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MESSIANISME
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MICHPATIM - SÉRIE 1995

Le cours

 

(1995)  מִּשְׁפָּטִים

 

סִּינַי הַר מַעֲמָדֲ    

En hébreu מַעֲמָד dans le sens que cela a dans l’hébreu moderne => le fait de participer à un événement important. L’expression vient de la racine לַעֲמוֹד.

Le peuple s’est tenu debout au Sinaï, et d’ailleurs il y a là un double événement :

 

  • l’unité des בְּנֵי יִשְׂרָאֵל comme le dit le Midrash,

 

  • la révélation de Dieu à l’assemblée d’Israël parce qu’il y a eu cette unité.

 

Cf. le commentaire de Rashi sur le verset qui indique que le peuple s’est unifié au Sinaï. Il n’y a eu que de très rares moments d’unité du peuple dans l’histoire d’Israël. L’un d’entre eux a été le סִּינַי הַר מַעֲמָדֲ. Il y a donc deux dimensions à l’événement qui sont très proches et liées : la שְׁכִינָה se dévoile en Israël lorsqu’il y a unité en Israël. C’est un enseignement des Pirqey Avot au nom de Rabbi ’Haninah selon lequel la שְׁכִינָה se dévoile en Israël lorsqu’il y a unité en Israël. La שְׁכִינָה est toujours présente mais pas toujours dévoilée. Il y a une grande différence de réalité entre le fait qu’il y ait ou non dévoilement de la שְׁכִינָה.  

 

סִּינַי הַר מַעֲמָדֲ a été l’un de ces événements. J’ai l’habitude de dire que depuis la guerre des 6 jours que très probablement, cela a été le 2ème événement d’expérience d’unité du peuple d’Israël, comparable peut-être au סִּינַי הַר מַעֲמָדֲ.

 

Une גְּמָרָא du traité Sanhédrin indique que la  עָלִיָה de la גָלוּת en Israël, reliée en allusion à la עָלִיָה de Ezra, est comparable à la  עָלִיָהde Moshe au Sinaï.

 

Les deux versets sont :

Pour Ezra c’est « וְיַעַל » et pour Moïse c’est « וּמֹשֶׁה עָלָה, אֶל-הָאֱלֹהִים »

Et la גְּמָרָא établi une comparaison très précise : de même que la  עָלִיָה de Moshe est révélation de תּוֹרָה, de même la  עָלִיָה d’Ezra est aussi révélation de תּוֹרָה.

Il faut percevoir par soi-même dans ce type d’enseignement à quel point il faut le comprendre exactement dans la forme même dite en hébreu. 

 

Ce dont il faut se rappeler, c’est d’ailleurs le contexte de la גְּמָרָא dans laquelle c’est enseigné : c’est que la relation d’Ezra à la תּוֹרָה est identique d’après la גְּמָרָא à la relation de Moïse à la תּוֹרָה. La phrase de la גְּמָרָא est la suivante: Jacob était digne et apte que la תּוֹרָה soit révélée par son entremise et Ezra aussi était digne-apte à ce que la תּוֹרָה soit révélée par son entremise...

Et la גְּמָרָא explique : du temps de Jacob cela n’a pas été le cas parce que la génération ne l’a pas mérité. Et pour Ezra parce qu’elle avait déjà été révélée par l’entremise de Moïse.

 

J’explique cette notion dans l’expression de « הַדּוֹר זְכוּת» « mérite de la génération ». Israël est déjà une entité collective, c’est la famille de Jacob qui reçoit le nom d’Israël, et on attend la constitution d’Israël en tant que collectivité pour que la תּוֹרָה soit révélée. Or, comment la גְּמָרָא peut-elle dire que la génération n’a pas de mérite suffisant s’il s’agit des douze enfants de Jacob et leur père qui sont tous des צַדִּיקִים ? Cela nous fait comprendre que lorsque la גְּמָרָא emploie cette expression de « mérite de la génération » c’est une notion beaucoup plus large que seulement la génération du peuple d’Israël. C’est la génération de l’humanité de ce temps-là. Il y a une corrélation très importante entre Israël et l’humanité de son temps. Il y a une phrase de la sagesse rabbinique que je cite en paraphrase: « les Juifs ont les גּוֹיִם qu’ils méritent, et les גּוֹיִם ont les Juifs qu’ils méritent ». C’est une formule pleine d’enseignements.

 

En fait cela signifie que c’est la génération de l’universel humain au temps de Jacob qui n’était pas encore apte à ce que la תּוֹרָה soit révélée à travers Israël. Donc il y a un mérite particulier de la génération du temps de Moïse et non seulement dans la génération d’Israël lui-même.

 

C’est à relier à une question difficile : savoir pourquoi Pharaon et l’Egypte de ce temps-là occupent une telle place si importante dans le récit de la תּוֹרָה ? Ce temps de civilisation égyptienne d’où Israël est sorti n’est pas n’importe quel temps. Dans l’avenir on parlera du temps de la civilisation universelle, surtout focalisée en Europe, d’où la  עָלִיָה présente s’est réalisée. C’est un autre sujet.

 

Effectivement, il y a de rares moments dans l’histoire où l’on peut désigner une unité du peuple d’Israël. Lors de la guerre des 6 jours, il y a eu cette expérience d’unité exceptionnelle. 

 

Cela m’a fait penser à ce rapprochement effectué par la גְּמָרָא de Sanhédrin entre Moïse et Ezra. Ezra a reformulé l’enseignement de Moïse pour la génération qui commence le temps du 2ème  Temple du 2ème royaume de Juda.  On a l’habitude de citer le verset (Ps.121):

« מֵאַיִן יָבֹא עֶזְרִי » « D’où viendra mon secours ? »

 

La réponse c’est que le secours est venu d’Ezra !

C’est un temps où Israël et la תּוֹרָה était très séparée et grâce à Ezra au temps de la עָלִיָה, le peuple d’Israël s’est relié à la תּוֹרָה après la catastrophe de la destruction du 1er temple. J’espère avoir le temps de reprendre en partie ce problème dans le deuxième point.

 

Nous allons d’abord étudier un premier point sur un verset de la Parashah de מִּשְׁפָּטִים qui est un enseignement extrêmement important sur l’unité de toutes les parties de la תּוֹרָה.

