L’OEUVRE DE LA CRÉATION
LES ENGENDREMENTS
JUIFS OU HÉBREUX
ISRAËL ET LES NATIONS
MESSIANISME
THÈMES FONDAMENTAUX

LEKH LEKHA - SÉRIE 1995

Le cours

 

 (1995) לֶך לְךָ  

 

Comparaison entre Noah et Abraham. Question posée la dernière fois sur la différence entre le צַדִּיק selon Noah et צַדִּיק selon Abraham.

 

La première occurrence du terme de צַדִּיק dans le מִקְרָא est à propos de Noah.

En dehors d’Israël, il y a donc des צַדִּיקִים : Noah ancêtre d’Abraham n’est pas d’Israël.  

D’ailleurs, c’est un sujet qu’on étudiera d’autre part, Abraham et Isaac eux-mêmes ne sont d’Israël qu’à postériori de Jacob. Il y a toute une discussion dans le Talmud à ce sujet. C’est quand Jacob devient Israël qu’à postériori Isaac et Abraham font partie d’Israël. Au fond toute la préface historique depuis le 1er homme jusqu’au moment où Jacob reçoit le nom Israël, le récit choisit comme ligne de force le fait de raconter la préhistoire de cet événement où Jacob est appelé Israël. Alors, à postériori, Isaac est habilité et Abraham est habilité, Noah est habilité, dans la mesure où, à postériori de Jacob, ils ont menés à Jacob. S’ils n’avaient pas mené à Jacob, on n’aurait pas parlé d’eux.  

 

Le foyer (moked) du récit c’est la תּוֹרָה révélée à Israël. Cela commence donc avec l’identité Israël. L’identité Israël commence lorsque Jacob reçoit le nom Israël. Il y a une identité préalable à l’identité Israël qui est l’identité hébraïque qui émerge avec un ancêtre d’Abraham qui est Ever. Tous les hébreux ne sont pas devenus Israël.  

 

Nous le verrons, c’est très important pour l’histoire contemporaine, que de cette identité hébraïque préhistorique antérieure à Abraham, mais surtout antérieure à Jacob petit-fils d’Abraham lui devenant Israël, ont émergés et se sont installées dans l’histoire des rivalités à Israël qui procèdent  de l’identité hébraïque antérieure qui n’est pas habilitée à devenir Israël : ces rivalités sont les plus terribles qu’Israël supportent. En réalité ces rivalités apparaissent dans toutes les lignées humaines, mais centralement dans les lignées issues de la famille d’Abraham et qui ne sont pas Israël. Il y a 6 lignées qui ne sont pas Israël mais des anciens hébreux qui ne sont pas redevenus hébreux, qui étaient araméens dans l’exil de Babel, et d’où procèdent les rivalités les plus terribles.

 

Nous vivons quelque chose d’analogue à la fin de chaque exil.

 

Lorsque les Juifs de l’exil, au moment du retour, ne veulent pas participer au retour, s’instaure alors une identité de type araméen, les Hébreux de l’exil de Babel qui ne voulaient pas revenir de l’exil de Babel. Le modèle en est l’un des frères d’Abraham, Nahor, qui a fondé une lignée Bethouel, père de Lavan. Et comme nous le savons par les sources du Talmud et du Midrash, Laban est le pire ennemi de Jacob. Tout cela est déjà vécu dans la plus haute antiquité et nous sert de modèle, de paradigme, pour mieux comprendre cette histoire mystérieuse qui est l’histoire du peuple juif au milieu des nations. Il y a une sorte de carte d’identité préalable, de carte d’identité préhistorique, qui nous est racontée dans l’histoire au moment de cette préhistoire des Patriarches.

 

L’étude du jour concerne précisément la nature de cette identité hébraïque qui resurgit avec Abraham. Elle lui est bien antérieure puisqu’il est un des descendants d’Ever. Ever l’ancêtre des Hébreux, lui-même descendant de Shem.

Nous verrons quelques uns des aspects de cette identité hébraïque, mais c’est cette identité hébraïque qui habite l’identité Israël. Il y a décalage ce ne sont pas deux ensembles qui se recoupent absolument, l’identité hébraïque est en réalité plus large que l’identité Israël, mais seule dans l’identité d’Israël, l’identité hébraïque se retrouve à chaque fin d’exil. 

 

Il faut mettre en évidence le fait qu’Israël va se constituer en nation et c’est là que la תּוֹרָה prend force de loi, force d’obligation. Jusque-là elle ne prend pas force de loi. Même pas encore pour les patriarches qui sont encore des individus.

 

La notion de מִצְוָה, de תּוֹרָה comme commandement, obligation, pour légitimiser l’identité Israël à l’indice תּוֹרָה, ne prend force de loi que lorsqu’Israël est une nation, lorsqu’Israël est un כְּלָל, une collectivité, c’est-à-dire à la sortie d’Egypte. Et c’est confirmé officiellement au Sinaï. Au Sinaï, Israël devenu nation à la sortie d’Egypte reçoit la תּוֹרָה sous forme de loi.

 

Noah - Abraham :

Je vais revenir sur un des points de la différence entre Noah et Abraham, pour comprendre la différence de צַדִּיק, l’être juste, chez les nations qui a pour modèle Noah, et en Israël qui a pour modèle Abraham.   

La différence à laquelle on est habitué à penser spontanément, c’est que le juste en Israël est défini d’après l’accomplissement de la תּוֹרָה, alors que le juste chez les nations est défini d’après la bonne volonté morale. Quelque soit la manière dont un homme de bonne volonté chez les nations considère la table des valeurs du bien et du mal, cela dépend de son écoute, de sa culture, de son éducation, de sa sensibilité, mais au bénéfice de la bonne foi. Et quelque soit sa table des valeurs, s’il préfère le bien, tel que lui se le définit, au mal tel que lui se le définit, c’est un juste. C’est l’attitude de la bonne volonté qui consiste à préférer le bien et le mal par rapport à une table des valeurs. Il faut les lois. C’est cela un juste chez les nations. Il n’est pas nécessaire que cela se réfère à la table des valeurs de la תּוֹרָה, puisque celle-là n’est révélée qu’à Israël.

