L’OEUVRE DE LA CRÉATION
LES ENGENDREMENTS
JUIFS OU HÉBREUX
ISRAËL ET LES NATIONS
MESSIANISME
THÈMES FONDAMENTAUX

VAYETSE - SÉRIE 1984

Le cours

 

  (1984)  וַיֵּצֵא

 

Chapitre 28:10 - Chapitre 32:2

C’est une Sidra assez dense qui nous raconte pratiquement toute l’histoire depuis le début de l’exil de Jacob chez Laban. Le thème central de la Parashah est l’exil de Jacob chez Laban comme modèle de ce que seront tous les exils postérieurs.

C’est la 1ère fois que la תּוֹרָה nous raconte de façon explicite la fonction de l’exil et ses mécanismes historico-socio-politiques, dans un modèle qui est un modèle de préfiguration.  

On peut commencer par étudier les questions qui se posent à vous.  

 

Q : On est toujours surpris par la substitution pour prendre la בְּרָכָה et par ce qui se passe après qu’il trouve une femme plutôt qu’une autre, cela surprend chaque fois !

R : C’est le problème de Rachel et Léa, problème double avec Zilpa et Bilha. 

 

Q : L’attribut de Jacob est Emet, cela semble paradoxal, il est tout sauf Emet ?

R : Il aurait fallu ajouter « apparemment ». C’est une bonne question. 

 

Q : …

R : La fonction de la גָלוּת  de Jacob chez Laban, étant donné qu’on apprend en fin de Parashah précédente la consigne de Rivqah à Jacob de se réfugier chez le frère de Rivqah pour quelques jours יָמִים אֲחָדִים en hébreu. Or, tout se passe comme si Jacob prend lui-même l’initiative de s’installer. In extremis parce qu’il est obligé de fuir de nouveau la haine de Laban sur le conseil de ses filles qui sont ses femmes. L’analogie qui est faite entre la destinée de l’âme dans ce monde-ci,  son lien avec le corps, et l’exil en dehors de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל a-t-il une fonction ? L’exil a-t-il une fonction analogue à l’exil de l’âme dans le monde d’en-bas ? Il existe des textes à ce sujet. Y-a-t-il un rôle à l’exil et peut-on apprendre du modèle de la גָלוּת  quoique ce soit de cette destinée d’exil de la גָלוּת  de la נְשָׁמָה dans le monde des corps ?

 

Il y a une image dans le Zohar. Le Zohar transmet en général son enseignement par image. Et il faut d’abord comprendre l’image comme telle. En général les images sont analogiques – c’est la méthode logique la plus difficile. La déduction, l’induction c’est facile. Le raisonnement par analogie n’est pas simple avec son risque de se perdre dans les associations d’idées floues, fumeuses et approximatives. Le raisonnement par analogie s’appelle Guézera Shava dans le raisonnement talmudique, ou Ekesh, mais surtout Guézera Shava.

On n’a pas le droit de conclure un raisonnement avec certitude à partir d’un raisonnement par analogie si on n’a pas auparavant reçu confirmation de la tradition. Tandis qu’un raisonnement à fortiori on peut le faire pour soi-même. Le  raisonnement à fortiori c’est de l’ordre de l’induction et de la déduction. Dans les sciences, il y a des sciences dont la méthode est la déduction, par exemple les mathématique, des sciences dont la méthode est l’induction, par exemple la physique, et des sciences dont la méthode devrait être l’analogie, par exemple les sciences humaines. Mais là c’est la méthode la plus difficile à manier. Par exemple l’histoire. Quand on essaie de mettre en évidence des schémas régulateurs de l’histoire, on a tendance à employer la méthode analogique et c’est très délicat à manier.

 

Les images que nous transmet le Midrash du Zohar - Midrash particulier parmi les Midrashim - doivent d’abord être comprises comme image, et ensuite c’est plus qu’une image.

 

Je me rattache aux analyses d’hier soir pour ceux qui étaient là : On a comparé la נְשָׁמָה avant qu’elle ne soit donnée à un corps. La נְשָׁמָה va être comparée dans cette image à la lumière « אוֹר » qui vient dans un « Kéli » pour donner comme résultat une présence dans ce monde-ci. Toute présence dans ce monde-ci a un « Kéli » et un « אוֹר ». Le « Kéli » dans cette image  est le corps et le « אוֹר » est la נְשָׁמָה. Le נֶפֶשׁ étant le résultat de cette synthèse, ce mariage difficile entre la נְשָׁמָה, l’âme, et le corps. Dans le Zohar, on compare la נְשָׁמָה avant qu’elle ne descende sur terre, à une fille dans la maison de son père. Bat BéBeit Avikhav. Une princesse chez le Roi de l’univers. On lui demande ce qu’elle voit dans ce monde d’en-bas que vous connaissez, et ce qui l’attire dans ce monde d’en-bas pour qu’elle acquiesce à ce péril et ce risque... Peut-être ne va-t-elle pas remonter comme il le faudrait !

 

Alors, le Zohar répond : mieux vaut être une femme dans la maison de son mari même si c’est un charbonnier qu’une fille dans la maison de son père même, si c’est un roi. On voit la différence de position. Quelle est la différence ? C’est la catégorie du mérite. La fille dans la maison de son père est chez elle, mais chez elle à la façon d’une invitée. Tandis que la femme dans la maison de son mari est chez elle chez elle. Elle a acquis son Bayit si j’ose die. C’est une des images qui explique cette descente des âmes dans les corps. Parce que cette question vient d’un étonnement. Si on comprend de quoi on parle, l’étonnement est de comprendre ce que désire cette נְשָׁמָה en acceptant de quitter le monde des valeurs absolues pour descendre ce monde de boue et de cendre... avec ce péril extrême. C’est donc que cette motivation est très forte. Il y a donc une fonction, un rôle. On a une première pré-réponse : c’est la nécessité d’acquérir son mérite d’être, son droit d’être.  

