L’OEUVRE DE LA CRÉATION
LES ENGENDREMENTS
JUIFS OU HÉBREUX
ISRAËL ET LES NATIONS
MESSIANISME
THÈMES FONDAMENTAUX

MIKETS - SÉRIE 1986

Le cours

 

(1986) מִקֵּץ

Je vous rappelle très rapidement le moment du récit où nous nous trouvons. Dans la parashah précédente, dès le retour de Jacob dans le pays de Canaan, vont se mettre en place deux stratégies différentes pour la suite de l’histoire d’Israël, en particulier la suite des Toladot – c’est-à-dire les engendrements qui doivent mener aux temps messianiques. Ces deux stratégies messianiques passent l’une à travers Joseph et l’autre à travers Juda.

En particulier, la Torah va développer plus abondamment le récit de l’histoire de Joseph en Egypte. En fin de Parashat Vayeshev nous arrivons à la fin de la première étape de la vie de Joseph, celle qui donne une sorte de préfiguration de l’exil dans sa dimension la plus pénible de persécutions, de déportations. On voit que toute cette histoire de Joseph qui commence par devenir très important dans la maison de Poutifar, un des princes principaux de l’empire d’Egypte, et après l’épisode de la déception de la femme de Poutifar, alors Joseph est jeté en prison, avec deux des personnages importants du royaume qui avaient été déchus. Il y rencontre justement deux des princes déchus de leurs prérogatives.  Nous allons commencer l’étude par le récit des rêves de Pharaon.

Je vais lire quelques versets, et nous allons étudier un premier thème : comment comprendre ce revirement brusque dans la destinée de Joseph ? Comment va-t-il être appelé à devenir lui-même par la suite, non seulement un personnage important en Egypte dans la maison de Poutifar comme dans le récit précédent, mais le vice-roi d’Egypte à la tête du pays ?

41.1

וַיְהִי, מִקֵּץ שְׁנָתַיִם יָמִים; וּפַרְעֹה חֹלֵם, וְהִנֵּה עֹמֵד עַל-הַיְאֹר

Et il arriva à la fin de deux années pleines, et Pharaon se mit à rêver, où il se voyait debout au bord du fleuve.

Expression typiquement biblique : שְׁנָתַיִם יָמִים    Shénatayim Yamim signifie que l’année est pleine de tous ses jours.

1erthème d’étude : nous avons un Pharaon qui rêve !

Nous avons vu dans les cours précédents l’importance de la capacité de rêver, en particulier en relation avec le rêve de Jacob.

Dans toute cette partie du récit du livre de Bereshit, il y a le rêve de Jacob, les rêves de Joseph, les rêves des ministres égyptiens et les rêves du Pharaon lui-même.

Nous verrons qu’il y a ici une indication très importante.

וְהִנֵּה עֹמֵד עַל-הַיְאֹר

Et voici, il se trouvait debout près du fleuve.

Ce fleuve, yéor, c’est le Nil.

Je rappelle déjà en passant, que le Nil représente une des divinités de l’Egypte. C’est un élément important que nous verrons tout à l’heure.

Nous verrons la différence de nature entre le contenu de l’expérience de rêve du Pharaon et d’autre part le contenu de l’expérience de rêve de Jacob, et des partiarches hébreux qui mènent à la prophétie des prophètes.

41.2

וְהִנֵּה מִן-הַיְאֹר, עֹלֹת שֶׁבַע פָּרוֹת, יְפוֹת מַרְאֶה, וּבְרִיאֹת בָּשָׂר; וַתִּרְעֶינָה, בָּאָחוּ

Et voici que du fleuve sortaient sept vaches belles d’apparence et saine de chair, et elles paissaient dans le paturage.

41.3

וְהִנֵּה שֶׁבַע פָּרוֹת אֲחֵרוֹת, עֹלוֹת אַחֲרֵיהֶן מִן-הַיְאֹר, רָעוֹת מַרְאֶה, וְדַקּוֹת בָּשָׂר; וַתַּעֲמֹדְנָה אֵצֶל הַפָּרוֹת, עַל-שְׂפַת הַיְאֹר

Sept autres vaches sont montées après elles du fleuve, mauvaises d’apparence et maigres et elles se tinrent sur la rive à côtés des autres vaches;

41.4

וַתֹּאכַלְנָה הַפָּרוֹת, רָעוֹת הַמַּרְאֶה וְדַקֹּת הַבָּשָׂר, אֵת שֶׁבַע הַפָּרוֹת, יְפֹת הַמַּרְאֶה וְהַבְּרִיאֹת; וַיִּיקַץ, פַּרְעֹה

Et les vaches mauvaises d’apparence et maigres ont dévoré les 7 vaches belles et saines et le Pharaon s’est réveillé.

41.5

וַיִּישָׁן, וַיַּחֲלֹם שֵׁנִית; וְהִנֵּה שֶׁבַע שִׁבֳּלִים, עֹלוֹת בְּקָנֶה אֶחָד--בְּרִיאוֹת וְטֹבוֹת

Il s’est endormi et a rêvé une 2èmefois. Et voici 7 épis s'élevaient sur une tige unique sains et bons.

41.6

וַתִּבְלַעְנָה, הַשִּׁבֳּלִים הַדַּקּוֹת, אֵת שֶׁבַע הַשִּׁבֳּלִים, הַבְּרִיאוֹת וְהַמְּלֵאוֹת; וַיִּיקַץ פַּרְעֹה, וְהִנֵּה חֲלוֹם

Puis sept épis maigres et flétris par le vent d'est, s'élevèrent après eux

41.7

וַתִּבְלַעְנָה, הַשִּׁבֳּלִים הַדַּקּוֹת, אֵת שֶׁבַע הַשִּׁבֳּלִים, הַבְּרִיאוֹת וְהַמְּלֵאוֹת; וַיִּיקַץ פַּרְעֹה, וְהִנֵּה חֲלוֹם.

Et ces épis maigres ont avalé les sept épis sains et pleins. Et Pharaon s'éveilla et voici c’était un rêve.

