L’OEUVRE DE LA CRÉATION
LES ENGENDREMENTS
JUIFS OU HÉBREUX
ISRAËL ET LES NATIONS
MESSIANISME
THÈMES FONDAMENTAUX

VAYAKHEL - SÉRIE 1994

Le cours

 

(1994)   וַיַּקְהֵל

 

La 2ème partie du livre de שְׁמוֹת est consacrée à l’ensemble des מִצוֹת concernant la construction du מִּשְׁכָּן, le Tabernacle, qui pendant les 40 au désert a été la préfiguration de ce que sera le בֵּית הַמִּקְדָּשׁ à Jérusalem.

Il s’agit d’un ensemble de 5 Parashiot qui sont תְּרוּמָה, תְּצַוֶּה, כִּי-תִשָּׂא, וַיַּקְהֵל  et פְקוּדֵי.

Or, les deux premières et les deux dernières Parashiot ont précisément comme sujet la construction du מִּשְׁכָּן et ce groupe de deux Parashiot est entrecoupée par la Parashah de כִּי-תִשָּׂא qui raconte l’épisode de la faute du veau d’or.  

Il y a une répétition apparente dans וַיַּקְהֵל  et פְקוּדֵי de ce qu’a été le contenu de la Parashah de תְּרוּמָה et תְּצַוֶּה avec tout de même une série de différences.  

Dans תְּרוּמָה et תְּצַוֶּה la Torah institue les commandements où Moïse  se trouve être chargé de faire que Israël prenne l’initiative d’apporter les offrandes nécessaires pour construire le tabernacle. Et dès que ces offrandes sont apportées, il y a toute une série de prescriptions pour savoir comment construire ce tabernacle. Ensuite, dans la Parashah de כִּי-תִשָּׂא nous est donné le récit de la faute du veau d’or. Dans les Parashiot de וַיַּקְהֵל  et פְקוּדֵי, il y a la récapitulation de la manière dont le Tabernacle a été construit. Finalement, le contenu est le même mais la forme est différente.

 

Dans les premières Parashiot on trouve les commandements de la construction du מִּשְׁכָּן et dans  les dernières se trouve le récit de la manière dont cela a été construit.  

Il y a une deuxième différence plus importante et qui introduira l’étude que nous allons aborder au début de וַיַּקְהֵל. Pour cela je vais vous rappeler un thème que vous avez sûrement rencontré : le fait que la révélation de la Torah a été donnée simultanément à Moïse et Aaron.  

Des textes du Midrash et de la גְּמָרָא indiquent en citant un certains nombres de versets que la Torah a pris la précaution pour certains commandements de rappeler que Dieu s’est adressé simultanément à Moïse et Aaron, parfois dans cet ordre et parfois dans l’ordre Aaron et Moïse.  Ceci pour indiquer, nous dit le Talmud, qu’ils sont équivalents.  

 

Et pourtant nous sommes habitués à l’expression מֹשֶׁה תוֹרָת et non pas אַהֲרֹן תוֹרָת. C’est qu’il y a une différence qui nous amène à réfléchir à un thème très important : L’objectif de la Torah dans la mesure où c’est Moïse qui est le véhicule de la révélation de la Torah c’est ce qu’on appelle en hébreu le הָעוֹלָם תִּקּוּן, la restauration du monde.

 

Alors que l’objectif de cette même Torah (aucune différence entre ce que Moïse et Aaron ont entendu et ont été chargé de transmettre au peuple) Pourquoi cela passe-t-il officiellement par Moïse sans être rappelé que cela passe aussi par Aaron ?  

 

=> מֹשֶׁה תוֹרָת: l’expression qui nous est la plus familière a pour objet le הָעוֹלָם תִּקּוּן.

Dieu a créé le monde, et il l’a donné à l’homme pour qu’il en parachève la plénitude, le תִּקּוּן (réparation, restauration, mise au point... de תִּקּוּן, לְתַקֵּן) il y a encore des traces de chaos dans le monde tel que l’homme le prend en charge. L’homme prend en charge le monde à la fin du 6ème jour et doit le parachever : אוֹתוֹ לְתַקֵּן.

 

[Chaque fois qu’il y a un commandement de עֲשִׂיָה לַעֲשֹׂת  -  faire quelque chose – לַעֲשֹׂת s’explique toujours dans les commentaires par לְתַקֵּן. « תִּקּוּן זֶּה עֲשִׂיָה» pendant tout le temps du 7ème jour. Et comme vous le savez le Maharal en particulier a enseigné la signification très importante de ce rite du temps selon l’ordonnance du récit de la Torah. Les 6 jours sont les 6 jours de l’œuvre du commencement et cela nous renvoi au monde de la création. Chacune de ces catégories désigne le monde dans une nature dans une essence différente. Le temps des « 6 jours du commencement » « בְּרֵאשִׁית שֵׁשֶׁת יָמֵי» « הַמַעֲשֵׂה שֵׁשֶׁת יָמֵי». Et donc le chiffre 6 se relie au monde tel que Dieu l’a créé et c’est un monde qui postule, dès que nous en avons représentation, de manière évidente et immédiate l’existence de son Créateur. C’est le monde des 6 jours.

    Maharal :

Dans le monde du 7ème jour qui suit, c’est le monde de la nature. A la fin des 6 jours, Dieu se cache derrière l’apparence de la nature, et l’histoire de l’homme commence.

Les 6 jours sont le monde de la Création, le 7ème jour c’est le monde de la nature. Lorsque l’œuvre de l’homme à travers toute l’histoire du monde dans le grand jour du 7ème jour est achevé, alors apparait le 8ème jour qui est le jour à l’indice messianique.

Jusqu’au 6ème jour c’est le monde de la création, le 7ème jour est celui de la nature, et le 8ème jour est le temps messianique. C’est le grand rythme tel que le Maharal l’a enseigné.

Retenez de cette première analyse le fait que c’est le 7ème jour que l’homme est occupé au הָעוֹלָם תִּקּוּן. Il prend en charge le monde que Dieu a créé et qu’Il a préparé pendant les 6 jours pour qu’il soit habitable par l’homme. Dès que le monde est suffisamment agencé pour être habitable par l’homme, l’homme entre dans le récit et dans le monde, et commence l’œuvre de l’histoire humaine dont l’objectif est le הָעוֹלָם תִּקּוּן. Suivant le verset « ... אֲשֶׁר-בָּרָא אֱלֹהִים לַעֲשׂוֹת». Et « לַעֲשֹׂת» c’est « לְתַקֵּן». Lorsque le temps du תִּקּוּן est achevé on passe dans le temps du 8ème jour. Comme vous le savez de manière plus que symbolique à la fin de chaque semaine dans le temps de l’histoire, c’est à la fin du 7ème jour qu’on attend  Eliyahou HaNavi qui doit annoncer le 8ème jour  qui est le jour messianique.]

 

=> Alors que la Torah selon Aaron a pour objectif la כַּפָּרָה des fautes : c’est-à-dire l’expiation des fautes.

 

La  עֲבֹדַה a donc deux finalités :

Une finalité a priori qui est le הָעוֹלָם תִּקּוּן. Et c’est à l’indice de מֹשֶׁה תוֹרָת et c’est a priori de la faute. Si pendant cette heure de הָעוֹלָם תִּקּוּן, il y a eu faute, alors il faut la כַּפָּרָה de la faute. Et c’est là le rôle d’Aaron. Aaron enseigne la Torah dans la perspective de la כַּפָּרָה, alors que Moïse enseigne la Torah dans la perspective du תִּקּוּן. La difficulté c’est que c’est la même Torah. L’une nous est donnée à priori de la faute. L’autre nous est donnée à posteriori de la faute.

 

C’est exactement ce thème que nous allons retrouver dans notre problème de la différence entre la Parashah de תְּרוּמָה - תְּצַוֶּה où les מִצוֹת de la construction du מִּשְׁכָּן sont données dans la perspective d’une עֲבֹדַה qui a pour objectif le הָעוֹלָם תִּקּוּן – ensuite survient le récit de la faute dans כִּי-תִשָּׂא – et donc toutes ces מִצוֹת sont reprises dans la perspective de la כַּפָּרָה de la faute – וַיַּקְהֵל - פְקוּדֵי.   

A priori, le culte n’est pas un culte d’expiation. Le culte est a priori un culte « d’adoration ». C’est le terme que les théologiens emploient en français. Je lui préfère le terme de « service du Créateur », « service divin ». « Etre au service de »... dans le sens de הָעוֹלָם תִּקּוּן.

