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MESSIANISME
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MIKETS - SÉRIE 1984

Le cours

 

(1984) מִקֵּץ

 

Du chapitre 41 au chapitre 44 verset 17.  

 

Je prends comme postulat que vous connaissez le récit de la Parashah de וַיֵּשֶׁב.  

Dans la Parashah précédente deux récits entremêlés: le récit de Joseph d’abord qui est le gros plan du récit de la fin du livre de בְּרֵאשִׁית, et puis le chapitre 38 qui est une sorte de parenthèse qui met déjà en place un récit concernant l’histoire de Juda.   

La question étudiée la dernière fois : comment comprendre que Jacob semble se retrouver plus en Joseph que chez les autres frères? Cf. Midrash Raba à ce sujet.  

Important d’avoir très clairement à l’esprit : nous avons souvent rencontré ce thème qu’il y a deux périodes d’identité radicalement différentes dans l’histoire d’Israël. La période des pères et la période des fils.  

 

La תּוֹרָה s’adresse aux בְּנֵי יִשְׂרָאֵל. Il faut que la descendance des אֲבוֹת, les pères, se constitue en nation. Et c’est à partir du moment où elle s’est constituée en nation que nous avons le temps de référence de la révélation. Tout ce qui est avant nous est donné comme introduction à ce qui commence au moment où la descendance des אֲבוֹת - Abraham, Isaac et Jacob - à travers la sélection d’identité, se constitue en כְּלָל, en nation, en collectivité.  

 

Rappelez-vous de façon simple que le verset clef de la תּוֹרָה ou de la prophétie c’est « דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל ». Il faut comprendre cette expression très littéralement : « Parle aux enfants d’Israël ». Cette expression désigne la descendance des אֲבוֹת en tant qu’elle est devenue une collectivité, un peuple avec ses attributs, une nation.  

C’est important de le remarquer et d’en comprendre la signification elle-même, parce que l’histoire que raconte la Bible et en particulier le récit historique de la תּוֹרָה, c’est l’histoire de la recherche d’un salut à travers l’histoire de l’humanité toute entière.  

 

On commence par un premier enseignement qui est le postulat de tout le récit, c’est que l’humanité toute entière forme un seul ensemble, un seul corps, si j’ose dire, une seule histoire. Cela commence avec הָרִאשׁוֹן אָדָם qui est le principe de l’identité humaine et de l’universel humain. L’histoire des אֲבוֹת prend le récit en cours de route, il s’est déjà passé énormément d’épisodes, énormément de tentatives de civilisations à l’échelle universelle. La תּוֹרָה nous raconte pour l’essentiel de son objectif qui est de donner une préface à l’histoire d’Israël, l’essentiel dans telle ou telle lignée, quels sont les progrès depuis le premier homme jusqu’à Abraham, et quelles sont surtout les impasses d’échec et les problèmes dans cette identité humaine qui émerge avec Abraham et qui deviendra Israël.      

 

Alors il est important de mettre en évidence que nous n’avons pas du tout ici le récit d’une histoire qui se cherche des héros exemplaires, lesquels auraient pu être fondateurs d’une tradition religieuse de prétention universaliste. Comme un héros qui se donnerait dans sa propre aventure individuelle comme modèle à des disciples. Il ne s’agit pas du tout de cela dans le récit que nous donne la תּוֹרָה.  

 

D’emblée, dès que l’on comprend cela, il y a de nouveau à reprendre cette expression qui est révoltante pour le type de cultures auxquelles nous sommes habitués dans la culture occidentale : Il y a deux manières d’être homme : Israël d’un côté, et tous les autres de l’autre, en particulier pour ce sujet. Dans toutes les autres traditions (avec une exception peut-être pour l’islam), il y a un héros exemplaire qui va servir de modèle personnel à une expérience religieuse, une recherche du salut.  

 

Cf. le phénomène des sectes qui est tellement grave et dangereux et très répandu de notre temps d’ailleurs indépendamment des grandes religions classiques qui ont aussi une espèce de héros légendaire fondateur présentant son modèle propre à l’imitation, il  a un phénomène extrêmement massif de notre temps en Israël comme hors d’Israël avec toujours cet être d’exception qui se présente comme modèle à l’imitation.   

Parce que ce qui se cherche n’est pas le salut des élites, mais le salut de la création du Créateur, à l’échelle universelle.  

 

Et donc, si nous étions dans une tradition non juive, non hébraïque, alors il aurait suffit d’un héros comme Abraham, et puis aussi tous les autres, pour avoir dans la synagogue la chapelle de Saint Abraham, la chapelle de Saint Isaac, de Saint Jacob…etc.

L’histoire du salut aurait été scellée par le fait qu’un homme aurait réussi et se serait présenté en modèle à l’imitation. Mais finalement, à la limite, ne seraient sauvés que les imitateurs, les disciples du modèle.  

Et c’est cela qui se cherche dans l’expérience religieuse telle qu’elle est décrite par la תּוֹרָה et qui commence par le postulat qu’il y a un Créateur qui a créé un monde et c’est l’histoire de ce monde à l’échelle universelle qui est en question.  

 

C’est pourquoi il faut attendre que cette identité qui se forge et s’engendre et émerge à travers l’espoir des patriarches, les אֲבוֹת, les engendreurs, devienne une nation à l’échelle collective. Car c’est à l’échelle collective qu’elle peut être déléguée de l’humanité en tant que collectivité, ce que des individus ne peuvent pas représenter. Fussent-ils des צַדִּיקִים authentiques comme Abraham, Isaac ou Jacob, ou les autres de l’histoire d’Israël! A partir de chacun des piliers de l’histoire d’Israël. Il y en a que 7 qui sont Abraham, Itzhak, Yaaqov, Moshe, Aaron, Yossef, et David ou Shlomo.

 

Dans la Guemara de Sanhedrin 98a où l’on cherche le nom du מַשִיחַ on cite des versets pour appuyer le fait que dans telle Yeshivah on nomme le מַשִיחַ de telle façon tout simplement parce que c’est le nom du Rosh Yeshivah, et les Rashé Tévot des 4 noms proposés font le nom מַשִיחַ: 

Sanhedrin 98a. La Guemara demande : quel est le nom du מַשִיחַ? Elle donne plusieurs réponses: les élèves de Menahem disent que son nom est Menahem. Les élèves de Shiloh disent que son nom est Shiloh. Les élèves de Yanai disent Yanai, et les élèves de ‘Hanina disent ‘Hanina.  

Les Rabbanim disent, Son nom est ‘Hivra dvei Rebbi – le מְּצֹרָע de la maison de Rebbi. מַשִיחַ est appelé un מְּצֹרָע parce que tout comme un מְּצֹרָע souffre, מַשִיחַ souffre pour les péchés des בְּנֵי יִשְׂרָאֵל.  

 

Chaque partie, chaque tribu, chaque ensemble, à quelque niveau que ce soit, de l’identité d’Israël a sa figure de prou qui est dans le sens même de ce qui se cherche à l’échelle collective. Mais jamais il n’y a eu ce comportement de l’expérience religieuse des גּוֹיִם qui consiste à considérer que le salut est acquis dans l’expérience de l’individu, fut-il exemplaire, qu’il suffirait d’imiter.  

 

Il est important de comprendre cela qu’il faut qu’Israël soit constitué en nation pour que commence le temps des enfants d’Israël auxquels la תּוֹרָה s’adresse.  

D’une certaine manière, l’histoire des אֲבוֹת c’est la préhistoire d’Israël.

Il n’y a aucune commémoration de commencement qui ferait que l’histoire commence à la commémoration de l’histoire d’Abraham. Alors que l’histoire d’Israël commence comme tel en tant que l’événement fondateur de cette histoire en tant que collectivité.

 

Retour au sujet :

L’identité "père" est attribuée à ceux qui sont capables de récapituler en eux toute l’identité antérieure. Alors que l’identité "fils" est attribuée à ceux qui sont capables d’être fidèles au projet des pères.  