 

Bien que cette révélation de l’ensemble de cette תּוֹרָה se distribue à travers tout le temps de la prophétie, aucun prophète n’a le droit de modifier une disposition de la תּוֹרָה sauf cas exceptionnel. Et nous avons les exemples de dispositions de la תּוֹרָה modifiées par un prophète mais c’est toujours provisoire.

 

La תּוֹרָה doit être donnée par les « חֲכְמֵי יִשְׂרָאֵל » et non par les « יִשְׂרָאֵל בִיאֵי ». Il y a le cas particulier de Moïse qui est à la fois le maître des חֲכָמִים et le maître de tous les נְבִיאִים.

Quoiqu’il en soit la תּוֹרָה est révélée à travers le temps de l’histoire, à travers le temps des חֲכָמִים, en particulier à l’époque où il y a eu prophétie. 

 

1er thème d’étude :

 

Sur l’unité de l’ensemble des parties de la תּוֹרָה.

On a tendance à définir « מִסִּינַי  תּוֹרָה » uniquement en relation avec les 10 commandements, mais nous allons voir une גְּמָרָא sur un verset de notre Parashah qui indique que l’ensemble des différents niveaux de la תּוֹרָה sont מִסִּינַי. C’est dans la page 5 de Massekhet Brakhot.

Sur le verset de מִּשְׁפָּטִים Chapitre 24, verset 12.

 

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה עֲלֵה אֵלַי הָהָרָה--וֶהְיֵה-שָׁם וְאֶתְּנָה לְךָ אֶת-לֻחֹת הָאֶבֶן וְהַתּוֹרָה וְהַמִּצְוָה אֲשֶׁר כָּתַבְתִּי לְהוֹרֹתָם

L'Éternel dit à Moïse: "Monte vers Moi, sur la montagne et y demeure: Je veux te donner les tables de pierre, la doctrine et les préceptes, que J'ai écrits pour leur instruction.

 

2ème point d’étude :

 

Le סִּינַי הַר מַעֲמָדֲ => Israël qui se constitue en unité dans l’événement du Sinaï qui comporte deux dimensions importantes : 

 

=> Le fait que la collectivité d’Israël représente déjà en préfiguration l’ensemble de l’humanité, et donc Dieu peut se révéler. A retenir la différence entre la présence de la שְׁכִינָה et la présence dévoilée de la שְׁכִינָה. Il y a des moments où les facteurs négatifs font que la שְׁכִינָה est occultée. Il y a aussi 2 niveaux de l’occultation. La שְׁכִינָה reste présente mais de façon cachée. Cela s’appelle « אַסְתַּרָה» et « אַסְתַּרָה בְּתּוֹךְ אַסְתַּרָה ». Il y a une occultation et il y a une occultation au 2nd degré : le fait que la תּוֹרָה soit occultée est lui-même occulté. On l’appendra à propos de Pourim avec le verset  « הַסְתֵּר אַסְתִּיר פָּנַי... cacher je cacherais ma face.. » et il y a à partir de ce verset l’expression « אַסְתַּרָה בְּתּוֹךְ אַסְתַּרָה »

 

Rav Na’hman de Braslav définit l’éloignement entre le Créateur et la créature par un 1er niveau où la créature est éloignée du Créateur en sachant qu’elle est éloignée du Créateur. Mais il y a un niveau beaucoup plus grave où la créature est éloignée sans le savoir...

 

Une analogie avec un exemple de la גְּמָרָא : lorsqu’un malade sait qu’il est malade on peut le soigner. Mais lorsqu’un malade ne sait même pas qu’il est malade on ne peut pas le soigner. Surtout lorsqu’il s’agit d’une maladie du נֶפֶשׁ.

 

Par rapport à l’exil : quelqu’un qui est en exil et qui le sait, et quelqu’un qui est en exil et qui ne le sait même pas. Alors c’est vraiment l’exil…

 

On étudiera à ce propos un verset qui se trouve 3 fois. Deux fois sous la même forme et une fois sous la forme un peu plus ample : lorsque le peuple Israël au סִּינַי הַר מַעֲמָדֲ a dit : « tout ce que Dieu dira nous le ferons ».

« כֹּל אֲשֶׁר-דִּבֶּר יְהוָה נַעֲשֶׂה» que l’ont trouve une fois en יִתְרוֹ et une fois en מִּשְׁפָּטִים

et la 3ème fois dans מִּשְׁפָּטִים sous la forme : « כֹּל אֲשֶׁר-דִּבֶּר יְהוָה נַעֲשֶׂה וְנִשְׁמָע. »

 

 

***

1er thème d’étude : מִּשְׁפָּטִים Chapitre 24, verset 12

 

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה עֲלֵה אֵלַי הָהָרָה--וֶהְיֵה-שָׁם וְאֶתְּנָה לְךָ אֶת-לֻחֹת הָאֶבֶן וְהַתּוֹרָה וְהַמִּצְוָה אֲשֶׁר כָּתַבְתִּי לְהוֹרֹתָם

 

L'Éternel dit à Moïse: "Monte vers moi, sur la montagne et y demeure: je veux te donner les tables de pierre, la doctrine et les préceptes, que j'ai écrits pour leur instruction

 

Brakhot 5 :

 

Je commence par les premières phrases qui concernent le déroulement des étapes du raisonnement.

De l’extérieur on considère le Talmud comme la somme d’enseignements par associations d’idées.

Mais il y a dans le Talmud une organisation de l’enseignement d’une rigueur absolue d’un sujet à l’autre.

 

On commence par un enseignement à propos du שְׁמַע קרִיאָת du soir. Ce que je vais dire là est très succinct, il ne faut pas croire qu’il s’agit du fond de l’étude même en première lecture même en première approximation, de ce texte.

On dit le שְׁמַע קרִיאָת – proclamation de l’unité de Dieu le soir et le matin, d’après le verset qui dit : « וְדִבַּרְתָּ בָּם et tu en parleras  (de ces paroles יִשְׂרָאֵל יְהוָה אֱלֹהֵינוּ יְהוָה אֶחָד שְׁמַע ) וּבְשָׁכְבְּךָ  en te couchant וּבְקוּמֶךָ et en te levant...

 

On établit dans  un autre texte que « en te couchant » ne signifie pas le moment variable où chacun va dormir mais cela signifie le moment où on a l’habitude de se coucher le soir : on cherche la règle objective pour la communauté. Celui qui va se coucher au milieu de la journée ne va pas lire le שְׁמַע קרִיאָת en te couchant bien que ce soit écrit : בְשָׁכְבְּךָ.