 

Si on réfléchit à l’état sociologique des communautés religieuses, on s’aperçoit effectivement qu’il y a une double polarité de l’expérience religieuse et de la réalité des comportements religieux qui s’expliquent d’après ce schéma. Avec le temps, il semble que la perspective de la כַּפָּרָה ait envahi les sociétés religieuses. Spontanément, l’homme considère que l’objectif de ce qu’on appelle la religion c’est l’expiation des fautes, alors que a priori il s’agit de מֹשֶׁה תוֹרָת c’est-à-dire du הָעוֹלָם תִּקּוּן.

 

On peut pousser plus à fond cette analyse qui a des implications importantes. Le thème est très clair, il y a un chapitre dans Jérémie (Chapitre 7) où il s’adresse à Israël : Moïse à Israël : « lorsque je vous ai sorti d’Egypte au nom de Dieu, je ne vous ai pas prescrit des sacrifices, je vous ai demandé d’écouter ma voix... » C’est un texte utilisé par les théologiens chrétiens dans leur controverse contre le culte des sacrifices.

 

Raisonnement de Jérémie :

Au temps de la sortie d’Egypte, lorsque Dieu s’est révélé à Israël, dans מֹשֶׁה תוֹרָת l’objectif n’est pas de faire des sacrifices – c’est-à-dire de faire des fautes pour avoir à les réparer par des sacrifices - l’objectif est d’écouter sa voix. Mais s’il y a des fautes de faites il faut les réparer. C’est la grande différence. Le texte de Jérémie ne laisse aucune ambiguïté, d’autant plus que Jérémie était Kohen.  

Dans תְּרוּמָה, l’objectif de la עֲבֹדַה est dans le sens du service. Après  כִּי-תִשָּׂא et le récit de la faute du veau d’or, à la finalité de la עֲבֹדַה de ce service va être ajoutée une  כַּוָּנָה, une intention, d’expiation.

 

Nous allons voir maintenant une 3ème différence à partir du texte :

Jérémie chapitre 7, verset 21 :

 

7:21

כֹּה אָמַר יְהוָה צְבָאוֹת אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל:  עֹלוֹתֵיכֶם סְפוּ עַל-זִבְחֵיכֶם, וְאִכְלוּ בָשָׂר

Ainsi parle יְהוָה צְבָאוֹת, le Dieu d'Israël : Vos sacrifices d’holocaustes ajoutez-les à vos sacrifices de זְבָחִים et mangez-en la chair!

 

Les זְבָחִים sont les sacrifices de convivialité que l’on consomme en commun dans la famille.

ֹ  עוֹלָהest complètement consumé sur l’autel, alors que le זְבָה, une partie donnée au Kohen et une partie donnée à la famille qui offre.  

Il y a ici un peu d’ironie dans le verset de Jérémie : cette déperdition de biens qui se fait – c’est un peu la  notion occidentale moderne du terme de « sacrifice ». Sacrifice signifie détruire un bien en vue d’une réparation. Ici il dit : « ajoutez vos holocaustes à vos זְבָחִים au moins vous pourrez manger de la viande ! »

 

כִּי לֹא-דִבַּרְתִּי אֶת-אֲבוֹתֵיכֶם וְלֹא צִוִּיתִים בְּיוֹם הוציא (הוֹצִיאִי) אוֹתָם מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם--עַל-דִּבְרֵי עוֹלָה, וָזָבַח

« Car je n'ai pas parlé à vos pères et ne leur ai rien prescrit, quand je les ai fait sortir du pays d'Egypte, concernant l'holocauste et le sacrifice. »

 

כִּי אִם-אֶת-הַדָּבָר הַזֶּה צִוִּיתִי אוֹתָם לֵאמֹר שִׁמְעוּ בְקוֹלִי--וְהָיִיתִי לָכֶם לֵאלֹהִים וְאַתֶּם תִּהְיוּ-לִי לְעָם; וַהֲלַכְתֶּם בְּכָל-הַדֶּרֶךְ אֲשֶׁר אֲצַוֶּה אֶתְכֶם לְמַעַן יִיטַב לָכֶם

« Mais voici ce que je leur ai ordonné : Ecoutez Ma voix, alors Je serai votre Elohim et vous serez mon peuple. Suivez en tout la voie que je vous prescrirais afin que vous ayez du bien ».

 

Le raisonnement est simple : l’intention de Jérémie n’est pas de dire qu’il ne faut pas de sacrifice s’il y a eu des fautes, ce qu’il veut dire est plus important : il est demandé de ne pas faire de faute pour faire des sacrifices, car il y a une tendance de la sensibilité religieuse qui consiste à percevoir une culpabilisation de l’être : le fait d’exister serait une culpabilité, et la religion serait là pour expier cette culpabilité d’être... Il faut extrêmement se méfier de cette névrose religieuse.

 

Ceci dit, tout se passe comme si avec le temps, il y a une telle accumulation de remords des fautes, fussent-elles vénielles, qu’elle finit par encombrer la conscience de remords, et cela est l’indice qu’on n’a pas pratiqué le comportement de la תְּשוּבָה qui a pour objectif précisément de nous déculpabiliser de ces fautes que les sacrifices déculpabilisaient dans le Temple. Alors avec le temps, il y a une tendance à voir dans le comportement religieux essentiellement un comportement de כַּפָּרָה, un comportement d’expiation, alors que l’objectif de מֹשֶׁה תוֹרָת est tout autre. Ceci dit, il est bien évident que s’il y a des fautes il faut bien entendu les réparer.

 

וַיַּקְהֵל   35:1-3

וַיַּקְהֵל מֹשֶׁה אֶת-כָּל-עֲדַת בְּנֵי יִשְׂרָאֵל--וַיֹּאמֶר אֲלֵהֶם  אֵלֶּה הַדְּבָרִים אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לַעֲשֹׂת אֹתָם

Et Moïse assembla toute l’assemblée des בְּנֵי יִשְׂרָאֵל (c’est l’ensemble des tribunaux d’Israël) Et il leur a dit : voici les paroles que הַשֵּׁם a prescrit pour les faire…

 

שֵׁשֶׁת יָמִים תֵּעָשֶׂה מְלָאכָה, וּבַיּוֹם הַשְּׁבִיעִי יִהְיֶה לָכֶם קֹדֶשׁ שַׁבַּת שַׁבָּתוֹן, לַיהוָה; כָּל-הָעֹשֶׂה בוֹ מְלָאכָה, יוּמָת

Pendant 6 jours le travail sera fait. ( מְלָאכָה  = il s’agit de l’œuvre de la construction du מִּשְׁכָּן.) et le 7ème jour vous sera consacré Shabbat de Shabbat pour הַשֵּׁם Tout celui qui travaillera en lui mourra.

 

En particulier :

לֹא-תְבַעֲרוּ אֵשׁ בְּכֹל מֹשְׁבֹתֵיכֶם בְּיוֹם הַשַּׁבָּת

Et vous ne brûlerez pas de feu dans toutes vos demeures le jour de Shabbat.

 

Etant donné que dans le culte du Temple, on va brûler le feu pendant les sacrifices du Shabbat on pourrait croire que l’usage du feu est permis pour le culte et cela pourrait conduire à considérer cela permis ailleurs que dans le Temple.  

En général on pose la question suivante : quelle est la nécessité de mettre cette interdiction du feu le Shabbat en évidence ?  

Un des enseignements donnés et qui peut sembler paradoxal, c’est l’interdiction  qu’un tribunal se réunisse le jour du Shabbat : il ne faut pas faire de jugement le jour de Shabbat. En général, la calomnie est interdite, mais surtout le jour du Shabbat. Il ne faut pas juger. Il s’agit de הַמַחְלֹקֶת אֵש.

 

Nous avons-là très clairement l’indication qu’il y a un lien entre la construction du מִּשְׁכָּן et le jour du Shabbat : on a jugé nécessaire de mettre en évidence le fait qu’il faut interrompre le travail de la construction du מִּשְׁכָּן le jour de Shabbat, et en particulier de l’usage du feu.  

Un des thèmes qu’enseigne la tradition (sans donner de références trop précises) vient d’un des commentateurs du Zohar qui est le Shla’h : toute l’histoire du grand 7ème jour, toute l’histoire du monde depuis la fin du 6ème jour du commencement, jusqu’à l’achèvement de l’histoire du 7ème jour, lorsqu’on arrivera à la fin du 6ème millénaire, au 8ème jour peut être considérée comme la construction du בֵּית הַמִּקְדָּשׁ.

