L’OEUVRE DE LA CRÉATION
LES ENGENDREMENTS
JUIFS OU HÉBREUX
ISRAËL ET LES NATIONS
MESSIANISME
THÈMES FONDAMENTAUX

VAYICHLAH - SÉRIE 1971

Le cours

 

(1971) וַיִּשְׁלַח

 

Le sujet général concerne les événements de la rencontre entre Jacob et Esaü.

Nous savons déjà par le récit précédent qu’il y a plus qu’une querelle, une rivalité entre Jacob et Esaü qui sont les 2 fils d’Isaac et chacun d’entre eux représente, du point de vue d’une typologie du récit biblique, un conflit de civilisation dont un des deux termes est Israël.

Puisque nous savons que c’est Jacob qui va devenir.  Et plus précisément l’objet de ce conflit est de savoir qui sera nommé Israël. Nous reviendrons sur la définition de ces deux types humains, Jacob et Esaü, qui apparaissent comme 2 frères jumeaux à l’intérieur de l’engendrement des identités dans la famille d’Abraham, et par conséquent il y a une racine commune et nous tenterons de comprendre à quel niveau on peut dire que Jacob et Esaü sont frères. Le texte revient sur cette dénomination de fraternité mais en réalité ils sont rivaux dans l’histoire de la famille d’Abraham, rivaux avec pour objectif l’identité d’Israël. Et ensuite cette rivalité telle qu’elle nous est décrite au niveau de l’histoire de ces personnages, rivalité en fin de compte qui s’est incarnée dans l’histoire des civilisations et cela a été pour notre période le conflit entre la civilisation occidentale telle qu’elle a été dominée par la chrétienté,  et que les commentateurs nomment dans l’équation Rome égal Edom, et puis Israël tel qu’il a vécu pendant 2000 ans l’exil de Jacob chez Esaü littéralement, et dont finalement nous sommes en train de vivre les dernières péripéties de cette histoire.

 

Nous aurons à découvrir dans ce récit comment toute cette histoire est précisément préfigurée dans le récit de ces chapitres, et en particulier dans la lutte entre Jacob et Esaü.  

Ces termes Jacob et Esaü signifient simultanément d’une part les personnes qui ont été à l’origine de ces deux grand ensemble de civilisations d’identité humaine en général, et puis d’autre part, les deux génies culturels que cela représente, et leurs conflits et leurs combats.  

Je rappelle très brièvement que ces analyses de la Parashat Hashavoua ont pour principe de méthode une formule du Midrash, reprise par les grands commentateurs du moyen-âge, et en particulier par Nahamanide, qui dans ces analyses nous sert de guide en général : c’est le principe que l’histoire des Patriarches est, jusque dans le détail même des péripéties du récit biblique, préfigurative de l’histoire de leur descendance, c’est-à-dire les  histoires des nations et des ethnies qui en sont issues.  

 

Cette formule du Midrash est très importante et est citée souvent par les commentateurs notamment Nahamanide, l’un des plus grands d’entre eux,  dans son introduction à son commentaire de la Bible et à propos des identifications qu’il nous invite à faire entre le texte et la manière dont il rend compte de ce qui s’est passé à l’origine de notre identité, et puis d’autre part les événements que en tant que société nous avons à vivre.  

Pendant des siècles cette perspective de la lecture des textes et des événements, et de leur confrontation réciproque, a été plus ou moins occulte, indéchiffrable. Mais les événements que nous vivons ont maintenant une telle densité que ce dévoilement est évident.  

 

Ce principe en hébreu est « kol mah shéirar laavot siman labanim » « tout ce qui est arrivé aux pères est un signe pour les enfants ».  

 

Cela est vrai aussi au niveau de la psychologie élémentaire que ce qui arrive aux enfants est en germe dans ce qui arrive chez le père. On sait maintenant de façon beaucoup plus claire qu’il y a un passage de l’identité psychique à travers et autour de l’hérédité, entre ce qu’à été l’expérience des pères et ce que sera le destin des enfants. Au-delà de cette évidence contemporaine qu’effectivement le destin des enfants est en germe dans les événements que vivent les pères.

 

Mais au delà de cela il ne s’agit pas de n’importe quel père et de n’importe quel enfant dans cette formule: « kol mah shéirar laavot siman labanim »  

 

Lesבָּנִים  dont il s’agit c’est Israël dont le verset dit [Deut.14:01] :

בָּנִים אַתֶּם לַיהוָה אֱלֹהֵיכֶם

 

Ils sont les enfants du Créateur lui-même. Et par conséquent les אָבוֹת, les Pères les Patriarches sont appelés dans le vocabulaire traditionnel הָעוֹלָם אָבוֹת: les principes mêmes de l’identité humaine, « les pères du monde ».  

En particulier, nous nous trouvons dans les récits de la Sidra de cette semaine dans l’événement d’une rencontre entre Jacob et Esaü qui comporte deux étapes.  

Une étape où Jacob qui revient  à peine de l’exil de chez Laban où il a été exilé à cause de la haine d’Esaü, ce sont là les textes précédents, et Jacob revenant de cet exil de chez Laban propose la réconciliation et la paix à Esaü.  

 

Ce sont les premiers textes de la Sidra. Nous y voyons que la 1ère chose que Jacob fera en rentrant de son exil est d’envoyer des émissaires à Esaü pour lui proposer la paix. Or, au lieu d’une réponse de réconciliation et de paix, Jacob doit se préparer à une lutte. Il y a une lutte, et c’est au terme de cette lutte que Jacob se trouve être nommé Israël.  

Ce 1er thème semble central dans le récit. Tout ce qui précède converge vers cela et tout ce qui suit en découle : c’est le texte où Jacob va être nommé dans son titre et ensuite confirmé une 2nde fois dans son nom d’Israël.  

 

Ensuite nous reviendrons un peu en arrière en étudiant ce verset où Jacob reçoit son nom Israël, la structure du verset même nous renverra à cette 1ère étape où Jacob va préparer sa double stratégie décrite dans ces deux étapes : premièrement, tenter la paix et lorsqu’il devient évident que la réconciliation est impossible, alors c’est la lutte. Et au bout de cette lutte Jacob est déclaré être Israël.

 

Nous partirons de ce 1er thème : Je vous donne d’abord deux références :  

1ère référence :  

Le 1er verset dans lequel Jacob est nommé Israël, c’est le verset 29 du chapitre 32.  

וַיֹּאמֶר אֵלָיו מַה-שְּׁמֶךָ וַיֹּאמֶר יַעֲקֹב

Et Il lui dit quel est ton nom Et il dit Jacob  

 

Ce « Il » d’après le contexte, cet être qui va nommer Israël, c’est l’ange protecteur d’Esaü avec lequel Jacob était en lutte et cet ange finalement ne peut pas vaincre Jacob, seulement le blesser, et il avoue sa défaite dans le verset 32:29.  

וַיֹּאמֶר לֹא יַעֲקֹב יֵאָמֵר עוֹד שִׁמְךָ--כִּי אִם-יִשְׂרָאֵל  כִּי-שָׂרִיתָ עִם-אֱלֹהִים וְעִם-אֲנָשִׁים וַתּוּכָל  

Et il dit  ce n’est plus Jacob que sera dit encore ton nom Mais Israël (Et c’est la première fois que ce nom d’Israël apparait dans le récit biblique) Parce que tu as lutté avec/contre la divinité et avec/contre les hommes et tu as pu.  

 

Nous le verrons plus en détail, il y a là le raccourci de ce qu’a été l’histoire d’Israël, peuple des descendants de Jacob à travers l’histoire universelle et le jugement qui finalement a été porté sur Israël que c’est la seule identité humaine capable de se mesurer avec des puissances divines et humaines et de pouvoir les vaincre.  

En réalité, dans ce combat, lorsque l’homme lutte contre Dieu, il y a de la part de l’homme le désir d’être vaincu, parce que si l’homme arrivait à être plus fort que Dieu imaginez la catastrophe. Mais c’est surtout le sens de ce combat qu’il faut arriver à comprendre.  

Dans le contexte de ce verset, c’est l’ange protecteur d’Esaü qui reconnait à Jacob le nom d’Israël dont c’est la première occurrence dans le texte biblique mais comme si c’était quelque chose d’attendue.    

 

Pour nous à posteriori nous savions que c’est le nom qui devait lui être donné. Mais il faut suivre le texte en oubliant ce qu’il y a après -  c’est la méthode la plus saine de lecture – sinon on ne peut plus comprendre le sens d’un verset. Bien entendu, on ne peut pas oublier, mais il faut faire semblant : lire le texte comme si on n’avait pas encore lu la suite, sinon on ne peut comprendre le sens des rencontres que l’on fait pas à pas. C’est pourquoi nous lisons ces textes chaque année en les redécouvrant chaque année de façon radicalement nouvelle. On ne peut saisir la cohérence d’une péripétie si on la lit compte tenu de ce qui va se passer après.

