Vayera – série 1984

Le cours

Face A

Face B

Texte Face A

/ Contenu de la parasha :

C’est la 2ème parashah importante de la vie d’Abraham. Dans la Sidra précédente, Lekh Lekha, on a suivi par approximations de plus en plus claires et explicites, les promesses que Dieu fait à Abraham.

Ces promesses peuvent se récapituler en trois promesses de bases :

–  la promesse d’une descendance qui hériterait de la terre de la promesse Erets Israël,

–  la promesse de la terre,

–  la descendance en charge de la Torah.

Dans la Parashah de Lekh Lekha est déjà indiqué que ces 3 Segoulot privilèges qui vont définir l’identité d’Israël dès le début de son histoire sont donnés en promesse à Abraham.

De nombreuses questions surgissent :

Pourquoi à Abraham ? Pourquoi cette terre à ce peuple ? Mais le lien entre la terre le peuple et la Torah se récapitule à la racine dans les promesses faites à Abraham.

Et puis du temps passe à travers tous ces récits et l’accomplissement de ces promesses est suspendu.

Dans la Parashah de Vayera nous voyons que se trouve un récit accéléré d’événements d’accomplissement de ces promesses, ne fût-ce que dans l’accomplissement de ces promesses.

Parmi les différents thèmes que les commentateurs ont étudié de façon synthétique et globale sur ces textes, c’est une des questions posées : comment comprendre l’origine de l’accélération des événements ?

Cela commence d’abord par la scène où nous voyons Dieu visiter Abraham, à propos de l’alliance de la circoncision qui avait été indiquée à la fin de la Parashah précédente.

A partir de là un certain nombre d’événements surviennent:

–  l’annonce faite à Sarah et à Abraham de la naissance d’Isaac.

C’est déjà une des promesses restée en suspend. Il y a une tension dans le texte de Lekh Lekha où Dieu dit à Abraham qu’il aura une descendance et où Abraham n’arrive pas à entendre cette promesse. La plupart des commentateurs récapitulent les explications en disant qu’Abraham n’arrive pas à se connaitre, à se considérer, comme méritant d’être celui auquel ces promesses sont données. Il ne doute pas que Dieu puisse accomplir ces promesses. Mais il n’arrive pas encore à se connaitre lui-même comme étant digne de l’accomplissement de ces promesses. Commence alors le premier étonnement des promesses à Abraham qui font de manière générale l’objet de la foi, puisque la 1ère fois que le terme de foi est employé dans les récits c’est à propos de la promesse de descendance à Abraham. Le verset de Lekh Lekha dit que en fin de compte, c’est moi qui ajoute, « Abraham a eu foi en la promesse que Dieu lui a faite ».

Nous voyons tout de suite le problème qui se pose : est-ce que cela signifie que Avraham ait douté en quelque manière que Dieu puisse accomplir ses promesses ?

Nous découvrirons tout de suite l’étonnement réel qu’il y a dans ce problème. En réalité, les commentateurs expliquent qu’il n’arrive pas à envisager ce mérite exceptionnel qu’il faudrait pour que cette promesses s’accomplisse pour lui.

L’étonnement au fond vous le devinez déjà : Quelle est cette chose extraordinaire qui consiste à promettre à un homme qu’il aura un enfant ? C’est tellement banal et familier face à une telle prodigalité de la naissance ! Dès le début du 1er homme, la bénédiction qui s’attache à l’homme c’est Pérou ourbou – fructifier, engendrer, enfanter et se multiplier. Et voilà que le modèle de la foi de la tradition d’Israël telle qu’elle s’enracine dans l’expérience d’Abraham concernerait la foi qu’une telle chose puisse s’accomplir !

Nous prenons comme modèle la capacité de foi, de confiance, d’Abraham qui porte d’abord essentiellement sur ce fait que Dieu lui promet qu’il aurait un enfant, et en fin de compte il finit par le croire. C’est incompréhensible ! C’est un étonnement colossal ! On est tellement familier avec ce texte qu’on ne se rend plus compte de l’énormité de cet étonnement.

Midrash : Dieu avait dit à Abraham à Our-Qasdim, alors qu’il se trouvait en exil dans la civilisation mésopotamienne du nord, « Lekh lekha… » sors de ton pays de ton endroit…

Et un des Midrashim  sur un autre verset explique que cela revient à dire « ici tu ne peux pas avoir d’enfant – va, là-bas tu pourras… »

Abraham, d’après les récits des généalogies précédentes, est à l’aboutissement, à l’achèvement, de toute une 1ère tentative de civilisation qui aboutit à cette grande civilisation de Our-Qasdim de la Chaldée et la Mésopotamie…

On peut tenter de décrire le sentiment qu’Abraham a de lui-même lorsqu’il prend conscience de lui-même comme une personne arrivée à l’achèvement d’un cycle de civilisation. Ce type de conscience ne peut pas se connaître comme étant en fin de cycle d’histoire. Il ne s’agit pas tellement de savoir si Abraham, biologiquement, en tant que personnage normalement consitué peut avoir un enfant ou pas. Ce n’est pas l’objet puisqu’on apprend qu’il peut avoir un enfant, par exemple avec Hagar.

Le problème est à un tout autre niveau : il n’arrive pas à se connaître comme fécond du point de vue du projet de l’histoire humaine selon le Créateur. Le récit des engendrements dont il s’agit ici se situent à un tout autre niveau.

Si on pouvait avoir un doute, sur la constitution normale d’Abraham, survient Ishmaël le fils obtenu avec Hagar que le Midrash présente comme la fille de Pharaon. Ishmaël va avoir ses propres bénédictions de multiplication parallèlement au nombre des puits de pétrole. (C’est dans le texte aussi.)  Donc il ne s’agit pas de cela !

Il s’agit du fait que « Abram » prend conscience de lui comme « infécond » et « stérile » du point de vue du projet de l’histoire. Abraham est le point d’achèvement de la plus grande perfection de ce qui s’est passé jusqu’à présent. Et c’est à lui que Dieu s’adresse pour lui annoncer qu’il est le point de départ d’une lignée de fécondation.

Alors, c’est difficile à entendre parce que cela contredit l’expérience de l’histoire jusqu’à présent  telle qu’elle est dirigée et gérée par les lois du même Créateur.