בְשָׁכְבְּךָ en te couchant c’est le temps où on a l’habitude de se coucher. On apprend ici un דֶּרֶךְ אֶרֶץ important : il devrait être normal de s’endormir au moment du coucher du soleil après avoir accompli les מִצוֹת de ce temps-là. Mais aujourd’hui nous vivons une vie artificielle parce que la différence entre le jour et la nuit est masquée par la lumière électrique.

 

A propos du שְׁמַע קרִיאָת du soir on va apprendre qu’il y a deux שְׁמַע קרִיאָת du soir différents.

Il y a d’ailleurs 2 שְׁמַע קרִיאָת du matin différents. Il y a un 1er שְׁמַע קרִיאָת qui est בְעַרְבִית que l’on dit avant la עֲמִידָה de la תְּפִלָּה de עַרְבִית. C’est ce שְׁמַע קרִיאָת qui réalise le commandement du verset « à ton lever et à ton coucher.. » Il y a une 2ème שְׁמַע קרִיאָת que l’on réalise que l’on appelle עָל הַמִיטָה: le שְׁמַע קרִיאָת que l’on dit au moment de s’endormir.

 

[Lorsqu’on fait une מִצְוָה on ne sait pas toujours à quel verset on la rattache. Et d’ailleurs il y a une controverse dès le début du Talmud pour savoir quel est le verset qui nous demande de dire le שְׁמַע קרִיאָת. Il y a un 1er enseignement qui est apparemment celui de la Halakha (la controverse n’est pas close à ce jour): C’est ce verset de וּבְשָׁכְבְּךָ וּבְקוּמֶךָ qui institue le שְׁמַע קרִיאָת. Il y a un 2ème enseignement qui désigne comme fondement de la מִצְוָה du שְׁמַע קרִיאָת: וַיְהִי-עֶרֶב וַיְהִי-בֹקֶר, יוֹם אֶחָד. 

 

Ne croyez pas que la discussion est infantile, c’est une מַחְלֹקֶת extrêmement importante. Mais je ne veux pas y entrer.]

 

Rabbi Yehoshouah ben Lévi enseigne : bien que l’homme ait déjà dit le שְׁמַע קרִיאָת de la synagogue [du בֵּית כְּנֶסֶת de la prière de עַרְבִית] c’est une מִצְוָה de le dire sur son lit.

 

La  מִצְוָה ici n’a pas le sens de commandement de la תּוֹרָה, mais c’est le 2ème sens de bonne action – une vertu - lorsqu’on emploie le mot de מִצְוָה à la place de מַעֲשִׂים טוֹבִים, mais cela n’a pas le 1er sens de la מִצְוָה qui est la חוֹבָה obligation de réaliser un certain devoir.    

 

Cela veut dire que bien qu’on ait réalisé son devoir et accomplit la מִצְוָה du שְׁמַע קרִיאָת au בֵּית כְּנֶסֶת c’est une מִצְוָה de le lire sur le lit.

 

Rabbi Yossei demande quel est le verset qui fonde cela ?

Verset des Psaumes : " רִגְזוּ, וְאַל-תֶּחֱטָאוּ: אִמְרוּ בִלְבַבְכֶם, עַל-מִשְׁכַּבְכֶם; וְדֹמּוּ סֶלָה " : «mettez-vous en colère  ne fautez pas - parlez en votre cœur, sur vos couches et restez en silence, Selah »

 

C’est un verset des Psaumes (תְּהִלִּים 4:5) très difficile à traduire. Certains traducteurs des Psaumes traduisent סֶלָה par « Pause » Avec le temps on oublie ce que cela signifie : c’était les Lévites qui chantaient les Psaumes : entre les strophes de chaque Psaume, il y avait des pauses où les Lévites jouaient des instruments de musiques sans chanter. Il y a un mot araméen qui se rapproche du mot סֶלָה, c’est סֶלָוֹתִים. En arabe Slah pour dire la prière. Pour dire que c’est une pause pour la prière silencieuse. Mais dans tous les cas le verset est difficile à comprendre.  

 

Rav Nachman : Mais si c’est un חֲכָם תַּלְמִיד, cette מִצְוָה du עָל הַמִיטָה שְׁמַע קרִיאָת n’est pas nécessaire.

 

Il faut comprendre d’après le sens de cette מִצְוָה: affirmer que Dieu est Un. Or la תּוֹרָה demande que l’on affirme que Dieu est Un dans les moments de passage d’un monde à l’autre où il y a danger de Shtei Réshouyot – danger de penser à deux absolus à deux souverainetés dans le monde. Le dualisme. Pour nous civilisés, très dilués, on ne se rend pas compte que le monde du jour et le monde de la nuit n’ont rien à voir. Il n’y a que les enfants qui le savent encore. C’est pourquoi les enfants ont peur de la nuit. Sachez que c’est normal. La même גְּמָרָא dit que si l’œil était capable de voir on serait terrifié de ce qu’on voit. Et les enfants sans le voir le pressentent.

 

Un חֲכָם תַּלְמִיד n’a pas ce danger-là, il vit dans la certitude permanente de l’unité de Dieu. C’est la différence avec un « הַאָרֶץ עַם » le חֲכָם תַּלְמִיד n’est pas en danger à ce niveau-là.  

Ce danger du dualisme ne l’affecte pas : C’est cela un חֲכָם תַּלְמִיד: il sait de qui il parle lorsqu’il parle du Dieu Un. Parce qu’il est le תַּלְמִיד d’un חֲכָם, lequel תַּלְמִיד est le תַּלְמִיד d’un חֲכָם... jusqu’à Moshe Rabbénou. Il faut bien comprendre que ce n’est pas seulement une question de modestie dans la politesse juive : les חֲכָמִים ne s’appellent pas חֲכָמִים sauf quand ils ne le sont pas, ils s’appellent חֲכָמִים תַּלְמִידֵי. Un vrai חֲכָם est le תַּלְמִיד d’un חֲכָם.

 

Tout de suite la גְּמָרָא objecte :

Abayé enseigne : même un חֲכָם תַּלְמִיד a besoin de formuler un verset de prière. Comme par exemple : « - C’est dans ta main que je confie mon esprit, Tu m’as délivré הַשֵּׁם Dieu de vérité »

 

C’est d’ailleurs le verset que l’on dit au moment du שְׁמַע קרִיאָת pour un agonisant.