 

La différence qu’il y a entre le monde des 6 jours et le monde du 7ème jour c’est que dans le monde des 6 jours, Dieu est présent. Lorsque l’on lit attentivement le récit des 6 jours du commencement on voit que c’est un monde où Dieu est présent, Sa présence est dévoilée, le fait qu’il agit pour modifier le monde pour l’agencer nous est formulé par le texte de manière directe, immédiate, « expérimentable », mais il n’y a pas d’homme, l’homme arrive à la fin du 6ème jour.  Et dès que l’homme arrive dans le monde selon le récit, Dieu se cache. Donc la différence entre le monde des 6 jours et le 7ème jour est la suivante : dans le monde des 6 jours c’est la présence de Dieu et l’absence de l’homme, dans le monde du 7ème jour c’est l’homme qui est le maître de l’histoire mais Dieu est caché. Nous avons le problème d’une impossibilité de présence réciproque de Dieu et de l’homme. Précisément la définition du בֵּית הַמִּקְדָּשׁ ou du מִּשְׁכָּן c’est d’être la maison où Dieu et l’homme peuvent être simultanément en présence.

 

Le Zohar explique cela de la manière suivante : Dans le monde de Dieu il n’y a pas de place pour l’homme. Il donne alors l’image qui est plus qu’une image : dans le soleil, il n’y a pas de place pour la lumière d’une bougie, et inversement dans le monde de l’homme, pour la même raison, il n’y a pas de place pour Dieu : dans le monde de la bougie, il n’y a pas de place pour le soleil.

 

Par conséquent, il y a une impossibilité à priori de la construction du monde lui-même. C’est dire qu’un monde où Dieu et l’homme seraient présents est impossible !  

Le secret de la Torah c’est qu’il y a une alliance entre le Créateur et la créature pour tenter de dépasser cette impossibilité et de construire quand même un monde où Dieu et l’homme seraient présents l’un à l’autre : c’est cela le בֵּית הַמִּקְדָּשׁ.

 

Alors, le secret de la Torah pour que la présence de l’homme et de Dieu soit possible sans danger pour l’homme pour les deux raisons vus précédemment (dans le monde de la bougie pas de place pour le soleil et dans le monde du soleil pas de place pour la bougie) c’est la sainteté.

C’est pourquoi le בֵּית הַמִּקְדָּשׁ s’appelle la « maison de sainteté ». S’il y a sainteté, la présence réciproque de l’homme et de Dieu est possible. S’il n’y a pas sainteté, elle est impossible.

 

Il y a là un thème qui explique l’ensemble du récit de la bible. Plus il y a sainteté, plus  la שְׁכִינָה se dévoile. Moins il y a de sainteté, plus la שְׁכִינָה est cachée. L’objectif de la construction du monde c’est donc de construire le בֵּית הַמִּקְדָּשׁ.

 

Le בֵּית הַמִּקְדָּשׁ dont la Torah parle est d’une certaine manière, le modèle, la préfiguration de ce que doit être le monde pour que l’homme et Dieu, Dieu et l’homme, soient présents l’un à l’autre dans le même monde, ce qui est le monde du 8ème jour.

 

Par conséquent, toute l’histoire du monde est vue de ce point de vue là comme la construction du בֵּית הַמִּקְדָּשׁ.  

On comprend donc le lien entre le 7ème jour et le בֵּית הַמִּקְדָּשׁ. C’est pourquoi la Halakha va déduire des travaux nécessaires pour la construction du מִּשְׁכָּן, ce qu’on appelle un travail interdit le jour du Shabbat. On voit pourquoi c’est directement de cet exemple que la Halakha va déduire la définition des travaux interdits le jour du Shabbat. Parce qu’en fin de compte, le travail, quelque soit le travail, la עֲבֹדַה, c’est la construction du monde comme בֵּית הַמִּקְדָּשׁ.  

Alors la Torah nous a expliqué quels sont les travaux types de l’homme normal, authentique. Ce sont les travaux de l’homme authentique qui sont les 39 travaux dont on parle dans l’interdiction du travail le Shabbat.

 

Nous retrouvons-là un problème de vocabulaire très simple : c’est le même mot qui en hébreu signifie עֲבֹדַה le travail : le travail qui a pour objectif de transformer la nature en monde cultivé : la culture. Le 1er travail c’est la culture, dans le sens de l’agriculture, c’est même le 1er culte.

Le travail par excellence de l’homme est d’être agriculteur. Lorsque Dieu a donné le monde à l’homme, le texte dit [בְּרֵאשִׁית 2 :15] : לְעָבְדָהּ וּלְשָׁמְרָהּ. Pour travailler et garder.

Lorsque Noah a recommencé l’histoire de l’humanité il est appelé « נֹחַ אִישׁ הָאֲדָמָה». [נֹחַ 9:20]

Lorsque l’Etat d’Israël a recommencé cela a commencé par les חֲלוּצִים.

Je crois dans toutes les sociétés on a gardé de manière très profonde ce fait que le 1er travailleur est l’agriculteur. C’est le paysan. C’est d’ailleurs le même mot « paysan » qui signifie « païen » dans l’étymologie latine. Le païen est l’homme du paysage, l’homme du pays.

 

La  עֲבֹדַה, le travail de l’homme est de faire du monde un בֵּית הַמִּקְדָּשׁ. Nous avons alors dans le récit de notre propre histoire d’Israël, ce  modèle qui est donné à l’humanité que, une fois sur un point de l’histoire, sur un point du monde, sur un point de l’humanité cela a été réalisé. C’est le Temple de Jérusalem !  

D’où l’impact, très mystérieux par ailleurs, que le Temple de Jérusalem a pour l’humanité entière.

Comme vous le savez, nous sommes de nouveau en plein maelström de contestations sur Jérusalem. Le simple intitulé « Temple de Jérusalem » fait rentrer en transe l’humanité entière...

Bien sûr, cela s’explique historiquement à travers la chrétienté d’un côté et l’histoire de l’autre mais cela ne change rien au mystère de ce fait qu’un événement passé dans un tout petit peuple, sur un tout petit point du monde, dans un tout petit moment de l’histoire des hommes à Jérusalem, il y a un peu moins de 4000 ans ait fini par devenir le symbole de la maison commune entre Dieu et l’homme pour l’humanité entière.

 

Et vous savez à quel point c’est là le sujet de la rivalité contemporaine tant du côté de l’islam que du côté de la chrétienté d’ailleurs, et à quel point les principaux alliés des adversaires d’Israël sont très paradoxalement d’Israël lui-même...  

Le 1er sens du mot עֲבֹדַה est le travail humain : tout geste du travail humain a pour objectif de transformer le monde de la nature et d’en faire premièrement un monde qui serait vivable pour l’homme et où Dieu peut habiter.

 

Edmond Fleg emploie l’expression « la terre que Dieu habite » en parlant de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל, la Palestine puisque c’était avant la création de l’état d’Israël.

  

Ce n’est pas un hasard que ce mot  עֲבֹדַה qui signifie le travail est employé par la Torah et va servir pour dire le culte :

 

  עֲבֹדַה signifie premièrement le travail ; et tout travail, même si cela n’est plus perceptible dans la vie moderne, a pour objectif de faire du monde un monde habitable. 

 

  עֲבֹדַה dans le sens הַקֹדֶשׁ עֲבֹדַת c’est le culte : le geste de l’homme dans la limite du parfait.

 

Le מִּשְׁכָּן est la maison parfaite où l’homme parfait habillé des vêtements parfaits va manger le repas parfait : c’est cela l’ עֲבֹדַה du הָעוֹלָם תִּקּוּן.

 

Avant la faute du 1er homme, pour prendre des sources plus anciennes dans le Zohar, le culte c’est le geste de la vie humaine dans la perspective du parfait. Vivre authentiquement c’est être au service du Créateur, et par conséquent, tout geste de travail qui est fait לִשְׁמָּה c’est cela la עֲבֹדַה.

 

Le שׁוּלחָן עָרוּךְ établit que chaque matin on doit se réveiller « Liyov HaEved HaBoré » pour être au service du Créateur. Le Créateur a créé un monde et nous sommes au service du projet du Créateur pour l’histoire de ce monde. Par conséquent, tout travail quel qu’il soit – il n’y a aucune différence profane et non profane – a pour objectif de transformer le monde en בֵּית הַמִּקְדָּשׁ.

