L’OEUVRE DE LA CRÉATION
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JUIFS OU HÉBREUX
ISRAËL ET LES NATIONS
MESSIANISME
THÈMES FONDAMENTAUX

TEROUMA - SÉRIE 1994

Le cours

 

(1994) תְּרוּמָה

 

Je vais lire les deux premiers versets et vous me direz ce qui vous frappe dans leur formulation.

 

25:1-2

וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר

 

Il y a ici un sujet d’étude important : certains commandements sont introduits par וַיְדַבֵּר  et d’autres par וַיֹּאמֶר. Cela a une signification. Certains sont introduits par וַיְדַבֵּר יְהוָה et d’autres par וַיְדַבֵּר אֱלֹהִים, וַיֹּאמֶר יְהוָה ou וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים...

C’est une étude qui est peu souvent faite. Voir en particulier à ce sujet l’enseignement du Malbim.

 

Il y a deux indications dans l’ensemble du verset :

וַיְדַבֵּר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה  Et הַשֵּׁם a parlé à Moïse.

Il y a une difficulté supplémentaire qui vient des טַעַמִים

 לֵּאמֹר Pour dire

 

Le sens le plus simple en est le suivant : Dieu parla à Moïse jusqu’à ce que Moïse puisse dire à Israël...

Il y a deux parties dans le verset. וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה  /  לֵּאמֹר.

Le לֵּאמֹר a pour sujet Moïse : pour que Moïse dise...

 

En fait c’est un peu plus difficile : ceux qui connaissent les טַעַמִים remarquent qu’il y a en fait : וַיְדַבֵּר יְהוָה  / אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר

alors que la traduction que j’ai faite demanderait que ce soit cantilée de la manière suivante :

וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה  /  לֵּאמֹר - ce qui n’est pas le cas.

 

Cela signifie tout simplement que cette מִצְוָה transmise par Moshe à Israël, concerne Moïse d’une certaine manière.

 

Q : les traducteurs lisent ce verset : « Dieu parla à Moïse en disant... »

R : les traducteurs rencontrent des difficultés, d’abord parce que c’est très dur de traduire l’hébreu en français et plus encore en français littéraire. Avec le temps la connotation du français littéraire change. Les traductions de fin du dernier siècle, faites par de grands savants, sont actuellement illisibles par changement de style du français.

Ce mot de לֵּאמֹר  qui est dans ce verset introduisant ce que Dieu transmet à Moïse pour qu’il le transmette à Israël, mais on ne sait pas ce que Dieu dit à Moïse. On connait le résultat de cette  révélation à Moïse : qu’il puisse transmettre à Israël ce qui suit : ....

Dieu a parlé à Moïse לֵּאמֹר  jusqu’à ce qu’il arrive à dire ce qui suit... לֵּאמֹר   pour dire, pour que Moïse dise à Israël.

 

Dans le Talmud existent des controverses sur telle ou telles signification ou telle ou telle enseignement : מַחְלֹקֶת. On est devisé sur la manière dont il faut comprendre le verset. Ou de savoir ce que le verset dit étant entendu ce que cela implique. Il est évident que tous les חֲכָמִים du Talmud connaissaient l’hébreu. Ils connaissaient l’hébreu traditionnel et l’hébreu de la révélation avaient le même sens du verset. La controverse n’était pas sur la compréhension du verset, mais étant donné le sens du verset comment en comprendre les implications pour la conduite dans l’histoire. La controverse ne porte jamais sur le sens du verset. Mais étant donné son sens, quelle conséquence en tirer pour ce qu’il y a à faire ou à comprendre suivant tel ou tel événement ou telle ou telle péripétie dans l’histoire.

Le mot de  לֵּאמֹר c’est le lieu ou la מַחְלֹקֶת risque d’être possible. 

Chaque fois qu’une מִצְוָה est introduite par un verset sans le terme לֵּאמֹר il faut s’attendre à ce qu’il n’y ait aucune מַחְלֹקֶת dans la גְּמָרָא. 

 

דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ-לִי תְּרוּמָה

Parle aux enfants d’Israël Et ils prendront pour moi une offrande

 

תְּרוּמָה = un prélèvement de telle sorte que ce qui est prélevé est mis à part pour l’offrande.

Le sens est général :

Et parles aux enfants d’Israël de telle sorte qu’ils prennent pour Moi.

 

Mais en fait si nous lisons strictement, il faut lire exactement comment l’hébreu est formulé :

Parles aux enfants d’Israël, et que le résultat du fait que tu leur parles soit que, au futur וְיִקְחוּ-לִי ils prennent pour Moi, תְּרוּמָה une offrande, il faudrait mettre une virgule, l’accent sous תְּרוּמָה s’appelle Atna’h chez les Sefardim et Etna’hta chez les Achkenazim – une sorte de point virgule.

 

מֵאֵת כָּל-אִישׁ אֲשֶׁר יִדְּבֶנּוּ לִבּוֹ, תִּקְחוּ אֶת-תְּרוּמָתִי

De la part de tout homme porté par son cœur Vous prendrez Mon offrande.

 

On va commencer à réfléchir à la première question qui se pose sur la forme du verset :

Parle aux enfants d’Israël, et qu’ils prennent pour Moi une offrande.

 

La forme habituelle qui introduit un commandement que Moïse est chargé de donner à Israël :

דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל לֵּאמֹר וְיִקְחוּ-לִי תְּרוּמָה

Prenez pour Moi...

Ce serait un ordre sous forme de l’impératif.

