Face A
Face B
Texte Face A
\ Chapitre 27 à partir du verset 20
וְאַתָּה תְּצַוֶּה אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ אֵלֶיךָ שֶׁמֶן זַיִת זָךְ כָּתִית–לַמָּאוֹר: לְהַעֲלֹת נֵר, תָּמִיד
Ve’atah tetsaveh et-beney Yisra’el veyik’hou eleykha shemen zayit zakh katit lama’or
leha’alot ner tamid
Et quant à toi, tu ordonneras aux enfants d’Israël de te choisir une huile pure d’olives concassées, pour le luminaire, afin d’alimenter les lampes en permanence.
Au début de la Parashah nous avons un enseignement qui va dans le sens de ce que nous avons étudié la semaine dernière.
En particulier en ce qui concerne toutes les prescriptions concernant la construction du Tabernacle Mishkane qui préfigure le Beth Hamiqdash, il y a une relation entre Moïse et le peuple qui est mise en évidence par la manière dont les prescriptions transmises à Moïse ont été faites.
J’en rappelle brièvement le principe :
Dieu ne demande pas à Moïse d’ordonner au peuple l’ensemble des Mitsvot concernant le fait d’avoir à rassembler les matériaux pour la construction du tabernacle. Parce qu’il n’y a de valeur dans la construction de ce tabernacle que dans la mesure – et cela est dit très clairement dans le verset – où il y a de manière autonome et spontanée une Nédavah – un acte qui consiste à donner à partir de la générosité du coeur – Neidvat Lev – c’est-à-dire que la vertu en fin de compte n’a de valeur ultime, réelle et essentielle que dans la mesure où elle est voulue par l’homme lui-même.
Or, voilà que Moïse est l’homme qui est censé être chargé de transmettre les prescriptions de la loi à Israël. Et c’est très important de comprendre pourquoi cet enseignement d’obéissance à la loi ne trouve sa valeur ultime que dans la mesure où il y a quelque chose qui est au-delà de l’obéissance : le fait de vouloir par soi-même ce que la loi veut. Pourquoi ce principe qui nous montrera la grandeur de Moïse est transmis précisèment à travers les lois de construction du Mishkane ?
Je vous rappelle brièvement le verset pour revenir à cette mise au point :
Cf. 1er Verset de Teroumah:
25:1
וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר
Vaydaber Hashem el Mosheh lémor
«Dieu parla à Moïse lémor pour dire…
Regardez bien les mots employés. Ce que Dieu a dit à Moïse n’est pas indiqué ici d’après ce que dit ce verset. Il lui a parlé lémor pour dire…
Bien entendu le sujet de Lémor est apparemment pour que Moïse dise. Mais il y a une lecture plus fine d’après les accents, à partir des Taamim.
http://en.wikipedia.org/wiki/Cantillation
Vaydaber Hashem el Mosheh… lémor…
Et Dieu parla … C’est une unité de lecture
à Moïse pour dire : …
Sous « Vaydaber Hashem » il y a en Askénaze מֵרְכָ֥א Mereikha et sous Hashem il y a טִפְחָ֖א Tif’ha. En Séfarde Vaydaber comporte מַאֲרִ֥יךְ Maarikh et Hashem comporte טַרְחָ֖א Ta’ha, ce qui fait une unité de lecture de ces deux mots, « et Dieu parla ».
El Mosheh Lémor :
[Maarikh – Sof passouk :]
A Moïse pour dire…
Il y a deux lectures possibles :
ð Dieu dit ce qu’il a à dire à Moïse pour que Moïse dise ce qu’il a à dire aux enfants d’Israël qui fait l’objet de cette révélation. Donc il s’agit du contenu de la révélation des lois concernant la construction du tabernacle… Je vais y revenir.
ð Dieu a parlé à Moïse jusqu’à ce qu’il puisse dire ce qu’il avait à lui dire et que Moïse comprenne. Dieu a parlé à Moïse jusqu’à ce qu’il puisse dire Lémor : jusqu’à ce qu’il puisse direדַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, Daber el benei Israël Parles aux enfants d’Israël et qu’ils t’apportent … Il s’agit des matériaux pour la construction du tabernacle.
Ce qu’on a appris la semaine dernière c’est que Moïse se trouve devant une mission très difficile qui est en général, je banalise un peu, celle de l’éducateur : il doit s’effacer complétement entre la loi et et celui à qui il donne la loi ; et son génie consiste à faire que celui à qui il s’adresse veuille par lui-même de façon autonome faire ce que la loi demande.
Il y a là deux niveaux complétement différent de la relation à la valeur. La valeur se présente d’abord à nous comme hétéronome, c’est-à-dire s’exprimant à nous du dehors de notre conscience, comme quelque chose qui est un commandement qui vient d’ailleurs.
On peut utiliser le terme de « trancendant » mais je préfère le vocabulaire et le terme de hétéronome. Cela veut dire : ce n’est pas moi qui ait inventé la Torah, elle s’adresse à moi dans la perspective du commandement qui vient de l’extérieur. Et cependant Moïse qui me transmet cette Torah a pour objet, a pour fonction, de faire que je veuille de moi-même ce que la loi veut.
C’est à ce deuxième niveau seulement que la vertu prend sa valeur réelle. Lorsque c’est moi qui veut ce que veut la loi. Il y a là toute une dialectique extrêmement importante à comprendre pour les éducateurs.
Il y a un 1er stade où la loi est transmise de l’extérieur comme commandement. Mais il y a un 2ème stade ou la loi est transmise, et c’est ce qui va nous être enseigné dans la Parashah de cette semaine en suite à ce principe, où la loi est transmise comme une formation, comme un enseignement, qui fait qu’en conséquence celui qui reçoit cet enseignement, cette formation, veut par lui-même ce que la loi veut…
Il y a là le mystère de la relation entre Israël et la Torah. Parce que d’une certaine manière cela consiste à dire qu’Israël est une manière d’être homme capable de réinventer par lui-même ce que la Torah va lui révéler.