 

  1. Yitzchak: Le שְׁמַע קרִיאָת est comme une épée à double tranchant pour les מָזִיקִים les dangers de la nuit.  

 

Mais distinguer les deux choses : Ce n’est pas pour la raison précédente de מִצְוָה - לִקרוֹתוֹ מִיטַתוֹ עָל - de le lire sur le lit parce, qu’il est חֲכָם תַּלְמִיד, cela ne le concerne pas. Mais d’autre part, parce qu’il est חֲכָם תַּלְמִיד il est vulnérable aux dangers des מָזִיקִים, des dommages.

 

Le principe est le suivant : plus quelqu’un est évolué dans la vie spirituelle  plus il est vulnérable aux dangers de la vie spirituelle. C’est-à-dire, en schématisant beaucoup, à la folie. Il y a énormément de liturgies, qu’on apprend du Roi David  d’ailleurs, de protections contre ces dangers d’atteintes à la vie de l’esprit. Plus un être est évolué, plus il est sensible aux atteintes de l’impureté.

C’est tout à fait le contraire de ce qu’on voit chez les philosophes ou chez les Chrétiens : tout est pur pour les purs. Pour la תּוֹרָה c’est l’inverse : tout est impur pour les purs. La règle est très simple. En biologie, le problème est très compliqué puisque des êtres monocellulaires sont aussi vulnérables au danger mais plus un organisme est évolué et plus il est vulnérable à la maladie.

 

Si déjà on a cité cet enseignement de « c’est dans ta main que je confie mon esprit », on va citer un enseignement de Rabbi Yehoushouah Ben Lévi sur le 1er verset cité « רִגְזוּ mettez vous en colère וְאַל-תֶּחֱטָאוּ ne fautez pas, parlez en votre cœur, sur vos couches et restez en silence סֶלָה»

 

Rabbi Yehoushouah Ben Lévi enseigne au nom de Reish Laqish : «dans tous les cas l’homme doit mettre en colère son הַטוֹב  יֵצֶר contre son הַרַע יֵצֶר, puisqu’il est dit : רִגְזוּ, וְאַל-תֶּחֱטָאוּ « mettez vous en colère et ne péchez pas »

 

Il y a une contradiction apparente dans le verset « Mettez-vous en colère et ne fautez pas » puisque se mettre en colère c’est un péché ! La seule lecture possible sans que ce soit un péché c’est d’exciter le הַטוֹב  יֵצֶר contre le הַרַע יֵצֶר. La תּוֹרָה n’aime pas les velléitaires. Il y a une grande différence entre la volonté et la velléité.

 

Il y a deux יֵצַרִים, le penchant au bien et le penchant au mal, et nous sommes constitués de ces 2 penchants. C’est un thème du monothéisme hébreu extrêmement important. Il y a 4 doctrines par rapport à ce sujet. La difficulté c’est de comprendre qui nous a donné ce penchant au mal.  

 

  • Les uns disent le penchant au bien vient de Dieu mais le penchant au mal vient du Satan,

 

  • Pour d’autres encore, les deux penchants nous viennent de l’extérieur ils ne sont pas innés c’est « adventis», c’est ajouté, à la nature humaine. Cela vient de la société. Rousseau...

 

  • Une 3ème thèse : Nous avons été créés intentionnellement avec les deux penchants, constitutifs de notre personne, nous sommes devant une impasse. Les 2 plateaux de la balance sont constamment en équilibre. Il y a autant de force en moi pour le bien qu’il y a de forces en moi pour le mal. Donc résoudre le problème moral ne peut se faire une fois pour toute. C’est constamment qu’il faut faire triompher le penchant au bien contre le penchant au mal. C’est ce que dit la גְּמָרָא: לְעוֹלָם à jamais, dans tous les cas, constamment. Donc la seule manière de résoudre le problème moral au niveau de la bonne volonté c’est d’ajouter un poids dans le plateau du bien de la balance qu’on aura pris dans le plateau du mal. Cela s’appelle la sublimation des tendances. On fait servir au bien une force, une pulsion, qui laissée à sa nature propre servirait au mal. Voilà ce que dit le 1er

 

Retenons le raisonnement : le seul niveau où se mettre en colère n’est pas une faute c’est quand c’est une véhémence qui a pour objet de faire triompher le bien.

 

1-S’il l’a vaincu c’est très bien, sinon qu’il s’occupe de תּוֹרָה – "  אִמְרוּ בִלְבַבְכֶם"; 

 

L’enseignement est difficile, comme si la תּוֹרָה ne venait qu’en second lieu comme une espèce de palliatif à quelque chose qui a manqué. La bonne volonté devrait suffire sinon on s’aide de la תּוֹרָה. Cela semble bizarre que la תּוֹרָה s’exprime ainsi. Mais cela est justifié par rapport au verset : « parlez en votre cœur » Là c’est une définition de l’étude. אִמְרוּ בִלְבַבְכֶם.

 

2- S’il l’a vaincu, c’est bien, sinon qu’il lise le שְׁמַע קרִיאָת - "  עַל-מִשְׁכַּבְכֶם";

 

Cela devient encore plus mystérieux ! Si la תּוֹרָה n’a pas suffit, il faut dire le שְׁמַע קרִיאָת!

 

3- S’il l’a vaincu c’est bien sinon qu’il se rappelle pour lui qu’il y a un jour de la mort.

"  וְדֹמּוּ סֶלָה"           

Pourquoi ne pas commencer par là ? Si on cherche les forces qui nous permettent de résoudre le problème moral - faire triompher l’instinct du bien sur l’instinct du mal - pourquoi ai-je besoin de toutes ces étapes ? Je n’ai qu’à avoir conscience que je suis mortel et j’aurais peur de la mort et de ce qu’il y a après et je me conduirais bien... Pourquoi passer par ces étapes ?

En réalité la גְּמָרָא fait ici allusion à 4 types d’énergies ou de forces qui sont nécessaires pour que le problème moral soit résolu :

 

  La bonne volonté,

  La connaissance du bien et du mal,  

  L’unité de la transcendance de Dieu sur la dualité bien et mal,

  La destinée personnelle.

 

Ces 4 forces sont nécessaires pour me donner la force de faire triompher le bien sur le mal.