 

Nous sommes là devant un problème extrêmement important que je vais tenter de formuler ainsi :

Moïse est l’intermédiaire entre Dieu et le peuple pour la transmission de la révélation.

Première question très générale : pourquoi tout simplement faut-il un intermédiaire entre Dieu et le peuple ? C’est le problème des religions qui instaure un médiateur entre Dieu et les hommes.

Dans la cohérence de l’enseignement de la תּוֹרָה elle-même, comment comprendre la nécessité de Moïse entre  Dieu et le peuple pour que Dieu transmette au peuple ce qu’il a à transmettre ?

 

Nous connaissons le cas particulier de Dieu parlant directement aux hommes dans l’épisode de la révélation du Sinaï.

D’abord ils ont demandé à ce que Dieu parle Lui-même.

Lorsque le peuple a dit « כֹּל אֲשֶׁר-דִּבֶּר יְהוָה נַעֲשֶׂה » cela sous-entendait que Dieu nous parle. Et quand Dieu leur a parlé, la preuve qu’ils cherchaient et attendaient leur a été donné et à ce moment-là ils ont demandé que ce soit Moïse qui leur parle : sachant dorénavant que lorsque Moïse parle c’est Dieu qui parle.

 

Pourquoi Moïse doit-il être intermédiaire entre Dieu et le peuple ?

Cela nous semble normal par le fait de l’habitude, mais nous y sommes habitués à posteriori mais à priori il aurait été normal, si vraiment Israël est Israël, que Dieu s’adresse à Israël directement. Et donc cela se réfère à une question même beaucoup plus générale : pourquoi était-il nécessaire qu’il y ait des prophètes en Israël ? 

 

Retour au pied du Sinaï.

Relire attentivement le chapitre 19 de שְׁמוֹת dans la Parashah de יִתְרוֹ.

Moïse au pied du Sinaï reçoit un 1er message avant même qu’il soit question des 10 commandements.

 

יִתְרוֹ 19:6

וְאַתֶּם תִּהְיוּ-לִי מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים, וְגוֹי קָדוֹשׁ:  אֵלֶּה הַדְּבָרִים, אֲשֶׁר תְּדַבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל

Et soyez pour Moi une royauté de prêtres et un peuple saint voici les paroles que tu dois raconter aux enfants d’Israël.

 

C’est la 1ère chose qu’on apprend. D’après la précision même donnée par le chapitre 19, le 3ème  mois de la sortie d’Egypte, le 3ème jour, Dieu se révèle à Moïse et le charge de transmettre à Israël le message suivant.

 

יִתְרוֹ 19:3-6

וּמֹשֶׁה עָלָה, אֶל-הָאֱלֹהִים; וַיִּקְרָא אֵלָיו יְהוָה, מִן-הָהָר לֵאמֹר, כֹּה תֹאמַר לְבֵית יַעֲקֹב, וְתַגֵּיד לִבְנֵי יִשְׂרָאֵל

Et Moïse alla vers Elohim, הַשֵּׁם l’appela depuis la montagne pour dire : ainsi tu dois dire à la maison de Jacob et raconter aux enfants d’Israël

 

אַתֶּם רְאִיתֶם, אֲשֶׁר עָשִׂיתִי לְמִצְרָיִם; וָאֶשָּׂא אֶתְכֶם עַל-כַּנְפֵי נְשָׁרִים וָאָבִא אֶתְכֶם אֵלָי

Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Egypte et je vous ai porté sur les ailes des aigles et vous ai emmené à Moi.

 

וְעַתָּה, אִם-שָׁמוֹעַ תִּשְׁמְעוּ בְּקֹלִי, וּשְׁמַרְתֶּם, אֶת-בְּרִיתִי--וִהְיִיתֶם לִי סְגֻלָּה מִכָּל-הָעַמִּים, כִּי-לִי כָּל-הָאָרֶץ

Maintenant si vous m’obéissez et gardez mon alliance, vous serez pour moi une סְגֻלָּה  parmi tous les peuples car à Moi toute la terre

 

וְאַתֶּם תִּהְיוּ-לִי מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים, וְגוֹי קָדוֹשׁ:  אֵלֶּה, הַדְּבָרִים, אֲשֶׁר תְּדַבֵּר, אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל

Et vous serez pour Moi un peuple de prêtres et une nation sainte, voici les paroles que tu dois raconter aux enfants d’Israël.

 

Vous avez eu l’expérience de la sortie d’Egypte vous l’avez vécu, et vous avez donc l’expérience que la sortie d’exil peut prendre fin. Et maintenant que vous avez eu cette expérience :

Vous serez pour Moi un peuple de prêtres et une nation sainte, voici les paroles que tu parleras aux enfants d’Israël.

 

Jusque-là nous sommes au chapitre 19 du livre de שְׁמוֹת, avant le chapitre 20 des 10 commandements, il n’est pas question, et il n’y a aucune allusion à l’éventualité à laquelle nous nous sommes habitués à postériori comme une sorte de nécessité, qu’il y ait cet événement du סִּינַי הַר מַעֲמָדֲ de la révélation des 10 commandement du Sinaï.

 

Nous sommes à ce stade où Moïse est chargé de transmettre au peuple un message bien précis : puisque vous avez eu l’expérience de la sortie d’Egypte, vous allez devenir pour Moi le peuple de prêtres pour le reste de l’humanité...

 

Que signifie qu’Israël est un peuple de prêtre ?