Les civilisations ont une courbe d’histoire, elles ont une naissance, une apogée et un déclin, et lorsque l’homme se situe au temps de ce déclin, il en a conscience et il sait qu’il n’y a plus de fécondité. Cela ne veut pas dire que l’on ne peut plus se multiplier par copies conformes. Ishmaël est l’exemple de la démultiplication par le nombre issue de la bénédiction d’Abram avant qu’il ne s’appelle Abraham. Ce n’est pas n’importe quelle matrice mais l’identité culturelle de l’Egypte. Mais il s’agit ici du fait qu’Abraham s’entend dire qu’il va être le point de départ d’une histoire de fécondité alors qu’il se connait comme étant le produit achevé d’une civilisation qui est déjà   parvenu à son aboutissement.

Et donc, le fait d’arriver à croire qu’un processus naturel puisse être dépassé, brisé, explosé, et qu’un renouvellement de vie puisse apparaître alors que selon les lois normales du monde tel qu’il a été créé, et le fait humain obéit lui aussi à des lois et est conditionné par elles, c’est difficile à entendre. C’est le commencement de la foi. C’est donc à un tout autre niveau qu’il y a ce mérite considérable parce que c’est la 1ère fois qu’un homme va découvrir cette éventualité qu’au-delà de la nature, pieusement reconnue comme créée par le Dieu Créateur, il y a encore un autre niveau de dévoilement de la Providence qui permet un ‘Hidoush, un renouvellement, un recommencement, alors que c’était fini.

Je vous donne deux illustrations de ce thème :

1-      1er exemple :

C’est un peu ce qui est arrivé à la civilisation occidentale de notre temps. Cela ne touche pas tous les individus ni toutes les personnes conscientes d’elles-mêmes, mais on a bien l’impression que depuis quelques générations, la civilisation occidentale a une sorte de conscience d’elle–même  analogue, qu’elle est en fin de cycle et que l’histoire passe ailleurs. La jeunesse de l’Occident cherche son modèle dans les sociétés qui ont encore leur histoire devant elle. On appelle cela « les sociétés en voie de développement ». Au niveau socio-politique: pas seulement la jeunesse mais aussi les intellectuels de l’Occident cherchent à se greffer sur l’espérance des sociétés décolonisées parce qu’elles ont toute leur histoire devant elle, alors que tout se passe comme si l’Occident se connait tellement vieilli que c’est fini. C’est comme Abraham à la fin des 20 générations depuis Adam Harishon. Se connaître comme s’il n’y avait plus d’avenir. On peut se multiplier mais ce n’est pas le problème.

2-      2ème exemple:

Corollairement, c’est un peu ce que les communautés juives de la diaspora ont dit d’elles-mêmes et perçu d’elles-mêmes avant le sionisme. C’est la fin d’une très longue histoire de diaspora, une histoire d’exil héroïque qui essaya de perpétuer clandestinement à travers toutes les statégies  l’être juif qui était primitivement l’être hébraïque derrière tous les déguisements possibles et imaginables. Et puis on arrive à l’émancipation, au moment du temps de l’assimilation, à perdre souffle, à s’assimiler littéralement. Comme si la communauté juive de diaspora prenait conscience d’elle-même à ce niveau d’Abraham n’arrivant pas à entendre que c’est lui que concerne ces promesses de la fécondité d’éternité. Et puis finalement Isaac va naître. Tout le monde arrive comme au moment de l’apparition de l’Etat d’Israël. C’est la là correspondance. Avec 7 rires différents, dit le Midrash, et le rire d’Ishmaël étant très particulier.

Il y a donc cette 1ère promesse qui est la promesse de la fécondité, la promesse de la descendance en vertu de l’évidence des processus naturels qui gérent et régissent les phénomènes de civilisation. Et Abraham est le « Juif » de la civilisation d’Our-Qasdim. Vous voyez comment c’est corollaire. Et puis cela reste suspendu.

On retrouve ainsi plusieurs fois cette parole de la promesse de la descendance à Abraham jusqu’en fin de compte il arrive à opérer en lui cette mutation de conscience qui fait qu’il est capable de l’entendre. Cette difficulté d’entendre ces promesses nous accompagne dans notre histoire.

Le Maharal en particulier, lorsqu’il traite de ces problèmes, a expliqué très clairement que la Torah nous a, entre autres raisons, raconté le récit des commencements pour que nous sachions comment commencer notre propre histoire.

Nous retrouverons cette tendance-là à toutes les époques de notre histoire : une espèce de difficulté, interprétable comme de la modestie exagérée. (Une trop gande modestie est toujours le signe d’un orgueil épouvantable.)

On peut diagnostiquer dans la société juive contemporaine et même dans la société israélienne elle-même, cette incapacité de croire que l’on est vraiment celui dont la Bible a parlé.

C’est tellement vertigineux que cela donne le vertige. Alors on n’ose par regarder cela en face mais de profil et cela profite à l’ennemi…

–  La 2ème promesse est celle de la terre. Là aussi il y a un dialogue, Abraham va jusqu’à demander des signes d’être assuré de cette invraisemblance qu’Israël, comme tous les autres peuples, ait sa terre…

–  La 3ème promesse, moins dévoilée dans le texte,  c’est finalement la descendance d’Abraham lorsqu’elle deviendra Israël à qui sera révélée la Torah.

Dans tous les cas, toutes ces promesses sont suspendues. Comme si on attendait un événement cristalisateur pour que les événements s’accomplissent.

Après la scène de la circoncision, l’annonce de la naissance d’Isaac et puis immédiatement après le jugement de Sodome et Gomorrhe et toute cette fameuse scène de la discussion d’Abraham avec Dieu dont l’objet est les attendus de la justice et de la charité et de la bonté.

La question posée est la suivante : pourquoi est-ce à ce moment précis que Dieu décide de faire passer en jugement la civilisation de Sodome et Gomorrhe alors que cette civilisation n’est pas nouvelle ?

Pourquoi un tel sursis à Sodome et Gomorrhe, alors que dès qu’Abraham parait, la mutation humaine au niveau de la conscience morale qui fait que un juste d’un critère supérieur est apparu, disqualifie ce que peut être une société devenant Sodome et Gomorrhe?

Pour cette précipitation, cette accélération où tout se fait à la fois ?

Cela rappelle le thème du déluge : au fond le déluge sanctionne la faute de Qaïn ayant tué Abel mais Dieu avait donné à travers 10 générations, 7 sursis différents, pour que l’humanité dispose du temps éventuellement nécessaire pour se retrouver. Le jugement est suspendu et ce n’est qu’en fin de compte que le rendez-vous du déluge s’accomplit. Ici aussi, on pourrait s’attendre à ce que dès que cette identité humaine qu’inaugure Abraham apparait dans l’histoire, Sodome et Gomorrhe est disqualifié.