41.8

וַיְהִי בַבֹּקֶר, וַתִּפָּעֶם רוּחוֹ, וַיִּשְׁלַח וַיִּקְרָא אֶת-כָּל-חַרְטֻמֵּי מִצְרַיִם, וְאֶת-כָּל-חֲכָמֶיהָ; וַיְסַפֵּר פַּרְעֹה לָהֶם אֶת-חֲלֹמוֹ, וְאֵין-פּוֹתֵר אוֹתָם לְפַרְעֹה

Et il arriva au matin son esprit sonnait comme un cloche (il est obsédé par une idée fixe de ce rêve)  

Le contenu du rêve est très analogue et se répète deux fois en deux formes différentes. Pendant la nuit et même au matin son esprit n’était pas tranquille de ce qu’il avait perçu de façon plus ou moins confuse ou inconsciente dans ce rêve, et nous allons voir pourquoi.

41.8

וַיְהִי בַבֹּקֶר, וַתִּפָּעֶם רוּחוֹ, וַיִּשְׁלַח וַיִּקְרָא אֶת-כָּל-חַרְטֻמֵּי מִצְרַיִם, וְאֶת-כָּל-חֲכָמֶיהָ; וַיְסַפֵּר פַּרְעֹה לָהֶם אֶת-חֲלֹמוֹ, וְאֵין-פּוֹתֵר אוֹתָם לְפַרְעֹה

Et il arriva au matin son esprit sonnait comme un cloche, il envoya chercher tous les ‘Hartoumei de

Mitsraïm…

Il y a une ville qui s’appelle ‘Hartoum sinistrement connue pour nous puisque c’est là que ce qu’on appelle le Tiers-monde a décidé ce qu’il a décidé contre Israël. Effectivement, c’est une ville qui était connue depuis la plus haute antiquité pour être une ville d’écoles de sages et de devins de prêtres de la religion égyptienne antique. Et la tradition en est restée, cette ville a gardé ce nom-là.

C’est le même mot.

Et tous les sages, et Pharaon leur raconta son rêve, il n’y avait personne capable de les expliquer au Pharaon.

Je vais partir de cette expression précise. Le Midrash explique que bien entendu, les sages et les mages de l’Egypte ont apporté leurs explications. Et il faut se souvenir qu’il s’est agi d’une très grande culture – la définition de l’idolâtrie nous est toujours donnée dans une perspective négative parce qu’effectivemment par rapport à la Torah l’idolâtrie est une déviation et dégénerescence de la piété – mais il ne faut pa soublier que l’idolâtre est premièrement pieux et c’est pourquoi il est idolâtre ; seulement, l’objet de sa piété est dévié. Il y a eu des cultures idolâtres de très hauts niveaux culturels. Et les modernes ont fini par les découvrir de plus en plus.

On rencontre souvent du mépris pour ce qui semble être un contenu infantile dans ces cultures de l’antiquité perçues comme primitives dans le sens négatif, mais de plus en plus en découvre qu’il y a pu avoir des niveaux culturels extrêmement riches, présisément dans cette expérience de la ferveur idolâtre. A rattacher à la définition de l’hérétique : ne pas oublier qu’il s’agit de l’autre croyant. De la même manière l’idolâtre c’est le pieux dont la piété est déviée mais qui peut avoir un contenu culturel de très grande richesse. Les modernes sont très inaptes à comprendre ce qu’a pu être la richesse culturelle des mythes de l’antiquité. Et au fond, c’est une mentalité assez analogue comme nous le verrons tout à l’heure, que nous retrouvons dans le matérialisme contemporain, mais privé de toute cette richesse et de cette coloration que pouvait avoir la vie culturelle de ces grands paganismes. J’ai un peu plaidé pour le diable, mais c’est pour vous restituer le niveau du récit et à quel niveau cela se place.

Ces sages étaient donc des sages, leur sagesse était impure mais c’était une sagesse. Ces mages étaient des mages authentiques, bien que du côté du mal. C’était quand même d’un très haut niveau culturel. Ils disposaient d’explications possibles des rêves du Pharaon.

Nous allons voir pourquoi il est important que la Torah nous raconte que le Pharaon rêve. Comme si il s’approchait d’une certaine frontière de dévoilement de vérité, frontière qui serait commune à l’expérience de dévoilement de vérité de ce qu’ont été l’expérience des partiarches hébreux et par la suite des prophètes d’Israël. Vous connaissez peut-être cet enseignement du Talmud que le rêve est le soixantième de la prophétie. Bien entendu, pas n’importe quel rêve. Il y a un dévoilement de connaissance très occultée et cachée, un pressentiment de vérité qui n’arrive pas à se faire jour de façon claire, qui se traduit à travers les images qu’il faut décoder et décrypter et qu’il faut comprendre ; mais le fait d’être capable de rêver dans ce sens-là c’est déjà l’indication d’une capacité d’être lié au dévoilement de la vérité cachée. C’est pourquoi le Talmud dira du vrai rêve qu’il est un 60ème de la prophétie.

Et voilà qu’on nous parle d’un roi idolâtre qui rêve !

Il faut savoir qu’à ce moment-là de la culture égyptienne, se produit une possibilité de transfiguration de cette culture. Cela est indiqué en particulier par là qu’immédiatemment après avoir caractérisé l’identité des patriarches Yaaqov et Yossef au niveau du rêve, voilà que les Goyim, Pharaon et ses deux ministres, rêvent aussi ! Par familiarité au récit, on ne prend pas garde à cette étonnante indication qui nous est donnée ici : une sorte d’analogie entre la capacité spirituelle des patriarches capables de rêver, dans le sens profond du terme, et celle du Pharaon et de ses ministres en Egypte.

 

Il y a cependant une différence qui apparait : le rêveur d’Israël est capable d’expliquer le rêve des autres rêveurs qui sont dans l’incapacité d’expliquer leurs propres rêves.

Les sages en question de l’Egypte étaient capables de donner des systèmes d’explications, mais ces derniers n’arrivaient pas à satisfaire Pharaon lui-même. Ce qui est une indication du niveau de proximité à la capacité de prophétie hébraïque auquel était arrivé par ses propres forces Pharaon. On n’est donc pas étonné que lorsque ce Pharaon va comprendre que Joseph sait expliquer les rêves il le choisisse pour être son premier ministre. Sinon le récit pourrait paraitre étonnant, comme un récit miraculeux de légende. Le prisonnier qui est miraculeusement choisi par le roi pour être le bon minsitre à la place des mauvais ministres…

Alors qu’en réalité les personnages sont définis de manière telle que la cohérence prend une vraisemblance d’ordre biblique : ce Pharaon n’est plus comme les autres Pharaons idolâtres. Il est encore idolâtre, mais il rêve… ! Puisqu’il rêve, la Torah nous fait comprendre pourquoi il va tout de suite être sensible à ce que représente comme sagesse authentique cet hébreu capable d’expliquer les rêves.