Cela veut dire que c’est l’ensemble des prêtres de l’humanité

 

En fait ce projet, qui est le projet à priori de l’histoire d’Israël par rapport à l’histoire universelle, n’a encore jamais pu se réaliser pour deux raisons :

 

  • une raison intérieure : Israël n’a encore jamais été capable de ce niveau de vocation
  • une raison extérieure : l’humanité a refusé.

 

L’expérience messianique est l’expérience d’un temps où effectivement ce projet de l’histoire d’Israël à la sortie d’Egypte finira par se réaliser. D’une part, le peuple d’Israël sera capable d’être un peuple de prêtres pour l’humanité et non plus seulement, comme c’est le cas maintenant, un peuple qui a lui-même besoin de prêtres. Et d’autre part que l’humanité y acquiesce.

 

Il est possible que 2000 après nous soyons au bord d’une époque où peut-être cela commencera à devenir évident : l’humanité commence à acquiescer au projet de Dieu pour l’histoire d’Israël.   Israël est un peuple à part pour guider l’humanité en vue de ce témoignage que l’exil peut prendre fin. Il y a d’abord premièrement la référence à une expérience historique qu’Israël seul a eue. C’est le seul peuple dont l’histoire est faite de l’expérience suivante : exil-délivrance de l’exil.

 

On oublie par habitude l’importance que ce couple de notion גָלוּת - גֵּאֻלָה a par définition pour la foi d’Israël. Devant qui prions-nous ? Gaal Israël c’est la dernière invocation avant de commencer la תְּפִלָּה, la עֲמִידָה. Il y a en Israël une expérience historique que la גֵּאֻלָה est possible, alors la prière est possible : la prière s’adresse à Dieu en tant que גּוֹאֵל parce qu’il y a expérience historique, une certitude, une connaissance par mémoire historique que la גֵּאֻלָה est possible.

 

Comme c’est la גֵּאֻלָה que nous demandons dans toute prière alors cela nous donne la possibilité de commencer la prière. Après l’évocation de יִשְׂרָאֵל גָאַל on commence...

 

Voilà ce que dit le chapitre 19 de שְׁמוֹת: vous avez eu l’expérience que la גֵּאֻלָה est possible, vous allez en devenir les témoins pour l’humanité.

Le monde entier a appris d’Israël que la situation de גָלוּת peut finir. C’est cela que le monde entier a appris d’Israël. Je le formule souvent d’une manière simple : il faut découvrir que le monde entier est censé croire en la foi du Dieu d’Israël. Israël est un tout petit peuple, mais il y a dans l’histoire universelle, à travers les siècles et les millénaires, une sorte d’adhésion massive et colossale de la foi de l’humanité entière au fait de Pessah, ce que les Chrétiens appellent la Pâques et qui est le symbole pour eux de ce que le salut est possible. 

 

Sans entrer dans l’explication de ce que les גּוֹיִם comprennent à leur manière la signification de Pâques pour eux, Pessah on sait que c’est cette certitude que l’exil peut prendre fin. 

 

Il y a une explication métaphysique très simple : au fond l’humanité entière est à la recherche du salut et chaque tradition exprime cette recherche à sa manière. Ce qui est exprimé chaque fois c’est le fait de sortir de la condition de créature qui est une condition d’exil : la condition de créature est la condition d’un être exilé du Créateur. Le fait pour le Créateur d’avoir créé la créature consiste à avoir mis la créature en exil du Créateur. Il faut donc être sauvé de la condition de créature. C’est ce que toute créature ressent à sa manière, confusément et inconsciemment, et chaque tradition l’exprime à sa manière, mais c’est au fond toujours la même chose dont il s’agit. Et voilà que l’humanité découvre un peuple dont c’est le témoignage historique purement et simplement.

 

Les Juifs n’ont pas besoin de parler pour qu’on sache quel est le témoignage qu’ils portent surtout dans la fin d’exil. Quelqu’en soit le caractère invraisemblable l’exil peut prendre fin. C’est invraisemblable qu’après une telle massivité d’épaisseur de durée de 2000 ans, l’exil prenne fin et qu’il y ait un obstacle puisque des Juifs refusent de sortir d’exil. C’est semble-t-il impossible de sortir d’exil. Cela fait 2000 que nous espérons sortir d’exil et cela oblige à prendre conscience que 2000 ans c’est énorme : en principe on ne peut pas. Et au moment où l’on peut on ne sort pas.

 

***

 

Q : Est-ce que la גֵּאֻלָה est un processus qui traine et dure dans le temps : תּלָמוּד: 2000 deתֹהוּ , 2000 ans de תּוֹרָה et 2000 ans de processus messianique ?

 

R : Non. Il n’y a pas processus.

Il y a: « הַמַשִיחַ  יֵּמוֹת אָלפָיים שָנָה, תּוֹרָה אָלפָיים שָנָה, תֹהוּ אָלפָיים שָנָה». הַמַשִיחַ  יֵּמוֹת n’est pas un processus. Et il faut faire attention de ne pas en faire une sorte de programmation de fatalité.

Dans l’histoire humaine des 6 premiers millénaires qui aboutiront au 7ème millénaire, il y a 2000 ans de chaos qui vont de הָרִאשׁוֹן אָדָם à Abraham. Ensuite 2000 ans de תּוֹרָה, de révélation, qui vont depuis Abraham jusqu’à la fin de la révélation. Le temps d’Ezra et Néhémie. Et 2000 ans de הַמַשִיחַ  יֵּמוֹת, ce qui signifie  le temps où le מַשִיחַ aurait pu apparaître et que la גֵּאֻלָה se fasse. Mais la גֵּאֻלָה c’est un instant. Par exemple lors de la sortie d’Egypte toute une discussion de la גְּמָרָא consiste à savoir quand c’est minuit, le moment de la גֵּאֻלָה. Par exemple, le moment de la naissance : c’est un instant. Quand Moïse arrive devant la mer rouge, il a cherché un passage à gué et dès qu’il l’a trouve il a dit «  גֵּאֻלָה ! »   

Cela veut dire que pendant 2000 ans pouvait advenir (si on l’avait mérité, et lorsqu’on l’a mérité c’est le plus vite possible) le moment qu’on appelle de la révélation du Messie, c’est à dire la délivrance messianique. Ce n’est pas un processus qui dure 2000 ans.

