israël ! C’est le drame parce que la réalité extérieure contredit leur réalité intérieure et cela rend violent. Les sociologues sont préoccupés par cela, par cette attitude de violence. Le parti-pris du ghetto en diaspora était une réaction de défense. En Israël, c’est un comportement de violence paroxistique. Ils n’ont qu’un souci c’est de détruire Israël car la réalité Israël dément leur option. C’est ce qui motive leur haine contre les sionistes religieux.

Il y a la haine des ’Hilonim contre les religieux parce que religieux, et la haine des ’Harédim contre les sionistes religieux parce qu’ils sont sionistes…

Je me rappelle des cours du rav Kouk qui nous faisait découvrir cela : comment un juif redevient hébreu ? Et cela commence par l’agriculture ! On lisait cela dans la Torah ! Il nous parlait des bananes saintes, des tomates juives ! Imaginez encore quelques années auparavant le miracle de manger des tomates juives ! Maintenant, on est habitué mais on ne se rend plus compte de quoi il s’agit ! Pendant 2000 ans on entend parler des fruits d’Erets Israël et subitement c’est vrai !

Réfléchissez-y bien. Nous sommes déjà une toute autre religion. Au niveau de la sainteté qui va avec la nature. Pourquoi ? Parce que c’est la nature qui va avec la sainteté. La preuve, dès que les Juifs sont arrivés dans ce pays, les bananes ont commencé à pousser… Je me rappelle des premières poires !

ð  Il y a la sainteté opposée à la nature. Et les théologiens l’appelle Qédoushah Al Tivit au-dessus de la nature.

ð  Et la Qédoushah Tivit qui est la vraie Qédoushah.

****

Etude d’un verset :

וַיִּקְרָא, אֶל-מֹשֶׁה; וַיְדַבֵּר יְהוָה אֵלָיו, מֵאֹהֶל מוֹעֵד לֵאמֹר

Vayikra el-Moshe

Il appela Moïse

vayedaber Adonay elav

Et Hashem lui dit

me’Ohel Mo’ed lemor

depuis le tabernacle pour dire…

On pourrait rester des heures sur ces trois mots : Vayiqra El Moshé

Sous-entendu Dieu n’apparait pas dans le verset, il appela Moïse et en particulier le fait qu’il y ait un petit Alef…Rdv l’année prochaine pour l’étudier.

וַיְדַבֵּר יְהוָה אֵלָיו, מֵאֹהֶל מוֹעֵד לֵאמֹר

vayedaber Adonay elav

Et Hashem lui dit

Qui l’appella et pourquoi est-ce écrit ainsi ?

me’Ohel Mo’ed lemor

depuis le tabernacle pour dire…

Auparavant, on avait appris qu’à la fin du livre de Shemot la révélation ne se fait plus que dans le Tabernacle. Alors qu’à partir du Sinaï elle était universelle pour toute l’assemblée. Après la faute du  veau d’or c’est particularisé dans le tabernacle.

Il y a différents niveaux de révélation dans la Torah

-Torah mi Sinai

-Torah meOhel Moed

-Torah Bamidbar

דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם, אָדָם כִּי-יַקְרִיב מִכֶּם קָרְבָּן, לַיהוָה–מִן-הַבְּהֵמָה, מִן-הַבָּקָר וּמִן-הַצֹּאן, תַּקְרִיבוּ, אֶת-קָרְבַּנְכֶם

דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם

Parles aux enfants d’Israël et tu leur diras…

Il y a ici un problème à étudier : il est important de savoir pourquoi est-ce employé ici de cette manière à propos des sacrifices ?

Daber parler durement midat hadin

Emor parler avec douceur midat hara’hamim

Il y a un verset qui dit [Shémot 19:3] :

כֹּה תֹאמַר לְבֵית יַעֲקֹב, וְתַגֵּיד לִבְנֵי יִשְׂרָאֵל

Ko tomar leVeit Yaaqov

Ainsi tu diras ‘Amor’ à la maison d’Israël :

Et le Midrash nous dit que Beit Yaaqov il s’agit des femmes d’Israël.