Si vous suivez cela dans le déroulement des générations : un stade d’identité "père" c’est celui qui a été capable de récapituler tout ce qu’il y a eu avant lui.

« Natal zerakh koulam » dit la Mishnah : « il hérite, il récapitule le mérite de tous »

C’est dire qu’à la limite l’histoire que raconte la תּוֹרָה aurait pu commencer à Abraham. Elle commence avec le premier homme pour indiquer l’objet universel de ce que cherche cette histoire. Cela ne commence vraiment qu’au stade des בְּנֵי יִשְׂרָאֵל.  

 

Retour à notre Parashah:

Dès qu’on commence à lire l’histoire de Joseph en Egypte -  Parashah מִקֵּץ à partir du chapitre 41 -  on a quand même l’impression de lire un récit merveilleux, dans le sens étymologique du terme, c’est-à-dire quelque chose qui ne se passe pas dans la vie quotidienne. Cela ressemble à un conte de fée. Voilà l’histoire d’un enfant vendu comme esclave qui finalement a fait ses premières armes de la cour du Pharaon d’Egypte, et après les péripéties racontées dans la Parashah précédente, en fin de compte, il se trouve être enfermé dans un cachot. J’emploie volontairement le terme de cachot qui fait partie du vocabulaire des contes de fée. Nous dirions plus historiquement un camp de concentration. Et puis voilà que le Pharaon se met à rêver, encore une autre indication du merveilleux : personne n’arrive à expliquer les rêves du Pharaon, mais vous avez du remarquer qu’un petit enfant du Talmud תּוֹרָה pourrait expliquer les rêves du Pharaon !

 

On profite bien sûr de l’explication qu’a donnée Joseph et de la grande familiarité qu’on a à travers les siècles avec l’explication de Joseph. Mais même quelqu’un sans culture biblique qui n’aurait pas de mémoire de תּלָמוּד- תּוֹרָה en lisant ce récit aurait au moins l’hypothèse que les rêves du Pharaon concernent le risque d’un dérèglement de l’économie de son pays !  Il y aurait d’abord des années d’abondance et ensuite des années de famine : c’est donc un point à expliquer : que signifie qu’on ait besoin de Joseph dans le récit pour expliquer quelque chose de si élémentaire apparemment? Surtout le fait que les savants de l’Egypte, dans le vocabulaire du Midrash les sorciers de l’Egypte, disons les mages, n’arrivent pas à expliquer  ces rêves-là ! ?  

 

Le Midrash nous dit que les savants qui conseillaient le Pharaon avaient à leur disposition toute une série d’hypothèses d’explications de ces rêves. Mais ils ne pouvaient pas envisager l’hypothèse de Joseph, l’explication réelle qui elle troublait la conscience ou l’inconscience du Pharaon qui sentait lui-même qu’il n’était pas satisfait par les explications que ses sages lui donnaient.  

 

C’est que la conscience égyptienne, étant donné sa religiosité propre, était conditionnée de manière telle que l’hypothèse explicative de Joseph était par définition une hypothèse absurde. L’économie ne se dérègle pas lorsque la divinité principale qui règne sur l´économie s’appelle le Nil, érigé en divinité.

 

Je fais une échappée très rapide sur ce qu’on pourrait appeler la mentalité orthodoxe des sociologues marxistes soviétiques. Encore aujourd’hui à la radio : celui qui n’admet pas les normes de la société soviétique est envoyé en asile psychiatrique parce qu’il est considéré comme fou. Il y a là quelque chose d’incompréhensible à la conscience occidentale. Et malheureusement, on a finit par s’y habituer. Il y a eu quand même des réactions. Cela rappelle ce qui se passait au moyen-âge avec l’inquisition. C’est la même mentalité. Ces prêtres qui étaient d’autre part capable de faire des sermons sur l’amour du prochain, étaient finalement persuadés qu’il fallait sauver les mécréants en les brûlant. S’ils ne croyaient pas dans le dogme de l’église catholique c’est qu’ils étaient fous, et donc il fallait faire quelque chose pour eux… 

 

Il y a une sorte de crispation, de cristallisation, d’une certaine orthodoxie de pensée qui fait que l’explication la plus simple qui pourrait résoudre tel ou tel problème qui se pose dans le courant de l’histoire est rejeté à priori comme injure, comme blasphématoire, comme à traiter dans un asile psychiatrique...

 

D’après les données du Midrash, et aussi d’après les données de l’histoire des religions, on s’aperçoit que le style de religiosité de cette époque était ce que j’appelle une orthodoxie de pensée. 

Orthodoxe : celui qui suit la voie droite. Mot grec Orto doxia : l’enseignement droit, la doctrine droite. Il y a à mettre en évidence ce danger de l’esprit d’orthodoxie. L’esprit d’orthodoxie c’est lorsqu’on se fixe sur une idéologie et que si la réalité dément cette idéologie c’est la réalité qui a tort, c’est elle qui est folle, au nom de l’idéologie. Cela aboutit de suite au totalitarisme.  

 

Il y avait une conscience religieuse de base : la vie de la société humaine à la manière de la vie biologique chez les espèces animales est soumise à des lois de nature qui comme toutes les lois de nature n’ont pas d’exception. Il y a donc une régularisation des comportements de la société humaine par des divinités caractérisées à cette époque dans des styles différents suivant les continents, mais ce sont finalement les mêmes dans l’essentiel fondamental: les lois de la nature érigées en divinités. Cette mentalité se retrouve dans le matérialisme dialectique. A partir du moment où l'on a un principe déterministe aussi absolu projeté à l’échelle de la vie dans la société humaine, dans les faits sociaux, dans le phénomène humain, alors il y a incapacité de tenir compte du facteur liberté.  

 

Cela vous explique un peu l’analogie que nous venons de faire entre les deux types de mentalités. J’ai beaucoup schématisé ce problème mais il est bien évident qu’il apparaitra un jour clairement que cette mentalité du laïcisme idéologique matérialiste dialectique c’est finalement si vous voulez la conscience païenne laïque. C’est le même fonctionnement.

 

C’est la raison pour laquelle le Pharaon n’arrive pas à comprendre son rêve, et surtout que les sages autour de lui n’arrivent pas à lui donner une explication qui le satisfasse.  

Le Midrash (Béréchit Rabba 89, 6) donne des exemples au nom des sages de l’Egypte :  

"Il manda tous les magiciens … mais nul ne put lui en expliquer le sens" : Rabbi Jehochoua de Sikhnin enseigne au nom de Rabbi Lévi : certes, il y avait des interprètes, mais leurs voix n’atteignirent pas ses oreilles, comme par exemple : les sept vaches grasses, signifiant : tu engendreras sept filles ; les sept vaches maigres : tu enterreras sept filles. Ils ajoutaient : les sept beaux épis impliquent que tu conquerras sept provinces ; les sept épis maigres, que sept provinces se révolteront contre ton autorité. C’est l’illustration même du verset : "le persifleur recherche la sagesse : elle lui échappe" (Proverbes 14 ; 6). Tel est certes le cas des magiciens d’Egypte, tandis que la suite même du verset : "Le savoir est d’un accès facile pour l’homme intelligent" se réfère à Joseph.  

 

On pourrait faire l’analyse du contenu de ces Midrashim, mais finalement l’idée que l’économie puisse se dérégler - alors que c’est dit Pshat, c’est dit « à rêve ouvert » si j’ose dire, il n’y a pas à faire d’effort pour décrypter cela - ça ne peut pas être pris au sérieux.   

Alors c’est pourquoi la תּוֹרָה va nous indiquer que Joseph est nommé très précisément à cette occasion נַעַר עִבְרִי, un adolescent hébreu. C’est dire qu’il faut l’identité hébraïque pour percevoir cela que le monde n’est pas soumis à une fatalité aveugle de comportements impersonnels.  

C’est un Pharaon qui rêve ? Alors que c’est normalement les patriarches qui rêve !

 

Q : comment est-ce que Pharaon … ?

