FACE A
FACE B
(1985) בְּהַעֲלֹתְךָ
1er sujet de la Parashahh de בְּהַעֲלֹתְךָ :
C’est le thème principal du dénombrement vu dans la Parashah de בְּמִדְבַּר qui a eu lieu après l’érection du tabernacle par Moïse le 1er Nissan de la 2ème année de la sortie d’Egypte.
Et le 1er Iyyar, il y a eu un dénombrement, et nous avions étudié ce que Rashi et d’autres commentateurs en disent de la différence avec le dénombrement qui avait eu lieu quelques mois auparavant après le 1er Yom Kippour de la 1ère année et qui venait en conséquence de la faute du veau d’or. Et il s’agissait à ce moment-là de dénombrer Israël pour savoir s’il y avait suffisamment de personnes pouvant ensemble constituer l’assemblée, le Klal d’Israël, après la mise à l’épreuve qui a résulté de la faute du veau d’or. Celui-ci se passe à partir du Yom Kippour de la 1ère année.
Alors que le dénombrement à partir de la 2ème année de la sortie d’Egypte, à partir du 1er Iyyar, et qui fait l’objet d’une bonne partie de la Parashah de בְּמִדְבַּר, c’est afin de savoir si Israël est déjà apte à ce que la שְׁכִינָה repose sur lui.
En fait, le commentaire de Rashi que nous avons étudié tient compte du fait que déjà le מִּשְׁכָּן à été mis sur pied.
Par conséquent, d’une certaine manière, Dieu a jugé qu’Israël était apte à ce que la שְׁכִינָה repose sur lui.
La שְׁכִינָה cela veut dire que non seulement Israël et Dieu sont reliés par une alliance qui fait qu’Israël reconnait Dieu comme son Dieu et Dieu reconnait Israël comme Son peuple, ce qui est à priori acquis dès le commencement de l’histoire des Patriarches, mais que cela soit non seulement vrai mais réel. Qu’il y ait une présence réelle de ce lien d’alliance entre Israël et Dieu, Dieu et Israël.
C’est pourquoi Rashi dit : c’est pour mettre en évidence le prix que Dieu attache à Israël, puisque déjà le jugement est fait mais pour le dévoiler. Pour dévoiler l’importance qu’Israël a vis-à-vis de Dieu, à ses yeux, pour dire l’amour que Dieu a pour Israël : chaque fois qu’Il a une occasion de le faire, Il les dénombre. Un peu comme certains Midrashim l’indiquent, cités par le Kli Yakar, quelqu’un qui aurait découvert des pierres précieuses dans le sable et content de son trésor à chaque occasion, il le compte, le montre…
La différence entre ces deux dénombrements c’est que le 1er dénombrement est global, il cherche à savoir le nombre des enfants d’Israël. Alors que celui de בְּמִדְבַּר vise le מִסְפַּר שֵׁמוֹת. Chacun a été nommé. Il y a un niveau de valeur différent où chaque personne est mise en évidence dans son identité propre, individuelle et personnelle.
Toute la controverse des commentateurs au sujet de ces deux dénombrements, parce qu’ils donnent exactement le même chiffre, tournait sur le fait de savoir si dans le 1er dénombrement la tribu de Lévi avait été décomptée avec les autres tribus, alors que dans le 2ème dénombrement il est évident que la tribu de Lévi a été dénombrée à part et mise à part.
Or, nous avons dans la Parashah de בְּהַעֲלֹתְךָ le thème important de la relation entre la tribu de Lévi, qui est décomptée à part, avec les autres tribus.
Cela va nous permettre de comprendre pourquoi la Parashah de בְּהַעֲלֹתְךָ, après le récit qui se trouve en fin de Parashah נָשֹׂא, de l’inauguration du מִּשְׁכָּן par les princes des 12 tribus, va commencer par la prérogative de la tribu de Lévi au niveau le plus haut, Aaron le grand-prêtre, qui est lui chargé d’allumer la מְנוֹרָה , le candélabre, dans le מִּקְדָּשׁ.
Nous essaierons de mieux comprendre ce que dit Rashi à propos des versets de laמְנוֹרָה . Ce sera notre 1ère étude.
Au chapitre 8 verset 19 dans Parashah בְּהַעֲלֹתְךָ, se trouve un des versets où la תּוֹרָה indique une conséquence de la faute du veau d’or, la tribu de Lévi n’ayant pas participé à la faute du veau d’or va obtenir un statut particulier par rapport aux autres tribus.
Le premier projet à la sortie d’Egypte, c’est que l’ensemble du peuple Israël soit voué à la sainteté correspondante au fait que l’ensemble d’Israël était destiné à priori à être les prêtres de l’ensemble des Nations. Ex. 19:6 « מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים, וְגוֹי קָדוֹשׁ ».
Il faut bien comprendre le 1er projet de la תּוֹרָה.
La comparaison pourrait être définie ainsi : Les nations seraient comme formellement les tribus d’Israël et Israël tout entier serait comme la tribu de Lévi. Ce plan, ce projet, n’a pas pu se réaliser pour 2 raisons corollaires, l’une intérieure l’autre extérieure.
La raison intérieure a été mise en évidence par la faute du veau d’or : il n’y a pas encore capacité suffisante pour Israël d’être à ce niveau-là, bien qu’il soit déjà de façon irréversible appelé à ce projet-là.
Comme je le cite souvent : pour que Jacob soit Israël il faut qu’il devienne Israël. Mais seul Jacob peut devenir Israël. Jacob ne nait pas Israël, mais il nait Jacob ; et il lui faut obtenir cette qualification « Israël ». Et cela engage à tout ce que cela engage. Mais, à partir du moment où Jacob, fils d’Isaac, fils d’Abraham, apparait dans l’histoire, on sait que seul Jacob peut devenir Israël. Les deux choses non seulement ne sont pas contradictoires mais sont corollaires l’une de l’autre. Il faut avoir été Jacob pour devenir Israël, mais il ne suffit pas d’être Jacob pour être déjà Israël. C’est assez parallèle.
Tout Israël est déjà irréversiblement dans le projet d’être מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים, וְגוֹי קָדוֹשׁ, mais il ne l’est pas encore, c’est un projet différé.
La faute du veau d’or le met en évidence et empêche ce projet. Israël n’est pas encore capable d’être, à l’origine de son histoire, concrètement au niveau de la réalité, bien que dans la vérité du projet ce soit déjà le cas : le peuple de prêtres des autres nations.
Il va l’être à travers l’histoire, qu’il le veuille ou pas, que les nations le veuillent ou pas, mais à un niveau extrêmement occulté, caché et défiguré, indirectement… Cela se fait quand même mais au niveau de défigure que peut être l’exil de la גּוֹלַה par rapport à la délivrance de la גֵּאֻלָה.