 

Q : Dans les סלִיחוֹת: « הַגֵּאֻלָה קֵץ» ?

R : Cela veut dire la fin, le moment de la fin, le temps fixé pour que cela arrive.

הַמַשִיחַ  יֵּמוֹת = 2000 ans les jours du messie, cela ne veut pas dire que cela prend 2000 ans pour pouvoir sortir d’exil. Cela veut dire que tout pendant ces 2000 ans cela pouvait être le moment où l’on sort d’exil.  Mais c’est en un clin d’œil et on ne se rend pas compte que c’est arrivé, et on est en retard. Ta question montre qu’il y a toute une mentalité de l’exil qui intoxique l’espérance messianique elle-même. Toute une série de questions qui démontrent que les Juifs cherchent des arguments pour rester en exil.

 

Q : גֵּאֻלָה perçue comme délivrance de l’humanité ?

R : Non la גֵּאֻלָה c’est la fin de l’exil. Que signifie « יִשְׂרָאֵל גָאַל » : que Dieu nous a délivré de l’asservissement d’Egypte et à partir du moment où l’on a passé les minuits de la גֵּאֻלָה elle est arrivée. A partir de cela, tu élargis la notion dans un niveau d’espérance messianique qui est réel mais qui est au-delà et qui est la fin du processus de l’histoire de l’univers jusqu’au passage de ce monde-ci au monde à venir, ce qui est tout à fait autre chose.

Le terme de גֵּאֻלָה a un premier sens précis concret : la fin de l’exil.

« Asher gaal et avotenou memitsraïm »

 

Q : pas compris ce témoignage d’Israël en tant que délivrance de la condition d’exil de la créature

R : analyse plus ample :

1ère remarque :

On doit remarquer l’impact qu’a eu dans l’humanité l’histoire d’Israël. Or, Israël est un tout petit peuple. On s’est tellement habitué à cela qu’on ne s’habitue plus de son caractère massif. En Occident une quantité considérable d’individus dans le monde de la chrétienté avec un phénomène de civilisation énorme en 2000 ans d’histoire. Une humanité qui n’a rien à voir avec Israël directement à l’origine et qui commence à renoncer à se prendre pour Israël et qui considère sa foi comme étant la foi en le Dieu d’Israël. Pessah c’est la Pâques juive. Cela vient d’ailleurs de l’araméen. Le doublet araméen de Pessah en araméen est Pass’ha qui est devenu Paskah en grec, d’où l’adjectif pascal et c’est devenu Pâques avec la trace du S dans l’accent circonflexe.

 

Il y a d’autre part le problème de l’islam en Orient, d’une toute autre manière, mais c’est quelque chose d’assez analogue : l’humanité entière est frappée par ce qui s’est passé dans l’histoire d’Israël.

Ce qui est dans notre mémoire que l’exil peut prendre fin. C’est très étonnant : en principe, d’exil on ne sort pas. גְּמָרָא : « d’Egypte on en sort pas ». 

 

Il y a eu une époque où les Juifs pris au piège de l’Europe, les Juifs ne pouvaient pas en sortir. Puis un jour le piège s’est brisé. Et les Juifs ont pu être délivrés d’Europe. Lorsque c’est le temps de l’exil c’est un piège fermé et on ne sort pas d’exil. Cf. le texte de la תּוֹרָה où Dieu s’exprime plusieurs fois de suite en disant : « n’oubliez pas ce que J’ai fait pour vous en Egypte, et afin que vous sachiez et que vous racontiez à vos enfants et aux enfants de vos enfants... »

 

Pourquoi une telle exagération d’importance ? Parce qu’en principe on ne sort pas d’une situation d’exil mais voilà qu’on en sort quand même !

 

C’est le miracle de la sortie d’Egypte : il faut que Dieu intervienne pour que l’on puisse sortir d’Egypte.

 

La preuve c’est que les Juifs même quand ils le peuvent ne sortent pas d’exil. Et alors un des alibis qu’on se donne pour rester dans l’exil c’est cette question. C’est très difficile de sortir d’exil. De cela le peuple juif au jugement dernier sera jugé durement. C’est dit en clair : la 1ère question du jugement dernier : as-tu espéré en la délivrance ? C’est finalement les Juifs qui sont responsables de leurs propres malheurs.

 

Par conséquent, cette indication du chapitre 19 du livre de l’Exode : « vous avez vu ce que J’ai fait à l’Egypte » et sa suite : « vous allez devenir pour Moi un peuple de prêtres... »

 

Il faut suivre le raisonnement du chapitre : Israël a eu une expérience qui va l’instaurer comme peuple de prêtres de l’humanité. L’humanité sait qu’il y a quelque part un peuple qui a la preuve qu’on peut sortir d’exil.