Et tu expliqueras aux enfants d’Israël

Daberim qashim… la parole dure et la parole tendre.

Chaque fois qu’il y a un texte avec Daber c’est la midat hadin qui parle.

Chaque fois qu’il y a un texte avec Emor c’est la midat hara’hamim qui parle.

Ici nous avons les deux :

דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם,

 אָדָם כִּי-יַקְרִיב מִכֶּם קָרְבָּן, לַיהוָה—

מִן-הַבְּהֵמָה, מִן-הַבָּקָר וּמִן-הַצֹּאן, תַּקְרִיבוּ, אֶת-קָרְבַּנְכֶם

Daber el-beney Yisra’el ve’amarta alehem

adam ki-yakriv mikem korban l’Adonay

min-habehemah min-habakar oumin-hatson takrivou et-korbankhem.

דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם

Daber el-beney Yisra’el ve’amarta alehem

Parle leur durement de telle sorte que tu puisses leur dire gentillement ce qui va suivre…

Vous voyez que la nuance en hébreu est très importante. Reliez cela au fait qu’il va s’agir des sacrifices. Lorsque je dis « sacrifice » c’est dans sa conception hébraïque et non dans son acception française. Pas dans le sens français ou paien de déperdition de bien en vue de se prémunir du châtiment éventuel d’un mal possible. L’action sacrée en latin c’est une déperdition de bien en vue d’expier.

Ce n’est pas du tout cela en hébreu : Korban en hébreu c’est une offrande d’approche, une approche d’offrande. Lehaqrid qorban : apporter approcher une approche. La traduction en français change de registre et de mentalité : apporter ou faire un sacrifice = se sacrifier.

אָדָם Adam

« Lorsqu’un homme Adam »

Ènormément de Midrashim font remarquer : il n’est pas écrit Israël ou Yehoudim mais Adam ! C’est dire que ce comportement du culte des sacrifices, c’est le comportement de l’homme. Il faut être un homme pour faire la Avodah.

אָדָם כִּי-יַקְרִיב מִכֶּם קָרְבָּן, לַיהוָה

« Qui approchera de vous un qorban pour Hashem. »

Ici se greffe un sujet très important. C’est une discussion importante qu’on a l’habitude d’accrocher à Maïmonide : est-ce que la Torah a demandé de faire des sacrifices ou bien a t’elle toléré ce comportement paien connu des sacrifices en le légiférant dans une sorte de concession faite aux Hébreux pour éviter l’idolâtrie ?

En faisant le raisonnement suivant : les Hébreux avant d’accéder à la Torah étaient habitués à sacrifier comme tous les païens, leur interdire le culte des sacrifice ne les empêchera pas de le faire quand même en violant la Torah. C’est pourquoi il faut leur permettre sans violer la Torah. Tout ce qui leur sera demandé c’est que leurs sacrifices soient donnés à Dieu et non pas aux idoles.

2 thèses :

ð  la Torah impliquait les sacrifices.

ð  la Torah a toléré les sacrifices en les exigeant pour Dieu.

On va d’abord lire la 2ème thèse qui est officillement attribuée à Maïmonide.Et nous avons un texte qui va expliquer cela.

Cf. le texte de Shmouel avec Shaoul : Dieu préfère l’obéissance à Ses lois plutôt que les sacrifices que fait le peuple. Nous avons également étudié un chapitre de Jérémie. C’est une idée importante que Hashem n’a pas besoin de sacrifice et pourtant nous avons un livre entier qui demande des sacrifices ?

