Face A
Texte
/ Une petite introduction et l’étude des rêves de Joseph
Les textes de la Parashah concernent essentiellement l’histoire de Joseph qui commence lá et va occuper le reste du livre de Béréshit.
Bereshit : de Adam au déluge, de Noah à Abraham, un gros plan sur l’histoire de la famille d’Abraham. Et puis on aboutit à un encore plus gros plan sur l’histoire de Joseph, avec une interruptio avec l’histoire de Juda.
La tension entre Joseph et Juda, deux conceptions de la messianité dans la famille d’Abraham, telles qu’elles vont s’exprimer et se combattre dans la famille de Jacob.
Je voudrais d’abord mettre en évidence la raison pour laquelle la Torah va accorder tant d’importance à la figure de Joseph en tant que fils de Jacob.
Cette étude est inspirée d’enseignements de E. Amado Valensi et du rav Na’hmani za’l.
On s’aperçoit qu’il y a une progression dans l’histoire des différents couples dont nous parle la Torah :
– Adam et ‘Havah : la Torah ne nous dit pas qu’ils se sont aimés ni qu’ils se soient parlés mise à part l’histoire de la kashroute. Il en résulte que les enfants qui naissent ne s’aiment pas.
– Abraham et Sarah : là non plus la Torah ne dit pas qu’ils se sont aimés. Ce fut sûrement le cas, mais ce n’est pas dans l’ordre du discours de la Torah. Ils se parlent pour se dire des choses importantes. C’est un thème à étudier : Pourquoi à l’âge de 90 et 100 ans le patriarche décide de voir dans sa femme sa soeur. Les lecteurs de la Bible n’y comprennent rien et croit en une ruse d’Abraham pour garder la vie sauve en Egypte. C’est une impossibilité de lecture en hébreu prophétique. Il en résulte que les deux ½ fréres, Isaac et Ishmaël, ne se parlent pas. Tout le monde parle dans la Bible même le Satan. Il n’y a que Ishmaël qui ne parle pas. Il ne parle jamais directement à Israël il faut toujours le 1/3 non exclu, cette fois-ci les USA, sans lesquels aucun dialogue n’est possible. Le progrès ici réside dans le fait qu’Ismaël n’arrive pas à supprimer Isaac.
– Issac et Rivqah dont la Torah va nous dire qu’ils s’aiment. Mais le verset ajoute :
24:67:
וַיִּנָּחֵם יִצְחָק, אַחֲרֵי אִמּוֹ
vayina’hem Yits’hak a’harey imo.
…et Isaac se consola de sa mère…
Vous devinez toutes les implications que peut avoir un telle indication qu’on se marie pour se consoler de sa mère… Cela donne à manger à beaucoup de psychologues.
Il a deux enfants jumeaux, et on se parle beaucoup, mais c’est pour poser la problématique d’une querelle entre Esaü et Jacob qui ne sera résolu qu’à la fin des temps : Qui est Israël ?
– Ensuite on arrive à Jacob et Rachel : le verset est très clair : Jacob aima Rachel. Un point. Sans réticence. Et Joseph va naître : le 1er premier-né qui aime ses frères. La malédiction qui commence avec Caïn s’achève avec Joseph. Il y a là une indication importante que je voulais indiquer en introduction pour comprendre la suite: ce qui se cherche dans tout Bereshit va trouver sa résolution avec Joseph : le problème commence avec Caïn et s’achève avec Joseph. Alors l’histoire peut commencer. Et effectivement, l’histoire d’Israël va commencer à partir de Joseph, mais elle va commencer dans une querelle entre Joseph et ses frères. Nous sommes tout au début de ce récit.
L’étude portera sur le fait de savoir pourquoi la Torah ouvre, avec le chapitre 38, une parenthèse dans l’histoire de Joseph pour nous parler de ce qui se prépare dans la lignée de Juda qui va mener finalement à David ?
Pendant que la Torah nous explique très en détail et de plus en plus en détail comment va commencer une période de l’histoire d’Israël où c’est Joseph qui est le Shalit, celui qui donne à Israël sa propre conception de l’histoire d’Israël – nous verrons de quoi il s’agit – il y a une parenthèse avec l’histoire de la lignée de Juda dont la lignée mènera à David donc au Mashia’h.