Je donne cet enseignement des ‘Hassidim donné par le Rav Tsvi Y. Kook za’l que je cite toujours par rapport à ce sujet : un jour un maître des ‘Hassidim a demandé à l’un de ses fidèles :

-de quoi vis-tu ?

- je suis patissier et vends des gâteaux !

- oui, mais de quoi vis-tu ?

- je te l’ai dit, je suis patissier, j’achête de la farine, je fais des gâteaux que je vends, j’achête de la farine pour faire des gâteaux…

- je ne te demande pas à quoi tu perds ton temps, je te demande ce qui te fait vivre !?

L’élève ne comprend toujours pas. Alors le maître lui demande :

- A quoi rêves-tu ?

Et il a compris…

Il s’agit du rêve qui donne un sens à la vie qui se perd dans le temps qu’il faut pour la gagner !

Donc il y a un Pharaon qui rêve. Et les explications des sges, que l’on pourrait nommer de notre temps, l’intelligentsia de cette culture là ne le satisfont pas. Il est capable de rêver et il ressent le manque de dévoilement dans l’explication intellectuelle qu’on va lui donner.

Je vous cite un des midrashim qui explique comment ces sages ont tenté d’expliquer les rêves :

- Tu vas gagner 7 guerres et ensuite tu vas les perdre !

Dans la structure du rêve, il y a d’abord abondance, expansion, et ensuite famine, recession. Dans les branches de l’activité agricole d’abord les paturages et ensuite l’agriculture à proprement parler.

Le caractère formel du développement du rêve est expliqué par eux dans d’autres situations de la politique de la société.

- Tu vas conquérir 7 provinces et tu vas les perdre !

Ils n’arriveront pas à sortir du fonctionnement conditionné de l’existence dans laquelle ils son insérés. Nous allons le voir dans le texte lui-même.

41.8

וְאֵין-פּוֹתֵר אוֹתָם לְפַרְעֹה

Mais nul ne put en expliquer le sens à Paroh.

Ils étaient capables de donner des explications mais celles-ci n’arrivaient pas à satisfaire le Pharaon. Nous allons essayer de comprendre ce que pressent le Pharaon et pourquoi lorsqu’on lui signale la présence de cet hébreu en prison capable de déchiffrer les rêves en tant qu’hébreu, il le fait venir ?

Il faut d’abord comprendre quelle était la nature de la conception du monde propre à ces grandes idolâtries et cultures païennes donc l’Égype dont parle la Bible peut être le modèle, l’exemple, ou l’illustration puisqu’elle en est la plus connue finalement. On connait bien sûr aussi ce qu’a été la mentalité païenne de culture grecque, mais finalement du point de vue du midrash ce qui nous est le plus sensible c’est quand même la mentalité de la culture égyptienne par rapport à ce problème.  

Même si, apparemment, les expressions que j’ai employées peuvent paraitre anachroniques c’est très exactement une culture dominée par le principe du déterminisme absolu. La notion de déterminisme est une notion de la philosophie matérialiste contemporaine, mais tout se passe comme si cette notion du déterminisme de la culture contemporaine n’est que la laïcisation du principe de base de la conception et de la compréhension du monde d’après ces idolâtries païennes.

Je vous caractérise d’abord en un premier point quel était le principe de base des religions de ce type. Les historiens des religions nomment cette mentalité religieuse l’astrobiologie. Dans cette  conception du monde on pensait que la vie des être humains est conditionnée par des lois naturelles de la même manière que tous les phénomènes sont conditionnés par des lois naturelles. Par conséquent, on avait pensé une relation, un parallèle, entre les lois qui gouvernent les mouvements des astres, et les événements qui affectent les être vivants. Par définition, l’homme n’y fait pas exception. Par conséquent, les divinités de ce type de religion étaient des divinités astro-biologiques. Par exemple, lorsque les Égyptiens adoraient le taureau, il est bien évident que ce n’est pas l’espèce animale qu’ils adoraient. Ce taureau était pour eux le symbole ou l’exemple au niveau biologique de ce qu’était le signe céleste zodiacal du taureau. De la même manière, un chrétien n’adore pas un morceau de bois en forme de croix mais ce qu’il représente. Le morceau de bois n’est que le véhicule symbolique de la réalité qu’il est censé adorer. Bien entendu, il y a toujours un niveau de superstition où vous trouverez que l’on dit par exemple que les Indiens adorent les vaches. En réalité, les Indiens adorent les principes divins qui sont selon eux incarnés et représentés dans la vache elle-même. Mais ils n’adorent pas la vache elle-même. Mais il peut y avoir un niveau de religion superstitieuse. De même pour le juif embrassant le Sefer Torah. Il respecte ce que représente le Sefer Torah c’est-à-dire ce qu’il y a écrit dans le Sefer Torah… etc.

Il peut y avoir tous les niveaux extérieurs de cette ferveur et de cette piété. Mais pour retrouver l’importance de cette culture représentée par cette mentalité à laquelle la Torah va nous confronter, je dirais que la grandeur de cette civilisation égyptienne vient du fait que c’est elle qui a été choisie pour que nous nous mesurions avec elle. Il y avait quelque chose à combattre dans cette culture avec un certain niveau de sagesse.

La vie humaine y est non seulement conditionnée mais déterminée par des règles fixes, immuables et absolues. Le midrash donne en exemple les crus du Nil qui étaient la matrice nourricière de l’Egypte. Puisque c’était grâce à la crue du Nil que le limon pouvait donner finalement les labours et les paturâges. Et l’idée qu’il puisse y avoir un bouleversement de l’ordre dans l’histoire des dieux (ici les crus du Nil) est une idée à priori extérieure à la mentalité orthodoxe de cette religion. On ne saurait voir dans les rêves de Pharaon l’hypothèse d’un déréglement de l’économie égyptienne. C’est une idée hérétique. En système soviétique, le « sorcier » juif osant expliquer le déréglement du plan économique se serait retrouvé en asile psychiatrique. L’idée que les crus du Nils puissent se dérégler est l’héresie absolue. C’est le type d’explication qui ne peut que contredire la mentalité orthodoxe de la religion astrobiologique : tout est fixé au niveau des astres. Et ces païens-là avaient une capacité esthétique de diagnostic dans la phénoménologie que les modernes ont perdu.

Les modernes s’y relient par un biais poétique, esthétique et dévitalisé, et secondarisé.