C’est un enseignement du Or ha’Hayim qui indique cela. Le mystère de la Torah c’est qu’elle s’adresse à Israël. Le mystère d’Israël c’est qu’Israël est capable de recevoir la Torah. Cela veut dire à la limite qu’il est capable par lui-même, s’il était au niveau où était Moïse, de comprendre ce qu’on lui dit, donc de savoir ce qu’on va lui dire à l’avance.
Or Ha’hayim sur ‘Houkat:
‘Houkat – Bemidbar 19:2 :
זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה, אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר: דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ אֵלֶיךָ פָרָה אֲדֻמָּה תְּמִימָה אֲשֶׁר אֵין-בָּהּ מוּם, אֲשֶׁר לֹא-עָלָה עָלֶיהָ, עֹל
Zot ‘houkat hatorah asher-tsivah Hashem lemor daber el-beney Yisra’el veyik’hou eleykha farah adoumah tmimah asher eyn-bah moum asher lo-alah aleyha ol.
[Voici le statut de la Torah qu’a prescrit l’Éternel, en disant: Parles aux enfants d’Israël de te choisir une vache rousse, intacte, sans aucun défaut, et qui n’ait pas encore porté le joug].
זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה
Zot ‘houkat hatorah
Voici le statut de la Torah…
‘Houka c’est l’ordre des chose qui est le fondement, le postulat de la législation de la Torah.
Cela veut dire que la Torah a un principe que le Or ha’Hayim va expliquer en terme de mystère.
זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה, אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר
Zot ‘houkat hatorah asher-tsivah Hashem lemor
Voici le principe de la Torah que Dieu a ordonné en disant :
« Parle aux enfants d’Israël et qu’ils prennent…Para Adoumah
On retrouve d’ailleurs la même forme qu’avec la Teroumah.
Apparemment la lecture est simple :
Voici le principe de la Torah que Dieu a ordonné en disant : Parle aux enfants d’Israël et qu’ils réalisent le souhait que J’ai formulé.
Or Ha’hayim explique: quel est ce principe de la Torah, la ’Houka de la Torah ?
C’est que Dieu a ordonné en disant « Parles aux enfants d’Israël ».
C’est cela le mystère de la Torah !
Cf. le Kadish du Rav Its’haq de Berditchev formulé au moment des persécutions en Europe : il convoque Dieu devant le Bet Din en disant : qu’est-ce que tu as avec ton peuple Israël ? Dans ta Torah il est écrit « parle aux enfants d’Israël », « demande aux enfants d’Israël », « ordonne aux enfants d’Israël »…etc ! Et les autres ? Ils n’existent pas ?
Dieu lui répond : « tu veux finalement que je m’occupe des autres ? »
Le Rav : « Non, non, non, occupe-toi de nous. Je n’ais pas compris pourquoi mais occupe-toi de nous… ! »
Effectivement, il y a un mystère. C’est ce qu’indique le Or ‘Hayim : on peut tout comprendre dans la Torah mais une chose qui reste un résidu à expliquer : pourquoi c’est à Israël que la Torah s’adresse ? Ce verset refrain auquel on est tellement habitué : « Parles aux enfants d’Israël » enveloppe un mystère. Il faut expliquer chaque mot, mais surtout l’indication du verset lui-même : cela concerne les enfants d’Israël.
Il y a un enseignement de base du Rav Kook :
Dans la culture contemporaine on est habitué à l’idée du mérite en relation avec les actes, les bonnes actions. Le Zekhout vient d’un certain comportement et on a perdu complétement de vue une catégorie de mérite propre à l’enseignement de la Torah qui est un mérite d’être, qui s’attache à l’être et non pas à une manière d’agir.
La raison de cette réticence c’est que dans la culture contemporaine cela ressemble trop à ce qu’on pourrait appeler le racisme : une identité particulière d’Israël qu fait que Israël a ce mérite d’être Israël et les autres pas ? C’est cette réticence qui est refoulée car on a peur d’employer un vocabulaire que la Torah emploie de manière très claire, à cause de cette mode culturelle qui veut nier les différences des manières d’être dans l’humanité. Il y a une seule manière d’être homme c’est d’être homme, mais à l’intérieur de cette identité universelle, il y a différentes manières d’être homme qui sont personalisées.
A ma connaissance, dans la culture contemporaine, un seul penseur s’est attaqué à ce problème : c’est Emmanuel Mounier [fondateur de la revue Esprit, revue assez antisémite quand elle l’est] dont la philosophie s’appelle « le personalisme ». Il n’y a que chez lui que j’ai trouvé la reconnaissance de cette réalité.
Il y a, dit le Rav Kook, une sainteté naturelle dans la manière d’être Israël que nous devons aux Patriarches et qui n’a rien à voir avec les comportements, quelque soient les niveaux des comportements, y compris moral, spirituel, religieux.
Dans la littérature française contemporaine, un seul auteur a parlé de cela de manière très claire et brillante, c’est Abraham Livni, grand Talmid ’Hakham venu du christianisme européen et qui a eu le courage de parler de cela : il y a une sainteté naturelle de l’identité d’Israël qui n’a rien à voir avec les catégories habituelles de la notion de mérite que nous avons dans la culture contemporaine – c’est-à-dire une certaine manière de se relier à des idéaux, à des valeurs… que la plupart du temps on ne pratique pas : mais il suffit d’y croire, de s’en réclamer…
Ce qui est en général l’idéalisme contemporain qui dérive de la conception grecque du problème moral : la morale ne peut pas être réalisée, elle ne peut qu’être contemplée, la vertu c’est de savoir ce qu’est le bien même si on ne le pratique pas… etc. Un verset des Evangiles de Saint-Paul le dit en clair. « Je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas. »
Une espèce de fatalité de la faute, de la chute qui fait que la morale ne peut pas se pratiquer. Il faut savoir qu’avant de trouver cela dans la conscience chrétienne, elle est dans l’âme grecque qui a hésité entre l’optimisme hébreu et le pessimisme (qui est très bien formulé chez Pascal). Et c’est ce qui est le propre de la conscience chrétienne qui est une conscience déchirée entre l’espérance apprise de la Bible des Hébreux et le pessimisme de la nature de l’homme.