R : Parce qu’il l’a entendu. Je vous donnerais tout à l’heure l’exemple de la psychologie contemporaine. Quelqu’un qui est l’objet d’un trouble psychique – et ici 41:8: וַתִּפָּעֶם רוּחוֹ c’est vraiment la définition du complexe – son esprit était comme une cloche qui résonnait à cause d’un noyau dur qui la faisait résonner… Il peut y avoir un certain nombre d’hypothèses mais surtout il y a un phénomène de refoulement qui joue, et il faut que quelqu’un le lui fasse dire. La formule du Talmud qui parle de l’explication des rêves indique : l’explication du rêve vient d’après la manière de raconter le rêve. Rolefet al hapeh 

 

Ce Pharaon n’est pas n’importe qui. Je vous ai préparé un dossier d’érudition très judicieuse concernant les dynasties égyptiennes. Un de mes élèves a fait un travail d’étude colossal : il a étudié toutes les dynasties telles que les historiens les ont expliquées pour voir qu’il y a confusion à ce sujet puisqu’il n’y a aucune trace du passage des Hébreux d’après les égyptologues. Finalement, il a restitué l'identité du pharaon dont il s’agissait. Le Pharaon de Joseph si je me rappelle bien il s’appelle Téti (?) premier qui a vécu 90 ans et a rêvé 90 ans.

 

Le fait de situer cette généalogie finalement redistribue complètement les correspondances de calendrier entre le calendrier hébraïque et le calendrier universel. Cela fait plusieurs fois que je lui demande de préparer une conférence ou un séminaire pour cela. Il ne parle pas en public alors c’est difficile d’arriver à le décider. Mais je crois que je finirais par le décider.  

Il y a là un phénomène qu’il faut caractériser : ce Pharaon nous est très sympathique. Remarquez à quel point il va se cacher, s’effacer derrière Joseph au moment où il va l’installer sur le trône. Ce n’est pas n’importe quel Pharaon, c’est un Pharaon qui rêve !

Cela veut dire qu’il est presque candidat à l’identité hébraïque.

 

J’ouvre une parenthèse sur un des rêves antérieurs. Pas celui de Joseph ni celui des ministres de Pharaon mais le rêve de Jacob. Je vous l’avais souvent cité mais je crois que c’est très important de le comprendre. Le verset (28:12) qui en parle dit ceci :

וַיַּחֲלֹם וְהִנֵּה סֻלָּם מֻצָּב אַרְצָה וְרֹאשׁוֹ מַגִּיעַ הַשָּׁמָיְמָה

Il rêva et voici une échelle dont le pied était en direction du sol, et le haut de l’échelle arrivait jusqu’aux cieux…  

 

Et là les Midrashim donnent tout une série d’explications à la question: qu’est-ce que cette échelle ?

Qu’est-ce qui est représenté par ces anges qui montent et qui descendent ?

Vous avez du remarquer que c’est un ordre inhabituel, auquel on ne s’attend pas :

 וְהִנֵּה מַלְאֲכֵי אֱלֹהִים עֹלִים וְיֹרְדִים בּוֹ

Et voici les anges divins montaient et descendaient sur elle.  

 

On ne s’y attend pas du tout : si déjà on parle d’anges alors il faudrait d’abord les voir descendre du ciel pour remonter ensuite, mais là le verset dit bien que les anges montent et descendent!  

Les Midrashim donnent un certain nombre d’explications sur ce que cela représente et signifie. Tout ce qu’ils citent comme explication, ce sont des réalités de communications entre le ciel et la terre.  

Pour schématiser le problème nous allons le prendre par postulat : depuis la destruction  du temple nous sommes dans une de ces époques où semble-t-il l’horizon qui relie le ciel et la terre en réalité les sépare. C’est bouché ! Il ne se passe rien apparemment. Et nous avons une mémoire de traditions, en particulier de la Bible, qui nous parlent d’un temps où il y avait communication. Donc, il y a des temps où il y a communication et il y a des temps où il n’y a pas communication.

 

A moins de considérer comme légendes tout ce dont toutes les traditions ont parlé – et je crois qu’il y a une seule tradition dans laquelle on a été réfractaire à ce postulat de légende, c’est bien la tradition juive. La Bible ne parle pas de légende, même si ceux qui sont déjudaïsés pensent que ce sont des légendes parce que la Bible parle de l’histoire concrète d’un peuple historique concret qui se passe comme elle le dit. C’est un sujet pour lui-même.

 

C’est le titre d’un des livres des archéologues su siècles dernier : « la bible a dit vrai ». La Bible a dit vrai, non parce qu’on a trouvé des stèles de peuplades de telle ou telle antiquité qui font allusion à ce dont parle la Bible, la Bible a dit vrai parce que il y a une révélation qui concerne l’histoire d’un peuple et sa mémoire. Ce n’est que parce qu’on risque de perdre la mémoire qu’on a besoin de livres écrits et de stèles gravées. Mais si on n’avait que des livres écrits et des stèles gravées sans le peuple  concerné il n’y aurait plus de mémoire.

 

Rappelez- vous ce qu’on a étudié à propos de ‘Hanoukka : la raison pour laquelle l’histoire de ‘Hanoukka n’a pas été mise par écrit parce que l’objectif des Grecs était d’annuler cette mémoire. Et si on avait mis par écrit cette histoire de la victoire des Maccabi contre les Grecs cela aurait signifié que les Grecs avaient gagné leur objectif. On en aurait fait un livre. C’est difficile à comprendre directement mais réfléchissez à ce thème-là. Indépendamment des raisons concrètes que l’on peut citer et elles sont nombreuses, pourquoi la tradition n’a pas de livre concernant ‘Hanoukka, c’est une des raisons les plus profondes que l’on peut mettre en évidence.  

 

Voilà donc que le Midrash nous explique ce qui se passe apparemment dans ces rêves par des phénomènes qui sont décrits d’autre part dans la Bible comme des phénomènes concrets et réels. Le phénomène de la prière est aussi dans ce sens-là :

 

Quelque chose qui monte de l’homme vers Dieu et redescend vers l’homme en exaucement de prière. Le phénomène de la prophétie : quelque chose qui descend de Dieu vers l’homme et remonte de l’homme vers Dieu en prières. Le phénomène des sacrifices… les phénomènes de la communication entre le ciel et la terre.  

Alors je crois que ce verset nous indique l’importance du rêve dont parle la תּוֹרָה. Le Talmud en parlant du rêve dont parle la תּוֹרָה dit : le rêve est le 60ème de la prophétie.

Bien entendu cela signifie qu’il y a deux catégories de rêve : une catégorie purement onirique : un déroulement d’images qu’on appelle les הִרהוּרִים, les préoccupations de la journée reviennent dans la nuit sous forme d’images codées. Cela peut être facilité si on a une digestion lourde. Mais il ne s’agit pas de ces rêves-là. Il s’agit du rêve que je vais essayer de vous décrire d’après ce verset.  

 

Le verset dit :

וַיַּחֲלֹם וְהִנֵּה סֻלָּם מֻצָּב אַרְצָה וְרֹאשׁוֹ מַגִּיעַ הַשָּׁמָיְמָה

Il rêva et voici une échelle dont le pied était en direction du sol.  

Le verset n’a pas dit : Il a rêvé et dans son rêve il a vu une échelle…

Le verset dit : il a rêvé, alors il y a eu une échelle…

Cela veut dire que puisqu’il a été capable de rêve alors il y a eu communication entre la terre et le ciel. Et  cette communication qu’est-elle ? Le Midrash dit : c’est  la prière, les sacrifices, la prophétie… Mais cela se passe dans la réalité et non dans le rêve ! Alors qu’est-ce que le rêve ?

 

Le rêve c’est cette capacité préface à la prophétie, le pressentiment du projet du Créateur. A quoi rêve-t-on ? A ce que Dieu a voulu que notre existence soit.  

On a remarqué que le rêve a été comparé au pain pour le corps. Le pain pour le corps et le rêve pour l’esprit : לֵחֶם - חֲלֹם. Il y en a d’autres d’ailleurs à tous les niveaux de l’être mais déjà ces deux-là sont significatifs. De la même manière que le corps a besoin de לֵחֶם pour exister, le חֲלֹם est la nourriture de l’esprit.  