Mais, comme l’enseignement du Rav Kook l’a restauré, c’est la différence entre Mashia’h ben Yossef et Mashia’h ben David. De quoi s’agit-il ?
J’ai sous les yeux le Hesped – oraison funèbre – que le Rav A.I Kook (père) a consacré à la mort de Herzl, fondateur du sionisme politique. C’est le sionisme politique qui est relié à la notion de Mashia’h ben Yossef, par les explications que le rav Kook a donné de toutes les sources que je vais vous citer. Ce Hesped a été écrit le 20 Tammouz 1904 au début du siècle. C’est une vision de notre histoire contemporaine d’une précision qui n’a vraiment pas d’égale.
Toute cette problématique du Mashia’h qui vient de Joseph et ce que cela veut dire, et du Mashia’h qui vient de David donc de Juda et ce que cela veut dire, cela trouve sa source dans l’enseignement du Gaon de Vilna mis en forme par un de ses élèves dans un livre très important qui s’appelle « Qol Hator » qui explique cette problématique entre Mashia’h ben Yossef et Mashia’h ben David qui a sa racine dans notre Parashah : la tension entre Joseph et Juda dès l’origine de notre histoire.
Cette analyse a pour principe l’enseignement du Midrash Tan’houmah repris en gros plan par Na’hmanide d’abord :
Maassé Avot Sman Labanim ce qui survient aux pères est un signe pour les fils.
Comme nous arrivons une période de rassemblement des exilés et que pour la Guémara, c’est la fin du chapitre de Brakhot, le signe du commencement de ce que la Guémara appelle Yemot HaMashia’h – les temps du Mashia’h (il ne s’agit pas de savoir qui est Mashia’h – Melekh Hamashia’h est un autre concept) le signe est le rassemblement des exilés.
Il est bien évident que ce rassemblement des exilés au bout de 2000 ans se réalise à travers ce que le sionisme politique a réalisé. Sans l’Etat d’Israël, ce rassemblement ne se serait jamais produit sous cette forme et comme le fait est contemporain on ne se rend pas compte de ce qui se passe. Il y a une réaction spirituelle du peuple juif, une sorte de réaction de défense qui empêche de voir la réalité de l’événement au niveau de son absolu. C’est trop terrifiant. Beaucoup s’en défie. Sinon ce serait invivable, on deviendrait fou.
Dès le début de la Parashah de Vayeshev au verset 37:2 :
אֵלֶּה תֹּלְדוֹת יַעֲקֹב, יוֹסֵף
Eleh toldot Ya’akov Yossef
Voici les engendrements de Yaakov… Yossef…
On s’attend à l’énumération des enfants de Jacob, mais, surprise, on nous raconte l’histoire de Joseph. Ce qui amène beaucoup de commentateurs à dire : ici le mot de Toldot n’a pas le sens d’engendrement mais a le sens d’histoire.
En particulier Rashi dit: voici l’histoire de Jacob jusqu’à ce que la descendance de Jacob au pays d’Israël. Cela commence là, cela commence par l’exil, c’est aussi un autre sujet : pourquoi notre histoire a toujours commencé par l’exil. Il n’y a eu d’histoire d’Israël dans les différentes époques de civilisations que sortie d’exil, commençant par un exil. Le seul peuple dont la préhistoire était un exil, le seul peuple qui n’est pas né chez lui. Ce qui a fourni énormément d’arguments aux anti-sionistes et antijuifs pour nous décrire comme des conquérants et colonisateurs dans notre propre pays. On mesure à quel point cette histoire d’Israël est incomparable.