Ceci pour dire que cette conception que la morale ne peut pas être pratiquée mais la vertu consiste dans le fait de la contempler, cela s’appelle « l’éthique ».
La 1ère fois que j’ai rencontré le Rav Kook avant les années 50, il m’a fait étudier une seule chose : ce qu’est la Qédoushah Tivéit – la sainteté naturelle. J’arrivais avec ma mentalité de Torah diasporique pour laquelle la sainteté c’est les Mitsvot, c’est les actes, qui l’acquièrent. C’est d’ailleurs vrai, il y a un 1er niveau de sainteté dévoilée qui est acquise par les Mitsvot. C’est un sujet où Maïmonide a enseigné de manière très claire : l’objectif des Mitsvot c’est la sainteté. La confirmation de cela c’est la bénédiction que l’on dit avant de pratiquer chaque Mitsvah :
Asher qideshanou bemitsvotav « qui nous a sanctifié par ces commandements ».
Il y a une lecture plus profonde qui lit : « qui nous a sanctifié en donnant ses commandements… avant même qu’on les pratique ».
C’est ce niveau de sainteté naturelle dont le Rav Kook nous a parlé ce soir-là. Et toute la Torah que j’avais apprise jusque-là s’est complétement transformée en une nuit. Il suffit parfois d’une catégorie pour remettre en place énormément de choses qui restent à l’état de chaos ou d’associations assez arbitraires…
Alors effectivement là c’est quelque chose qui nous dépasse. Mais il y a un texte très clair dans Devarim où Dieu dit à Israël :
« Ne croyez pas que c’est à cause de votre nombre que Je vous ai choisi… etc ».
Rav de Berditchev : Ne croyez pas que vous êtes un empire, une grande culture, une des Malkhouyiot… Il y a d’énormes empires et des traditions culturelle colossales… ce n’est pas pour cela que Je vous ai choisi.. Ne croyez pas que c’est pour votre vertu… mais Je vous ai choisi parce que vous êtes les descendants des Avot.
Et à ce propos, il y a énormément de sources qui vont mettre cela en évidence en comparant Noa’h à Abraham.
Par coïncidence, qui n’en est pas une, j’ai entendu ce matin à la radio en me trompant de poste une Drashah du Rav Perets dans le Qol HaNeshamah qui est la voix des ’Harédim. Il a fait une Drashah extraordinaire, d’une beauté magnifique, et cela m’a donné la référence que je cherchais en pensant à cette idée.
La comparaison entre Noa’h et Avraham : la Torah nous dit les vertus de Noa’h avant de nous dire pourquoi Dieu le sauve. Il s’en suit toute une discussion chez les commentateurs : ses vertus sont-elles suffisantes ici pour le sauver ? C’est un problème assez vaste et je vous conseille de l’étudier dans le commentaire du Shnei Lou’hot HaBrit, et en particulier le Or ‘Hayim aussi.
Pour Avraham, il n’y a aucune indication et subitement le texte nous parle de ce qu’on pourrait appeler – mais je refuse l’expression que je mets entre guillements : « l’élection d’Abraham ». Le fait qu’Abraham a été élu, choisi comme s’il s’agissait d’un arbitraire dans le texte. Il n’y a aucune indication dans le texte indiquant pourquoi Dieu a choisi Abraham. En réalité il y en a une, mais cela ne va de soi que pour ceux qui la vivent. Dieu a choisi Abraham parce qu’Abraham était prêt à choisir Dieu. L’alliance entre Dieu et Abraham, c’est Dieu qui la décide, mais Il ne la décide pas avec n’importe qui. Précisèment avec celui qui est prêt à contracter alliance avec Dieu. Cela le Midrash le restitue. Et d’où cela vient-il qu’Abraham est prêt à cela ?
C’est parce qu’il est hébreu ! C’est cela que le texte dévoile : il est le descendant de Ever. Il faut savoir qui sont les Hébreux et qui est ce Ever, l’ancêtre de cette identité dont il va être parlé dans l’histoire d’Israël ? Je ne rentre pas dans ce sujet mais je vous l’indique.
La préface historique à la Torah est très claire : elle raconte tout simplement l’histoire des Hébreux. Parmi toutes les familles humaines, il y en a une qui ne fait pas partie du nombre et qui ne se préoccupe pas du nombre des Goyim, c’est Israël. Cela vient de l’identité hébraïque d’Avram.
Donc ce n’est pas arbitraire, il y a bien une raison
Il y a d’autre part un consensus dont nous profitons nous qui sommes à la fin de cette histoire de 4000 ans – un consensus de l’universel humain qui est plus qu’étonnant, qui est massif : le verset dit : « Et seront bénit en toi toutes les familles de la terre »
Je suis toujours stupéfait de voir à quel point c’est devenu une évidence. Comment l’Ociddent d’un côté avec le chrétienté et l’orient de l’autre avec l’islam, et tout ce qui va avec, cela va de soi que Dieu c’est le Dieu d’Abraham et que la bénédiction, c’est la bénédiction grâce à Abraham !
Mais au moment où Abraham apparait dans l’histoire, qu’est-ce qui va de soi ? Je crois que c’est une épreuve de la révélation. Ce que dit la révélation se vérifie vraiment 4000 ans après bien que cela soit déjà vérifié avec l’expansion du christianisme et de l’islam.
Mais malgré tout, nous qui sommes à la fin d’une histoire très longue n’avons aucun mérite de le percevoir ou d’y croire. Mais c’était les premiers qui ont entendu ces promesses qui ont le mérite de s’engager dans cette histoire. C’est tellement vertigineux de voir le nombres de consciences à travers les siècles et les millénaires qui sont en consensus de ce verset :
« Et seront bénit en toi toutes les familles de la terre »
C’est plein de rivalités, plein d’ingratitudes… mais c’est cela qui se réalise.
