L’OEUVRE DE LA CRÉATION
LES ENGENDREMENTS
JUIFS OU HÉBREUX
ISRAËL ET LES NATIONS
MESSIANISME
THÈMES FONDAMENTAUX

TOLEDOT - SÉRIE 1984

Le cours

 

  (1984)  תּוֹלְדֹת

Chapitre 25, verset 19 :

וְאֵלֶּה תּוֹלְדֹת יִצְחָק בֶּן-אַבְרָהָם אַבְרָהָם הוֹלִיד אֶת-יִצְחָק

Et voici les engendrements d’Isaac fils d’Abraham, Abraham engendra Isaac.  

La dernière fois nous avons étudié l’expression du chapitre 14 « אַבְרָם הָעִבְרִי», et nous avons surtout analysé l’identification des Hébreux en exil dans la civilisation d’Our Qasdim et l’identité araméenne.

 

Introduction:

Tout au long du déroulement du récit depuis l’histoire d’Abraham (c’est vrai aussi avant et après l’histoire des patriarches mais c’est un phénomène central durant la vie des אֲבוֹת, les patriarches) il y a un récit qui nous enseigne l’engendrement de l’identité d’Israël. C’est d’ailleurs le titre de la Parashah de cette semaine: תּוֹלְדֹת  – à l’état grammatical absolu – les engendrements.  

Un principe de lecture qui vaut pour l’ensemble des récits historiques de toute la bible: l’histoire d’Israël est accompagnée d’une contre-histoire.  

Le personnage principal à chacun des 3 générations Abraham, Isaac et Jacob est toujours accompagné d’autres personnages qui sont parallèle à son histoire.

 

Nous avons là deux points à mettre en évidence

D’abord pourquoi a-t’il fallu trois générations, trois patriarches, trois étapes, pour faire apparaître Israël ?  

On se serait attendu à ce que le peuple d’Israël dans son identité fondamentale profonde soit fondé par un engendreur fondateur, un ancêtre, un patriarche. On est tellement familier avec ce récit que l’on reprend depuis 3400 ans que cela nous semble aller de soi. Mais du point de vue de l’étude il faut mettre en évidence les questions que cela pose.  

Il y a différents ordre de réponses, niveau de lecture et nous suivrons l’une d’entre elles dans le conflit entre Esaü et Jacob qui fait le centre de la Parsahah de cette semaine.

 

Ce premier principe s’enracine à l’analyse de la dernière fois : Abraham, lorsqu’il s’appelait אַבְרָם et qu’il était à Our-Qasdim dans la civilisation de la Mésopotamie, c’était l’identité araméenne. Je vous avais cité la référence du Talmud Brakhot à ce sujet: אַבְרָם y est défini comme étant לְאַרַם אַב.   

Il arrive dans le pays - désigné par le texte comme « pays de Kenaan » qui reprendra son nom de pays d’Israël assez rapidement - avec cette identité araméenne qui est une sorte de קלִיפָּה – d’écorce, un peu à la manière dont le fruit est à la fois protégé mais caché par sa propre écorce. La fonction de l’écorce est une sorte de gangue qui accompagne l’identité hébraïque cachée, enfouie, depuis des siècles lorsqu’elle se prépare à travers Ever l’ancêtre d’Abraham qui va donner son nom à la lignée des Hébreux, mais aussi à travers Shem fils de Noah jusqu’à הָרִאשׁוֹן אָדָם, cette identité hébraïque qui est le véhicule de la capacité prophétique, il est nécessaire que cette קלִיפָּה soit épurée. Une des réponses est que deux étapes seront nécessaire parce qu’il y a une קלִיפָּה extérieure : קלִיפָּה hitsonit et une קלִיפָּה intérieure une קלִיפָּה pnimit.  

Cela donne la structure de ces 2 premières étapes : Abraham est séparé d’Ishmaël קלִיפָּה ’hitsonit et de façon plus intérieure : la קלִיפָּה Pnimit intérieure va être séparée : Esaü.  

Nous sommes dans un processus de sélection d’identité et de libération de l’identité hébraïque qui était dans l’écorce, dans sa gangue araméenne.

 

Ce n’est que dans la 3ème étape où l’on va se mesurer à l’araméen en tant que tel : Yaaqov-Lavan.

Où Lavan est nommé ès-qualité dans le texte לָבָן הָאֲרַמִּי

 

Voilà une 1ère approche du problème : il faut comprendre que dans ce récit de la Parsahah où Isaac et Rebecca vont avoir deux enfants jumeaux et il va devenir nécessaire de séparer l’un de l’autre. L’enfant de Isaac et Rébecca est en réalité deux jumeaux : cela se relie à l’indication qu’il s’agit là de la קלִיפָּה Pnimit intérieure qu’il s’agit là de séparer.  

 

Dans l’histoire générale, ce schéma de l’accompagnateur de l’identité des Patriarches qui s’instaure et s’érige en rivalité nous allons le retrouver très facilement par le diagnostic de 2 des grandes rivalités parmi d’autres qu’Israël a connu à travers l’histoire : la rivalité à travers Ishmaël c’est bien entendu l’islam et la rivalité à travers Esaü c’est la chrétienté. Ceci est moins familier. Mais pas dans les sources traditionnelles : אֱדוֹם הוּא עֵשָׂו. Edom est la civilisation romaine qui en fin de compte a donné le christianisme.  

 

Nous avons là à faire à deux relations de natures différentes. 

Effectivement la relation de rivalité entre Ishmaël et Itzhak est une relation d’extériorité : Ishmaël se situe vraiment comme identité extérieure à celle d’Israël venant d’Itzhak.  

Alors que la relation de rivalité entre Yaaqov et  Esaü est intérieure et beaucoup plus intime. Tout se passe comme Esaü et Jacob, sortis de la même matrice, vont avoir entre eux un problème de revendication d’identité beaucoup plus prononcé et intérieur que dans le problème de la rivalité d’Ishmaël et d’Itzhak. On reconnait dans l’histoire la nature du conflit entre le christianisme et Israël qui est plus intérieur que celui de la rivalité avec l’Islam.

 

Le schéma est un peu plus général : en fait nous avons à chaque grande étape, à chaque grande génération deux sortes de personnages qui accompagnent l’histoire des Patriarches – c’est clairement lisible dans l’histoire des Patriarches mais ce principe est tout autant valable de façon déjà clandestine avant l’histoire d’Abraham avant que cette identité clandestine sorte au jour et cela continue après l’histoire des Patriarches.  

 

Il y a une première série de personnages qui sont des approximations d’identités à chaque étape de l’émergence de l’identité d’Israël et qui s’érige en rivalité.  