 

Après la guerre Elie Wiesel a fait la remarque suivante : à partir de la fin de la guerre, il y a eu un phénomène de librairie considérable sur ce qui concerne les Juifs, le judaïsme et Israël. Durant mes études avant la guerre mondiale, il n’y avait strictement aucun livre sur le judaïsme. Actuellement on trouve ce qu’on veut. En France tous les jours au moins trois titres sur le judaïsme. Il y a des maisons d’éditions spécialisées ... Les éditions du Cerf dirigées par des Jésuites....

Nombres d’érudits juifs qui ne travaillent que pour cette maison d’édition...

Les hebdomadaires font des dossiers sur les Juifs et leur histoire...

 

Elie Wiesel : comment s’expliquer un tel phénomène ?  

L’humanité entière a découvert subitement qu’elle vit sous la menace de la destruction en découvrant la bombe atomique. C’est effectivement la 1ère fois dans l’histoire des civilisations que  l’humanité se reconnait mortelle en tant qu’humanité.  Mais elle découvre un peuple à la sortie des camps, qui a toujours vécu comme cela : vivre sous la menace de la destruction totale. Alors il lui demande comment il a fait...

 

C’est quelque chose d’analogue : L’humanité a un problème de destinée humaine et elle découvre un peuple qui porte le témoignage de l’espérance de délivrance de ce problème. Qu’est-ce que l’humanité a trouvé dans cette expérience de la fin de l’exil ?

C’est ce que j’ai nommé une espérance de salut.

La condition de créature est une condition d’exil.

 

Toutes les traditions humaines, qu’elles soient religieuses ou philosophiques ou littéraires ou autres, ont une sorte de quête d’être sauvé. Sauvé de quoi ? Chaque tradition va le définir à sa manière.

 

Exemple :

Lors qu’un chrétien parle du salut, il s’agit d’être sauvé de la mort. Mais la mort vient d’où ? La mort vient du péché. Mais le péché vient d’où ? Le péché vient de la loi. Donc il s’agit d’être sauvé de la loi.

L’Islam est une toute autre sensibilité de la quête de salut.  Pour le musulman la chute n’est pas la faute comme chez les chrétiens, la chute c’est d’être tombé dans le monde du nombre. On est tombé dans le monde de la multiplicité, du Un au multiple. Et le salut consiste à être sauvé du monde de la multiplicité. Tout ceci peut être retraduit en vocabulaire des catégories juives

 

Pour une autre tradition, il s’agit d’être sauvé de l’ennui : dans certaines mystiques orientales, l’enfer c’est l’ennui. 

 

Mais en fin de compte il s’agit d’être sauvé de la condition de créature qui est une condition d’exil par rapport au Créateur.

 

Dés que l’identité humaine prend conscience d’elle même, elle prend conscience d’elle-même dans la solitude et dans l’éloignement de l’essentiel. C’est de cela qu’il s’agit d’être sauvé.

 

Or, tout ceci est refoulé et est entré dans l’inconscient mais cela travaille dans la quête d’espérance du salut dans toutes les traditions. Et voilà qu’on rencontre un peuple dont l’histoire porte le témoignage que d’exil on  peut sortir.  Et c’est cela le sens strict de la גֵּאֻלָה: sortir de l’exil.

 

Nous sommes une tradition qui accomplit la תּוֹרָה au niveau des מַּעֲשִׂיוֹת  מִצוֹת. Ce n’est pas symboliquement qu’on accomplit la תּוֹרָה. On l’accomplit réellement. Par conséquent lorsque la תּוֹרָה parle d’espérance de la גֵּאֻלָה, cela veut dire réellement l’espérance de la גֵּאֻלָה –la fin de l’exil. L’exil signifie habiter en dehors de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Les choses ayant leur sens simple. 

 

A ce moment-là, qu’a dit le peuple au pied du Sinaï ?

 

כֹּל אֲשֶׁר-דִּבֶּר יְהוָה נַעֲשֶׂה

Tout ce que Dieu dira nous le ferons 

 

Le peuple semble avoir accepté ce que Moïse vient de lui dire. Mais si on voit la suite du chapitre, on s’aperçoit que cela n’est pas si simple que cela : lorsque Moïse rapporte cette réponse du peuple à Dieu : « tout ce que Dieu / dira / a dit /dit / nous le ferons » et c’est vraiment l’expression de l’acception du projet de Dieu pour Israël, à ce moment là Dieu dit : puisqu’il en est ainsi, Je vais me révéler  à eux de telle sorte qu’ils M’entendent te parler et qu’en toi aussi ils aient foi à jamais.

Cela signifie que lorsqu’ils ont dit « tout ce que Dieu dira nous le ferons », ils sous-entendaient : « que Dieu lui-même nous le dise ».

 

C’est à la gloire d’Israël de réclamer la validation d‘un message. Jusque-là il y avait une tradition : on était en exil en Egypte. Et la foi d’Israël en Egypte, avant que Moïse n’apparaisse, consistait en la mémoire des promesses faites aux Patriarches que cet exil prendrait fin.

 

Tout ce que Dieu dit aux Patriarches se résume à trois choses :

 

  • confirmer qu’il y aura une descendance – le peuple

 

  • confirmer que cette descendance sortira d’exil – la terre

 

  • et qu’elle recevra un message de vérité - la תּוֹרָה

 

Dieu n’a jamais dit autre chose aux Patriarches. Dieu se révèle aux patriarches pour trois promesses. Qu’il y aurait une descendance, que l’exil prendrait fin, et qu’on rentrerait au pays des hébreux. Pas d’autre message dans la foi d’Israël avant que Moïse n’apparaisse.

 

En termes contemporains, la foi des hébreux en Egypte consistait en ce qu’on appelle actuellement le sionisme. La foi que l’exil prendra fin.