 

Il y aurait une injustice de fond, colossale et blasphématoire que Dieu ait créé l’humanité en ne réservant qu’à une toute petite minorité privilégiée la possibilité d’être צַדִּיק. L’humanité entière serait condamnée, « אֲבַדוֹן » en hébreu, à l’abandon, la perdition par nature...  

Il ne s’agit pas du tout de cela : n’importe quel homme par le bénéfice de la bonne foi et de la bonne volonté est appelé צַדִּיק. Et même ce sont les גּוֹיִם qui sont appelés צַדִּיקִים avant ceux d’Israël dans l’ordre historique.  

 

Pour le צַדִּיק selon Israël, selon Abraham, on a l’habitude de dire que la table des valeurs est ici la תּוֹרָה. Mais la définition est insuffisante. Il faut étudier la différence entre le צַדִּיק selon Noah et le צַדִּיק selon Abraham avec la question théologique de fond : le salut est-il possible chez les nations même en dehors de la תּוֹרָה ?         

 

Quelques versets :

On va étudier le statut d’un des ancêtres de Noah chez lequel on trouve la même expression utilisée par la תּוֹרָה pour le définir comme צַדִּיק:

 

Chapitre 6 en fin de verset 9 :

אֶת-הָאֱלֹהִים הִתְהַלֶּךְ נֹחַ 

Baal haTourim : Les 3 Safé Tévot (מ-כ-ח) font apparaître le mot חֲכָם. C’est-à-dire que Noah se relie à la תּוֹרָה en tant que sagesse. Il n’y a pas encore cette notion de מִצְוָה qui ne sera propre qu’à Israël à partir du Sinaï. Les patriarches respectaient la תּוֹרָה au niveau de leur מִּדוֹת, leurs manières d’être, et non dans l’attitude religieuse du devoir à accomplir pour être authentique. La תּוֹרָה s’adresse à l’individu à travers la collectivité. Quand l’individu entend la תּוֹרָה à travers la collectivité alors la voix de la תּוֹרָה prend le ton de l’obligation.  

 

Dans la philosophie générale, le problème du fondement de la moralité et des valeurs morales est un problème extrêmement difficile. Chez tous les philosophes que j’ai étudiés il y a la même attitude qui consiste à réduire la notion du bien à une autre valeur. Comme si la philosophie générale ne savait pas fonder ce qui fait que le bien est bien. Lorsque j’entends la voix de ma conscience dans la perspective du devoir à accomplir le bien qu’est-ce que j’entends ? Il y a des tas de systèmes philosophiques. Pour les uns, c’est la voix de la société qui se présente à moi sous forme de cette obligation du devoir. « Je suis obligé de... », et je ressens ce sentiment du devoir que Kant a beaucoup analysé. D’autres diront : c’est la recherche du bonheur. Qu’est-ce donc que le bonheur ? L’école la plus connue fait du bonheur le plaisir. D’autres plus pragmatiques disent : c’est l’utilité qui est le bien... Tout se passe comme si les philosophes et les théologiens ne sauraient fonder la notion de bien dans cette voix de la conscience de l’homme.

 

C’est corollaire à un 2ème problème en philosophie qui ne trouve pas de solution : pourquoi notre manière d’exister est-elle d’exister dans le temps ? Le philosophe qui a le mieux posé et caractérisé le problème est Bergson. Il y a une perception du temps par la conscience humaine qui est la durée. « Nous n’existons que le temps que nous existons ». On voit très bien que l’élan de survie c’est de survivre encore un instant. Il y a ces aberrations de la médecine contemporaine avec l’acharnement thérapeutique qui consiste à ajouter une seconde à une seconde même au prix des pires souffrances.  

C’est très lié : Les philosophes ne savent pas assigner une finalité à la durée parce qu’ils ne savent pas non plus assigner une finalité au devoir moral.  

 

La réponse que la תּוֹרָה donne et qu’il faut étudier pour elle-même : Nous sommes créés dans l’existence en vue de mériter l’être, l’être absolu. Il nous faut le temps de mériter l’être absolu, et on nous divise la tache, car la difficulté est énorme : mériter d’être ! On a donc tout le temps de l’existence, à travers le prisme des 613 מִצוֹת. Pour chaque מִצְוָה réussie, on acquiert un point d’être. Il faut du temps pour cela, la durée de l’existence humaine, parce que la finalité de la morale c’est de mériter d’avoir été créé. Il ne s’agit pas du tout de telle ou telle discipline philosophique ou religieuse, ou théologique même. Mais il s’agit de quelque chose de plus profond : le devoir est le sentiment qu’il faut mériter d’avoir été créé.  

 

C’est la grande différence entre une morale religieuse et une morale laïque. Les morales laïques sont d’ailleurs dérivées des morales religieuses. Les laïcs croient en la morale religieuse mais en lui ôtant « הַשָּׁמַיִם מִּן תּוֹרָה», en lui enlevant le fait que cela vient de la Bible et que c’est révélé. Il y a une espèce de mauvaise foi intellectuelle mais qui est pardonnable : l’essentiel est qu’ils soient moraux. Dans une morale laïque, une faute c’est grave mais pas plus. Dans une morale laïque une bonne action c’est bien, mais pas plus. Dans la morale religieuse on a le sentiment profond que cela met en jeu la destinée. Faire une faute est un désordre grave mais cela aggrave le sort du sujet de la moralité. Corollairement pour le mérite. Il y a une tonalité radicalement différente même si le comportement est identique.

 

C’est pourquoi les rabbins nomment « civilités », « politesses » dans le sens grec, la morale laïque. Alors que la morale vraiment c’est le דֶּרֶךְ אֶרֶץ de la תּוֹרָה, ce qui est très différent.  

Le laïc ressent bien qu’il y a plus que cela devant un bien ou un mal accompli, mais il ne poursuit pas le raisonnement par panique : sinon c’est qu’il y a un Dieu, et donc c’est qu’il y a un jugement...etc. Il n’y a aucun dialogue possible entre ces deux univers intellectuels. Les uns tombent dans le légalisme de la convention sociale et les autres s’occupent des valeurs morales vraiment. Et cela n’a rien à voir, même si cela ressemble.