 

Si cela ne réussit pas, dans l’ordre ce qui a manqué, le facteur important dans l’ordre des vertus c’est la bonne volonté. C’est donc la première qu’il faut mettre en évidence. Si malgré la bonne volonté il y a eu échec, c’est qu’il a manqué la connaissance... etc.

 

Très souvent une conscience échoue dans le problème moral non pas par manque de bonne volonté mais parce qu’on ne sait pas comment décider. On voudrait bien décider le bien mais on ne sait pas où est le bien.

 

La difficulté du problème moral n’est pas tellement de choisir entre le bien et le mal. Lorsque je vois avec évidence où est le bien et où est le mal, la bonne volonté c’est de choisir évidemment le bien que je vois avec évidence. La difficulté du problème moral c’est le cas de conscience. Pas tellement le choix entre le bien et le mal, mais le choix entre 2 biens, différents et incompatibles. C’est ce qu’on appelle le cas de conscience. Par conséquent, pour pouvoir résoudre les cas de conscience il faut une sagesse qui s’appelle étymologiquement la casuistique, « l’étude des cas ». Ce mot est devenu péjoratif en Occident, mais tout le שׁוּלחָן עָרוּךְ, c’est l’étude des cas de conscience. Lorsque j’ai deux devoirs en compétition, lequel des deux choisir ?

 

Vous voyez que c’est le drame de la Knesset. Un dialogue de sourd : chacun parle d’une chose différente sans comprendre qu’il faut trouver la solution qui résout les deux nécessités à la fois.

 

Le drame de l’homme de bonne volonté, c’est quand il lui manque la connaissance.

Par conséquent, si malgré la bonne volonté il y a échec, de quoi faut-il s’occuper ? De תּוֹרָה !

C’est qu’on n’a pas appris suffisamment de תּוֹרָה …

 

Et si on s’est occupé de תּוֹרָה (c’est-à-dire savoir distinguer entre le bien et le mal) et malgré cette connaissance, cela mène au renoncement à l’effort moral, quel est alors le remède ?

C’est ce qui est indiqué par le שְׁמַע קרִיאָת: savoir que Dieu est Un.   

 

Le mal et le bien sont tellement différents que l’étude de la תּוֹרָה qui montre avec évidence que dans la réalité il y a deux côtés incompatibles que cela renvoie aux Shtéi Reshouyiot : combien y a-t-il d’absolus qui gouvernent le monde ? Au minimum deux ! Parce que le bien et le mal n’ont rien à voir, c’est tellement différent le jour et la nuit qu’au moment du crépuscule je me demande : combien y a-t-il de dieux ? Je me le demande de deux manières : le soir et le matin ce n’est pas le même crépuscule.

 

Cela est étudié surtout dans la קַבָּלָה : le fait d’étudier la תּוֹרָה sans dire les שְׁמַע קרִיאָת cela mène à l’échec de la bonne volonté, et à travers même la connaissance. Et ceux qui ont plus de connaissance, s’ils n’ont pas cette foi de l’unité de Dieu au-delà du bien et du mal, échouent.

 

1-      la force de la bonne volonté

2-      la connaissance

3-      la foi en l’unité de Dieu (la foi monothéiste est la foi la plus invraisemblable à la  raison humaine).

 

Il y a un danger de celui qui n’est pas capable de bonne volonté. C’est le דֶּרֶךְ אֶרֶץ: L’exercice de la morale avant de s’occuper de la loi qui donne ce רוֹגְּז dont on parle ici...

 

[Je suis en train de penser à un verset important lorsque Joseph a envoyé ses frères chez Jacob en leur disant : « c’est moi Joseph je suis vivant venez me rejoindre… », il leur donne comme consigne : אַל-תִּרְגְּזוּ בַּדָּרֶךְ: ne vous mettez pas en colère sur le chemin. Rashi explique : ne vous occupez pas de Halakha sur le chemin. Explication : l’étude du cas Joseph au niveau de la Halakha conduira de nouveau à le condamner à mort et cela risque d’être la division totale entre tous les frères à cause de ce cas.]

 

On a vu déjà 3 niveaux : La bonne volonté, la connaissance, la foi.

Vous voyez que dans l’ordre des valeurs, la foi est au-dessus de la connaissance. La connaissance ne mène pas forcément au monothéisme. Surtout, la connaissance éthique que le mal ce n’est pas le bien et le bien ce n’est pas le mal, n’a jamais mené au monothéisme mais a toujours mené à l’athéisme.   

 

[Il suffit de voir Spinoza. C’est pire que de l’athéisme d’ailleurs. L’œuvre majeure de Spinoza c’est l’Ethique. Aucun historien de la philosophie n’a jamais résolu l’énigme Spinoza : il reprend les catégories de Descartes en affirmant en tant que d’origine juive un acte de foi qui fait prendre pour une évidence de la raison  que la pensée et l’étendue sont deux modalités de la même substance alors que pour Descartes ce sont deux substances différentes. Descartes est dualiste]

 

C’est donc l’éthique qui risque de mener à l’échec de la morale.

Observez bien : tout ceux qui parlent d’ « éthique » sont en dehors de la morale. Surtout au niveau de l’éthique médicale. On s’est emparé d’un mot qui veut dire le contraire de ce qu’on fait semblant qu’il veut dire. L’éthique est une philosophie d’une morale inapplicable. C’est la perception grecque du problème du bien et du mal. Je referme la parenthèse.

 

On a eu toutes ces forces-là et même le שְׁמַע קרִיאָת de la nuit et cela peut échouer…

Alors on dit :  

Qu’il se rappelle le jour de la mort, puisqu’il est dit « וְדֹמּוּ סֶלָה »

 

Rashi : le jour du silence, c’est le jour de la mort qui est un silence éternel, (jusqu’à la résurrection)

Une seule différence entre un vivant et un mort : le mort ne parle pas. Pour tout le reste aucune différence. C’est pourquoi c’est une grande vertu de citer le défunt parce qu’on fait « murmurer les lèvres de ceux qui dorment ».

 

On pourrait se demander, il y a :

 

1-      la force de la bonne volonté

2-      la connaissance

3-      la foi en l’unité de Dieu…

 

Mais que puis-je moi faire pour cela au-delà du bien et du mal ? Il n’y a que Dieu qui peut faire cela ! Alors la fin du verset ajoute : Il y aura le jour de ton jugement, c’est ta destinée qui est en jeu.

