Le nom de Moshé n'apparaît pas
Dans la semaine de l'année où est lue la parasha Tétsavé, la mort mais aussi la naissance de Moshé, notre maître, sont commémorées, le 7 Adar. Au cas où l'année comporte deux Adar, cet anniversaire est célébré au deuxième mois de Adar.
Le nom de Moshé n'apparaît pas
Dans la semaine de l'année où est lue la parasha Tétsavé, la mort mais aussi la naissance de Moshé, notre maître, sont commémorées, le 7 Adar. Au cas où l'année comporte deux Adar, cet anniversaire est célébré au deuxième mois de Adar.
Il est à remarquer qu'il s'agit de la vingtième parasha depuis Béréshit et c'est la seule parasha de toute la Torah où le nom de Moshé n'apparaît pas. Nos Sages expliquent ce fait exceptionnel en rappelant les propos de Moshé, lui-même, à l'épisode de la faute dite du Veau d'Or, lorsqu'il a intercédé en faveur d'Israël, Shemot XXXII, 32-33 : « Et maintenant, veuille suspendre leur faute, sinon efface-moi מספרך de Ton livre que Tu as écrit. Dieu répondit : “C'est celui qui aura fauté envers Moi que J'effacerai de Mon livre” ». Or, le mot 'de Ton livre', en hébreu מספרך, peut être lu 'du vingtième livre' מספר ך, la lettre caf ×› du mot étant d'équivalence numérique 20, et effectivement, la vingtième parasha depuis Béréshit est Tétsavé, livre où le nom de Moshé est effacé.
La parole des hommes justes, a fortiori celle de Moshé, a un impact sur la réalité, elle influence les évènements et modifie la réalité, selon le décret régit par Dieu. Mais aussi la parole de tout un chacun est comme une flèche lancée vers sa cible. C'est pourquoi la Halakha avertit de mettre sur sa langue un poids et d'y faire un nœud plat pour ne pas commettre les fautes dues aux mauvaises paroles, médisance, calomnie, double face, colportage, car les conditions de la parole est de préserver sa langue de toute faute. Ce n'est pas fortuit si, avec la Torah écrite de Moshé, la Torah orale est appelée la “Torah qui est sur la bouche, Torah shébé'al pé תורה שבעל פה”.
Cependant, Moshé réussit comme porte-parole de la Loi lorsqu'il s'efface totalement devant la Loi qu'il transmet. Cela fait partie de son génie pédagogique dans la transmission de la Torah : transmettre un projet de valeurs hétéronome, transcendant, extérieur à la volonté et à l'intellect des hommes, de manière telle que son accomplissement procède d'un élan du cœur, d'un mouvement spontané de l'homme à vouloir par lui-même ce que Dieu veut. C'est aussi ce que le premier verset de notre parasha indique pour la première mitsva qui concerne la préparation de l'huile destinée à l'illumination du candélabre, Shémot XXVII, 20 : « Quant à toi, tu ordonneras aux enfants d'Israël. Et ils apporteront de l'huile pure d'olives concassées, pour le luminaire, afin d'en faire monter la lumière de façon perpétuelle ».
Certes l'ordre vient de Dieu, donné par Moshé aux enfants d'Israël, de façon à ce que le service à la Tente d'Assignation ne soit pas anarchique, voué aux impulsions fantasques du cœur des hommes. Mais cet ordre doit être intégré de telle façon que par leur propre mouvement du cœur, par leur bonne volonté personnelle, en agissant de leur propre libre arbitre, ils prennent de l'huile pure d'olives concassées pour allumer le luminaire.
De plus, la procédure d'allumage doit être accomplie de telle façon qu'elle « fasse monter d'elle-même la lumière », en l'abandonnant immédiatement dès que la flamme scintille timidement, s'enclenche et monte d'elle-même (Rashi, Talmud Shabat 21a). L'initiative vient de l'homme mais la matière combustible, réagissant d'elle-même au premier feu d'envoi, l'homme se retire de suite. C'est pourquoi il est dit qu'elle doit « monter d'elle-même » et le mot allumer n'est pas mentionner. Selon la Halakha, si elle s'éteint, nul besoin de la rallumer, si ce n'est le lendemain, et emplir d'huile jour après jour.
Par ailleurs, nos Sages ont comparé cette manière d'agir à l'éducation de l'enfant. L'enfant ne doit pas être assommé d'injonctions mais la pédagogie efficace est qu'il veuille accomplir l'ordre par lui-même. On doit amorcer en lui le mouvement et l'abandonner pour qu'il devienne autonome.
Accroché au volant de sa bicyclette, le jeune tendron est crispé de tous ses membres, les cartilages de ses doigts se raidissent sous la pression, et il pédale, il pédale en slalom, tenu à la selle par son père, mais une fois la vitesse requise, son père l'abandonne bien qu'il ne le sache pas. Il roule tout seul ! Mais il s'empêtre, glisse et tombe. Et il recommence jusqu'à ce qu'il s'habitue, la peur vaincue, et le principe compris de la roue qui tourne, sur l'impulsion d'une énergie par l'effet du couple imposé aux pédales pour l'accélération, en fonction de la vitesse et du frottement sur le sol, influencé par la masse.