 

Moïse apparait et leur dit qu’il y a une vocation universelle qui les attend, il y a une תּוֹרָה qui les attend : la chartre d’un peuple de prêtres pour être prêtres pour l’humanité.

מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים: un royaume de prêtres signifie l’ensemble des prêtres de l’humanité.

 

Cette vocation a été différée pour deux raisons différentes :

 

  • Le peuple n’a pas encore été apte à cela, l’indice a été la faute du veau d’or

 

  • Le refus des nations

 

Retour à la question initiale :

Comment comprendre alors que ce peuple ait des prophètes et en particulier Moïse. Pourquoi fallait-il qu’il y ait un porte-parole de Dieu pour le peuple ?

 

La réponse est très simple : le peuple n’est pas encore au niveau d’aptitude. C’est ce qui s’est passé au Sinaï. C’est tout à leur honneur d’avoir réclamé que Dieu lui-même habilite ce que Moïse venait de leur proposer comme nouveau message, je ne voudrais pas dire « nouveau testament », et dès qu’ils en ont eu la preuve ils ont eu foi en Moïse comme intermédiaire....

 

Ce n’est qu’à la fin des temps que l’ensemble des créatures sera capable de supporter, de porter, de vivre le face à face avec le Créateur. Le rendez-vous avec Dieu, la théophanie comme disent les théologiens, c’est pour la fin des temps. Avant cela, c’est dangereux pour tout le monde sauf pour ceux qui le mérite déjà – d’une certaine manière, les Prophètes. Moïse est déjà en ce temps-là l’homme de la fin des temps. Alors il peut lui parler face à face avec Dieu et pas les autres. C’est pourquoi c’est lui qui est choisi pour porter la parole de Dieu aux autres.

 

דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ-לִי תְּרוּמָה

Parle aux enfants d’Israël Et ils prendront pour moi une offrande.

 

Comme indiqué, le texte ne dit pas ce que Moïse devait dire aux enfants d’Israël.

Parle aux enfants d’Israël. Ce que tu dois leur dire, c’est toi qui le sais, parce que si tu ne sais pas ce que tu dois leur dire pour obtenir le résultat que Je cherche c’est que tu n’es pas Moïse. Donc, parle aux enfants d’Israël et que le résultat soit, une fois que tu leur as parlé, qu’ils M’apportent une offrande. C’est pourquoi il y a un futur וְיִקְחוּ ils prendront...

 

Le problème qu’il y a derrière est extrêmement important :

Moïse est chargé de révéler la תּוֹרָה à laquelle les enfants d’Israël doivent obéir. Mais on apprend de cet exemple que l’obéissance des enfants d’Israël n’aura de valeur que si c’est par eux-mêmes qu’ils réalisent ce que la תּוֹרָה demandent et non pas par ce que la תּוֹרָה leur a imposé mais parce que cela vient d’eux.

 

תִּקְחוּ אֶת-תְּרוּמָתִי מֵאֵת כָּל-אִישׁ אֲשֶׁר יִדְּבֶנּוּ לִבּוֹ

de la part de tout homme porté par son cœur vous prendrez Mon offrande.

 

Moïse ne peut pas leur dire : « apportez une offrande ! », sinon ce n’est pas d’eux-mêmes qu’ils l’ont apporté. Or, qu’est-ce que demande le verset ? Qu’on ne prenne l’offrande que de celui qui l’apporte de par lui-même. On voit la difficulté de la tâche de Moïse : il faut qu’il s’arrange à donner à ce peuple une éducation telle que le résultat soit que le peuple veuille ce que la תּוֹרָה veut.

 

Ici se dévoile quelque chose d’extrêmement important concernant la transmission de la תּוֹרָה.

On est habitué à l’idée que la תּוֹרָה doit être imposée mais c’est une toute autre stratégie qui apparait-là.

 

C’est la grandeur de Moïse : faire que le peuple veuille par lui-même ce que la תּוֹרָה réclame de lui. D’autre part on étudie cela. Tous ne sont pas à ce niveau d’autonomie de la conscience morale. Et même si quelqu’un a réalisé ce que la תּוֹרָה veut parce qu’on lui a imposé c’est déjà valable mais ce n’est que déjà valable, ce n’est pas encore vraiment לִשְׁמָּה.

 

Quelqu’un qui dit : je fais cela parce que la תּוֹרָה le veut, c’est Kasher mais pas encore ce que la תּוֹרָה veut. Ce que la תּוֹרָה veut : fait cela parce que c’est toi qui le veux...

Tant que ce n’est pas à ce niveau-là ce n’est pas לִשְׁמָּה. 

 

Q : Cela se relie-t-il à celui qui a transgressé le Shabbat et qui a été puni ?

R : La תּוֹרָה nous donne dans ce récit une indication importante, c’est que si on ne pratique pas la תּוֹרָה c’est grave puisqu’il y a des sanctions.

 

Midrash : un jour quelqu’un s’est perdu dans la forêt et il rencontre miraculeusement une personne qui savait se guider dans la forêt. Tu passes par là, ici fait attention au trou, là tu contournes et puis là...  Et en fin de compte il arrive à la lisière de la forêt et en sort... 

A ce moment-là, celui qui est délivré de la forêt dit à son guide : paies-moi j’ai obéi à toutes tes directives ! Je t’ai servi. J’ai obéi à toutes les consignes, j’ai exécuté toutes les ordonnances...

 

Bien sûr qu’il y a une sanction, le problème c’est le problème du salut.  La sanction c’est le salut.