 

Pour relier rapidement à la question posée, je vous citerais un autre thème :

On a posé la question dans la Guemara [Le Maharal a un chapitre très important dans Gvourot Hashem sur cette question de la Guemara dans ‘Houlin] : comment s’expliquer le fait que Abraham s’entend dire déjà avant que l’histoire de sa descendance ne commence, l’exil comme dimension presque sine qua non de l’histoire de sa descendance.

Cf. le verset citée dans la Hagadah de Pessah [Lekh Lekha 15:13] :

 בְּאֶרֶץ לֹא לָהֶם    יָדֹעַ תֵּדַע כִּי-גֵר יִהְיֶה זַרְעֲךָ

 « Savoir tu sauras que ta descendance sera étrangère dans un pays qui n’est pas le leur... »  

 

Nous avons de nouveau là un exemple vraiment central de ce que notre histoire nous est racontée avant qu’elle ne commence. Ici, il y a place pour l’indication très importante pour la tradition d’une formule qui est le mérite des pères - אֲבוֹת זְכוּת. Le mérite des pères est d’avoir adhéré au programme d’une histoire avant qu’elle ne commence et qu’il n’y ait un signe, un indice que cela les concerne. Alors que les fils ont 4000 ans d’expériences pour vérifier s’il s’agit de cela ou pas. Je referme la parenthèse.   

 

Maharal pose la question de la manière suivante : puisque déjà il y a des raisons pour que cette manière d’être homme commence à émerger de la préhistoire antérieure avec Abraham (dans les péripéties antérieures que nous lisons avec les Sidrot actuelles) comment se fait-il que l’exil n’ait pas commencé avec Abraham lui-même ?  

 

Il y a beaucoup de réponses pour cela. Abraham, comme tel, n’est pas concerné par l’exil. Ce n’est que dans sa descendance qu’apparaîtront et se dévoileront ou pas les tendances qui correspondent à la nécessité de l’exil.  

Mais une des réponses que donne le Maharal est très importante pour nous :

Si Abraham avait commencé l’exil, alors Ishmaël aurait été compris dans la promesse de la terre.

Nous pouvons voir que dans tous les contextes de la promesse de la terre, il y a l’annonce de l’éventualité de l’exil pour désigner l’identification à Israël.  

 

Alors si l’exil avait commencé  avec Abraham alors Ishmaël aurait été concerné par les promesses de la terre, Dieu préserve. Si Isaac avait été concerné par l’exil, Esaü aurait été concerné par les promesses de la terre. Dieu préserve ! Cf. même sans être concerné, les problèmes que nous avons avec lui…  

De même si Isaac avait été concerné par l’exil, Esaü aurait été concerné par les promesses de la terre : le royaume des croisés !   

 

Encore une fois, de même que pour Abraham, il y a des raisons particulières à Itzhak en tant que tel – sa manière d’être homme – qui fait qu’il n’est pas du tout concerné par l’exil. Abraham a voyagé en Egypte mais ce n’est pas en exil puisqu’il est reçu comme un prince. נְשִׂיא אֱלֹהִים אַתָּה בְּתוֹכֵנוּ que l’on lui avait déjà dit dans חַיֵּי שָׂרָה . Il est reconnu comme étant Abraham dans la civilisation égyptienne de ce temps-là, il est reçu avec les honneurs.  

Seul Jacob est vraiment concerné par l’exil, alors c’est pourquoi, alors qu’Abraham est sorti de son propre exil, la תּוֹרָה n’y fait allusion qu’en passant. C’est le Midrash qui nous reconstitue les conditions de l’exil d’Abraham à Our-Kasdim. Cela aurait pu être considéré au niveau d’Abraham par la תּוֹרָה comme le 1er modèle de l’exil, mais la תּוֹרָה passe là-dessus par allusion. Tandis que le 1er modèle de l’exil va concerner Jacob. Je raccroche à l’analyse du Maharal que vous avez en tête, Jacob est la seule lignée d’Abraham qui prend sur lui l’éventualité de l’exil.

 

La descendance d’Ishmaël, l’islam, a voyagé partout, mais partout en conquérant. Ce n’est pas un exil. Les Juifs comprennent ce qu’est l’exil. Peut-être sommes-nous la dernière génération à comprendre si Dieu veut, mais en tout cas je sais déjà que nos descendants immédiats, les israéliens, n’arrivent pas à comprendre de quoi il s’agit. Ils sont déjà ailleurs.

 

De la même manière Esaü et sa descendance, la chrétienté, et le type de civilisation qu’il a suscité, l’empire romain, a également voyagé partout mais toujours en conquérant. Jamais en exil.

 

Seule la descendance de Jacob qui donne en fin de compte le peuple juif, mais déjà en tant que peuple hébreu dans l’exil d’Egypte qui est l’exil déjà à l’échelle de la société - le modèle étant l’exil à l’échelle individuelle de Jacob chez Laban - seul Jacob a pris sur lui l’éventualité de l’exil.

 

Les circonstances dans lesquelles cet exil se passe, vont dépendre du partenaire. Le partenaire étant l’humanité ambiante, l’humanité universelle. Ce n’est pas à priori fatal que l’exil soit aussi catastrophique que celui qu’on a connu. Cela dépend aussi en grande partie des גּוֹיִם chez lesquels on est retenu. Et avec un jeu de feed-back et de réciprocité permanente et de responsabilités redéléguées cent fois... Un grand proverbe de la sagesse juive populaire est très profond : « les גּוֹיִם ont les Juifs qu’ils méritent et les Juifs ont les גּוֹיִם qu’ils méritent. »  

 

C’est déjà une première indication de réponse : bien sûr qu’il y a un rôle dans la relation à l’universel humain. Il n’y a pas de fatalité à priori que cette relation à l’universel humain qui fait partie de la destination d’Israël, de la destinée d’Israël, de la manière d’être homme Israël, annoncé à Abraham tout de suite ne doit pas forcément, par fatalité à priori comme je le dis, s’exprimer et  se réaliser dans une persécution catastrophique comme cela l’a été le plus souvent. Pas toujours mais le plus souvent. Cela dépend des circonstances de l’alliance d’exil, si vous voulez, ou de l’alliance de diaspora pour employer un terme susceptible de réintégrer l’autre dimension éventuelle.  