Ainsi à la première génération, l’approximation d’identité d’Abraham, c’est Loth.

Loth accompagne Abraham pendant un long temps de chemin, ils se ressemblent, au point que un verset le dit :

Gn. 13:8: כִּי-אֲנָשִׁים אַחִים אֲנָחְנוּ.  Car nous sommes des hommes frères.  

 

Lorsqu’Abraham va argumenter le fait qu’ils doivent se séparer il emploie cette expression. En fait ils ne sont pas frères vraiment du point de vue de l’état civil, mais le Midrash explique: ils se ressemblent comme des frères, lorsque l’on voit l’un, on croit voir l’autre.

Mais en réalité ce n’est qu’une apparence extérieure, du point de vue de l’identité profonde il y a une différence radicale. Lot ressemble à Abraham, il aurait pu avoir le même cheminement, la même  histoire, la même identification, et se serait fondu dans l’identité de la descendance d’Abraham, mais finalement cette approximation d’identité reste asymptote à son idéal et elle s’érige et fait souche en rivalité contre Israël. De Loth vont procéder deux rivalité : Amon et Moab.

 

Dans l’histoire contemporaine c’est difficile à diagnostiquer mais dans toute l’histoire biblique on s’aperçoit que cette revendication d’identité contre la lignée d’Abraham de la part de Loth, Ammon et Moab, a toujours été importante, elle est d’ailleurs encore forte et vivace, elle travaille bien que clandestinement et souterrainement, Ce n’est pas notre sujet aujourd’hui. Mais beaucoup de problèmes contemporains de l’interpellation à Israël contemporain viennent aussi du côté d’Amon et de Moab.

 

L’autre lignée est celle des adversaires, celle des antagonistes. Chacun des personnages de l’histoire d’Israël est accompagné de deux faux-frères qui l’accompagnent :

-  L’un est l’approximation d’identité qui s’érige en rivalité.

-  L’autre est l’antagonisme radical : au niveau d’Abraham il s’agit de Nimrod.  

Je rappelle brièvement la problématique Nimrod-Abraham :

La תּוֹרָה nous parle de Nimrod (cf. les généalogies du chapitre 10 en vous aidant de la lecture de Rashi et des Midrashim qu’il cite) en nous disant qu’il était « révolté devant Dieu ». Le nom de Nimrod en hébreu signifie le révolté. C’est la racine Marad.

Le principe de l’opposition de Nimrod à Abraham va traverser toute l’histoire jusqu’à nous, et on va voir énormément de lignées de rivalités se mettre en place. Essentiellement, celle d’Esaü face à Jacob, thème au centre de notre Parsahah.  

 

La תּוֹרָה au sujet de Nimrod (Gn. 10:10):

וַתְּהִי רֵאשִׁית מַמְלַכְתּוֹ בָּבֶל  « le commencement de son empire fut Babel »  

Et le Midrash nous situe Nimrod comme étant roi de Babel du temps d’Abraham, et il avait décidé de jeter dans la fournaise la famille d’Abraham – c’est-à-dire les Hébreux de ce temps.

 

Petite parenthèse :

Pourquoi alors que déjà en ce temps-là les contenus de l’histoire étaient importants, difficiles et tragiques, pour le sort de l’Israël naissant, pourquoi semble-t-il, dans la mémoire traditionnelle cela a-t’il été rejeté dans la préhistoire ? Lorsqu’on analyse de façon suffisamment aigüe ce que les Midrashim nous disent du conflit Nimrod - Abraham : Babel l’empire avec l’identité Abraham c’est-à-dire une identité hébraïque naissante sortant de son exil et cette opposition radicale qui aboutit à la fournaise d’Our-Qasdim, c’est-à-dire par les analogies que nous avons de notre expérience aux fours crématoires, pourquoi cette histoire fut-elle, semble-t-il, oubliée ?

 

De la même manière que toutes les convulsions d’agonie qui ont accompagné la sortie d’Egypte se sont finalement estompées. On parlait plus des massacres des croisades, de l’inquisition… Et on s’aperçoit dans les temps récents que le Midrash nous raconte des choses extrêmement analogues à ce qui s’est passé au temps du nazisme au temps de la sortie de Babel. Pourquoi est-ce rejeté semble-t-il dans une mémoire de la préhistoire ? 

 

Q : (inaudible)

R : Les promesses se sont dévoilées de plus en plus explicitement que parce qu’il s’agit de l’identité concernée, et cette identité est déjà en jeu et en péril à ce moment-là de la même manière.

La menace de Nimrod contre Abraham en son temps est aussi grave que la menace de Pharaon contre les Hébreux d’Egypte ou de la menace de Hamann au temps de Mardochée ou de l’inquisition en Espagne ou de l’Allemagne au temps contemporain...  

 

Il y a un principe dans le Talmud qui l’explique : il y a des stades irréversibles qui sont récapitulés dans une allusion du Midrash : par le fait que cela ne concerne encore que l’histoire des individus. Pendant le temps des אֲבוֹת, chaque identité Israël se préparant à devenir Israël est encore à l’échelle individuelle d’une personne. La תּוֹרָה a dévoilé explicitement cette carte d’identité de destinée lorsqu’il s’agit du peuple, de la collectivité, d’Israël en tant que peuple. Les deux principes vont ensemble. Ce qui est très ancien est récapitulé parce qu’il y a eu une sortie irréversible. Et finalement, le modèle du modèle, ce renouveau du récit de la תּוֹרָה c’est la sortie d’Egypte. Nous en voyons la préfiguration dans l’histoire des Patriarches. Mais cela va depuis le commencement.

Au fond c’est toute cette équation de Caïn et Hebel, remodifiée par l’intervention de la lignée de Shet, qui se développe de plus en plus.

 

Q : Cela voudrait dire que l’on pourrait commencer le cycle par le génocide de la dernière guerre. 

R : Exactement. Pas commencer mais enfin…  

Quoiqu’il en soit je voudrais restaurer cela : Il y avait une vigilance de la mémoire qui probablement n’est passée que dans de très rares lignées. Et ce n’est pas par hasard que ce soient les auteurs kabbalistes qui à travers 2000 ans nous ont raconté ce qui risquait d’arriver en s’appuyant sur ce qui était déjà arrivé. Je vous cite en particulier un livre qui m’avait beaucoup impressionné lorsque j’avais commencé à l’étudier, c’est le « לְאַבְרָהָם חֶסֶד» du Rav Azoulaï qui décrit ce qui est arrivé au temps de la Shoah en s’appuyant d’ailleurs sur des sources que l’on retrouve chez le Ramak, de façon tellement évidente que l’on pourrait se demander d’où il sait cela. On se demande à postériori que c’est ainsi que c’est arrivé. C’était un risque a priori parce qu’il n’y a pas de fatalité, mais finalement c’est arrivé comme ça. Et finalement il n’y a pas de mystère c’est cette mémoire du Midrash qui savait déjà cela dans les problématiques et les occurrences premières. 