Si on relit l’histoire des sociétés humaines, chaque fois que le peuple d’Israël sort des ghettos, c’est un soubresaut générale de la conscience universelle, et il n’y a qu’à suivre cette histoire dans l’histoire de la civilisation contemporaine : A partir de l’émancipation : les Juifs sortis des ghettos ont bouleversé toutes les catégories de la culture mondiale à partir de et à travers l’Europe. C’est une histoire non-officielle.
Je schématise car il n’y a pas que des Juifs sortis des ghettos qui ont bouleversé l’épistémologie contemporaine, il y a eu aussi des savants des גּוֹיִם.
Il suffit d’analyser l’impact énorme de « l’école de Vienne », ces Juifs sortis du ghetto de Vienne, sur l’histoire des nations contemporaines : cela se fait, mais dans la défigure, pas au titre de l’identité d’Israël.
La 1ère raison c’est que Israël en tant que nation de l’ensemble des descendants des Patriarches et de ceux qui se sont adjoints à eux à la sortie d’Egypte, n’est pas encore capable d’être ce que le projet de la תּוֹרָה annonce pour lui, et qu’il définit comme מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים, וְגוֹי קָדוֹשׁ .
Il y a une 2nde raison corollaire qui vient de l’extérieur : c’est le refus de la part des גּוֹיִם d’envisager ce plan de la Providence pour l’humanité entière à travers Israël et d’Israël pour l’humanité entière.
Et on retrouve souvent dans beaucoup de sujets ces deux motivations de ces dimensions d’explications : une cause intérieure et une cause extérieure qui font que tout cela est différé pour la Fin des Temps.
Mais les Prophètes n’oublient pas de nous dire les deux choses à la fois jusqu’au bout.
Et donc, la tribu de Lévi est mise à part.
Verset 19 chapitre 8
וָאֶתְּנָה אֶת-הַלְוִיִּם נְתֻנִים לְאַהֲרֹן וּלְבָנָיו, מִתּוֹךְ בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, לַעֲבֹד אֶת-עֲבֹדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל בְּאֹהֶל מוֹעֵד, וּלְכַפֵּר עַל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל; וְלֹא יִהְיֶה בִּבְנֵי יִשְׂרָאֵל נֶגֶף בְּגֶשֶׁת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל אֶל-הַקֹּדֶשׁ
« Et Je destinerai les לְוִיִּם à Aaron et à ses fils (i.e. les Kohanim), du dedans des enfants d’Israël, afin d’assurer le service des enfants d’Israël dans leאֹהֶל מוֹעֵד (le tabernacle). Et pour expier pour les enfants d’Israël, de telle sorte qu’il n’y ait pas de fléau (נֶגֶף) chez les enfants d’Israël, lorsque les enfants d’Israël s’approcheraient de la sainteté. »
Quelle est l’idée ? Etant donné qu’Israël est voué à la sainteté, il peut être pris d’une impatience de sainteté, mais comme il n’est pas encore apte à s’approcher de cette sainteté, ce rapprochement pourrait lui être néfaste.
Cela veut dire que l’événement de la faute du veau d’or, le corollaire étant la destination spéciale par délégation d’Israël de la tribu de Lévi pour le service de la sainteté, le corollaire de cela c’est le propos de tous les enfants d’Israël, mais dans l’état où ils sont, s’ils anticipaient un niveau de spiritualité dont ils ne sont pas encore réellement capables, bien qu‘ils le soient en projet de vérité, cela pourrait être catastrophique.
Il faut donc un médiateur qui reçoive la délégation du projet de sainteté d’Israël lui-même ; un médiateur qui aurait déjà fait ses preuves. (Il faut enlever au mot de médiateur ses connotations théologiques pour en retenir le sens de médiation.)
L’image que je donne habituellement est celle du courant trop fort dans une ampoule qui éclate.
Par conséquent, il y a des courants dangereux. Cela ne veut pas dire que le courant n’est pas bénéfique mais cela dépend de la qualité de l’ampoule.
Il apparait là que les לְוִיִּם ont reçu une délégation de sainteté de la part des enfants d’Israël.
La question qui apparait du Pshat de ce verset que j’ai déjà interprété en le traduisant, c’est que l’on pourrait penser que ce fait de mise à part des לְוִיִּם par rapport aux בְּנֵי יִשְׂרָאֵל disqualifie les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל.
Il y a là un thème à la fois historique et sociologique qui est très important parce que d’autre part très éclairant pour les mécanismes de conduite de la société juive en général et en particulier de la société israélienne.
Lorsqu’il y a des élus qui sont élus par le peuple, le danger, le piège c’est que puisque le peuple a élu les élus, il n’y a que les élus, et le peuple est disqualifié. On élit des députés censés être les représentants de ceux qui les ont élus, mais ensuite les électeurs sont mis entre parenthèses et les élus s’érigent en peuple sans aucune considération pour le peuple… Il y a tous les correctifs divers dans les sociétés pour remédier à ce problème, en particulier le référendum.
Retour à l’étude :
Le piège c’est qu’une fois la tribu de Lévi mise à part des tribus d’Israël, cela disqualifie les tribus.
Rashi montre que c’est tout le contraire.
J’en viens au cœur de notre problème qui est celui de la relation entre la tribu de Lévi avec les autres tribus d’Israël et réciproquement.
Rashi :
« 5 fois l’expression « enfants d’Israël » est dite dans ce verset, c’est pour nous faire connaitre l’affection de Dieu pour eux, puisque la mention qui est faite d’eux est multipliée dans un seul verset, et cela je l’ai vu dans le Bereshit Raba. »
Notre sujet n’abordera pas l’étude de ce Rashi dans le détail pour lui-même mais simplement l’essentiel de notre sujet concerne la nature du lien entre la tribu de Lévi, après la mise à part du dedans des enfants d’Israël, et d’autre part les enfants d’Israël par rapport à la tribu de Lévi.
Rashi n’a pas l’habitude de rajouter cette note : « et cela je l’ai vu dans le Bereshit Raba ».
Rashi a tenu à nous faire une analogie entre 5 fois l’expression « les enfants d’Israël » dans le même verset (ce qui est exceptionnel) et d’autre part cinq qui se relie aux 5 livres de la תּוֹרָה.
On pourrait croire à une comparaison infantile comme dans la Haggadah.
En réalité, Rashi nous indique le sérieux du commentaire en indiquant la source du Midrash Raba. Rashi veut nous faire comprendre que le véritable sens du verset c’est le contraire de ce qu’on aurait pu croire comme ce que je l’ai cité précédemment. A savoir, le fait que la tribu de Lévi à été mise à part, disqualifierait le peuple qui leur a donné cette délégation au projet de sainteté…
Au contraire, à propos de ce verset, la תּוֹרָה tient à dire que ce qui est précieux aux yeux de Dieu c’est Son peuple, cela concerne les enfants d’Israël et pas les Lévites. S’il n’y avait pas le peuple d’Israël, la tribu de Lévi serait inutile.