 

Il y a donc d’une certaine manière une nécessité d’aller en voyage pour Jacob.  

Mais n’oublions pas qu’il y a deux motivations à son voyage.  

Si nous relisons les textes précédents :  

-  la motivation de Jacob qui quitte כְּנַעַן אֶרֶץ depuis Beer-Shev’a est selon la consigne que son père Isaac lui avait donné dans les textes précédents : c’est précisément de prendre femme dans la famille d’où Abraham était sorti.  

-  La motivation de Jacob selon la consigne de Rivqah c’est de s’enfuir de la colère de son frère Esaü et de se mettre à l’abri.

 

A priori de ces deux motivations concrètes elles-mêmes, et en les récapitulant, l’éventualité de la relation à l’universel ambiant extérieur a lieu à travers son visage le plus proche à chaque étape des temps de l’humanité.  

Et ce visage le plus familier de l’humanité extérieure pour Jacob (qui est lui l’identité Israël en germe - c’est à son retour de l’exil qu’il sera nommé Israël), c’était Laban. Il avait le Goï privilégié l’oncle. Qui va devenir le beau-père. Et cette situation la plus privilégiée s’est avérée être la plus critique du point de vue des avatars et des éventualités de l’antisémitisme à la clef de l’exil.  

 

Il y a donc effectivement là une analogie dans cette image bien évidemment. Ce n’est pas l’objet de l’étude. De la même manière, la נְשָׁמָה, l’âme, va en exil dans le corps parce qu’elle a un rôle à jouer.  

Les droits de Jacob pour la terre comporte son acceptation de l’éventualité de l’exil, opposée à Ishmaël et Esaü. De la même manière les droits de s’acquérir comme femme de son mari pour la נְשָׁמָה. C’est un niveau supérieur à celui de fille chez son père (qui est cadeau). Il vient un stade où elle préfère être femme chez elle par elle-même. Même chez un charbonnier…

 

J’ajoute simplement un point de cette analyse :

Je pense que nous vivons aussi par rapport à ce thème là des temps privilégiés : c’est la première fois que des chrétiens ou des musulmans sont en exil en Israël ! Et c’est un exil doré pour eux ! Ce n’est pas le genre d’exil que nous nous avons connu, minorité dans une majorité hostile.

 

C’est la première fois où la conscience d’Ishmaël et celle d’Esaü ont fait l’expérience de l’exil. Et dans une situation privilégiée.

Il est possible qu’ils aient à faire cette expérience pour qu’un dialogue futur soit possible et qu’on commence à s’expliquer. Mais je crois que l’expérience est faussée, parce que ce n’est pas l’exil tel que nous l’avons connu…      

 

***

 

Q : Je voulais vous posez la question de וַיֵּצֵא יַעֲקֹב. Rashi dit וַיֵּלֶךְ יַעֲקֹב.

N’est-ce pas un prélude à la Yéridah ? Vous avez dit une fois que les patriarches, l’un représentait la Alyah (Abraham), Isaac représentait le Sabrek, il n’est jamais descendu, et Yaaqov qui est Yored ?

R : Oui j’ai du vous dire cela rapidement en passant…

 

Q : Oui. Alors « Vayiti Yaaqov » n’est-ce pas un prélude à la Yéridah « וַיֵּרֶד יַעֲקֹב» ?

R : Non, dans ce plan que Abraham est le Olé de Our-Kasdim, Isaac n’a jamais quitté le pays, et puis Jacob est descendu en exil, mais c’est l’exil d’Egypte, ce n’est pas celui-là. Et là l’expression de וַיֵּרֶד מִצְרַיְמָה, le verbe de « descendre » est employée par le texte. Et c’est plus tard. C’est quand il va en Egypte rejoindre Joseph. Il va mourir là-bas et on va ramener son cercueil comme le font les Juifs de la גָלוּת  quand ils ne viennent pas vivants. C’est à peu près cela.

 

Il me revient quelque chose de ce que je voulais vous dire :

Cette fonction de l’exil que nous voyons être explicité ici avec Jacob comme modèle de l’exil chez Laban, [pas l’exil où il va rejoindre Joseph qui va être l’exil des 400 ans qui vont devenir les 210 ans en Egypte], c’est la fonction de l’exil dans la relation à l’universel, et il n’est pas nécessaire que cela dure si longtemps. C’est le début de la question de Rachel. Le fait que cela dure si longtemps et qu’on s’installe est un problème en soi, et qui comme tel est la cause centrale de ce que la fonction de l’exil se complique tellement et devient catastrophique.

 

Je vous donne une autre image tirée des Midrashim. Entendons là d’abord comme image mais c’est plus qu’une image : 

Tout se passe comme si à certain moment de l’histoire, l’humanité est comparée à une matrice qui est fécondée par l’identité d’Israël. Le temps de l’embryon correspond donc au temps de l’exil pour Israël. Israël en exil est comme un embryon au sein de l’universel humain. Arrive le temps de la naissance, s’il y a empêchement, alors survient une catastrophe, et pour Israël et pour l’humanité. Parce que le עֻבָּר - l’embryon, ne pouvant pas naître, empoisonne sa mère, qui est tellement empoisonnée qu’elle empoisonne son fils...

C’est les temps tragiques de l’antisémitisme de paroxysme. Le temps arrive d’une fin d’exil et rien ne survient, Alors il y a empoisonnement. L’enfant qui ne veut pas naître rend fou la mère qui devait en accoucher, et la mère, devenue folle, rend fou l’enfant à naître...

On a vécu malheureusement une période pareille avec le temps du nazisme, sans trop chercher une analogie forcée.  

 

Chaque fois que nous parlerons de la fonction de l’exil, il ne faut pas oublier que la fonction de l’exil n’a de sens, de vraisemblance, que comme 1er moment d’un mouvement double :

-  le mouvement d’Israël vers les nations, l’exil et la relation à l’universel.

-  le mouvement de retour à Sion.

גָלוּת  fait partie d’un diptyque גֵּאֻלָה -גָלוּת  . Sans la notion de גֵּאֻלָה, la notion de גָלוּת  n’a aucun sens.  