Pour préparer une émission télévisée sur Pessa’h, j’ai accepté l’hérésie du Rabbi Josy Eisenberg qui avait choisi comme lieu de tournage la salle égyptienne au musée du Louvre. Il fallait traverser les salles grecques. En bon rabbin orthodoxe, je n’étais jamais rentré dans une église ou un musée qui comportent des statues, mais à la limite c’est la même chose. 

Mais pour la mitzvah, je me suis finalement décidé. Quand je suis entré dans les salles grecques j’ai été impressionné par la beauté de la statuaire grecque, très jolie. Mais entrant ensuite dans les salles égyptiennes, les salles grecques c’étaient finalement rien du tout ! L’esthétique grecque est très harmonieuse mais tout y est mort ! Surtout comparée en contraste avec cette énorme vie qui est figée dans la pierre des statues égyptiennes. Il y a ici une expérience spirituelle colossale qui a été fixée par les artistes égyptiens. Et comparativement, la beauté de la statue grecque est une beauté sophistiquée, artificielle, et morte. Les Grecs ont laissé intentionnellement les yeux vides, morts, Alors que les formes de la vie hybrides dans la statuaire égyptienne font pressentir une expérience spirituelle colossale de ce type de paganisme. Ce qui d’ailleurs grandit d’autant le mérite des Hébreux de l’époque d’avoir pu traverser de telles civilisations sans s’y assimiler ! Les tentations étaient très grandes. Probablement, la tentation de l’Egypte a du être beaucoup plus grande que la tentation de la civilisation grecque elle-même. D’une certaine manière ‘Hanoukah et Pessa’h se ressemble un peu de ce point de vue-là. Arriver à rester soi-même malgré la traversée de ce type de sollicitation culturelle aussi colossal et important ; et au fond, peut-être l’expérience que nous avons eu des dangers de l’assimilation est peu de chose à côté de ce qu’a pu être cette histoire dans les grandes civilisations de l’antiquité. Parce que, comparativement, les civilisations contemporaines apparaissent dévitalisées par rapport à ce qu’a pu être la vie spirituelle au temps des grands paganismes. Peut-être que les seuls siècles de grande vie spirituelle en Occident ont été le Moyen-Âge et non comme on pourrait le croire ce qui est venu après.

Dans ce type de rêve, le Pharaon rêve comme un hébreu. C’est un rêve que l’égyptien orthodoxe ne peut pas avoir : ce pressentiment que peut-être les lois qui régissent l’économie humaine peuvent se dérégler. Vous voyez à quel point cela ressemble à la matérialité orthodoxe du matérialisme contemporain. Cela peut nous faire comprendre beaucoup ce qui se passe dans les pays soviétiques et qui reste incompréhensible pour les européens d’Occident : étant données les lois scientifiques sociologiques pour l’économie et le plan quiquennal et septennal de l’économie, l’idée qu’un facteur de liberté puisse venir détraquer, tout cela remet en question la conception du monde de la vérité de la dialectique matérialiste marxiste, et apparait comme l’hérésie et le blasphème absolu et impensable. Celui qui pense ainsi est sans doute possible fou, donc il faut le soigner…

Il y a beaucoup d’études qui sont faites à propos de ce qu’on appelle l’esprit d’orthodoxie. Les religions idolâtres astrobiologiques sont des religions basées sur l’esprit d’orthodoxie. Une quelconque hypothèse qui soit autrement remet en question tout le système ! Or, la perception du facteur de liberté dans l’histoire c’est quasiment l’hébreu qui la possède.

41.8

וְאֵין-פּוֹתֵר אוֹתָם לְפַרְעֹה

Mais nul ne put en expliquer le sens à Parôh.

Et le Pharaon n’a pas trouvé dans sa propre société de sages qui soient capables de lui expliquer de façon à satisfaire son esprit.     

Les explications données peuvent être satisfaisantes d’un point de vue purement intellectuel, compatibles et homogènes à la doctrine officielle, mais elles ne pouvaient pas satisfaire son propre pressentiment, sa propre intuition.

C’est précisément le Sar Hamashkim, qui avait été dans la fosse avec Yossef et auquel Yossef avait expliqué le rêve, qui raconte au Pharaon une expérience de cet ordre. Comme une intimité de pressentiment entre le ministre de Pharaon passé par l’expérience du rêve et le Pharaon. Il lui parle de Joseph un homme capable de dévoiler le sens du rêve à la manière hébraïque. Le Pharaon en profitera par la suite pour lui confier la gestion des affaires.

Certains historiens de cette époque ont noté qu’effectivement, il y a une parenthèse dans l’histoire de la culture égyptienne : il y a une dynastie monothéiste. Tout se passe comme si on pourrait faire le parallèle entre le récit biblique et cette indication des historiens. Ce n’est pas pour dire que nous ayons besoin des hypothèses des historiens pour comprendre ce qui se passe dans le récit biblique, c’est à un autre niveau que cela se passe. Mais il y a eu semble-t-il cette parenthèse où l’Egypte a connu un temps de théologie monothéiste à travers son expérience spirituelle païenne telle qu’elle la connaissait.

Voilà le 1er thème que je voulais voir aujourd’hui. Si vous avez des questions on approfondira tel ou tel point ou on en choisira un autre ?

***

Je vais un peu enrichir cette analyse par un midrash. Je vais d’abord commencer par expliquer la différence entre les deux mentalités. La mentalité hébraïque que nous décrit la Torah et selon laquelle le monde est dirigé par une volonté libre, et la mentalité du paganisme selon laquelle l’histoire du monde est le résultat d’un jeu de forces impersonnelles qui ont été divinisées et qui sont le conditionnement des phénomènes (comme on le connait dans la mentalité scientifique moderne) mais aussi des faits eux-mêmes, des événements eux-mêmes. 

Ce que nous découvrons de façon vraiment positive à travers la mentalité scientifique, c’est que les phénomènes sont régis par des lois stables. Cette définition-là du principe du déterminisme est compatible avec le monothéisme hébreu. Une volonté libre a créé le monde et a fixé les lois par lesquelles les phénomènes du monde fonctionnent.

Et cette stabilisation des lois de la nature c’est le fondement et la condition même de la liberté humaine. Pour que la liberté humaine soit possible il faut que le fonctionnement du monde dans lequel l’homme est inséré soit garanti des lois stables.