Vous comprenez tout de suite à quelle cassure dans la société juive ou dans la société israélienne contemporaine cela correspond. Les mises à part de la mise à part…
Il y a plus dans Rashi, quelque chose de très important : le fait que si l’on a bien compris le lien entre les 5 occurrences de l’expression « בְּנֵי יִשְׂרָאֵל » et les 5 livres de la תּוֹרָה, cela nous donne le sujet de chacun des livres de la תּוֹרָה.
Cela veut dire que chacune des expressions du contexte de ce verset nous donne le sujet de chacun des livres de la תּוֹרָה.
Je relie le verset : 8:19
וָאֶתְּנָה אֶת-הַלְוִיִּם נְתֻנִים לְאַהֲרֹן וּלְבָנָיו, מִתּוֹךְ בְּנֵי יִשְׂרָאֵל,
« Et Je destinerai les לְוִיִּם donnés à Aaron et à ses fils (i.e. les Kohanim), du dedans des enfants d’Israël… => בְּרֵאשִׁית סֵּפֶר
Le sujet du בְּרֵאשִׁית סֵּפֶר est de nous raconter comment les enfants d’Israël sorte du dedans de l’humanité. Vous reportez le même principe au sujet général du בְּרֵאשִׁית סֵּפֶר et vous comprenez par vous-même l’importance de l’indication donnée par Rashi, déjà à ce niveau-là.
Si l’humanité toute entière savait que la mise à part d’Israël les concerne, il y aurait peut-être moins d’antisémitisme. Et si Israël savait que leur mise à part concernait l’humanité toute entière, il y aurait peut-être moins de malentendus. Vous avez compris l’importance du sujet : Il faut comprendre le mot מִתּוֹךְ de l’intérieur, du dedans. C’est du dedans des enfants d’Israël qu’apparaissent les לְוִיִּם. De la même manière que c’est du dedans de l’humanité qu’apparait Israël.
לַעֲבֹד אֶת-עֲבֹדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל בְּאֹהֶל מוֹעֵד
Afin d’assurer le service des enfants d’Israël dans le אֹהֶל מוֹעֵד (le tabernacle.)
=> שְׁמוֹת סֵּפֶר
Quel est le sujet du livre de שְׁמוֹת ? La עֲבֹדַה dans le אֹהֶל מוֹעֵד. Si on se pose la question au sujet du livre de l’Exode qui raconte la sortie d’Egypte et ce vers quoi cela mène, la réponse est très claire : elle doit mener au בֵּית הַמִּקְדָּשׁ. (Cf. Maïmonide dans le 11ème chapitre de Yad hazakah)
D’abord, la sortie de l’exil et ensuite הַמַשִיחַ מֶלֶךְ d’après Maïmonide.
Cela signifie que la sortie d’Egypte a pour objectif, non pas une religion juive qui serait cosmopolite, mais le culte du temple de Jérusalem, avec comme étape d’apprentissage le Tabernacle du désert.
La sortie d’Egypte doit mener à construire le בֵּית הַמִּקְדָּשׁ à Jérusalem, pour des raisons secondes que le שְׁמוֹת סֵּפֶר raconte qu’il a fallu un petit détour par le Sinaï pour recevoir la תּוֹרָה. Cela a mal tourné et le peuple est resté 40 ans supplémentaires dans le désert.
וּלְכַפֵּר עַל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל
Et pour expier les fautes éventuelles des enfants d’Israël,
=> וַיִּקְרָא סֵּפֶר
וְלֹא יִהְיֶה בִּבְנֵי יִשְׂרָאֵל, נֶגֶף
de telle sorte qu’il n’y ait pas de fléau chez les enfants d’Israël,
=> בְּמִדְבַּר סֵּפֶר concerne toute l’histoire de ces fléaux : les mises à l’épreuve et les conséquences catastrophiques de ces mises à l’épreuve.
, בְּגֶשֶׁת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, אֶל-הַקֹּדֶשׁ
Lorsque les enfants d’Israël s’approcheraient de la sainteté. »
=> דְּבָרִים סֵּפֶר: lorsque les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל s’approchent du קֹדֶשׁ, c’est à dire אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל.
Depuis ce plan général, je vais reprendre la dimension qui concerne notre sujet : on a appris que c’est maintenant sur les לְוִיִּם que repose le sort de l’approche de la sainteté, du projet de sainteté. Cela n’a de sens que si c’est au nom des enfants d’Israël. C’est le projet des enfants d’Israël que Lévi reprend par délégation des enfants d’Israël.
Le danger serait de penser, après cette mise à part des לְוִיִּם, à l’histoire d’Israël comme à l’histoire d’une église, dans son sens étymologique, alors qu’en réalité il s’agit de l’histoire d’une nation. Tous les malentendus de vocabulaire entre les différentes tendances se posant la question de savoir qui est juif et comment le définir vient peut-être de ce que dans les derniers siècles de l’exil on a opéré cette confusion-là. On ne s’est plus rendu compte que l’on parlait d’une nation et non pas d’une église dans le sens de ecclésia.
Et on arrive à notre sujet : c’est que le בֵּית הַמִּקְדָּשׁ a été inauguré non par la tribu de Lévi mais par les chefs des 12 tribus d’Israël. Vous avez-là tout le contenu du récit de l’inauguration du מִּשְׁכָּן par les נְּשִׂיאִים, les princes des tribus.
Et nous allons maintenant voir dans בְּהַעֲלֹתְךָ le contrepoint de cela.
Le récit de ces 12 tribus est un très long texte que l’on rappelle d’ailleurs à ‘Hanoukka et voilà comment commence notre Parashah après la Parashah que l’on appelle Parashah הַנְּשִׂיאִים, la Parashah qui traite de l’offrande des princes des tribus à l’inauguration du מִּשְׁכָּן.
8:1
וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר
דַּבֵּר, אֶל-אַהֲרֹן, וְאָמַרְתָּ, אֵלָיו: בְּהַעֲלֹתְךָ, אֶת-הַנֵּרֹת, אֶל-מוּל פְּנֵי הַמְּנוֹרָה, יָאִירוּ שִׁבְעַת הַנֵּרוֹת
Parle à Aaron et tu lui diras lorsque tu feras monter les flammes de la lampe
Par exemple dans le verset « לְהַעֲלֹת נֵר, תָּמִיד» faire monter la flamme de la lampe, c’est tellement évident que c’est ça, qu’on a besoin d’un commentaire pour nous dire pourquoi c’est comme ça que c’est écrit. Il n’y a pas écrit « behadikekha lorsque tu allumeras » mais « lorsque tu feras monter la flamme des lumières ».