 

Retour au sujet :

La תּוֹרָה ne prend force d’obligation qu’à travers le fait qu’elle s’adresse à l’individu membre d’une collectivité. Il y a là un sentiment religieux métaphysique très différent des religions du salut personnel. Parce qu’il s’agit du salut de l’humanité. Or, l’humanité est une collectivité.

Israël est délégué pour prendre sur lui – non pas, comme le diraient les théologiens chrétiens, sur la croix – mais en tant que collectivité c’est un peuple à qui est délégué le problème de l’universel humain. Un individu n’est pas dans ce cas de pouvoir être le délégué de l’humanité. C’est pourquoi la תּוֹרָה s’adresse à Israël comme peuple. Elle ne s’adresse jamais à l’individu comme individu. Sinon à travers l’identité du peuple.

 

C’est très différent de la religion chrétienne, par exemple, où c’est un individu qui est présenté comme le levier du salut. Et la communion avec cette histoire individuelle ferait participer au salut.  

Nous naissons avec un projet d’identité à atteindre. Nous naissons comme Jacob avec le devoir de devenir Israël. Or, toutes les promesses faites à Jacob concernent un Jacob devenu Israël. L’impératif de la מִצְוָה a fortement signifié que nous devons faire coïncider notre identité individuelle avec le modèle qui est Israël. Et dès que l’identité individuelle coïncide avec l’identité du modèle Israël, alors les promesses s’accomplissent. C’est pourquoi il faut mériter l’accomplissement des promesses. Il faut mériter d’être ceux à qui la promesse a été faite. Dès qu’on devient celui à qui la promesse a été faite, elle s’accomplit. Chacun peut l’expérimenter dans sa vie individuelle. Pourquoi a-t-on tellement prié et que subitement un jour de l’année cela s’accomplit et pas avant ? Il y a tout un faisceau de conditions dans l’accomplissement de la promesse dont la réalisation nous dépasse. Subitement une porte s’ouvre et énormément de prières qui assiégeaient cette porte se réalisent. Pourquoi maintenant et pas avant ? Il faut que je sois devenu sur ce point celui à qui cela a été promis.  

Les promesses sont faites à Jacob sous la condition simple qu’il devienne Israël.

Comment ? Par la תּוֹרָה !  

 

C’est le verset (Deut 33:4):

לָנוּ מֹשֶׁה מוֹרָשָׁה קְהִלַּת יַעֲקֹב תּוֹרָה צִוָּה

תּוֹרָה que dicta pour nous Moshe, héritage de la communauté de Jacob  

Mais en vue de quoi ? De devenir Israël !

 

Histoire Hassidique :

Un maître Hassidique voulait entrer un jour dans le Beit Knesset mais reste bloqué à la porte. Ses élèves l’interrogent. Il répond qu’il ne peut pas entrer parce que l’endroit est plein de prières qui ne sont pas montées...  

Toutes les prières sont entendues : « Shoméaa Tefilah », mais elles en sont exaucées que si précisément la porte s’ouvre. Qu’est-ce qui fait précisément que la porte s’ouvre ? C’est d’être celui qui en possède la clef. Savoir quand cela arrive ou pas cela nous dépasse. En général dans les temps où les Juifs sont des Juifs, et les rabbins sont des rabbins, on demande au rabbin qui l’explique quelle prière pour qui, ce qui est faisable ou pas... Et la règle est d’expérience individuelle. Ce qui va pour l’un ne va pas pour l’autre. Il y a des biens dont on ressent le manque qui peuvent être objet de prière pour l’un et pas pour l’autre. C’est une חוֹכְמָה que certains rabbins ont. C’est pourquoi la Halakha est que si on veut demander quelque chose de particulier en dehors de la prière de la communauté dans laquelle en principe tous les manquent sont définis, il faut demander à un rabbin qui sait prier. On appelle cela un rabbin miraculeux : un rabbin dont c’est un miracle qu’il soit rabbin... Un de mes maîtres, Chouchani ou le rav Abraham Epsteïn, disaient cela de manière très sérieuse.

 

Retour au sujet :

Chapitre 6, verset 9 :  

אֶת-הָאֱלֹהִים הִתְהַלֶּךְ-נֹחַ

 

Et un verset à propos d’Abraham. Chapitre 17, verset 1:  

וַיְהִי אַבְרָם בֶּן-תִּשְׁעִים שָׁנָה וְתֵשַׁע שָׁנִים 

Et Abraham fut âgé de 99 ans.  

 

Vous devinez qu’il y a ici un nombre significatif qui se réfère aux différents niveaux de mérite qu’Abraham a acquis dont le niveau maximum est de 100. 

וַיֵּרָא יְהוָה אֶל-אַבְרָם וַיֹּאמֶר אֵלָיו אֲנִי-אֵל שַׁדַּי--הִתְהַלֵּךְ לְפָנַי וֶהְיֵה תָמִים

« Et Hashem s’est révélé à Abraham et lui dit Je suis le Dieu tout puissant : marche conduis-toi devant-Moi et sois intègre ».  

 

Nous allons comparer ces deux versets qu’il faut étudier en détail : pour Abraham c’est Hashem qui s’adresse à lui et lui dit « marche devant Moi ». Alors que pour Noah, il s’agit de Elohim et le verset dit  « avec-à côté de Elohim marchait Noah »

 

Il y a donc deux différences.

  

1- Pour Noah, il est avec Dieu, et un commentaire ajoute « et pas avec les hommes ». Certains צַדִּיקִים se retirent de la relation avec les hommes pour se consacrer à la relation à Dieu. C’est une forme de צַדִּיק. En milieu juif, c’est difficilement diagnosticable, mais en milieu chrétien c’est la vocation monacale. La vocation du moine qui se retire de la cité pour être avec Dieu. Il y a une grandeur dans cette vertu. Beaucoup de monastères forment leurs fidèles pour ensuite entrer dans la cité et aider les hommes. Mais l’échec c’est de se préparer pour se préparer... Cela arrive dans les Yéshivot. C’est l’échec du צַדִּיק qu’on va étudier avec Hanokh.