 

Par conséquent, ici c’est la première fois que le nom d’Israël apparait : D’où sort ce nom ?

Il semble que dans un a priori du récit c’est ce nom-là qui est enfin attendu et qui est attribué à Jacob. Nous reviendrons plus en détail sur cet aspect de la chose. Voilà donc le premier contexte, le deuxième se trouve plus loin au chapitre 35, verset 10.  

 

2ème référence :

Chapitre 35, verset 10

וַיֹּאמֶר-לוֹ אֱלֹהִים שִׁמְךָ יַעֲקֹב  לֹא-יִקָּרֵא שִׁמְךָ עוֹד יַעֲקֹב כִּי אִם-יִשְׂרָאֵל יִהְיֶה שְׁמֶךָ וַיִּקְרָא אֶת-שְׁמוֹ יִשְׂרָאֵל  

C’est Dieu lui-même qui se révèle à Jacob (et il n’y a aucune différence avec l’ange protecteur d’Esaü bien entendu)  

Dieu lui dit ton nom Jacob Ton nom ne sera plus appelé Jacob Mais Israël sera ton nom

Et il nomma son nom Israël.  

 

C’est surtout le 1er verset que nous étudierons car nous avons ces deux niveaux qui nous éclairent sur la portée de ce terme Israël.  

 

:  כִּי-שָׂרִיתָ עִם-אֱלֹהִים וְעִם-אֲנָשִׁים וַתּוּכָל

Parce que tu as lutté avec/contre la divinité et avec/contre  les hommes et tu as pu  

Il y a deux combats de la part de Jacob : l’un vis-à-vis de forces de puissance divine et l’autre vis-à-vis des hommes. Ce principe nous aidera à comprendre l’exégèse des premiers versets de la Sidra lorsque Jacob se prépare à rencontrer Esaü après ces 20 ans d’exil et lui offre la paix. Il y a là un dialogue à deux niveaux.

 

3ème référence :  

Il y a encore un autre verset, au milieu de ces deux chapitres-là, c’est au chapitre 33 verset 20, que je me bornerais à vous citer avec les commentaires de Rashi.  

Lorsque Jacob après sa rencontre avec Esaü a acquis pour son compte le premier droit de possession de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל en achetant un champ près de la ville de Shkhem (qui est maintenant la ville de Naplouse). Abraham avait commencé le processus de droit d’acquisition du pays de la promesse. Il y a tout un thème sur le fait que le pays de la promesse doit être acquis : Israël a dû acheter un pays qui était son héritage ! C’est du jamais vu ! Des héritiers qui achètent leur héritage. De nos jours, nous avons racheté à prix d’argent ce pays. D’après une promesse dans un verset de Jérémie, qui vivait au temps d’une débâcle et où tout le monde croyait tout perdu, a prophétisé une consolation qu’il y aurait encore des tractations d’acquisition de la terre. La prophétie s’est réalisée à la lettre que les champs devraient être rachetés à prix d’argent, ce qui fut fait par le KKL (קרן קימת לישראל).

Abraham avait acquis ses droits en achetant Hébron et Jacob en achetant Shkhem.

Chaque fois qu’il y a des tractations entre les notables de Hébron et les notables de Shkhem, ils sont coincés des 2 côtés, c’est ou Abraham ou Jacob. Ce n’est pas la même position politique mais de toutes les façons notre dossier est le même.

 

Lorsque Jacob a commencé à être possesseur d’Israël, il a installé une stèle qu’il a consacrée à Dieu et le verset dit : 33:20

וַיַּצֶּב-שָׁם מִזְבֵּחַ וַיִּקְרָא-לוֹ--אֵל אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל

Il a installé là un autel et il l’a nommé El Dieu d’Israël  

 

Le Pshat est très clair et Rashi d’ailleurs en trois lignes (chez Rashi c’est très long) explique que le Pshat c’est que Jacob a donné, à la consécration de cet autel, l’invocation de Dieu devenu le Dieu d’Israël : אֵל אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל 

La péripétie est importante, c’est à l’occasion de la première acquisition par droit irréversible du pays de la promesse.

 

Je reviens en arrière : Je vous rappelle la scène chez Abraham : il avait besoin d’un caveau pour enterrer Sarah et il était déjà reconnu nous dit le contexte comme un prince divin. C’est rare que les contemporains arrivent à comprendre qui est un contemporain. Ils l’ont reconnu comme Abraham, celui qui restera dans l’histoire par la suite, et lui ont dit : « personne ne va te refuser un caveau, c’est cadeau ! »

Abraham s’entête et veut absolument acheter le caveau. Il y a là un thème important sur lequel la Guemara revient à plusieurs reprises : bien qu’il s’agisse de la terre de la promesse et qu’il aurait été normale de la recevoir en cadeau, Abraham a tenu que ce soit acquis, de telle sorte que les droits soient définitifs et irréversibles, à quelque niveau de juridiction que ce soit.  

Dans la juridiction rabbinique par exemple, un cadeau reçu pour habiliter les droits de possession nécessite un מָתַנָה שְׁטָר – un contrat de donation. Une autre procédure s’appelle קִנְיָן שְׁטָר le contrat d’acquisition qui implique un achat, min. une Proutah. Même pour une proutah symbolique mais juridiquement une קִנְיָן שְׁטָר est plus fort qu’un מָתַנָה שְׁטָר.  

 

Cela renvoie par ailleurs à une théologie tout à fait différente : croire que ce qui est promis doit être reçu en cadeau sans aucun effort est une théologie typiquement גוֹי. Croire que ce qui est promis doit être reçu grâce à un mérite fut-ce un mérite aussi symbolique qu’une Proutah est déjà d’un tout autre ordre de conception du monde.  

 

Par conséquent, on apprend que Jacob יִּקֶן אֶת-חֶלְקַת הַשָּׂדֶה a acquis le champ qui est devant Shkhem. C’est un thème important – comprendre pourquoi c’est à Shkhem que cette acquisition s’est faite.  

Quoiqu’il en soit, c’est là que Jacob commence le culte de reconnaissance du Dieu Créateur devenu le Dieu d’Israël et le Gorem de cela c’est le fait que Jacob devient le בָּעַל de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל par cet acte juridique.   

Ne pas croire que nous n’avons acheté seulement ‘Hébron avec Abraham et Shkhem avec Jacob, nous avons tout acheté et même un peu plus, et on nous doit encore des terres payées à l’avance.  

 

C’est le Pshat du verset : Jacob a invoqué Dieu sous le nom de אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל - Dieu d’Israël, mais Rashi nous dit qu’il y a un Midrash : « nos maîtres ont expliqué ce verset que c’est Dieu qui a nommé Jacob, El, Dieu, divin ».  

 

On relit le verset différemment à la suite du Midrash :

וַיַּצֶּב-שָׁם מִזְבֵּחַ וַיִּקְרָא-לוֹ--אֵל אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל

Il (Jacob) a installé là un autel Et Dieu d’Israël, אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל, l’a nommé El

 

C’est dire que Jacob représente effectivement une force redoutable, cette force dont nous avons déjà pris connaissance du verset qu’elle est capable de lutter contre Dieu et contre les hommes [32:29]:

כִּי-שָׂרִיתָ עִם-אֱלֹהִים וְעִם-אֲנָשִׁים וַתּוּכָל

Parce que tu as lutté avec/contre la divinité et avec/contre  les hommes et tu as pu.  

 

Et voici d’autre part que le texte à travers ce Midrash nous enseigne que Jacob s’appelle אֵל.  

Cela nous explique comment Dieu a nommé Jacob « אֵל » : en le nommant « יִשְׂרָ – אֵל ».

C’est donc le nom d’Israël que l’on doit maintenant comprendre.

 

1er thème :  

La différence de sens entre le nom Jacob et le nom Israël avant d’entrer plus profondément dans l’exégèse du sujet.  

Ben Ish ‘Haï grand commentateur kabbaliste du siècle dernier à Bagdad et qui a donné l’enseignement suivant. Il explique la différence entre Jacob et Israël en s’appuyant sur un verset d’Isaïe.

 

Jacob 186 + Mosheh 345 + David 20 = Israël  

Jacob n’est qu’une des forces, une des fonctions, qui vont faire l’être d’Israël.

Jacob est l’engendreur du peuple d’Israël : il y a une sélection d’identité au niveau des pères d’Israël. D’Abraham cela passe à Isaac et non à Ishmaël, d’Isaac cela passe à Jacob et non à Esaü. Jacob devient donc l’engendreur de cette manière d’être homme qui dans l’histoire sera Israël.