Mitat Sdom :

Les habitants de Sodome n’aimait pas l’hospitalité : si un étranger arrivait on le faisait dormir dans le lit de Sodome : si ses jambes n’atteignaient pas la fin du lit, on l’étirait et il en mourrait. Si elles étaient trop grand on les lui sciait, pour lui apprendre à être invité…

C’est très caractéristique de voir comment le Talmud a étudié ce type de société :

La Mishnah Pirqey Avot décrit 4 catégories d’attitude dans la vertu des rapport à autrui :

ארבע מדות באדם. האומר שלי שלי ושלך שלך, זו מדה בינונית

. ויש אומריםזו מדת סדום

שלי שלך ושלך שלי, עם הארץ. שלי שלך ושלך שלך, חסיד. שלי שלי ושלך שלי, רשע

Ce qui est à moi est à toi et ce qui est à toi est à toi, c’est le  pieux, le ‘Hassid.

Que ce qui est à moi est à moi, et ce qui est à toi est à moi c’est le méchant, le Rashâ.

Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à toi, c’est la voie moyenne et certains disent, midat Sdom : c’est la fin de la morale dans la société. Alors que l’on pourrait croire que c’est la morale moyenne. C’est une société où l’on connait la loi morale et on l’étudie et on la connait de manière absolue de façon à la détourner. Cette société qui est le type même de la société de l’échec du point de vue du projet moral du récit de l’histoire, est en sursis. Pourquoi est-elle frappée à ce moment particulier ?

J’ouvre une petite parenthèse dans ce chapitre concernant la discussion d’Abraham pour sauver Sodome et Gomorrhe :

‘Hessed c’est la vertu d’Abraham : protéger l’humble et surtout celui qui ne mérite pas. Abraham tente d’obtenir de Dieu non pas le sursis pour Sodome mais la grâce, la miséricorde. Dieu refuse et lui explique que ce n’est pas possible.

En général, on s’arrête là, fier de citer la grandeur de charité d’Abraham qui discute pied-à-pied avec Dieu pour essayer de sauver qui ? les gens de Sodome et Gomorrhe ! C’est là que Dieu lui fait comprendre que ce n’est pas possible. Si la prière d’Abraham avait été entendue, cela aurait été catastrophique. Il y a là ce danger de la vertu de charité qui lorsqu’elle est isolée devient  hypertrophiée et qui fait que par définition elle va protéger les criminels. Nous vivons des épisodes de ce genre. Hypertrophier une vertu et croire qu’elle reste vertueuse. La vertu de charité est une vertu authentique, un absolu et une valeur authentique, mais lorsqu’elle est hypertrophiée car isolée des autres valeurs de la moralité, alors elle risque d’être catastrophique.

1er point : la grande louange faite à Abraham de sa capacité de charité.

2ème point : prendre acte du fait que Dieu refuse. En propre terme, Il donne une leçon de morale et de justice à Abraham.

3ème point : Pour Abraham il s’agit d’une vertu absolue : jusqu’à protéger le pire des criminels. Pour les descendants d’Abraham cela deviendra une faute parce qu’ils ont déjà l’identité Israël qui elle représente l’unité des vertus, des valeurs. Au niveau d’Abraham ce n’est pas une faute, c’est son rôle sa fonction son identité, parce que la charité vraie doit aller jusque-là sans réticence ni condition pour rester authentique. Mais pour tout celui qui prendra pour idéal cet Abraham-là de ce récit, pour lui il s’agira d’une faute. Et il faut faire une analyse pour savoir pourquoi il se conduit ainsi. Et de plus ce serait une faute d’incommensurable orgueil : se prendre pour Abraham !

–  1ère épisode : l’annonce de la naissance d’Isaac, ce qui était attendu d’Abraham et de Sarah dans les chapitres précédents va enfin s’accomplir.

–  Le jugement de Sodome et Gomorrhe.

–  Le voyage d’Abraham et de Sarah chez Abimelekh, roi de la Philistée, le territoire de Gaza, c’est le thème du progrès moral dans la relation entre le mari et sa femme. Le mari dit à sa femme et de sa femme qu’elle est sa soeur.

Il ya donc une mise à l’épreuve dans un surcroit de moralité dans les rapports entre Abraham et Sarah. A ce moment-là l’annonce de la naissance d’Isaac qui peut être alors être conçu et naître et sa séparation d’avec Ishmaël. Le tri de sélection qui se fait vis-à-vis de cette approximation de l’homme attendu qu’Abraham a eu avec Hagar.

Dans le faisceau accéléré des événements qui conduisent, à la naissance d’Isaac, immédiatement sa séparation d’avec Ishmaël. Et le texte de fin de Parashah concerne Aqedat Its’haq qui est la dixième et dernière des épreuve d’Abraham où il s’avère en fin de cycle qu’il est capable d’être le juste parfait qui va jusqu’à accepter cet épreuve-là qui consiste éventuellement à sacrifier Isaac.

Nous voyons bien dans le texte que l’épreuve ne consiste pas dans le fait de sacrifier Isaac mais dans le fait d’être décidé à le faire s’il le fallait. Ne pas oublier que le sacrifice d’Isaac n’a pas eu lieu.

Je me base sur des Midrashim du Zohar.

La tradition a découpé cet ensemble d’événements qui font la sidra de Vayera pour expliquer que l’événement catalyseur qui va déclencher l’accomplissement des promesses ne serait-ce que dans leur commencement, est le fait qu’Abraham a contracté l’alliance de la circoncision. C’est pourquoi la Sidra commence par la visite de Dieu à Abraham qui venait d’être circoncis.

Verset 1 chapitre 17 :

Annonce du commandement de la circoncision à Abram. La mutation d’identité qui sera exprimée par le changement de nom n’est pas encore arrivée.

וַיְהִי אַבְרָם, בֶּן-תִּשְׁעִים שָׁנָה וְתֵשַׁע שָׁנִים; וַיֵּרָא יְהוָה אֶל-אַבְרָם, וַיֹּאמֶר אֵלָיו אֲנִי-אֵל שַׁדַּי–הִתְהַלֵּךְ לְפָנַי, וֶהְיֵה תָמִים

Vayehi Avram ben-tish’im shanah vetesha shanim vayera Adonay el-Avram vayomer elav ani El-Shaday hithalech lefanay veheyeh tamim.