 

Retour au sujet : Le cas de Nimrod vis-à-vis d’Abraham.

Le nom de Nimrod est celui du « révolté ». Midrash : il est révolté contre Dieu, contre le Créateur. Il n’est pas satisfait du Créateur alors il se révolte contre lui. En fait l’analyse un peu plus fine nous montre que le point de départ de la vocation d’Abraham est cette même insatisfaction. Mais elle ne porte pas la même conséquence. Abraham commence également à être radicalement insatisfait mais de l’état du monde. Cette insatisfaction de l’état du monde chez Nimrod a pour conséquence une révolte contre le créateur. Cette même insatisfaction chez Abraham a pour conséquence de devenir le serviteur du projet du Créateur.

 

L’expérience existentielle est la même apparemment mais le diagnostic est différent. Ce qui fait que dans le problème de savoir comment se mesurer à la perception que nous avons du monde, il n’y a que deux voies possibles :

-  celle de Nimrod dans la révolte contre le Créateur,

-  celle d’Abraham, à partir de la même expérience, et je reviendrais sur cette notion d’insatisfaction, qui consiste à porter le diagnostic que l’état du monde ne correspond plus au projet du Créateur, et de se mettre au service du projet du créateur pour restaurer l’état du monde.  

 

C’est pourquoi le Midrash a rassemblé dans la même équation Nimrod et Abraham.

Une des Midrashim signale que sous cette forme même, l’échec de Loth a été que pendant très longtemps il a hésité entre le chemin de Nimrod et celui d’Abraham. Et qu’il n’a jamais décidé. En particulier, son voyage à Sodome et Gomorrhe marque la pointe de cette hésitation. Faut-il être comme Abraham ou faut-il être comme Nimrod ?  

C’est le principe des quatre empires que nous avons-là à l’origine : Babel - Perse – Grèce – Rome.

 

Et nous sortons de ce quatrième empire.

Et chaque fois la sortie d’un de ces empires dont le principe de l’attitude de Nimrod c’est les catastrophes de la fournaise d’Our-Qasdim.

C’était pour la première génération

 

***

 

A la deuxième génération, l’approximation d’identité qui s’érige en rivalité c’est Ishmaël. On est au niveau d’Itzhak. Et l’antagoniste, celui qui dispute l’héritage d’Isaac est Abimelekh prototype du 1er palestinien de l’histoire. Vous retrouvez les querelles entre Isaac et Abimelekh avec les puits.  

A la 3ème génération, l’approximation d’identité qui s’érige en rivalité c’est Esaü et l’antagoniste radical est Laban.

 

Toutes ces rivalités de ces deux sortes nous accompagnent à travers l’histoire mais dans ces récits la תּוֹרָה nous met en évidence leurs attendus, et ce sont des rivalités de nature différentes.  

 

Lorsqu’elles s’unissent dans un même faisceau apparait l’identité d’Amaleq.

Amaleq récapitule ces 6 rivalités en y ajoutant son équation propre. Et principe important, Amaleq en tant que tel apparait chaque fois qu’il y a une fin d’exil de l’identité d’Israël dans les empires successifs. Vous avez-là grosso-modo tous les personnages qui nous accompagnent.

 

Ces deux thèmes se relient à la racine. Cet éclatement de l’identité d’Aram va faire exister des parcelles de cette identité, si j’ose dire, qui s’érige en rivalité dans ces deux polarités :

-  soit l’approximation d’identité qui réclame l’héritage d’Israël 

-  soit l’antagoniste absolu qui veut détruire cet Israël.

-  Lorsque ces deux dimensions s’unifient dans leurs trois niveaux chacun, apparait le personnage d’Amaleq, qui est l’ennemi irréductible.  

Cela peut nous servir comme clef de diagnostic dans les situations de remise en cause de l’identité d’Israël surtout dans le temps contemporain.

 

 

La rivalité Jacob-Esaü :

 

Ils sont nés jumeaux et il est indiqué tout de suite qu’ils seront en lutte et qu’ils seront séparés. 

Lorsque Rivqah ne sait pas ce qui se passe en elle au moment même de la gestation de cet enfant attendu va consulter Dieu, Dieu lui dit verset 23, chapitre 25 :

 

Verset 23

וַיֹּאמֶר יְהוָה לָהּ שְׁנֵי גֹיִים בְּבִטְנֵךְ וּשְׁנֵי לְאֻמִּים מִמֵּעַיִךְ יִפָּרֵדוּ וּלְאֹם מִלְאֹם יֶאֱמָץ וְרַב יַעֲבֹד צָעִיר 

Et Dieu lui dit Il y a deux nations en ton sein et deux peuples de tes entrailles se sépareront et un peuple dominera sur l’autre.  

 

אם c’est la notion de peuple indépendamment de la filiation ethnique. On peut faire peuple lorsqu’on est l’un avec l’autre. אם se rattache à la racine עִם, avec. Ceux qui sont avec. Ceux qui sont ensemble et font peuple ensemble.

אוּמָה la relation de la filiation est présente c’est la racine « em » que l’on trouve aussi dans le doublet Oumma la nation en arabe.

 

גֹי: le peuple avec ces propres institutions.   

L’un dominera sur l’autre : On ne dit pas à priori lequel. La règle tirée du Talmud : si l’un triomphe l’autre est dans l’échec. Rome et Jérusalem contemporainement. Ils ne peuvent pas être tous les deux triomphant ou tous les deux en échec. Il y a là une dialectique de force qui demande à être définie et à être précisée. C’est le diagnostic de la rivalité entre la chrétienté et Israël. Ils ne peuvent pas être triomphant simultanément. 

 

Une source du Talmud dit: On ne peut pas dire que Rome et Jérusalem sont détruites, ou que Rome et Jérusalem sont toutes deux construites, soit Jérusalem est construite et Rome détruite, soit Rome est construite et Jérusalem détruite.  

Nous sortons de l’histoire où c’était Rome qui était construit et Jérusalem détruite.

Vous allez objecter que Rome est toujours construite ? Il y a des cadavres qui ne savent pas qu’ils sont morts !  