Mais ce n’est qu’une des catégories de l’être d’Israël.  

Il y a d’autre part Moshe. Lorsque les descendants de Jacob après leurs propres pérégrinations en Egypte et leur propre histoire deviendront une nation au moment de la sortie d’Egypte, Moshe leur révèle la תּוֹרָה. Moshe fait apparaître une toute autre catégorie que celle du אֲב que celle du père l’engendreur. C’est la catégorie non seulement du prophète mais également celle du maître. Celui qui révèle la תּוֹרָה. Et David plus tard est celui qui, premier roi d’Israël, rendra la תּוֹרָה de Moshe souveraine dans la société d’Israël. C’est la 3ème catégorie : le père, la maître, le roi… 

 

Ben Ish ‘Haï nous dit, d’une façon préfigurative de nos problèmes contemporains, qu’Israël est à la fois Jacob, Moïse et David.  

Par conséquent, le fait qu’à notre Jacob, celui dont nous parlons, soit déjà donné, reconnu, et destiné donné ce nom d’Israël, signifie qu’il est, à son niveau, déjà investi de ces deux autres fonctions qui authentifient l’identité d’Israël.  

Ces trois forces sont indispensables pour que l’être qui se nomme Israël dans le récit biblique depuis l’origine ; c’est-à-dire l’être pour lequel Dieu a voulu créé le monde. Puisque tous ces récits depuis le 1er homme finalement arrivent en gros plan à se fixer sur une manière d’être homme qui a rejoint ce projet qui se nommait Israël. C’est pour Israël que le monde a été créé.  

 

Tout ce que l’on sait à l’origine du récit c’est qu’il y aura un Israël. Mais qui sera cet Israël ?

Et voilà que depuis le premier homme, toutes les lignées humaines sont plus ou moins consciemment ou volontairement, tendues vers cette exigence de devenir l’être pour lequel le monde a été créé, c’est-à-dire de devenir Israël.  

 

C’est le sens de ce terme-là qui en fin de compte est reconnu à Jacob.

Cela veut dire que parmi toutes les lignées humaines possibles, une a émergé, celle d’Abraham. Et tout le reste est par ce jugement-là disqualifié. Ensuite pour rejoindre l’élan central il faut passer par le chemin d’Abraham et après celui d’Isaac et après celui de Jacob, cette sélection a un sens important. Et par conséquent, non seulement on arrive à Jacob - l’approximation la plus proche de ce que pourrait être Israël – mais voilà qu’à un certain moment Dieu lui-même nomme et identifie Jacob comme étant Israël, et puis c’est reconnu préalablement par le rival le frère jumeau qui aurait voulu l’être à sa place.  

 

Or, il faut trois conditions, trois forces, trois catégories, trois fonctions :  

- Jacob : D’abord celle de l’engendreur, il faut d’abord fabriquer cette manière d’être homme au niveau des corps, C’est l’histoire des engendrements qu’on nous raconte. On cherche quelle mère pourra donner au père les fils qu’on attend. C’est tout le sens des récits, fabriquer d’abord les Kélim.  

- Moïse : Il faut ensuite insuffler une âme dans ce Kéli. Moïse va apporter cette נְשָׁמָה avec la תּוֹרָה  

- David : Ensuite il faut réussir la souveraineté de vivre la תּוֹרָה.

Et cela c’est David qui le fait puisqu’il est le premier qui a rendu la תּוֹרָה souveraine en Israël, dans le peuple de Jacob.

 

L’authentification de Jacob en Israël est déjà annoncée à Jacob lui-même mais n’est réelle que grâce à Moïse et David.  

Ben Ish ‘Haï nous montre qu’effectivement ce résultat se trouve dans la Guématria :

Jacob 186 + Moshe 345 +David 20 = Israël 541  

Or, un verset d’Isaïe nous dit, prophétisant pour les temps à venir, si ces trois forces sont disjointes alors c’est la catastrophe. 

Si on a d’un côté un peuple qui se reconnait uniquement dans la catégorie Jacob, c’est la multiplication par copie conforme, uniquement au niveau de l’engendrement à l’état civil.  

Moïse c’est la vie enfermée dans les yeshivot loin du monde.

David la vie exclusive politique de la Knesset.

Trois forces radicalement différentes. Le peuple c’est Jacob, Moshe les Yéshivot, et David le נָשִׂיא.  

Il faut que les trois forces soient unies pour que ce soit vraiment Israël.

C’est ce qu’enseigne cette Guématria : Jacob + Moshe +David = Israël 541

Mais un David coupé de Jacob et de Moshe que peut-il faire ? C’est Ménélik : David, sans Moïse ni Jacob, se prenant pour le descendant de David le roi des rois. Le Négus.

Un Moshe, une religion juive, coupée du peuple juif et de la terre Israël ?

Un peuple juif coupé de Moïse et de David ?  

Il cite le prophète Isaïe (40:4) qui dit en parlant de la fin des temps:  

וְהָיָה הֶעָקֹב לְמִישׁוֹר

 « Et il arrivera que ce qui est tordu/tortueux deviendra droit » 

 

Alors on compare ces deux notions הֶעָקֹב  et מִישׁוֹר aux deux notions de יַעֲקֹב et יִשְׂרָאֵל

Qu’apporte de plus le nom Israël à l’identité de Jacob ?

Le terme d’Israël est expliqué par le Midrash comme étant «  יָשָׁר  – אֵל » cela veut dire « la droiture divine ». Finalement, la tentative a rejoint le modèle : יִשְׂרָאֵל =  אֵל יָשָׁר  

 

Or, pendant tout le temps de l’histoire, Jacob apparait comme littéralement, et étymologiquement d’ailleurs, comme le talonneur עָקֹב, le talon. Il est sorti en tenant le talon de son frère au moment de la naissance. Dans toute l’histoire de cette rivalité avec Esaü, Jacob apparait au fond jusqu’à la fin des temps, comme ce personnage du juif dans la littérature antisémite : celui employant des stratégies tortueuses pour arriver à ses fins.

 

Isaïe prophétise et a déjà prévu cela :

 וְהָיָה הֶעָקֹב לְמִישׁוֹר: « ce qui était tordu/tortueux deviendra droit » (la stratégie de Jacob qui est la stratégie de survie dans le monde terrestre de l’existence).  

Et le texte ne se gène pas, la תּוֹרָה est imperturbable qui nous raconte une histoire invraisemblable, le « vol » du droit d’aînesse pour un plat de lentilles... A qui peut-on faire avaler une histoire pareille ? Le plat de lentilles on peut avaler. Mais que Jacob ait obtenu le droit d’aînesse d’Esaü grâce à un plat de lentilles ? C’est donc qu’il y a autre chose…   

Je vous dirais simplement : On vient d’apprendre dans le texte précédent qu’Isaac était très riche et qu’il aimait son fils Esaü. Imaginez Esaü revenant de la chasse, comme le dit apparemment le texte et qu’il a besoin de manger, il n’aurait qu’à faire un signe pour que des dizaines de serviteurs lui apportent de quoi manger ! Mais que fait précisément Jacob à ce moment-là ? Un plat de lentilles !

Et c’est précisément cela qu’Esaü voulait manger sinon il va mourir ? C’est qu’il y a autre chose, en tout cas cela nous apparait comme tordu. 

 

D’autant plus que le texte [25:29] ne nous dit pas qu’il était affamé mais qu’il était « עָיֵף » qui en hébreu biblique signifie « fatigué de vivre ». Ce roux c’est donc un élixir de vie.  

Le texte dit de  Esaü « fais-moi manger de ce rouge » Et il s’appelle Edom.  

Et puis la 2ème fois avec l’aide et la complicité de Rivqah, Jacob obtient la bénédiction...  

Voyez, tout cela c’est וְהָיָה הֶעָקֹב לְמִישׁוֹר 

Si on fait un court-circuit dans l’histoire on retrouve le jugement des גּוֹיִם sur Israël dans la pire littérature antisémite  avec cette image d’Israël félon, traitre, parjure, tortueux, parasite… répandue par l’antisémitisme.  

Tout cela se révélera en réalité comme étant la droiture. Le tordu deviendra droit, et c’est le nom ultime d’Israël qui s’appelle Yeshouroun. On y retrouve la même racine.  

On peut dire que le nom d’Israël c’est le passage, l’effort, qui va de Jacob à Yeshouroun. Nous  retrouvons-là notre verset וְהָיָה הֶעָקֹב לְמִישׁוֹר 

 

Israël : Tout se passe comme s’il y a une sorte de prototype de l’homme réussi, qui est la vision que Dieu lui-même a eue de son projet lorsqu’il a voulu créer l’homme. Et ce prototype-là a le nom d’Israël a priori.  