Vayehi Avram ben-tish’im shanah vetesha shanim

Abram était agé de 99 ans

Nous sommes encore à l’époque de la vie d’Abraham où il s’appelle encore Abram. La mutation d’identité qui sera exprimée par le changement de nom de Abram en Abraham, n’est pas encore arrivée.

J’ouvre une petite parenthèse parce que ce n’est pas pour rien que la Torah nous dit qu’il avait 99 ans, lorsque Dieu va lui donner le commandement de l’alliance de la circoncision.

Abram arrive du point de vue de l’expérience qui lui est donnée par l’âge, du point de vue du façonnement de sa personnalité par l’existence même, indépendamment des épreuves précédentes qui ont scandé tout ce développement de son identité, juste au bord de l’âge de perfection. Prenant les chiffres dans leur symbolique la plus formelle : 10×10 = 100.  Il y a dix stades d’épreuves à passer et il arrive ici à 99 ans. Au seuil des 100 ans, il aura Isaac lorsqu’il aura 100 ans. Sarah aura à ce moment là 90 ans. Il arrive si j’ose dire à la 9ème Sefirah de la 10ème Sefirah c’est à dire presqu’au bout du Tiqoun.

וַיֵּרָא יְהוָה אֶל-אַבְרָם, וַיֹּאמֶר אֵלָיו אֲנִי-אֵל שַׁדַּי–הִתְהַלֵּךְ לְפָנַי

vayera Adonay el-Avram

et Dieu (Hashem) se révéla à Abram

vayomer elav

et lui dit

ani El-Shaday

Je suis le Dieu Tout puissant

hithalekh lefanay

marche devant moi

Cela veut dire « fais ce que je te demande mais débrouille-toi pour inventer par toi-même ce que Je te demande ». Nous avons un exemple, c’est déjà le mystère de la sagesse d’Israël qui commence là, qui affleure là. Tout se passe comme si Israël est censé disposé d’une capacité de prescience de connaissance de ce que Dieu va lui demander. Et c’est pourquoi c’est à lui que Dieu lui demande. C’est le mystère de la Torah Shébéalpéh d’une façon générale.

וֶהְיֵה תָמִים

veheyeh tamim.

Et soit parfait intégre entier complet

Cf. le verset dit à propos de Noa’h :

Verset 9 chapitre 6 :

אֵלֶּה, תּוֹלְדֹת נֹחַ–נֹחַ אִישׁ צַדִּיק תָּמִים הָיָה, בְּדֹרֹתָיו:  אֶת-הָאֱלֹהִים, הִתְהַלֶּךְ-נֹחַ

Eleh toldot Noa’h Noa’h ish tsadik tamim hayah bedorotav et-ha’Elohim hithalekh Noa’h.

Les deux sont dits Tamim mais de façon différente.

=> Noa’h est déjà Tamim alors qu’Abram doit devenir Tamim

=> Pour Noa’h le texte dit et-ha’Elohim hithalekh Noa’h  cela veut dire, là où Dieu va, Noa’h va,  

tandis que pour Abraham le verset dit hithalekh lefanay marche devant Moi, Abraham doit ouvrir le chemin à Dieu où Dieu veut aller. On voit le projet de destinée de cette identité Abraham. Il est  exceptionnel.

Exemple au début de Lekh Lekhah lorsque Dieu dit à Abraham : « quitte ta diaspora et va au pays que je te montrerai … ». On s’attendrait à ce que Dieu lui dise où aller. Mais la formule est dans le genre : « Va là où je t’attend. Si tu y arrive Je me révélerai à toi. »

Et Abraham savait là où il fallait aller. 

En général, les Midrashim se basent sur ces différences de forme de la qualification entre Abraham et Noa’h pour dire la supériorité d’Abraham. On a suffisamment vu pourquoi. Noa’h accompagne un chemin dejà exploré. Abraham doit se comporter en éclaireur d’un chemin. Pas n’importe quel chemin.

Cela se rattache à la définition très importante de la capacité de Torah Shébéalpeh. Tout se passe comme si il y a en Israël cette capacité de posséder naturellement la connaissance de la Torah et c’est pourquoi c’est à nous que la Torah a été révélée. D’une certaine manière cette capacité de Torah Shébéalpeh précède la Torah Shébikhtav. J’entends ici par Torah Shébéalpeh non celle de l’explication de la Torah Shébikhtav mais la Torah Shébéalpeh de signification de la Torah Shébikhtav.

Exemple :

Dt. 16:20 :

צֶדֶק צֶדֶק, תִּרְדֹּף

Tsedek tsedek tsirdof – Tu rechercheras la justice

A qui s’adresse un tel verset sinon à celui qui comprend déjà par lui même ce qu’est le Tsedek car ce verset n’explique pas ce qu’est la justice. Il donne un commandement supplémentaire de la rechercher avec entêtement. A la limite on pourrait traduire « cherche la justice de la justice – la justice juste ». (La justice légale ne l’est pas forcément). Celui qui entend cette parole est censé savoir ce qu’est ce Tsedek sinon il ne s’adresserait pas à lui. C’est ainsi pour toute la Torah. La révélation a eu lieu en hébreu et c’est pas un hasard si la révélation a été donnée aux Hébreux.

Je reviens sur la qualification même de Noa’h, les Midrashim vont analyser que plus qu’une différence de valeur de niveau de qualité, la confrontation de ces expressions et-ha’Elohim hithalekh Noa’h / Hithalekh lefanay disqualifie Noa’h par rapport à Abraham. Ce n’est pas seulement que c’est différent mais c’est que l’un disqualifie l’autre.

C’est la série des Midrashim qui vont dans ce sens que Noa’h devait se séparer des hommes pour aller avec Dieu. L’expression et-ha’Elohim hithalekh Noa’h implique « avec Dieu » mais pas « avec les hommes ». Il fait partie de cette lignée des grands justes de cette 1ère partie de l’humanité dont nous avons un autre exemple un peu plus haut dans le texte où nous avons la même expression avec ‘Hanokh qui pour pouvoir se perpétuer dans l’état de juste était obligé de se séparer de l’humanité environnante qui risquait de le contaminer.