   

2- 2ème différence encore plus forte : צַדִּיק à côté d’Elohim - Dieu créateur du monde, selon les normes et les critères de la sagesse naturelle. Noah est חֲכָם mais par rapport à la nature, par rapport au Dieu Créateur. Il a une morale naturelle, c’est à peu près ce que j’ai appelé le juste laïc. Noah n’est pas laïc, il connait le Créateur. Mais c’est la conformité à un ordre des choses. Finalement, les Grecs et les Romains à leur manière ont gardé comme notion de la moralité, cette notion des normes aux fonctionnements des phénomènes naturels. Ils appellent cela la morale naturelle. Cf. le latin Norma - normal cela veut dire naturel. Conforme aux comportements naturels.

En fin de compte c’est la même pente que le naturisme. Cela n’a rien à voir avec la morale qui transcende les instincts et les tendances de la nature humaine. Le paradoxe est que même les laïcs ont une âme et entendent la voix du Créateur, mais à travers un silencieux.

 

C’est Hashem qui va demander à Abraham : « marche devant Moi » : « Annonce-Moi ! », « Invente ce que J’ai à dire pour que je puisse le dire à ceux qui t’auront écouté »... C’est cela le secret d’Israël. Il a été choisi pour témoigner de la תּוֹרָה parce qu’il a été capable de réinventer la תּוֹרָה même si elle n’était pas révélée. Cf. le mythe chez les philosophes grecs concernant la connaissance : la connaissance est toujours une reconnaissance. On ne pourrait pas connaître si on ne savait déjà, alors on reconnait une connaissance qu’on avait et qui s’était perdue quand on est sorti de la caverne...

C’est quelque chose de cet ordre dans le Midrash qui dit qu’Israël avait la תּוֹרָה, et c’est pourquoi il est capable de la comprendre. Avant même qu’on la lui révèle, il l’avait. S’il ne l’avait pas dans son âme, il ne pourrait pas la comprendre ! C’est la raison pour laquelle il n’y a qu’Israël qui comprend la תּוֹרָה, qui la comprend vraiment en tant que לִשְׁמָּה תּוֹרָה.

 

Cf. Guemara Nidah 30b : Chaque enfant d’Israël dans le sein de sa mère connait la תּוֹרָה. Au moment de la naissance un ange vient le faire oublier en lui fermant la bouche, c’est la trace du doigt sur la commissure des lèvres. Objection : c’est vrai aussi chez les גּוֹיִם ! Mais c’est pour tromper l’ennemi...

 

Israël possède en lui le pré-sentiment de la תּוֹרָה, c’est pourquoi il la comprend. Cela vient de l’identité hébraïque. Quand le Midrash dit qu’il faut être Israël pour la comprendre cela veut dire qu’il faut être hébreu parce que la תּוֹרָה a été révélée en hébreu. On ne s’en rend pas compte. Celui dont ce n’est pas la langue ne peut rester qu’à la surface des traductions qui trahissent complètement ce dont il s’agit.  

Nous les Juifs, héritiers des Hébreux, avons fini par tomber dans ce fantasme de croire qu’étudier c’est traduire parce qu’effectivement il faut faire un effort considérable pour arriver à se remettre dans le texte hébreu. Alors c’est là qu’il faut commencer à étudier. Beaucoup de Juifs croient qu’étudier c’est être capable de traduire. Alors que la תּוֹרָה a été donnée aux Hébreux dont c’était la langue.

 

On va étudier cette différence entre être en avant-garde de Hashem : annoncer et défricher ce que Hashem a à dire pour que cela soit entendu, et c’est la capacité d’Abraham ; et puis être à côté de Dieu plutôt qu’à côté des hommes impies.  

Nous allons voir un cas où le Midrash va être impitoyablement négatif pour cette attitude tout en étant laudatif vis-à-vis de ces צַדִּיקִים qui sont quand même des צַדִּיקִים mais « stériles » si j’ose dire.  

Dans la lignée de Shet se trouve l’histoire de Hanokh un des grands צַדִּיקִים de l’humanité. Il y a aussi un Hanokh dans la lignée de Caïn mais c’est une toute autre lignée et un tout autre Hanokh.

Dans les Bibles françaises : Enoch. La traduction du nom est impropre. Il y a un autre personnage qui est le fils de Shet et qui s’appelle Enosh. Ne pas confondre.

 

Gn. 5:24 :

וַיִּתְהַלֵּךְ חֲנוֹךְ אֶת-הָאֱלֹהִים וְאֵינֶנּוּ כִּי-לָקַח אֹתוֹ אֱלֹהִים  

 

וַיִּתְהַלֵּךְ חֲנוֹךְ אֶת-הָאֱלֹהִים  Et Hanokh se conduisait avec Elohim  

C’est la même expression qu’avec Noah.  

 

כִּי-לָקַח אֹתוֹ אֱלֹהִים וְאֵינֶנּוּ Et il n’était plus là car Dieu l’avait pris.  

 

C’est le premier modèle de ce qu’on pourrait appeler l’ascension de Hanokh. On ne se rend pas compte. Qui est Hanokh ? Personne n’en parle !

Mais le mystère c’est ce mot de וְאֵינֶנּוּ parce que subitement il n’était plus là parce que Dieu l’avait pris.  

Il y a 3 personnages que Dieu a pris dans l’histoire des hommes c’est Hanokh – Moshe – et הָנָבִיא אֵלִיָּהוּ. C’est dire qu’ils sont passés vivants de ce monde-ci au עוֹלָם הַבָּא, le monde futur, avec trois niveaux différents de vertus. Ce sont donc des personnages exceptionnels. Il n’y en a que 3 et pas 4.  

 

Q : Moshe n’a-t-il pas été enterré ?

R : Son corps, mais on ne sait pas où.

 

Rashi sur ce verset 24 : ויתהלך חנוך:

Il cite Midrash Raba.

Suivez bien, il est extrêmement important de comprendre la nature, l’identité, de ce type de juste qui est différent de la vocation d’Abraham.  

ויתהלך חנוך:
 צדיק היה וקל בדעתו לשוב להרשיע, לפיכך מיהר הקב"ה וסילקו והמיתו קודם זמנו וזהו ששינה הכתוב במיתתו לכתוב ואיננו בעולם למלאות שנותיו  

C’était un צדיק, mais il était tenté de devenir רָשָע.  