Voilà que nous avons affaire à un Pharaon qui rêve.

 

Tout ce que je voudrais vous citer du point de vue des généalogies des dynasties égyptiennes, c’est que les historiens grosso modo parlent d’un changement de dynastie à un certain  moment de l’histoire de l’Egypte et l’installation d’une dynastie monothéiste. Les Hyxos sont des envahisseurs de l’Egypte à ce moment-là. Ils ne sont pas des Egyptiens.  

 

Les historiens des religions en profitent pour dire que les Hébreux n’ont rien inventé et que précisément ils ont appris le monothéisme de cette dynastie égyptienne. Vous voyez comment les historiens travaillent : pour expliquer quelque chose qui leur apparait comme un mystère, alors ils inventent un autre mystère beaucoup plus difficile à expliquer.

 

Que les Hébreux soient les dépositaires du monothéisme il faut en fin de compte dissoudre cela, il faut noyer cela, par antisémitisme bien entendu, mais on ne peut pas annuler les faits, il faut donc un commencement. Alors on va inventer un monothéisme égyptien que les Hébreux auraient imité… Alors que le Midrash nous parle exactement de la chose inverse. Joseph fait tout ce qu’il peut  pour « monothéïser » l’Egypte. Je vous citerais les versets avec Rashi.  

Mails il n’en reste pas moins que Joseph ne peut être ce Joseph de l’Egypte que parce qu’il y a eu ce Pharaon-là. Voilà donc un Pharaon qui rêve : cela veut dire qu’il est candidat à l’identité hébraïque et il va garder une place très importante dans l’histoire de la תּוֹרָה.

 

**

 

Sans avoir à récapituler les événements du récit biblique on peut se demander ce qui se cache derrière cette histoire d’un Joseph ?

 

On va partir d’un verset : Chapitre 42, verset 2. Je vais essayer de vous expliquer une expression qui revient beaucoup dans ce chapitre et qu’on trouve déjà au premier verset de ce chapitre. Surtout au verset 2 du même chapitre.  

וַיֹּאמֶר--הִנֵּה שָׁמַעְתִּי כִּי יֶשׁ-שֶׁבֶר בְּמִצְרָיִם רְדוּ-שָׁמָּה וְשִׁבְרוּ-לָנוּ מִשָּׁם וְנִחְיֶה וְלֹא נָמוּת

Et Jacob vu qu’il y avait שֶׁבֶר dans l’Egypte.

  

שֶׁבֶר: racine שׁבר – שָבֶר brisé.  

Expression dont on va se servir au niveau du récit pour dire « on battait le blé ».

 

יֶשׁ-שֶׁבֶר בְּמִצְרָיִם  Cela veut dire finalement qu’à tous les niveaux du système économique, il y a de quoi faire marcher le moulin. Ensuite, par conséquent, cela arrive jusqu’à la notion de מָשְׁבִּיר  tel qu’on le trouve dans l’hébreu moderne : celui qui dispose des marchandises. De quoi vendre à ceux qui veulent acheter. L’enseignement de קַבָּלָה qui vient du Ets ‘Hayim a retenu l’expression qui est très souvent répétée dans ces récit. Et c’est de ce récit qu’on apprend la signification de ce terme : on a trouvé quelque chose à manger alors qu’il y a la famine : יֶשׁ-שֶׁבֶר בְּמִצְרָיִם!

 

Littéralement il faudrait traduire : « il y a de la casse en Egypte ».  

 

Le postulat est finalement très simple à comprendre : dans toutes sociétés, dans toutes civilisations, il y a une partie des valeurs de l’universel. Seulement elles sont enfouies dans une gangue, une coquille, une peau, une קלִיפָּה comme on dirait en hébreu. Arrive un temps où l’on est occupé  à casser cette קלִיפָּה. Et donc toutes les valeurs se dévoilent. Voilà ce qui se passe. Et cela commence à se passer au niveau de la nourriture. Rappelez-vous le 1er rêve de Joseph voyant des gerbes de blés. Il a exprimé ce pressentiment d’une mission qui existait pour lui à aller là où il aime le plus, à en faire des gerbes pour les mettre en réserve et les donner à toute la terre lorsque ce serait un temps de famine. Derrière cette image du rêve, le pressentiment qu’il y a là est quelque chose de beaucoup plus important. C’est dire que Joseph avait cette dimension de l’identité d’Israël qui va aller aider à cette « casse », dont on est en train de parler, qui se passe quelque part et qui va y amener une fécondité qui ensuite va mettre en réserve toutes ces valeurs de telle sorte qu’au moment de la גֵאֻלָה, au moment de la délivrance, au moment de la fin de l’exil, elle puisse être enlevée du lieu de l’impureté où elle se trouvait, enfouie, sanctifiée, dans l’identité d’Israël à titre et à l’échelle de l’universel.  

 

C’est la raison pour laquelle lorsque Jacob comprend cela, alors il se résout à laisser descendre ses enfants  en Egypte. 

 

Et Jacob vit qu’il y avait de « la casse » en Egypte ?

Midrash s’interroge : qu’est-ce que cela  signifie ? Il a vu par le הַקֹדֶשׁ רוּחַ. Il n’arrive pas encore selon le Midrash à savoir clairement qui travaille là-bas, mais cela il le sait, il a le pressentiment.

 

Je vous donne un exemple dans l’histoire : à un certain moment de correspondances entre l’histoire de la civilisation contemporaine et du développement de l’histoire des communautés juives, on s’aperçoit qu’après la renaissance toutes les valeurs de la civilisation ont été remises en question. Les méthodes de toutes les sciences ont changé et la science a fait un bond énorme dans toutes les directions. Or, cette période est très exactement celle de la sortie des Juifs des ghettos d’Europe. Derrière toutes les évolutions des méthodes des sciences se trouve un petit juif sorti du ghetto avec le rêve d’un Joseph. En particulier l’école de Vienne a été extrêmement importante dans ce schéma.

 

C’est quelque chose qui peut être mis en analogie avec ce qui se passe à ce moment-là en Egypte. L’histoire de cette première phase de Joseph en Egypte: pousser à l’accélération de ce mouvement  de civilisation et la faire éclater. Joseph y met la fécondité, mais avec une accélération telle que cela finit par éclater. Et les valeurs qui étaient cachées, qui étaient enfouies, se dévoilent. A ce moment-là, le temps de la sortie d’Egypte est arrivé, et Israël sort d’Egypte emportant avec lui ce qui était sanctifiable des valeurs de l’Egypte. Dans l’histoire personnelle de Joseph tel qu’il a vu sa propre vocation, il avait dans la première partie une stratégie différente : c’est d’aider et de collaborer au développement de ces valeurs mais au titre de l’Egypte elle-même. C’est là qu’est le conflit entre Joseph et Judah dont on a parlé dans les récits précédents.

 

וַיֹּאמֶר--הִנֵּה שָׁמַעְתִּי כִּי יֶשׁ-שֶׁבֶר בְּמִצְרָיִם

 Et Jacob vu qu’il y avait  שֶׁבֶר dans l’Egypte.

 

רְדוּ-שָׁמָּה וְשִׁבְרוּ-לָנוּ מִשָּׁם, וְנִחְיֶה וְלֹא נָמוּת   

Et Jacob dit à ses fils: Pourquoi seriez-vous dans la crainte?

 

וַיֹּאמֶר--הִנֵּה שָׁמַעְתִּי, כִּי יֶשׁ-שֶׁבֶר בְּמִצְרָיִם  Voici j’ai entendu qu’il y a שֶׁבֶר  en Egypte.  

 

Tout cela est expliqué par le Midrash comment il l’a perçu.

רְדוּ-שָׁמָּה וְשִׁבְרוּ-לָנוּ מִשָּׁם וְנִחְיֶה וְלֹא נָמוּת

Descendez là-bas, et cassez pour nous là-bas et nous vivrons et nous ne mourrons pas.  

 

Vous voyez comment les termes sont concis, précis et ramassés. 