 

Cf. le verset des Psaumes [84:5] :

אַשְׁרֵי, יוֹשְׁבֵי בֵיתֶךָ--    עוֹד יְהַלְלוּךָ סֶּלָה

 « Heureux ceux qui habitent ta maison Ils disent constamment ta louange »

 

Le פְּשָׁט pour ‘Ta maison’ c’est le Temple.

Mais on peut bien comprendre qu’il s’agit du monde.  

Dans le mot בְּרֵאשִׁית, la dernière lettre est ת, au milieu c’est י : בָּיִת.

C’est-à–dire que tout l’objectif du monde est de construire une maison.

Une maison qui pourra être commune à Dieu et à l’homme.

 

Je reprends le schéma du début pour que ceci soit bien clair : Pendant les 6 jours cette maison est vide de l’homme : ce n’est donc pas la maison que Dieu voulait. Le 7ème jour c’est apparemment vide de Dieu et ce n’est donc pas la maison que l’homme veut.

 

Enseignement de Rabbi Na’hman de Braslav dans la formulation ’hassidique :

On parle de עוֹלָם הַזֶּה et de עוֹלָם הַבָּא. [עוֹלָם הַזֶּה traduit par « ce monde-ci », עוֹלָם הַבָּא traduit par « le monde à venir ».] עוֹלָם הַבָּא on comprend mais עוֹלָם הַזֶּה, où est-il ? Ici c’est le גֵיִהנוֹם!  

L’objectif est de construire un עוֹלָם הַזֶּה qui serait vivable. C’est cela עוֹלָם הַבָּא.

[Ne pas traduire par « au-delà » le « עוֹלָם  là-bas » mais c’est le עוֹלָם הַבָּא, le monde qui est en train de venir, en train de se faire. C’est le עוֹלָם הַזֶּה qui deviendra le עוֹלָם הַבָּא.]

 

L’idée importante : Tant Dieu de sa part, ce qu’il a exprimé à travers la parole des prophètes, que l’homme pour la sienne, ne sont pas satisfaits du monde parce que c’est soit le monde de Dieu sans l’homme, soit le monde de l’homme sans Dieu.

 

Le Talmud (Sanhédrin 97b) formule la certitude de l’avènement messianique de la manière suivante :

Dayo léevel méevlo. Celui qui est en deuil finira par saturer (de son deuil)

 

Inévitablement le deuil prendra fin. Un deuil permanent n’existe pas. A relier à ce que j’ai dit en passant en définissant la Torah comme אַהֲרֹן תוֹרָת. Une religion qui serait une religion de deuil. Ce n’est pas juif en tout cas.  

Toutes les communautés qui basculent dans ce profil de la religion triste de la cérémonie de deuil où la cérémonie religieuse se passe entièrement dans des prières de deuils, finissent par disparaître.  

Moi, de tradition séfarade j’ai été impressionné par cette tendance du judaïsme séfardi originel, espagnol et portugais, parce que c’est la définition même de la religiosité de l’âme espagnole et portugaise pour laquelle l’expérience religieuse est l’expérience du deuil. Un deuil inouï dans cette religion vécue en tant que deuil. La formule la plus directe c’est de dire cela : il y a une espèce de prise de conscience qu’exister c’est un mal. Et par conséquent la vie revient à expier le fait d’exister. C’est la culpabilité d’être... Méfiez-vous ! La névrose religieuse, même de ce genre, guette même les juifs.

 

C’est contre cela que la חָסִּידוּת a voulu réagir en basculant du côté de מֹשֶׁה תוֹרָת par le chant, la danse, la joie, le rire, l’étude heureuse... mais je crains que même au sein de la חָסִּידוּת ce danger de la religion de deuil est toujours présent.

 

***

 

Lien entre le rappel du Shabbat et le fait de la construction du מִּשְׁכָּן.

Il y a là un 1er principe très important : on pourrait croire que pour l’heure qui consiste à construire le Temple, on pouvait utiliser le feu le Shabbat de même que ce sera possible lorsque le Temple sera construit. Alors la Torah vient nous prévenir de l’alliance du Shabbat : pendant le 7ème jour de la construction du מִּשְׁכָּן, lorsque le מִּשְׁכָּן sera enfin construit, dans le מִּשְׁכָּן le feu est autorisé. Comprenez par vous-mêmes les implications de cela.

 

Question :

 

Quoiqu’il en soit les commentaires se demandent pourquoi ce rappel de l’alliance du Shabbat en tête de la Parashah de וַיַּקְהֵל ?

 

Réponse :

La faute du veau d’or est une faute d’idolâtrie, mais ce n’est pas n’importe quel idolâtrie : d’après les versets du récit de כִּי-תִשָּׂא, la partie du peuple qui a induit  la faute du veau d’or, ne voulait pas remplacer Dieu par une idole mais Moïse. La faute est celle de l’idolâtrie du médiateur. Lorsque Moïse a tardé de redescendre de la montagne, le peuple qui a réclamé une idole à Aaron a dit très clairement :

 

כִּי-תִשָּׂא 32 :1

וַיַּרְא הָעָם כִּי-בֹשֵׁשׁ מֹשֶׁה לָרֶדֶת מִן-הָהָר; וַיִּקָּהֵל הָעָם עַל-אַהֲרֹן, וַיֹּאמְרוּ אֵלָיו קוּם עֲשֵׂה-לָנוּ אֱלֹהִים אֲשֶׁר יֵלְכוּ לְפָנֵינוּ--כִּי-זֶה מֹשֶׁה הָאִישׁ אֲשֶׁר הֶעֱלָנוּ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם, לֹא יָדַעְנוּ מֶה-הָיָה לוֹ  

L’intention de cette idolâtrie était de remplacer Moïse. Or, précisément nous avons énormément d’enseignements du Talmud qui enseignent que celui qui pratique le Shabbat comme il faut même s’il est idolâtre comme au temps d’Enoch cela lui est pardonné.

 

Talmud [Shabbat 118B]:

(R. Chiya bar Aba): Tout celui qui pratique correctement un Shabbat même s’il pratique la Avoda Zara comme Enoch il lui est pardonné. Comme il est écrit : כָּל-שֹׁמֵר שַׁבָּת מֵחַלְּלוֹ. (Isaïe 55.7) Al tiqrei mechalelo ela machul lo.  

[Isaïe 55-7 : כָּל-שֹׁמֵר שַׁבָּת מֵחַלְּלוֹ, וּמַחֲזִיקִים בִּבְרִיתִ tous ceux qui observent le sabbat et ne le profanent point, qui persévèrent dans mon alliance.]

La גְּמָרָא dit : Ne lit pas מֵחַלְּלוֹ il ne le profane pas » mais לוֹ מַחוּלּ il est pardonné ».

 

Un verset d’Isaïe dit avec qui Dieu contracte alliance : une des définitions du צַדִּיק avec qui Dieu contracte alliance c’est : celui qui est שֹׁמֵר שַׁבָּת מֵחַלְּלוֹ: celui qui observe le Shabbat avec scrupule pour éviter de le profaner.

" כָּל-שֹׁמֵר שַׁבָּת מֵחַלְּלוֹ " (Yishayahou 55:7) Le Talmud nous demande de lire : לוֹ מַחוּלּ

Celui qui observe vraiment le Shabbat comme il faut il lui est pardonné.

 

Que lui est-il pardonné ? La faute qui concerne l’alliance du Shabbat qui est la faute d’idolâtrie.

En effet, l’alliance du Shabbat c’est de reconnaitre que le monde a un Créateur. Et si je reconnais quelque réalité que ce soit, autre que le Créateur comme divinité, c’est cela l’idolâtrie.

Il y a donc contradiction absolue entre le Shabbat et l’idolâtrie. En conséquence, celui qui pratique vraiment le Shabbat est dégagé de toute idolâtrie. Même s’il est engagé dans une idolâtrie KéDor Enosh comme du temps de la génération d’Enoch, on lui pardonne.  

Il est important de savoir ce lien entre l’alliance du Shabbat et l’interdiction de l’idolâtrie.  

Ce qui s’est produit, c’est la faute d’idolâtrie ; et par conséquent, en introduction à la reprise des commandements concernant la construction du מִּשְׁכָּן on va nous rappeler le principe de l’alliance du Shabbat.

 

Il y a plusieurs fois le rappel de l’alliance du Shabbat dans la Torah mais je vous parle de ce texte-là.