Il y a une identité humaine particulière et spécifique des Juifs qui sont les héritiers des Hébreux et en tant que tels c’est l’identité hébraïque qui est en question ici. Et le monde entier reconnait que c’est vrai. Mais il le reconnait dans la défigure, il le reconnait en mauvaise part, il le reconnait dans l’antisémitisme, il le reconnait dans l’universalité de l’antisémitisme…
Tout cela reste pleins de mystères. Quand les Juifs s’interrogent : pourquoi moi ? il n’y a pas de réponse. Il faut comprendre comment cela a commencé. C’est-à-dire qu’il faut savoir qui est Abraham, comprendre qui est Isaac, comprendre qui est Jacob pour comprendre de quoi il s’agit dans ces expressions : « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob ».
Alors je tenais à rappeler cela : Il y a une manière d’être qui par essence est sensible au fait de la Torah. C’est Israël. Et c’est une ligne de démarcation, ou un rideau de séparation très ténu, mais absolu, entre Israël et les Nations. Puisque là aussi à l’intérieur de ce consensus dont je vous parle, il y a un branchement de l’universel humain sur la Bible des hébreux. Direct par la chrétienté et indirect par l’islam, mais ce consensus a toujours été un consensus de contestation, en dénaturant le message de la prophétie hébraïque. Et essentiellement sur ce point. Ce qui est en question dans la différence à tous les niveaux, théologique, culturel, politique, historique, entre le judaïsme et le chritianisme d’un côté et entre le judaïsme et l’islam de l’autre, c’est ce problème-là de la spécificité de l’identité d’Israël. Et elle est d’ailleurs un problème intérieur à Israël. Cf. le nombre à l’échelle individuel des membres du peuple d’Israël, les Juifs que nous sommes, qui sont imperméables et insensibles à cela, et qui ne le sont que de manière négative en réclamant d’être comme les autres.
Il y a des grands passages dans Ezéchiel en particulier qui en parlent. Une délégation qui vient vers Exechiel pour lui dire : « va dire à ton Dieu que nous voulons être comme les autres… »
Aujourd’hui cette même attitude se passe à la Knesset.
Dieu répond « Je serais votre roi que vous le vouliez ou pas !» Et vous verrez comment cela se passe quand vous ne le voulez pas…
Quel est ce mystère ?
Ce mystère il est là et il est surtout représenté par Moïse. C’est-à-dire la capacité d’entendre la Torah et cette capacité ne vient pas de l’intelligence, ni des fonctions de la pensée, mais de l’âme, de la manière d’être, de cette Qedoushah Tivit – cette sainteté naturelle que nous perpétuons depuis le temps des Patriarches et qui agit à la racine de l’âme hébraïque..
Je répète cela de différentes manières parce que c’est tellement étranger à la culture contemporaine qu’il faut récupérer cela pour comprendre les enseignements qui seront importants par la suite et qui sans cela apparaîtraient comme conventionnels, une espèce de sermon pieux, de connivence de croyants comme si cela allait de soi alors que cela ne va pas de soi…
Je vous cite ces 2 réfèrences :
La première concerne ces différences entre Noa’h et Avraham.
Le choix d’Abraham n’est pas arbitraire, la Torah a expliqué qui est Abraham en disant tout simplement qu’il est hébreu. Cela suffit si nous avons gardé la mémoire. Mais l’humanité a gardé la mémoire pour savoir qu’il y avait un cas particulier dans l’histoire des sociétés humaines : le cas particulier de la société hébraïque.
Et puis l’analyse qui vient du Maharal : la situation des fiançailles.
La relation entre les fiançailles et le mariage : on ne marie que des fiancés, mais le mariage est une contrainte. Les fiancés se choisissent librement et c’est parce qu’ils se choisissent librement que leur est imposé le mariage et son contrat. De telle sorte qu’il n’y ait pas de caprice à cause de la nature humaine capricieuse et la querelle de ménage. Il y a le contrat de mariage pour tenir durant le temps de la colère. Dans l’islam la colère du mari suffit pour jetter la femme au diable… elle reste soumise aux caprices de la nature humaine.
Nombres d’époux s’aiment réellement et au moment de la colère ils veulent réellement se séparer
[Cf. Traité talmudique Guittin au chapitre 3 avec une espèce de prescience d’une science de la psychologie extrêmement profonde du couple et son diagnostic des formules avec lesquelles on se sépare, et qu’il faut prendre au sérieux et celles qu’il ne faut pas prendre au sérieux. En particulier tout ce qui ressemble à de la colère.]
Il faut bien comprendre qu’on s’est donné sa confiance : c’est ce qui s’appelle les fiançailles. L’acte des fiançailles est libre mais à partir du moment où Dieu sait que c’est vrai, alors il impose le contrat. Le mariage c’est un contrat. C’est la loi. C’est la loi hétéronome qui n’est imposée qu’à ceux qui sont prêts à la vivre de manière autonome.
C’est Dieu qui a jugé qu’à un certain moment de l’histoire cette société humaine là était prête à recevoir la Torah par contrainte, alors il la leur a imposé. Mais ce n’est pas à n’importe qui qu’on impose le mariage : on impose le mariage qu’aux fiancés. C’est un ‘Hidoush du Maharal qui est très simple et très profond : C’est parce qu’Israël était prêt à être l’Israël de la Torah que c’est à Israël que la Torah a été donnée.
Donc il y a bien un mystère de la Qdousha Tivit la sainteté naturelle qui s’attache à l’identité d’Israël et qui est indélébile quelque soit le degré d’assimilation.
C’est ce que je voulais ajouter en vous citant cette fois la 2ème réfèrence de la Drashah du Rav Perets.
J’ai été depuis tout enfant toujours habitué à cette idée que j’ai apprise du scoutisme. C’est Baden Powel, fondateur du scoutisme qui disait : « Dans tout homme il y a 5 % de bien enfouis dans son coeur, il suffit de réveiller la flamme ».
C’est tellement vrai par rapport à l’identité juive, je crois que ce qui s’est passé pour les Juifs du monde entier après la Shoah, mais surtout évident pour les Juifs de Russie. Après le rouleau compresseur de 40-50 années de régime soviétique, cela s’est réveillé de manière spectaculaire. Même en France nous avons vécu cela. Il y a malheureusement des dérives parfois. L’indice du retour au judaïsme cela se calcule au nombre de boucherie kashères.