אֶל-מוּל פְּנֵי הַמְּנוֹרָה en direction de la face de la מְנוֹרָה
La מְנוֹרָה possède un tronc et 6 branches, 3 d’un côté à gauche et 3 de l’autre à droite : cela voulait dire que les lumières devaient être inclinées vers la branche centrale qui est droite.
יָאִירוּ שִׁבְעַת הַנֵּרוֹת et éclaireront-brilleront les 7 lumières
Le texte aurait dû dire « les 6 lumières » !
C’est un problème insoluble apparemment. Je vais vous citer un des commentaires à ce sujet.
Tout d’abord, l’allure générale de l’indication, c’est qu’il s’agit de la consigne donnée à Aaron qui est le délégué des délégués de la tribu de Lévi qui est elle-même déléguée de tout Israël.
Le geste général, c’est qu’il y a une intériorisation qui doit viser à l’unité : que les 6 se dirigent vers la 7ème et le geste est le geste de visée d’unité.
Parce que cela ne peut pas être chaque lumière séparée. Et c’est pour éviter évidemment que les lumières divergent.
[Lu dans un livre au temps du nazisme la différence entre le דָּוִד מָגֵן et la croix gammée : c’est exactement l’inverse. Le דָּוִד מָגֵן est un effort d’unifier tout ce qui est multiple : dans tous les sens jusqu’au point central unifiant. Mouvement centripète. Une croix gammée décrit un mouvement centrifuge : du point central vers l’extérieur. L’auteur indiquait que ce n’est pas pour rien que ces deux symboles se sont heurtés dans l’histoire à travers les deux sociétés qui les ont choisis.]
Il y a là quelque chose d’analogue avec cette idée d’intériorisation unifiante qui est un des commentaires qui se base sur le Zohar.
Cette numération 6 et 7 renvoie à la 1ère numération de 6 et 7 du commencement qui sont les 6 jours du commencement et le 7ème jour du Shabbat. Or, c’est la תּוֹרָה qui est comparée à la lumière « ki ner mitsvah vetorah or ».
Et vous connaissez ce principe sur lequel les moralistes s’appuient trop souvent à l’aide des formules trop générales et lorsque les intellectuels, les universitaire cherchent à comprendre ce qu’ils veulent dire par là ils sont parfois désorientés par ces formules un peu naïves : par exemple que « la תּוֹרָה contient toutes les sciences ». Il faut savoir à quel niveau c’est vrai, mais si on dit une formule comme cela toute bête, cela désoriente car on ne peut en interroger le contenu. Ce sont des formules à employer avec précaution.
Ce commentaire que je cite explique cette formule de la manière suivante :
Qu’est-ce que c’est que les sciences en général ?
C’est la recherche de la connaissance de la réalité du monde créé dans les 6 jours.
Qu’est-ce que le savant dans son projet cherche à atteindre ? C’est la connaissance vraie de ce qui concerne la réalité des 6 jours. Ceci est aussi plein de thèmes d’importance : dans la perspective du monothéisme, ceci voudrait dire qu’il y a une certaine approche du projet scientifique qui doit être considérée comme sainte, comme projet de sainteté, car le projet est de découvrir la volonté du Créateur. Comment le Créateur a voulu que les phénomènes fonctionnent.
Si nous sommes dans la cohérence d’une doctrine qui commence par dire : le monde où nous nous trouvons a été créé par Celui qui a révélé la loi morale, et donc le problème scientifique devrait procéder de la conscience morale elle-même.
A la limite, seuls ceux qui seraient capables d’une morale absolue auraient la permission de faire des sciences.
En tout cas lorsque les savants juifs, les rabbins, du moyen-âge faisaient leurs expériences de laboratoire, ils commençaient par prendre un bain rituel – la מִקְוֶה – car ils avaient conscience qu’ils allaient entrer dans un projet qui consiste à tenter d’explorer et collaborer à la volonté du Créateur. Pour eux, c’était une conduite au-delà de la sainteté habituelle. Vous voyez à quel point nous sommes ici loin de ce dualisme.
Aujourd’hui, dans la culture contemporaine, il y a un problème entre science et conscience, on ne demande plus aucune conscience comme préalable à la science. D’où peut-être les catastrophes que nous vivons.
Ce problème de la dualité entre science et conscience est un problème moderne car les anciens étaient assez vigilants pour savoir les unir.
Alors, cette source indique que les חוֹכְמוֹת, les sagesses, les sciences extérieurs à la תּוֹרָה concernent aussi les Juifs.
Quelque soit la science finalement on est ramené à la même définition : on tente d’explorer la manière dont le Créateur a décidé que les phénomènes fonctionnent.
Et puis la תּוֹרָה, elle, est appelée la חוֹכְמָה du 7ème jour.
Tout le monde est d’accord dans la Guemara que ce soit le 6 ou le 7 Sivan que la תּוֹרָה ait été donnée au Sinaï, que c’était un Shabbat. C’est une Mal’hoquet et finalement la décision est pour le 6 Sivan mais c’était un Shabbat.
La תּוֹרָה est la חוֹכְמָה du 7ème jour alors que les חוֹכְמוֹת en général sont les חוֹכְמוֹת des 6 jours. Voilà ce que nous dit le texte :
יָאִירוּ שִׁבְעַת הַנֵּרוֹת et éclaireront-brilleront les 7 lumières
C’est lorsque les 7 éclairent ensemble qu’elles éclairent. Quand la lumière de la תּוֹרָה éclaire les autres sciences et que les autres sciences éclairent la lumière de la תּוֹרָה alors, les 7 éclairent sinon il n’y a que les 6 lumières.
Cette indication va très loin mais nous avons le bénéfice de retrouver le Pshat du verset.
Voilà pourquoi le verset a dit : יָאִירוּ שִׁבְעַת הַנֵּרוֹת et pas הַנֵּרוֹת שֵׁשֶׁת
Q : Quid du thème des 7 livres de la תּוֹרָה et non 5 ?
R : C’est dans la Guemara de Shabbat : Cela veut dire qu’au niveau des 7 livres de la תּוֹרָה il y en a 6+1. C’est dans le même schéma.
Au fond c’est un peu ce qu’on a perdu dans ces 2000 ans de voyages dans ces civilisations dualistes, c’est-à-dire qui ont séparé le projet spirituel du projet matériel qui ne sont pas les mêmes mais qui les ont séparé dans une perspective incompatible. Il faut revenir au principe du monothéisme. C’est cet effort là qu’il faut refaire pour redevenir hébreux. Il y a une mentalité intentionnellement « puritaine » pour mieux situer les distances, pour laquelle évidemment à priori, les sciences qui sont les sciences de la matière du monde, sont sataniques et diaboliques..