Il ne faut pas juger le comportement de ces justes qui ont dû prendre leur quant-à-soi par rapport à la cité parce que la cité était corrompue. L’étude abstraite compare des vertus de ces grands justes mais ne doit pas masquer leur niveau réel. Confronté à la réalité de l’existence on sait que ce n’est pas si simple que cela. Malgré tout, il y a des niveaux de grandeurs dans la vertu.

Il y a une différence, plus que de degrés, de nature entre la manière dont le texte qualifie Noa’h et Abraham dans ces expressions et-ha’Elohim hithalekh Noa’h / hithalekh lefanay  

Une difficulté : de Noa’h on dit qu’il est déjà Tamim ?

J’aborderais la réponse par un autre biais :

Verset 1 Chapitre 7 :

וַיֹּאמֶר יְהוָה לְנֹחַ, בֹּא-אַתָּה וְכָל-בֵּיתְךָ אֶל-הַתֵּבָה:  כִּי-אֹתְךָ רָאִיתִי צַדִּיק לְפָנַי, בַּדּוֹר הַזֶּה

Vayomer Adonay le-Noa’h

Et Hashem dit à Noa’h

bo-atah vekhol-beytkha el-hatevah

entre, toi et toute ta maison, dans l’arche

ki-otkha ra’iti tsadik lefanay bador hazeh.

Car toi j’ai vu Tsadik devant moi dans cette génération

Plusieurs difficultés dans ce verset:

–  Noa’h était Tsadik devant Dieu (Hashem) ! Cela semble contredire le verset du chapitre 6 et-ha’Elohim hithalekh Noa’h.  Ce discours sur Noa’h ressemble à celui sur Abraham.

–  L’autre verset nous dit Tsadik Tamim alors qu’ici il est dit que Tsadik.

Rashi le cite depuis le Midrash Raba :

et le texte n’a pas dit tsadik tamim comme le verset précédent.

Explication : de là on apprend qu’on ne dit qu’un peu de la louange de quelqu’un devant lui mais toute sa louange pas devant lui.

Texte Face B

/ Le premier verset nous parle de Noa’h qui n’est pas présent et nous dit par conséquent l’entièreté de sa louange. Noa’h est Tsadik, selon le Malbim, Tsadik signifie qu’il s’agit du rapport avec autrui : ne pas faire le mal. Et il est Tamim c’est au niveau de sa valeur spirituelle propre, qu’il est intégre

Alors que là c’est Dieu qui parle à Noa’h et qui étant présent, Dieu ne lui dit pas l’entièreté de sa louange.

Malgré tout, nous savons d’une façon général que ce n’est pas par sa vertu que Noa’h a été sauvé du déluge. La fin du dernier verset de la Parashah de Béréshit qui nous rappelle les causes du déluge qui va arriver : cette fin des sursis donnés à cette tentative de la civilisation qui avait commencé dans le mal avec Caïn et Abel, et l’aggravation et la saturation de violence que cela finit par donner dans la société humaine de ce temps-là. Le dernier verset dit que Dieu a décidé de détruire toute l’humanité. Il y a un Midrash qui précise : Tout ! Y compris Noa’h dit le Midrash.

Le dernier verset (verset 8 du chapitre 6) :

וְנֹחַ, מָצָא חֵן בְּעֵינֵי יְהוָה

VeNoa’h matsa ’hen be’eyney Adonay

Et Noa’h a trouvé grâce aux yeux de Hashem

Il a trouvé grâce donc ce n’est pas par son mérite qu’il a été sauvé du déluge. Mais pourtant le verset suivant nous dit qu’il était un Tsadik, un juste.

Qui est ce Noa’h ?

 נֹחַ אִישׁ צַדִּיק תָּמִים הָיָה

Ish Tsadik Tamim Noa’h !

La Torah ne veut pas que nous croyons qu’il n’était pas Tsadik. Il vient de nous être enseigné que sa manière d’être Tsadik n’était pas suffisante pour qu’il mérite d’être sauvé du déluge.

La réponse donnée par le Midrash c’est que si parmi tous les justes de cette catégorie-là il y en avait beaucoup. Le Midrash nous cite par exemple un grand d’entre eux qui était Metoushelah. Plus grand que Noa’h peut-être, puisque Noa’h a eu le mérite de tenir 120 ans de sursis jusqu’au déluge, mais grâce à Metoushelah il y a eut encore 7 jours de plus…

Parmi tous ces justes-là, pourquoi Noa’h ? Il a trouvé grâce, il s’agit d’un arbitraire pur et simple.

La Torah ne souhaite pas que nous croyons en cette arbitraire. Il y a une raison qui est très cachée. La réponse du Midrash c’est que si Noa’h a été sauvé c’est que parmi tous les justes analogues de ces temps-là, il y avait une différence en lui que personne d’autre que Dieu ne pouvait diagnostiquer qui voit toutes les générations, c’est qu’il portait en lui Abraham.

Par conséquent, cette indication semble contredire notre verset 1 du chapitre 7,  le verset dit clairement :

וַיֹּאמֶר יְהוָה לְנֹחַ, בֹּא-אַתָּה וְכָל-בֵּיתְךָ אֶל-הַתֵּבָה:  כִּי-אֹתְךָ רָאִיתִי צַדִּיק לְפָנַי, בַּדּוֹר הַזֶּה

Vayomer Adonay le-Noa’h

Et Hashem dit à Noa’h

bo-atah vekhol-beytkha el-hatevah

entre toi et toute ta maison dans l’arche

ki-otkha ra’iti tsadik lefanay bador hazeh.

Car toi j’ai vu Tsadik devant moi dans cette génération

Le verset en hébreu nous donne la réponse. Il nous suffirait que le verset dise : Ki ra’iti kha…

Mais dans la forme otkha qui indique le complément d’objet dans la grammaire hébraïque,  le mot de « ot » d’autre part signifie un signe, d’où la lecture : « car en toi otkhah un ot de toi J’ai vu Tsadik devant moi. Pas toi, un autre qui est en toi et qui est Abraham. »  Donc il n’y a pas de contradiction.

Mais ce n’est pas encore là la véritable explication : la véritable explication, c’est qu’il y a une dialectique des mots employés par le texte pour dire Dieu. Lorsque Noa’h est définit comme Tsadik, c’est par rapport à Elohim. Le verset dit  et-ha’Elohim hithalekh Noa’h.

C’est-à-dire à  un certain niveau de piété et de sainteté naturel.  

