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16 Août 2018

CHOFTIM : L'ORGANISATION POLITIQUE DE LA CITÉ

INTERVENANT(S) : MICHEL AMRAM Z"L

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Shoftim : l'organisation politique de la Cité


La parasha Shoftim, les Juges, est entièrement consacrée aux instances souveraines, politiques et gouvernementales, à l'autorité judiciaire, à l'institution sacerdotale, à l'autorité morale et prophétique dans l'étendue et les limites respectives de leur pouvoir et de ce qui relève, en propre, de leur responsabilité. Le tout, une fois les enfants d'Israël installés sur leur territoire national, forme le משכן, la résidence divine, la Maison de la Présence, Shemot, XXV, 8 : « Ils feront pour Moi un sanctuaire et Je résiderai parmi eux »

Shoftim : l'organisation politique de la Cité

La parasha Shoftim, les Juges, est entièrement consacrée aux instances souveraines, politiques et gouvernementales, à l'autorité judiciaire, à l'institution sacerdotale, à l'autorité morale et prophétique dans l'étendue et les limites respectives de leur pouvoir et de ce qui relève, en propre, de leur responsabilité. Le tout, une fois les enfants d'Israël installés sur leur territoire national, forme le משכן, la résidence divine, la Maison de la Présence, Shemot, XXV, 8 : « Ils feront pour Moi un sanctuaire et Je résiderai parmi eux ».

Car durant les six jours de la Création, au commencement, alors qu'Il était Seul présent, le Créateur a façonné une demeure pour l'homme ; depuis, l'homme a pour tâche d'apprêter une demeure pour Dieu. En effet, le terme hébreuמשכן  est l'acronyme de מלך, roi, l'exécutif, le politique ; שופט, juge, le législatif, les tribunaux de vérité morale absolue ; כהן, Cohen, le sacerdotal qui a pour fonction d'affirmer l'évidence de la Présence et de faire la paix entre les hommes, entre les réshaïm-hors-la-loi et les tsadiqim-justes ; נביא, prophète, le prophétisme, le lien entre la spiritualité et l'éthique, la Voix de Dieu vers l'homme qui détermine le milieu humain où la révélation de la Loi est assurée. La notion de justice est donc étroitement liée à celles de royauté, sacerdoce et prophétie.

Ces notions morales sont évoquées et développées tout au long de l'époque de la judicature biblique : Shoftim, les Juges qui incarnent le comportement moral dans le respect des commandements divins, tant à l'échelle individuelle que collective. Les Juges bibliques ont mis en évidence le lien étroit qui existe entre la place que tient la justice morale dans les principes directeurs de la vie de la société hébreue et la santé naturelle du peuple qu'elle régit. À ce titre, les Juges bibliques ne sont pas des usagers des bancs du tribunal, spécialistes en jurisprudence, mais des défenseurs dévoués à Israël, des abstèmes, les nazirs, tel Shimshone le vaillant, des politiciens dévoués et engagés, des élus de Dieu, des prophètes, des agriculteurs investis par l'esprit, des fervents à la cause et même des brigands de grands chemins, dévoués au Seigneur, qui ont fait régner la loi de la jungle mais loi tout de même, des chefs charismatiques de gangs très disciplinés, des gens de rien équipés pour le combat militaire, des fils de prostituée tel que Yifta'h (Shoftim, XI, 1), des justes cachés toujours prêts à intervenir pour le bien de la patrie, tous serviteurs de Moshé, notre maître, exigeant, à leur paroxysme, la justice et la vérité.

La notion de justice, צדק

Tsédeq en hébreu signifie le fait d'être en relation de justesse avec la Loi, c'est une des conditions nécessaires pour accéder au salut. Le tsadiq, le juste, est celui qui choisit pour sa condition de vie la Loi morale vraie de Moshé, notre maître, en tant que Révélation donnée et transmise jusqu'à nos jours, Devarim, XVI, 20 : « Tsédeq tsédeq tirdof, la justice, la justice juste tu poursuivras, afin que tu vives et que tu te maintiennes en possession du pays que le Seigneur, ton Dieu, te donne ». D'une part, il y a la justice absolue, théorique, en connaissance pleine et entière de la Loi telle qu'elle est dans le monde idéal et d'autre part, il y a la justice concrète, pratique, pragmatique qui prend aussi en ligne de compte les circonstances de la réalité, les aléas des témoignages. Le juste est celui qui est en accord de justesse avec la Loi, en adéquation avec la Loi, relevant d'une volonté d'exactitude authentique avec l'ordre des valeurs dans sa relation à autrui. La répétition du terme tsédeq signifie qu'à l'intérieur de l'administration législative strictement judiciaire, il y a lieu de rechercher une judicature au-delà de la stricte rigueur. Il ne s'agit donc pas de se suffire d'appliquer une justice formelle pour satisfaire à la convention sociale de la justesse légale à la Loi, même si elle est en conformité avec un ordre de valeurs. Mais il s'agit de rechercher ce qui est juste dans la justice qui dépasserait sa propre exactitude de ce qui est dû et intégrerait la charité, notion contraire à la justice. Cette justice se conformant à la stricte Loi en respectant la charité est appelée tsédaqa qui réunit les contraires, à la fois de l'ordre du דין din, la rigueur, et du חסד 'hessed, la charité.