 

וַיַּקְהֵל   35.1:

וַיַּקְהֵל מֹשֶׁה אֶת-כָּל-עֲדַת בְּנֵי יִשְׂרָאֵל--וַיֹּאמֶר אֲלֵהֶם  אֵלֶּה הַדְּבָרִים אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לַעֲשֹׂת אֹתָם

Et Moïse assembla toute l’assemblée des בְּנֵי יִשְׂרָאֵל (c’est l’ensemble des tribunaux d’Israël) Et il leur a dit : voici les paroles que הַשֵּׁם a prescrit pour les faire

 

35 :2

שֵׁשֶׁת יָמִים, תֵּעָשֶׂה מְלָאכָה וּבַיּוֹם הַשְּׁבִיעִי יִהְיֶה לָכֶם קֹדֶשׁ שַׁבַּת שַׁבָּתוֹן לַיהוָה; כָּל-הָעֹשֶׂה בוֹ מְלָאכָה, יוּמָת

Pendant 6 jours le travail sera fait. ( מְלָאכָה = il s’agit de l’œuvre de la construction du מִּשְׁכָּן.) et le 7ème jour vous sera consacré Shabbat de Shabbat pour הַשֵּׁם Tout celui qui travaillera en lui mourra

 

Q : … (?)

R : On pourrait croire que puisque dans le temple le 7ème jour, le feu est permis alors par induction on aurait pu penser que dans certaines conditions de culte dans la maison même on aurait pu l’employer en dehors du  בֵּית הַמִּקְדָּשׁ …

C’est la différence entre le Réshout haya’hid (privé) et le Réshout harâbim (public).

Il n’y a que dans le Réshout haya’hid de Yi’houd shel Olam que c’est possible et pas dans le Réshout harâbim.

 

Je profite de votre question pour vous parler des 39 travaux reliés à l’interdiction du travail le Shabbat, le 1er sens du mot עֲבֹדַה – le travail – c’est la construction de la maison parfaite où l’homme parfait - le grand-prêtre – habillé des habits parfaits mangera le repas parfait et respirera le parfum parfait. Un vrai repas s’accompagne de parfums... un vrai repas comporte aussi le parfum.

 

Et il y a une explication que ces 39 sont 3x13.

13 est la valeur numérique de אֶחָד, il y a trois unités de travail :

  construire la maison,

  confectionner les vêtements,

  préparer le repas.

 

Tout ce qui est interdit le Shabbat est dérivé ou rattaché à l’un de ces 39 travaux de base qui recouvrent symboliquement ces 3 unités de comportement. Le comportement nécessaire pour construire une maison et tout ce qui va avec. Le comportement nécessaire pour confectionner les vêtements et tout ce qui va avec. Le comportement nécessaire pour préparer le repas et tout ce qui va avec. On en arrive à ce que je voulais étudier pour la construction du מִּשְׁכָּן.

 

וַיַּקְהֵל  35.4:

וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה אֶל-כָּל-עֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר:  זֶה הַדָּבָר אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר 

Et Dit Moïse à toute l’assemblée des enfants d’Israël en disant : Voici la chose que הַשֵּׁם a prescrit en disant…

 

35:5

קְחוּ מֵאִתְּכֶם תְּרוּמָה לַיהוָה כֹּל נְדִיב לִבּוֹ, יְבִיאֶהָ אֵת תְּרוּמַת יְהוָה:  זָהָב וָכֶסֶף וּנְחֹשֶׁת

Prenez de vous-même (de votre part) un prélèvement qui est offrande pour הַשֵּׁם tout celui qui est porté par la générosité de son cœur apportera cette offrande à הַשֵּׁם, or, argent et bronze…

 

Indépendamment du sens symbolique de ces matériaux des offrandes auxquels je n’aurais pas le temps de me référer mais vous devinez qu’il y a différents ordres de valeur en question dans tout ce qui est demandé, nous avons la répétition de ce qui avait été demandé déjà dans Parashah תְּרוּמָה où la Torah enseigne à quelle condition une offrande est authentique.  

Une offrande est authentique à condition qu’elle soit  spontanée, qu’elle soit une נֶדָבָה: portée par la générosité qui vient de ma propre spontanéité et qui n’est pas l’obéissance à un commandement. Si une offrande m’est commandée ce n’est pas une offrande.  

Exemple dans un autre ordre de valeurs :

La différence entre la charité et la justice : Il y a une charité  qui s’appelle la צֶדָקָה. La charité s’appelle חֶסֶד : charité que je fais spontanément à qui ne mérite pas. Parce que s’il la méritait ce serait de la Justice. Il y a une charité חֶסֶד qu’on appelle צֶדָקָה c’est une charité mais ce n’est  que justice que je la fasse. C’est une notion un peu contradictoire. C’est une charité que je dois. Mais qu’est-ce que cela signifie-t-il ? C’est déjà plus de la charité mais c’est un devoir ! Sans entrer dans la distinction חֶסֶד -  צֶדָקָה, c’est pour indiquer le problème que nous avons ici.  

Une תְּרוּמָה n’est vraiment authentique que si elle est נֶדָבָה. On ne demande pas à quelqu’un « fait moi un cadeau ! ». Un cadeau n’a de valeur de cadeau que si j’ai fait un cadeau.  

Moïse a donc une tache difficile : que son peuple fasse par eux-mêmes et apporte comme offrande ce qu’ils doivent apporter comme offrande. Il ne peut ordonner l’offrande sinon elle n’est plus authentique. Ce temple n’a de valeur que s’il vient de l’autonomie de l’homme. La part de l’homme dans ce monde comme מִּשְׁכָּן. C’est la grande difficulté de Moïse.

 

תְּרוּמָה Chapitre 25

וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר

Et הַשֵּׁם a parlé à Moïse. Pour dire.

 

דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ-לִי תְּרוּמָה:  מֵאֵת כָּל-אִישׁ אֲשֶׁר יִדְּבֶנּוּ לִבּוֹ, תִּקְחוּ אֶת-תְּרוּמָתִי

Parle aux enfants d’Israël, et ils prendront pour moi une offrande de la part de tout homme porté par son cœur vous prendrez Mon offrande.

 

Les traductions françaises sont souvent inexactes : « Parles au enfants d’Israël qu’ils prennent pour Moi... ». Les traducteurs rencontrent des difficultés de traduction et cela vient du fait qu’il y a דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל. Et il n’y a pas écrit : « Prenez-Moi ou apportez-Moi une offrande » mais : « Et ils Me prendront... »,  C’est une futur !  

C’est à Moïse de savoir quoi leur dire pour que par eux-mêmes ils sachent ce que Dieu attend d’eux, mais Moïse ne peut pas leur dire quoi faire. Il faut juste que le résultat soit que...  

C’est d’une part la difficulté du pédagogue en général et c’est la difficulté du médiateur : ici Moïse doit s’effacer complètement  de telle sorte qu’Israël – et c’est le génie de Moïse – puisse inventer ce que Dieu attend qu’il fasse. La Torah ne parle pas dans le sens d’une discipline commandée de l’extérieur : « Apportez-Moi une offrande… » Mais elle demande à Moïse : Parles-leur et que le résultat soit qu’ils M’apportent une offrande...

 

Nuance de lecture ‘hassidique :

« Si c’est toi Moïse qui leur parle, Je te promets qu’ils t’apporteront... »

 

תְּצַוֶּה 27.20:

וְאַתָּה תְּצַוֶּה אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ אֵלֶיךָ שֶׁמֶן זַיִת זָךְ כָּתִית--לַמָּאוֹר:  לְהַעֲלֹת נֵר, תָּמִיד

 Et quant à toi, tu ordonneras les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל et ils t’apporteront de l’huile d’olives pures broyées pour le luminaire pour faire monter une lumière perpétuelle ...

 

Vos voyez la lecture : Si c’est toi qui leur parle, Je te promets, ils t’apporteront...  

Je rappelle ce qu’on a étudié plus en détail dans Parashah תְּרוּמָה : c’est l’autonomie de la réponse de celui qui est soumis à la loi.  

 

Il y a deux manières d’être soumis à la loi :

 

  soit soumis dans le sens d’obéissance à un commandement qui vient de l’extérieur, cela s’appelle « l’hétéronomie de la loi ». 

 

  soit vouloir soi-même ce que la loi veut : cela s’appelle « l’autonomie de la loi ou l’autonomie du devoir moral ».  