 

4-      la responsabilité personnelle.

 

Il y a une גְּמָרָא dans Kiddoushin : toujours se considérer comme moitié méritant et moitié déméritant. Cela ne vaut pas seulement pour le צַדִּיק lui-même et sa destinée mais cela vaut pour le monde entier. Chaque geste d’un צַדִּיק peut faire basculer pour le monde entier d’un côté ou de l’autre.

 

Vous avez dû remarquer pour ceux qui sont déjà arrive à l’âge de la maturité : Il y a une première période de la vie  où l’on est à l’abri de quelque chose, on ne pense pas au bilan à faire entre les mérites et démérites. A un certain stade de la vie on s’aperçoit qu’on n’est à l’abri de rien du tout et que chaque acte peut faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Parfois on ne se rend pas compte qu’un acte anodin peut avoir des conséquences considérables qui n’ont aucun rapport avec l’acte lui-même. Et pour soi-même, pour l’entourage et le monde entier.

 

C’est l’expérience de la sagesse qui le montre : il y a une solidarité totale de tous les individus sur la planète. Et en fin de compte, le sort du monde dépend de la décision de chacun à chaque moment.

 

C’est une גְּמָרָא de Kiddoushin

 

C’est cette expression concernant la תּוֹרָה Yaassof  baTorah : cela nous amène au verset que nous allons étudier sur un enseignement de Rabbi Shimon Ben Laqish. On verra que ce n’est pas par association d’idée qu’on est passé du verset de Rabbi Yehoshouah Ben Lévi  à l’enseignement de Rabbi Shimon Ben Laqish sur un mot du verset. Et à un autre enseignement de Rabbi Shimon Ben Laqish sur un mot du verset.

 

מִּשְׁפָּטִים Chapitre 24, verset 12 :

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה עֲלֵה אֵלַי הָהָרָה--וֶהְיֵה-שָׁם וְאֶתְּנָה לְךָ אֶת-לֻחֹת הָאֶבֶן וְהַתּוֹרָה וְהַמִּצְוָה, אֲשֶׁר כָּתַבְתִּי לְהוֹרֹתָם

Et הַשֵּׁם dit à Moïse Monte vers Moi en direction de la montagne Et sois-là-bas et Je te donnerai les tables de pierre  et la תּוֹרָה et la מִצְוָה que j’ai écrites pour leur enseigner

 

Rashi : sois là-bas le temps que Je te transmettrais toute la תּוֹרָה que j’ai à te transmettre pour Israël. Et on apprend par la suite qu’il s’agit de 40 jours donc Rashi dit : Et sois là-bas pendant 40 jours.

 

Le sujet de la fin du verset n’est pas Dieu mais Moïse : pour que tu leur enseignes.

Cf. l’accent disjonctif sous אֲשֶׁר כָּתַבְתִּי.

Il peut y avoir les deux lectures d’ailleurs, mais d’après les commentaires que j’ai étudiés c’est לְהוֹרֹתָם pour que tu leur enseignes.

 

Enseignement de la גְּמָרָא sur ce verset qui porte sur le mot de תּוֹרָה.

 

Rabbi Shimon Ben Laqish  enseigne : que signifie pourquoi est-il écrit :

וְאֶתְּנָה לְךָ אֶת-לֻחֹת הָאֶבֶן וְהַתּוֹרָה וְהַמִּצְוָה, אֲשֶׁר כָּתַבְתִּי לְהוֹרֹתָם ? לֻחֹת  - Les tables ce sont les 10 commandements.  הַתּוֹרָה c’est le מִקְרָא - le חוּמָש ie. le texte de la תּוֹרָה parce que c’est une מִּצְוָה de lire la תּוֹרָהוְהַמִּצְוָה c’est la מִשְׁנָה.

 

Or, jusque-là on croyait que la תּוֹרָה c’est la מִּצְוָה et que la מִּצְוָה c’est la תּוֹרָה. Non, la גְּמָרָא vient nous dire « La תּוֹרָה c’est le מִקְרָא» et la מִּצְוָה c’est la מִשְׁנָה. »

 

אֲשֶׁר כָּתַבְתִּי–- c’est les texte des Prophètes et des Hagiographes dans le מִקְרָא, / לְהוֹרֹתָם– c’est la גְּמָרָא  et le Talmud, cela nous apprend que toutes ont été donnée à Moïse à partir du Sinaï.

 

Voici le sujet de ce texte :

Tout l’ensemble c’est מִסִּינַי  תּוֹרָה.  Cf. Rashi sur le 1er verset de notre Parashah.

וְאֵלֶּה הַמִּשְׁפָּטִים אֲשֶׁר תָּשִׂים לִפְנֵיהֶם

Et voici les principes de modèles de jurisprudence que tu placeras devant eux

 

Rashi : וְאֵלֶּה הַמִּשְׁפָּטִים

כָּל מָקוֹם שֶׁנֶּאֱמַר אֵלֶּה פָּסַל אֶת הָרִאשׁוֹנִים וְאֵלֶּה מוֹסִיף עַל הָרִאשׁוֹנִים מַה הָרִאשׁוֹנִים מִסִּינַי אַף אֵלּוּ מִסִינַי

Et celles-ci sont les ordonnances Partout où il est écrit : אֵלֶּה (« ceux-ci sont »), le texte implique une rupture avec ce qui précède. Et lorsqu’il est écrit : וְאֵלֶּה  (« et ceux-ci sont »), il implique un ajout à ce qui précède. De même que ce qui précède a été proclamé au Sinaï, de même « celles-ci » ont-elles été proclamées au Sinaï… (Chemoth rabbah).

 

Le termeוְאֵלֶּה  relie ce qu’on va lire à ce qui va précéder

Le termeאֵלֶּה  sépare ce qui précède de ce qui va suivre.

 

וְאֵלֶּה: les principe qui vont suivre sont de même nature que les précédents.