Je peux citer des quantités de versets à ce sujet. Finalement l’ordre de la nature, le véritable ordre des lois qui régissent les phénomènes c’est la volonté du Créateur qui les a installé avec comme principe qu’une loi ne peut pas avoir d’exception. L’exception qu’on appelera le miracle, c’est un cas particulier exceptionnel. Mais il y a une confiance en Dieu Créateur qui passe par cette certitude que les phénomènes obéissent toujours aux mêmes lois. C’est la mentalité scientifique que nous connaissons dans la mentalité moderne et qui est compatible avec le monothéisme hébreu.

Il y a une différence d’approche de ce problème à travers le judaïsme et d’autres mentalités religieuses, en ce sens que chez les Goyim en général, l’évidence serait que l’ordre des lois de la nature échappent à la volonté de Dieu et que la volonté de Dieu ne passe qu’à travers les miracles, alors que le monothéisme hébreu commence d’abord par affirmer que ce Dieu auquel nous croyons est le Créateur de la nature, et par conséquent, il ne peut pas y avoir d’opposition irrémédiable entre la loi morale révélée par Dieu dans l’expérience spirituelle, et d’autre part la loi physique, la loi de la nature qu’il a installé Lui en tant que Créateur.

A la limite, cette notion dualiste selon laquelle les lois de la nature seraient l’œuvre du diable et les lois morales seraient l’œuvre de Dieu est étrangère au monothéisme hébreu. C’est celui qui a créé la nature et ses lois qui nous a donné les lois de la morale.

Par conséquent, à la racine et dans le principe, les deux ordres, celui de la nature et celui de la morale, ont une racine commune. C’est au-delà de la raison, mais c’est le fondement même de la foi hébraïque. C’est bien clair : Hashem Hou HaElohim. Celui qui nous a révélé la Torah c’est Celui-là même qui a créé le monde. C’est pourquoi d’ailleurs nous avons confiance que cette Torah correspond à ce monde.

Mais l’expérience nous montre que c’est très difficile de tenir compte d’une telle évidence dans la culture contemporaine qui est dualiste : l’ordre de la nature et l’ordre de la vie spirituelle sont incompatibles et irrémédiables. C’est pourquoi d’ailleurs la conscience contemporaine tente de plus en plus à devenir une conscience tragique, parce que c’est une conscience dualiste dans le fond.

Dans la mentalité païenne de la religion astrobiologique, ce n’est pas ce principe de déterminisme là qui est en question. Nous trouvons là un principe selon lequel les faits et non seulement les phénomènes sont prédéterminés par le fonctionnement des lois  cosmiques. C’est une toute autre mentalité.

Je prends par exemple le phénomène de la pluie. Il y a différence radicale entre les mentalités. Lorsqu’il pleut c’est comme ça que cela fonctionne l’évaporation des eaux de la mer et la condensation dans les nuages, et les précipitations… et il y a des lois qui régissent tout cela, et la mentalité scientifique positive nous dira que lorsqu’il y a pluie c’est ainsi que cela fonctionne. Tandis que la mentalité astrobiologique dira « tel jour à telle heure il y aura pluie ! » Il y a une prédétermination des phénomènes. Ceci a été critiqué bien entendu par les sages d’Israël : bien évidemment le phénomène humain est  conditionné, il y a des tendances mais il n’y a pas de fatalité des événements. Il y a un conditionnement des phénomènes,  donc des tendances au niveau de l’identité humaine, mais non pas fatalité du destin, du Goral.

Et dans le rêve de l’hébreu c’est Dieu qui domine. C’est la différence même de nature dans la relation à l’expérience même du rêve en tant que tel.

Nous l’avons à la fin du 1er verset du chapitre :

« Et lorsque Pharaon rêve, il se tient au dessus du fleuve » qui est sa divinité.

Alors que dans le rêve de Yaaqov c’est l’inverse.

 

Nous étudierons un thème de la fin de la parashah.

 

Q : Que penser du problème économique en Israël ?

R : Peut-être c’est parce qu’on ne sait pas encore bien rêver ! Le problème économique d’Israël, qui est aussi celui de ces dernières semaines, n’est qu’un exemple des problèmes de la société israélienne. C’est une société qui se cherche entre une polarité de culture purement occidentale, et une polarité de mentalité de Torah. Je schématise, le véritable problème de la société israélienne c’est cette espèce de bipolarité de deux manières d’être sioniste, de deux manières de devenir israélien pour les juifs. La première manière c’est celle des juifs qui ont voulu devenir israélien pour ne plus être juifs, et la deuxième manière est celle des juifs qui ont voulu devenir israéliens pour pouvoir être juif. Il y a là le conflit de deux courants. Il est évident que si la société israélienne adoptait le code de la Torah de la vie économique il n’y aurait plus tous ces problèmes-là. Seulement personne n’a le courage d’essayer. Le véritable problème est celui de l’éducation des principes de Torah et en particulier ceux concernant les problèmes économiques.

Nous sommes encore au stade où la conception de la Torah pour le fonctionnement de l’état n’est encore étudiée que de manière acadamique. Le Talmud étudie comment une société doit fonctionner d’après les lois de la Torah.  Mais pour le moment cela reste au stade académique, on l’étudie dans les écoles talmudiques. L’idée d’adopter ces principes n’est pas encore une évidence pour la société israélienne. Ce n’est pas du tout un jeu de forces politiques qui la lui fera adopter à mon sens. C’est d’abord une révolution éducative qu’on attend encore…

 

Q : Est-il possible de vivre dans une société israélienne en conformité avec les lois de la Torah avant que le temple ne soit reconstruit ?

R : Cela n’a aucun rapport. Chaque mitzvah est une mitzvah pour elle.même, portant sur un domaine particulier. Je pense même que c’est l’inverse : s’il y a des tendances dans la société israélienne de concevoir son économie selon les lois de la Torah, et cela veut dire d’abord au niveau des principes qu’il ne faut pas d’opposition entre les principes de la vie économiques et les principes de la vie morale, l’économie ne doit pas être basée sur la recherche du profit en tant que volonté de puissance, alors à ce moment-là la possibilité de reconstruire le temple viendra d’autant plus vite. Il y a une mise entre parenthèse des principes de la moralité dans les tractations de la vie économique de la société israélienne qui vient de l’imprégnation de la civilisation occidentale. On ne cherche pas ce qui est juste mais ce qui légalement peut mener à un profit plus grand. C’est une toute autre conception du problème de la gestion économique.

Alors il en résulte « Vayhi Raav Baaretz » chaque fois qu’il y a immoralité, le résultat c’est la crise économique.