 

Et puis il faut que dans l’histoire, par le biais de l’acquisition du mérite par la créature qui se fait elle-même, une manière d’être homme rejoigne ce projet et le réalise. C’est cette manière d’être homme-là qui est nommé du nom d’Israël.  

Chaque fois que l’on trouve dans la Bible cette expression qu’un homme a été nommé d’un nom, cela signifie qu’il est destiné à une certaine fonction, à une certaine destination. Liqro béshem cela veut dire destiner à… Un nom c’est le nom d’un métier dans le métier d’homme.

 

Aujourd’hui on a perdu cette חוֹכְמָה qui consiste à nommer quelqu’un, ou quelque chose même. C’est d’ailleurs la définition de la science : la science pure et simple consiste à connaître le nom d’une chose ou d’un corps. Si je connais le vrai nom d’une chose ou d’un corps j’en connais les propriétés et j’en connais la science.  

C’est identique avec le nom de l’homme. Le nom de l’homme désigne son essence, son rôle, sa fonction. Aujourd’hui on nomme de façon conventionnelle. Une Guemara dit que bien que de nos jours on ait perdu cette חוֹכְמָה, nommer son enfant c’est lui donner une destinée ou une destination.  

S’il y a une manière d’être qui est, avant même que l’histoire du monde commence, définie par le projet du Créateur, c’est au niveau d’une transcendance absolue, et il faut que l’histoire qui se fait y arrive. Par conséquent, on comprend ces catégories de l’alliance et de la bénédiction avec le Créateur : par là par où cela passe, passe également la בְּרָכָה et l’alliance. On pourrait dire l’inverse : l’alliance et la bénédiction ne sont confirmées que par là où passe cette rencontre entre l’effort historique qui se déroule dans l’existence et le projet.

 

Il faut dire par conséquent que cet être qui finit par devenir Israël - et nous somme à l’étape ultime où la descendance d’Abraham devient Jacob qui après cette rivalité et cette lutte avec Esaü est confirmé du nom d’Israël -  est donc doué d’une capacité de divination, dans le sens de deviner, ce que Dieu voulait. Et c’est ce qu’on appelle la prophétie. Tout se passe comme si à chaque fois à l’étape précédente on devine où il faut aller. Et ce n’est que si on y est arrivé que c’est confirmé.  

 

C’est vraiment une capacité de divination absolue. Savoir quel est l’effort à faire pour devenir Israël à chaque étape, c’est une invention radicale. Il faut réinventer ce que Dieu voulait et ce n’est que si on tombe juste que Dieu ce révèle pour dire que c’était cela : כִּי-טוֹב וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים  

C’est cela le mystère d’Israël : une manière d’être homme qui devine ce que Dieu veut ! 

C’est pourquoi la Bible à son niveau, et surtout les Midrashim nous disent : Rabbi untel a dit voilà ce que Dieu a dit... Comment Rabbi untel peut-il savoir ce que Dieu a dit ? C’est parce qu’il est Rabbi Untel, c’est-à-dire d’Israël…

 

Nous allons prendre le problème tout à fait au début :

Lecture des 1ers versets de la Sidra : Chapitre 32, verset 4 :  

וַיִּשְׁלַח יַעֲקֹב מַלְאָכִים לְפָנָיו אֶל-עֵשָׂו אָחִיו אַרְצָה שֵׂעִיר שְׂדֵה אֱדוֹם

Et Jacob a envoyé des מַלְאָכִים, des envoyés, des missionnaires, des chargés de mission. Une מַלְאָכָה  c’est un travail à faire. Les מַלְאָכִים  sont des « chargé de mission »…

32:4 

וַיִּשְׁלַח יַעֲקֹב מַלְאָכִים לְפָנָיו אֶל-עֵשָׂו אָחִיו אַרְצָה שֵׂעִיר שְׂדֵה אֱדוֹם

Et Jacob envoya des מַלְאָכִים  devant lui Vers Esaü son frère, en direction de Séir du champ d’Edom  

Vous remarquez tout de suite la répétition de tous les termes.

 

וַיִּשְׁלַח יַעֲקֹב מַלְאָכִים לְפָנָיו

Et Jacob envoya des envoyés devant lui (s’il les a envoyé c’est devant lui c’est donc une répétition)

 

 אֶל-עֵשָׂו אָחִיו

À Esaü son frère : (on le sait que c’est son frère c’est donc une répétition)

 

אַרְצָה שֵׂעִיר, שְׂדֵה אֱדוֹם

En direction de la terre de Sëir, du champ d’Edom. C’est évidemment une répétition.  

 

32:5 

וַיְצַו אֹתָם לֵאמֹר כֹּה תֹאמְרוּן לַאדֹנִי לְעֵשָׂו  כֹּה אָמַר עַבְדְּךָ יַעֲקֹב עִם-לָבָן גַּרְתִּי וָאֵחַר עַד-עָתָּה 

Il leur recommanda en disant: Là aussi une répétition. Ainsi vous direz à mon maitre à Esaü : Là aussi une répétition. Ainsi a dit ton serviteur Jacob : Là encore une répétition.

J’ai séjourné chez Laban et j’ai tardé jusqu’à présent...  

 

Tout cela se répète. Prenons uniquement ces deux versets. Nous prendrons pour clef de cette exégèse, en nous appuyant sur ce qu’en dit Rashi, précisément ce que nous avons vu précédemment à propos du 1er texte : c’est que tout se passe comme s’il y a un cas particulier de Jacob et c’est pourquoi c’est lui qui est nommé Israël. C’est le fait qu’il est capable de se mesurer tant à des forces divines qu’à des forces humaines.  

 

De quoi s’agit-il d’abord, dans cette notion de l’ange protecteur d’Esaü ?   

On apprend du récit biblique qu’à un certain moment de l’histoire humaine, les nations sont apparues, c’est-à-dire les différents génies nationaux différenciés à partir d’une humanité qui était une. C’est très exactement après l’épisode de la tour de Babel et le phénomène de la division humaine qui est indiquée par la division des langues. Alors que primitivement, l’humanité était universelle, indifférenciée ou plutôt unanime, la nostalgie et l’espérance sont restées qu’un jour reviendra le fait que l’humanité sera unie  et qu’il n’y ait plus les problèmes qui font de ce monde-ci un enfer, et les problèmes issus de la rivalité. C’est au fond le problème auquel nos sommes occupés depuis le début du récit. Cette unité a été perdue et il est resté les גּוֹיִם, les Nations.  

 

Alors le Midrash nous explique qu’à partir de ce moment-là, dans la réalité céleste si j’ose dire, l’unité divine elle-même est doublée parce que le Midrash appelle Familiah shel maalah mot emprunté du grec et qui est ensuite passé en latin et qui fait partie de l’hébreu rabbinique de la Mishna et donc du Midrash, et qui signifie la famille d’En-haut, la famille céleste. On dit aussi le tribunal d’en-haut.  

 

Cela signifie que indépendamment de l’unité divine absolue en soi, il y a aussi comme devant (c’est l’expression biblique: tu n’auras pas d’autre dieux de devant Ma face) comme s’il y avait des dieux devant la face de Dieu. C’est donc qu’il y a אֱלֹהִים עַל-פָּנָי אֲחֵרִים! 

 

C’est effectivement une sorte de différenciation corollaire de la différenciation  humaine : si l’humanité est une, alors il n’y a pour Dieu qu’une manière d’être providence pour l’humanité. Mais si l’humanité se différencie en autant de génies humains, alors il y a différentes manières pour Dieu d’être providence pour telle ou telle nation. Ces différents visages de la divinité une sont appelés dans l’angéologie les archanges, les שָׂרִים. C’est cela la Familia Shel Maalah, ou le Beit Din Shel Maalah, c’est-à-dire les différentes manières de la Providence divine corollaire aux différentes manières d’être homme.  

Dieu s’occupant des Français ne peut pas avoir le même visage que Dieu s’occupant des Allemands ou des Anglais ou des Turcs...etc.  

 

Il y a un שָׂר, un archange, une manière pour Dieu d’être diminué à l’envergure de la manière d’être homme diminuée que représente telle ou telle nation.

 

Ce qui signifie donc que chaque génie humain a littéralement un génie qui est son protecteur, qui est Dieu pour lui. Il y a un cas particulier, celui d’Israël, qui n’a pas de génie protecteur parce que c’est Dieu lui-même.  

On comprend pourquoi : parce que c’est en Israël que se cherche le visage totale, unifiée de l’identité humaine. Israël ne fait pas partie des גּוֹיִם. Chacun des גּוֹיִם possède un שָׂר mais Israël n’a pas de שָׂר!  