Rashi cite la Me’hiltah : אֵלֶּה  disqualifie ce qui s’est passé avant, tandis que וְאֵלֶּה  ajoute à ce qui avait précédé. Il donne comme exemple : la 1ère fois qu’il y avait אֵלֶּה  dans le récit de la תּוֹרָה : אֵלֶּה תוֹלְדוֹת הַשָּׁמַיִם וְהָאָרֶץ, c’est après les 6 jours du commencement. Cela renvoie à la préhistoire, le תֹהוּ וָבֹהוּ du commencement qui est en cours d’organisation et qui est remplacé par l’histoire du  monde déjà organisé. Le passage entre בְּרֵאשִׁית מַעֲשֵׂה et תוֹלְדוֹת הַשָּׁמַיִם וְהָאָרֶץ, בְּהִבָּרְאָם, au verset 4 du chapitre 2.

 

Il y a là un problème très important : énormément de gens accordent respect aux principes des dix commandements et considèrent les autres מִצוֹת d’un autre niveau. Cette גְּמָרָא remet en évidence que c’est tout un ensemble. On le lit dans le verset :  

 

24:12

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה, עֲלֵה אֵלַי הָהָרָה--וֶהְיֵה-שָׁם; וְאֶתְּנָה לְךָ אֶת-לֻחֹת הָאֶבֶן, וְהַתּוֹרָה וְהַמִּצְוָה, אֲשֶׁר כָּתַבְתִּי, לְהוֹרֹתָם

Et Je te donnerai les tables de pierre  et la תּוֹרָה et la מִּצְוָה que j’ai écrites pour leur enseigner

 

Toutes ces définitions supplémentaires sont de trop puisqu’il s’agit des tables de pierre ! Cela veut dire qu’en même temps que les 10 commandements écrit sur les tables de pierre, pendant ces 40 jours, Moïse s’est initié à l’ensemble de la תּוֹרָה.  

 

Je reviens sur ces définitions :

וְאֶתְּנָה לְךָ אֶת-לֻחֹת הָאֶבֶן => les 10 commandements

וְהַתּוֹרָה => le מִקְרָא

וְהַמִּצְוָה => la מִשְׁנָה.

אֲשֶׁר כָּתַבְתִּי => le reste du תַּנַ"ךְ: נְבִיאִים et כְּתוּבִים

 לְהוֹרֹתָם. => le תּלָמוּד.

 

Vous reprendrez le raisonnement en détail.

La question du point de vue de la méthode de l’étude c’est de savoir pourquoi la גְּמָרָא nous a cité ce 2ème enseignement de Reish  Laqish après le 1er ? La réponse est très importante :

 

C’est pour nous expliquer le sens du mot « תּוֹרָה » dans la Baraïtah précédente qui dit :

« Et s’il n’a pas réussi après la bonne volonté, qu’il s’occupe de תּוֹרָה ... »

 

La גְּמָרָא veut dire : lorsque tu dis « תּוֹרָה » de quoi veux tu parler ? On l’apprend de l’enseignement de ce même Rav d’après un autre verset, où l’on voit que « תּוֹרָה » doit avoir un autre sens que « מִצְוָה » puisqu’il y a mentionné « תּוֹרָה » et « מִצְוָה » séparément.

 

Je vais donc expliquer ce qu’est ce terme « מִקְרָא » :

מִקְרָא c’est le texte de la תּוֹרָה. Le מִקְרָא c’est le texte de ce récit qui nous raconte que Dieu a donné à Moïse telle ou telle מִצְוָה... Mais ces מִצוֹת ne peuvent être étudiées d’après le récit, il faut les étudier dans le Talmud.

 

Un exemple simple que j’ai l’habitude de citer à ce propos : Il y a un verset qui est une מִצְוָה:

« וְאָהַבְתָּ לְרֵעֲךָ כָּמוֹךָ... Tu aimeras ton prochain comme toi-même... »

Dans la lecture de la תּוֹרָה on apprend que Dieu a dit à Moïse de transmettre cette מִצְוָה importante aux בְּנֵי יִשְׂרָאֵל. Mais comment se réalise-t-elle ? D’après ce récit on ne le sait pas ! Où va-t-on l’apprendre ? Dans le Talmud et sa casuistique ! Pour savoir dans chaque cas comment cela s’applique... !

 

Cela veut dire que les versets qui nous donnent les מִצוֹת font partie du מִקְרָא, mais les מִצוֹת elles-mêmes s’étudient dans le תּלָמוּד.

 

Or, cette מִצְוָה dont parle Rashi « she Mitsvah liqro baTorah - c’est une מִצְוָה de lire la תּוֹרָה » n’est pas la מִצְוָה de l’étude de תּוֹרָה. La מִצְוָה de תּלָמוּד תּוֹרָה c’est dans le תּלָמוּד. La מִצְוָה de lire la תּוֹרָה s’est perdue avec le temps.   

 

Dans le temps contemporain, c’est le Maharal de Prague qui a réinstitué l’étude du מִקְרָא qui s’était perdue avec le temps, je parle surtout dans le judaïsme européen. Parce que chez les Sefardim c’était différent.

 

[J’ouvre une petite parenthèse. Le phénomène Yeshivah dans le monde ashkénaze est très récent. Dans le monde séfarade on l’appelait la Metiftah – mot araméen pour dire Yeshivah. Or, la Métiftah c’était l’école des élèves du Dayan pour se former à être Dayan. A part cela, il y avait le תּלָמוּד תּוֹרָה. Or, dans le monde ashkénazi, il y a eu dans les derniers siècles une poussée démographique énorme, et les rabbins devant le problème d’école juive ont transformé la Yeshivah en école juive. Alors que c’était à l’origine pour les דַּיָּנִים. Cela montre la différence de ces deux judaïsmes : les Ashkénazim fonctionnent comme Juifs comme si c’étaient des דַּיָּנִים, alors que chez les Sefardim, תּלָמוּד תּוֹרָה et Métiftah sont différents. Cela provient d’un phénomène socio-historique très important. Ce n’est que dans les siècles récents, il y a des raisons historiques très connues, l’un d’entre elles c’est le fait que la civilisation est passé en Europe et donc que le monde juif d’Europe s’est développé beaucoup plus que le monde juif de l’islam qui est rentré en sommeil. Et puis le fait qu’il y ait eu à cette époque énormément d’épidémies et de maladies dans les communautés séfarades du monde de l’islam. Jusqu’à il y a 300 ans il y avait plus de Sefardim que d’Ashkénazim.