 

Ce sont par exemple, les lois comme celles de la shemtiah, celle du yovel, et surtout l’adoption de cette exigence de la moralité dans ce domaine là. La science économique est quant à elle empruntée à des principes complétement étrangers.

Le taux de l’inflation est suffisament éloquent. Beaucoup de gens étaent inquiets. J’ai eu une réaction différente. Le Talmud donne une description de la situation économique du pays au temps précédant immédiatement l’ère messianique. On est encore très loin du niveau évoqué dans ces pages du Talmud. Il faut donc être non seulement patients mais rassurés. Parce que si cela arrive, c’est que cela arrive…

Il y a une description de toute une série de tendances au désordre qui viennent précisément de cet affrontement de deux mentalités. Il y a un choc culturel soujacent, empêché par la guerre aux frontières, la guerre à l’extérieur, et on n’a jamais encore eu le temps de l’élucider. Chaque fois qu’elle rencontre un problème, la société israélienne se ocupe en deux, comme par hasard. Ces deux tendances s’affrontent. C’est un problème d’éducation.

 

Au niveau de la vie communautaire en exil, dans les ghettos les juifs étaient de statut mosaïque. J’ai connu enfant cette époque-là. Avant la guerre mondiale, le tribunal rabbinique jugeait des affaires commerciales entre juifs, avec l’appui séculier de la police du pasha. Et lorsque le rabbin avait donné sa décision elle était exécutoire par la police du pacha. Un juif ne voulait pas donner le divorce avec kétouvah à sa femme malgré la décision du tribunal. L’ordre fut donné à la police de suivre cet homme et de lui infliger 39 coups de bâton à la moindre pécadille, jusqu’à ce qu’il donne le divorce à sa femme. C’était exécutable immédiatement. Dans la société israélienne, les droits syndicaux et les principes humanistes et socialistes sont tels qu’il est impossible d’appliquer une coercition pareille, parce que le principe n’est pas d’appliquer la vérité morale.

 

Exemple : j’ai fait partie pendant plusieurs années de la commission nationale des programmes de radio pour l’étranger. Nous avions sans arrêt les grêves des techniciens de la radio qui discutaient avec le ministère des heures supplémentaires à partir de minuit. Et on avait besoin de ces techniciens pour les émissions pour la Russie. Pendant 3 ans, la propagande israélienne en Russie était paralysée par le droit syndical des syndiqués techniciens. Naïvement, j’avais proposé qu’on les mobilise et qu’en tant que soldat ils soient affectés à ce travail relevant de la sécurité nationale puisque la aliah des juifs de Russie dépend des émissions de radio. Le président de la commission m’a regardé avec des yeux effarés : comment porter atteinte aux droits syndicaux ?

J’ai alors répondu : pourquoi perdre notre temps pendant 3 ans s’il n’y a pas de solution ?

Et j’ai quitté la commission…

Il y a des évidences qui viennent d’autres principes et qui ne sont pas adaptables à l’exigence du fonctionnement d’une société juive.

Ne pas trouver une solution à un tel conflit pendant 3 ans est le signe d’un manque de moralité quelque part, d’un côté ou de l’autre

Par exemple, le conflit à propos des médecins qui a mené à cet effondrement de l’économie israélienne est également le signe d’une immoralité d’un côté ou de l’autre. Je pense un peu des deux d’ailleurs. C’est parce que les évidences sont ailleurs.

 

C’est tout d’abord un problème de ‘hinoukh. Avec des hommes politiques qui auront compris la signification des lois de la Torah cela pourra fonctionner. Mais si c’est un jeu de force, c’est l’échec assuré. Par exemple, Agoudat Israel qui veut imposer le shabat, alors jamais le shabat ne sera intégré dans la société israélienne.

En principe, il n’y a pas de solution. Cela nous rassure : cela veut dire que le messie doit intervenir!

A vue immédiate, il est évident qu’il n’y a pas de solution. On aura probablement des palliatifs quie ne font que repousser le problème. Il faut attendre l’apparition d’une autre génération qui aura des évidences d’un autre ordre. 

 

Autre exemple : j’ai fait partie d’une commission de l’éducation nationale qui étudiait le problème de la délinquence juvénile. Plus de 100 fois j’ai fait des exposés pour leur démontrer schématiquement que la délinquence juvénile était dans les milieux non éduqués par la Torah. C’est un fait : là où il y a plus de torah il y a moins de délinquence et inversément. Ils n’ont jamais compris cela, croyant que je voulais imposer la Torah. Ils fonctionnent de manière orthodoxe, c’est-à-dire la mentalité égyptienne.

 

Q : Il y a statisquement autant de divorce du côté religieux que du côté non-religieux !

R : C’est un autre problème, le divorce n’est pas forcément lié à un problème moral.

Pour ce dont j’ai parlé la différence au niveau statistique est impressionnante.  

La délinquence juvénile était très répandue pour les enfants issus des milieux juifs séfarades placés en écoles ashkénazes. Et les responsables de la commission, tous ashkénazim, ne comprenaient pas la dimension du problème. 

 

Il est évident que si on essayait une fois les lois économiques de la Torah cela s’arrangerait. Seulement, il faut une bonne volonté au départ qui ne peut pas être imposée de force.

 

Le problème éducatif est réservé à Elie le prophète qui doit intervenir avant l’intervention du messie, or de quoi tout explose. Le Talmud enseigne que Elie ne vient pas pour dire ce qui est interdit ou ce qui est permis, mais pour réconcilier les uns et les autres.

Le verset dit : « Je vous enverrai Elie le prophète de peur que Je ne frappe la terre d’interdit. »

Or, nous sommes déjà dans une situation d’impasse où cela devrait exploser. Normallement cela ne devrait pas fonctionner, or cela marche. C’est très rassurant.

 

On étudiera à partir du verset 44.16.