Et c’est pourquoi, lorsque Jacob aura à lutter contre Esaü, il aura aussi à lutter contre le génie d’Esaü. Il faut prendre ce terme de génie dans le double sens qu’il a en français. Le génie d’une nation peut désigner son genre, sa manière d’être, mais aussi dans le sens de l’être céleste qui est le visage de Dieu, Providence pour lui.  

 

Le Midrash nous dit que lorsque deux nations se font la guerre, elles se la font sur le champ de bataille, mais elle se gagne au ciel. La nation qui gagne est celle dont le שָׂר en-haut est plus fort. 

En guise d’exemple, il y a les mystères des faibles nations qui apparaissent plus fortes que les plus fortes des nations. C’est un mystère que l’Amérique ne soit pas venue à bout du Vietnam ou la Russie et la Finlande…

C’est parce que le שָׂר au niveau des réalités morales et spirituelles est plus fort.  

Cela se passe toujours à deux niveaux : celui de la réalité terrestre et celui de la réalité essentielle dont l’existence est la manifestation dans ce monde-ci.  

 

Alors l’objection dans notre problème est de savoir pourquoi Jacob a eu à lutter contre le שָׂר d’Esaü et contre Esaü. Comme a dit ce שָׂר d’Esaü quand il s’est révélé à lui, et le Midrash nous dit que c’est la dernière chose qu’il a dite et il a disparu, il a été vaincu et il a disparu et s’est résorbé, il lui dit :  

 כִּי-שָׂרִיתָ עִם-אֱלֹהִים וְעִם-אֲנָשִׁים וַתּוּכָל

Parce que tu as lutté avec/contre la divinité et avec/contre  les hommes et tu as pu.»  

 

Et puis il a disparu. Et c’est contre Esaü de chair et de sang (plus de sang que de chair d’ailleurs) et contre le שָׂר d’Esaü parce qu’il n’y a pas de שָׂר pour Jacob. Cela veut dire que Jacob est cette manière d’être homme exceptionnelle qui doit se débrouiller tout seul à lutter contre son rival et contre le génie de son rival. Alors que chez les גּוֹיִם entre eux cela se déroule aux deux niveaux. 

Nous savons effectivement que c’est ce que Jacob a réussi à faire à travers l’histoire.

Il y a 2000 ans, lorsque Rome a vaincu la Judée sur les champs de bataille, elle a gagné la guerre en bas mais elle l’a perdu en haut, parce que nous sommes les Judéens alors que les Romains ont disparu.

Cette lutte contre le génie de Rome n’est pas finie, on est en train d’en livrer les derniers combats, mais elle est perdue pour eux.

 

Ce Jacob dans cette occurrence historique qui était la Judée d’il y a 2000 ans qui a eu à lutter contre les armées romaines en chair et en os, et contre le génie de Rome. La guerre en bas a été perdue tout de suite – avec des péripéties – la dernière a été Bar Kohba... Mais la guerre en haut, et bien on a fini par la gagner. Et d’ailleurs on a inventé tous les commandos de choc possibles et imaginables.

Le principal commando a été la religion chrétienne qu’on leur a envoyée dedans pour les prendre par derrière. Et ils ne se rendent pas compte à quel point ils se sont fait avoir…

Imaginez l’humour de cette histoire : ils s’appellent avec componction la religion catholique apostolique et romaine !

 

En tout pour revenir à notre problème, effectivement Jacob a eu à lutter contre Esaü l’homme et contre le שָׂר d’Esaü en haut. Pourquoi ? Précisément parce que Jacob par définition n’a pas de שָׂר, n’a pas d’archange. Et c’est cela sa grandeur puisqu’il est la créature par excellence ; et donc la providence pour Israël, c’est Dieu lui-même !  

 

C’est un problème dramatique. Il faut arriver à découvrir que nous sommes dans une cohérence monothéiste. A la limite, cela veut dire que ce Dieu protecteur du rival d’Israël c’est le seul Dieu qui existe en tant qu’Il s’occupe de l’autre, qui est aussi sa créature. 

Par conséquent Jacob est le héros par excellence parce qu’il lutte contre Dieu lui-même, non pas comme dans un thème littéraire où le héros joue à lutter contre Dieu, mais c’est parce qu’il s’agit du monothéisme. Il lutte contre son propre Dieu, en tant que son propre Dieu s’occupe de l’étranger qui ne lui ressemble pas comme un frère comme dirait Musset.  

 

C’est pourquoi effectivement l’histoire d’Israël a été si dramatique, parce qu’il faut toute une stratégie lorsqu’on s’adresse à l’adversaire, alors en même temps lorsqu’on s’adresse à son protecteur en haut c’est d’une certaine manière à notre propre Dieu qu’on s’adresse. Alors on comprend le langage de Jacob :  

 

32:4 

וַיִּשְׁלַח יַעֲקֹב מַלְאָכִים לְפָנָיו אֶל-עֵשָׂו אָחִיו אַרְצָה שֵׂעִיר, שְׂדֵה אֱדוֹם

Et Jacob envoya des anges (pour en haut) devant lui (pour en bas) Vers Esaü (en bas) son frère (en haut), en direction de Séir (en haut) du champ d’Edom (en bas).  

 

וַיְצַו אֹתָם לֵאמֹר כֹּה תֹאמְרוּן לַאדֹנִי לְעֵשָׂו כֹּה אָמַר עַבְדְּךָ יַעֲקֹב עִם-לָבָן גַּרְתִּי וָאֵחַר עַד-עָתָּה

Il leur recommanda en disant Ainsi vous direz à mon maitre (en haut) à Esaü (en bas)

Ainsi a dit ton serviteur (il est en bas et c’est en haut) Jacob (c’est de haut en bas)….etc.  

 

Cela continue dans toute la Sidra. Il y a un langage dans cette stratégie qui s’adresse à ces deux niveaux simultanément. Nous avons compris clairement pour la lutte que Jacob a lutté et contre Esaü d’en-bas et contre Esaü d’en haut, le Satan lui-même.

 

Le problème de la naissance de Jacob est si difficile parce qu’un fils de Rivqah qui était elle la sœur de Laban fille de Béthouel l’araméen, fille de רָשָע, fils de רָשָע... dans toute la famille.

Rébecca, elle, est comparée à « une rose parmi les épines » « shoshanah bein ha‘horim ». Il est arrivé cela qu’il y a avait des épines partout et subitement une épine a donné une rose ! Alors on est allé cueillir la rose pour que par le parfum de la rose on puisse avoir l’enfant que l’on attendait…  

Seulement le risque c’est que la rose ne donne que des épines et puis c’est tout ! Etant donnée son origine, le fils de Rivqah comporte un risque. C’est pourquoi il a fallu qu’Isaac prie pour que Rébecca enfante parce qu’elle était stérile. Elle était stérile à cause de ce risque.  

Les Kabbalistes enseignent que la Guématria de רִבְקָה בֵּנ= Satan.  

רִבְקָה בֵּנ יַעֲקֹב = יִשְׂרָאֵל. Vous voyez la différence.

Si c’est un רִבְקָה בֵּנ סְּתָם cela fait un עֵשָׂו...

 

Ben Ish ‘Haï :

C’est ce que dit aussi le Ben Ish ‘Haï qui dit que Esaü c’est très dangereux, parce que :

עֵשָׂו = 376  = חַי נָּחָשׁ = 358 + 18.  Encore pire que נָּחָשׁ !

Vous voyez pourquoi on dit le samedi soir : « Ki lo na’hash beYaaqov » parce que le נָּחָשׁ est chez Esaü… Un Midrash indique qu’Esaü est né avec un serpent tatoué sur la hanche.  

 

Le problème c’est qu’on oublie à quel point c’est énorme que le calcul et les lettres, l’histoire et la réalité coïncident.  

 

Israël a été cette réalité historique qui a dû se mesurer avec tous les génies de civilisations les uns après les autres, et que quelque soient les péripéties des combats livrés sur terre, il n’y a pas de doute qu’Israël a démoli tous ces génies en tant qu’ils étaient devenues des idoles mêmes : une défiguration du projet du Créateur. Que reste-t-il de l’Egypte ancienne ? De la Grèce ancienne ? De la Rome ancienne ?... Des musées ! 

Mais Israël est toujours vivant : c’est ce que dit le Midrash : « Yaaqov avinou lo met !»  

Cette lutte contre les שָׂרִים, les uns après les autres, Jacob l’a réalisé - וַתּוּכָל et il l’a pu ! 

Il faut dire que dans cette péripétie, il est atteint à la hanche et que pendant toute la nuit de cette lutte contre le שָׂר de Esaü, Jacob est boiteux, plutôt claudicant comme il faudrait le dire.