 

Cela veut dire qu’il se connaissait comme faible, et par conséquent il fallait qu’il se protège de cette tendance que le צַדִּיק a de retomber רָשָע. De beaucoup de צַדִּיקִים, et de nous tous, il faut dire cela que l’on a cette tentation de l’inertie et de la pesanteur de l’instinct, de devenir רָשָע.

 

לפיכך  C’est pourquoi Dieu s’est empressé, il l’a enlevé du monde, et l’a fait mourir avant son temps. C’est la raison pour laquelle le texte (a changé d’expression pour dire il est mort) a écrit « Il n’est plus là » dans le monde pour accomplir tout son temps de vie prévu à sa naissance.  

C’est un Drash plein de thèmes différents. D’abord, ne faites aucune analogie avec des personnes de votre entourage. Si on voit un צַדִּיק mourir jeune, c’est peut-être un צַדִּיק dans ce cas-là que Dieu préfère prendre en état de צַדִּיק que de le laisser sur terre et qu’il devienne רָשָע. Mais ne faites pas de diagnostic. Un de mes professeurs de philosophies nous racontait comment certains étudiants en médecine sont hypocondriaques.

 

De quoi s’agit-il ici ? Je vais imager un peu ce que veut dire le Midrash :

Hanokh signifie « éducateur » de la racine חִנֻך. C’est dire que c’est le צַדִּיק dont Dieu a besoin pour aider au salut de l’humanité. Et voilà que ce צַדִּיק devant être « éducateur de rue » par exemple préfère aller à la Yeshivah ! S’il en sort c’est bien, mais s’il y reste il n’est pas un éducateur.

 

Il y a des écoles qui tournent à vide : elles prennent des élèves pour qu’ils deviennent des professeurs qui prennent des élèves… Hanokh était malade d’angoisse de trébucher, il voulait remonter.

Alors qu’en fait il faut faire des élèves pour qu’ils aillent dans la cité témoigner de l’enseignement qu’ils ont reçus dans l’école. C’est la mafia de l’université qui choisit parmi les étudiants ceux qui vont continuer la mafia des professeurs...  

 

Selon le Midrash, ’Hanokh était malade d’angoisse à l’idée de pouvoir trébucher et il voulait remonter. Dieu lui dit : « Je n’ai pas besoin d’une étoile de plus au ciel mais d’un Hanokh sur terre. Mais maintenant si tu veux venir, viens... ». C’est l’échec ! C’est-à-dire que tous les sursis donnés à l’humanité pendant ces 10 générations d’Adam à Noah ont échoué. En particulier sur ce type d’échec-là. Et peut-être le plus grave c’est que tous ces justes sont incapables d’être Abraham.  

 

Vous verrez en étudiant ce problème qu’il est très difficile d’être Abraham. Il s’agit d’être un éclaireur d’avant-garde de la révélation de Hashem. Elohim c’est la révélation de Dieu Créateur. Et en étudiant la nature on connait la volonté du Dieu Créateur. Et c’est plein de thèmes importants, en particulier sur le problème de science et religion qui est très différent dans le judaïsme ou ailleurs. Lorsqu’un savant étudie une loi de la nature il étudie la volonté de Dieu. Au moyen-âge, les rabbins qui étaient savants, avant de rentrer dans le laboratoire prenaient le מִקְוֶה parce qu’ils allaient étudier « Ratson HaBoré ».

 

La plupart des savants modernes ne comprennent pas qu’ils étudient la volonté de Dieu.

Beaucoup de juifs religieux fonctionnent d’après des catégories non-traditionnelles juives et qui sont persuadés que faire de la science c’est l’œuvre du diable. C’est une espèce de schizophrénie chez beaucoup de ces savant religieux, croyants à la synagogue et complètement athées dans leur laboratoire. Alors ils s’arrangent avec une sorte de religiosité qui en fin de compte devient une superstition magique. Cela finira par devenir une religion qui un jour sera issue du judaïsme comme on en a eu des centaines qui finiront par se perdre chez les païens. Je suis méchant mais enfin pas tellement. C’est pire.

 

Pasteur : « Je suis chrétien à l’oratoire et savant au laboratoire. ». Chez les גּוֹיִם cela va bien parce qu’il y a Dieu et le diable ! Tandis que dans le judaïsme, il y a là une véritable schizophrénie.

 

Espérons que cela s’arrange et qu’en Israël apparaîtra une manière d’être savant et חֲכָם תַּלְמִיד qui résoudra le problème.

En tout cas c’est l’objectif de l’enseignement du Rav Kouk. Et malheureusement, les disciples de disciples de disciples du Rav Kouk, en général des תְּשוּבָה בָּעַלֵי, retombent dans cette dichotomie entre la science d’un côté et l’oratoire de l’autre...  

 

Voilà l’exemple que je voulais donner en poussant les choses à la limite. Mais, ce qu’il faut bien comprendre c’est que cela n’enlève rien au mérite de ces צַדִּיקִים. Ils préfèrent aller avec Dieu pour ne pas être contaminé par le mal. Tout cela est en ordre si cela reste l’exception. Si cela se présente comme la règle c’est la catastrophe ! Il n’y rien à rajouter d’autre.  

 

C’est un peu le cas de ce que la תּוֹרָה enseigne à propos du נָזִיר. Si une personne a besoin de faire de vœux pour se protéger on lui permet, on le tolère. Cela l’aide mais comme des béquilles pour marcher. Dire que c’est la marche à suivre touche à l’hérésie. Il faut honorer les ascètes tout en sachant que c’est une exception tolérée pour les aider, et les plaindre. Parce que finalement ils se privent de la vie que Dieu a créé. Tout cela il faut l’expérimenter de manière très fine, très existentielle si j’ose dire. C’est ce genre de juste qui a la conscience malheureuse parce qu’il est juste. Il est juste et il en a mal. Dans le fait qu’il soit juste quand même, il faut le féliciter, mais ne pas le prendre comme modèle.  