On comprend comment on est arrivé là à cause des conséquences. Le fait de l’irresponsabilité finit par mener à la bombe atomique, la vache folle…
Mais dans le projet spirituel, c’est une mentalité dualiste : cela veut dire que ce n’est pas celui qui a donné la loi morale qui a créé le monde. Ce n’est pas celui qui a créé le monde qui a créé la loi morale. On est en dehors du monothéisme hébreu. Nos propres milieux religieux ont été intoxiqués par cette mentalité dualiste. Mais réfuter le projet scientifique comme diabolique ou satanique ce n’est pas hébreux mais grec, puritain…
Par conséquent, il est évident que lorsqu’on nous dit : la תּוֹרָה est kollelet kol ha’hokhmout, ou bien c’est une blague ou bien c’est une affirmation monothéiste.
Si c’est une affirmation purement monothéiste, il est bien évident que l’on ne peut pas se borner à ce niveau purement « pieux ». On a besoin des sciences pour la תּוֹרָה. Sans l’astronomie, on ne pourrait pas connaitre le calendrier… etc.
Il faut se réveiller de ce cauchemar dualiste et avoir le courage d’envisager les perspectives du monothéisme.
Les dualistes sont profondément malheureux car coupés en deux, même dans leur joie. Les monothéistes sont heureux – ein sim’hah elav sim’hah shel torah – parce qu’ils sont monothéistes.
Cette découverte que c’est Celui qui a donné la loi morale qui a créé le monde et par conséquent cette incompatibilité apparente n’est que provisoire. Et c’est le fondement de l’optimisme de la foi.
Cela a été le privilège des ‘Hassidim de remettre cela en évidence qu’une foi triste n’est pas une foi authentique.
Or, d’où vient cette tristesse ? C’est du monde dualiste =>Il n’y a pas de solution les choses sont contradictoires, tragiques. Le seul monde dans lequel on serait, ce serait celui que le seul Dieu n’aurait pas créé… Cela fait des anarchistes.
Cette tension dans son principe ne peut être que provisoire. Elle est nécessaire et donc il faut se battre avec. Mais elle est provisoire. Bien sûr, il y a des temps noirs où il faut cacher la science parce qu’elle est dangereuse entre les mains de certains hommes.
Mais ici c’est un contexte différent, il s’agit de l’attitude intérieure de ces חוֹכְמוֹת Kitsoniot et de la חוֹכְמָה de la תּוֹרָה qui est celle du monothéisme de laמְנוֹרָה .
C’est cela que le Kohen Gadol d’Israël devait assurer : que les 7 lumières brillent, ensemble.
Rashi :
Quand tu allumeras.
Pourquoi la section concernant la מְנוֹרָה est-elle juxtaposée à la section concernant les chefs ? Car quand Aaron a vu [les offrandes de] l’inauguration des chefs, il était déprimé de ne pas participer à leur inauguration, ni lui, ni sa tribu. Alors Dieu lui dit, “Par ta vie, la tienne est plus grande que la leur, car tu allumeras et préparera les lampes.” – [Tan’houma Beha’alothekha 3]
Pourquoi dans la Parashah de la מְנוֹרָה (il y a d’autres endroit de la תּוֹרָה où l’on parle de מְנוֹרָה et de l’huile et de la manière dont elle devait être préparée) et Parashah הַנְּשִׂיאִים, la section des princes, c’est-à-dire l’inauguration du מִּשְׁכָּן ? Parce que lorsqu’Aaron a vu l’inauguration donnée aux princes, il a été mélancolique.
Je reviens sur ce qui a été dit précédemment :
Pour bien montrer que le מִּשְׁכָּן ne peut être que le מִּשְׁכָּן d’Israël, la תּוֹרָה, enfin Dieu a décidé d’inaugurer le מִּשְׁכָּן par les princes temporels, politiques des tribus. Aaron n’est pas compté parmi eux.
Rashi : « Et alors Dieu lui a dit : ta vie à toi est plus grande que la leur, parce que tu allumeras et préparera les lampes. »
Si on se rend compte là de ce qu’il y a derrière, en quoi le Shamash qui allume les lumières est plus grand que le grand prince ?
Tout ce qui se passe c’est en vue de cette lumière que Aaron allume, c’est lui cette lumière : il faut allumer cette lumière et pas seulement l’allumer, il faut l’améliorer, l’élever…
C’est dans le Midrash. Cela a été bien expliqué par les ‘Hazal que aussi dans le temps de cette petite communauté de Troyes en Champagne au temps de Rashi le problème s’est posé. A fortiori de notre temps.
On a là un exemple du lien entre la tribu de Lévi et les tribus d’Israël et réciproquement des tribus d’Israël avec la tribu de Lévi.
Suite de Rashi : il revient sur le verbe בְּהַעֲלֹתְךָ
Lorsque tu feras monter les lumières. בְּהַעֲלֹתְךָ lit., quand tu feras monter. Puisque la flamme s’élève, l’Ecriture décrit en terme d’améliorer l’ascension. Il doit allumer la lampe jusqu’à ce que la flamme s’élève d’elle-même (Shabbat. 21a). Nos sages développent à partir de là qu’il y avait une marche devant laמְנוֹרָה , sur laquelle le Kohen se tenait pour préparer [les lampes]. — [Sifrei Beha’alothekha 3]
Mais c’est la définition même d’allumer !
Que veut donc nous dire Rashi ? Il y a là une leçon très importante. Pourquoi a-t-on besoin du Kohen Gadol ? Car il faut que finalement la lumière monte d’elle-même. Mais c‘est lui qui l’allume. S’il n’a pas allumé jusqu’à ce que la lumière monte d’elle-même, il n’a rien allumé.
Il y a là une responsabilité pédagogique à l’échelle de la Nation, qui fait partie des prérogatives du Kohen.
Dans la Parashah des נְּשִׂיאִים, on trouve exactement le même texte répété 12 fois.
Il y a la notion importante qu’il ne faut pas que les tribus se croient différentes des autres. La même offrande…etc. Et puis c’est une fois pour toute que les נְּשִׂיאִים ont inauguré le מִּשְׁכָּן mais Aaron Hakohen c’est permanent, c‘est une autre dimension.
Aaron doit allumer jusqu’à ce que la flamme monte d’elle-même. A ce moment-là Aaron Hakohen a réussi parce que la lumière n’a plus besoin de lui. C’est là la leçon importante.
Celui qui a réussi c’est celui dont on n’a plus besoin. Alors que lorsque l’on a besoin des נְּשִׂיאִים ce ne sont que des נְּשִׂיאִים.
Dans le séminaire sur l’éducation, on a vu que c’est le fait de rendre quelqu’un un adulte. L’éducateur a réussi lorsque l’enfant est devenu adulte.
