Permanence

Après la shoah, après l’indicible, après l’effroyable, les analyses ce sont multipliées. « Hitler a déshonoré l’antisémitisme » pensait-on. Comment justifier d’être antisémite après les horreurs de la shoah ? Les commentaires ont été nombreux sur cette période noire de notre histoire, et refont surface inévitablement à l’époque que nous traversons. J’aimerais réfléchir ici sur un aspect de ces analyses, celui qui nous interroge sur nous même en tant que personne. Qu’aurions nous fait à cette époque ? Qui aurions nous été, un juste, un mauvais, entre les deux ?  On pensait qu’il nous serait collectivement impossible de répondre à cette question puisque l’histoire est passée et que nous ne l’avons pas vécue. C’est le dos au mur, confrontée aux épreuves les plus difficiles et les plus extrêmes que l’âme se dévoile, qu’elle révèle toute sa dimension, toute sa grandeur ou toute sa petitesse et qu’elle dit en réalité qui elle est, et surtout qui elle n’est pas. Car s’il y a bien une leçon que nous enseigne les turpitudes de l’histoire passée, du fin fond de l’abime et des ténèbres, c’est que le moment ou les événements se vivent chacun pense être du bon côté de l’histoire, chacun se voit défendant un idéal de lui-même qui doit se transmettre à l’échelle collective, et qui a sa place dans la grande Histoire de l’homme comme valeur, comme conquête. Qui aurions nous été au moment de la deuxième guerre mondiale ? Comment nous serions nous comportés ? Quels auraient été les actes qui nous auraient définis ? Mais les interrogations peuvent être encore un peu plus profondes que cela. Car en effet vivant au moment de l’événement, la loupe collée au tableau, au coeur de l’histoire, il est bien difficile, en dehors de certaines personnes éclairées, d’avoir une vision objective et juste des choses, et les choix que l’on va opérer dans ces moments vont nous définir de manière souvent définitive.  Chacun de nos choix nous engage, en mérite ou en démérite. Il n’y a pas d’écart à l’abri duquel nos actes peuvent être révisés. Il faut apprendre cela et l’oublier très vite car il est impossible de vivre avec le poids d’une telle rigueur.  C’est aussi la leçon que nous devons tirer de la période de la seconde guerre mondiale. Les choix qui ont été faits sur le moment par les individus,  les idées qui ont été défendues, ou pas, ont engagé ceux qui les ont décidées de manière permanente et définitive et les ont enfermés dans une identité dont il leur sera impossible de se débarrasser. Ce n’est qu’avec le recul de l’histoire, du temps qui nous sépare des événements qui se sont réalisés, en bien ou en mal, que l’on peut avoir cette lecture claire de l’histoire. Ceux qui vivaient l’histoire en 39-45 n’avaient évidemment pas la même lecture de leurs actes que celle que nous en avons désormais.  Même si les choses sont souvent bien plus complexes, les actes de chacun, à l’échelle individuelle et à l’échelle collective, nous ont permis aujourd’hui de déterminer deux camps. Celui du bien et celui du mal. Une frontière est aujourd’hui apparue à la lecture des événements qui se sont passés à l’époque, qui sépare les bons des méchants. Le camp du mal a fait son irruption de manière spectaculaire et fracassante dans l’histoire sans qu’il soit possible de le contester ou de le relativiser. Pourtant ceux qui désormais sont attachés à ce camp de manière définitive pour la suite des générations, ceux qui incarnent désormais le mal absolu, dans toute sa cruauté, dans toute sa banalité, pensaient-ils réellement que l’histoire les jugerait ainsi ? Ne se voyaient-ils pas au contraire comme les détenteurs d’une réalité qu’ils souhaitaient mettre au service de l’humanité ? Mais ils n’ont pas pris la mesure de l’envergure de l’histoire, il n’ont pas réalisé qu’ils étaient en train d’écrire l’histoire, la grande histoire, ils n’ont pas vu la trace qu’ils allaient laisser, ils n’ont pas perçu non plus qu’ils incarneraient le mal absolu, qu’ils basculeraient dans les abimes de l’histoire, celles dont on ne revient pas. Ils n’ont pas su que du fin fond de leur cruauté, du fin fond de leur sauvagerie, du fin fond de leur banalité ils allaient perdre à jamais tout espoir de retrouver un semblant de dignité humaine. S’ils avaient compris cela, la façon dont l’histoire allait les juger, auraient-ils malgré leur haine poursuivis dans leur voie d’une façon aussi déterminée et aveugle ? Evidemment ces réflexions déjà anciennes nous interpellent et nous rappellent de manière récurrente que le présent c’est un passé qui recommence, que l’histoire bégaye, et que nous vivons actuellement un moment charnière dans l’histoire pour lequel les générations suivantes, qui bénéficieront à leur tour du recul de l’histoire, n’auront assurément plus aucun doute sur ce qui se passe aujourd’hui. Après les atrocités dont Israël a fait l’objet le 7 Octobre dernier, le mal qui était logé, tapi à l’intérieur du bien comme pour se cacher, se protéger, passer inaperçu, s’est d’un coup et subitement séparé du bien, il s’est dévoilé, s’est révélé au grand jour. Il apparait maintenant à découvert, n’est plus protégé par le bien à côté duquel il avait pris l’habitude de se placer, de se cacher et il est possible de lui donner un contour, une physionomie, un visage, et donc de s’attaquer à lui. Mais Israël doit évidemment agir en ayant en tête cette idée que l’histoire est en marche et que la façon dont les générations futures liront l’histoire telle qu’elle se déroule actuellement sous nos yeux, ne mettra pas en péril le rayonnement dont le pays témoigne depuis sa récente création. Et il me semble que c’est précisément à travers ce prisme qu’Israël a toujours agit, alors même que le pays est confronté depuis son existence à des tensions particulièrement sévères avec tous ses voisins qui ne cherchent qu’une seule chose : son élimination, sa destruction, son éradication. En face, à travers la planète, indifférents à cette condition à laquelle Israël est contrainte de se soumettre pour pouvoir exister, les témoignages

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