Quelque soit le degré d’assimilation, il reste donc quelque chose d’inexplicable et qui n’est pas de l’ordre du mérite réalisé par les actes et les commandements de la Torah. C’est quelque chose qui est de l’ordre du mérite d’être. C’est quelque chose que perçoivent les non-juifs. Ils savent très bien qu’un juif complètement assimilé est plus juif qu’un archevèque ! A un « collègue » chrétien, j’ai dit un jour : « Un juif, même athée, est plus d’Israël, qu’un cardinal même pieux !»
C’est assez stupéfiant de voir à quel point c’est une réalité.
Le Rav Perets a parlé de cette Mishna de la Massekhet Souka sur le Temple à Hoshaanah Raba : fête de l’autel du Mizbéa’h avec des Aravot coupées en ’Hotsa. Il donne une citation du ‘Hafets ‘Hayim : il y a 4 espèces dans le Loulav :
ð loulav – le coeur du palmier.
ð étrog – le cédrat.
ð hadass – le myrte.
ð aravah – le saule.
ð étrog = représente la partie d’Israël qui possède la connaissance et la pratique de la Torah,
ð loulav = le palmier dont le fruit la datte a bon gout mais n’a pas d’odeur
Texte Face B
/ ð Hadass – le myrte = bonne odeur mais aucun goût représente ceux qui pratiquent sans la connaissance,
ð Aravah – le saule = ni gout, ni odeur, représente cette 4ème partie d’Israël qui n’a aucun droit au mérite des actes et c’est cependant avec la Aravah – le saule – qui représente cette idée de sainteté naturelle d’Israël que le Temple était honoré.
Cela signifie qu’il y a bien une manière d’être qui est compatible avec la Torah, parmi toutes les Nations, qui même lorsqu’elle est refoulée, enfouie, cachée, reste indélébile même à dose homéopatique.
Cas de la différence du statut matrimonial entre le Kohen et les autres membres d’Israël:
Pour Israël le divorce c’est le divorce : il reste possible d’épouser une divorcée car son lien avec son mari précédent est annulé par le divorce. Le Kohen n’a pas le droit, car il a une identité de sainteté naturelle plus profonde que celle de ceux qui ne sont pas Kohanim et qu’il est encore sensible à cette zikah – ce lien – entre cette femme même divorcée et son ancien mari. Cette réalité des liens matrimoniaux est encore présente pour lui Kohen alors qu’elle ne l’est plus pour un non-Kohen, pour un autre Israël. Par conséquent, épouser une divorcée pour un Kohen c’est commettre un adultère même avec divorce légal. Parce qu’un kohen garde sa sainteté particulière de façon plus profonde quelque soit son comportement dans la vie. (Il est déchu de l’honneur dû au Kohen dans un seul cas : lorsqu’il est assassin.)
Retour au sujet :
C’est un notion difficile à appréhender dans les catégories de la culture contemporaine occidentale : c’est sujet à polémique avec les non-juifs et c’est à manier avec précaution.
Le génie, la grandeur de Moïse c’est qu’il est capable de cela. Il est capable de l’éducation qu’il va donner au peuple de façon à ce que le peuple, de lui-même réalise la Torah.
Comment cela est-il appliqué dans la première des Mitsvot qui nous sont demandées dans Parshat Tetsaveh ?
וְאַתָּה תְּצַוֶּה
Veatah Tetsaveh …
Dès les 1ers mots, on est averti de ce cas particulier de Moïse :
Véatah : et toi, quant à toi (Moïse)…
Moïse a ici une place exceptionnelle : il n’y a pas ici les formules habituelles :
« Et Dieu parla à Moïse pour dire parle aux enfants d’Israël etc… »
Dans Parashat Troumah, on a déjà intégré cela que le Beith hamiqdash ne peut être construit que si Israël réussit à rendre autonome la loi hétéronome, alors à ce moment-là tout s’enchaine et c’est de Moïse que dépend la réalisation de la Torah.
Sans doute, il y a cette éclipse de l’identité de Moïse dans cette Parashah (le 7 adar est le jour de sa naissance et de sa mort) tout simplement parce qu’il a réussi sa mission et alors il s’efface.
Remarquable qu’aucun des rabbins du Talmud ne porte le nom de Moïse ou d’Aharon. Il y a une sorte de respect dans le peuple juif de ne pas avoir cette ’Houtspah cette insolence de donner à un des enfants d’Israël ces noms-ci. Tous les noms possibles mais ni Moïse, ni Aharon !
Ils ont une identité à l’échelle de la collectivité qui ne doit pas être banalisée.
C’est ainsi qu’on explique pourquoi Moïse a épousé Tsiporah qui n’était pas d’Israël : son identité était d’une telle hauteur qu’il ne pouvait pas trouver une fille d’Israël pour lui. Il doit trouver une identité qui équivaut à tout Israël chez les Goyim : la fille ainée de Jéthro-Yitro.
Par contre, son nom est citée chaque fois que dans une Yéshivah, dans une étude on a entendu une chose nouvelle de la Torah. Les maîtres dans la Guémara même on l’habitude de souligner une vraie nouveauté, un vrai ‘Hidoush par les termes : « Mosheh sharfir kamrat ! Moïse tu as bien parlé ! » Parce que quand la Torah parle c’est Moïse qui parle !
Il y a un cas analogue dans la Beraïta : chaque fois qu’il y a un enseignement au nom de Eliyahou le prophète Tana debe Elyahou => chaque fois que la Braïta commence par « on m’a enseigné à l’école de Elie le prophète » : c’est lorsqu’a été entendu un ’Hidoush quelque chose de nouveau mais qu’on ne sait pas qui l’a dite, c’est un enseignement anonyme : on dit alors, c’est Elie le prophète qui a parlé. Pourquoi ? Car Elie est le seul prophète dont on n’a pas mis par écrit la prophètie. C’est Elisée qui a cité les paroles de son maître et qui a été empêché d’achever la révélation à Israël. Lorsque la révélation reprendra, elle reprend par Elie le prophète qui a encore un résidu d’enseignements qui n’a pas été donné et c’est pourquoi on lui impute chaque ’Hidoush de l’enseignement à travers le temps. .
