Ticha Béav et le Temps du Messie. Unifier notre peuple
Un Midrach très connu de notre tradition nous indique que le Messie doit naître le jour de la destruction du temple, c’est-à-dire le 9 Av Derrière l’idée que l’identité du jour du 9 av, qui est un jour de tristesse et de deuil deviendra un jour de joie et de réjouissance, se cache un enseignement beaucoup plus profond de notre tradition qui est que toute chute a sa réparation. C’est lorsque tout va mal et que tout parait perdu et désespéré, que le temps de la délivrance approche et que la réussite de notre histoire est à notre porte. C’est lorsque Jacob pleure la mort (présumée) de son fils Joseph et que Yehouda descend dans le tréfond des abimes, que Dieu se demande quelle goutte de semence fera naître le messie… Dans cette période de deuil, autour de la période du 9 Av qui commémore un certain nombre d’événements douloureux, difficiles pour notre peuple dont la destruction du premier temple et celle du second temple, il peut alors être intéressant de s’interroger un instant sur la période et l’identité du Messie. En France nous vivons dans un environnement occidental d’inspiration Chrétienne qui nous a fait un peu oublier les fondamentaux de notre tradition. Pour les Chrétiens le messie c’est Jésus et cela a de nombreuses conséquences, qui aujourd’hui d’ailleurs les mettent dans une situation parfois un peu embarrassante et paradoxale, et qui constituent d’autre part des divergences irréconciliables avec notre tradition. On peut en citer au moins trois : Tout d’abord, pour les chrétiens le messie vient de l’immaculée conception. L’idée même que le messie puisse venir d’une relation sexuelle consentie entre un homme et une femme est une idée hérétique pour eux. On peut noter qu’il y a derrière cette notion, l’empreinte de la tradition hébraïque pour qui la lignée par ou passe les engendrements qui vont aboutir au fils de l’homme capable d’être frère, se réalise dans la difficulté. Sarah a du mal à enfanter, Rivka a du mal à enfanter, Rachel a du mal à enfanter, Hannah a du mal à enfanter. L’idée qu’il y a derrière est que l’obstacle ne se fait l’adversaire que de ce qui peut réussir. Cette tension sur la possibilité de l’enfantement dans la lignée qui aboutit à Jacob qui parvient à porter le nom d’Israël se transforme dans la religion Chrétienne en une matrice éternellement vierge et éternellement féconde. Ou l’art de transformer une morale en religion. C’est aussi ce qui fait dire aux Chrétiens que le messie est Dieu le fils. On est devant un être mi homme mi Dieu et donc l’identité du messie est ici spécifiquement attachée à la personnalité d’un être en particulier, qui a la qualité d’être non seulement le fils de Dieu mais également Dieu le fils. Et il est bien évident que le fait de nommer un homme, Dieu est considéré par notre tradition comme le principe même de l’idolâtrie. Sur ce point, Juifs et Chrétiens ne peuvent pas dialoguer. Enfin pour les Chrétiens le messie est déjà venu. Au-delà des problèmes théologiques et historiques que cela peut présenter puisque l’arrivée du messie est censée apporter la transfiguration du monde et la paix universelle, et il ne semble pas que depuis plus de deux mille ans ce soit le programme auquel nous ayons assisté, Il y a également le fait que le messie qui vient et le messie qui revient ce n’est pas du tout la même chose. Chez les uns le messie qui vient est un temps optimiste qui s’inscrit dans une progression et la réalisation de l’histoire, l’espérance s’envisage derrière une conception heureuse de la messianité, alors que chez les autres, le messie qui revient, c’est un temps cyclique, pessimiste, ca recommence, et derrière ce « ça recommence » se trouve caché un certain renoncement, une forme de fatalité et probablement aussi un peu de désespérance. C’est le mythe de Sisyphe et la situation d’absurdité qu’Albert Camus a su si bien décrire, avec ce recommencement permanent qui n’offre aucune place sur terre pour l’espérance ni l’enchantement. On a là deux conceptions totalement différentes du temps et de la messianité. Ces divergences d’approches considérables provoquent inévitablement des antagonismes dans la définition des termes et c’est la raison pour laquelle il est préférable de revenir à notre tradition et à nos enseignements, et particulièrement ceux que donnaient Manitou, pour parvenir à donner une définition authentique de ce qu’est, selon nous l’identité messianique. Dans notre tradition nous savons qu’il y a trois types de relations. La relation entre l’homme et Dieu, c’est-à-dire, en simplifiant beaucoup, le domaine religieux, la relation entre l’homme et son prochain pour résumer on pourrait appeler cette relation la morale et la relation entre l’homme et lui-même, c’est-à-dire pour synthétiser l’aspect spirituel. Les deux premières relations doivent être réalisées pour permettre la troisième. On connait cet exemple qui nous est donné dans notre tradition, par la lignée dans les engendrements qui aboutit à Jacob : Shem est le principe de la réparation de la relation avec le créateur, Ever celui de la réparation entre la créature et l’autre créature, être frère de. A partir d’Abraham va commencer la réparation de la sainteté dans les rapports entre l’homme et l’identité humaine en soi qui est le principe important qui donnera à Jacob le nom d’Israël. La relation entre l’homme et lui-même c’est précisément la conduite qui permet à chacun d’entre nous pouvoir approcher l’identité réussie, authentique en nous-même et donc de pouvoir réaliser cette identité messianique. Chacun d’entre nous a la possibilité de réussir son histoire à l’échelle individuelle puis à l’échelle collective. Il faut parvenir à résorber le décalage, la tension qui existe entre celui que nous sommes et celui que nous devrions être pour que l’identité humaine soit réalisée, réussie, authentique en nous. Ce qui est vrai à l’échelle individuelle est bien entendu vrai également à l’échelle collective et le peuple d’Israël doit réussir de devenir le peuple qu’il doit être et donc de parvenir à élever son être réalisé en cours d’histoire
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