Il ne s’agit pas de pain encore. Après, cela va commencer avec le pain, mais on parle de quelque chose à casser de telle sorte de vivre et de ne pas mourir. Vous avez compris l’importance de l’explication qu’a donnée la קַבָּלָה à ces thèmes-là. Nous sommes toujours au niveau de l’universel : dans l’universel humain, des valeurs sont en travail, et puis elles sont exilées, dispersées et lorsqu’arrive le temps où le grain lève et où ces valeurs se laissent deviner, alors il faut aider à cela et c’est comme cela que Joseph entend sa propre tâche. Et vous voyez comment Jacob, nommé ici "Jacob" et non pas "Israël", va mettre les autres fils sur cette même voie.

 

Rashi sur  רְדוּ שָׁמָּה du verset 2:

וְלֹא אָמַר לְכוּ רֶמֶז לְמָאתַיִם וְעֶשֶׂר שָׁנִים שֶׁנִּשְׁתַּעְבְּדוּ לְמִצְרַיִם כְּמִנְיָן רְד"וּ

Ya‘aqov ne leur dit pas : « Allez ! », mais « Descendez ! » (רְדוּ) Allusion à la guématria valeur numérique des lettres de רְדוּ qui est de deux cent dix ans que durera l’esclavage d’Egypte.  

 

Descendez c’est une יְרִידָה. Ils sont en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל qui s’appelait כְּנַעַן אֶרֶץ, il leur faut aller là où le blé pousse (en langage d’aujourd’hui, là où il y a les allocations familiales). Et alors, c’est une יְרִידָה. Rashi cite un midrash qui met cela en évidence. Il ne leur dit pasלְכוּ  Allez – רֶמֶז  - il a fait allusion לְמָאתַיִם וְעֶשֶׂר שָׁנִים - aux 210 ans - שֶׁנִּשְׁתַּעְבְּדוּ לְמִצְרַיִם כְּמִנְיָן רְד"ו - où ils ont été asservi en Egypte selon le nombre du mot רְדוּ.  

 

Ce mot רְדוּ a pour valeur numérique 210.  Rashi cite ici un Midrash qui dit qu’ici le choix du terme pour dire d’aller en Egypte n’est pas arbitraire. Il y a une intention particulière parce  qu’il aurait pu dire autrement. Il a dit "Descendez-y", allusion au fait qu’effectivement l’exil d’Egypte a duré 210 ans et c’est la valeur numérique du mot רְדוּ.  

 

D’ailleurs c’est entré dans le langage du Midrash. Pour parler des 210 ans de l’exil en Egypte on ne trouve jamais une expression qui dit מָאתַיִם וְעֶשֶׂר שָׁנִים 210 ans mais celle qui dit    שָׁנִים רְדוּ. On sait que cela veut dire 210 et que c’est relié à ce verset.  

 

J’ouvre une petite parenthèse : la prophétie qui avait été donnée à Abraham pour l’éventualité de l’exil dans sa descendance qui les mènerait "dans un pays qui ne serait pas le leur" portait la durée de 400 ans. Et puis nous savons qu’à partir du moment du texte ici, la descente de Jacob et de ses enfants en Egypte jusqu’au moment de la sortie d’Egypte, il y a eu 210 ans.

 

Nous savons d’après le calcul de l’âge des patriarches. Tous les textes sont clairs à ce sujet. Il y a donc apparemment une différence de 190 ans entre les 400 ans prévus et les 210 ans où, effectivement, il y a eu exil en Egypte. C’est une des raisons pour lesquelles Moïse s’est heurté à une telle difficulté au moment où il a déclenché les événements de la sortie d’Egypte. Parce que tant chez les Hébreux que chez les Egyptiens, il y avait cette tradition de 400 ans. Or, Moïse déclenche les événements de la sortie d’Egypte au bout de 210 ans! Moins 40 puisqu’il y a avait d’abord une première étape. 210 – 40 = 170. Au bout de 170 ans depuis le commencement de l’exil, Moïse prend l’initiative de la sortie d’Egypte. Cette initiative échoue, il recommence 40 ans après. Cela fait 210 ans. J’y fais simplement allusion en passant. 

 

Il y avait 2 dangers corollaires qui imposaient une accélération de l’événement de la sortie d’Egypte elle-même. Un danger intérieur qui était l’assimilation systématique des Hébreux en Egypte comme cela a été le cas dans chaque civilisation du temps où Israël se trouvait. On peut diagnostiquer ce qui nous est arrivé à nous au terme de la civilisation contemporaine.  Premièrement, un danger d’assimilation accélérée et corollairement un danger de persécution accélérée.

 

Deux dangers qui justifiaient le fait de prendre l’initiative de faire débuter ces 400 ans beaucoup plus haut qu’au temps où Jacob est descendu en Egypte avec sa femme. Et on s’aperçoit que en fin de compte depuis la naissance d’Isaac jusqu’à la sortie d’Egypte, il y a effectivement 400 ans. Ce qui justifie le verset donné à Abraham :

 

 

לֶך לְךָ 15:13

וַיֹּאמֶר לְאַבְרָם יָדֹעַ תֵּדַע כִּי-גֵר יִהְיֶה זַרְעֲךָ בְּאֶרֶץ לֹא לָהֶם וַעֲבָדוּם וְעִנּוּ אֹתָם--אַרְבַּע מֵאוֹת שָׁנָה

 « Savoir, tu sauras que ta postérité sera étrangère dans une terre qui n’est pas à eux »  

 

Or, la postérité d’Abraham commence avec Isaac.

Donc, depuis la naissance d’Isaac jusqu’à la sortie d’Egypte, il y a effectivement 400 ans. C’est un point de référence possible.

 

Il y a un autre nombre que vous rencontrerez dans un autre contexte c’est 430 ans. Mais le texte le dit très clairement שְׁמוֹת 12.40 :

 וּמוֹשַׁב בְּנֵי יִשְׂרָאֵל אֲשֶׁר יָשְׁבוּ בְּמִצְרָיִם--שְׁלֹשִׁים שָׁנָה וְאַרְבַּע מֵאוֹת שָׁנָה

Et le séjour des enfants d’Israël dans le pays d’Egypte a été de 430 ans.  

 

Le Midrash ajoute une réponse : il y a 430 ans à partir du moment où Abraham a reçu cette prophétie. Et il s’est lui-même considéré comme en exil chez lui.  

Ici, nous avons le nombre de 210. On va le rattacher à un autre Rashi qui va nous expliquer pourquoi ce texte va employer cette expression particulière.  

 

בְּרֵאשִׁית 1.28:

וַיְבָרֶךְ אֹתָם אֱלֹהִים וַיֹּאמֶר לָהֶם אֱלֹהִים פְּרוּ וּרְבוּ וּמִלְאוּ אֶת-הָאָרֶץ וְכִבְשֻׁהָ וּרְדוּ בִּדְגַת הַיָּם וּבְעוֹף הַשָּׁמַיִם וּבְכָל-חַיָּה הָרֹמֶשֶׂת עַל-הָאָרֶץ

Et Il les bénit et il leur dit Elohim : Fructifiez, multipliez-vous, emplissez la terre et conquérez-la, et dominez sur les poissons de la mer et les oiseaux du ciel, et sur tout être vivant qui rampent sur la terre.  

 

On a ici de façon très claire la même expression : " וּרְדוּ " c’est traduit ici "Dominez".  

Rashi sur 1.26 où nous avons l’expression dans le projet de la création de l’homme:

וְיִרְדּוּ בִדְגַת הַיָּם וּבְעוֹף הַשָּׁמַיִם וּבַבְּהֵמָה וּבְכָל-הָאָרֶץ וּבְכָל-הָרֶמֶשׂ הָרֹמֵשׂ עַל-הָאָרֶץ.