Verset 37 :2
אֵלֶּה תֹּלְדוֹת יַעֲקֹב, יוֹסֵף בֶּן-שְׁבַע-עֶשְׂרֵה שָׁנָה הָיָה רֹעֶה אֶת-אֶחָיו בַּצֹּאן, וְהוּא נַעַר אֶת-בְּנֵי בִלְהָה וְאֶת-בְּנֵי זִלְפָּה, נְשֵׁי אָבִיו; וַיָּבֵא יוֹסֵף אֶת-דִּבָּתָם רָעָה, אֶל-אֲבִיהֶם
Eleh toldot Ya’akov Yosef ben-shva-esreh shanah hayah ro’eh et-echav batson vehu na’ar et-beney Vilhah ve’et-beney Zilpah neshey aviv vayave Yosef et-dibatam ra’ah el-avihem.
Eleh toldot Ya’akov Yossef
Voici l’histoire de Jacob Yossef
ben-shva-esreh shanah
âgé de 17 ans
hayah ro’eh et-echav batson
faisait paître le troupeau avec ses frères
vehou na’ar et-beney Vilhah ve’et-beney Zilpah
neshey aviv vayave Yossef et-dibatam ra’ah el-avihem.
Cela commence vraiment avec l’histoire de Joseph. Ce qui se passe là c’est que l’on s’aperçoit que cette sélection d’identité qu’il y a eu en Abraham (Isaac et pas Ishmaël) en Isaac (Jacob et pas Esaü) risque de continuer avec Jacob (Joseph et pas les autres). C’est déjà une des premières motivations de la réaction des frères de Joseph à son encontre. C’est en vérité une réaction vis-à-vis de Jacob.
Il ne faut pas aller jusqu’à dire qu’ils étaient animés de sentiments inférieurs de jalousie et de haine.
C’est vrai qu’il y a le risque que la préférence d’un des frères conduit à ce que les autres frères ne sont plus des frères…
Je voudrais revenir à un thème important en le reformulant pour notre sujet :
On croit habituellement en schématisant que l’histoire d’Israël est une histoire à laquelle a été imposée des grandes périodes d’exil par la méchanceté des anti-juifs.
C’est vrai aussi qu’ils sont méchants, mais il faut savoir que dès le début de l’histoire des Patriarches, et c’est surtout raconté en clair dès Abraham, il y a une tendance de l’identité d’Israël d’être les Juifs des nations. L’exil est une punition acquiescée. Si c’est une punition acquiescée ce n’est pas exactement une punition ni un acquiescement. Mais on ne peut pas nier qu’une quantité importante de Juifs vivent la situation de l’exil comme anormale mais voulue, et avec tous les alibis de justifications possibles et inimaginables. Il faut savoir que cela commence avec l’identité hébraïque, cela commence avec Abraham. Il était chez lui à Our-Kasdim. Au point que Dieu lui dit : « sors de chez toi ! » C’est bien qu’il s’y sentait chez lui !
Et puis Abraham revient au pays des Hébreux mais fais un détour en Egypte pour savoir si peut-ëre cela n’a pas marché avec la babyloniens, la mission des Hébreux ches les nations…. Après l’échec babylonien, Abraham fait une nouvelle tentative de « l’hébreu chez les nations » mais chez les égyptiens. Cela marchera peut-être en son temps, dans une autre époque : c’est ce que le rêve de Joseph va reprendre. Cela marchera peut-être dans une autre époque.
Des 3 patriarches, seul Isaac est l’hébreu d’Erets Israël. Pour les autres, tant Abraham le commencement, que Jacob l’aboutissement, il y a une ambivalence : Cf. leurs deux noms d’exil Abram pour Abraham et Jacob pour Israël. Isaac seul a un seul nom et une seul terre et une seule femme. Isaac est le patriarche d’Erets Israël mais il a vraiment une figure extraordinaire.
C’est le schéma classique du Maharal :
– Bein Adam leatsmo: un seul nom
– Beïn Adam le’havero: une seule femme
– Beïn Adam lamaqom : une seule terre (maqom dans son sens pshat).
Et donc la figure d’Isaac est donc une figure très particulière.
J’ai souvent entendu que les gens des Yeshivot parlent de Isaac comme d’une figure effacée, une figure féminine et passive mais c’est faux c’est tout le contraire. Isaac incarne la Midat HaDin.
Retour au sujet :
Il faut bien retenir cela que s’attache à l’identité d’Israël profondément, cette double stratégie possible de sa propre mission.