***
Parashah de בְּהַעֲלֹתְךָ récit où Jethro quitte le peuple d’Israël pour rentrer chez lui.
A Shavouot, nous avons trois thèmes qui convergent :
=> La תּוֹרָה donnée à Israël.
La תּוֹרָה est donnée à Israël, dans la Parashah de יִתְרוֹ. יִתְרוֹ c’est le גֵּר qui s’est adjoint à Israël. Pas n’importe lequel, le beau-père de Moïse, et puis le livre de Ruth où רוּת rentre en Israël et David va pouvoir naitre.
Alors que יִתְרוֹ est naturalisé, converti par Moshe et dans ce texte-là, il veut quitter Israël pour s’occuper de son peuple. יִתְרוֹ est le contrepoint de רוּת et רוּת est le contrepoint de יִתְרוֹ.
תָּרַח – רוּת- יִתְרוֹ => 3 noms très liés
Il y a 2 aventures de l’intégration à la תּוֹרָה et à Israël qui ont une portée radicalement différentes.
Dans le livre de שְׁמוֹת, on nous raconte que lorsque Moïse s’est heurté à la division des hébreux en Egypte il s’est enfuit de l’Egypte à cause de l’état de la société des hébreux en Egypte et il est allé d’emblée chez יִתְרוֹ.
Il y a un verset très important qui est que Moïse décide de rester chez יִתְרוֹ qui lui propose d’abandonner et Israël et l’Egypte pour prendre femme dans sa famille et de devenir berger des troupeaux de יִתְרוֹ et le beau-fils du grand-prêtre de Midian, un peu comme Jacob chez Laban.
Le contexte montre une scène très analogue entre la rencontre entre Jacob et Rachel et celle de la rencontre de Moïse et des filles de Jethro.
Finalement, il est invité chez יִתְרוֹ et le verset commence comme ceci :
שְׁמוֹת 2:21
וַיּוֹאֶל מֹשֶׁה, לָשֶׁבֶת אֶת-הָאִישׁ; וַיִּתֵּן אֶת-צִפֹּרָה בִתּוֹ, לְמֹשֶׁה
Et Moïse décide de vivre avec l’homme…
וַיּוֹאֶל מֹשֶׁה
Rashi donne là l’explication suivante : c’est que Jethro lui a fait promettre de ne pas le quitter sans l’en avertir et sans son autorisation. Nous retrouvons la un thème très important de l’indication de la situation d’exil. On ne peut pas quitter l’exil sans l’autorisation de celui chez qui on est exilé. Jethro lui a fait comprendre que quoi qu’il en soit Moshe est en exil.
Ce n’est que plus tard lorsqu’il a vraiment compris qu’il était en exil et qu’il nomma son fils Guershon en disant « car j’étais étranger dans un pays étranger » que Dieu se révèle à lui dans la vision du buisson ardent et c’est la 1ère fois qu’Il se révèle à lui.
Cela veut dire qu’il a fait tout ce cheminement : plus l’Egypte, pas les hébreux, peut-être Midian… Et ce n’est que lorsqu’il a vraiment compris qu’il était étranger à Midian et qu’il n’y avait pas d’autre peuple d’Israël que le véritable Israël, que Dieu se révèle à lui ; et c’est là que s‘enclenchent les événements de la sortie d’Egypte.
Il y a un problème de prononciation parce que normalement cela devrait être Gueresham et non pas Guershom. Certains disent que c’est la prononciation ashkénaze d’autres que c’est la prononciation séfarade.
וַיּוֹאֶל מֹשֶׁה
Un 2ème Midrash nous dit que Moshe a accepté les conditions de יִתְרוֹ: qu’un de ses 2 enfants soit consacré à l’idolâtrie !
C’est ici une indication plus grave que dans le 1er Midrash : יִתְרוֹ demande une considération à la manière de Pharaon comme une relation d’appropriation du Juif Moïse. Il ne peut partir avant d’avoir l’autorisation de יִתְרוֹ et il ne la donne pas.
Guemara : celui qui habite en חוּצ לָאָרֶץ est comme s’il était un idolâtre…
Tout se passe comme si יִתְרוֹ, et là cela rejoint encore le 1er Midrash, a fait promettre à Moïse qu’au moins un de ses enfants, une partie de sa force, servirait à la diaspora (car la diaspora c’est comme si on était idolâtre).
Par ailleurs, un des livres les plus importants de l’idéologie de la diaspora anti-israélienne se nomme « וַיּוֹאֶל מֹשֶׁה » (comme par hasard il a pris ce verset-là)
Jethro en fin de compte va quitter le peuple d’Israël et je vous cite 2 commentaires complémentaires.
בְּהַעֲלֹתְךָ au chapitre 10 verset 29
Au début des 1ers versets, les versets précédents montrent dans quel ordre les tribus allaient d’étape en étape et sous la direction de quel chef de tribus, du point de vue de l’ordre de marche et de l’ordre de bataille. Et juste quand on a fini le verset 28, le verset 29:
וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה לְחֹבָב בֶּן-רְעוּאֵל הַמִּדְיָנִי חֹתֵן מֹשֶׁה, נֹסְעִים אֲנַחְנוּ אֶל-הַמָּקוֹם אֲשֶׁר אָמַר יְהוָה, אֹתוֹ אֶתֵּן לָכֶם; לְכָה אִתָּנוּ וְהֵטַבְנוּ לָךְ, כִּי-יְהוָה דִּבֶּר-טוֹב עַל-יִשְׂרָאֵל
Et Moïse dit à Hobab fils de Réouel le midianite beau-père de Moshe
On apprend du Midrash que Jethro avait 7 noms : רְעוּאֵל, חֹבָב, יִתְרוֹ, יֶתֶר
חֹבָב. C’est Jethro, comme il est dit, “des enfants de חֹבָב, beau-père de Moïse” (Jud. 4:11). Alors que veut dire l’écriture en disant: “Elles [les filles de Jethro] vinrent vers leur père Réouel” (Exod. 2:18)? Cela enseigne que les enfants nomment leur grand-père, ‘père’. Il avait plusieurs noms. « יִתְרוֹ parce que à travers lui une section a été ajoutée (יֶתֶר) à la תּוֹרָה; חֹבָב parce qu’il a juré (חֹבָב) la תּוֹרָה, etc.…. [Cf. le commentaire sur Exodus 18:1].
Dans la scène que je vous ai décrite auprès du puits lorsque Moïse voit les filles de Jethro, il est appelé Réouel.
Ce sont tous des noms qui indiquent la fonction de sa manière d’être homme dans la société et la dimension qu’il peut apporter à la société d’Israël en venant dans la société d’Israël et qui est très différente de celle de Rout.
Je vous dis très rapidement à propos de רוּת:
Il faut se rappeler que רוּת est de la descendance de Lot.