Et ils domineront sur les poissons de la mer et les oiseaux du ciel, et sur les animaux sur toute la terre…  

 

Rashi sur וירדו בדגת הים

יש בלשון הזה לשון רידוי ולשון ירידה, זכה רודה בחיות ובבהמות, לא זכה נעשה ירוד לפניהם והחיה מושלת בו  

Hébreu וְיִרְדּוּ  Cette expression contient à la fois le sens de domination et de soumission. S’il mérite, il règne sur les bêtes, s’il ne mérite pas, il devient ירוד  tombé, déchu, devant eux (soumis), et les bêtes règnent sur lui. [Gen. Rabbah 8:12].   

 

Ce mot de יִרְדּוּ peut procéder d’une racine qui signifie « domination » רְדּוּ. Un mot en hébreu moderne qui veut dire le tyran רוֹדָן. רִדּוּי veut dire domination. C’est apparemment le Pshat du verset : lorsque Dieu créé l’homme, Il lui donne un projet de destinée, ce qui n’est pas le cas pour les animaux. Les animaux se bornent à exister et font partie du paysage qui va devenir l’habitat de l’homme. Mais à la création de l’homme, il y a l’expression d’un projet pour l’homme, qui peut se formuler ainsi : de subjuguer le monde de la nature, d’humaniser le monde de la nature. Rappelez-vous comment la קַבָּלָה explique cela : ce qui est créé à l’échelle impersonnelle, l’homme doit le prendre en charge et en faire une personne : Du Mah arriver au Mi.

 

La בְּהֵמָה est le point le plus élevé du Mah. On lit ce mot "Béhémah" autrement: "בה / מה ", "en elle il y a le מה". Et l’homme le prend en charge au niveau de son corps. D’où l’importance de la nourriture, la בְּהֵמָה, pour en faire un quelqu’un, la conscience de sa personne.

 

לָשׁוֹן יְרִידָה...

La deuxième racine Yarod descendre et non plus Rado qui donne le même mot רְדּוּ. Et le Midrash que cite Rashi explique cela.  

 

Je vous explique pourquoi je relie ces deux Rashi en vous rappelant les données du problème : d’un côté dans le verset du chapitre 42, Jacob a inauguré le voyage de sa famille en Egypte. Que se passe-t-il ? יֶשׁ-שֶׁבֶר בְּמִצְרָיִם on est dans le pays où un Pharaon rêve, et finalement Jacob sait que c’est une civilisation qui est arrivée à son apogée, cela commence à craquer, les valeurs prisonnières et rendues impures par la mentalité païenne de l’Egypte cherchent à se dévoiler. Il faut y aller pour collaborer à ce qui  se passe. Et c’est là la mission de Joseph. Il inaugure ce voyage qui va durer 210 ans avec un mot רְדּוּ qui a pour valeur numérique 210 et qui signifie « Descendez ! », mais qui pourrait signifier d’après le Rashi concernant le projet de l’homme : « Dominez ! ».  

 

Si vous reprenez le Rashi du verset de בְּרֵאשִׁית, on voit très bien ce qui se passe. Ou bien l’homme est authentique, alors il domine sur l’être biologique de l’être vivant וְחַיָּה בְּהֵמָה, la bête et l’animal. Sinon c’est l’être biologique de l’être vivant qui va dominer sur lui! Or, c’était très exactement la symbolique de l’imagerie et de l’expérience religieuse de l’Egypte qui finalement, avec une dimension non seulement d’esthétique mais de religiosité extrêmement profonde que les modernes sont inaptes à comprendre, ont finalement assigné à leur divinité un être de bête et d’animal. Cela veut dire qu’on est dans une civilisation où le רְדּוּ a pris leur sens de לא זַכָה  lorsqu’on ne mérite pas, c’est la manière d’être de l’animal qui devient la divinité, qui prend le pas.  

 

Vous voyez donc le lien qu’il y a entre ce projet de l’exil qui va durer 210 ans et d’autre part le projet de destinée qui avait été donné à l’homme et qui implique cette alternative : ou bien il y a mérite, et alors effectivement, l’homme va dominer la création; ou bien il y a démérite, et l’homme va tomber à un degré inférieur à celui de l’animal.

 

Et je pense que l’on étonnerait beaucoup un égyptien de ce temps-là en lui disant purement et simplement qu’il adore des animaux. Il faut bien remettre les choses à leur place. Lorsque l’Égyptien adresse sa ferveur religieuse au bélier par exemple, il ne s’agit pas du bélier du troupeau même si le bélier du troupeau lui sert d’image. C’est l’origine d’une force qu’il appelle le bélier, aussi au niveau du signe du zodiaque, une force de la nature qui se formule dans sa morphologie même si j'ose dire, dans la forme animale. Ce type de religiosité est représenté par une sorte d’asservissement à la vie animale purement et simplement.  

 

De la même manière qu’on étonnerait beaucoup des peuples de l’Occident si on les définissait de la même manière au niveau des comportements des animaux. Je pense en particulier à l’Angleterre. Il y a des sociétés protectrices des animaux qui montrent une sensibilité hypertrophiée qui va dans le même sens. Le fait que l’animal doit être protégé en tant qu’être vivant est un principe absolu de l’enseignement de la תּוֹרָה. Le fait de causer une douleur à un être vivant est interdit Mi déOroïta, par la loi de Moïse. Si un animal a souffert au moment de la שְׁחִיטָה il n’est plus kasher…etc. C’est un commandement de la conscience hébraïque qu’il faut protéger la vie animale, mais il ne s’agit pas de cela. Il s’agit du fait qu’on ne partage pas cette sensibilité pour la vie animale avec celle de l’être humain. C’est cette civilisation où le chien est roi et où l’on traite les hommes comme des chiens.

 

Au niveau des grands paganismes de l’antiquité c’était beaucoup plus dangereux parce qu’effectivement ces civilisations-là aboutissent inévitablement à être ce que la תּוֹרָה nomme בֵּית עֲבָדִים, la maison des esclaves. Finalement, la dignité de la personne humaine est complètement évacuée parce que la mentalité est ainsi que dans cet esprit d’orthodoxie que j’ai décrit précédemment, les lois de la biologie de l’être vivant priment les valeurs de la personne, et en particulier les valeurs de liberté.  

 

Ceci pour répondre en partie à notre première question : ce qui se cache derrière ce récit. Pharaon a le pressentiment de ce qu’est la vérité de l’histoire du point de vue de l’identité hébraïque, du point de vue de la תּוֹרָה elle-même, et c’est pourquoi il y a une telle collaboration immédiate entre Joseph et ce Pharaon.

 

הָצַדִּיק  יֹסֵף.  

Je vais prendre l’histoire de Joseph au début dans la première étape. Il faut comprendre qu’il y a un temps de קָטנוּת (petitesse) et un temps de גָדלוּת (grandeur). C’est-à-dire dans le développement de la destinée d’une identité humaine qui finalement devient un de ces personnages exemplaires dont la תּוֹרָה nous raconte le récit, il y a toujours deux étapes : l’histoire de Jacob devenant Israël, ce sont deux niveaux d’identité radicalement différente. Lorsque la תּוֹרָה nomme Jacob "Jacob" c’est une identité de קָטנוּת, alors que lorsqu’elle utilise Israël c’est une identité de גָדלוּת. En particulier le Shlah en se basant sur un enseignement du Zohar a dit ceci : pourquoi - lors de cet épisode des rêves de Joseph sont survenus, et la brouille avec ses frères, et le commencement de l’exil de tout Israël qui commence par l’exil personnel de Joseph… - la תּוֹרָה  a-t-elle tenu a nous faire savoir que  Joseph avait  17 ans ? Et le Shlah explique que 17 ans est le nombre qui représente l’identité humaine au stade de קָטנוּת petitesse. La même identité peut s’exprimer dans l’indice de petitesse ou dans l’indice de grandeur. 

 

Au niveau des procédés de lecture de la קַבָּלָה, il y a ce qu’on appelle la Guématria dont l’un des procédés consiste à lire suivant la valeur numérique de grandeur ou de petitesse.מִסְפָּר גָּדֹל ou קָּטֹן מִסְפָּר qui ramène à l’unité chacune des lettres. 