 

Le Midrash dit quelque chose de difficile à comprendre qu’ « il boitait des deux jambes » : une naturellement et l’autre à l’issu du combat. Comment faire pour boiter des deux jambes ? 

Finalement, à la fin de cette nuit de combat, וַיִּזְרַח-לוֹ הַשֶּׁמֶשׁ, vayabo shalem, il est entré dans sa perfection shalem bémamono, bégofo, bétorato et à la fin de la nuit se dévoile qu’il a pu surmonter même toutes les blessures qu’il reçoit du monde d’en-bas.  

 

A la lecture de ces péripéties il est certain que la תּוֹרָה a voulu nous donner une indication, que le Midrash reprend par ailleurs, que pendant toute cette lutte, au terme de laquelle c’est Jacob qui arrive triomphant, Esaü a des victoires. Et ces victoires c’est toutes les familles d’Israël qui quittent Israël pour passer chez Esaü : ce qu’on appelle l’assimilation, l’apostasie...  

 

Effectivement, puisque le nerf en question גִּיד הַנָּשֶׁה est le nerf innervant les parties sexuelles, les organes génitaux, c’est dire que c’est dans les engendrements que Jacob est atteint : sa blessure c’est des familles qui quittent sa descendance. Et pendant toute la nuit, Jacob comme Klal est toujours victorieux du génie du שָׂר qui est en face de lui mais il y a toujours des  petits « jacobins » qui s’assimilent à l’adversaire.  

 

En fait, la Guemara dit que c’est vrai qu’il n’y a pas de שָׂר à Israël lorsqu’Israël est vraiment Israël. Quand Israël est vraiment Israël alors c’est Dieu lui-même qui est la Providence d’Israël, il n’y a pas d’intermédiaire. En langage théologique : il n’y a pas de médiateur. D’où ce destin difficile de Jacob qui ne peut pas compter sur un médiateur dans sa lutte avec le Dieu unique en tant que le Dieu unique est aussi le Dieu des autres. Cela signifie que c’est une lutte terrible.  

(Spinoza a un peu entrevu cela dans une de ses controverses avec Leibniz : Leibniz pour faire semblant de se moquer de Spinoza lui objecte d’après son système lorsque les Turcs font la guerre aux Allemands cela veut dire que Dieu modifié en turc fait la guerre à Dieu modifié en Allemand ? Spinoza a répondu : oui !)  

 

Quand Israël n’est pas vraiment Israël alors il y a un שָׂר et ce שָׂר s’appelle מִיכָאֵל.

Ce n’est pas n’importe quel שָׂר. C’est un שָׂר si j’ose dire qui n’a pas d’équation personnelle. Parce que מִיכָאֵל en hébreu cela veut dire מִי כָ אֵל - Qui est comme Dieu ! C’est-à-dire que lorsqu’Israël se fabrique un שָׂר alors c’est מִיכָאֵל, mais מִיכָאֵל n’a qu’une chose á leur dire c’est regardez plus haut : מִי כָ אֵל.  Même là c’est un cas particulier. En termes plus simples : cela veut dire que même lorsqu’un juif est athée, il n’est pas athée de la même manière qu’un גוֹי.  

Un de mes maîtres a expliqué cela ainsi: Quand un גוֹי est athée, il ne croit pas que Dieu existe, mais quand un juif est athée, il croit que Dieu n’existe pas.

 

Ce qui m’a beaucoup frappé lorsque j’ai étudié l’angéologie c’est de voir que quand les chrétiens l’ont repris pour l’appliquer à leur théologie, ils ont précisément pris comme שָׂר, comme archange, pour l’appliquer à leur Eglise, Saint-Michel. La France, fille ainé de l’Eglise, a eu le même שָׂר qu’Israël fils ainé de Dieu.  

Il peut y avoir des fiançailles mystérieuses entre les deux, pour le moment un peu tumultueux.  

Il y a de la part des fondateurs de l’angéologie chrétienne comme une sorte d’aveu en attribuant Saint-Michel comme archange à l’Eglise, et à la France fille ainée de l’Eglise, qui a le même שָׂר  qu’Israël fils aîné de Dieu. Il doit y avoir des fiançailles mystérieuses entre les deux. Pour le moment c’est un peu tumultueux.

 

Cela veut dire qu’il y a de la part des fondateurs de l’angéologie chrétienne une sorte d’aveu qu’en attribuant l’archange Saint-Michel à l’Eglise et à la France fille aînée de l’Eglise qui est censée avoir le rôle d’Israël dans le monde chrétien - rappelez-vous Saint-Louis pour qui il se prenait et d’ailleurs il a mis son trône dans la vieille ville de Jérusalem, ce qui rendait furieux De Gaulle quand Israël est entré dans Jérusalem parce qu’il voulait s’assoir dessus… -  cela veut dire qu’ils reconnaissent donc implicitement que l’Eglise est un Israël qui n’est pas exactement Israël puisque d’après les Midrashim sur lesquels ils se sont basés, Mikhael est שָׂר d’Israël quand Israël n’est pas vraiment Israël...  

Ces aveux ce sont des clefs laissées dans les serrures et le jour où il faudrait ouvrir les portes, les clefs seront déjà là…

 Je referme cette parenthèse, nous allons voir cela dans un Rashi.

 

Rashi :

Le texte dit : וַיִּשְׁלַח יַעֲקֹב מַלְאָכִים לְפָנָיו

Jacob envoya des anges

Et Rashi précise « מַלְאָכִים מַמָּשׁ  ».  

C’est un Rashi étonnant dont l’exégèse est très difficile: le texte dit que ce sont des anges et Rashi confirme que ce sont des anges.

 

En réalité, le texte dit qu’il envoie מַלְאָכִים לְפָנָיו devant Esaü.

Mais en hébreu וַיִּשְׁלַח יַעֲקֹב מַלְאָכִים לְפָנָיו cela signifie vraiment qu’il envoie des envoyés et qu’il vient derrière. Ce n’est pas qu’il va attendre que les envoyés reviennent vers lui pour lui donner le feu vert. Il les envoie devant lui et lui vient derrière donc ce sont des מַלְאָכִים מַמָּשׁ à ce niveau-là. Des envoyés pour annoncer qu’il vient et non des envoyés pour évaluer s’il peut venir. De toute façon il vient, il a pris la décision et l’initiative pour faire la paix.  

 

Dans le Midrash ce texte où l’on voit Jacob revenant de chez Laban et prendre l’initiative d’essayer d’amadouer Esaü en lui envoyant des מַלְאָכִים  a un jugement ambigu.  

-  D’un côté le Midrash a un jugement positif et loue Jacob  pour sa vertu alors qu’il pourrait laisser tomber Esaü qui est disqualifié complètement, Jacob est seul Israël...  Voilà que Jacob a une vertu supplémentaire pour tenter de sauver Esaü par la paix et de le reconnaitre comme son frère. C’est positif.

-  D’un autre côté, le Midrash juge négativement en disant que la Shekhinah pleure en s’apercevant que Jacob veut faire la paix avec Esaü et le considérer comme son frère.  

On a l’exemple contemporain de l’attitude israélienne partagée pour la semaine culturelle allemande : l’indignation ou l’effort de paix... les deux choses sont vraies simultanément.

 

A la lumière de ce qu’on a appris tout à l’heure, on comprend qu’il puisse y avoir ces deux niveaux. Dans la mesure où Jacob tente de sauver ce génie de son frère qui est l’adversaire au niveau des réalités célestes, alors le Midrash est content : Jacob est un surhomme. Mais dans la mesure où il s’agit de composer avec l’échec réel de la réalité terrestre au niveau du mal sur terre incarné ici par Esaü alors il s’agit là de complaisance et de la flagornerie...

Et les Juifs en général ont aussi l’habitude de ces deux attitudes et surtout Israël semblait faire fi de la dignité la plus élémentaire pour faire une réconciliation culturelle avec l’Allemagne... alors que tous les criminels nazis ne sont pas encore jugés…etc.  

 

En fait ce Rashi qui précise « מַלְאָכִים מַמָּשׁ » est une citation du Midrash. Et dans le Midrash il y a מַחְלֹקֶת. Certains ont dit shi’houlei bassar va dam envoyés de chair et de sang et d’autres disent מַלְאָכִים מַמָּשׁ et Rashi a tranché en choisissant cet avis de la מַחְלֹקֶת.  

On comprend la מַחְלֹקֶת dans laquelle les deux ont raisons puisque Jacob a bien envoyé les deux. Il a envoyé en haut desמַלְאָכִים  et en bas des וְדָמ בָּשָׂר שִילוּחֵי.