Abraham a aussi été à ce niveau de piété jusqu’à un certain temps mais il a réussi cette mutation qui fait qu’il est devant Hashem. Dieu dans son Nom garant du fonctionnement stabilisé des lois de la nature, mais porteur de la promesse d’une espérance pour l’avenir. Là le texte emploie le Nom de Hashem. Pour tout ce qu’il y a encore d’inaccompli, c’est Hashem qui parle. Pour tout ce qui est accompli, c’est Elohim qui parle. Hashem hou Elohim.

Cette différence-là nous résoud tous nos problèmes.

Lorsque Hashem parle, alors il parle de Son diagnostic vis-à-vis de Noa’h. Ce Noa’h qui avait trouvé grâce aux yeux de Hashem parce qu’il n’avait pas en lui de mérite suffisant, Noa’h pour lui-même. Celui qui a ce mérite suffisant devant Hashem, c’est le Abraham futur. Seul Dieu Lui-même en tant que Hashem peut savoir que Noa’h porte Abraham. Les contemporains ne peuvent pas comprendre pourquoi c’est Noa’h qui est le rescapé du déluge, Dieu seul le sait et nous savons que ce n’est pas arbitraire.

Cela résoud aussi la question : Pourquoi pas le terme de Tamim dans ce verset 1 du chapitre 7 ?

Par rapport à Elohim, Noa’h est Tsadik Tamim mais par rapport à Hashem, Noa’h est Tsadik et pas encore Tamim.

Donc la question précédente : comment dire de Noa’h qu’il est Tamim alors qu’Hashem le demande d’Abraham qui ne l’est pas encore, est maintenant résolue.

Je vais me baser sur les Midrashim sur le Verset 1 chapitre 17

וַיְהִי אַבְרָם, בֶּן-תִּשְׁעִים שָׁנָה וְתֵשַׁע שָׁנִים; וַיֵּרָא יְהוָה אֶל-אַבְרָם, וַיֹּאמֶר אֵלָיו אֲנִי-אֵל שַׁדַּי–הִתְהַלֵּךְ לְפָנַי, וֶהְיֵה תָמִים

Vayehi Avram ben-tish’im shanah vetesha shanim

Abram était agé de 99 ans

vayera Adonay el-Avram

et Dieu (Hashem) se révéla à Abram

vayomer elav

et lui dit

ani El-Shaday

Je suis le Dieu Tout puissant

hithalekh lefanay

marche devant moi

veheyeh tamim.

Et soit parfait intègre entier complet

Rashi citant le Midrash sur Veheyeh tamim :

                          וֶהְיֵה תָמִים

אַף זֶה צִוּוּי אַחַר צִוּוּי הֱיֵה שָׁלֵם בְּכָל נִסְיוֹנוֹתָי וּלְפִי מִדְרָשׁוֹ הִתְהַלֵּךְ לְפָנַי בְּמִצְוַת מִילָה וּבַדָּבָר הַזֶּה תִּהְיֶה תָּמִים שֶׁכָּל זְמָן שֶׁהָעָרְלָה בְּךָ אַתָּה בַּעַל מוּם לְפָנַי. דָּבָר אַחֵר וֶהְיֵה תָמִים עַכְשָׁיו אַתָּה חָסֵר חָמֵשׁ אֵבָרִים שְׁתֵּי עֵינַיִם שְׁתֵּי אָזְנַיִם וְרֹאשׁ הַגְּוִיָּה אוֹסִיף לְךָ אוֹת עַל שִׁמְךָ וְיִהְיוּ מִנְיָן אוֹתִיּוֹתֶיךָ רְמָ »ח כְּמִנְיָן אֵבָרֶיךָ

Et sois intègre : C’est un ordre qui suit un autre ordre, [alors que souvent, lorsque deux verbes se suivent à l’impératif, le second n’est pas constitutif d’un ordre distinct, mais définit la conséquence de l’obéissance à l’ordre donné en premier] : « sois entier dans toutes les épreuves que je t’enverrai ». Et selon le midrach : « marche devant moi » par l’observance du commandement de la circoncision, et alors tu seras vraiment entier. Car aussi longtemps que tu conserveras ton prépuce, tu resteras imparfait devant moi (Beréchith raba 46, 4, Nedarim 32a). Autre explication : Toi, sois intègre maintenant ! Il manque à ton nom la lettre hé, représentative du chiffre « cinq », symbole de la maîtrise de l’ensemble de tes cinq membres : les deux yeux, les deux oreilles et le membre viril. Je vais ajouter cette lettre à ton nom, de sorte que la valeur numérique de l’ensemble de celles qui le composent atteindra deux cent quarante-huit, correspondant au nombre de tes membres.

« Conduis-toi devant moi » cela concerne la Mistvah de la Milah – la circoncision. Et par cette chose-là de la circoncision, tu seras Tamim.

Enormément de textes vont utiliser ce Midrash. Par exemple à la Brit Milah, est chantée la formule suivante : « il n’a été appelé parfait que lorsqu’il s’est circoncis ».

Tamim : cela veut dire intégre, parfait, physiquement, en tant que le corps physique est le véhicule de la présence de la personne, du Nefesh, de l’âme.

                          « Car tout le temps où il y a cette impureté en toi, tu es en défaut. »

Le Sfat Emet a posé la question de la manière suivante sur ce Rashi. « Par exemple, dans la Massekhet Nedarim il y a Guedolah hamilah – la Mitsvah de la Milah est grande, avec tous les commandements accomplis par Abraham il n’a pas été appellé Tamim, jusqu’à ce qu’il se soit circoncis… »

Effectivement c’est le verset qui introduit le commandement de l’alliance de la circoncision.

Alors le Sfat Emet a posé la question de la manière suivante : comment se fait-il que de Noa’h on dit qu’il est Tamim et de Avraham on ne le dit pas encore ? Il parle de ce Rashi et en souligne la difficulté : Rashi nous dit que tant qu’Avraham n’est pas circoncis il a un défaut. A partir du moment où il est circoncis, il est parfait. Mais n’importe quel physiologiste dirait que c’est l’inverse ! C’est lorsqu’il est circoncis qu’il lui manque quelque chose !

Sfat Emet explique de la manière suivante : le corps est le véhicule de la présence de la personne, du Nefesh, du Roua’h et de la Neshamah, et à qui est demandé l’accès à la sainteté. Lorsque la personne a été capable de sainteté, elle reçoit les lumières de la sainteté, et c’est le signe que son corps a pu être le véhicule des lumières correspondant à chaque organe de son corps.