27:20
וְאַתָּה תְּצַוֶּה אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ אֵלֶיךָ שֶׁמֶן זַיִת זָךְ כָּתִית–לַמָּאוֹר: לְהַעֲלֹת נֵר, תָּמִיד
Ve’atah tetsaveh et-beney Yisra’el veyik’hou eleykha shemen zayit zakh katit lama’or leha’alot ner tamid
Veatah Tetsaveh et Beney Israël
Et quant à toi, tu ordonneras les Benei Israël
veyik’hou eleykha shemen zayit zakh
et ils apporteront vers toi de l’huile d’olives pures
(l’huile qui sort de la 1ère pression)
katit
broyées
lamaor
pour le luminaire
leha’alot ner tamid
pour faire monter une lumière perpétuelle …
C’est l’institution de la ménorah dans le Temple.
Il y a d’autres textes indiquent le détail de la fabrication de la Ménorah, mais nous allons étudier quelques indications dans ce texte.
La forme même dans laquelle Dieu s’adresse ici à Moïse est dans une forme inhabituelle : il y a une racine ordonner qui a une double construction grammaticale :
ð letsavout el = ordonner à quelqu’un.
ð letsavout et = ordonner quelqu’un.
Je vous donne de suite la différence en français :
ð letsavot el dans le 1er cas on donne des prescriptions élaborées des articles de la loi que Moïse donne et le peuple est chargé de réaliser ces articles et ces commandements formulés… premièrement, deuxièmement, troisièmement… C’est letsavot el – donner des instructions.
ð letsavout et = donner une instruction, au sens de formation, de tel sorte que Israël soit capable par lui-même de savoir ce qu’il a à faire. On aborde là encore un autre pallier de ce mystère d’Israël et de la grandeur de Moïse en éducateur. Moïse doit donner un ’Hinoukh une éducation, une instruction à Israël de manière que, sans aucune allusion au comportement attendu, celui-ci soit réalisé de façon spontanée.
Veatah Tetsaveh et Beney Israël
Et quant à toi, tu donneras cette formation aux Benei Israël
veyik’hou eleykha shemen zayit zakh
et ils t’apporteront de l’huile d’olives pures…
pour la flamme du candelabre…
Tu donneras une formation aux Bney Israël et ils t’apporteront de l’huile pour alimenter la flamme du candelabre : c’est cette capacité d’Israël d’apporter l’huile pour que la flamme puisse briller.
Il y a un génie d’Israël qui consiste à alimenter la flamme de la Torah. Cela ne vient pas du maître Moïse mais cela vient des Avot, mais c’est grâce à Moïse que cela se réalise.
Reprise brève d’une autre thème :
le Dieu d’Israël n’est jamais défini comme étant le Dieu de Moïse, c’est toujours le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Il y a une identité qui vient par les Pères et c’est à cette identité que Moïse enseigne la Torah. Mais le Dieu d’Israël n’est pas le Dieu des maîtres, le Dieu d’Israël est le Dieu des pères. Dans le cas de la conversion, le converti sera appelé fils d’Abraham.
C’est un thème important car dans beaucoup de milieux on a substitué le Dieu du maître au Dieu des Pères. Or, il faut savoir que c’est la grande différence entre le christianisme et le judaïsme.
L’exemple le plus clair que l’on peut indiquer : il ne faut pas que l’on sache où Mosheh a été enterré sinon on en ferait un saint-sépulcre.
Les théologiens chrétiens et musulmans sont en controverse pour savoir où exactement sur le mont ‘Horev, la Torah a été révélée. Il n’y a aucune préoccupation de ce genre dans le judaïsme parce que la Torah nous on l’a, alors eux, ils cherchent où, elle a été donnée….
La grandeur de Moïse est de n’avoir jamais parlé au nom de son Dieu mais toujours au nom du Dieu des pères.
Je me demande si dans les années à venir cela ne va pas être un grave sujet de préoccupation : ce risque de substituer le Dieu du maître au Dieu du père.
Il y a le Av et il y a le Rav.
Il y a une identité potentielle de l’identité d’Israël par rapport à la Torah qui vient du père, mais on a besoin du Rav, le maitre, pour la réaliser, la faire passer à l’acte. Mais Moïse lui, s’efface complétement devant Abraham, Isaac et Jacob.
C’est très frappant dans la prière, le culte, il n’y aucune allusion à Moïse en tant que médiateur. En particulier dans la Hagadah de Pessah qui frise l’ingratitude de la tradition par l’absence d’allusion à Moïse en relatant la sortie d’Egypte. Pour ne pas qu’on croit que c’est Moïse qui nous a fait sortir d’Egypte. Or, c’est Moïse qui nous a fait sortir d’Egypte !
L’idolâtrie totale serait d’imputer à Moïse le mérite de nous avoir fait sortir d’Egypte. C’est Dieu qui nous a fait sortir d’Egypte. Nous vivons des événements assez analogues.
Or Ha’Hayim a bien précisé cela : la faute de la génération du désert vient de ce qu’elle a cru que c’est Moïse qui les a fait sortir d’Egypte. Il y a nombre de versets où Dieu s’adresse à Israël pour dire à cette génération : « Et vous saurez que c’est Moi qui vous ai fait sortir d’Egypte… » Comme si cela n’allait pas de soi, ils en étaient les témoins, les acteurs… ils ont vécus l’événement, mais il se dévoile que cette génération-là n’a pas compris, sauf quelques fidèles à Moïse, que ce n’est pas Moïse mais Dieu Lui-Même…
Je crois que c’est de manière plus qu’analogue ce que nous vivons de notre temps :
L’erreur des Juifs c’est de croire que c’est le sionisme qui nous a ramené en Israël. C’est Dieu qui nous a ramené en Israël et c’est grâce au sionisme qu’on a pu revenir. L’erreur est également de croire que le sionisme est inauthentique parce que Herzl était un juif assimilé. (Cf. la sainteté naturelle évoquée précédemment) Il s’agit d’hommes et de femmes qui d’autre part sont très pieux comme ceux de la sortie d’Egypte, mais qui ne sont pas capables de voir que c’est Dieu qui a mis fin à l’exil.