En tout cas, la civilisation romaine à travers toutes ses étapes dont la chrétienté est l’une des plus importantes, la civilisation occidentale se connait comme étant en crise grave. C’est à ce moment-là qu’Israël sort de la clandestinité de son exil romain et sort de sa clandestinité de la Mésopotamie contemporaine et d’Our-Qasdim en Allemagne.

 

De quelle nature est cette rivalité ?

 

Un aperçu du Midrash:

En s’appuyant sur la carte d’identité renouvelée au début de la Parsahah, et de  Isaac d’un côté fils d’Abraham et de Rivqah de l’autre, avec une accumulation de détails que nous sommes censés déjà connaître : רִבְקָה בַּת-בְּתוּאֵל הָאֲרַמִּי, מִפַּדַּן אֲרָם--אֲחוֹת לָבָן הָאֲרַמִּי... avec une accumulation de cet épithète « araméen », représente une impossibilité, une impasse, pour l’issue de ce mariage entre Isaac et Rebecca.

 

Dans les textes précédents, on a appris que s’il existe une femme possible pour Isaac, cela ne peut être que dans la famille d’où Abraham était sorti. Or, miracle, elle existe ! Seulement elle est fille de Bethouel père de Rivqah, sœur de Lavan l’araméen. Elle sort précisément directement de cette קלִיפָּה dont l’identité hébraïque devait se débarrasser pour se retrouver elle-même.  Il y a donc une collision de carte d’identité : Yitzhak ben Abraham, cet effort inouï qui fait que le צַדִּיק commence à émerger de l’histoire humaine. Pour qu’Abraham sorte de אַבְרָם dans l’histoire précédente – c’était un effort d’engendrement considérable – il fallait aussi traverser l’épisode Nimrod entre autres. Et pour que finalement Abraham engendre Itzhak, c’est tout le récit précédent, nous savons à quel point la naissance d’Itzhak est comme un miracle absolu.

 

Je n’ai pas abordé le niveau des valeurs pour ne pas cumuler trop de thèmes à la fois.

Je suis simplement l’histoire familiale des אֲבוֹת.  

Et donc Itzhak ben Abraham est le צַדִּיק par excellence. Il ne peut avoir comme Bat zoug, comme compagne pour l’engendrement de l’identité d’Israël, que Rivqah qui est une צַדֶקֶת - nous le savons avant ce récit -  mais qui porte avec elle « l’hérédité » araméenne qui est derrière elle. Abraham en était sorti dans une mutation irréversible. Comment continuer la lignée ?

 

On ne peut pas prendre de mère future d’Israël à partir de l’identité humaine de l’échec que la lignée futur d’Abraham devenu Israël doit essayer de sauver et de transfigurer. Il faut donc revenir à la source d’où était sorti Abraham. Mais de cette source Abraham seul est sorti. Et par conséquent, arrive un miracle encore plus considérable que la sortie d’Abraham de l’identité Aram, c’est le fait de l’existence de Rivqah et qu’elle est צַדֶקֶת.  

Mais nous voilà dans une impasse ! L’enfant qui doit naître de cette union ne peut pas naître car il serait un monstre : tout entier צַדִּיק du côté de Itzhak et tout entier רָשָע, קלִיפָּה, Toumah, du côté de la famille de Rivqah.  

 

C’est l’intention du texte selon le Midrash dans cette accumulation de détails biographiques que l’on connaissait déjà par ailleurs et qui produit cette accumulation de l’épithète « araméen ». Or là nous sommes devant un important problème anthropologique depuis le début du récit de la bible, c’est que tout un chacun finalement à quelque niveau que ce soit est un peu dans ce cas. Car tout homme et femme est aussi fait des deux côtés, le bien et le mal, le הַטוֹב  יֵצֶר et le הַרַע יֵצֶר.  

C’est le même problème à l’échelle du צַדִּיק où le problème apparait dans toute sa stature. Un enfant qui serait tout entier צַדִּיק en tant que fils d’Isaac fils d’Abraham risque aussi d’être tout entier רָשָע en étant fils de Rivqah, fille de Bethouel, fils de la קלִיפָּה d’Aram...

 

On assiste alors à l’intervention de la providence divine. En principe il n’y a pas de solution, c’est la stérilité absolue pour cause de risque de mis au monde d’un monstre.  

La stratégie de la providence fait que deux jumeaux vont naître : on sépare la difficulté en deux.

 

Ce dont il faut se garder, c’est de croire qu’il y avait une fatalité à priori, un destin à priori, qui ferait de Jacob le צַדִּיק et de Esaü le רָשָע.

 

Une analyse du texte nous aide à comprendre ainsi que la position de Isaac qui semble-t-il protège jusqu’au bout Esaü. Isaac est le צַדִּיק de la הָדִין מִּדָת, et par conséquent peut-on espérer meilleur juge, meilleur Dayan ? Pourtant il est aveugle, il ne veut pas jusqu’au bout envisager l’éventualité que Esaü soit רָשָע? C’est parce qu’il connait l’éventualité d’un Esaü צַדִּיק!  

Nous avons הַטוֹב  יֵצֶר - הַרַע יֵצֶר. צַדִּיק dans la lignée d’Itzhak et רָשָע dans la lignée de Rivqah. Il faut absolument évacuer l’hypothèse qu’il y avait une fatalité à priori. Première preuve dans l’attitude d’Isaac. Ne connait-il pas ses enfants ? Ne sait il pas que Esaü est רָשָע et Jacob est צַדִּיק ? Pourquoi veut-il bénir Esaü et pas Jacob ?   

Bien sûr, il y a une hérédité des conséquences à travers le temps, mais il n’y a pas hérédités des Neshamot, des consciences. Bien sûr, ce qui s’est passé dans les générations précédentes pèsent par les conséquences sur les générations suivantes. Mais il n’y a pas de fatalité à priori qui pèse sur la naissance des hommes. C’est l’enseignement Pshat de la תּוֹרָה. Ce qu’il y a derrière est très compliqué, mais c’est un principe qu’il faut absolument comprendre.  

 

J’aborde un niveau un peu plus mystérieux en me basant sur l’analyse de la Guemara de la Massekhet Rosh Hashana :

Nous ne savons pas ce qui s’est passé avant notre naissance. Pourquoi ? La Guemara le dit clairement : parce que Dieu a décidé qu’il fallait oublier et commencer à zéro au commencement d’un chemin qui n’est pas le commencement absolu de notre histoire. Ce qu’il y a eu avant notre naissance pour nous, nous ne le savons pas, on a oublié !

Comme le Midrash de la Guemara Nidah 30a : au moment de la naissance un ange vient et appuie sur les lèvres de l’enfant... Ce thème de l’oubli est très important. Il a donc des raisons pour oublier.