– D’une part la messianité à l’extérieur, et cela va éclater avec Joseph, cela va se particulariser avec Joseph au point que ceux qui sont donnés à cette vocation-là seront aveugles à la vocation complémentaires et réciproquement.
– D’autre part la messianité retrouvée, ressourcée, parce que la première a échoué.
Nous verrons qu’il y a une logique de l’ordre de ces tentatives. C’est toujours celle de Joseph qui est la 1ère et elle échoue. Alors vient la sortie d’Egypte, et la révélation de la Torah.
Il ne faut pas oublier que la Torah a été révélée après l’échec de la tentative de Joseph, qui commence avec Joseph et s’achève à Moïse.
Beaucoup de Juifs oublient cela que la Torah ne concerne que ceux qui sont sortis d’Egypte, que ceux qui sont sortis du rêve de Joseph. Et alors pourquoi fallait-il que ce soit tenté ?
L’expérience montre effectivement que ceux qui sont Israël selon Joseph et ceux qui sont Israël selon Juda ne se comprennent pas, et non seulement cela, mias ils n’arrivent pas à se parler.
La louange des frères de Joseph :
Quand les frères de Joseph entendent les rêves de Joseph, le verset dit: ils ne pouvaient pas lui parler en paix. Un des commentateurs : parce qu’ils ne pouvaient pas lui parler en paix, ils ne lui parlaient pas. C’est un grand compliment. Parce que s’ils devaient lui parlaient sans paix…
La première cause de ce conflit de la part des frères de Joseph est constituée de cette inquiétude vis-à-vis de la constitution d’un Israël qui ne serait pas un Israël authentique.
C’est surtout la réticence chez les Juifs religieux vis-à-vis des Juifs non-religieux : avec cette peur qu’ils créent un Israël qui ne serait pas Israël.
La figure de Joseph est la figure du Juif assimilé : la figure du Juif qui va finir par se faire prendre pour le Pharaon. Il n’y a pas pire que cela. Dans Parshat Vayigash, lorsque Yossef a réussi à attirer Benjamin dans sa vision de la vocation d’Israël : l’exil pour être au service des nations, l’Egypte en ce temps-là – lorsque Juda va venir réclamer Benjamin il va lui dire כִּי כָמוֹךָ, כְּפַרְעֹה Ki kamokha keFaro 44:18
Le sens du Pshat c’est la peur de Juda devant Joseph qui est aussi puissant que le Pharaon dont il occupe le trône. Mais le sens profond c’est : « tu as pris parti pour le Pharaon ». Rashi cite le Midrash : et il t’arrivera la même chose qui est arrivée au Pharaon qui a voulu prendre ma grand-mère, Sarah.
כִּי כָמוֹךָ, כְּפַרְעֹה
Ki kamokha keFaro
C’est précisément l’accusation, très souvent justifiée, d’avoir pris fait et cause pour l’ennemi, mais par rapport à Yossef authentique, ce n’est qu’à la fin de l’histoire que l’on se rend compte qu’il était Tsadik : alors on l’appellera Yossef haTsadik.
La phrase accusatrice de Juda contraint Joseph à se démasquer : « Je suis Joseph votre frère… »
Les rêves de Joseph
Les rêves de Joseph sont très clairs éclairés d’après la tradition véhiculée par le Midrash. Sinon comme ça cela serait des histoires mythologiques :
Joseph rêve : Là où le blé pousse, il faut aller faire des gerbes, pour donner à manger à toute la terre lorsqu’il y aura le temps de famine. C’est ce qui va arriver. Là où le blé pousse c’est là où la civilisation passe… Lorsque plus tard Joseph va faire convoquer ses frères par ses services secrets égyptiens pour les accuser d’être des espions, il va leur dire : « batem nirod ervat haerets vous êtes venus voir la nudité du pays ». C’est codé : vous êtes venus voir la nudité du pays pour la recouvrir. Mais cela veut dire vous êtes venus espionner. Leur réponse est aussi codée : non, nous sommes des commerçants ! C’est le dialogue entre les nations et Israël : vous êtes venus purifier la terre ! Non, nous sommes venus faire du commerce. Du commerce de grain. (Les grands commerçants juifs ont toujours fait du commerce de grain.) Derrière ce symbolisme évident il faut comprendre que Joseph rêve à être le sauveur des nations. D’ailleurs, c’est le plaidoyer des Juifs de diasporas : se croire investis de la mission de sauver les nations… C’est d’une absurdité totale aux oreilles des nations et aux oreilles des israéliens. En réalité, ils font du commerce…
Deux mots français :
Cette histoire que l’objectif qu’attendent les Goyim de nous c’est de venir voir la nudité de la terre pour pouvoir la recouvrir lekhaper et haerva, leotsi et hatoumah ; et que nous répondons non nous sommes des commerçant en blé… Il y a deux mots en français : médiateur et intermédiaire.