Ici on retiendra cette question qui est importante pour elle-même : Cette installation de Jacob dans son exil. Il y a une éclipse dans tout ce récit de la relation de Jacob avec ses parents en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל auxquels il ne donne même pas signe de vie.  

Cette motivation de Rivqah « et tu seras là bas יָמִים אֲחָדִים quelques jours » comporte une autre consigne : « et je te ferais appeler de là-bas ». Et il n’y a aucune trace du texte que cela s’est réalisé.

J’ajoute, sans avoir de source à vous citer pour cela : Avait-il besoin qu’on l’appelle pour revenir chez papa-maman ?  

 

Nous verrons, surtout dans la Parashah suivante qu’il y a deux niveaux d’identités différents : Jacob et Israël. Quand Jacob reçoit le nom d’Israël il a une autre stature, un autre profil.  

Au niveau Jacob on va nous faire la carte d’identité du point de départ.

La תּוֹרָה nous a donné un gros plan sur la tendance de Jacob à être de l’exil.

 

Dans la Kabbale on a fait une analogie :

De la même manière que Jacob a eu deux femmes Léa et Rachel, il y a deux Talmud, le Yeroushalmi et le Bavli. Le Bavli est comparé à Rachel, femme de Jacob, à l’indice exil. Le Yeroushalmi est comparé à Leah, femme de Jacob, à l’indice אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל.

 

On voit dans l’histoire, que de la même manière que Jacob a préféré Rachel, les Juifs ont préféré le Talmud Bavli ! La Kabbale donne des tas de vérifications numériques de cette analogie mais je vous la donne formellement comme cela.  

Tout se passe comme si cette identité que nous appelons Israël mais dans son indice Jacob avant d’avoir reçu l’authentification du profil d’Israël à proprement parler, a une espèce de préférence pour Rachel qui se traduirait par une tendance pour l’exil qui, dévoilée comme fait historique, est incompréhensible, mais qui a cependant des explications traditionnelles. En particulier, je crois qu’en bonne part il s’agit de la tendance à l’universel.  

 

C’est la capacité d’exil qui dévoile la tendance à l’universel authentique et réelle. Pas sous son aspect d’impérialisme tel que celui d’Ishmaël ou d’Esaü, mais sous la forme de la relation à l’universel telle que Jacob l’a pris sur lui, dans sa forme de l’exil : la communauté juive indexée sur la cité des autres en tant que communauté avec le risque des ghettos et tout ce que cela implique. Il y a aussi ce qu’on apprend avec le modèle de l’exil en Egypte ce que le texte dira de la sortie d’Egypte du livre de l’Exode avec la nostalgie des allocations familiales d’Egypte, en mauvaise part. Mais même quand les Juifs étaient très malheureux en exil, sans allocations familiales, leur souhait de « l’année prochaine à Jérusalem » était tout autant mythique ! C’est cela qui travaille là.   

 

Mais quoiqu’il en soit en bonne part, il est bien évident que c’est la relation à l’universel.

Il faut mettre cela en évidence, c’est la prérogative de Jacob en tant que peuple. Nous retrouvons cela dans l’histoire du peuple d’Israël. Jacob est nommé Jacob dans l’indice de l’exil, et il est nommé Israël dans l’indice du retour. N’oubliez pas cette règle.  

 

En prenant acte des faits sans les interpréter, on ne peut pas manquer de voir qu’il n’y a qu’une seule manière d’être homme au monde qui est capable d’être aussi n’importe quelle autre manière d’être homme au monde, c’est le peuple juif. Ce qui dévoile cette capacité, malheureusement dans la caricature et la catastrophe, c’est l’exil !  

 

Comme je vous le disais tout à l’heure c’est le seul peuple qui ait pris sur lui l’éventualité de l’exil. Qu’y-a-t’il concrètement ? Premièrement cela ! Cela n’existe nulle part dans l’humanité : une collectivité humaine qui est elle-même, quelque soit la difficulté d’être, et qui peut être en même temps n’importe quelle autre manière d’être homme par permutation circulaire. Les Juifs peuvent être allemands, italiens, anglais, français… judéo- quelqu’un d’autre... Avec un patriotisme local inouï.

 

Q : comme les Arméniens ?

R : Non, les Arméniens ne sont pas du tout dans le cas de l’exil d’Israël parce que l’Arménie comme métropole a toujours existé malgré l’exil des Arméniens exilés. Et en fin de compte lorsqu’un arménien s’assimile il n’est plus arménien. Mais il s’agit d’une diaspora. Il y a en plein. Pas seulement des Arméniens. Il y a la diaspora des Allemands en Amérique par exemple.

 

  1. Les Gitans ? 

R : Le peuple des gitans y ressemble beaucoup plus que les autres diasporas humaines. Je crois que la mort commune qu’ils ont connue au temps du nazisme a énormément rapproché les Gitans et les Juifs. Enormément. Je ne veux pas vous parler des Gitans cela ouvrirait une trop grande parenthèse.

On peut noter que cela ressemble beaucoup plus. Malgré tout on ne trouve pas chez les Gitans ces phénomènes inouïs de l’émancipation des Juifs dans cette contradiction : s’assimiler tout en restant soi-même et différent des autres.

 

Midrash : une image inventée un  jour pour expliquer l’identité juive de diaspora à propos de ‘Hanoukah :

Un jour une graine de pommier est arrivée avec le vent dans une sapinière. La graine a germé et un pommier est né parmi les sapins…

A force de voir autour de lui que des sapins, il s’est pris pour un sapin.

Un jour un dialogue commence à l’initiative d’un vrai sapin :

- Mais toi qu’est-ce que tu es ?

- Je suis un sapin !

- Mais tu ressembles à un pommier !?

- C’est que je suis un pommier !

- (Ultimatum du sapin) : Sapin ou pommier ?

Il a réfléchit et il lui dit :

-Sapin !

- C’est très bien, Noël approche, on a besoin d’un sapin, et tu vas voir ce qu’on va te faire...

 

C’est un peu cela : une espèce de passage à la limite de la caricature du patriotisme local incroyable.