 

Etant bien claire cette différence de nature entre Noah et Abraham, il y a une objection colossale contre toute cette analyse. On va voir un verset dans l’histoire de Noah qui semble contredire tout cela.

  

Chapitre 7, verset 1 :

וַיֹּאמֶר יְהוָה לְנֹח  Et Dieu dit à Noah…  

 

Il s’agit de יְהוָה  et non plus de אֱלֹהִים.  

בֹּא-אַתָּה וְכָל-בֵּיתְךָ אֶל-הַתֵּבָה כִּי-אֹתְךָ רָאִיתִי צַדִּיק לְפָנַי, בַּדּוֹר הַזֶּה

Entre toi et toute ta famille dans l’arche, car Je t’ai vu toi juste devant Moi dans cette génération.  

C’est une objection colossale ! C’est יְהוָה  qui s’adresse à Noah et lui dit qu’Il l’a vu «צַדִּיק לְפָנַי », expressions employées pour Abraham,יְהוָה   et לְפָנַי ?  

 

Ceci dit, avant d’y arriver je voudrais vous citer une autre Midrash très important sur un autre aspect de la lecture : dans le verset 2 de la définition de Noah, il y avait צַדִּיק וְתָמִים  « juste et intègre ». Et ici, il n’y a que צַדִּיק.

 

Je vous donne à ce propos deux enseignements, l’un du Midrash, l’autre de la חָסִידוּת.  

Le Midrash dit ceci : On ne dit pas devant quelqu’un toute sa louange. On ne dit qu’une partie.  C’est effectivement une grande règle que lorsque l’on dit la louange de quelqu’un on n’a pas le droit de dire tout mais une partie. L’explication habituelle c’est que cela risque de les rendre orgueilleux. L’expérience montre que c’est vrai ! C’est pourquoi on réserve malheureusement au moment du Hesped, de la mort, pour dire toute la louange. Et en général c’est une grande consigne de ne dire que la louange. C’est interdit surtout en présence du mort de dire les fautes qu’il a pu faire. C’est pourquoi on a cette surprise de dire que tous les morts sont des justes. « קְדוֹשִים אַחֲרֵי מוֹת» !

 

Enseignement de la חָסִידוּת:

Il y a deux générations exceptionnelles dans ce récit. הַמַּבּוּל דּוֹר la génération du déluge dont la faute était vis-à-vis des hommes avec חָמָס, la violence. Et celui qui se garde de la violence est appelé צַדִּיק. הָפֶּלָגָה דּוֹר, la génération de la tour de Babel, c’est la révolte contre le Créateur. Celui qui va être la rédemption de la הָפֶּלָגָה דּוֹר va être Abraham qui est appelé תָמִים.

Et donc puisque le verset 7 :1 dit בַּדּוֹר הַזֶּה qui est la génération du déluge, il le définit comme צַדִּיק par rapport à sa génération. Quand on parlera d’Abraham, par rapport à ce qui est arrivé à הָפֶּלָגָה דּוֹר, on dira תָמִים.

 

*** 

 

J’ai longtemps étudié cette question que je vous ai posée sans trouver de texte à vous citer.  Je vous propose une explication. Notez bien que je n’ai pas de source à vous donner.  

 

Regardez le verset :

כִּי-אֹתְךָ רָאִיתִי צַדִּיק לְפָנַי

L’expression devrait être כִּי רָאִיתִיְךָ צַדִּיק לְפָנַי  

 

D’après le Pshat on pourrait traduire « parce que c’est toi que j’ai vu, toi seul ». Mais cela a été dit bien avant. Le texte l’a dit bien avant. En fait il faut lire le Pshat.

Car J’ai vu en toi un signe (אוֹת) du צַדִּיק  devant moi.

Et ce signe c’est Abraham.

Donc on arrive à Abraham lui-même.

 

Q : Un Midrash enseigne pourtant que Noah après leמַּבּוּל  n’a pas voulu sortir de la תֵּבָה jusqu’à ce qu’il obtienne de Dieu la promesse de ne plus recommencer ?

R : C’est plus que le Midrash, c’est le texte et l’alliance. Pour bien comprendre ces problèmes du jugement du juste, en particulier on l’étudie en détail avec Noah. Ce sont les תּוֹלְדֹת

de Noah qui sauvent Noah. Et nous avons été privilégiés de recevoir l’enseignement du Rav Kook qui nous a enseigner une catégorie qui permet de résoudre ce problème, et c’est une catégorie qui est complètement repoussée par la pensée occidentale. On est habitué, surtout dans la pensée occidentale de type romain, je vous dirais comment j’ai appris cela de mes maîtres philosophes – l’esprit romain est un esprit de comptable, de comptabilité. Le latin est une langue très forte, très exacte et très précise, c’est vraiment une langue de juriste. Alors que le grec ancien c’est une langue de poète. La Guemara le confirme en disant que la langue de la beauté c’est la langue grecque (ancienne). Alors, on est habitué à la notion de mérite au niveau des actes. Cf. la balance de la justice qui pèse les mérites et les démérites, elle ne les compte pas, elle les pèse, parce que les compter équivaudrait à un phénomène d’assimilation au nombre, comme si chaque מִצְוָה était équivalente à celle d’à côté. Dans la תּוֹרָה on pèse l’identité de chacun en pesant ses mérites et ses démérites, parce que chaque מִצְוָה positive correspond à un point du corps et chaque מִצְוָה négative correspond à un des tendons entre les organes. Vous avez appris cela d’autre part dans le Talmud pour ceux qui l’ont appris. Alors on pèse le נֶפֶשׁ de chacun. Ce n’est pas qu’on va compter la somme des actions effectuées.

Et on s’est habitué dans la culture occidentale à reporter cette notion de mérite, de זְכוּת, au niveau des actes ; alors qu’il y a une autre notion qui n’est pas connue et qui est rejetée par la pensée occidentale, surtout l’humanisme moderne, c’est le mérite au niveau de l’être.