Lot était très proche d’Abraham dans son identité. Au point qu’au départ du récit on voit Abraham et Lot très proche. Au fur et à mesure du déroulement du récit on voit que Lot se sépare d’Abraham.
Ils avaient une capacité d’identité messianique à l’origine analogue. Ils auraient pu devenir l’un et l’autre ce que la תּוֹרָה raconte d’Abraham.
En vérité, c’est un peu plus ample dans le récit précédent.
Il y avait 5 personnages Terah ‘Haran (le fils ainé de Terah et dont le fils est Lot) Nahor et Abraham. En enlevant Terah, il reste 4 tentatives qui auraient pu être celle d’Abraham
‘Haran meurt tout de suite, il ne tient pas le coup. Nahor disparait et meurt aussi rapidement en chemin. Il laisse des descendances qui reviendront. Il reste Lot et Abraham.
A comparer avec les 4 qui sont entrés dans le Pardes.
Le projet de l’Alyah de Our-Qasdim en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל possède 4 issues différentes possibles.
Celui qui n’y arrive pas
Celui qui se perd en route
Les deux qui y arrivent : un qui est dedans et l’autre qui est extérieur à Sodome et Gomorrhe.
Lot n’est pas n’importe quel autre Abraham.
C’est celui qui aurait pu être vraiment comme Abraham. Ils ont un projet messianique identique, en tant que projet très analogue à l’origine de leur histoire. Les deux sont capables d’être frères.
Lorsque Caïn tue Abel, le nom de frère disparait du récit et le terme ne revient qu’avec Abraham.
On voit que Lot accompagne Abraham et vit son histoire comme si le projet de la Providence pour Abraham concerne aussi Lot.
Et puis, ‘Haran n’a pas tenu le coup mais Lot le représente. Nahor qui est perdu, Terah qui était resté président de la fédération sioniste d’Our-Qasdim et puis c’est Abraham qui réalise le projet.
Lors de la querelle des bergers de Lot et d’Abraham on retrouve la même problématique que celle de Caïn et Abel. « Et la terre n’était pas assez grande pour les porter ». Ils étaient deux !
Les bergers d’Abraham querellent les bergers de Lot qui singent les bergers d’Abraham sans la vertu de la moralité. A ce moment-là, Abraham dit à Lot : ne nous querellons pas, qu’il n’y ait pas de querelles entre tes bergers et mes bergers « כִּי-אֲנָשִׁים אַחִים, אֲנָחְנוּ » car nous sommes des hommes-frères .
Cela veut dire qu’ils sont comme des frères mais plus profondément, qu’ils sont tous les deux porteurs de cette identité-frère. Mais voilà que se dévoile qu’il y a des frères et des faux-frères.
Les faux-frères sont frères en dehors de la moralité.
Le projet formel est analogue mais ce n’est pas dans la moralité.
On voit qu’Abraham tient à protéger Lot là où il se trouve. Le Midrash a bien posé l’étonnement sur Lot qui doit être évacué puisqu’il a préféré Sodome et Gomorrhe. Le texte montre cette sollicitude à tout prix alors que c’est l’impureté absolue. En particulier, lorsque Abraham dit : « Si tu vas à droite je vais à gauche, si tu vas à gauche je vais à droite. »
Rashi intervient en citant un midrash et dit : « si tu vas à droite je ne serais pas loin à la gauche de ta droite tout prés pour te protéger si c’est nécessaire. Si tu vas à gauche, je ne serais pas loin, je serais à la droite de ta gauche pour te protéger si c’est nécessaire. »
C’est un exemple de sollicitude.
Et lorsqu’Abraham apprend que dans une guerre entre 4 rois et 5 rois, Lot a été fait prisonnier, il va se plonger dans la guerre pour sauver Lot.
Le Shla’h en se basant sur le Zohar dit : il savait qu’il y avait une étincelle de sainteté enfouie dans la cendre d’où sortirait le roi David, Ruth.
Et c’est pourquoi Ruth n’est pas n’importe quel converti à Israël. Pourquoi est-elle capable d’être l’ancêtre du מַשִיחַ ? Car ce n’est pas n’importe quelle manière d’être homme éloignée de l’identité d’Israël. C’est celle qui est la plus loin parce qu’elle était la plus prés. C’est donc celle-là qu’il faut ramener pour que le מַשִיחַ puisse venir, toujours dans l’économie du monothéisme absolu. C’est là l’aventure de Ruth. On décèle tout de suite que déjà dans la famille de Lot il y avait des comportements messianiques. Il faut sauver l’humanité ! »
Mais cela se passe dans l’impureté, la défigure et la caricature, l’approximation. Les filles de Lot, persuadées d’être seules au monde avec leur père, voulaient sauver l’humanité. C’est un projet messianique mais dans l’impureté.
Par conséquent, il faut attendre que cette identité messianique défigurée se transfigure et soit pure.
Et finalement c’est Ruth qui arrive. Alors ברוך הבא, Shavouot et תּוֹרָה מָתַן cela éclate…
Tandis que יִתְרוֹ c’est un projet tout à fait différent.
וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה, לְחֹבָב בֶּן-רְעוּאֵל הַמִּדְיָנִי חֹתֵן מֹשֶׁה, נֹסְעִים אֲנַחְנוּ אֶל-הַמָּקוֹם אֲשֶׁר אָמַר יְהוָה, אֹתוֹ אֶתֵּן לָכֶם; לְכָה אִתָּנוּ וְהֵטַבְנוּ לָךְ, כִּי-יְהוָה דִּבֶּר-טוֹב עַל-יִשְׂרָאֵל
Et Moïse dit á Hovav fils de Réouel le midianite beau-père de Moshe .Nous nous dirigeons vers l’endroit qu’HM a dit : celui que je vous donne. Viens avec nous et nous te ferons du bien Car Dieu a parlé pour le bien pour Israël.
וַיֹּאמֶר אֵלָיו, לֹא אֵלֵךְ: כִּי אִם-אֶל-אַרְצִי וְאֶל-מוֹלַדְתִּי, אֵלֵךְ
Et (Jethro) lui répond : je n’irai pas… » « J’irai à mon pays et à ma patrie ».
Ils sont dans le désert, à quoi cela ressemble ?
Les מְרַגְּלִים. Le peuple dit à Moïse : nous n’irons pas !
Alors que Dieu avait dit à Abraham : « Sors de ton pays et de ta patrie »
Moïse intervient et plaide….
Par manque de temps, je vous donne 2 indications.