Cela se dévoile dans la caricature, mais ce qui se dévoile c’est la tendance à l’universel. C’est une chose que les גּוֹיִם n’arrivent pas à comprendre parce que les deux intentions sont sincères, tant le repli dans la spécificité du premier que l’aller vers l’universalité du second.

Il y a donc quelque chose qui travaille là.  

La question est de comprendre ce יָמִים אֲחָדִים. Il s’agissait de quelques jours ! Pourquoi si longtemps ? Une sorte d’installation qui est vraiment une sorte de modèle explicatif de ce qui se passe dans nos exils. Cela peut être un des éléments de définition de l’exil de Jacob chez Laban comme modèle des exils. Lorsqu’on en étudie les péripéties, on voit que les mécanismes sont ceux du modèle type de toute histoire de l’exil. Cela commence d’abord par l’enthousiasme de se mettre au service de la cité humaniste trouvée quelque part. Se mettre au service de : Jacob devenant berger des troupeaux de Laban ... il lui améliore ses troupeaux. Dès que les Juifs arrivent quelque part c’est ce qui se passe dans le monde économique. Vers la fin de la Sidra et de l’exil, le beau-père qui est l’oncle s’énerve...  Tristan Bernard humoriste juif disait: « on bloque les compte et on compte les blocs ». Exactement ce qui se passe et ce que Laban va dire à Jacob. Alors Jacob s’enfuit in extremis grâce à l’intervention de ses femmes… etc.  Nous vivons cette histoire.

 

Qui peut répondre à cet étonnement ?

Premièrement on a pris acte de cette dimension d’identité qui travaille les Juifs. Quand il reçoit le nom d’Israël c’est fini, c’est un deuxième niveau, un deuxième profil. Israël en voyage est en voyage et ne se prend pas pour le gendre de personne. 

 

Question de Léa et Rachel :

Nous avons un Midrash qui explique la stratégie de Laban.

Il va utiliser l’argument que ce n’est pas la coutume chez lui de marier la cadette avant de marier l’aînée. Le Midrash met en évidence ce qui était arrivé : Jacob a dû dans la Parasha précédente prendre aussi le rôle d’Esaü. Alors Laban lui dit : tu t’es fait prendre pour Esaü ? Tu vas prendre aussi celle qui était destinée à Esaü !

Cela veut dire qu’au niveau des fonctions aussi il y a un parallèle absolu. Léa l’aînée était promise et fiancée à Esaü l’aîné selon le Midrash. Et Rachel la cadette était promise à Jacob le cadet. Il y avait deux missions à résoudre et il y a avait division du travail suivant la stratégie providentielle de la naissance des jumeaux. L’un des deux, Esaü, s’est disqualifié complètement et Jacob a pris aussi la tâche d’Esaü.

 

Des 4 formes possibles une seule pouvait réussir c’était l’homme de la vocation spirituelle qui s’occupe aussi de la vocation matérielle.

 

La rivalité qui va apparaître avec Esaü dans l’histoire, c’est que l’homme de la vocation matérielle va usurper la vocation spirituelle et la rendre impure. La voix de Jacob et les mains d’Esaü c’est les Romains lisant la bible en disant « je suis Israël !» Pour un juif de tradition juive, il n’y a pas plus claire usurpation d’identité. Voyez dans le contexte la terreur d’Isaac lorsqu’il se rend compte de cela : dans sa pensée c’était un Esaü qui avait la voix de Jacob, et il a une terreur absolue ! Dans la réalité, c’est un Jacob qui avait les mains d’Esaü. Et donc finalement Jacob a du prendre sur lui aussi la tâche de Esaü. Et il n’aime pas cela tant qu’il est Jacob. L’homme de la vie spirituelle n’aime pas l’agriculture. C’est la différence entre les Kibboutzim et les Yeshivot. Jusqu’à ce qu’on arrive à trouver ce miracle actuel des Barour Yeshiva qui sont dans les Kibboutzim !

 

Pour revenir à notre problème, j’ai deux choses à vous indiquer : Jacob est nommé Jacob dans l’indice de l’exil, et il est nommé Israël dans l’indice du retour.

C’est en tant qu’il est l’époux de Léa que Jacob reçoit le nom d’Israël.
C’est en tant qu’il est l’époux de Rachel qu’il reçoit le nom de Jacob.

Laban à Jacob : « tu as pris l’identité d’Esaü, tu vas prendre aussi celle qui lui était destinée ! »  

 

L’erreur faite couramment dans ce contexte :

Jacob a travaillé 7 ans pour obtenir Rachel : on lui a donné Leah et ce n’est pas qu’il a du encore travailler 7 ans pour avoir Rachel. Selon le verset 7 jours après il s’est marié avec Rachel. Mais en réalité il a travaillé 7 pour Rachel encore 7 pour Rachel à cause de la substitution et 7 ans encore pour le troupeau 3x7=21, Donc c’est bien au bout de 20 ans qu’il s’est enfui, un an avant l’achèvement de sa tâche du point de vue du temps.

A ce propos un des enseignements des Midrashim : 3x7=21 : cette année restante due, « volée », nous a coûté trop cher. On l’a retrouvé à un autre indice logarithmique dans les 400 ans de l’exil d’Egypte qui n’étaient pas suffisant, car on est sorti 190 ans avant, alors on l’a payé avec 1900 ans d’exil de l’exil contemporain.  

Il n’y a pas de doute que dans dimension de cette histoire de Jacob chez Laban on voit que Jacob préfère Rachel. Qu’est-ce que cela signifie dans notre histoire ? Le peuple juif a préféré l’exil et l’installation dans ce qui était connu a priori comme un voyage provisoire.

 

Je vous en fais la micro-analyse : Au début d’un exil, les Juifs sont installés sur les valises, ils savent qui ils ont, et où ils sont. Très rapidement, l’exigence réelle du retour se sublime et devient mythique. C’est l’installation : Jacob et Rachel.  

Pour les commentateurs Rachel est la femme de Jacob. Jacob-Rachel. Léa est la femme de Jacob-Israël : Israël-Léa.  

Rachel est « shayeret lagalout » la matrice d’Israël en exil. C’est pourquoi elle va mourir au moment où Jacob revient en passant la frontière et en enfantant Benyamin.  