-Les Goyim Vous êtes nos médiateurs ?
-Les Juifs : Non, nous sommes vos intermédiaires…
Mais c’est finalement la même chose. A un certian niveau Les Juifs ont bouleversé les données économiques des nations de toutes les civilisations. Je suis en train de penser à Abrabanel. Abravanel a été le Joseph d’Espagne. (Il y avait aussi Youssef Hanassi en Espagne d’une moindre dimension). Abrabanel chef de la communauté a aussi été le conseiller économique de plusieurs rois dont Ferdinand. Il y a nombreux Juifs ainsi, tous économistes, les derniers en France étaient Attali d’un côté et Stoléru de l’autre. Et c’était effectivement des Joseph.
On sait bien que c’est à travers les échanges économiques que peuvent se faire les échanges tout court, et donc finalement ce sont les intermédiaires qui sont censés être les médiateurs.
Le 2nd rêve
Le 2nd rêve concerne la nuit : il faut être les étoiles dans la nuit. Joseph rêve à la famille de Jacob, le soleil et la lune, alors que Rachel était déjà morte. C’est pourquoi cela provoque la colère de Jacob. Il y a ici un Sod. Les commentateurs pensent à Bilha la servante de Rachel. On peut voir à travers les enfants de quelles tribus il s’agit.
Jacob et Rachel et les 11 frères de Joseph qui doivent être les étoiles dans la nuit : c’est-à-dire la lumière quand il fait nuit. A un autre niveau, le même rêve : là où il faut sauver le monde nous sommes les sauveurs.
[On comprend pourquoi les Chrétiens ont donné comme père terrestre nourricier à leur Messie un certain Joseph en lui faisant faire un petit voyage en Egypte pour l’identifier. ]
Lorsque Paro découvre que Joseph sait interpréter les rêves, alors il le place sauveur de l’Egypte. Il le fait appeler Tsafnat Paanea’h. L’explication hébreu est la suivante : Celui qui explique, qui dévoile, les choses cachées
Tsafnat Tsafon…
Tandis qu’en égyptien ancien cela veut dire « le Sauveur du monde »
On voit quelle ligne messianique les Chrétiens vont suivre en s’inventant un fils de Joseph auquel il va s’opposer un certain Juda, avec douze apôtres pour reprendre le même cénacle et avec des invraisemblances apparentes dans les textes des Evangiles qui sont des clefs posées sur les serrures. Un jour on verra bien de quoi il s’agit. Ce jour est arrivé avec le rassemblement des exilés qui montre que le rêve de Joseph prend fin et que Juda prend le relai.
C’est cette perspective de se mettre au service du salut du monde qui s’accroche déjà dans l’identité des Patriarches. Et effectivement je reprends l’histoire d’Abraham très rapidement : je sais par expérience que l’on est incapable de le voir. On croit simplement qu’il y a des inadvertances et des fatalités de l’histoire qui font que nous sommes ballotés en exil alors qu’il y a une dimension de l’acquiescement à l’exil qui est Joseph.
Et cela commence déjà au temps d’Abraham :
– Abraham est né en exil et mort dans le pays
– Isaac est né dans le pays et est mort dans le pays
– Jacob est né dans le pays et est mort en exil.