 

Si on a quelque chose à arranger dans le programme de sa destinée (je n’ai pas dit destin). Et si on sait exactement de quoi il s’agit, c’est comme jouer à la roulette avec une martingale.

Pour qu’il y ait effectivité à l’option du mérite, il faut que j’ignore moi-même ce que j’ai à faire. 

Dans la mesure où effectivement je prends cette définition comme parti de mon existence terrestre commencée à ma naissance en tant qu’épreuve, alors il faut que j’oublie ce qui a eu lieu avant ma naissance, sinon l’épreuve ne serait pas valable ni juste du point de vue d’une justice absolue.

 

Dieu dans sa miséricorde absolue nous a quand même éclairés en nous donnant notre carte d’identité qui est la תּוֹרָה. Remarquez que cela ne change pas grand chose même lorsqu’on sait. Cela n’aide pas tellement.  

Par conséquent, le fait que nous ne savons pas ce qui se passe avant la naissance est légitime. Le Talmud nous dévoile en petit clin d’œil que nous avons choisi d’être ce que nous allons être. Par conséquent, chacun est ce qu’il est, et il n’y a pas de fatalité. 

 

Pourquoi si peu de Juifs dans le monde ? Très peu ont le courage de ce choix de Messirout Nefesh.

Il n’y a que les descendants d’Abraham qui ont décidé de naître comme descendant d’Abraham. On n’est que ce qu’on est.   

 

La communication entre ce qui est caché en haut avant et notre monde à nous, a été brouillée, elle fonctionne clairement quand le temple est construit. Quand le temple est détruit les Tsinorot – les canaux de communication sont brouillés. Ce qui fait que nous sommes en plein chaos d’état civil. Mais cela ne veut pas dire que les grandes lignes d’identités ne soient pas claires. Cela veut dire qu’il peut y avoir des descendants d’Abraham qui naissent ailleurs parce que les canaux sont brouillés et des גּוֹיִם qui naissent chez nous.  

Mais a priori chacun n’est que ce qu’il est à chaque stade.

 

L’être le plus extraordinaire que j’ai connu ? La réponse fondamentale pour la תּוֹרָה c’est moi-même. Qui voudrais-tu être si tu n’étais pas toi-même ? Moi-même, mais en mieux !  

Personne ne veut être quelqu’un d’autre !

 

Cf. l’histoire racontée à propos de Rabbi Zoussiah. Arrivé au jugement dernier on ne lui demandera pas pourquoi il n’a pas été Moshé rabénou, on lui demandera pourquoi il n’a pas été Zoussiah !

Et en fait il l’a été

 

… / …

 

à manier avec tellement de précaution qu’il vaut mieux ne pas manier cela du tout qui font remonter un peu et qui prétende le faire dans cette mémoire oubliée. Tout ce que je peux vous dire de ce que je connais de cette question dans la tradition elle-même, c’est que c’est tellement dangereux qu’il vaut mieux ne pas ouvrir la porte. La chose la plus normale c’est d’être normal. On est né dans cette vie c’est normal d’oublier. Ce n’est qu’à la fin vraiment que cela nous est dévoilé. Ceux qui ont réussi diront « Oh ! », et ceux qui ont échoué diront « Ah ! ».

 

Peut-être retrouverons-nous cela lorsqu’on parlera des Guilgoulim d’autre part.  

 

A priori, il n’y aucune fatalité que Esaü soit רָשָע et que Jacob soit צַדִּיק. La destinée fait que l’un est Esaü et doit être Esaü, et l’autre est Jacob et doit être Jacob. Esaü peut être soit צַדִּיק soit רָשָע et Jacob peut être soit רָשָע soit צַדִּיק. Finalement Esaü a choisi d’être Esaü- רָשָע et Jacob a choisi d’être Jacob- צַדִּיק. Il n’y a pas de fatalité là, même si cela semble contredire une atmosphère de familiarité faussée que nous aurions avec ces sources-là.

Très souvent en Talmud תּוֹרָה on a l’habitude de dire qu’à priori dés le sein de sa mère Esaü était רָשָע et dès le sein de sa mère Jacob était צַדִּיק. Ce n’est pas si simple que cela.  

Je vous donne par exemple un midrash, que les ‘Hassidim ont beaucoup développé. 

Midrash : Rivqah enceinte si elle passait devant une synagogue, Jacob voulait sortir (צַדִּיק). Si elle passait devant un cabaret Esaü voulait sortir (רָשָע). Le Midrash comme tel semble aller dans le sens de la fatalité. Mais il faudrait expliquer en quoi c’est être צַדִּיק en entrant dans une synagogue, et en quoi c’est être רָשָע que d’entrer au cabaret.  

 

Alors les חָסִידִים expliquent ainsi en utilisant la référence de la Mishna des פרקי אבות:

az panim la guehinam boshet panim legan eden.

L’homme עַז פָּנִים (effronté) pour l’enfer, et l’homme timide pour le paradis.

עַז Impétueux, arrogant, et פָּנִים בֹּשֶׁת  cela veut dire pudique.

Et pourtant le matin au début du שׁוּלחָן עָרוּך on cite un Beraïtah :

« Sois עַז comme le tigre… » ?

Cela dit il y a une différence entre עַז et עַז פָּנִים au niveau de la langue. עַז פָּנִים c’est péjoratif.

Tandis que עַז signifie vaillant, fort…

Les ‘חָסִידִים: au niveau Yaaqov, avant qu’il ne reçoive le nom Israël, avant qu’il n’en fasse la preuve, Yaaqov était Boshet Panim, pudique, alors il ne pouvait être à l’aise que dans la synagogue. C’est pourquoi lorsque Rivqah passait devant une synagogue c’est Jacob qui voulait sortir. Tandis que lorsque Rivqah passait devant un cabaret c’est Esaü qui voulait y aller.  Vous allez voir ce que vous allez voir… Seulement il s’est fait avoir. Mais il n’y a pas fatalité.  

On peut difficilement supprimer en soi ce sentiment que malgré tout Esaü va naître handicapé du point de vue de cette qualification צַדִּיק ou רָשָע. Mais je le répète, c’est au-delà, il faut évacuer cela, cette mentalité grecque du destin et de la fatalité apriori. Il est simplement confronté à la problématique qu’il a choisi, la plus difficile comme on le verra, la plus risquée du point de vue moral, mais c’est lui qui l’a choisi. Il faut revenir là au principe évoqué d’avant la naissance....  

La difficulté, l’impossibilité d’un monstre contradictoire qui serait à la fois Jacob et Esaü, qui serait une impasse, voici comment la naissance va se faire.