 

Depuis trois siècles à peu près, cela s’inverse considérablement. Il y a plus d’Ashkénazim dans le monde que de Sefardim. En Israël c’est moitié-moitié. Ce qui explique nombres de différences entre ces communautés et en particulier l’école juive. C’est la méthode de formation des juges qui est devenu le תּלָמוּד- תּוֹרָה. Alors que le תּלָמוּד תּוֹרָה c’est l’étude de la תּוֹרָה, c’est à dire du מִקְרָא. Alors que l’étude de la מִצְוָה se fait dans la גְּמָרָא pour former les דַּיָּנִים. Les דַּיָּנִים qui savent lire et interpréter le שׁוּלחָן עָרוּך pour les Juifs. On comprend les implications de ces différences de ces deux mondes dès aujourd’hui dans le phénomène des Yeshivot. Il est bien évident qu’il y a une éclipse totale de la סִיטָה Séfardite et que c’est la סִיטָה Askhénazite qui a prédominé. Il en résulte une mentalité du juif חֲרֵדִי qui est comme s’il était un דַּיָּנ, préoccupé de problèmes de דַּיָּנִים d’ailleurs. Dans le monde חֲרֵדִי l’éclatement de l’unité se fait sur des problèmes de Halakha, sur des problèmes de juges. Le phénomène des sectes c’est le phénomène de jurisprudences différentes qui induisent des types de Juifs différents. C’est le Maharal dans le monde ashkénaze qui a réinstitué la Parashat Hashavouah.

Cela commence par là ! Il dit lui-même dans un des chapitres de Derekh ’Hayim que c’est en connaissant la Yeshivah Séfardite d’Amsterdam qu’il s’est rendu compte qu’il fallait d’abord apprendre le מִקְרָא et ensuite, la Mishna.

Une blague à ce sujet dans le monde des Yeshivot : si on demande à un Barour Yeshivah où est écrit « בְּרֵאשִׁית, בָּרָא אֱלֹהִים» ? Il répond Brakhot chapitre 12 !]

 

On revient à l’enseignement précédent.

Cela va nous éclairer sur ce que Rabbi Shimon ben Laqish avait dit en disant : Yaassof  baTorah.

C’est le 2ème Rabbi Yehoshouah ben Levi qui explique ce que le 1er voulait dire.

Or quel était notre problème ? Il avait la bonne volonté mais pas la connaissance, alors il a échoué !

Et bien qu’il apprenne תּוֹרָה, et cela va l’aider ! Et la première lecture c’est la casuistique : savoir où est le bien et où est le mal, dans le שׁוּלחָן עָרוּךְ !

On s’aperçoit que ce n’est pas du tout cela : il s’agit d’étudier le מִקְרָא !

 

Quelle différence entre ces deux מִצוֹת?

  La מִצְוָה du תּלָמוּד תּוֹרָה en tant qu’étude de la loi dans le תּלָמוּד, la גְּמָרָא.

  La מִצְוָה de lire la תּוֹרָה.

 

Un de mes maîtres, le Rav Shneerson, cousin du Rabbi de Loubavitch, m’avait dit un jour: « celui qui ne connait pas la קַבָּלָה ce n’est pas un homme, mais celui qui ne connait pas la גְּמָרָא ce n’est pas un juif. Laquelle des deux choses est la plus grave ? » Vous voyez le piège !

 

Il faut savoir que tous les kabbalistes sont talmudistes mais pas tous les talmudistes sont kabbalistes. Seulement on n’arrive jamais à la קַבָּלָה sans passer par la גְּמָרָא. Et c’est תּלָמוּד תּוֹרָה. Et ceux qui font de la גְּמָרָא savent que pour vraiment faire de la גְּמָרָא il faut en faire 24 h/24.   

  

D’autre part nous dit Rashi, à part la מִצְוָה du תּלָמוּד תּוֹרָה « Yesh Mitsvah liqro baTorah » : c’est-à-dire de comprendre dans le texte de la תּוֹרָה.

 

Et qu’est-ce qu’on apprend dans le texte de la תּוֹרָה qui n’est pas Mishna, ni שׁוּלחָן עָרוּךְ, ni גְּמָרָא ? C’est l’histoire d’Israël, et surtout l’histoire des אֲבוֹת les Pères d’Israël !

 

La תּוֹרָה est donnée aux בְּנֵי יִשְׂרָאֵל mais elle possède une préface qui raconte l’identité des אֲבוֹת d’Israël. Et ceux qui n’ont pas étudié comment les אֲבוֹת agissait pour savoir où est le bien et le mal, ne sauront jamais où est le bien où est le mal, quelque soit la quantité de שׁוּלחָן עָרוּךְ qu’ils ont en tête.

 

La preuve :

Nous sommes interpellés par des questions décisives : un plein désarroi des personnes connaissent le שׁוּלחָן עָרוּךְ mais parce qu’ils n’ont pas étudié la תּוֹרָה. Ils ne savent pas comment Abraham Isaac, Jacob, Moïse, réagissent dans l’histoire de leur peuple. Ils savent comment on sépare le lait de la viande avec un scrupule extraordinaire, qui est respectable en soi mais souvent excessif. (Si une fourchette de viande a rencontré une cuillère de lait cela risque de déclencher une déflagration atomique...)

 

C’est ce qui est important ici.

Lorsque Reish Laqish parle de la connaissance de la תּוֹרָה qui est nécessaire pour résoudre le problème moral, il ne parle pas de la מִצְוָה. Il parle du מִקְרָא. C’est ce que je voulais mettre en évidence.

     

C’est cette connaissance-là qui a été mise en éclipse lors de la dominance de la סִיטָה de la Yeshivah qui a pris le pas sur la סִיטָה du תּלָמוּד תּוֹרָה. Ceci dit il faut nuancer. Il y a beaucoup de תּלָמוּד תּוֹרָה autour des Yeshivah. Et énormément de Rabbanim des Yeshivot enseigne la תּוֹרָה. Mais la définition des catégories doit être très claire.

 

Je voudrais dédier la prochaine étude à la mémoire de Jean Vassal qui vient de nous quitter, il est décédé à la sortie de Parashah יִתְרוֹ. Ce qui est une extraordinaire coïncidence avec le personnage de יִתְרוֹ héros de la Parashah. Il était וְתוֹשָׁב גֵּר et donc il n’a pas pu être enterré dans un cimetière juif. Cela nous obligera de poser la question à la rabbanout de trouver une solution pour les גֵּרִים qui ne sont pas צֵדֶק גֵּרֵי. Nous ferons donc un לִמוּד à sa mémoire.

 

 

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