C’est un grand principe dans la tradition de la Torah que quelque soit le nombre de mondes, la structure de chaque monde est parallèle à la structure du monde supérieur ou inférieur. Le monde spirituel est dans une structure parallèle au monde physique. Il y a analogie terme à terme et  correspondance absolue. Tout ce qui est en bas est en haut et tout ce qui est en haut est en bas, en haut à la manière d’en-haut et en-bas à la manière d’en-bas.

La personne humaine ne peut recevoir cet influx de lumière de sainteté que si elle dispose d’un véhicule qui puisse les recevoir. Et par conséquent, plus un organe est Metoukan et plus il reçoit. Et plus il est Tamim comme organe, plus il reçoit des Orot.

Sfat Emet explique ainsi : dans le monde de la nature, c’est vrai à l’échelle des individus mais à l’échelle des générations aussi, il y a ce que la Torah appelle la Orlah – l’opacité, la partie de l’échec qui a une finalité purement ponctuelle et circonstancielle, et dont on pourrait se passer mais qui est amenée par le fonctionnement de l’existence des choses qui font qu’il y ait des écorces.

Par exemple les ongles : une partie du corps tellement opaque qu’il n’y a aucune lumière qui lui corresponde.

C’est l’inverse de ce que les physiologistes auraient dit : si on a ce surplus d’opacité, c’est un défaut, c’est quand ce surplus d’opacité qui est appelé impureté et qu’il y a ablation, alors la lumière correspondante peut enfin survenir. 

Le Sfat Emet explique la différence de 2 niveaux entre Noa’h duquel on a dit Tamim par existence, et Avraham qui doit conquérir cette Témimout, qui doit l’obtenir par des changements.

Effectivement, dans les récits de l’histoire d’Avraham c’est lui qui doit prendre l’initiative, c’est lui qui opère un changement. Il change de pays, il change d’endroit, il change de nom et il change de corps par la Milah…

Chaque génération est comme la Galout. Dans notre génération il y a une Orlah. Pour toute cette première période de l’humanité, la Orlah de l’humanité c’était la génération du déluge. Et les nations du déluge étaient toutes entières Orlah. Il fallait donc enlever la Orlah et cela s’est fait par le déluge pour pouvoir sanctifier, et faire le Tikoun de l’humanité. C’est Noa’h qui va naître circoncis parce qu’il porte le signe de la circoncision bien avant Avraham.

Apparement, on pourrait croire que quelqu’un qui nait circoncis est supérieur à celui qui doit se circoncir, mais finalement le texte montre une dimension très importante qui révèle que c’est l’inverse. Cette supériorité de nature, de notre temps, est un miracle. C’est un produit statistique de la loi de grands nombres : je crois sur sur 10 000 enfant mâles qui naissent, un qui nait circoncis, mais on doit faire une forme de circoncision tout de même.

Sfat Emet nous aide à comprendre un peu notre problème.

En revenant au problème général :

C’est le fait qu’Avraham ait eu à inventer cela, c’est lorsque Avraham a établi d’après la loi de la sagesse essentielle que c’était sur la Milah que devait porter la Brit Milah, comme nous savons maintenant que cela doit se faire, alors que cela aurait pu se faire ailleurs. Avraham prend l’initiative de faire ce qu’il fallait faire.

Retenir cette notion d’opacité qui fait l’impureté.

Les Midrashim parle en général de ce thème du point de vue des valeurs morales : un surcroit de jouissance rend plus difficile le spirituel, ce qui est enlevé à la גשמיות Gashmiout est ajouté à la רוחניות Rou’haniout.

Et on l’apprend surtout de l’enseignement de la Kaballah, que il y a une partie de l’être que Dieu a crée, qui finalement est enfouie, engluée, pris dans l’impasse, dans une sorte d’attitude que l’on décrit de manière anthropomorphique par l’envie recevoir plutôt que l’envie de donner. Le signe dans le corps humain de cette attitude qui consiste à recevoir plutôt qu’à donner, et qu’on appellera en établissant les analogies de tout à l’heure, l’impureté, l’opacité, c’est précisément les parties du corps qui donne la jouissance. Donc amoindrir cette capacité de jouissance, c’est reconnaitre le Créateur. C’est pourquoi l’alliance de la circoncision est définie comme l’alliance de la foi d’Avraham. Elle consiste à enlever cette excroissance existentielle que la nature donne, et de telle sorte d’être Tamim lifney Hashem.

Question habituelle : et les filles ?

La Torah considère que les filles sont circoncis de naissance alors que l’homme doit accomplir la circoncision. On l’apprend de l’histoire de Moïse en particulier, lorsque Moïse n’avait pas circoncis son fils et après la vision du buisson ardent il retourne en Egypte sur ordre de Dieu et il ne prend pas la précaution de circoncir son fils qui faillit en mourir par punition divine. C’est Tsiporah sa femme qui prend l’initiative de circoncir l’enfant et dans une formule sybilline « Tu es prince du sang pour celles qui sont circoncis », verset pour lequel le Midrash affirme : elles sont circoncies de nature : dans leur nature même les femmes sont plus proches de la volonté du Créateur, et l’obligation d’avoir à rejoindre ce niveau-là est donnée aux hommes.

Point essentiel de ce thème :

C’est précisément ce courage de la mutation d’Avraham au moment de la circoncision qui fait que tout ce qui était resté en suspend alors va se réaliser.

Nous avons mainterant l’ordonnance de tous les récits qui suivent dans cette Parashah et c’est pourquoi la tradition a tenu à nous donner cette préface-là dans le récit de ces événements accélérés. C’est bien l’impression que l’on a chaque année lorsque l’on lit le texte à la Torah c’est que subitement dans la Parashah de Vayera tout ce qui était en suspend va s’accomplir.

***

Q : El Shaday ?

R : Ce thème est traité habituellement dans une autre Parashah, celle de Vaéra dans Shemot.

Verset 1 chapitre 17 “  אֲנִי-אֵל שַׁדַּי  Ani El Shaday”

Midrash : Resh Laqish a enseigné que signifie qu’il soit écrit « Ani El Shadaï » ?

C’est-à-dire que le texte nous dit que c’est en tant que Hashem que Dieu se révèle à Avraham et Hashem lui dit Je suis El Shaday ?