 

C’est ce qui est dit à Rivkah dans le וַיֹּאמֶר יְהוָה du verset 23, chapitre 25.

25:22:  וַתֵּלֶךְ לִדְרֹשׁ אֶת-יְהוָה  Et elle alla consulter Dieu.

 

Ce qui se passe en elle, en germe déjà, est tellement nouveau :  

וַיִּתְרֹצְצוּ הַבָּנִים בְּקִרְבָּהּ  Et les enfants s'entre poussaient dans son sein

 

Cet entremêlement des enfants dans son propre sein est tel qu’elle va demander au דִין בֵּית, nous dit le Midrash, ce qui se passe. Et Dieu lui répond qu’on les a séparés en deux. Au lieu que ce soit un enfant unique impossible, il va y avoir une histoire qui commence avec deux jumeaux contraires l’un à l’autre.  

Cela ne veut pas dire qu’à priori Esaü ait la fatalité d’être רָשָע et Jacob la fatalité d’être צַדִּיק, cela veut dire à priori qu’Esaü a la destinée d’être Esaü et Jacob d’être Jacob. L’enjeu de la rivalité étant d’ailleurs d’être Israël.

 

Les deux vocations :
D’après le récit même de leur vocation – cf. tous les Midrashim qui développent cet aspect-là - on s’aperçoit que Esaü et Jacob ont à eux deux à résoudre le problème de la vocation humaine, mais c’est le problème de la vocation humaine qui est lui-même contradictoire et qui implique une opposition de vocations. Et il y a différentes étapes avant d’arriver à la réussite totale. Il y a, pour schématiser, deux vocations humaines radicalement différentes : la vocation spirituelle et la vocation temporelle.

 

La vocation spirituelle, c’est à dire la vocation des choses de l’esprit.

La vocation matérielle concerne les métiers de la matérialité de la vie terrestre.

Dès l’origine l’homme est confronté à cette difficulté.

 

Il y a eu une 1ère tentative de résolution dans la tentative de Caïn et Hevel.

Caïn qui travaille la terre et Hevel qui est berger. Derrière se trouve la même problématique : vocation temporelle et spirituelle. Cela échoue. Cette même équation d’identité revient là avec les deux jumeaux Esaü et Jacob. On est averti de suite qu’Esaü a choisi la vocation temporelle, matérielle, alors que Jacob a choisi la vocation spirituelle.  

 

Nous avons deux niveaux différents : צַדִּיק - רָשָע et vocation matérielle - vocation spirituelle

Je substitue maintenant le 1er (que l’on retrouvera par la suite) par le 2ème. Ce qui est la destinée de chacun de ces deux enfants c’est la vocation temporelle qu’a choisi Esaü et la vocation spirituelle qu’a choisi Jacob.

 

Il faut comprendre qu’il ne suffit pas de choisir la vocation temporelle pour être רָשָע. On peut être de vocation temporelle et être צַדִּיק. Mais c’est très difficile. C’est là la vocation d’Esaü. De la même manière, il ne suffit pas d’être de vocation spirituelle pour être צַדִּיק. On peut être de vocation spirituelle et être רָשָע.  

Leur destinée c’est ce que la תּוֹרָה nous raconte : l’un est devenu chasseur. Il va chercher à manger. Le chasseur cachère selon un midrash. La vocation temporelle c’est la vie de ce Monde-ci. Cela passe donc par le manger. La vocation spirituelle : אֹהָלִים יֹשֵׁב יַעֲקֹב  les tentes de la maison d’étude. 

 

A priori, les deux vocations sont incompatibles et pourtant il faut les résoudre les deux pour que la vocation humaine soit résolue. Alors la stratégie de la Providence étant donnée l’impasse de cette monstruosité va séparer les deux vocations. L’osmose de la fraternité va pouvoir résoudre le problème. Si les deux sont frères, ils partageront leur bien réciproquement. Si la clause de fraternité ne joue pas, il y a échec.  

 

En termes de Midrash : Esaü est l’homme de ce Monde-ci. Il va donc avoir deux parts de ce Monde-ci et il donnera une part à Jacob qui lui est l’homme du Monde-à-venir. La clause de fraternité jouant, lui possède deux parts du Monde-à-venir et il partagera avec son frère.  

Il arrive qu’Esaü choisissant la vocation temporelle est devenu רָשָע de la vocation temporelle et que Jacob choisissant la vocation spirituelle est devenu צַדִּיק de la vocation spirituelle. Et donc le conflit est d’autant plus grave.  

 

Si la clause de fraternité avait joué Esaü serait devenu banquier – une façon d’être chasseur – et Jacob est le Rosh Yeshivah. Comment fonctionne la Yeshivah si le banquier ne la soutient pas ?

Comment peut vivre le banquier sans sa בְּרָכָה ?

Il faut que la clause de fraternité joue.

C’est le plan de la תּוֹרָה en particulier en ce qui concerne la tribu de Lévi et les autres tribus. 

C’était le plan d’Isaac. Mais pour cela il fallait qu’Esaü devienne un Esaü צַדִּיק.

 

Voilà qui résout nos perplexités. Il en reste une : est-ce que la vocation de Esaü ne l’handicape pas à priori ? N’est-ce pas plus facile de devenir impur lorsqu’on s’occupe de la matière ? Il faut se défaire de cet apriori. L’histoire montre que c’est plutôt l’inverse. C’est plus facile de devenir impur lorsqu’on s’occupe des choses de l’esprit. L’idolâtrie, l’inquisition...  

 

Ce fameux verset d’Isaac

Lorsque Jacob sur l’instigation de Rivqah, qui, elle, sait que la clause de fraternité ne pourra pas jouer parce qu’elle connait ses deux enfants (tant que Jacob est Jacob il ne pourra pas aimer Esaü et tant qu’Esaü est Esaü il ne pourra pas aimer Jacob) va se substituer à Esaü, Isaac sent que quelque chose ne va pas. Il pense qu’Esaü est là mais c’est Jacob alors il dit ce verset terrible :  

 

Verset 22 chapitre 27:

וַיֹּאמֶר הַקֹּל קוֹל יַעֲקֹב וְהַיָּדַיִם יְדֵי עֵשָׂו.

La voix c’est la voix de Jacob et les mains sont les mains d’Esaü 

Dans la pensée d’Isaac c’est un Esaü qui parle comme Jacob puisqu’il croit que c’est Esaü. Mais dans la réalité c’est un Jacob qui a les mains d’Esaü.

 

J’isole une des 4 figures :

Jacob –Jacob.

Jacob - mains d’Esaü.

Esaü –Esaü.