 

Le rôle de Moïse est de faire qu’Israël veuille ce que la loi demande. C’est très différent d’accepter d’obéir à l’exigence de la loi ou de vouloir soi-même ce que la loi voudrait. Il y a une différence de niveau de comportement.  

Ce n’est qu’à cette condition que la תְּרוּמָה est authentique.

Dès la Parashah de תְּרוּמָה, voici comment la תְּרוּמָה est définie.

Qui doit apporter cette תְּרוּמָה ?

 

תְּרוּמָה Chapitre 25

וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר

דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ-לִי תְּרוּמָה:  מֵאֵת כָּל-אִישׁ אֲשֶׁר יִדְּבֶנּוּ לִבּוֹ, תִּקְחוּ אֶת-תְּרוּמָתִי

Et הַשֵּׁם a parlé à Moïse pour dire : Parle aux enfants d’Israël. Et ils prendront pour moi une offrande de la part de tout homme qui est porté par son cœur vous prendrez Mon offrande.

 

מֵאֵת כָּל-אִישׁ אֲשֶׁר יִדְּבֶנּוּ לִבּוֹ

 De la part de tout homme qui est porté par son cœur

 

Alors que dans la Parashah de וַיַּקְהֵל, le même enseignement se retrouve mais formulé de manière différente :

 

Chapitre 35, verset 4-5 :

וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה אֶל-כָּל-עֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר:  זֶה הַדָּבָר אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר

קְחוּ מֵאִתְּכֶם תְּרוּמָה, לַיהוָה כֹּל נְדִיב לִבּוֹ יְבִיאֶהָ אֵת תְּרוּמַת יְהוָה:  זָהָב וָכֶסֶף, וּנְחֹשֶׁת

 Et Moïse s’adressa à toute l’assemblée des enfants d’Israël en disant : Voici la chose que Dieu a ordonné en disant Prenez de votre part (קְחוּ) une תְּרוּמָה pour הַשֵּׁם...

 

Prenez de vous la תְּרוּמָה...

Quelle est la différence ?

« אִישׁ כֹּל» signifie « (de) tout homme » : Israël doit prendre la תְּרוּמָה qu’apporte l’humanité entière pour construire le Temple de Jérusalem. C’est le jour où la Makbit sera fait par les גּוֹיִם.

 

Ce qui est arrivé c’est qu’avec cette תְּרוּמָה apportée par l’extérieur d’Israël sous la forme de עֵרֶב רַב, il en est sorti le veau d’or. C’est la raison pour laquelle après le veau d’or, Moïse va préciser et va dire en ajoutant une chose [וַיַּקְהֵל] :

 

זֶה הַדָּבָר, אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר

Voici la chose que הַשֵּׁם a prescrite en disant

 

Voici en réalité ce que Dieu m’avait demandé de vous dire

קְחוּ מֵאִתְּכֶם תְּרוּמָה לַיהוָה

Prenez de vous-même (de votre part) un prélèvement qui est offrande pour הַשֵּׁם.

 

וַיַּקְהֵל   35.4-5 :

וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה אֶל-כָּל-עֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר:  זֶה הַדָּבָר אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר

קְחוּ מֵאִתְּכֶם תְּרוּמָה לַיהוָה, כֹּל נְדִיב לִבּוֹ יְבִיאֶהָ אֵת תְּרוּמַת יְהוָה:  זָהָב וָכֶסֶף, וּנְחֹשֶׁת

Et Dit Moïse à toute l’assemblée des enfants d’Israël en disant : Voici la chose que הַשֵּׁם a prescrit en disant : Prenez de vous-même (de votre part) un prélèvement qui est offrande pour הַשֵּׁם tout celui qui est porté par la générosité de son cœur apportera cette offrande à הַשֵּׁם. Or, argent et bronze.

 

Mais dans תְּרוּמָה (à priori de la faute) :

מֵאֵת כָּל-אִישׁ אֲשֶׁר יִדְּבֶנּוּ לִבּוֹ

De la part de tout homme qui est porté par son cœur...

 

Il n’est pas précisé s’il est d’Israël ou pas.

D’autant plus qu’à priori le Temple de Jérusalem est pour l’humanité entière.

L’humanité toute entière le sait tellement bien qu’elle le réclame pour elle à une seule condition : que ce ne soit pas celui d’Israël !

 

Donc Israël doit servir de relai de telle sorte qu’on soit assuré que les matériaux avec lesquels le Temple sera construit soient casherisés. Si cela venait directement sans une certaine casherisation des valeurs que Israël est censé devoir faire alors avec ce même or, au lieu qu’il en sorte le candélabre, il va en sortir le veau d’or...

 

Cet enseignement se trouve dans le Zohar : la différence dans la forme des commandements concernant le מִּשְׁכָּן entre la Parashah de תְּרוּמָה et la Parashah de וַיַּקְהֵל  c’est d’une part le fait que תְּרוּמָה est à priori de la faute et וַיַּקְהֵל  est à postériori de la faute ; et d’autre part le fait qu’à priori de la faute, le Temple de Jérusalem est le temple de Jérusalem pour toute l’humanité et c’est Israël qui le construit. A postériori de la faute, c’est le Temple pour Israël, et donc il est  candidat à être détruit jusqu’au moment où sera construit le Temple pour toute l’humanité.

 

C’est la raison pour laquelle finalement le Temple qui a été construit devait être détruit.  

 

Enseignement ‘hassidique :

Un juif pieux a l’habitude d’apporter de l’huile à la synagogue. Et l’huile qu’il apporte c’est en vue que le Shamash l’utilise pour la veilleuse devant la אֲרוֹן-הַקֹּדֶשׁ. Mais le Shamash a aussi besoin d’huile pour les gonds des serrures et des portes. Alors le Rav Lévi de Berditchev enseigne que le sort de cette huile cela dépend de l’intention de celui qui apporte l’offrande....

 

Histoire ‘Hassidique :

A propos de la construction du מִּשְׁכָּן : Moïse était chargé de chercher parmi le peuple des artistes  capables d’être « מַחֲשָׁבוֹת חוֹשֵׁב» et en particulier c’est Betsalel qui a été choisi. « חוֹשֵׁב מַעֲשֵׂה» une œuvre artistique. En hébreu cela signifie « מַעֲשֵׂה » une œuvre qui a demandé une מַחְַשָבָה. Mais une מַחְַשָבָה c’est aussi une intention. Cela veut dire que la valeur et l’authenticité de la תְּרוּמָה dépend de l’intention de celui qui l’a apporté. 

 

Qui va être capable de construire le Temple ?  Celui qui est capable de penser les pensées de ceux qui ont apporté la תְּרוּמָה : מַחְַשָבָה חוֹשֵׁב !

Telle partie de l’or sera utilisée pour les socles des poutres et telle autre pour le candélabre...

 

Histoire ‘hassidique :

Un ’Hassid demanda à son rabbin : « je ne comprends pas : dans les 1er temps du ‘Hassidisme les grands Admourim venaient en calèche, et aujourd’hui les Admourim viennent en Mercedes, et avant les Yeshivot étaient des בֵּית הַמִדְרָשׁ et maintenant ce sont des palais... cela devient plus inquiétant que l’université (en marbre et vide comme des tombeaux) qu’est-il arrivé ?

Réponse du Rav : Tu comprends, il y a trois sortes de חָסִידִים: ceux dont l’offrande est vraiment de la חָסִּידוּת et cela va au Talmud Torah et d’autres dont c’est חֲצִי doute « la moitié d’une doute », cela va au marbre, et ceux dont seuls le père étaient ‘Hassid et cela va à la Mercedes...

 

Il y a une intention de l’offrande et il y a tous les niveaux de l’offrande.

 

וַיַּקְהֵל   Chapitre 35, verset 4

וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה אֶל-כָּל-עֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר:  זֶה הַדָּבָר אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר

Et Dit Moïse à toute l’assemblée des enfants d’Israël en disant : Voici la chose que הַשֵּׁם a prescrit en disant

 

Rashi sur זֶה הַדָּבָר אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר

Ce que Moïse va dire à l’assemblée d’Israël dans וַיַּקְהֵל : voici la chose que Dieu m’a prescrit de dire... sous-entendu : « Maintenant je vous précise ce qu’Il m’avait demandé dans la Parasha תְּרוּמָה et qui n’était pas indiqué : « Prenez de vous-mêmes et pas des autres ! »

 

Rashi en trois mots sur :

זֶה הַדָּבָר, אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר

זה הדבר אשר צוה ה': לי לאמר לכם « Qu’Il m’avait prescrit à moi de vous dire... » 

 

C’est ce que signifie le verset mais Rashi ajoute : voici ce que en réalité Dieu m’avait demandé à moi Moïse de vous demander à vous. C’est dire que Moïse prend sur lui le fait d’avoir formulé le verset de תְּרוּמָה à l’échelle universelle.   