 

C’est rejeté en raison de la panique du risque de racisme possible derrière. Cela veut dire qu’il y a des manières d’être hommes qui auraient un mérite particulier, et des manières d’être homme qui aurait un démérite particulier. Je parle au niveau des individus. Si déjà au niveau des individus alors peut-être au niveau des peuples… D’où la transposition possible au niveau des peuples avec le risque de racisme. On s’aperçoit qu’en sortant du moyen-âge quand on entre dans l’ère humaniste on fait un tabou sur cette catégorie, bien que dans l’existence c’est faux. Si vous voyez la société protestante américaine, elle ne vit que de cette catégorie.  

 

Il y a donc un זְכוּת au niveau de l’être qui est autre chose que le זְכוּת au niveau des actes. En fin de compte d’ailleurs les actes, dans le temps de la durée humaine, se récapitulent en points d’être. C’est la notion de l’habitude. Si vous faîtes une étymologie latine du mot « habitude », cela se relie à la notion de l’avoir. « Aveo - J’ai ». Et l’avoir en fin de compte se transforme en être.

Et c’est très différent. Le niveau de l’avoir c’est le compte en banque, le niveau de l’être c’est autre chose. Mais il y a un lien. Celui qui a un seuil d’avoir change d’être. Alors qu’en hébreu on dit jamais « j’ai » on dit « il y a pour moi ». Il y a une morale différente dans la langue. On dit « Yesh li - il y a pour moi », tandis que le latin dit Aveo j’ai, je possède. L’habitude transforme les actes en être.  

Cela répond à la question : Bien que ce soit dans l’inconscient absolu pour Noah et sa génération, Noah n’est pas n’importe qui. Il porte en lui Abraham. Donc il est déjà Abraham.

אֹתְךָ רָאִיתִי צַדִּיק לְפָנַי כִּי.Vous voyez c’est notre verset.

 

Les contemporains ne comprendront jamais pourquoi c’est Noah qui est sauvé. Parce que des justes comme Noah il y en avait au moins 36 dans la génération !

Pourquoi lui ?

Parce que « אֵלֶּה, תּוֹלְדֹת נֹחַ». C’est les תּוֹלְדֹת de Noah qui fait qu’il est sauvé, mais cela Dieu seul le sait ! C’est une idée pas simple.

 

Donc il ne faut pas imputer aux actes de Noah ce qui n’est que dans « ses reins » comme on dit en hébreu, dans son être. S’il n’y avait pas Noah est-ce qu’il y aurait Abraham ? Parce qu’il nous faut un Abraham !

 

Q : Quel est le modèle idéal du צַדִּיק?

R : Cela dépend pour chacun. Je donne un exemple. Nous sommes actuellement dans un stade de la société juive dans une sorte de nivellement de la pratique de la תּוֹרָה. Avec une règle rigide qui est la même pour tout le monde. Ce n’est pas traditionnel. Cela a été un durcissement en réaction de l’orthodoxie juive qui est apparu en  Europe, surtout en Allemagne et en Hongrie, en général chez les Ashkénazim, en réaction à l’apparition du mouvement libéral conservateur après Mendelssohn.

C’est-à-dire quand les tendances réformées, c’est-à-dire déformées, sont apparues, alors l’orthodoxie est apparue comme réaction et s’est fixée sur une règle commune pour tout le monde.

 

Cela a pris plusieurs siècles, mais c’est très homogène à la mentalité de l’orthodoxie ashkénaze et malheureusement en Israël l’orthodoxie séfarade a pris cela comme modèle, à travers le mouvement Shass. C’était un peu inévitable parce que le leader du mouvement Shass est Babli et non Sefardi, de rite séfarade mais de Babel. Or, Babel c’est l’origine des Ashkénazim.

 

Il y a un grand mystère sur l’origine du rite ashkénaze. Les historiens et les rabbins ne sont pas forcément d’accord. Ce mystère est double. C’est le fait qu’il y a quelques siècles on voit une énorme poussée démographique chez les Ashkénazim jusqu’aux 14ème 15ème siècles à peu près, où ils formaient la majorité écrasante. Il y a énormément d’explications historiques en particulier les nombreuses épidémies dans les communautés séfarades, et surtout parce que le boum économique est passé du monde de l’islam au monde européen. Après, par la suite avec la découverte de l’Amérique le passage c’était l’Europe, et par conséquent les communautés ashkénazes se sont beaucoup plus renforcées que les communautés séfarades qui depuis 2 siècles et demi étaient entrées dans un sommeil politique comme les pays d’islam. Il y avait eu l’âge d’or. Autre raison : beaucoup de conversions chez les Ashkénazim et beaucoup moins chez les Séfaradim. En particulier les Khazars. On le sait parce que proportionnellement dans les communautés juives, il y a moins de Kohanim et de Léviim chez les Ashkénazes proportionnellement au nombre de Juifs, que dans les communautés séfarades, parce qu’on ne se convertit pas en Kohen ou Lévi. C’est un des indices.

 

Quoiqu’il en soit, Il y a un phénomène massif, qui est en train de s’inverser parce que malheureusement le drame de l’assimilation s’exprime dans les communautés ashkénazes. Le cas de la France qui était une communauté ashkénaze et qui aujourd’hui devient une communauté séfarade (de rite ashkénaze pour un autre problème) en raison de l’assimilation colossale dans les familles ashkénazes qui commence à atteindre les familles séfarades selon le degré d’assimilation.  

 

On s’est demandé d’où procédait l’identité ashkénaze ?

Pour l’identité séfarade c’est très simple historiquement parlant. C’est la suite des communautés du judaïsme du שֵׁנִי בָּיִת. Alors que les communautés ashkénazes ont finalement pour origine l’exil du רִאשׁוֹן בָּיִת qui n’est pas rentré au שֵׁנִי בָּיִת – c’est-à-dire l’exil de Babel. Or, du point de vue du problème central contemporain qui est la relation au sionisme, la réaction des Bablim au temps d’Ezra et Néhémie et la réaction de la majorité des Rabbins ashkénazes au temps du sionisme a été la même.  

Mais cette réaction antisioniste a été « bablite » et non pas « séfaradite ».