Esaü - la voix de Jacob.  

Un Esaü qui parle comme Jacob : Un גוֹי lisant la bible.  

Il faut donc corriger l’idée qu’il suffise de s’occuper des choses de l’esprit pour être צַדִּיק.

De même que l’idée qu’il suffise de s’occuper des choses de la matière pour être רָשָע.  

C’est une impression que nous avons à travers de pseudo-évidences qui au fond viennent des données immédiates de la conscience occidentale, suivant laquelle la matière est impure et l’esprit est pure. Or, la matière n’est pas impure puisque créée par Dieu avec toutes les vocations qui vont avec. L’esprit n’est pas nécessairement pur puisque donné à l’option de la liberté.

 

***

 

Résumé :

 

Ce que la תּוֹרָה nous raconte concerne la problématique essentielle des deux vocations humaines.

Nous en sommes au 1er moment : Nous sommes toujours dans le problème de la קלִיפָּה Pnimit d’Aram. Les deux vocations sont à priori inconciliables : pour être un homme de la vocation matérielle il faut être entièrement un homme de la vocation matérielle. Pour être un homme de la vocation spirituelle, il faut être entièrement un homme de la vocation spirituelle.

 

On ne peut pas mélanger la voix de Jacob et les mais d’Esaü. Et pourtant l’idéal est d’arriver à faire émerger un type d’homme qui serait les deux à la fois. Quand ce type d’homme - capable d’avoir la voix de Jacob en tant que צַדִּיק et les mains de Esaü en tant que צַדִּיק – apparait, alors apparait l’identité messianique, et elle s’appelle Israël, synthèse réussie des deux vocations.

Jacob c’est une seule vocation et Esaü c’est une seule vocation.

 

Gaon de Vilna sur verset 22 :

Le 1er mot deקֹל  est écrit ‘Hasser sans le ו

Cela veut dire une voix faible.

Gaon de Vilna : quand la voix de Jacob est faible alors les mains sont les mains d’Esaü. Quand la voix de Jacob est pleine, même les mains sont les mains de Jacob et cela s’appelle Israël.  

 

Midrash de la Guémara de Gittin 57 souligne la séparation totale dans l’échec:

La voix c’est la voix de Jacob c’est la prière. Les mains sont les mains de Esaü c’est la guerre.

« Tu ne trouves pas de prière efficace qui ne soit pas liée à la descendance de Jacob. Tu ne trouves pas de guerre triomphante qui ne soit pas liée à la descendance d’Esaü (les fabricants d’armes)».

Le drame, l’échec provient du manque de la clause de fraternité.  

Nous avons évacué la pseudo-évidence que l’option matérielle mène fatalement à l’impureté. Il y a un apriori de la moralité : cela dépend de qui s’en occupe.  

 

Survient plus tard un personnage que la Guémara va définir comme « sitno shel Essav » l’antagoniste d’Esaü qui va être capable d’abattre Esaü et qui est  הָצַדִּיק  יֹסֵף. Il possède la vocation temporelle et matérielle et est צַדִּיק. La figure, le profil d’identité de הָצַדִּיק  יֹסֵף est très important. C’est Yéhoudah qui va hériter de la vocation spirituelle de Jacob centralement. Le verset dit « Shémâ Hashem Qol Yéhoudah ». On retrouve dans ce verset le קוֹל  de Yaaqov. Et lorsque Yéhoudah et Yossef s’allient alors il y a Israël.

 

Ce problème non résolu entre Jacob et Esaü nous allons le retrouver intériorisé dans la descendance de Yaaqov avec les deux polarités de Joseph et Judah.

Jusqu’au bout on va douter de Joseph, on va croire - כִּי כָמוֹךָ כְּפַרְעֹה - qu’il a pris fait et cause pour Esaü. Il se dévoilera que Joseph est צַדִּיק. Et lorsque les frères se reconnaissent, le livre de בְּרֵאשִׁית s’achève parce qu’Israël est né.  

C’est donc la réussite convergente de ces deux vocations – les deux dans l’option de צַדִּיק – qui fait naître Israël.

 

Rappel des principes essentiels :

-  Il y a une destinée des vocations mais pas un destin moral et une fatalité morale.

-  La vocation d’Israël n’est pas que la vocation de Jacob.

 

C’est les deux vocations et lorsque les deux réussissent il y a Israël. La preuve c’est que pour mériter l’aînesse, la בְּכּוֹרָה, qui est une des étapes, recevoir le nom d’Israël, il fallait que Jacob fasse la preuve qu’il savait faire à manger lui aussi : cf. l’épisode du « rouge » cette nourriture qui rend le goût de vivre à celui qui l’a perdu, Esaü.  

 

Isaac est un prince avec quantité de serviteurs qui auraient pu servir son fils affamé... mais ici il s‘agit d’autre chose : Jacob est capable de préparer cet élixir qui rend le goût de vivre à celui qui l’a perdu. Esaü est revenu fatigué de sa propre vocation, fatigué de vivre. Il est fatigué. Il s’est fait avoir par son problème. Comme tous ces hommes qui a force de n’avoir que des métiers et aucune vocation ont perdu le goût de vivre. C’est un peu le drame existentiel d’Esaü.

 

Alors il cherche quelqu’un qui lui redonne le goût de vivre, une espérance : c’est Jacob préparant le roux, le plat de lentilles.

 

***

 

Le vol de la bénédiction :  

Nous allons voir l’accusation habituellement portée contre Jacob d’avoir dérobé la bénédiction.  

Isaac avait deux bénédictions différentes.  

-  la bénédiction temporelle, et dans le plan de Isaac elle devait aller à Esaü avec le raisonnement suivant : Esaü a choisi la vocation temporelle et c’est très bien, il en sera capable et il partagera avec Jacob.  

-  La bénédiction spirituelle, celle qui vient d’Abraham et qui dans tous les cas devait être donnée à Jacob.

 

Verset 4 chapitre 28:

Lorsque Jacob va devoir s’enfuir devant la colère d’Esaü et aussi pour aller prendre femme dans la famille d’Abraham, alors Isaac le bénit lui disant :  

 

וְיִתֶּן-לְךָ אֶת-בִּרְכַּת אַבְרָהָם לְךָ וּלְזַרְעֲךָ אִתָּךְ--לְרִשְׁתְּךָ אֶת-אֶרֶץ מְגֻרֶיךָ אֲשֶׁר-נָתַן אֱלֹהִים לְאַבְרָהָם 

Et Il te donnera la bénédiction d’Abraham à toi et à ta postérité

Afin que tu hérites du pays de tes pérégrinations que Dieu a donné à Abraham.  