Moi, il M’avait demandé à moi de vous dire : « Prenez de vous-même (Israël) » ... Et c’est moi qui  vous ai demandé : « Prenez de quiconque porté par son cœur (עֵרֶב רַב et Israël)... »

 

 

Rashi ajoute: לי לאמר לכם

J’ai dit « כָּל-אִישׁ» et vous avez compris n’importe qui...

A quoi cela se rattache-t-il ?

C’est Moïse qui a pris l’initiative de prendre le עֵרֶב רַב dans Israël. Et c’est le עֵרֶב רַב qui a induit la faute du veau d’or que Israël a faite. Parce que la responsabilité de cette génération d’Israël est entière. C’est le עֵרֶב רַב qui voyant que Moïse n’était pas redescendu de la montagne qu’ils se sont mis à choisir ce signe du zodiaque et se sont mis à adorer ce symbole astrologique comme médiation des forces cosmiques qui n’était pas celui qu’il fallait reconnaître. On était sorti du Bélier et ils sont rentrés dans le Taureau, signe précédent. Plus tard, on va nous parler du sauveur né d’un autre signe du zodiaque.... Vous savez lequel.

 

Quoiqu’il en soit le texte est très clair, lorsque la faute du veau d’or a eu lieu, Dieu s’adresse à Moïse et dit :

 

כִּי-תִשָּׂא Chapitre 32, verset 7 :

וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה:  לֶךְ-רֵד--כִּי שִׁחֵת עַמְּךָ אֲשֶׁר הֶעֱלֵיתָ מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם

Et הַשֵּׁם parla à Moïse: va descend ! Car ton peuple a fauté que tu as fait monté du pays d’Egypte.

 

Chaque fois qu’il y a l’expression מִמִּצְרַיִם לַעֲלוֹת, il s’agit du עֵרֶב רַב, il n’y a pas d’exception dans la Torah. Une exception apparente dans Jérémie mais en réalité il s’agit du עֵרֶב רַב qui reviendra de la גָלוּת  avec les rescapés de la גָלוּת  . Ce qu’on voit de notre temps d’ailleurs. Ne pensez pas aux Russes, ni à personne d’autre, il ne s’agit pas d’eux, il s’agit du עֵרֶב רַב qui est en Israël de manière permanente et qui nous vient de laגָלוּת .

Quoiqu’il en soit la règle est très claire, chaque fois qu’il s’agit d’Israël c’est לִיצִיאָת מִצְרָיִם: la sortie d’Egypte, chaque fois qu’il s’agit de עָלִיָה c’est le עֵרֶב רַב.  

Dieu s’adresse à Moïse et lui dit : לֶךְ-רֵד va descend… Le Midrash dit : רֵד signifie red migdoul atkha descend de ta grandeur.

Parce que Moïse est en haut de la montagne : לֶךְ = va et רֵד = descend, donc לֶךְ-רֵד = descend de ta grandeur... Le Midrash continue : Je ne t’ai donné de grandeur que pour Israël, Israël a fauté ta grandeur disparait....

 

Rashi intervient :

Ton peuple c’est le עֵרֶב רַב :

« Tu as décidé de la faire entrer sous les ailes de la שְׁכִינָה sans Me demander Mon avis »  

Alors Moise intercède tout de suite pour Israël et non pas pour le עֵרֶב רַב: la 1ère prière de Moïse est pour Israël et non pas pour le עֵרֶב רַב.

Quel sens cela a-t-il ?

C’est que Moïse savait que l’on ne peut sortir d’Egypte qu’en emmenant le עֵרֶב רַב. Si on n’emmène pas le עֵרֶב רַב toute l’histoire de l’exil perd son sens. Une des fonctions de l’exil est de ramener le עֵרֶב רַב. Si on ne le ramène pas il faudra retourner en exil pour le rechercher.

C’est dans la גְּמָרָא de Yoma.

Cela veut dire qu’il y a, perdues dans le monde, des valeurs et des personnes qui originellement devraient être d’Israël et qui sont perdus d’Israël. Une des fonctions de l’exil est de les ramener. Cet enseignement est un mystère. Pour ramener quelques étincelles de sainteté perdues dans le vaste monde on perd des quantités d’âmes d’Israël ?  Il y a une sorte de tri catastrophique. Tout ce qui se perd dans l’exil pour ramener ces étincelles ? Il faut bien comprendre la profondeur de ces enseignements qui ne sont jamais simples.

 

Le Rav A.I.Kook a fait un Psak : avant même la création de l’Etat d’Israël: à partir du moment où l’Etat d’Israël existe on devrait interdire aux tribunaux de l’étranger de faire des convertis. A moins de les faire pour Israël.  

La raison est la suivante : un tribunal rabbinique de l’étranger qui converti un גוֹי au judaïsme le condamne à l’exil. En réalité, c’est un devoir d’accepter un converti authentique, mais pour Israël. En général, les vrais convertis finissent par arriver en Israël.

 

Anecdote personnelle:

Le דִין בֵּית rabbinique m’a demandé mon avis sur un cas : un Baroukh Yeshivah s’est épris d’une גּוֹיָה et ont décidé de se marier, elle a accepté de se convertir et est venue en Israël pour étudier en vue de sa conversion. Au bout d’un certain temps la conversion approche et ce jour précis elle annonce son refus de se marier avec ce juif : « Moi, je vais me marier avec ce juif qui voulait se marier à une גּוֹיָה?»  Elle s’est marié avec un juif, ils sont heureux tout va bien...

 

Le raisonnement de Moïse :

 

Si le עֵרֶב רַב est détruit, ce sera mauvais pour Israël. C’est-à-dire qu’Israël sera obligé de retourner en exil. Donc, dès qu’il y a condamnation de le עֵרֶב רַב par Dieu, Moïse prie pour Israël.

 

כִּי-תִשָּׂא  Chapitre 32, verset 11-12

וַיְחַל מֹשֶׁה אֶת-פְּנֵי יְהוָה אֱלֹהָיו; וַיֹּאמֶר לָמָה יְהוָה יֶחֱרֶה אַפְּךָ בְּעַמֶּךָ אֲשֶׁר הוֹצֵאתָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם, בְּכֹחַ גָּדוֹל וּבְיָד חֲזָקָה

Et Moïse pria à la face de הַשֵּׁם son Dieu et il dit : Pourquoi הַשֵּׁם Ta colère s’enflammerait-elle contre ton peuple que Tu as fait sortir du pays d’Egypte. (Il s’agit d’Israël) avec une grande force et une main forte ?

 

לָמָּה יֹאמְרוּ מִצְרַיִם לֵאמֹר, בְּרָעָה הוֹצִיאָם לַהֲרֹג אֹתָם בֶּהָרִים וּלְכַלֹּתָם, מֵעַל פְּנֵי הָאֲדָמָה; שׁוּב מֵחֲרוֹן אַפֶּךָ וְהִנָּחֵם עַל-הָרָעָה לְעַמֶּךָ

 Pourquoi l’Egypte dirait ainsi « Il les a fait sortir sous un signe maléfique pour les détruire dans les montagnes et les détruire de dessus la face de la terre. » Reviens de ta colère et (regrette) reprend ta décision de mal pour Ton peuple.

 

Traductions françaises erronées :

« Reviens de ton irritation et révoque la calamité qui menace ton peuple » 

« Reviens de la fureur de ton courroux, et repens-toi du mal contre ton peuple » 

Ce n’est pas tant que les traducteurs ne connaissaient pas l’hébreu mais qu’ils ne connaissaient pas le français. Ils ne sont pas parvenus à trouver la forme française qui formulerait exactement ce qu’ils ont compris en hébreu...

 

שׁוּב מֵחֲרוֹן אַפֶּךָ וְהִנָּחֵם עַל-הָרָעָה לְעַמֶּךָ.

Reviens de ta colère-ton courroux et révoques le mal / en faveur de ton peuple.