Une indication très négative je crois que c’est celle que cite Rashi qui dit :
כִּי אִם-אֶל-אַרְצִי וְאֶל-מוֹלַדְתִּי, אֵלֵךְ
« Je vais te quitter, soit parce qu’il faut que je m’occupe de mes biens, אַרְצִי, soit que je m’occupe de ma famille מוֹלַדְתִּי »
C’est-a-dire une réaction typiquement égoïste : ta תּוֹרָה c’est très bien mais mes biens, mon peuple, ma société… Vous voyez se profiler ce type de relation à Israël, telle que l’histoire nous l’a prodigué. La תּוֹרָה c’est très bien mais mon peuple, ma terre…
Après la Shoah, énormément de גּוֹיִם ont fait un raisonnement de conscience et qui nous aiment. C’est vrai. On n’a jamais eu autant d’amis.
Il y a un proverbe juif qui dit : « Rend lui honneur et reste vigilant » parce que si on fait le bilan de cette histoire comment peut-on la formuler ?
Voilà ce qu’on a entendu pendant 2000 ans : Ton Dieu mais pas toi, ton livre mais pas toi, ta ville mais pas toi, toi mais pas toi…
La stratégie est différente mais le phénomène est le même. Cf. l’histoire des mormons, les Chrétiens pour Israël, etc…
C’est là l’explication négative de l’attitude de Jethro.
Mais il y a des commentateurs qui ont donné une explication positive : Il a dit : je retourne à mon pays et à ma patrie pour les convertir… Maintenant que j’ai compris, je vais convertir les autres.
Je voudrais éclairer cela sur le verset comme une préfiguration, une répétition générale, de ce qui est arrivé à la génération du désert.
Très rapidement, je vous rappelle l’essentiel de ce que nous avons étudié ici ou ailleurs d’autres parts. C’est d’après le Ets ‘Hayim de Rabbi ‘Hayim Vital disciple du Ari zal. C’est la formulation de l’enseignement que le Rav ‘Hayim Vital a reçu du Ari zal qui a très peu écrit.
Dans un chapitre, il décrit un partsouf, une manière d’être Israël dans l’histoire, que l’on appelle בְּמִדְבַּר דּוֹר. Il explique : Au moment de la sortie d’Egypte il y a un « עֵרֶב רַב » une foule de peuples qui étaient esclave en Egypte et qui sont sortis d’Egypte en même temps qu’Israël.
Verset 4 chapitre 11
וְהָאסַפְסֻף אֲשֶׁר בְּקִרְבּוֹ, הִתְאַוּוּ תַּאֲוָה; וַיָּשֻׁבוּ וַיִּבְכּוּ, גַּם בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וַיֹּאמְרוּ, מִי יַאֲכִלֵנוּ בָּשָׂר
« Et la foule (racine אספ) qu’il y avait en son sein a été pris de désir (ils ont eu envie de nourriture autre, jusque-là ils ne mangeaient que la manne) et alors sont revenus et ont pleurés aussi les enfants d’Israël. Ils dirent : Qui nous donnera de la viande à manger ? »
Ici c’est très clair, l’initiative de cette « faute », si c’est une faute, c’est le עֵרֶב רַב.
Rashi : הָאסַפְסֻף c’est le עֵרֶב רַב qui s’est ajouté à eux qui a pris l’initiative comme au moment de la faute du veau d’or.
Mais que dit le verset : ils ont été assez forts pour influencer les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל.
Cela s’est déjà produit au moment de la faute du veau d’or.
Au moment de la faute du veau d’or, l’initiative de la faute vient du עֵרֶב רַב mais ici dans notre Parashah ils sont parvenus à influencer le peuple Israël. Au moment de la faute du veau d’or, les forces en présence sont à égalité. (Cf. : j’entends un bruit dans le camp : 50-50…)
Moïse plaide et Dieu suspend la sanction qui s’appliquera donc pour la prochaine faute. La prochaine faute est celle des explorateurs. La génération qui n’a pas voulu entrer en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל et alors que la sanction a été suspendue au moment de la faute du veau d’or, la faute contre Dieu et les dix commandements au Sinaï, lorsqu’il a eu la faute vis à vis de la terre d’Israël, ils sont sanctionnés et sont tous enterrés dans le désert.
Comment comprendre que 40 jours après le Sinaï il y ait une faute aussi énorme ?
On comprend que l’initiative de cette idolâtrie renouvelée vient de le עֵרֶב רַב. Ils étaient à peine initiés à l’identité d’Israël. La raison pour laquelle Moïse les a intégrés c’est qu’ils sont destinés à faire partie d’Israël. Puisqu’ils ont la même expérience sinon גֵּאֻלָה -גָלוּת …
Au niveau de vérité du projet de sainteté d’Israël c’est évident, mais au niveau de la réalité, c’est à différer, parce qu’il leur manquait les 6 générations de l’éducation hébraïque qui s’étend d’Abraham à Moïse. Et Moïse n’a pas le temps de leur donner. On comprend que l’initiative de la faute du veau d’or vient d’eux.
Cela éclaire beaucoup l’épisode de notre histoire : ils ont été beaucoup plus forts que les hébreux eux-mêmes.
A l’épisode du veau d’or c’est 50%-50% comme à la Knesset mais au moment des explorateurs, c’est une toute autre proportion. Sur 12 chefs de tribus, 10 prennent leur partie.
La question reste posée malgré tout : Comment comprendre que 40 jours après le Sinaï il y ait une faute aussi énorme ?
La réponse de la kabbale que je voulais vous citer est la suivante : ce עֵרֶב רַב était prêt à recevoir la תּוֹרָה. C’était difficile, mais dans le projet de Moïse, tel que Dieu l’a voulu, il faut le temps mais ils sont candidats à la תּוֹרָה, et donc אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל ne les concerne pas, car c’est la terre des hébreux, des בְּנֵי יִשְׂרָאֵל descendant des Patriarches.
C’est très parallèle à l’histoire de Jethro refusant d’aller sur la terre d’Israël
Il y a là aussi des implications graves à comprendre pour le temps contemporain.
De nouveau nous voyons le peuple se diviser en deux : Ceux qui disent oui à la rigueur la תּוֹרָה mais אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל ne nous concerne pas.
Il y a donc là une problématique עֵרֶב רַב / בְּנֵי יִשְׂרָאֵל qui est très grave. Ce que vous entendrez souvent dire c’est que c’est le עֵרֶב רַב qui est en Israël et que les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל sont dans la diaspora, alors que la Kabbale dit juste le contraire : le Partsouf du עֵרֶב רַב c’est celui de la גָלוּת .
Comme je viens de le montrer, אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל ne les concernait pas ; ce qui les concernait c’était la תּוֹרָה.
Je n’ai pas dit que les Juifs pieux de חוּצ לָאָרֶץ sont des descendants du עֵרֶב רַב, ça personne ne sait d’où il vient. Le problème est de savoir où l’on va…
Q : quid des Druzes ?
R : les Druzes sont une partie de l’islam qui a été en schisme avec l’islam sunnite il y a 400-500 ans et qui reconnaissent Jethro comme prophète.