 

En fait, il s’agit ici de la définition suivante : A quelle condition l’acte moral est authentique ?

J’emploie là intentionnellement un vocabulaire philosophique très précis parce que dans l’histoire de la philosophie c’est Kant qui a formulé ce problème de cette manière.

C’est un problème kantien.

 A quelle condition l’acte moral est-il authentique ?

A quelle condition l’obéissance aux devoirs est-elle une vertu ?

 

C’est à la condition de la bonne volonté. Si c’est moi qui veut ce que la loi veut alors c’est authentique et kasher. Mais tant que je suis encore en apprentissage d’obéissance, je ne suis pas encore autonome vis-à-vis de la loi. La loi s’adresse à moi de manière hétéronome. Elle me parle de l’extérieure de ma conscience. Tant que ce n’est pas moi qui veux ce que la loi veut, est-ce que l’objet de la loi est réalisé ?

 

Il y a un premier stade.

C’est authentique au niveau du comportement. J’ai fait ce que la תּוֹרָה m’a demandé. Même si j’ai une résistance, même si ma nature, mon être profond n’est pas d’accord, mais au moins je l’ai fait et c’est un premier niveau  

 

Ce que la תּוֹרָה cherche c’est effectivement que je veuille moi ce qu’elle veut. C’est la tâche de Moïse : faire que les hébreux qu’il doit éduquer veuillent par eux-mêmes ce que la תּוֹרָה veut.

 

On a alors compris le verset :

 

דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ-לִי תְּרוּמָה:  מֵאֵת כָּל-אִישׁ אֲשֶׁר יִדְּבֶנּוּ לִבּוֹ, תִּקְחוּ אֶת-תְּרוּמָתִי

Parle aux enfants d’Israël Et ils prendront pour moi une offrande de la part de tout homme porté par son cœur vous prendrez Mon offrande.

 

Cela met en évidence la grandeur de Moïse, un médiateur qui ne réussit que lorsqu’il s’efface complément. Il est chargé de faire qu’Israël veuille par lui-même ce que la תּוֹרָה a à leur réclamer.

 

Q : le fait que Dieu s’adresse indirectement à Israël par l’intermédiaire de Moïse donne le libre arbitre aux enfants d’Israël ?

 

R: Cela donne d’avoir le mérite de cette liberté, c’est exact. גְּמָרָא: au pied du Sinaï les hébreux ont accepté la תּוֹרָה sous la contrainte. La contrainte de la révélation. Si Dieu se révèle on n’est pas libre. Par conséquent ce que dit ce Midrash que Dieu a imposé la תּוֹרָה au Sinaï, c’est le fait que le seul fait de se révéler prive de liberté celui devant lequel Dieu se révèle. C’est pourquoi la גְּמָרָא ajoute: c’est au temps d’Assuérus, c’est-à-dire au temps d’Ester et Mardochée, qu’il s’avère que les hébreux avaient vraiment accepté la תּוֹרָה au Sinaï. Le temps de la Méguilat Esther est le temps de la fin de la révélation. Tant qu’il y avait la prophétie et les prophètes, on ne peut pas passer outre la contrainte de l’évidence. C’est lorsque l’évidence se cache qu’il se dévoile si on est libre ou pas. Quoique ce n’est pas si simple, parce que Moïse a déjà le charisme reconnu que lorsqu’il parle c’est Dieu qui parle. Le peuple sait très bien que si Moïse parle c’est Dieu qui parle. Malgré tout la présence de Moïse c’est la présence de Dieu.

Il faut donc que Moïse s’arrange pour que vraiment ce n’est pas parce qu’il l’a demandé qu’ils l’ont fait.

 

Beaucoup de מִצוֹת sont introduites par l’expression « צַוה אֶל בְּנֵי יִשְׂרָאֵל »  et d’autres par « צַוה אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל ». צַוה  c’est pour transmettre un צִוּי une מִצְוָה.

 

 צַוה אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל  ordonne aux enfants d’Israël».

צַוה אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל: donne une éducation une formation aux enfants d’Israël de telle sorte qu’ils fassent ce qu’il doit faire.

 

Il y a une différence entre donner des consignes et donner une éducation qui fait que le résultat vient de celui auquel on a donné une éducation.

 

Q : Donner une éducation est-ce que cela se réfère aux lois incompréhensibles que l’homme n’aurait pas trouvées par lui-même ?

 

R : Je ne crois pas. Beaucoup de référence disent que toute la תּוֹרָה aurait du, aurait pu, être connaturelle à l’homme mais qu’elle nous devient étrangère après la faute du 1er homme. D’autant plus que ce n’est qu’à travers l’éducation de la תּוֹרָה que ces מִצוֹת dites sliriot nous paraissent comme évidentes. Lorsqu’on fait une étude au fond on s’aperçoit que c’est conventionnel. Il y a par exemple un consensus sur le fait que ne pas tuer cela va de soi. Mais cela ne va pas de soi du tout. Il y a énormément de systèmes de philosophies morales où une telle interdiction n’a pas sa place.

Un commandement comme « honore ton père et ta mère » que l’on pense rationnel, naturel et normal. Alors que la תּוֹרָה sait que le contraire c’est l’habitude normale et c’est pourquoi elle impose et demande d’honorer ses parents. De même pour « ne tue pas »  parce que la תּוֹרָה sait  que c’est la loi de la jungle qui est la loi naturelle...

 

****

 

Question des מְפָרשִים:

Pourquoi n’y a-t-il pas écrit  לִי תְּרוּמָה וַיִּתְּנוּ  mais וְיִקְחוּ-לִי תְּרוּמָה ?