Je crois qu’il y a une erreur théologique profonde qui fait qu’il s’agit déjà en réalité de deux religions complétement différentes. Croire que c’est Herzl, qui nous a fait sortir de Rome et ne pas percevoir que c’est Dieu qui a mis fin à l’exil 2000 ans après, c’est déjà une autre religion !
Tous ces Juifs pieux qui refusent le sionisme à cause du fait que Herzl n’était pas pieux, en réalité refusent le retour en Israël et refusent la Torah.
Maïmonide l’a dit déjà dans Mishnei Torah : ceux qui ne croient pas au retour et la fin de l’exil – cela s’appelle les temps messianiques – ne croient pas dans la Torah de Moïse. Le verset cité est extraordinaire : « Dieu nous ramènera !» et il ne s’agit pas du Messie dans ce verset. C’est dire que c’est grâce au Messie que nous sommes revenu mais c’est Dieu qui l’a fait.
La question de savoir qui est le Messie est une question pour idolâtres, car si on le savait on se mettrait à l’adorer. C’est une tendance forte du peuple juif. C’est extraordinaire de voir á quel point nous n’avons pas changé !
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2 significations à cette racine et à la fonction de Moïse
– transmettre les commandements formulés => letsavot el .
– donner une formation pour qu’Israël puisse lui-même les formuler => letsavot et.
Et le résultat est un résultat automatique.
Je crois qu’il n’y a aucun exemple dans le monde dans l’histoire de l’humanité d’une telle identité et d’une telle relation à l’absolu.
Je voulais surtout en profiter pour mettre en évidence la grandeur de Moïse.
Depuis le début de livre de Shemot il n’y a aucune Parashah où Mosheh n’est pas cité sauf Tetsaveh. Il y a un enseignement beaucoup cité par les ‘Hassidim : l’enseignement de tous les maitres de la Torah est toujours moindre sur la Parashah correspondant à la semaine de leur mort. On l’observe pour les grands commentateurs : la Parashah de leur mort c’est une Parashah où semble-t-il, ils se bornent à se référer à d’autres maitres et commentateurs.
Tetsaveh c’est la semaine de la mort de Mosheh le 7 Adar.
Lien avec Pourim :
C’est un Midrash clef de cette histoire du lien entre le mérite que Moïse a laissé en Israël qui est une dimension d’éternité, grâce à lui qui traverse l’histoire de toutes les civilisations, et le salut des Judéens – que j’appelerais les Juifs – dans l’empire de Perse d’Assuérus au temps de la reine Ester.
Il est bien évident que c’est grâce à la reine Ester qu’Assuérus a sauvé Israël malgré les décrêts de son 1er ministre. Il s’agit d’un mérite d’Israël au niveau de l’être et non au niveau des actes qui était très faibles : puisqu’ils participèrent au festin d’assimilation en Perse alors qu’on ne les obligeaient pas, ils étaient libres, mais ils ont bu jusque dans les coupes du Temple emmenées avec eux pour les sauver des Babyloniens.
Le Midrash raconte que Haman savait qu’il y avait une protection sur Israël. Et suivant sa culture, il cherche un jour de l’année où il y aurait un défaut dans cette protection sur Israël et il ne l’a pas trouvé : chaque mois a son mérite d’une tribu d’Israël, chaque jour le mérite d’un des patriarches ou des matriarches d’Israël… aucun défaut dans la cuirasse pour atteindre cette éternité de l’identité d’Israël et voilà que Haman se souvient du 7 Adar, jour de la mort de Moïse, par conséquent jour sans protection du côté de la Torah.
Maharal :
Le Maharal explique cela profondément dans son livre sur Pourim de la façon suivante : le défaut du raisonnement de Haman, c’est de croire que l’histoire d’Israël obéit aux mêmes lois que toutes les cultures et toutes les civilisations, qui ont un point de départ, une apogée, un déclin et une fin. Il ne s’est pas aperçu que le jour de la mort de Moïse est aussi le jour de sa naissance. Il y a une durée de Moïse parfaite : 120 ans, de manière absolumeent parfaire, jour pour jour.
A partir de cette traversée du temps d’Israël par l’histoire de Moïse, le temps d’Israël a une dimension d’éternité. Cela veut dire que la protection d’Israël grâce à la Torah donnée par Moïse est éternelle bien que Moïse ait disparu.
C’est le fait que Moïse soit le Moïse tel que décrit précédemment, qu’il y a une capacité de lien à la Torah en Israël qui va sauver Israël quelque soit le niveau d’assimilation où il est.
Qu’en est-il du cas de la Shoah ?
Ne peut-on invoquer ce mérite-là même si le judaïsme européen était en déclin ?
Pourquoi un tel mérite naturel n’a t’il pas joué comme à Pourim au temps d’Assuérus et de la reine Ester ? C’est un sujet pour lui-même, mais malgré tout je reviens au cas historique de Pourim .
Midrash : Haman se promène dans le quartier juif de la capitale (rempli de Yeshivot) après les décrêts contre les juifs, il s’approche près d’une fenêtre et il entend 2 petits talmidei torah – jeunes enfants discutant avec passion pour savoir quelle devait être la longueur des gerbes que l’on apportait au temple pendant le Omer…
L’horizon historique de ces Juifs-là est bouché, avec l’assassinat et la Shoah pour le lendemain et ils s’occupent de la longueur de la gerbe du Omer ? C’est là que Haman a compris l’éternité d’Israël inassassinable !
Moïse a donné une formation à Israël qui permet que cette hérédité reçue des Patriarches puisse recevoir la Torah. Moïse peut avoir disparu, sans que personne ne sache où il est enterré, il a réussi !
C’est la leçon à retenir d’un point de vue existentiel quotidien : cesser de donner aux maîtres tout ces qualificatifs exagérés qui ressemblent à une oraison funèbre avant l’heure. Gaon…etc.
Moïse est appelé Mosheh Rabénou tout simplement, pas plus.