Je vais commencer, et mon vocabulaire va concerner la 2ème thèse : Je vais m’appuyer sur un mot : Adam. Le culte c’est le comportement de l’homme, le culte c’est le propre de l’homme : ce que la Tora demande c’est que le culte soit adressé à Dieu uniquement, et non pas aux divinités partielles que sont les idoles. On va le lire en hébreu

אָדָם כִּי-יַקְרִיב מִכֶּם קָרְבָּן, לַיהוָה

adam ki-yakriv mikem korban l’Adonay

adam ki-yakriv mikem / korban / l’Adonay

Le Taam sous le mot Korban est un accent disjonctif :

http://bible.ort.org/webmedia/t3/0102C110.gif



Je traduis :

« Un homme lorsqu’il approchera de vous un sacrifice lashem ce sera pour Dieu ».

Nous avons ici un 1er enseignement : la Torah nous avertit que les sacrifices ne sont permis que dans la mesure où l’intention est envers Hashem : « lashem »

Vayiqra chapitre 7.37:

On retrouve la même idée mais en plus explicite encore.Nous sommes toujours sous la définition de la 2ème thèse:

Tsav 7:37

זֹאת הַתּוֹרָה, לָעֹלָה לַמִּנְחָה, וְלַחַטָּאת, וְלָאָשָׁם; וְלַמִּלּוּאִים–וּלְזֶבַח, הַשְּׁלָמִים

Zot hatorah la’olah lamin’hah velachatat vela’asham velamilou’im ulezevach hashlamim.

Voici la loi de la olah, la min’hah, la ‘hatat (le sacrifice d’expiation pour les fautes), et la ashan (une autre catégorie d’expiation de faute volontaire) la milouîm (les sacrifices pour s’acquitter d’une dette complémentaire) et des sacrifices de paix (shelamim les sacrifices de convivialité)

7:38

אֲשֶׁר צִוָּה יְהוָה אֶת-מֹשֶׁה, בְּהַר סִינָי:  בְּיוֹם צַוֹּתוֹ אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, לְהַקְרִיב אֶת-קָרְבְּנֵיהֶם לַיהוָה–בְּמִדְבַּר סִינָי

Asher tsivah Adonay et-Moshe behar Sinay

beyom tsav’oto et-beney Yisra’el lehakriv et-korbeneyhem l’Adonay bemidbar Sinay.

Que Hashem a ordonné à Moïse sur le mont du Sinaï

[Et cette lecture semble contredire ce que l’on vient de dire : voilà que Dieu a ordonné ?]

Le jour où Il a commandé les enfants d’Israël

d’approcher leur sacrifice à Dieu dans le désert du Sinaï.

Donc ces 2 versets récapitulent l’ensemble de l’intentions de la Torah des sacrifices dans l’ordre de la 2ème thèse, de manière absolument irréfutable.

On les rattache à notre 2ème verset de Vayiqra:

אָדָם כִּי-יַקְרִיב מִכֶּם קָרְבָּן, לַיהוָה

adam ki-yakriv mikem korban l’Adonay

« Un homme lorsqu’il approchera de vous un sacrifice lashem ce sera pour Dieu »

quand vous approcherez un sacrifice ce sera pour Dieu…

Ce n’est pas nécessaire d’expliquer beaucoup. Je vais vous donner une question de vocabulaire qui vous aidera à comprendre : cela veut dire que la définition minimum de tout paganisme c’est d’adresser le culte, la tendance au culte, l’offrande du sacrifice, le don de soi et ce qui appartient à soi, à un idéal partiel et non pas à Hashem qui est l’unité des valeurs. C’est cela le paganisme.

Je vais vous donner une étymologie en français : c’est la relation étymologique entre l’idéal et l’idole. L’idéal c’est l’idole laïcisée. Et d’ailleurs le comportement païen moderne, c’est d’être idolâtre d’un idéal. Voir à quel point on a gardé le vocabulaire de l’idolâtrie: les jeunes parlent de leur idole comme une star : c’est l’idole ou le héros de la mythologie païenne.

La conscience juive traditionnelle est très exigeante : tout idéal est suspect dans la mesure où ce n’est pas l’idéal Hashem de l’unité des valeurs.