Le mot de הֲוָיָה שֵׁם  י/ה/ו/ה  a pour valeur numérique 26 en מִסְפָּר גָּדֹל et 17 en קָּטֹן מִסְפָּר. 17 signifie la הֲוָיָה de קָטנוּת. Yossef dans la première partie de sa vie est à l’indice de קָטנוּת. Et quand cela a fini de se développer, il se dévoile que Yossef était צַדִּיק.  

 

Mais l’expression de הָצַדִּיק  יֹסֵף est très particularisée dans les sources. Ce n’est pas ce terme de צַדִּיק pris dans le sens le plus large et général qui reste flou. 

Par rapport à Yossef, et à un hébreu en particulier, on dit צַדִּיק dans le domaine des rapports d’autrui à autrui. En quoi est-il défini comme צַדִּיק? C’est celui qui ne tire pas vengeance de ses frères, et au contraire il leur fait du bien alors qu’il aurait pu se venger. C’est cela צַדִּיק  לָּחֲבֵרָוֹ אָדָם בֵּין

 

Effectivement, pendant toute son histoire on pourrait le juger comme traitre à la cause d’Israël s’étant mis au service du projet de civilisation égyptienne. Dans la Parashah suivante, Judah interpelle Joseph : כִּי כָמוֹךָ כְּפַרְעֹה ! Comme toi comme Pharaon! Le sens Pshat du verset : Judah demande mansuétude de Joseph alors qu’ils ne se sont pas encore reconnus, lui disant, "tu es aussi puissant que Pharaon, j’ai peur de toi"… Mais le Midrash met de suite en évidence "  כִּי כָמוֹךָ כְּפַרְעֹה" jusque là voyant Joseph on croit voir le Pharaon ! Comme toi comme le Pharaon! Tu as pris fait et cause pour le Pharaon, pour l’Egypte!

 

Rashi sur כִּי כָמוֹךָ כְּפַרְעֹה : il t’arrivera à toi comme il est arrivé au Pharaon du temps d’Abraham. Il avait voulu prendre pour femme Sarah, et il lui est arrivé des malheurs, toi aussi tu veux prendre Benjamin, il t’arrivera des malheurs...

 

Quelle est la correspondance des deux événements ? C’est ce thème rappelé au début de l’Exode que le Pharaon de ce temps-là avait eu un rêve lui aussi voyant un enfant naître qui le vaincrait, et il avait pris l’édit de tuer tous les enfants mâles. Les Égyptiens s’étant révoltés, il a conservé l’édit pour les enfants mâles hébreux. Cette stratégie voulait détruire les fils et garder les filles pour les égyptianiser. A la racine c’est ce que Pharaon voulait faire de Sarah : s’approprier la matrice d’engendrement pour l’égyptianiser. S’annexer la valeur de l’identité d’Israël. C’est le thème de ’Hanoukka : usurpation d’identité. On traduit la Bible pour que les Juifs n’aient plus aucun droit sur la Bible. C’est ce que le Pharaon voulait faire avec Sarah voulant en faire la matrice de l’Egypte.    

C’est ce que finalement Judah dit à Joseph : Benjamin est la dernière chance de l’identité d’Israël, le benjamin. Vouloir s’approprier Benjamin est du même ordre.

 

Pendant toute sa vie Joseph est dans ce profil : on risque de le prendre pour Pharaon. Ce n’est qu’à la fin qu’il se dévoile qu’il était l’hébreu déguisé en égyptien pour pouvoir sauver ses frères.            

 

Il faut bien faire attention à ce diagnostic : il y a toute une force du peuple d’Israël qui est en travail de Joseph dans l’humanité. A la limite ce sont des Juifs assimilés et qui mettent au service des civilisations extérieures les valeurs de l’identité d’Israël. Il faut se garder d’un jugement schématique, et de croire qu’ils sont tous צַדִּיקִים et de leur projeter le thème de cette identité Joseph, et de croire qu’ils sont effectivement des צַדִּיקִים. La תּוֹרָה nous raconte l’histoire d’un Joseph qui lui a été צַדִּיק. In extrémis, il s’est dépris des mains de la femme de Putiphar. En fin de compte il fait le diagnostic que sa propre tentative de sanctifier l’Egypte au titre de l’Egypte mène à un échec. A la fin, il se dévoile qu’il était צַדִּיק, mais à postériori. 

Enormément de Juifs ont joué le rôle de Joseph et se sont perdus. Un a été צַדִּיק. Ce n’est pas la raison historique pour laquelle la tradition l’a nommé הָצַדִּיק  יֹסֵף. Il a été nommé ainsi pour la conduite vis-à-vis de ses frères.  

 

Mais je peux utiliser cette expression pour dire que celui-là a été צַדִּיק. Mais cette tentative reste périlleuse. Combien de Juifs restés dans les bras de la femme de Putiphar? Et combien de Juifs devenus les idoles des גּוֹיִם sans parvenir à ce dévoilement de l’identité de Joseph ? C'est-à-dire celle de l’hébreu déguisé en égyptien qui en fin de compte se dévoile.

 

***

 

Q: inaudible.

R: il y a un premier thème moins connu : on le cite après Moshe et Aaron.

Dès que Jacob apparait, apparait aussi Joseph : אֵלֶּה תֹּלְדוֹת יַעֲקֹב, יוֹסֵף. On peut parler en termes de סְפִירָה: Dès qu’apparait la סְפִירָה de תִּפְאֶרֶת apparait aussi la סְפִירָה de יְסֹוד. La סְפִירָה de תִּפְאֶרֶת correspond au Vav du הֲוָיָה שֵׁם. Dans la lettre Vav deux Vav : un Vav dévoilé Jacob et un Vav non dévoilé qui est Joseph. Il faut que le Vav caché se dévoile. Il ne se dévoile que grâce à Moïse et Aaron. C’est pourquoi finalement au niveau de la סְפִירָה de Yossef on attribue cette סְפִירָה à toute la descendance de Joseph qui se dévoile après Moïse et Aaron. La forme de Joseph devient réellement dévoilée après Moïse et Aaron, et elle s’appelle Pin’has. Et Pin’has c’est הָנָבִיא אֵלִיָּהוּ.

 

Q: …….

R: Cette סְפִירָה de יְסֹוד est par rapport aux trois :

לָּחֲבֵרָוֹ אָדָם בֵּין - לָּמָקוֹם אָדָם בֵּין לֵּעַצְמוֹ אָדָם בֵּין.

Mais fondamentalement, il a reçu le nom de הָצַדִּיק  יֹסֵף lorsqu’il a dévoilé qu’il est un premier né qui aime ses frères. C’est là le תִּקּוּן de la faute de Caïn. L’exil a commencé parce qu’un premier né n’a pas aimé son frère. Finalement, c’est quand un premier né qui aime ses frères que c’est la fin de l’exil. Quand Joseph est né, Jacob décide de mettre fin à l’exil. Et quand il s’aperçoit qu’il n’y a pas la paix entre les frères alors il se résout à ce que l’exil recommence. C’est en fin de compte lorsque Joseph et ses frères se reconnaissent et scellent un pacte, une alliance d’amour, entre les frères que l’identité d’Israël est fondée, et que c’est la fin de l’exil de בְּרֵאשִׁית. Alors l’histoire des בְּנֵי יִשְׂרָאֵל commence…  

Yossef apparait mais est en réserve, c’est Moïse et Aaron qui font que ce que représente Joseph se dévoile, et on l’a dans le personnage de Pin’has.  

 

Dans Yossef, cela nous est indiqué dans notre Parashah d’ailleurs, il y a cette charnière entre le temps de pères et le temps des fils. Il y a un certain nombre de Midrashim selon lesquels Joseph aurait pu être un des quatre patriarches. Joseph était censément avoir 12 enfants comme Jacob. S’il avait eu 12 enfants alors les nombres des personnes d’Israël, des figures, des visages d’Israël n’aurait pas été seulement 70 mais 80. Ce qui fait que toute l’histoire d’Israël aurait été beaucoup plus forte. Il y a un enseignement très important : à cause de cette faiblesse de Joseph vis-à-vis de l’Egypte il a perdu une capacité d’engendrement qui s’est résorbé à deux au lieu d’être douze. Et par conséquent, le nombre des identités de la descendance de Jacob n’était plus que 70 correspondant aux 70 nations du monde. S’il avait été au nombre de 80 il y aurait eu un Israël invincible!