A partir du moment où Jacob revient, les tribus ont déjà été engendrées dans l’exil – un peu à la manière où dans notre temps contemporain le diagnostic, l’identification par tribu s’est estompée dans le temps – sauf pour la tribu de Lévi et pour certaines familles qui connaissent leur lignées sous forme de livre des généalogies et savent à quelle tribu se rattacher - mais aujourd’hui ce découpage est autre. C’est le découpage en communautés différentes. De la même manière que les tribus ont été engendrées en l’exil dans la relation à l’universel humain, les communautés, les עֵדָוֹת, ont été suscitées dans la relation à l’universel humain. Qu’est-ce qui fait la différence entre un séfarade et un ashkénaze c’est qu’ils n’ont pas eux les même גּוֹיִם tout simplement. C’est clair.  

 

C’est bien la relation à l’universel humain que nous ramenons avec notre tribalisme portatif en vue de l’unifier dans le creuset de la municipalité israélienne. C’est un fait messianique à ce niveau-là : faire vivre ensemble toute les manières d’être homme de la terre.  

Rachel termine sa fonction lorsque l’exil est terminé : la תּוֹרָה nous l’indique ainsi : elle meure sur la frontière et elle est enterrée à Beth Lehem sur le chemin de l’exil. Le Midrash nous dit que c’est pour prier pour sa descendance, les enfants d’Israël en exil.

 

Depuis 1967, Beit-Lehem c’est dans la מְדִנַת יִשְׂרָאֵל. Il y a énormément de Juifs de l’exil qui sont pour rendre Beit-Léhem, parce qu’ils n’ont plus de protection. Rachel est chez nous.

A partir du moment où le temps du retour est arrivé, en principe il n’y a plus de protection pour l’exil. Il y a eu tous les sursis et tous les sursis sont achevés puisque le retour s’est fait. Pas étonnant que l’identité de Jacob en exil soit devenue si précaire. Vous verrez lorsque vous étudierez la descente de Jacob dans l’exil, il y a une promesse : « Je te protégerai jusqu’à ce que tu reviennes » parce que l’exil est dangereux : on peut s’y perdre. Rappelez-vous l’âme et le corps. On peut devenir un רָשָע. Alors, il y a une protection qui est promise pour le temps de l’exil : dans la vision de Jacob des anges. Mais si le temps est achevé ? Si on a passé tous les sursis ? Alors la protection st levée. C’est le danger de la séduction de Jacob par les affaires du beau-père.

 

Q :

R : Léa était destinée à Esaü. Le Midrash l’apprend du fait qu’elle avait les yeux rakot faibles, elle louchait. Le Midrash en déduit qu’elle pleurait du fait que celui à qui elle était destinée était devenu un רָשָע, elle s’est abimé les yeux en pleurant. Cela explique aussi la relation entre Jacob et Léa.

Il y a résistance de Jacob pour intégrer Léa qui ne lui était pas destinée. On dévoile ici que Jacob était destiné à l’exil. Quand il s’appelle Israël c’est fini. Mais quand il redescend en exil, de nouveau le texte l’appelle Jacob. Nous étions arrivés la dernière fois à cette mise au point : Israël est celui qui a les deux fonctions, les deux capacités d’être צַדִּיק - celle d’Esaü et celle de Jacob - cela s’appelle Israël.  

-  La vocation spirituelle exclusive cela s’appelle Jacob.

-  La vocation matérielle exclusive cela s’appelle Esaü.

Et puis il y a deux personnages de synthèse :

-  L’homme de la vocation matérielle qui s’empare de la vocation spirituelle et l’obscurcit: les rivalités du judaïsme. Le Romain lisant la Bible.

-  L’homme de la vocation spirituelle qui prend en charge les problèmes matériels pour les transfigurer. Jacob-Israël.

Jacob comme tel est normalement réticent à la vocation d’Esaü.

 

Q : Leah était destinée à Esaü, peut-on dire que c’est une punition infligée à Jacob pour ce qu’il a fait précédemment, il est également l’objet d’une ruse… ?

R : Je n’ai pas employé le mot de ruse. Je ne peux pas revenir sur l’ensemble des analyses de la dernière fois.

 

Q : Les explications sont parfaites…

R : Alors on ne doit plus dire "ruse".

 

Q : Les explications sont parfaites mais certaines sont difficiles à intégrer.

R : Si c’était clair la semaine dernière on passe à un autre niveau si c’est élucidé.

 

Q : Jacob-Rachel la גּוֹלַה et Leah-Israël, Esaü était prévu pour Leah et elle est rattachée à Israël ? 

R : Il faut prendre conscience qu’il y a une distance énorme entre l’identité Jacob et l’identité Israël. Rien ne va de soi. Il faut que Jacob devienne Israël. Ce n’est pas du tout conventionnellement que la תּוֹרָה nous établit une équation d’état civil qui va de soi : Jacob c’est-à-dire Israël !

Par exemple : c’est la différence aujourd’hui entre un juif et un israélien. Un israélien est juif mais un juif n’est pas forcément israélien. C’est Jacob-Israël. Ou je dirais plus ce qu’il y a au fond : la différence entre un juif et un hébreu. Le juif est hébreu en potentiel, mais l’hébreu seul est hébreu.

 

Par conséquent, lorsque Jacob devient Israël, il a alors les deux כֹּחוֹת, les deux forces d’identités qui viennent d’Itzhak. Et celle d’Esaü mais en cachère et celle de Jacob.

Il lui apparait alors un rival à l’envers : le Romain qui, lui, est un Esaü qui se prend pour Jacob et qui s’appelle « Verus Israël ». Il faut découvrir cet étonnement massif : il y a eu une peuplade qui n’a rien à voir avec les patriarches qui se rattache à la fondation de Rome par un des descendants d’Esaü qui s’appelle Magbiel cité dans la généalogie d’Esaü. Cf. Rashi sur Alouf Magdiel. Il y a aussi un Alouf Lotan qui n’est pas fondateur des Latins malgré l’analogie mais c’est un certain Alouf Magbiel. Si vous avez lu les Métamorphoses d’Ovide vous verrez qu’on y parle de cette histoire-là aussi. Et ce peuple qui n’a rien à voir avec les Hébreux et qui se prétend Israël en bonne ou mauvaise foi en béton armée pendant 2000 ans : les Romains !