 

La preuve ? C’est que les Sefardim, les vrais, ceux d’Espagne c’est-à-dire du Maroc, les Juifs de rite séfarade passant par les Yeshivot du Rav Ovadia Yossef deviennent Ashkénazes. Je ne sais pas si vous avez remarqué cela. C’est très simple. Parce qu’il y a une sorte de main mise de l’idéologie antisioniste de Babel.  Or, c’est celle-là qu’on retrouve chez les rabbins ashkénazes antisionistes. Le critère étant que les Kabbalistes ont tous été sionistes et les non-kabbalistes ont été antisionistes. Parce que pour comprendre le caractère messianique du sionisme contemporain il faut passer par la Kabbale.

 

Pourquoi Dieu a t’il choisi comme stratégie du rassemblement des exilés un mouvement non-religieux ?  

Il n’y a que le Gaon de Vilna qui l’a expliqué bien avant le sionisme. Il l’a annoncé. Nous avons un livre très important, qu’au fond une fois je me déciderais à l’étudier en public, c’est le Kol Hator qui explique cela. Si c’était les Juifs religieux qui avaient décidé du retour à Sion cela aurait échoué. D’abord parce qu’ils n’étaient pas compétents : pour faire un état il faut être חִלּוֹנִים, et puis les גּוֹיִם auraient refusé. Pour pouvoir tromper les גּוֹיִם il fallait que le mouvement sioniste soit חִלּוֹנִים athée. Cela a l’air énorme mais c’est le Gaon de Vilna qui le dit. Alors les חִלּוֹנִים sont tombés dans le piège et se sont pris pour Holanim. Cela se soigne...

 

Pour revenir au sujet, c’est le יֹסֵף  בֵּנ מַשִיחַ.

Quelques indications seulement : le principal enseignement du Gaon de Vilna c’était qu’il fallait faire attention à ce qui sépare le יֹסֵף  בֵּנ מַשִיחַ du דָוִד  בֵּנ מַשִיחַ. Et l’un et l’autre, séparés, deviennent des caricatures.  

 

Dans l’histoire de Joseph, jusqu’à la fin il ne se fait pas reconnaître de ses frères qui l’ont pris pour le pharaon : « כִּי כָמוֹךָ כְּפַרְעֹה». Le חִלּוֹנִי absolu, l’assimilé absolu.

Et finalement il y a ce Midrash : Et pourtant c’est lui le צַדִּיק!

Réfléchissez bien à cela : ce sont des choses énormes que le Midrash nous dit-là !.

Maintenant à postériori on s’habitue : הָצַדִּיק  יֹסֵף !

Mais pendant tout le temps où Yossef n’était pas connu comme hébreu, on le prenait pour le pharaon lui-même. C’est la grande colère de Yéhoudah contre lui qui lui dit : « כִּי כָמוֹךָ כְּפַרְעֹה », et il t’arrivera la même chose qu’à פַרְעֹה.  

 

Et d’autre part le Midrash qui dit que dans le désert, l’arche était dans un coffre et puis à côté se trouvait la momie de Joseph dans un sarcophage. Et dans la traversée au désert, les גּוֹיִם demandaient « « qu’est-ce qu’il y a là ? Qu’est-ce qu’il y a là ? »  « mah tibo shel zeh ?  mah tibo shel zeh ? On leur répondait : « celui qui est là a accompli celle qui est là » C’est-à-dire la תּוֹרָה. Et le Midrash cite 10 versets qui n’ont rien à voir avec les 10 commandements. Ce sont 10 versets du comportement de l’histoire d’Israël qui fait qu’Israël comme nation peut exister.

 

Qu’est-ce que cela représente? C’est ce que les rabbins appellent יֹסֵף  בֵּנ מַשִיחַ אוֹרוֹת‎‎. Les lumières du יֹסֵף  בֵּנ מַשִיחַ. C’est le Gaon de Vilna, un des grands d’Israël avant le sionisme, qui a indiqué tout ce qui se passe pour צִּיּוֹן s’est passé pour Joseph. Tout ce qui se passe pour Joseph se passe pour צִּיּוֹן. Yossef béGématriah Tsion.  

 

Alors le sionisme c’est l’histoire de l’identité Joseph. Et c’est grâce à Joseph qu’Israël existe comme nation. C’est grâce à Judah qu’Israël existe comme spiritualité. Séparés l’un de l’autre c’est la catastrophe.  

 

On voit que l’histoire d’Israël est traversée par cette séparation, entre Joseph et Judah. Or, au moment d’Ezra et Néhémie, le refus est venu des חֲכָמִים de Babel. Et cela reste la même chose. Le refus vient des חֲכָמִים de Babel, sauf ceux qui sont de la lignée des Kabbalistes.

Par exemple le Ben Ish ‘Haï. C’est grâce à lui que le judaïsme de Babel a fait son Alyah. Et le sauveur de cette Alyah c’est Shlomo Hillel du parti Avodah. Il a réalisé ce que le Ben Ish ‘Haï a rendu possible, que les Juifs d’Irak reviennent en Israël. Et quand les Juifs de Babel reviennent en Israël, c’est le signe que nous sommes au temps du rassemblement des exilés.

Mais ces rabbins irakiens, Bablim, qui sont antisionistes, sont ceux qui sont encore de cette attitude de Babel d’avoir refusé Ezra et Néhémie. Alors que les Sefardim eux sont des descendants de l’exil du שֵׁנִי בָּיִת, c’est-à-dire les descendants de ceux qui sont revenus au temps de שִיבָת צִּיּוֹן. C’est pourquoi il y avait une sensibilité si différente.

 

Aujourd’hui les Ashkénazim qui étudient la Kaballah sont tous sionistes. Et les Séfardim qui étudient chez les Bablim sont tous antisionistes ! Vous avez remarqué cela ? Parce que 50 ans ont passé. Je me rappelle, revenant de la guerre, quand l’Etat d’Israël a été proclamé et cette année-là on chantait dans les synagogues « odo lashem kitov » de Pessah sur l’air de la הַתִּקְוָה avec les drapeaux israéliens dans les synagogues. Imaginez-vous cela à Babel ? Dans toute l’Afrique du nord c’était comme cela, de manière spontanée. Au Yémen aussi je suppose. Vous étiez trop jeunes pour avoir vécu cela, mais vous pourrez dire que vous avez vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours…

 

 

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charles Baccouche

13 Janvier 2022 à 16h24

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