Epidémie : Entre Immanence et Transcendance

Est-ce que l’événement que nous venons de traverser collectivement est un événement de l’ordre de la transcendance ? On a l’habitude de dire, en simplifiant beaucoup les choses, que la transcendance c’est ce qui échappe au domaine des hommes, qui est extérieur à la cité, alors que l’immanence est plutôt à l’intérieur. On parle également souvent de ces notions en termes géométriques. Ce qui est transcendant est de l’ordre de la verticalité alors que ce qui est immanent est horizontal. Manitou insérait ces concepts dans un cours qu’il avait l’habitude de donner dans une introduction à la cabale et qui avait pour titre « le cercle et la droite ». Le cercle représente le déterminisme des lois de la nature avec un cycle qui se répète de façon rigoureusement identique et inexorable. La nature est enfermée dans sa propre condition de laquelle elle ne peut s’échapper, à l’image de ce cercle qui tourne sur lui-même pour arriver là où il était parti au départ, alors que la droite représente l’objectif que se fixe l’homme pour parvenir à se réaliser, et qui à chaque fois qu’il pense pouvoir l’atteindre, s’éloigne à l’infini à l’image de cette droite qui ne finit jamais et dont on aimerait parvenir à arrêter la course mais en vain. Et l’homme révèle ainsi sa finitude face à l’infini de cette droite. Ce n’est pas le néant qui a précédé l’être expliquait Manitou, c’est l’être qui a précédé le néant, puis il y a eu une néantisation d’un point d’être pour faire exister le vide c’est à dire la place du monde dans l’être. Autrement dit le monde vient du néant mais l’être a précédé le néant et a fait exister le vide à l’intérieur de l’être par un acte de retrait qu’on appelle dans notre tradition le « TsimTsoum ». Le « Tsim Tsoum », c’est cet acte de retrait, de rétractation, d’évidement du créateur pour laisser place à une forme sphérique vide au départ, et qui représentera la place du monde dans l’être. Pour que cette place soit vide il faut que la lumière qui y était présente originellement ait été rejetée de ce vide. Mais cette lumière qui a été évacuée va avoir tendance à vouloir revenir avec force et impétuosité, c’est la tendance de l’absolu à vouloir revenir de là où il a été retiré avec force. Pour éviter que cette lumière ne revienne de là d’où elle a été expulsée, pour préserver cette place du monde, il faut faire jouer une force, inouïe, surpuissante. Cette force préserve, protège, maintient la place du monde dans l’être car si elle ne jouait pas la place du monde serait détruite, avalée par l’être absolu. Cette force qui protège la place du monde et dont on dit, chose dangereuse pour notre avenir, que l’intensité dépend de la conduite morale de l’homme, s’appelle en hébreu la « Gvoura », c’est la vaillance. Mais qu’est ce que cela signifie la vaillance lorsqu’on parle du créateur ? Est-ce que le créateur pourrait ne pas être fort, ne pas être vaillant ? Cette vaillance, c’est en réalité être plus fort que soi-même, c’est être capable de maitriser son instinct. Cette force est phénoménale car si elle ne joue pas la place du monde est absorbée, avalée par la tendance naturelle de l’être à revenir d’où il a été retiré. Cette force, c’est une limite, une limite entre le créateur et son monde, le monde qu’il a créé, la créature en train d’être engendrée. Et on voit apparaître les deux concepts qui nous permettent d’avancer dans une tentative d’approche des notions de transcendance et d’immanence : D’un côté le cercle, cette forme sphérique, qui a été vidée de l’être, qui représente le monde et qui va être insérée dans un conditionnement et un déterminisme duquel il ne peut pas échapper, mais qui est également la condition de la liberté de l’homme. Et de l’autre cette force, cette vaillance, cette limite, cette ligne droite infinie qui dit à sa divinité : « jusque là mais pas plus » et qui dit à son monde : « jusque là mais pas plus », afin précisément que la place du monde, le lieu de l’homme, puisse être créé et préservé. Le cercle et la droite, entre immanence et transcendance. Et l’homme, comme sorte de compromis, se situe entre les deux, à mi-chemin entre le cercle et la droite Par exemple son visage est un compromis un mélange entre droites et cercles. L’objectif pour l’identité humaine est donc de briser le conditionnement naturel pour parvenir à se libérer du déterminisme et devenir une personne libre, un peuple libre. C’est précisément ce que nous avons vécu au moment de la sortie d’Egypte avec une libération à deux niveaux : Tout d’abord une libération vis-à-vis de la domination, de l’aliénation par rapport à la volonté de quelqu’un d’autre, d’un autre individu, c’est l’événement de la sortie d’Egypte à proprement parlé, puis dans un second temps, une libération par rapport à la domination et à l’aliénation que les lois de la nature ont tendance à avoir sur nous, avec l’événement du 7ème jour de la sortie d’Egypte et la déchirure de la mer rouge. Tout cela pour nous amener à l’événement transcendant par excellence qui est l’événement de la révélation de la loi morale sur le mont Sinaï. Autrement dit lorsqu’un homme, un peuple parvient à briser les lois de conditionnement naturel, à se libérer du déterminisme dans lequel il était inséré cela l’amène à un événement de transcendance, et ce lien toujours, le cercle et la droite, le déterminisme naturel dont il faut se libérer, entre immanence et transcendance. Lorsqu’il échoue, l’homme se résume à un être de « nature » et perd sa capacité à devenir une personne humaine, il reste soumis aux lois impersonnelles et déterminées de la nature. Alors comment parvenir à caractériser un événement de l’ordre de la transcendance ? Lorsqu’un événement de cet ordre intervient, il impacte chaque personne concernée par l’événement. Il suscite la stupeur, la stupéfaction, la mise en retrait, l’inclinaison. Au « tsim tsoum » du créateur, à sa rétractation pour permettre de créer

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