Rabénou Mosheh c’est Maïmonide. On entend la différence.
On l’indique de cette manière dans un enseignement des Pirqey Abot.
« Mosheh qibel Tora miSinaï »
On ne lui donne aucun titre ?
Un des commentaire Talmid ‘Hakham du siècle dernier, d’Autriche qui s’appelait Vayiss enseigne que c’est parce qu’au mont Sinaï, Mosheh n’était pas notre maitre, il était l’élève de HKB’H. Il faut enlever ces titres et les sous-titres… La véritable gloire de Moïse c’est qu’il était l’élève de quelqu’Un.
Retour au verset :
A propos de la fin du verset, on avoir une confirmation dans la logique même de cet enseignement par Rashi : « Pour faire monter les lumières constamment »
D’une certaine manière la qualité de cette huile qu’Israël est capable d’apporter à Moïse, c’est que la lumière allumée dans le candelabre ne s’éteindra jamais, elle montera « tamid ».
Je pense avoir montrer suffisament ou un peu le sens de ce paradoxe que Moïse a réussi lorsque la Torah ne le cite plus parce qu’il a réussi à intégrer la Torah à Israël.
Rashi :
לְהַעֲלוֹת נֵר תָּמִיד
מַדְלִיק עַד שֶׁתְּהֵא שַׁלְהֶבֶת עוֹלָה מֵאֵלֶיהָ
Pour faire monter une lumière perpétuelle : On allumait jusqu’à ce que la flamme monte d’elle-même (Chabath 21a).
La citation de la Guémara de Shabat 21 :
Ce que dit Rashi est trés étonnant : le passouk porte le verbe leha’alot faire monter une lumière constamment, alors qu’il est évident que la flamme lorsqu’elle brûle monte ?
Rashi « Il allume jusqu’à ce que la flamme monte d’elle-même ».
Il semble décrire ce qui va de soi. Ici, il décrit en une formule lapidaire tout ce que je n’ai pas dit : il faut former l’élève jusqu’à ce qu’il parle par lui-même. Il faut allumer la flamme jusqu’à ce qu’elle monte d’elle-même et après on retire la flamme qui a allumé la flamme… c’est là l’intention de Rashi. Et ce n’est pas facile. « C’est la chaine de la tradition »
Moïse a enseigné à toute sa génération et un ensuite transmet à la génération suivante.
« Mosheh qibel Tora miSinaï oumasroua liYéhoshoua…»
Par l’intermédiaire de Josué qui n’est pas mieux que les autres mais parce qu’il était Mesharet de Mosheh il était dans cette sainteté naturelle de l’identité de Moïse Il était Mésharet – le Shamash. L’assistant – le secrétaire. C’est par lui que cela passe.
Le Rav Kook a eu énormément d’élèves. Un est un cas particulier c’est le Rav Badi’hi qui était celui qui aidait le Rav Kook à vivre. A s’habiller, se déshabiller, surtout les dernières années de sa vie où il était malade. C’est à lui que je demande ce que le Rav Kook signifiait dans ses écrit : dis moi ce que le Rav Kook t’a expliqué à ce sujet… parce que cette familiarité avec cet élève qui était son Mésharet est beaucoup plus précieuse que n’importe quel relai d’intelligence.
A ce sujet, le Midrash dit que Moïse est comme le soleil et Josué comme la lune qui reflète la lumière. C’est la même lumière bien qu’atténuée considérablement.
Rashi, comme les grands maîtres, nous dit des choses profondes en termes simples : c’est le secret du mot hébreu Le’hanekh qui a 2 sens :
– éduquer.
– inaugurer.
On retrouve le sens de ’Hinoukh et de ’Hanoukah, c’est-à-dire mener un éduqué à sa majorité, à sa propre maturité.
Résumé :
וְאַתָּה תְּצַוֶּה
Vé atah Tetsaveh
Toi et pas quelqu’un d’autre
Tetsaveh : pas seulement un ordre – n’importe qui est capable de citer les articles de la loi – mais donner une formation qui fait que c’est Israël qui donne la loi.
Or Ha’Hayim = la Torah est la Torah d’Israël parce que Israël est le Israël de la Torah
Il y a une sorte d’identification « Qoudsha Brikh Hou Torah veIsraël ’Hada »
L’expression là du Zohar ne dit pas « Kadishah Berikh hou ».
Ce n’est pas « HaQadosh Baroukh Hou » c’est « HaQodesh Baroukh Hou »
Koudshah brikh hou en araméen c’est Haqodesh et non pas Haqadosh !
Cela veut dire que la Sainteté, la Torah et Israël c’est la même chose dans trois indices d’existence :
ð La Sainteté au niveau des valeurs.
ð La Torah au niveau de la connaissance.
ð Israël au niveau de la personne humaine.
« Koudsha brikh hou Torah veIsraël ‘hada » !
Cette sainteté là est celle dont j’ai parlé tout à l’heure
Enseignement du Rav Kook :
Chaque fois que Dieu est appelé HaMaqom « l’endroit du monde » c’est une allusion à Erets Israël.
Dire « Qoudsha Brikh Hou Torah veIsraël ’Hadou » c’est dire la terre d’Israël et la Torah pour qui la Torah a été donnée, la Torah et Israël, c’est la même chose en sainteté.
Quand on console un endeuillé on dit « HaMaqom… ».
« Que Dieu (endroit de sainteté) vous console et vous serez consolés à Jérusalem »
Cette expression est importante.
Par exemple dans la Hagadah de Pessa’h :
« Baroukh hamaqom baroukh hou Baroukh shenatan Torah leAm Israël …
Dieu en tant qu’il donne la Torah est appelé le Dieu du pays d’Israël.
Il ne faut pas garder la forme de ces enseignement mais en garder le contenu. Il y a un ’Hidoush qui a été renouvelé parce que perdu dans la traversée de la civilisation occidentale : il y a une sainteté naturelle des membres du peuple d’Israël qui est plus profonde que la sainteté acquise au niveau des vertus. C’est la sainteté qui consiste à être de la descendance des Patriarches et ceux qui s’adjoignent à cette descendance des Patriarches.