En fin de compte, Joseph a suivi son propre rêve : être au service de la civilisation extérieure et de la transfigurer au nom des principes de l’enseignement des patriarches. Nous trouvons énormément d’indications dans les commentaires d’après la forme des versets que Joseph avait vraiment tenté d’hébraïser la société égyptienne. Non pas de la convertir à être hébreue mais de l’imprégner des valeurs hébraïques. En particulier, le midrash explique, d’après la formes de versets très précis, qu’il y avait institué la circoncision et qu’il les menait à devenir ce pays goy qui fonctionnerait de façon compatible á l’idéal des valeurs juives. C’est finalement le rêve du juif de diaspora. Et Joseph est bien le modèle de ce type juif de diaspora, dans cette première partie de son histoire.  Et cela n’aurait pas été possible sans une sorte de prédisposition chez cet être égyptien symbolisé ici par le Pharaon, mais un empire n’a pas n’importe quel Pharaon. Il y a presque une sorte de mutation d’identité culturelle dans cette civilisation de l’Égypte de ce temps-là de Joseph, rendant possible le désir de Joseph. Il voulait d’une certaine manière hébraïser l’Egypte. Cela va mener à un échec. Il va y avoir une révolution au début du livre de l’Exode, une nouvelle dynastie oublie complètement ce que Jospeh avait fait. Mais là c’est un temps de parenthèse où cela est pensable et possible.

 

Voyant que son rêve a réussi, il comprend que la stratégie messianique telle qu’il l’a pensé était à l’œuvre, et il tient à ce que toute sa famille, tous les hébreux, viennent collaborer avec lui à ce projet.

Les événements lui donnent raison par le fait de la famine en dehors du pays. Personne ne savait ce qu’il était devenu. Ces frères descendent alors en Egypte contraints par la famine comme tous les autres pays du monde, l’Egypte étant devenu le grenier économique du monde de ce temps-là, un peu comme l’est l’Amérique d’aujourd’hui pour le monde contemporain.

 

Ils se rencontrent sans que les frères le reconnaissent, et par une stratégie décrite dans le récit biblique, il arrive à attirer son frère Benjamin en Egypte avec ses frères.

Jacob n’avait autorisé la descente en Egypte que si Benjamin restait avec lui. Or. Joseph s’arrange pour faire descendre Benjamin. Il faut étudier l’identité particulière de Benjamin, pourquoi il va faire l’objet de cette rivalité entre Joseph et Juda. Là où Benjamin se trouve l’avenir d’Israël passe. 

Ce n’est pas par hasard qu’il est le « benjamin » dans le sens français du terme. Il est la dernière chance d’Israël. Si Benjamin n’est pas avec Joseph, la tentative de Joseph n’a pas toutes ses chances. Joseph tient à ce qu’il soit avec lui. Alors que Juda discute avec Jospeh pour que Benjamin reste dans le pays de Kenaan. 

Par la suite, lors du schisme entre les deux parties d’Israël qui se sont séparées : les dix tribus du nord sous la direction des descendants de Joseph avec Ephraïm et la tribu du sud sous la direction de Juda, Benjamin se trouvait avec Juda, et l’avenir d’Israël est passé par le royaume de Judée et non par le royaume du nord de la maison de Joseph.  

 

Nous verrons que dans le temps contemporain, dans ce grand conflit de tensions entre la messianité selon Joseph, c'est-à-dire la diaspora, et la messianité selon Juda c'est-à-dire le sionisme, Benjamin se trouve du côté d’Israël. Petite indication puisque que nous en sommes à ‘Hanoukah: tous les mouvements de jeunesse de quelque commmunauté qu’ils soient sont tous « bleu et blanc », c'est-à-dire Makkabi. Il n’y a pas d’autre folklore de mouvement de jeunesse que spontanément du folklore israélien. Même ceux qui n’ont strictement rien à voir avec l’engagement sionisme : pour faire juif il faut le chandelier et le « bleu et blanc ». Cela veut dire que Benjamin est du côté de Juda et non pas du côté de Joseph.   

 

Nous allons voir la panique de Juda après qu’il se trouva contraint d’amener Benjamin qui sera ensuite prisonnier de l’Egypte par décision de Joseph, comment retouner chez Yaaqov ?

C’est à ce moment-là que Joseph va se faire reconnaitre de ses frères.

 

Pourquoi Joseph n’a-t-il jamais donné signe de vie à son père depuis son exil en Egypte ?

C’est compréhensible pendant son emprisonnement, mais dès qu’il devient tout puissant en Egypte pourquoi ne se fait-il pas connaitre de Jacob ?

 

Dans ses rêves, il se voit le sauveur de la civilisation extérieure et que ses frères admettront sa préséance. Les gerbes qui se courbent vers la sienne et le soleil, la lune et les étoiles. Il voit que sa tendance à lui triomphera. Ce qui sera le cas dans la première partie de cette histoire.

 

37.11

יא וַיְקַנְאוּ-בוֹ, אֶחָיו; וְאָבִיו, שָׁמַר אֶת-הַדָּבָר.

11 Et ses frères le jalousèrent; et son père garda la chose.

 

Rashi :

Attendit (chamar) l’événement Il a l’attendu en espérant qu’il se réaliserait, comme dans « qui garde (chomér) la fidélité » [c’est-à-dire : qui garde espoir en l’accomplissement de la promesse »] (Yecha’ya 26, 2 et Rachi ibid.), « n’attends pas (lo thichmor) mon péché » (Iyov 14, 16), c’est-à-dire : « N’y compte pas ! ».

 

Shamar et hadavar :

Littéralement a gardé la chose, cela ne vient rien dire, il a observé comment cette chose allait se passer. Jacob est très conscient de ce qui se passe.

 

37.12

יב וַיֵּלְכוּ, אֶחָיו, לִרְעוֹת אֶת-צֹאן אֲבִיהֶם, בִּשְׁכֶם.

12 Et ses frères étaient allés faire paitre les troupeaux de leur père à Sichem.

יג וַיֹּאמֶר יִשְׂרָאֵל אֶל-יוֹסֵף, הֲלוֹא אַחֶיךָ רֹעִים בִּשְׁכֶם--לְכָה, וְאֶשְׁלָחֲךָ אֲלֵיהֶם; וַיֹּאמֶר לוֹ, הִנֵּנִי

13 Et Israël dit à Joseph: "Tes frères font paître les troupeaux à Sichem. Va et je t'enverrai vers eux." II lui répondit: "me voici."

 

On dit ici Israël et non Jacob, le récit prend une dimension á l’échelle collective de l’être Israël, le récit concerne l’histoire d’Israël à travers les individus particuliers présents là dans ce récit.

 

Que fait Jacob ici ?

Du verset précédent on sait cette jalousie des frères de Jospeh. Et voila qu’il envoie Joseph dans la gueule du loup et Joseph anonce qu’il est prêt dans une sorte de mise à l’épreuve.