L'effacement du Nom de Dieu
Aussi, cela ressemble au Nom de Dieu qui est effacé dans la Méguila du temps de Mordekhaï et Esther, car à la même époque, la prophétie arrête de se dévoiler et la parole de Dieu entre en clandestinité. Alors que nous savons pertinemment que si c'est bien Dieu agissant incognito, en filigrane, Son Nom n'apparaît plus qu'en sourdine, en allusion, avec le mot qui revient comme un leitmotiv, en haut de chaque colonne du rouleau d'Esther : le roi, hamélekh, המלך. Même en captivité, Dieu reste le Roi en Yéshouroun, Devarim XXXIII, 4-5 : « La loi que nous a enseignée Moshé est le patrimoine de l'assemblée de Ya'aqov ; et Il fut Roi en Yéshouroun, lorsque furent assemblés les chefs du Peuple, ensemble les tribus d'Israël ».
Moshé fut l'exemple du chef en Israël et a imprégné aux vertus des autres fondateurs de l'identité d'Israël du sceau de l'absolu. C'est Moshé qui donne à toutes les vertus de ses prédécesseurs le caractère définitif et irréversible d'éternité, nétsa'h, × ×¦×—, qu'elles connaissent dès lors. Maître de la Loi, libérateur d'Israël de l'esclavage d'Égypte et chef unificateur du Peuple, Moshé a permis à Dieu Lui-même d'être « Roi en Yéshouroun ».
Grâce à Moshé, nous savons quels sont les critères pour reconnaître le Mashia'h de la fin des temps : tout comme Moshé, il sera l'homme qui unifiera l'ensemble du peuple d'Israël sur la Terre d'Israël, sous la souveraineté législative et juridique de Dieu seul (Rambam, Lois sur les rois et leurs guerres, XIV; Rav Yéhouda Askénazi, KM II, p. 141).
L'humilité, apanage des chefs en Israël
Rav Kook enseigne dans ses Lettres, II, 188 : « L'immense amour de Moshé a sauvé son peuple Israël en défendant sa cause devant Dieu. Il l'a défendu sans aucune condition préalable, avec une humilité et un dévouement incomparables, un abandon de soi envers le plus grand nombre, un don de soi qui procède même du monde qui vient, monde idéal, vers lequel ce monde, le nôtre, tend infailliblement. Selon le Livre du Zohar, II, 56a, ce 'livre de Dieu' ne serait autre que ce monde qui vient ». Le monde qui vient est l'idéal à atteindre, celui de la vérité ; mais il est caché à la réalité de notre monde, puisque seul Dieu le connaît en vérité et l'écrit constamment dans la réalité, au fur et à mesure. Ce monde éternel de la vérité est pour l'instant effacé dans les consciences mais il s'impose constamment et conduit l'Histoire à son aboutissement de réussite.
Dieu n'a reconduit que partiellement le souhait de Moshé d'être effacé de Son livre si Dieu effaçait Israël de l'Histoire. Mais Moshé est là présentement car il est la Torah à son plus haut niveau, occultée dans la 'hokhma, la haute Sagesse. Il travaille souterrainement les Sages du Talmud qui liment leurs cerveaux entre eux pour diagnostiquer la volonté divine. D'éternité, Moshé rend accessible le monde de la vérité aux êtres de chair et de sang. Moshé, monté dans les hauteurs, avocat de la défense pour son Peuple ici-bas, c'est déjà Israël réussi, arrivé au bout de l'Histoire.
« Le fondement de l'intégrité du service divin, et de la vraie ferveur, est que la perfection personnelle et son propre désir de réussir ne prennent pas la priorité par rapport à la perfection de la collectivité. Un tel homme qui a atteint cette envergure de la perfection absolue grâce à son honnêteté intellectuelle et son naturel profond, - voilà le vrai fervent, le 'hassid qui soumet tout à la maîtrise de son intellect et n'agit pas selon un sentiment d'amour-propre ! Cette grandeur d'esprit, à ce niveau ultime, est prodigieuse. Et nous la trouvons chez le Maître de tous les Prophètes qui a dit : “Sinon efface-moi de Ton livre que Tu as écrit” » (Rav Kook, 'Eïn Ayah, Bérakhot III, 51).
La plaidoirie pour défendre Israël
Rashi explique que l'expression "efface-moi de Ton livre" signifie qu'il s'agit de toute la Torah et non seulement de cette parasha, car Moshé, notre maître, ne fait pas dans la demi-mesure quand il s'agit de son bon peuple Israël, de le défendre et de plaider sa cause. Devant la gravité du moment et l'ampleur de l'enjeu, il mise le tout pour le tout "all in", de façon à ce que les enfants d'Israël ne puissent arguer contre lui qu'il ne fût pas en mesure de demander pour eux la miséricorde divine.
Cette prescience de Rashi, quant à la défense d'Israël, pour notre époque précisément, est vertigineuse. Les chefs et autres porte-parole à la langue bien pendue, de toutes les tendances et de toutes les mouvances, devraient s'y référer avant de hurler aux loups à tous vents, chez nous intra-muros, en Erets Israël, et ailleurs, quand ils sont "en mission" pour parler de l'État d'Israël aux nations étrangères, atteints de logorrhée aigüe. A fortiori, tous ceux qui ne vivent pas au quotidien la réalité du fait national juif en Erets Israël. Tous ceux qui parlent mal d'Israël ont été enterrés dans le désert en creusant leur propre tombe. En aucun cas, nulle personne ne doit s'arroger le droit d'accuser Israël de quoi que ce soit mais toujours voir le bon côté et plaider le point positif, désigner le verre à moitié plein de bon vin du Golan et non le verre à moitié vide.
Nous savons tous très bien qu'en dessous de la Cité, les égouts dégorgent d'eaux boueuses, peut-être même plus que tous les robinets ouverts coulent d'eaux vives. Ceux qui veulent vivre dans les égouts parlent sans cesse de fanges marécageuses, tandis que ceux qui veulent vivre à l'air libre parlent de lendemains qui chantent, des cimes pures de la spiritualité et de la sainteté.