 

Et les מַלְאָכִים  sont revenus lui dire - verset 7 :  

וַיָּשֻׁבוּ הַמַּלְאָכִים אֶל-יַעֲקֹב לֵאמֹר  בָּאנוּ אֶל-אָחִיךָ אֶל-עֵשָׂו וְגַם הֹלֵךְ לִקְרָאתְךָ וְאַרְבַּע-מֵאוֹת אִישׁ עִמּוֹ 

Et les anges sont revenus vers Jacob… Alors que Jacob ne leur avait pas demandé de revenir

En disant Nous sommes allés chez ton frère chez Esaü…

Donc aux deux niveaux en haut et en bas.  et lui aussi vient à ta rencontre Avec 400 hommes de guerre avec lui...

 וְגַם , lui aussi : son שָׂר, son génie aussi vient  

 

 

C’est pourquoi au verset 8 :

וַיִּירָא יַעֲקֹב מְאֹד וַיֵּצֶר לוֹ וַיַּחַץ אֶת-הָעָם אֲשֶׁר-אִתּוֹ וְאֶת-הַצֹּאן וְאֶת-הַבָּקָר וְהַגְּמַלִּים--לִשְׁנֵי מַחֲנוֹת

Jacob a eut très peur Et a été dans l’angoisse...  

 

Ce וְגַם  est interprété par le Midrash de la manière suivante :

Ce n’est pas seulement Esaü qui vient faire la guerre contre Jacob, mais c’est également le génie d’Esaü qui vient lui-même. גַם   signifie qu’il y a quelque chose de plus.

On relie cela à un verset du livre de Job. Dans le début du livre, lors du jugement sur Job qui est éprouvé, les anges se sont rassemblés ce jour-là et même le Satan avec eux : vegam haSatan betokham. Le Midrash relie ces deux וְגַם.  

 

C’est pourquoi on retrouve encore une répétition dans le verset 8 :

Jacob a eut très peur et a été dans l’angoisse.  

Cela veut dire que le Midrash a voulu mettre en évidence un חִדֻשׁ.

 

La תּוֹרָה a dit que Jacob a envoyé des envoyés et pour un des enseignements du Midrash, le sens Pshat c’est qu’il envoie des envoyés chez Esaü en bas, mais il y a quand même un חִדֻשׁ c’est qu’il est obligé de faire aussi la guerre en haut. Alors c’est pourquoi le Midrash dit מַלְאָכִים מַמָּשׁ. L’autre enseignement du Midrash c’est que la lutte normale de Jacob c’est en haut au niveau des réalités célestes, mais il y a quand même un חִדֻשׁ du verset parce que Jacob doit lutter aussi en-bas au niveau des réalités terrestres. On retrouve donc le verset du début concernant le nom d’Israël : Jacob est nommé Israël parce qu’il lutte Parce que tu as lutté avec/contre la divinité et avec/contre  les hommes et tu as pu.

C’est toujours ce verset qui nous sert de grille de lecture.  

 

Alors le vrai problème d’exégèse de Rashi : alors qu’il a les deux enseignements pourquoi choisir seulement מַלְאָכִים מַמָּשׁ ?  

 

Je crois qu’on peut en schématisant un peu l’expliquer ainsi : Rashi se trouvait en pleine civilisation chrétienne, il était le maître de la communauté juive dans la France médiévale. Et par conséquent, il donne un bilan historique. Le combat de Jacob contre Esaü au temps où nous sommes depuis Rashi c’est surtout le combat d’en-haut. Lorsque Rashi nous dit des « anges vraiment » cela veut dire que nous devons être occupés surtout à ce combat d’en-haut, c’est-à-dire à la lutte contre le génie culturel de Rome. Et vous savez à quel point nous avons été trompés par ce génie culturel de Rome. Nous avons tous faits des études secondaires et parfois plus dans les écoles occidentales et Rome nous est toujours apparu comme une nation civilisée alors que du point de vue de la morale de la Bible cela reste une civilisation de barbares... La nation martienne par excellence : Esaü qui vivra par son épée…

 

Ils nous ont présenté cela comme une civilisation de noblesse alors qu’ils étaient tous des débauchés, des crapules, des barbares...etc. On s’est fait avoir par cela. Le juridisme romain c’est la chose la plus épouvantable qu’il puisse y avoir par rapport au destin moral d’un peuple. Et ils ont poussé le jésuitisme si j’ose dire en nous traitant de pharisiens : ils ont projeté le légalisme sur la tradition juive alors que le légalisme vient de chez eux.

Dura lex sed lex : « la loi est dure mais c’est la loi », c’est l’attitude romaine et non talmudique. La תּוֹרָה s’appelle חֲכָמָנָה, la miséricorde. Quand le talmudiste dit « la loi dit que » il dit : « la miséricorde dit que », à l’opposé du « dura lex sed lex » ! Cette déculturation des Juifs a été poussée à un point tel qu’on a figuré les tables de la loi de Moïse avec le symbole des tables de la loi romaine qui ont la forme d’un bouclier romain. Dessinées ainsi sur le הַקֹדֶשׁ הָאָרֹן. Les vraies tables de la loi hébraïque c’étaient deux cubes ! Avec piété et ferveur on a dessiné cela  ainsi alors que primitivement c’est la forme d’un bouclier romain. C’est la forme des tables de la loi de Rome !

 

On fête à ‘Hanoukka les Maccabiades à la manière des Olympiades ! Vous comprenez jusqu’où cela peut aller. C’est la blessure de Jacob à la hanche

Ou se gargariser en se disant que nous sommes la civilisation, le peuple du livre. Alors que c’est faux, nos sommes la civilisation de la tradition orale et c’est parce qu’on n’a pas de mémoire que l’on met les choses dans un livre. Nous ne sommes pas un peuple de libraires.  

Nous sommes le peuple de la תּוֹרָה שֶׁבְּעַל פֶּה qui est mise par écrite pour la préserver de l’oubli.

 

קֹהֶלֶת: ”assot sefarim eïn qetsfaire des livre sans fin.

Un חִדֻשׁ lit de la manière suivante : faire des livres alors il n’y aura pas de fin : multiplier les livres c’est retarder la venue du messie. Car chaque fois qu’un livre est écrit, il faut en tenir compte. Tant que c’est oral cela reste vivant, mais dès que c’est mis par écrit alors il faut encore en tenir compte...

 

C’est mis par écrit pour éviter le risque de l’oubli par manque de mémoire. Le dernier verset de la prophétie est un verset de Malakhi :

« זִכְרוּ תּוֹרַת מֹשֶׁה עַבְדִּי  Souvenez vous de la loi de Moïse mon serviteur » N’oubliez pas ! Il ne faut pas croire que la חוֹכְמָה est en Israël parce qu’il y a des livres. C’est ce qu’il y a dans les livres qui est la חוֹכְמָה et le contenu des livres ne s’apprend pas dans les livres mais de la bouche de quelqu’un qui l’a appris de quelqu’un ... sinon le livre reste fermé même quand il est ouvert.

On ne sait pas ce qu’il y a dedans. Il faut le Moré: celui qui fait voir au חֲכָמִים תַּלְמִידֵי

 

Une anecdote entendue à la radio : Un reporter dans une famille orthodoxe contemplant la bibliothèque avec Talmud Midrashim… s’adressant au chef de famille lui dit :

-Crois-tu qu’en lisant tout cela on devient חֲכָמִים ? 

-Mais cher ami il faut d’abord être חֲכָמִים pour pouvoir lire tout cela !

 

Finalement on arrive au dernier Rashi :

 עָתָּה עִם-לָבָן גַּרְתִּי וָאֵחַר עַד

J’ai séjourné chez Laban et j’ai tardé jusqu’à présent  

 

Rashi donne deux explications :

גַּרְתִּי  j’ai séjourné et j’ai étéגֵּר   étranger. Pas simplement j’ai habité et j’ai tardé : J’ai séjourné comme גֵּר. Voilà ce que Jacob veut dire à Esaü : tu crois que j’ai reçu la bénédiction que tu me reproches d’avoir volée mais en réalité je n’ai rien reçu de tout cela, donc tu n’as plus à m’en vouloir. Je ne t’ai pris que la condition de météque à l’étranger... De cela tu n’a pas à m’en vouloir. C’est effectivement la condition des Juifs tout au long de leur histoire ! Même quand on s’est cru descendant des Gaulois…

 

 

Rashi ajoute une 2ème explication :

J’ai séjourné chez Laban le רָשָע, « l’homme blanc », et malgré cela je n’ai pas été influencé par lui, et Rashi ajoute en citant un Midrash « שָׁמַרְתִּי מִצוֹת תַּרְיָ"ג et j’ai préservé les 613 commandements ».גַּרְתִּי  « j’ai séjourné » guématria = 613  (תַּרְיָ"ג)

Imaginons à quelle pression nous avons été soumis chez Laban, chez les blancs qui nous ont fait passé des nuits blanches comme dit Jacob : « même la nuit je n’ai pas dormi !». Et malgré cela nous sommes revenus avec un שׁוּלחָן עָרוּך sous le bras, 2000 ans après un voyage dans une telle civilisation. Faites attention à chaque terme : שָׁמַרְתִּי  j’ai préservé et non pas j’ai pratiqué : les Juifs n’ont pas pratiqué la תּוֹרָה dans la גָלוּת, ils l’ont préservé pour ensuite la ramener.