 

Cela veut dire que c’est une identité qui surgit là et qui illustre ce dont la Bible parle lorsqu’Esaü se prétend Israël.  

Corollairement à cela on nous raconte ce qui arrive à Jacob, lui, qui va devenir Israël en témoignant des deux capacités des vocations humaines, celle de Jacob et celle d’Esaü. Mais en tant que Jacob il est semble-t-il hypnotisé par la vocation de Jacob, c’est-à-dire l’exil.  

On retrouve cela par la suite : la descendance de Jacob-Israël par Léa et la descendance de Jacob-Israël par Rachel :

-  Les tribus de  la descendance par Rachel c’est la vocation de l’exil.

-  Les tribus de la descendance de Léa concernent la vocation de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל.

 

Yehoudah est de Léah et Yossef est de Rachel. Binyamin représente l’achèvement du cycle.

Par conséquent, nous retrouvons au niveau de la multiplicité des tribus cette même polarisation.

J’anticipe, cela survient plus tard lorsque nous parlerons des enfants, les 12 tribus.  

Lorsque le chrétien - Esaü qui se prend pour Israël - parle de sa « terre sainte », il y croit vraiment que c’est une terre sainte. Quand c’est un juif de diaspora qui parle de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל, que se passe-t-il ?

C’est à la limite devenu du tourisme. D’où vient le problème-là ?  

C’est pourquoi il faut se poser la question : quelles sont les forces à l’œuvre ?

Qu’est ce qui fait que Jacob est le Jacob de Laban - l’homme de la vocation de l’exil ?

Et qu’est-ce qui fait que lorsque Joseph, lui, installe la Yéridah, il y va et s’installe lui et tous ses fils avec ?  

 

Quand Joseph a fait appeler son père :  

Chapitre 46, verset 1: ,

וַיִּזְבַּח זְבָחִים לֵאלֹהֵי אָבִיו יִצְחָק.  וַיִּסַּע יִשְׂרָאֵל וְכָל-אֲשֶׁר-לוֹ וַיָּבֹא בְּאֵרָה שָּׁבַע

...Et tout ce qui était à lui arriva en direction de Beersheba (il va donc en direction du sud)

Et il offrit des sacrifices Au Dieu de son père Itzhak 

 

46 :2  

 יַעֲקֹב יַעֲקֹב וַיֹּאמֶר הִנֵּנִי וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים לְיִשְׂרָאֵל בְּמַרְאֹת הַלַּיְלָה וַיֹּאמֶר

Et Dieu dit à Israël dans les visions de la nuit Et il dit : « Jacob, Jacob ! »  

 

Cela veut dire que lorsque Jacob va en exil, il rentre dans la nuit, il est appelé Jacob.

Dieu acquiesce à sa Yéridah. Il a quelque chose à y faire.  

 

Chez Laban, Jacob aussi s’installe pour Rachel. Finalement va survenir le choc de « l’antisémitisme » de Laban pour lui faire comprendre, et il s’enfuit in extremis.  

On retrouve-là l’histoire des Juifs dans sa bonne foi profonde, sa naïveté profonde. C’est une histoire qui nous est déjà racontée et dont on ne tient pas compte.

 

Un autre verset dans la Parashah de וַיְחִי: Chapitre 47:28-29 :

שֶׁבַע שָׁנִים וְאַרְבָּעִים וּמְאַת שָׁנָה חַיָּיו וַיְחִי יַעֲקֹב בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם שְׁבַע עֶשְׂרֵה שָׁנָה וַיְהִי יְמֵי-יַעֲקֹב שְׁנֵי

Et Jacob vécu dans le pays d’Egypte 17 ans et furent les jours de Jacob, les années de sa vie

147 ans.  

 

Le Midrash indique un étonnement fondamental : comment le texte peut-il dire que Jacob vécut en Egypte ?

 

וַיְחִי יַעֲקֹב: c’est Jacob !  Jacob peut vivre en Egypte mais pas Israël. La preuve au verset suivant : 47:29

וַיִּקְרְבוּ יְמֵי-יִשְׂרָאֵל לָמוּת וַיִּקְרָא לִבְנוֹ לְיוֹסֵף וַיֹּאמֶר לוֹ אִם-נָא מָצָאתִי חֵן בְּעֵינֶיךָ שִׂים-נָא יָדְךָ תַּחַת  יְרֵכִי וְעָשִׂיתָ עִמָּדִי חֶסֶד וֶאֱמֶת אַל-נָא תִקְבְּרֵנִי בְּמִצְרָיִם     

Les jours d’Israël s’approchèrent de la mort...  

 

Pourquoi ? Parce que Jacob vit en Egypte ! C’est clair c’est dans le texte.

Cela veut dire qu’après l’épisode où Jacob reçoit le nom d’Israël, l’emploi de nouveau du nom de Jacob implique une baisse de niveau dans le profil d’identité : on est de nouveau Jacob à l’indice de l’exil. Il y a aussi une espèce de providence dans le langage employé à notre égard : on ne nous a jamais qualifiés d’Israël durant l’exil, on y était des Juifs. Au retour, on nous appelle Israël et le profil d’identité du Juif se redresse. Le point d’interrogation du doute se redresse. C’est un point d’exclamation de l’humanité entière ! D’un coup Jacob devient Israël et le monde entier entre en transe. Les Juifs aussi !

On découvre pas à pas que seul Jacob peut être Israël. C’est sûr, mais il faut qu’il le devienne. C’est une lutte qui nous est racontée. Il faut encore la décrypter et comprendre ce qu’elle signifie.

 

Q : pourquoi l’appelle-t-on Israël pour dire qu’il meurt en Egypte ?