 

C’est relié à ce verset [Tehilim 90:10]: וְאִם בִּגְבוּרֹת שְׁמוֹנִים Au niveau de גְּבוּרָה c’est שְׁמוֹנִים.

Dans l'enseignement du Or Ha’hayim au début de la Parashah de שְׁמוֹת sur le verset qui dit:

וַיְהִי כָּל-נֶפֶשׁ יֹצְאֵי יֶרֶךְ-יַעֲקֹב--שִׁבְעִים נָפֶשׁ

Et ce fut toutes les personnes composant la lignée de Jacob étaient au nombre de soixante-dix.

 

וַיְהִי  indique un malheur ! Quel malheur ? Ils n’étaient pas au nombre de 80 ! Et c’est relié à  ce thème des 12 enfants potentiels de Joseph. Cette force lui est partie des 10 doigts des mains nous dit le Midrash, lorsqu’il attrapé la femme de Putiphar.

 

Un des Midrahsim indique que Joseph avait cette capacité d’être aussi compté parmi les אֲבוֹת. Encore une fois, ce qu’on a vu la semaine dernière : אֵלֶּה תֹּלְדוֹת יַעֲקֹב, יוֹסֵף. Et Yossef est équivalent aux אֲבוֹת d’une certaine manière. En fait cela va se dévoiler dans l’histoire. Lorsque Jacob cherche à fonder la 13ème tribu qu’il n’a pas pu réaliser dans l’histoire Shkhem avec Dinah, alors finalement il va diviser la tribu de Joseph en deux Menasse et Ephraïm. Et Joseph va monter au niveau des patriarches. Il n’y a pas une tribu de Joseph, c’est la tribu d’Ephraïm qui représente vraiment ce que serait la tribu de Joseph. La tribu d’Ephraïm est appelée "יֹסֵף בֵּית " "la maison de Joseph". Mais finalement cela indique que Joseph avait cette capacité à être fondateur de tribu, et pas seulement d'être une parmi les tribus.  

 

Il est comme une charnière, il est comme les pères récapitulant l’identité antérieure et aussi comme les fidèles au projet des pères. Mais le stade Joseph a une fin. Lorsque Joseph va être installé sur le trône d’Egypte par le Pharaon, alors la תּוֹרָה nous raconte une scène (Gn.41:43)  que l’on va retrouver plus tard dans la Méguilat Esther, lorsque Mardochée a été installé, comme un Joseph, sur le trône de la Perse.

 

Il y avait de hérauts qui marchaient devant lui pour faire agenouiller tout le monde devant lui, avec le mot de אַבְרֵךְ "à genou" de racine ב/ר/כ. Ce mot dans la langue des Yéshivot désigne les étudiants des Yéshivot : les אַבְרֵכִים.

 

 Rashi sur אַבְרֵךְ:                      

כְּתַרְגוּמוֹ דֵּין אַבָּא לְמַלְכָּא רַךְ בְּלָשׁוֹן אֲרַמִי מֶלֶךְ. בְּהַשֻּׁתָּפִין לֹא רֵיכָא וְלֹא בַּר רֵיכָא. וּבְדִבְרֵי אַגָּדָה דָּרַשׁ רַבִּי יְהוּדָה אַבְרֵךְ זֶה יוֹסֵף שֶׁהוּא אָב בַּחָכְמָה וְרַךְ בַּשָּׁנִים אָמַר לוֹ בֶּן דּוּרְמַסְקִית עַד מָתַי אַתָּה מְעַוֵּת עָלֵינוּ אֶת הַכְּתוּבִים אֵין אַבְרֵךְ אֶלָּא לָשׁוֹן בִּרְכַּיִם שֶׁהַכֹּל הָיוּ נִכְנָעִין לְפָנָיו וְיוֹצְאִין תַּחַת יָדוֹ כָּעִנְיָן שֶׁנֶּאֱמַר וְנָתוֹן אוֹתוֹ וְגוֹ'  

Traduction du Targoum : Le père [à savoir le conseiller] du roi. Le mot araméen רַךְ (ou latin rex, selon certaines éditions) veut dire « roi », comme dans « ni noble (רֵיכָא) ni fils de  noble » (Baba Batra 4a). Dans le midrach, rabi Yehouda applique le mot אַבְרֵךְ à Yossef en ce qu’il était אָב (« père ») en sagesse, et רַךְ (« tendre ») en années (Sifri Devarim 1). Sur quoi rabbi Yossé ben Dourmasqith lui a objecté : « Jusqu’à quand vas-tu détourner les textes de leur sens ? Le mot אַבְרֵךְ n’a pas d’autre signification que celle de « בִּרְכַּיִם » (birkayim), voulant dire ici que tous lui étaient soumis, comme indiqué à la fin du verset : « il fut installé dans tout le pays d’Egypte ».  

 

Le Midrash va expliquer ce mot de אַבְרֵךְ à propos de Joseph de la manière suivante. Il était אָב בַּחָכְמָה - père par la sagesse et רַךְ בַּשָּׁנִים   tendre par les années : jeune et pourtant sage.

 

Rappelez vous l’expression בֶן-זְקֻנִים il était « enfant de vieillesse » mais cela voulait dire « enfant de sagesse » dans la Parashah précédente.

On retrouve là ces deux identités en une si j’ose dire : d’un côté, il est אֲב parmi les אֲבוֹת. Mais de l’autre côté, il est בֵּנ parmi les בָּנִים

 

Quoiqu’il en soit, le chef des בְּנֵי יִשְׂרָאֵל n’est pas Joseph mais Yéhoudah. Mais Yossef va apparaitre comme presqu’à un cran supérieur à ses autres frères. Il a cette dimension qui fait partie des אֲבוֹת avant le temps des בָּנִים.

 

יהוֹסֵף 

Je termine là-dessus. Nous avons une fois dans un verset des Psaumes le nom de Yossef qui n’est pas écrit יוֹסֵף mais יהוֹסֵף avec un ה. Je résume un certain nombre d’enseignements à ce sujet. Il y a un stade de la royauté de Joseph qui précède celle de Judah. Mais elle a une fin. Le nom de יהוֹסֵף est dans ce Psaume lu à Rosh Hashana, et le jeudi matin dans la prière du matin: עֵדוּת בִּיהוֹסֵף שָׂמוֹ

יהוֹסֵף: On a ajouté la lettre ה au nom de יוֹסֵף. C’est relié d’ailleurs au fait de הָצַדִּיק  יֹסֵף. Mais יְהוּדָה va se révéler plus צַדִּיק que יוֹסֵף. Dans יהוֹסֵף, il y a le commencement du הֲוָיָה שֵׁם (י/ה/וֹ) mais il y a le mot "fin" (סּוּף).  י/ה/וֹ et au lieu du dernier ה il y a סּוּף.

Alors que dans le mot de יְהוּדָה se trouve les 4 lettres du nom de Dieu qui sont exprimées.  

 

En fait, par le procédé de la תמוּרָה la permutation des lettres, tous les noms des tribus sont des תמוּרוֹת du הֲוָיָה שֵׁם, des manières de dire le nom d’Israël. Alors il y a des manières différentes suivant la manière d’être Israël. Mais deux se dévoilent avec un privilège particulier c’est Joseph -  יוֹסֵףet Judah -  יְהוּדָה. יהוֹסֵף a quand même un terme, et ensuite apparait le stade de… C’est dire que dans l’histoire de la relation à l’histoire des empires il y a d’abord le stade Joseph. Et c’est le stade de la relation à l’exil. Ensuite apparait le stade avec Judah qui est le stade de la גֵאֻלָה.  

 

Q : identité Benyamin ?

R : Elle fait partie de l’histoire de Joseph mais elle annonce l’histoire de Judah. En fait c’est la fin de la גָלוּת et le commencement de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל puisque il nait sur la frontière.  

 

 

 

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