 

Q : mais la תּוֹרָה n’est pas encore donnée ?

R : Il y a une explication du Midrash : תּוֹרָה = 611 + les deux premiers du Sinaï (Anokhi + vélo yiyeh lekha entendus par le peuple qui n’a plus supporté d’entendre les suivant et qui a demandé à Moïse d’être intermédiaire) le Dieu unique et l’idolâtrie = 613. Si Jacob comprend ce que doit être la תּוֹרָה, il sait qu’il doit y avoir 613 commandements. Il  y a d’autres manières de le montrer.  

C’est préfiguratif de notre histoire.

Israël enגָלוּת  n’a pas vraiment pratiqué l’ensemble des 613 commandements mais seulement quelques uns,  mais il les a préservé et les a ramenés en Israël. Ce Rashi éclaire la portée de notre propre histoire :

C’est un effort gigantesque de vivre 2000 ans de clandestinité chez les גּוֹיִם comme nous les avons vécus et de s’en sortir avec la תּוֹרָה et la ramener.  

 

Pourquoi y a-t-il deux Rashi ?

On comprend très bien que Rashi pousse lui aussi la logique du texte. Il y a dans chacune de ces paroles deux niveaux :

L’un qui concerne Esaü sur terre : « Je n’ai pas été autre chose qu’un métèque !»

L’autre qui concerne l’en-haut : « Je peux être appelé Israël car j’ai réussi à être le juif de l’exil et de ramener malgré tout le שׁוּלחָן עָרוּך! »

 

Q : Lors du combat avec l’ange, Jacob savait à l’avance qu’il le vaincrait qu’il serait Israël puisqu’il est Jacob qu’il doit lutter contre l’ange parce qu’il n’a pas lui-même de שָׂר ?

R : Cela c’est nous qui le savons et c’est cela le mérite des pères : il fallait à chaque étape inventer la suite. Exemple avec le sacrifice d’Isaac : on peut facilement argumenter que Abraham savait que Dieu allait l’arrêter ? Nous, nous le savons, mais précisément Abraham, lui, ne le savait pas ! D’où son incompréhension et sa perplexité ! Un Midrash dit que le Satan lui parle pour semer le doute dans son esprit, pour lui démontrer que ce n’est pas Dieu mais le Satan qui lui a parlé… Le Satan se fait prendre pour Dieu en disant que c’était le Satan qui lui a donné cet ordre…  

 

Abraham le fait taire en disant qu’il sait ce que Dieu lui demande. La réponse est très forte d’ailleurs. Abraham est vraiment troublé par le fait que l’enfant de la promesse doit être sacrifié.  On pourrait penser que ce n’est pas celui-là mais un autre ? Mais le texte dit précisément « ton fils, ton unique, ton aîné, celui que tu aimes, Isaac... »

C’est justement une épreuve. Si Abraham est capable de rendre son fils alors il est à lui. C’est pour cela que dès qu’il fait le geste d’accepter, Dieu intervient : « ne fait rien à l’enfant » maintenant Je sais que c’est à toi...

Nous sommes dans cette seconde épreuve : celle d’Isaac : l’épreuve que le don de l’être que l’on a reçu, il faut en payer le prix. Quel autre prix payer que l’être lui-même ? Quel substitut on peut donner que l’être que nous avons reçu ?

Quels que soit nos mérites, ils ne contrebalancent pas le fait d’être puisque l’être préexiste à tout mérite. Par conséquent, si nous avons נֶפֶשׁ פִּדְיוֹן à payer le prix de notre être, il n’y a pas d’autre prix que notre être lui-même. Mais ce que Dieu nous demande ce n’est pas qu’on lui rende notre être, ce qui n’aurait aucun sens puisque c’est lui qui nous l’a donné. C’est tout à fait autre chose. A partir du moment où par un acte de volonté on serait prêt à le rendre, et il faut le faire, et si c’est sincère, c’est comme si on le rendait. C’est pourquoi c’est dramatique : alors à ce moment précis c’est acquis. Seulement pendant qu’on se trouve dans la péripétie on a vu vraiment.  

 

En réalité toute la vie de ce monde-ci avec toutes ces terreurs, ces angoisses et ces doutes c’est un cauchemar et pas autre chose, mais c’est un cauchemar qui est vécu vraiment. Il faudrait analyser cela plus longuement.  

Par exemple, Dieu dit à Jacob : « n’ai pas peur !»

A qui Dieu peut-il demander cela si ce n’est à celui qui est censé ne pas avoir peur ? Ou bien à quelqu’un qui est censé avoir peur ? Jacob ne doit pas avoir peur, mais c’est lui qui a peur. Et sa peur est vraie. Mais on sait d’autre part, et à postériori, ou même avant que au bout de cette peur, il n’y avait pas à avoir peur. Mais pendant qu’il est occupé à la peur, il a peur…

 

Midrash : au jugement dernier les צַדִּיקִים auront peur et les רֶשָעִים auront peur.

Les צַדִּיקִים auront peur parce qu’en se retournant ils verront qu’ils ont traversé un immense précipice, ils seront effrayés de voir ce dont ils ont eu le courage de faire. Les רֶשָעִים auront peur parce qu’en se retournant ils verront qu’il n’y avait qu’un fil à passer et qu’ils ne l’ont pas passé.   

C’est-à-dire qu’en réalité il n’y a qu’un fil à passer. Tant qu’on ne l’a pas passé c’est un précipice.

Alors on a peur ! Mais dés qu’on l’a passé on voit que ce n’était qu’un fil.  

Jacob, occupé à lutter contre l’ange a peur beaucoup nous dit le texte. Et une fois vainqueur il est devenu Israël.  

C’est cela la péripétie même de la vie.

 

Q : mais il a toujours peur d’Esaü ?

R : Sauf quand il devient Israël, il n’a plus peur, mais les autres ont peur de lui.

Il faut se rendre compte de la panique que représente Israël dans le monde aujourd’hui. Parce que le monde entier reconnait, même sans voir lu la Bible, que c’est cet être qui est capable de « lutter contre les puissances célestes et contre les hommes et de pouvoir le faire ».

 

Q : inaudible

R : Jacob lutte d’en bas contre le שָׂר de Esaü en haut et Dieu attend que Jacob gagne finalement contre lui-même puisque le שָׂר de Esaü c’est aussi Dieu. C’est dire si l’épreuve est sérieuse. Ce n’est pas un effet de style littéraire, c’est la réalité que nous vivons à l’extérieur dans notre confrontation aux puissances des civilisations qui sont des mythes vivant qu’elles véhiculent etc... Abraham déjà avait réussi à détruire les idoles, c’est ce qu’Israël fait à travers l’histoire. Nous luttons contre des forces réelles.

 

Q :

R : Un Midrash pose votre question. Le texte dit : « Et Jacob a eu peur beaucoup »

Midrash : Pourquoi a t-il eu peur ?

Réponse : De peur qu’il n’ait pas assez de mérites.

De peur que ses fautes lui fassent perdre la partie. C’est exactement ce que dit la Mishna des פִּרְקֵי אֲבוֹת: « n’ai pas confiance en toi jusqu’au jour de ta mort ».

D’où la conclusion logique : Faire תְשוּבָה un jour avant sa mort. Ce jour étant inconnu il faut faire תְשוּבָה chaque jour...

 

Q : inaudible

R : un שָׂר est vraiment un שָׂר Shel Maalah, c’est donc une vraie terreur de lutter contre de telles puissances. Elles sont un infini en soi.

Actuellement, déjà depuis une centaine d’années nous essayons contre l’assimilation de lutter avec les valeurs permanentes du judaïsme contre les grandes cultures des גּוֹיִם. …/…

Pour lutter contre ces géants que sont la culture grecque ou romaine... leurs universités...

C’est la manière d’être homme des Juifs et d’Israël, qu’il le veuille ou pas, qu’il le sache ou pas, qu’il est Jacob luttant contre l’ange. Nous luttons vraiment contre ces forces infinies avec un bâton dans la main.

 

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