R : On ne l’appelle pas Israël, regardez bien : les jours d’Israël s’approchèrent de la mort… Israël est éternel il ne peut pas mourir, ce sont « ses jours » ! Le texte ne peut pas dire qu’Israël est mort. Ce serait un blasphème c’est la תּוֹרָה d’Israël. Alors elle dit : les jours d’Israël s’approchèrent de la mort… Cela veut dire : le temps d’Israël s’achève, commence le temps de l’exil.

 

J’ouvre une parenthèse : J’ai entendu d’un enseignement d’A. Neher :

L’histoire - en hébreu תּוֹלְדֹת – l’histoire des événements se dit דִּבְרֵי הַיָּמִים. Il y a une notion qui se rattache à celle de דִּבְרֵי הַיָּמִים – il y a aussi l’expression de Divrei Halaïlot lorsque les nuits parlent aussi. Il y a une expression qui se rattache à cette définition de l’histoire comme דִּבְרֵי הַיָּמִים -  en français, les chroniques – c’est la notion de אַחֲרִית הַיָּמִים que nous trouvons chez les Prophètes. Que l’on traduit habituellement par « la fin des jours » mais en hébreu, de façon plus littérale, c’est là que je cite A. Neher, cela veut dire ce qu’il y a « après les jours ». C’est l’expression par laquelle les Prophètes désignent les temps messianiques בְּאַחֲרִית הַיָּמִים וְהָיָה.  Cela signifie donc que tous les peuples ont leur temps d’histoire et possèdent leurs דִּבְרֵי הַיָּמִים, leurs chroniques. Il y a un cas particulier : Israël, qui même lorsque son temps est achevé a encore אַחֲרִית הַיָּמִים, qui est la dimension de l’exil. C’est pourquoi cela signifie chez les prophètes : et il arrivera à la fin des temps de l’exil.

 

Puisque les prophéties messianiques des prophètes concernent bien la fin des temps de d’exil.

 

Quand Isaïe dit בְּאַחֲרִית הַיָּמִים וְהָיָה: il veut dire très exactement il arrivera à la fin des temps de l’exil et non pas à la fin des jours de l’histoire du monde.  

Tous les peuples ont leur יָמִים. Et quand c’est fini, c’est fini. Mais voilà qu’il y a une dimension de survie dans la nuit pour Israël qui s’appelle Jacob. C’est l’exil qui est une soupape de survie. Mais c’est la nuit. Mais c’est la nuit qui précède le jour. Chaque fois que je prenais congé de mon maître pour aller en « exil », ils me disaient « Laïla Tov » ! Il ajoutait d’autres בְּרָכוֹת mais il ajoutait « Laïla Tov ! » Il savait de quoi il parlait.

 

-  Le nom de Jacob est à l’indice de laגָלוּת .

-  Le nom d’Israël est à l’indice de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל.

 

C’est dans la Parashah de la semaine prochaine, au retour d’exil, que Jacob reçoit le nom d’Israël.  

C’est la difficulté de la méthode par analogie, mais je pense que nous vivons  cela : en fin de compte après une lutte acharnée, l’ange finit par nommer Jacob, Israël, mais jusque-là il ne veut pas l’appeler Israël.  

A quoi cela ressemble-t-il ?

Cela ressemble à la position du monde entier qui refuse de reconnaitre Jérusalem comme capitale d’Israël. Ils ne disent pas Jérusalem mais Tel-Aviv. (S’ils savaient à quel point les Prophètes ont prophétisé Tel Aviv. Je vous montrerais la référence.)

 

Q :

R : וַיְחִי - Chapitre 47:28-29

וַיְחִי יַעֲקֹב בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם

Et Jacob vécu dans le pays d’Egypte..

Question : comment peut-on vivre dans le pays d’Egypte ?

Le Midrash répond : c’est Jacob qui y vit. Il y a vécu 17 ans nous dit le verset parce que Jacob n’est vivant que s’il est avec Joseph : il a vécu 17 ans avec Joseph en Egypte, et 17 ans dans le pays de Kenaan avec Joseph avant l’exil de Joseph qui était alors âgé de 17 ans. 2x 17= 34 valeur de וַיְחִי: il a « vraiment » vécut 34 ans.

 

Le verset suivant dit : 47:29

וַיִּקְרְבוּ יְמֵי-יִשְׂרָאֵל לָמוּת

Les jours d’Israël s’approchèrent de la mort...

Retenez que ce n’est pas Israël mais  יִשְׂרָאֵל יְמֵי

Cela veut dire que si Jacob s’installe en Egypte, l’identité Israël disparait: Les jours d’Israël s’approchèrent de la mort...

Et non pas Jacob. Yaaqov avinou lo met !  

 

Le profil d’Israël vit une Yéridah qui mène à l’assimilation. On ne parle plus d’Israël on parlera de Jacob.  

 

C’est l’analyse d’A. Neher :

Chaque civilisation a son temps d’histoire, et après c’est un vestige. Il y a un cas particulier qui traverse l’histoire - le peuple d’Israël. Il a une soupape de survie qui s’appelle Jacob : l’exil. 

 

Imaginez toutes les nations contemporaines de l’antiquité hébraïque, où sont-elles ?

Disparues ! Elles ont eu leurs jours !

 

De la même manière, les jours d’Israël se sont approchés de leur fin et malgré cela il y a une dimension de survie c’est un cas de particulier: « וַיִּקְרְבוּ יְמֵי-יִשְׂרָאֵל, לָמוּת  »

 

Q : Il y a peut-être une contradiction avec ce qui est indiqué par un des Midrashim qu’Abraham et Jacob sont sortis de leurs exils בְּשָׁלוֹם en paix.

R : Mais notre sujet était autre : tant qu’ils sont en exil, l’un s’appelle אַבְרָם et non pas Abraham, et l’autre Jacob et pas Israël. Le fait qu’ils soient sortis en paix c’est leur mérite de צַדִּיק.

 

Mais là je ne pensais pas que cela serait tellement difficile à exprimer cela. Cela devrait aller de soi de notre expérience qu’il y a deux profils d’identité radicalement différents. C’est vrai que nous sommes dans un temps de transition entre le temps des Juifs et le temps des Hébreux, entre le temps de Jacob et le temps d’Israël.  

 

 

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