צדקה tsédaqa, le tsédeq au féminin

La tsédaqa englobe les valeurs morales de justice pratique, de laquelle découlent les vertus de droiture. Elle n'a pas de terme équivalent en français car l'unification des contraires, - l'unité des valeurs, - est spécifique à l'identité hébreue, puisque pour être morale, la justice doit intégrer la charité pour devenir la justice juste, empreinte de charité, dont la légalité est la moralité. Car toute forme de justice n'est pas bonne à la vie et que, à l'échelle de la collectivité, la violation de la moralité mène à la maladie, parfois mortelle. Or, pour que le salut de la société des hommes advienne, il faut que dans les relations humaines inter-sociales, entre divers pays, entre peuples du monde, la légalité ne doit pas prendre le pas sur la moralité. Faisant fi de la justice juste, les données du problème moral seraient définitivement faussées.

L'unité du peuple et l'unité de la terre

Selon la stricte justice, lors du Jugement de Shlomo, le roi ordonne l'épreuve du glaive de couper l'enfant en deux, mais sa profonde intention est de découvrir la véritable mère, viscéralement clémente, alors que la fausse mère, dans son désespoir, dévoile sa tendance à l'autodestruction (I Mélakhim III). Cependant, le roi Shlomo, dans sa sagesse inégalée, révèle la charité dans la justice. Par extrapolation, ce grand enfant qu'est le peuple hébreu ne doit pas être scindé en différents clans ou courants, mais soudé côte à côte, tel un seul homme avec un seul idéal. De même, la Terre d'Israël doit rester dans son entièreté et non pas être distribuée à des ennemis à qui elle n'a jamais appartenue, Rav Kook (Orot, Lumières de la renaissance, XX) : Il est impossible de mesurer les dégâts spirituels causés par une scission à l'échelle du peuple hébreu.

Ce morcellement imaginé par les cruels chirurgiens qui veulent mutiler le peuple est impossible et n'aura jamais lieu, le prophète Yésha'yahou (LX, 21) le proclame : « Et ton peuple, tous sont des justes qui possèderont à jamais la terre, eux, rejeton que J'ai planté, œuvre de Mes mains, dont Je me fais magnificence ». Israël est l'expression de splendeur de la vérité morale, le prodige de la révélation du Créateur dans le monde créé, quand ils sont réunis ensemble sur la terre de prédilection. Tout schisme du peuple et sa terre mène à la débâcle, à l'exil, alors qu'à présent, nous sommes amoureux d'unité, nous surmonterons les divisions et les controverses.

À l'opposé du système judiciaire décrit dans Les Misérables où le héros est condamné au bagne à perpétuité pour avoir chapardé un quignon de pain, le tsédeq à l'indice du tsédeq, la justice juste définie par les Sages du Talmud est indéniablement plus humaine et revivifie l'âme d'un peuple. Elle permet au fauteur un repentir et une réhabilitation sociale toujours possibles par le mishpat, le jugement, la dimension de récupération de la destinée, qui est l'effort d'élaboration de la conduite à tenir par le tribunal pour que la justice-tsédaqa soit réalisée. Tout notre Talmud est pétri de cette notion. Nombre de ses Traités s'y consacrent.

Rashi nous enjoint d'aller consulter un Beth Din qui compenserait la non-intégrité de la justice par le devoir de charité, ce qu'il appelle « un Beth-Din yaffé, un tribunal du beau, du bon et du bien ». Et comment le définir ? La suite du verset y répond, si les verdicts de ce tribunal ont pour conséquence : « afin que tu vives et que tu te maintiennes en possession du pays que le Seigneur, ton Dieu, te donne ». Vivre sur terre et la posséder. L'un ne va pas sans l'autre. Évidemment, toute guerre de conquête ou de défense, ordonnée par la Torah, est de mettre corrélativement des vies en danger. Ainsi il est fautif de penser que la vie détient le primat par rapport à la conquête du pays et à la possession de la terre, à la défense du peuple, et autres prétextes bien-pensant. Ce tribunal ne légifère pas le beau, le bon et le bien s'il ne tient pas compte de la vie sur sa terre et sa possession.

C'est pourquoi Rashi conseille de nommer des juges en conformité à la justice de la Loi de Moshé qui fassent vivre le peuple d'Israël en le confirmant sur sa terre et qui défendent sa tranquillité nationale, même au détriment d'un tiers étranger, comme Divrei Hayamim, I, XVII, 21, l'écrit : « Et qui est comme ton peuple Israël, nation unique sur la terre ? ». Une seule nation peut assumer pleinement ce terme de nation unique sur terre : Israël, pour qui Mishelei, XIV, 34 affirme : « La tsédaqa (la justice qui est aussi charité) grandit une nation », c'est-à-dire une unique nation assume la conduite morale de l'identité hébreue impliquant simultanément ces deux valeurs contradictoires : justice et charité. Cette nation unique est par là-même grandie, élevée et transfigurée dans un monde de vérité.

L'engagement de poursuivre la légalité en tant que la moralité elle-même, toutes deux authentifiées à la Loi de Moshé, est une vertu spécifique à Israël et débouche sur son identité de vérité : « C'est ce qui est juste dans la justice que tu rechercheras. Si tu poursuis cette justice avec la capacité que tu as de l'appliquer par tes propres forces, alors poursuis également cette justice, ô combien considérable ! qui est actuellement transcendante à tes forces concrètes et spirituelles. Car celui qui veut se purifier, le ciel l'aide, et si l'homme s'efforce de se sanctifier un tant soit peu, le ciel l'aide à se sanctifier encore plus » (Rav Kook, Eïn Aya B, 402, Péah 9). L'injonction de poursuivre la justice est un effort qui aboutit à la vérité dans son absolu de perfection…sur terre ! Téhilim, LXXXV, 12 le dit : « La vérité, de la terre germera », le peuple de vérité germe sur sa terre. À condition qu'il soit réuni ensemble sur sa terre dans ses pleines et entières frontières, un nouveau monde apparaîtra qui sera une bénédiction pour toutes les familles de la terre.

 

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