C’est pourquoi dans les moments dramatiques, l’intention de prière doit se référer à Isaac. De faire appel devant Dieu grâce au mérite d’Isaac, c’est grâce à Isaac que nous avons un mérite clair sur Erets Israël. En Abraham et en Jacob, yesh pikpouk : est-ce qu’on est de Babel de l’Egypte ou d’Israël ?
Joseph fait le récit de ses rêves à sa famille : « je recommence le rêve d’Israël chez les nations »: Lorsque ses frères ont entendu cela que leurs gerbes se courbaient vers celle de Joseph et que les étoiles s’inclinaient vers Joseph, ils lui dirent [37:8]:
וַיֹּאמְרוּ לוֹ, אֶחָיו, הֲמָלֹךְ תִּמְלֹךְ עָלֵינוּ, אִם-מָשׁוֹל תִּמְשֹׁל בָּנוּ; וַיּוֹסִפוּ עוֹד שְׂנֹא אֹתוֹ, עַל-חֲלֹמֹתָיו וְעַל-דְּבָרָיו
Vayomrou lo
Ils lui dirent
e’hav
ses frères
hamalokh timlokh aleynou
Roi tu ferais sur nous
im-mashol timshol banou
vayosifou od sno oto al-chalomotav ve’al-devarav.
Malokh c’est Malkhout c’est avec le consentement de ses frères. Il y a un verset qui dit :
« Si tu choisis un roi, parshat Shoftim, élu par une majorité de juifs, alors cela c’est Malkhout.
Il y a une grande différence entre Malkhout et Memshalah :
Le Melekh c’est le roi qui est reconnu par ses frères. Le Moshel n’a pas besoin d’être reconnu.
C’est le gouverneur qui s’impose. Le type du Moshel dans le gouvernement actuel c’est le chef de la police. Il ne demandera l’avis de personne. Alors c’est ce que les frères lui demandent : de quoi as-tu rêvé, s’agit-il d’être Melekh c’est donc David par Juda, et si c’est Moshel donc explique pourquoi…
vayossifou od sno oto al-‘halomotav ve’al-devarav.
J’ouvre une parenthèse en me basant sur le Piroush du Shla’h qui synthétise en les développant les Midrashim:
Il se dévoile là qu’il y a inévitablement deux stades : Mashia’h Ben Yossef et Mashia’h ben David.
Or, quand le Mashia’h Ben Yossef se prend pour Mashia’h ben David, c’est une catastrophe.
Et quand Mashia’h Ben David ne laisse pas exister le Mashia’h ben Yossef, c’est une catastrophe.
Il y a un 1er stade de relations entre Israël et les nations dans les deux sens :
– ce qu’Israël a apporté aux nations, et
– ce qu’Israël a recueilli des nations
C’est l’identité Joseph en Israël.
Et puis il y a un 2nd stade :
– Mashia’h ben David où Israël se reconstitue dans son identité hébraïque spécifique en tant que וְאַתֶּם תִּהְיוּ-לִי מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים, וְגוֹי קָדוֹשׁ Mamlekhet kohanim veghoï qadosh Ex.19 :6 pour l’humanité entière. C’est la vision messianique des prophètes pour la fin des temps. C’est à dire lorsque les nations finiront par reconnaître que c’est Israël qui est Israël. C’est un débat qui prend corps de notre temps entre Le Vatican et Jérusalem. Le porte-parole de Jérusalem n’est pas exactement celui à la hauteur du discours qu’Israël devrait tenir au Vatican, mais c’est le commencement du commencement.
Le Shla’h explique très clairement que Judah avait raison de refuser que Joseph soit le Melekh, mais il ne savait pas qu’il fallait un stade où Joseph serait le Moshel, et qu’il avait raison d’être celui qui commence l’histoire d’Israël dans sa relation aux nations, mais qu’il avait tort en se présentant comme Melekh.
On peut comprendre cela que si on se rappelle que nous sommes des monothéistes absolus : c’est-à-dire que Dieu a créé un univers et il est le Dieu un qui a créé un univers dans lequel il y a une terre qui a une histoire… et non pas deux histoires, celle de l’humanité et celle d’Israël sont liées.