C’est vrai à tous les niveaux de comportement de l’homme, sociologiquement, psychologiquement, historiquement, politiquement, religieusement…etc. Dès qu’on est donné à une valeur partielle, il y a un danger d’idolâtrie !

Cela résoud le problème de la définition de Maïmonide en l’insèrant dans la Torah :

Cela veut dire que la Torah prend pour principe qu’il est normal que l’homme ait un culte. Et ce qu’elle demande c’est que ce culte soit adressé à Hashem et indique comment le culte est fait pour Hashem. Elle nous donne alors le détail du sacrifice qui doit être fait pour être cachère parce que pour Hashem et non pas pour les divinités partielles. La Torah prend pour principe qu’il est normal que l’homme ait un culte mais elle canalise cela envers Hashem et non envers une valeur, un idéal partiel.

Ex : ces gens qui ont l’idéal de justice qui transforme les gens en bourreaux. Avec une mauvaise volonté on peut condamner n’importe qui avec le code comme il est. Quelqu’un se met au service de la justice : n’agit-il pas en se mettant au service de la vengeance, de la méchanceté, la jalousie, la rivalité? Se mettre à la place de la justice immanente est très dangereux.

A ce niveau, l’enseignement de la Guémara est impitoyable: On fait venir un mérite par celui qui mérite. On fait venir une punition par celui qui mérite d’être puni. La main qui frappe sera frappée…

Très souvent dans la vie, les gens qui sont véhèments à dénoncer des manquements, il s’agit de vengeance ou de méchanceté, de jalousie, de rivalité et non d’un souci de justice…

Les deux choses sont vraies, et donc il ne faut pas manipuler Maïmonide en lui faisant dire ce qu’il n’a pas voulu dire. Il n’a jamais voulu dire qu’offrir un sacrifice c’est mal. Il a voulu dire que l’acte de sacrifice est un comportement humain, l’offrir aux idoles c’est mal et la Torah l’a autorisé si c’est offert à Hashem ! Ce qui veut dire à la limite : n’offre pas de sacrifice si tu n’es pas sur que c’est à Dieu que tu l’offres. J’espère qu’on a suffisament réduit la différence des deux thèses. Il faut étudier Maïmonide dans le texte.

Maïmonide a écrit un grand livre sur le code, à part le code du Mishnei Torah, qui s’appelle le Sefer Hamitsvot où il y a 12 principes de définition de ce qui est dans le cas d’obligation de commandement. Il y a un grand principe, je crois le 6ème , qui dit que ce qui est considéré comme un comportement naturel n’est jamais ordonné par la Torah. Ce que la Torah ordonne c’est comment se conduire dans ce comportement, mais jamais le comportement lui-même. Pour une raison théologique très profonde : parce que la Torah ne peut pas commander là où l’on n’est pas libre. Et si c’est un comportement naturel, on n’est pas libre. Là où l’homme est libre c’est dans la forme de la conduite. Il prend alors des exemples : il n’y a pas de commandement du mariage : d’où la difficulté à persuader un célibataire pieux avec un verset qui n’existe pas, mais ce sont de simples allusions. Il n’y a pas de verset non plus qui dit qu’il faut manger ! Parce que l’homme n’est pas libre de ne pas manger : mais une Parashah entière Shemini indique ce qu’on peut manger sans risque… De même il n’y a pas de commandement d’imposer des sacrifices : c’est un fait de la nature humaine… Cf : le culte païen laïcisé de la discothèque et de la danse comme base de la rencontre amoureuse. Un homme vivant est en situation de culte du matin jusqu’au soir mais de façon plus ou moins camouflée. Alors la Torah ne peut pas donner un Mitsvah : soit cultuel ! Mais la Torah va nous dire : pour que ton culte soit authentique, voilà comment il faut qu’il soit fait… Donc il n’y pas de conflit entre Maïmonide et Maïmonide, il faut le lire dans le texte.

Q : On peut dire qu’Abraham était non pratiquant, il n’a pas approché Dieu avec le culte ?