Réponse de ReshLaqish : « Anokhi shéamarti laolam daï » – C’est moi qui a dit à son monde : assez ! »

Cette formule de la Torah reprise par la Talmud lui-même dans ce même contexte, l’étymologie du nom Shaday est rattachée à la racine Léshaded. Shoded.  

Nous sommes en plein dans le sujet : Lorsque Dieu intervient en tant que El Shaday cela veut dire dans une intervention qui bouleverse les structures conditionnées du monde naturel, Il opère comme un Shoded qui doit briser la vitrine pour prendre des vivres, sinon il ne peut pas vivre. C’est un peu ce qui s’est passé là dans l’analyse des attendus de la foi d’Avraham : il fallait qu’il accède à ce niveau de foi d’arriver à comprendre cela que l’on peut faire éclater les conditionnements et qu’il puisse y avoir de nouveau fécondité pour une souche qui se croyait stérile.

C’est important à comprendre qu’il s’agit d’un des thèmes de l’histoire du peuple juif. Pendant très longtemps, il se croit dépouillé des promesses et subitement ce qu’on attendait arrive ! Cette capacité de foi c’est cela seulement ce qui peut expliquer ce mystère de la permanence du peuple juif dans son identité à travars l’histoire qu’il a eu.

Tous les matins dans la prière pendant 2000 ans des paroles sur soi-même qui contraste avec la réalité de façon totale. Finalement c’est arrivé : on avait foi en Hashem ! Et quelque soit l’apparence des conditionnements naturels, on avait foi contre tout espérance au niveau des conditionnements naturels. Finalement, ce en quoi on espérait est arrivé. Mais pour cela, il faut effectivement que les structures du conditionnement habituel soient renversées. Les contemporains ne s’en rendent jamais compte. 

Chaque fois qu’une promesse est faite, elle l’est au nom du Dieu El Shaday ! Pourquoi ?

Parce que pour qu’une promesse s’accomplisse il faut qu’il y ait une destruction – Shidoud.

L’exemple de cela nous est donné par notre récit. Chaque fois qu’un enfant nait c’est un mystère du type de la naissance d’Isaac. Il faut que quelque chose de la surnature apparaisse. Mais nous sommes victimes de la prodigalité de cette bénédiction. La prodigalité de la bénédiction banalise la bénédiction et masque et efface le miracle de toute naissance. Pas seulement la naissance d’Isaac. 

Quand une valeur est donnée avec prodigalité on perd finalement le goût de l’apprécier.

Le Midrash va intervenir sur cette étymologie – je ne vous lis qu’un des Midrashim lÀ-desssus, il y en a d’autres – et va lire Shadai comme shé daï : « assez ! »

Reish Laqish nous a fait lire “Shé amar léolamo daï » qui a dit à son monde « jusque là et pas plus ! »

La formule développée dit : she amar lé Elakouto daï veshéamar leOlamo daï ! 

Il y a encore une 3ème formule « shé amar leshamayou vélaarets daï ».

Et à chaque fois avec une  nuance.

Cela veut dire que le faisceau de définition qui va ensemble : Le Dieu de la promesse c’est le Dieu dévastateur des conditionnements naturels, et c’est le Dieu des limites : Daï est la limite entre l’ordre d’expansion de la divinité et l’ordre d’expansion de son monde.

Dieu a dit à Sa divinité « Jusque-là et pas plus ! » pour laisser une place pour le monde. Et Dieu a dit à Son monde « jusque-là et pas plus », parce qu’il l’a créé avec une force telle qu’il pourrait envahir tout l’espace de l’être.

Cette excroissance induite, non due, non méritée a pour exemple la Orlah de la Brit Milah.

C’est pourquoi sur ce thème précis, c’est le Nom de El Shaday qui est relié à l’annonce de la Brit. Et en général, on le retrouve à chaque fois qu’il y a promesse, surtout promesse de l’engendrement.

Parshat Vayera : verset 18-19 chapitre 18:

Promesse de la Torah pour la descendance de Avraham

Dans la Parashah précédente Lekh Lekha, c’est indiqué de façon allusive par l’expression.

« Tu seras bénédiction pour les nations ».

En quoi ? Parce que tu es porteur de la Torah… C’est clair. Mais on ne sait pas encore que c’est cela, mais c’est ici précisé. Verset 18 du chapitre 18, quand Dieu va annoncer qu’il va expliquer à Avraham le jugement de Sodome et Gomhorre.

וְאַבְרָהָם–הָיוֹ יִהְיֶה לְגוֹי גָּדוֹל, וְעָצוּם; וְנִבְרְכוּ-בוֹ–כֹּל, גּוֹיֵי הָאָרֶץ

Avraham est destiné à devenir une nation grande et puissante

Et se béniront en lui toutes les nations de la terre

יְדַעְתִּיו, לְמַעַן אֲשֶׁר יְצַוֶּה אֶת-בָּנָיו וְאֶת-בֵּיתוֹ אַחֲרָיו, וְשָׁמְרוּ דֶּרֶךְ יְהוָה, לַעֲשׂוֹת צְדָקָה וּמִשְׁפָּט–לְמַעַן, הָבִיא יְהוָה עַל-אַבְרָהָם, אֵת אֲשֶׁר-דִּבֶּר, עָלָיו

C’est pourquoi Je vais lui faire connaitre

Comment J’interviens dans ce jugement

afin qu’il enseigne à ses fils et à sa maison après lui

Et ils observeront la voie de Dieu

Pour agir selon la loi et la justice

Afin que Dieu fasse venir sur Avraham

Ce que je dis à ce sujet. 

[C’est à dire que les promesses que J’ai faites s’accomplissent].

Et il y a là l’indication que c’est la descendance d’Avraham qui va avoir l’expérience de ce qu’est la Torah.

L’enseignement du Maharal dans Gvourat Hashem aide beaucoup à comprendre l’identité d’Israël qui est un grand mystère de la lecture de la Torah : qui est cet être Israël ? Pourquoi finalement Dieu s’adresse-t’il à Israël en lui disant : « Benei Bekhori Israël.. »

Il faut comprendre qui sont les Patriarches. Notre identité dans son histoire et sa complexité est compréhensible au travers de l’histoire de l’identité des Patriarches.

Avraham était capable de sa vertu prorpre, Isaac était capable de sa vertu propre, et Jacob était capable de sa vertu propre…

Israël en ce sens-là n’a de légitimité pour être l’interlocuteur de Dieu devant la Torah que parce qu’il est la descendance des Patriarches et de tout ceux qui s’adjoignent à eux.  

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