 

 יד וַיֹּאמֶר לוֹ, לֶךְ-נָא רְאֵה אֶת-שְׁלוֹם אַחֶיךָ וְאֶת-שְׁלוֹם הַצֹּאן, וַהֲשִׁבֵנִי, דָּבָר; וַיִּשְׁלָחֵהוּ מֵעֵמֶק חֶבְרוֹן, וַיָּבֹא שְׁכֶמָה.

14 Il lui dit: "Va voir, je te prie, comment se portent tes frères, comment se porte le bétail et rapporte moi un mot. II l'envoya ainsi de la vallée d'Hébron et Joseph se rendit à Sichem.

 

Tant que Joseph ne peut pas ramener une réponse positive à son père il ne peut lui envoyer aucun message. Jospeh est envoyé en mission pour voir quel est l’état de la paix entre les frères et doit lui ramener un mot. On verra qu’il s’agit du mot Shalom.   

 

Nous avons déjà le commencement de l’explication du problème. Joseph a pour mission particulière, entre autre mission de son exil, de ne revenir chez Jacob que lorsqu’il pourra lui dire Sahlom qu’il y a la paix entre les frères.

 

Entretemps Joseph a triomphé et a attiré ses frères chez lui pour y attirer Benjamin, tout en sachant que cela fera descendre Jacob en Egypte pour rejoindre Joseph. Il cherche à ce que toute sa famille Israël vienne participer à sa tentative à lui. C’est pourquoi lorsqu’il interroge ses frères  qui ne l’ont pas encore reconnu il leur demande s’il ne manque pas quelqu'un de leur famille, les obligeant à avouer qu’ils ont encore un vieux père et un enfant, le passé, l’avenir. Et il leur dit que tant qu’ils ne lui amène pas, il ne leur donnera rien à manger. C’est la condition.

 

Il utilise un stratagème qui a un sens symoblique extrêmement important. Je le cite très briévement. Il fait mettre sa coupe, j’allais dire son verre de kidoush, dans le sac de Benjamin pour l’accuser du vol et le garder avec lui.   

 

44.16-17

טז וַיֹּאמֶר יְהוּדָה, מַה-נֹּאמַר לַאדֹנִי, מַה-נְּדַבֵּר, וּמַה-נִּצְטַדָּק; הָאֱלֹהִים, מָצָא אֶת-עֲו‍ֹן עֲבָדֶיךָ--הִנֶּנּוּ עֲבָדִים לַאדֹנִי, גַּם-אֲנַחְנוּ גַּם אֲשֶׁר-נִמְצָא הַגָּבִיעַ בְּיָדוֹ.

16 Juda répondit: "Que dirons-nous à mon seigneur? Comment parler et comment nous justifier? HaElohim a trouvé la faute de tes serviteurs. Nous sommes tous serviteurs de mon seigneur et nous et celui aux mains duquel s'est trouvée la coupe."

יז וַיֹּאמֶר--חָלִילָה לִּי, מֵעֲשׂוֹת זֹאת; הָאִישׁ אֲשֶׁר נִמְצָא הַגָּבִיעַ בְּיָדוֹ, הוּא יִהְיֶה-לִּי עָבֶד, וְאַתֶּם, עֲלוּ לְשָׁלוֹם אֶל-אֲבִיכֶם.

17 II dit: "Blasphème pour moi de faire ainsi! L'homme aux mains duquel la coupe s'est trouvée, lui sera mon serviteur, et vous, retournez en paix auprès de votre père."

 

Imaginez la panique absolue des frères entendant cela. Benjamin pris au piège et cet égyptien bizarre leur dit de rentrer en paix chez leur père !?

Cela veut dire que Juda entend le mot de paix dans la bouche de Jospeh.

 

44.18

יח וַיִּגַּשׁ אֵלָיו יְהוּדָה, וַיֹּאמֶר בִּי אֲדֹנִי, יְדַבֶּר-נָא עַבְדְּךָ דָבָר בְּאָזְנֵי אֲדֹנִי, וְאַל-יִחַר אַפְּךָ בְּעַבְדֶּךָ: כִּי כָמוֹךָ, כְּפַרְעֹה

18 Alors Juda s'avança vers lui, en disant: "De grâce, seigneur! que ton serviteur dise une parole DAVAR aux oreilles de mon seigneur et que ta colère n'éclate pas contre ton serviteur! Car tu es l'égal de Pharaon.


C’est à travers ce mot que va se dévoiler la reconnaissance des deux frères, par ce mot de Davar qui est le mot de Shalom. Lorsque Juda va entendre le mot de Shalom dans la bouche de Jospeh, Juda comprend qu’il s’agit de Joseph.  Alors il va lui donner ce mot de davar, et Joseoh est contraint de se dévoiler et va pouvoir enfin envoyer un message à Jacob pour signaler la fin de sa mission concernant la paix des frères.

 

Je complète par un enseignement de Rabbi Na’hman de Braslav qui explique à partir d’un verset des Psaumes qu’il n’y a de mot authentique que le mot de paix Shalom.

Lorsque Jacob avait gardé la chose Shamar et HaDavar, il a pris acte de l’absence de paix entre ses enfants. Et lorsqu’il demande à Joseph de lui ramener Davar le mot, il s’agit du mot Davar que Juda va dire à Joseph. Il n’y a qu’un seul mot important c’est Shalom  

A partir du verset des Psaumes 120.7 :

ז אֲנִי-שָׁלוֹם, וְכִי אֲדַבֵּר; הֵמָּה, לַמִּלְחָמָה

Je suis la paix mais dès que je parle ils sont pour la guerre.

 

C'est-à-dire que la véritable parole est la parole de paix, parce que c’est la parole qui est le lien dans la société et qui est le fait social fondamental, et la parole authentique est la parole de paix.

Cela nous explique pourquoi ce mot de Shalom va prendre une telle importance dans la tradition hébraïque. La parole est pour pouvoir faire la paix, donc il n’y a de parole que celle de la paix.

 

  ז אֲנִי-שָׁלוֹם, וְכִי אֲדַבֵּר; הֵמָּה, לַמִּלְחָמָה

Je suis la paix mais dès que je parle de paix ils sont pour la guerre.

 

C’est au fond ce qui se passe entre nous est nos ennemis contemporains. Israël a systématiquement tendance à naïvement offrir la paix à n’importe quelle condition. Et remarquez qu’il n’y a encore eu aucune autre réponse que la guerre! On en est encore à ce stade là.

 

Pour l’intérieur de la famille de Jacob, ce n’est que lorsqu’il lui envoie le mot de paix qu’il peut se dévoiler et se faire connaitre.

 

 

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