 

Si nous nous référons aux promesses données à Abraham nous voyons qu’il y a toujours un faisceau de trois promesses à la fois qui sont rappelées à Isaac et confirmées à Jacob et qui sont : la terre, le peuple et la תּוֹרָה.  

 

Le plan est clair : il y a deux bénédictions de nature différente qui doivent être transmises. 

Jacob a choisi la vocation spirituelle il sera béni et il partagera avec Esaü. Esaü a choisi la vocation matérielle et il sera béni et il partagera avec Jacob. C’est le plan d’Isaac.  

 

Rivqah, elle, sait qu’Esaü a choisi d’être רָשָע et que Jacob a choisi d’être צַדִּיק et que ce plan ne fonctionnera pas. C’est pourquoi elle intervient. Elle sait que Esaü ne pourra pas être Israël parce qu’il a pris pour femmes des femmes cananéennes. Le texte nous dit en fin du chapitre 26 que les femmes qu’Esaü avait prises étaient mauvaises aux yeux d’Isaac et de Rebecca. Mais c’est Rebecca qui prend l’initiative de dire à Isaac : « si Jacob prend des femmes cananéennes on a tout perdu, envoie-le chez mon frère. Peut-être que le miracle qui s’était produit pour la génération Isaac-Rivqah se reproduira pour Jacob ».  

C’est pourquoi Rivqah va imposer par sa stratégie la seule issue possible.

 

Reprenons les 4 données de notre problème :

-  Un Jacob qui ne serait que Jacob c.à.d. une vocation spirituelle exclusive coupée de la vocation matérielle.

-  Esaü qui ne serait que Esaü = une vocation matérielle qui ne serait que matérielle coupée de la vocation spirituelle.

-  La prétention de la chrétienté à travers Esaü qui a sa racine en Esaü : l’homme de la vocation matérielle s’emparant de la vocation spirituelle.

-  Celle du plan de Rivqah, celle de l’histoire d’Israël, l’homme de la vocation spirituelle s’occupant de la vocation matérielle.

 

Avec les deux premières options c’est le surplace : le problème humain n’est pas résolu : la vocation spirituelle se sépare de la vocation matérielle et réciproquement.

La 3ème la prétention d’Esaü abouti à l’échec total. L’homme de la matière s’occupant du problème de l’esprit va projeter la réalité de la matière dans  l’esprit. C’est-à-dire l’impureté totale.  

 

Avec le fait que la culture grecque - qui préfigure déjà tout ce qui va être la culture occidentale dans ce problème – a projeté dans le domaine de la vie de l’esprit les règles du matérialisme déterministe qui ne sont valable que dans le domaine matériel.  

Dans le cas romain, c’est le גוֹי lisant la bible et disant : « c’est moi Israël ! »

Rabbi Asterix dirait : « ils sont fou ces Romains ! ».

Le Talmud prophétise que la majorité des convertis vient de Edom.

 

On a projeté la mort de la matière dans la vie de l’esprit. Tout le mythe chrétien tient là-dedans.

 

Le plan de Rivqah qui a réussi (après 6000 ans) c’est que Jacob soit capable de devenir Israël. C’est-à-dire que Jacob s’occupant des tâches matérielles les transfigure. Alors que la matière s’occupant de l’esprit la rend impure. Et la clause de fraternité n’a pas joué.  

C’est ce schéma qui nous a accompagné dans l’histoire globale : il y a un antisémitisme chrétien qui est préalable au christianisme lui-même. Ce n’est pas tellement que l’antisémitisme provient du christianisme mais que le christianisme provient de l’antisémitisme des Romains.

 

Cette clause de la haine d’Esaü contre Jacob. C’est clair : Esaü ne peut pas aimer Jacob. Jacob ne peut pas aimer Esaü étant donné que Jacob est l’homme de l’esprit devenu צַדִּיק.

Rivqah le sait et Isaac ferme les yeux là-dessus car finalement c’est son plan préalable qui va réussir mais chez les enfants de Jacob avec Yéhoudah et Yossef et avec Issakhar et Zévoulon.  

Dan l’histoire c’est Rivqah qui intervient pour sauver ces principes de l’identité d’Israël qui est en cours d’engendrement. Et c’est finalement la seule équation possible dans cette problématique.

 

En faisant un bilan rapide : Rome est en train de découvrir que c’est Jacob qui est Israël et non pas Esaü. Nous sommes à la fin de cette histoire.  

 

Abraham Livni a écrit un livre extraordinaire sur ce sujet dans sa virulence polémique contre le christianisme. Il ne livre au lecteur le fait qu’il est un chrétien converti qu’à la 15ème page.  

C’est la 1ère fois de notre temps que le peuple juif reprend le courage de dire ce qu’il pense d’Esaü. Jusqu’à maintenant, Jacob a courbé l’échine 7 fois devant Esaü, Israël est un Jacob redressé.  

 

Les Juifs d’Israël ne sont plus les Juifs courbés de cour. Il y a là une mise au point à faire, un bilan à faire, et Rome est en train de découvrir que Jacob est Israël. Les conséquences de cette découverte annonce la fin de Rome. Esaü est déjà fini et il ne le sait pas encore. Il l’était d’ailleurs depuis le commencement. Rashi sur le nom d’Essav : racine Assouï complètement fait – fini.

 

Albert Londres : « Le juif errant est arrivé ».

La découverte préfiguratrice de tous les travaux des théologies contemporaines de cette espèce de projection d’identité inversée entre le chrétien et le juif et le fait que, cela concerne surtout les juifs de diaspora. Nous sommes encore imprégnés de la culture de diaspora et il y a encore un conflit ouvert. Pour l’israélien comme tel ce conflit est résolu et fermé : c’est Jérusalem qui est Jérusalem et non pas Rome. L’israélien n’est pas préoccupé par le conflit chrétienté - judaïsme car c’est dépassé. C’est une absurdité que les Romains se prennent pour Israël. Alors que nous Juifs de la diaspora avons vécu dans cet univers kafkaïen pendant 2000 ans. Il faut sortir de cela.

 

La fin de l’histoire est claire : Esaü finit par reconnaitre que c’est Jacob qui est Israël. En d’autres termes que ce sont les Juifs qui sont Israël. Les implications de cette découverte sont énormes. Cela explique une grande partie des crispations dans l’antisémitisme israélien d’une grande partie de l’Eglise. L’Etat d’Israël est bien la preuve et confirme que c’est le peuple juif qui est Israël. Une histoire de fou.

 

Q : le baiser d’Esaü à Jacob, fraternel ou pas ?

R : c’est le baiser d’un missionnaire !

 

 

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