Le soir de Simhat Torah, c’est dans une atmosphère euphorique que nous nous sommes retrouvés à la synagogue, tous imprégnés des photos et des vidéos relatant les retrouvailles émouvantes des otages avec leurs familles. Ce même jour, le peuple entier, où qu’il soit, a partagé l’émotion de ces rencontres, s’est associé à ces larmes, ces étreintes, ces cris de joie ou ces silences qui annonçaient la fin d’un long cauchemar.
A la synagogue, les rouleaux de la torah ont été sortis de l’Arche Sainte, et avec beaucoup de ferveur et de gratitude, ils ont été entrainés dans un tourbillon de chants, de danses, et devinrent la cible d’une pluie de bonbons… Ce fut une explosion de joie qui exprimait une liberté enfin retrouvée après un calvaire de deux longues années. Cette allégresse reflétait un moment intense de foi, de bonheur et d’union après 738 jours d’angoisse et de calvaire.
Dans cette atmosphère festive, un petit garçon au visage rayonnant, se faufila entre les adultes, pour montrer fièrement à sa Maman tous les bonbons qu’il avait attrapés au vol. Il avait une belle chevelure rousse… et… tel un éclair, j’eu une association avec les petits enfants Bibas. Soudainement, cette joie intense se transforma en une tristesse profonde à la pensée de tous ces enfants et adultes que je n’ai jamais connus et qui ne reviendront plus. Puis cette même joie fit place à une certaine amertume, en pensant à ceux qui n’auront plus jamais le bonheur de serrer dans leurs bras leurs êtres chers…
Ces sentiments mitigés sont à l’image de la réalité israélienne où allégresse et tristesse sont vécues simultanément. Tout est entremêlé, le bonheur et le chagrin à la fois.
Ce flot d’émotions me rappela la réaction d’un père dont le fils est tombé à Gaza en novembre 2023. A l’annonce de l’accord de cessez-le-feu et de la libération des otages, il prononça ces mots:
« Dans quelques jours, nous verrons nos frères et nos sœurs rentrer chez eux.
Nous les embrasserons.
Nous soutiendrons leurs familles.
Nous les accompagnerons, pas à pas.
Mais lorsque nous verrons les images, les larmes, la joie, les drapeaux…
Je demande une minute.
Une minute d’humilité.
Une minute de silence.
Une minute de vérité.
Une minute de considération et de reconnaissance envers les héros de Tsahal,
Les lions de notre génération, qui ont combattu avec un courage surhumain, et cela dans un seul but: ramener les otages et restaurer la dignité d’Israël. Je demande une
minute pour saluer et rendre hommage à ceux qui sont revenus blessés, à ceux qui sont revenus meurtris à jamais.
Et à ceux… qui ne sont pas revenus.
Ces moments de bonheur suprême que nous vivons, ne nous font pas oublier les victimes de cette guerre, les blessés ainsi que les héros qui sont tombés au combat.
Ces sentiments qui nous imprègnent, sont également entremêlés de déception, de colère et d’indignation face à toutes ces nations qui se sont associées pour faire des victimes des bourreaux et qui n’ont pas hésité à condamner Israël lorsque nous avons dû faire face simultanément à sept fronts (Gaza, Liban, Syrie, Yémen, Iraq, Iran, Judée Samarie)…
Aujourd’hui, plus que jamais, l’enseignement de Manitou prend une ampleur considérable lorsqu’il disait: « On peut lire l’actualité dans la Torah » ou bien « on retrouve la Torah dans les journaux ».
A Simhat Torah, comme par hasard, la lecture traditionnelle du rouleau de la Torah vient confirmer ce que les nations mettent en doute. Lors du dernier passage de la Torah, nous avons lu que le Seigneur fit monter Moise sur le Mont Névo, lui montra tout le pays et lui dit: « Voici le pays que j’ai promis à Abraham, Isaac et Jacob, en disant: » Je le donnerai à ta postérité ». (Le Deutéronome 34 – 4)
Puis tout de suite après, afin de symboliser l’étude continue de la torah, nous avons recommencé la lecture du canon biblique depuis Bereshit – le début, et avons entamé le livre de La Genèse. Nos sages se sont posé la question à savoir pourquoi la Torah ne commence-t-elle pas par la première Mitsva prescrite à Israël, mais par la création du monde. Ce à quoi l’exégète Rachi répond: « Si les nations du monde disent à Israël: « Vous êtes des brigands, puisque vous avez conquis les terres des sept peuples », Israël leur répondra: « Toute la terre appartient à Dieu. Il l’a créée et l’a donnée à qui est droit à Ses yeux. De par Sa volonté, Il leur a donnée, et de par Sa volonté, Il la leur a reprise et nous l’a donnée. »
Rachi sur Genèse I,1)
Ce à quoi Manitou ajoute: » Ce texte de rachi, qui ouvre son exégèse du livre de la Thora, a été abondamment commenté par les grands maitres de la tradition rabbinique. Il a cependant fallu notre temps pour y déceler la profonde intuition prophétique qui anime les textes midrashiques où Rachi a trouvé les sources de son propos.
Tout se passe comme si nos maitres savaient qu’à chaque fin d’exil, Israël serait confronté à la même interpellation. Au temps de Josué, à la sortie d’Egypte, le problème cananéen; de notre temps, à la sortie d’Europe, le problème « palestinien », dans les mêmes termes et la même acuité … En cela Rachi reste le plus grand de nos maitres. » ( KI MITSION I p.33 )
De nos jours encore, la présence du peuple d’Israël sur sa terre est remise en question par ses ennemis et par certaines nations, mais les enfants d’Israël sont restés fidèles à leur héritage ancestral. Les fils et les filles de notre peuple, soldats et civils combattent avec abnégation, courage et héroïsme. Ils ne combattent pas pour la gloire, ni par esprit de vengeance, mais pour la vie, pour la pérennité d’Israël, conformément à la promesse divine faites à nos Ancêtres. Les soldats et soldates portent sur leurs épaules, avec beaucoup de conviction et d’amour, le poids de la sécurité, de la mémoire et de l’avenir d’Israël.
Il y a deux ans, c’est le jour de la joie de la Torah, à Simhat Torah, que le monde a basculé. Mais cette année 2025, c’est le jour de Simhat Torah que nous avons assisté à la délivrance et au retour de vingt otages vivants. Les juifs ont chanté et dansé avec les rouleaux de la torah dans toutes les synagogues du monde et de Jérusalem…
Les explosions de joie de l’année 2025 ont remplacé les explosions des tirs de roquettes de l’année 2023.
Cette joie est imprégnée de souvenir et de reconnaissance envers tous ceux qui se sont battus lors des guerres d’Israël afin de réaliser la promesse divine et permettre un avenir prometteur aux générations futures.
« De nouveau on entendra…dans les villes de Juda et les rues de Jérusalem…des accents d’allégresse, des cris de joie…car je rétablirai les exilés de ce pays, comme ils y étaient jadis… » (Jérémie, 33, 10-11).
Am Israël Hai!