 

דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ-לִי

 

Je ne rentre pas dans tous les Midrashim qui à postériori de la question qu’on a posé vont enrichir le sens, mais on s’attendrait à ce que le verset dise « Qu’ils Me donnent une  תְּרוּמָה » et non pas « qu’ils Me prennent une תְּרוּמָה» !

 

Qui peut répondre ?

 

Q : parce que tout lui appartient ?

R : la Mishna  déjà a déclarée : quand tu Lui donnes c’est de ce qui Lui appartient que tu Lui donne... mais cela ne répond pas à ma question.

 

Début Parashah וַיַּקְהֵל:

Le même enseignement mais formulé de manière différente

 

Chapitre 35, verset 4-5

וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה, אֶל-כָּל-עֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר:  זֶה הַדָּבָר, אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר

קְחוּ מֵאִתְּכֶם תְּרוּמָה, לַיהוָה, כֹּל נְדִיב לִבּוֹ, יְבִיאֶהָ אֵת תְּרוּמַת יְהוָה:  זָהָב וָכֶסֶף, וּנְחֹשֶׁת

Et Moïse s’adressa à toute l’assemblée des enfants d’Israël en disant :

Voici la chose que Dieu a ordonné en disant Prenez de votre part (קְחוּ) une תְּרוּמָה pour הַשֵּׁם...

 

Dans notre verset il y a :

דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ-לִי תְּרוּמָה:  מֵאֵת כָּל-אִישׁ אֲשֶׁר יִדְּבֶנּוּ לִבּוֹ, תִּקְחוּ אֶת-תְּרוּמָתִי

Parle aux enfants d’Israël Et qu’ils prendront pour moi une offrande de la part de tout homme qui est porté par son cœur

 

Dans וַיַּקְהֵל la formulation change :

Prenez de vous-même et non plus de tout homme qui...

 

Quelle est la différence ?

Et pourquoi cette reprise du commandement sous une forme différente ?

 

Enseignement du Zohar :

Entretemps il y a eu la faute du veau d’or. Primitivement le projet c’est que l’offrande pour construire le tabernacle, donc le מִּקְדָּשׁ, devait être donné par les גּוֹיִם à Israël. 

 

מֵאֵת כָּל-אִישׁ אֲשֶׁר יִדְּבֶנּוּ לִבּוֹ

De la part de tout homme qui est porté par son cœur.

 

Israël reçoit la consigne de prendre de tout homme du dehors d’Israël qui sera porté par son cœur, l’offrande pour construire le בֵּית הַמִּקְדָּשׁ pour l’humanité. Entretemps il y a eu la faute du veau d’or, alors la formulation du verset change : Prenez de vous et non plus des autres...

Entretemps s’est révélé le fait que ce qui est pris de l’extérieur risque de devenir une idole.

 

En tous les cas, quelque soit les deux formulations, il faut que l’initiative de l’obéissance à la loi vienne de manière autonome pour que la loi soit satisfaite. Et non pas de manière extérieure.

 

On arrive à un verset important : Verset 8  

 

Ensuite la תּוֹרָה va énumérer les différents matériaux et l’ensemble des offrandes nécessaires à la constitution du tabernacle. Bien entendu, chacun des termes par lesquels ces matériaux sont indiqués à un sens pur lui-même.

 

וְעָשׂוּ לִי מִקְדָּשׁ; וְשָׁכַנְתִּי, בְּתוֹכָם

Ils Me feront un sanctuaire et je résiderais parmi eux.   

 

L’explication classique à ce sujet c’est : Betokho lo neemar ela betokham il n’est pas écrit en lui mais en eux - וְשָׁכַנְתִּי renvoie à la notion de שְׁכִינָה. La שְׁכִינָה sera en Israël si Israël fait un מִּקְדָּשׁ. C’est le Pshat du verset. D’où l’expression de מִּשְׁכָּן qui va définir le Tabernacle  qui est la préfiguration provisoire dans les 40 ans du désert de ce que sera le בֵּית הַמִּקְדָּשׁ par la suite à Jérusalem.

 

***

Q : analogie avec les dix plaies d’Egypte et l’histoire contemporaine de la sortie de l’exil de Rome ?

R : c’est une analogie formelle. Effectivement il faut se rendre compte d’une chose : c’est qu’au temps de la sortie d’Egypte, il y a eu intervention de Dieu dans l’histoire. Ce que le verset dévoile c’est que cette intervention a été catastrophique pour le monde. C’est une catastrophe. Peut être quelque chose d’analogue accompagne les temps de fin d’exil.

 

 

 

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Thierry Semo

27 Février 2020 à 18h21

" La preuve c’est que les Juifs même quand ils le peuvent ne sortent pas d’exil. Et alors un des alibis qu’on se donne pour rester dans l’exil c’est cette question. C’est très difficile de sortir d’exil. De cela le peuple juif au jugement dernier sera jugé durement. C’est dit en clair : la 1ère question du jugement dernier : as-tu espéré en la délivrance ? C’est finalement les Juifs qui sont responsables de leurs propres malheurs."

Ce thème revient souvent dans les commentaires de Manitou, surtout dans ceux faits dans les années 90, mais je crois que c'est une des rares fois ou celà est exprimé de façon si explicite.

Bien qu'il mentionne comme circonstance atténuante l'interference des nations, son jugement semble être globalement négatif quant au mérite des Juifs dans leur rôle assigné d'être un peuple de prêtre pour l'humanité.

Est-ce là une conclusion hative de ma part ?