R : vous avez lu la Bible ? Relisez l’histoire d’Abraham, vous verrez le nombre de fois où il a fait des sacrifices. C’est croire que les descendants d’Abraham du 20ème siècle qui font la prière sont supérieurs à Abraham qui faisait des sacrifices et qui savait aussi faire la prière ?

On a oublié ce que c’est que faire un sacrifice : c’est le comportement d’approcher soi-même une valeur que l’on reconnait comme transcendante. Et alors la Torah l’interdit à toute valeur partielle comme l’indique notre verset: tout Korban doit être Lashem !

אָדָם כִּי-יַקְרִיב מִכֶּם קָרְבָּן, לַיהוָה

adam ki-yakriv mikem korban l’Adonay

J’ai souvent des discussions de ce genre.

Un étudiant en médecine, devenu juif très pieux par la suite et savant, était venu me voir embêté : je devine la présence d’une sagesse perdue dans vos règles de cashroute. Je veux bien manger cachère à condition de savoir comment cela fonctionne. Je lui ai dit : d’accord à condition que tu fasses toi-même le raisonnement pour manger tout court. Que tu décides de ne pas manger tant que tu ne sais pas comment fonctionne le système digestif ! Tu vas mourir de faim entretemps ! C’est la même chose !    

Autre exemple : ceux qui ne comprennent la nécéssité des sacrifices… mais l’acte de sacrifice est toujours nécessaire pour l’acte de manger ! Il y a une espèce d’orgueil d’ignorance des modernes qui pensent aux anciens comme à des primitifs.

Histoire de ma jeunesse au lycée français, au programme de 6ème les grandes civilisations : un chapitre sur les Hébreux sur lequel j’ai entendu plein de bêtises. Ce qui est facilement généralisable aux autres civilisations étudiées ! Les modernes ne se sont jamais rendu compte de l’inconséquence pour les Grecs dont le génie est reconnu dans tous les domaines mais c’est l’incompréhension total au niveau religieux car les modernes ne comprennent pas ce que cela signifiait pour eux. Il faut bien se méfier de cela et ne pas concevoir Abraham comme un préhistorique. Abraham met fin au culte païen en enseignant qu’on ne sacrifie pas un fils mais un bélier. Toute la vie, du matin au soir, l’homme est en situation de culte.

Cours d’éthnologie pour ma licence de philosophie: étude des superstitions de l’homme moderne.

Folklores, gestes quotidiens qui sont du culte camouflé. L’homme moderne est pétri de superstitions sans s’en rendre compte. Il y a des superstitions folkloriques connues. On ne passe pas sous un échelle, on n’allume pas trois cigarettes à la même allumette… mais il y a aussi beaucoup plus grave que cela.

Exemple : j’ai étudié une page de Guémara là-dessus où il est interdit de dire à sa femme je t’adore : c’est un comportement idolâtre. C’est du culte.

J’ai étudié dans Maïmonide qu’il y a des musiques interdites. Ecouter de la musique est un comportement religieux profond dont vous n’avez aucune idée. Exemple de musique idolâtre, pour Maïmonide c’est dans la musique arabe où c’est beaucoup plus tellurique, païen et dangereux. Des musiques comme la fugue : ce sont 2 thèmes musicaux qui n’arrivent jamais à se rejoindre : Maïmonide nous dit que c’est une musique interdite, païenne. Cela renvoie à une expérience métaphysique spirituelle profonde du dualisme. Mais le moderne n’est plus capable d’éprouver cela en dehors d’une vague sensibilité artistique alors c’est permis, toléré. Mais c’est toujours un comportement religieux profond et païen. Les mélomanes sont en situation de ferveur religieuse. Il y a des musique païennes. Le psychisme de l’homme moderne ne peut plus ressentir de quoi il s’agit. Mais cela ne veut pas dire que cela ne l’impressionne pas. La fugue est germanique. Cela va très loin.

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