 

Les טַעַמִים coupent la phrase dans son dernier segment. On va le vérifier dans un verset ultérieur : le verset 32.14 :

 

וַיִּנָּחֶם, יְהוָה, עַל-הָרָעָה, אֲשֶׁר דִּבֶּר לַעֲשׂוֹת לְעַמּוֹ

 Et הַשֵּׁם révoqua la calamité dont il avait parlé pour agir en faveur de son peuple.

 

Traduction française de nouveau erronée :

 « Et l’Eternel révoqua le malheur qu’il avait voulu infliger à son peuple »

 

Ce n’est pas ce qui est écrit en hébreu : Dieu a décidé de suspendre la sanction envers le עֵרֶב רַב pour pouvoir agir en faveur d’Israël.

 

Ensuite, quand Dieu a accepté la prière de Moïse et a suspendu la sanction contre le  עֵרֶב רַב pour sauver Israël, alors le עֵרֶב רַב a été introduit en Israël.

Et si le עֵרֶב רַב a été introduit en Israël, alors là il devient passible de la loi d’Israël et il faut donc prier pour עֵרֶב רַב. C’est pourquoi il y a une deuxième prière et celle-là est pour le עֵרֶב רַב

 

32:31

וַיָּשָׁב מֹשֶׁה אֶל-יְהוָה וַיֹּאמַר:  אָנָּא חָטָא הָעָם הַזֶּה חֲטָאָה גְדֹלָה, וַיַּעֲשׂוּ לָהֶם אֱלֹהֵי זָהָב

Et Moïse monta vers הַשֵּׁם et il dit : de grâce, ce peuple-là a fauté d’une grande faute, ils se sont faits des dieux d’or.

 

וְעַתָּה, אִם-תִּשָּׂא חַטָּאתָם; וְאִם-אַיִן--מְחֵנִי נָא, מִסִּפְרְךָ אֲשֶׁר כָּתָבְתָּ

Et maintenant si Tu élèves (suspends) leur faute et sinon efface-moi du livre que Tu as écris…

 

Le Midrash explique : qu’on ne dise pas qu’il était là pour nous imposer la loi et non pas pour intercéder pour nous. Il y a donc deux prières différentes, et il ne s’agit pas d’une répétition des deux textes : la première est pour Israël, la 2nde est pour le עֵרֶב רַב une fois intégré à Israël.  

Ce qu’il faut maintenant comprendre c’est la signification de ce fait pour lequel Moïse prend l’initiative confirmée par Dieu a postériori d’intégrer le עֵרֶב רַב à Israël.   

D’abord, la grande différence entre עֵרֶב רַב et Israël n’est pas dans le fait d’avoir accepter ou pas la Torah au Sinaï. Les deux ont accepté sans problème. C’est l’attitude dans laquelle la Torah a été reçue. La grande différence, c’est qu’Israël avait 6 générations d’éducation hébraïque d’Abraham à Moïse que n’avait pas le עֵרֶב רַב. Il y a une identité de culture, de דֶּרֶךְ אֶרֶץ, propre à la Torah et qui précède la Torah. Si elle fait défaut, on reçoit la Torah dans une attitude païenne. C’est vrai pour les Juifs aussi. Il y a énormément de comportements superstitieux et de risque magiques même chez les Juifs eux-mêmes, qui vient de ce que la Torah est reçue sans le דֶּרֶךְ אֶרֶץ hébreu. Il y a 6 générations du דֶּרֶךְ אֶרֶץ hébreu d’Abraham à Moïse que n’avaient pas le עֵרֶב רַב. Ils ont accepté la Torah de Moïse mais avec Moïse comme médiateur, et avec Moïse comme médiateur divinisé car ils étaient d’essence païenne. Mais il y a ce risque-là si la Torah est reçue sans le דֶּרֶךְ אֶרֶץ hébreu.

 

Il en résulte d’une certaine manière que Israël qui s’est constitué comme un ensemble de prêtres pour l’humanité a dès le départ un handicap : Israël prend sur lui les fautes de l’humanité, les fautes de métiers d’hommes, de telle sorte de pouvoir les expier. La grande caractéristique de l’expérience religieuse d’Israël est d’être collective. Dieu ne contracte d’alliance religieuse avec Israël que lorsqu’Israël est une collectivité, alors que chez les גּוֹיִם l’expérience religieuse est d’abord individuelle et elle se met en commun. Une communauté religieuse chez les גּוֹיִם c’est quelque soit les apparences une expérience individuelle qui est mise en commun dans une communauté, cela s’appelle : « faire église ». Tandis que l’expérience religieuse en Israël, c’est un peuple avec qui Dieu a contracté alliance. On est alors individu à l’intérieur du peuple.

 

Deux choses à ce sujet :

La grande différence c’est que nous n’avons pas de héros exemplaire dont la Torah nous raconterait l’histoire comme une histoire à imiter. C’est l’histoire d’Israël comme collectivité. Le commencement de l’histoire d’Israël n’est pas l’histoire d’Abraham mais l’histoire de la sortie d’Egypte.  

C’est la grande différence avec ce qui pourrait sembler analogue chez les גּוֹיִם. Il faut mettre là entre parenthèse l’islam.  

Mais malgré tout, il s’agit-là d’une réalité d’ordre collectif que chacun vit à l’échelle individuelle au niveau où il se trouve. Et il peut y avoir des niveaux négatifs. Mais ce sont les niveaux négatifs de cette expérience-là et pas d’une autre. Exemple des mathématiques : il y a des équations qui ont plusieurs solutions : positives et négatives. Négatives mais elles concernent cette équation-là.  

Ceci pour dire qu’il y a des Juifs athées mais qui sont Juifs. Alors qu’un גוֹי même croyant n’est pas juif. Chose très difficile à comprendre pour les גּוֹיִם.

 

Le sociologue Eric Weil écrit dans une note de sa thèse de doctorat: « lorsque je fais allusion à la religion, religion que je ne pratique pas et à laquelle je ne crois pas, c’est le judaïsme et non pas le christianisme. » Ce qui revient à dire : « Ne me changez pas ma religion à laquelle je ne crois pas... ». Il n’y a pas plus orthodoxe qu’un juif athée.  

Il s’agit donc d’une réalité d’ordre collectif. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit du salut de l’universel. Or, le salut de l’universel ne passe pas par un individu mais par une collectivité. Il n’y a qu’une collectivité qui peut représenter l’universel.

 

C’est la raison pour laquelle, toutes les manières d’être homme de l’universel humain se reflètent dans l’identité  d’Israël, d’abord à travers la constitution des tribus d’Israël à un certain niveau (au niveau hébraïque) et ensuite à travers le עֵרֶב רַב.

 

C’est la raison pour laquelle le עֵרֶב רַב introduit en Israël ce qui est le propre .../...

[la מִּדָה de la nuque raide : עֹרֶף קְשֵׁה עַם]

 

Et à la fin de la Parashah, Dieu dit à Moïse : « va dire à Israël méfiez-vous maintenant vous êtes devenus עֹרֶף קְשֵׁה עַם» Mais la עֹרֶף קְשׁוּת vient du עֵרֶב רַב.

Israël a pris sur lui d’être cela pour pouvoir être Israël.  

Dit très rapidement au niveau sociologique : Lorsque les Juifs reviennent d’exil, ils ramènent avec eux toutes les manières d’être גוֹי , avec les qualités et les défauts. Et c’est tout cela ensemble mis dans le même creuset qui devient la société d’Israël.  

Or, je vous suppose très préoccupés des événements contemporains, déjà depuis le 13 septembre [1994], je suppose. Je ne pourrais pas en parler ce soir mais je crois inévitable une soirée d’étude là-dessus. Je distribue une feuille de références dont je vous ai fait des copies en hébreu où tout ces événements qui se passe aujourd’hui sont indiqués dans des références qui vous sont données, en particulier du  Zohar et du Talmud mais surtout du Rav Kouk qui décrivent et expliquent ce qui se passe actuellement, et tout cela est indexé au עֵרֶב רַב.

 

Je vous en lis une phrase : 

« Qui sont ceux-là qui persécutent le reste de leur frères, les enfants d’Israël, qui rendent leur vie amère et qui mettent en danger leur existence ? Déjà nos maîtres ont défini les malheurs des hommes de la génération précédant la גֵּאֻלָה. » Et on nous donne toute une série de références.

Une phrase est très frappante: « C’est ceux qui présentent une apparence extérieure israélienne alors que l’intérieur de leur identité n’est plus juive ».

 

 

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