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HOUKAT - SÉRIE 1985

Le cours

      (1985) חֻקַּת

 

On a les Parashiot qui sont les 2 dernières du livre de שְׁמוֹת - וַיַּקְהֵל  et פְקוּדֵי – et qui traitent de la fin des מִצוֹת et des prescriptions concernant la construction du tabernacle.

Au moment de la Parashah תְּרוּמָה nous avions étudié ces questions.

D’autre part, comme c’est le Shabbat qui précède la semaine où il y a le ראש חודש Nissan c’est un Shabbat particulier, comme on en a déjà eu dans le mois d’Adar, et ce Shabbat est le Shabbat Para.  

On lit alors les premiers chapitres de la Parashah de חֻקַּת  qui se trouve dans Parashah בְּמִדְבַּר.

 

On a institué cette prescription particulière du Shabbat Para dans la semaine qui précède le ראש חודש Nissan : on lit le début de la Parashah חֻקַּת  et cela s’appelle Shabbat פָרָה. Et ce sont les prescriptions qui devaient assurer la purification, en particulier la purification des Kohanim, et de façon générale la purification de quiconque était atteint d’impureté et donc inapte à la קְדוּשַה et à toute relation à la sainteté, en particulier au culte dans le Temple.  

Etant donné qu’on se prépare à partir de Pessah au sacrifice de Pessah - c’était au temps où le temple existait, on se préparait à partir de Pessah au sacrifice de Pessah, alors l’enseignement donné avant le commencement du mois de Nissan était de rappeler les prescriptions concernant la purification dans le cas où une impureté avait été contractée. C’est la raison de base essentielle que nous étudierons assez rapidement. En 2ème point, nous verrons comment s’est relié à la sortie d’Egypte elle-même qui se prépare à partir du commencement du mois de Nissan.  

 

Et j’étudierai le thème suivant sous forme de comparaison, mais c’est plus qu’une comparaison : la sortie d’Egypte est aussi la sortie de l’impureté dans laquelle Israël se trouvait en Egypte, et la préparation au temps d’Israël qui commencera avec le soir de la sortie d’Egypte elle-même et qui commence donc avec le temps de Nissan.  

Ensuite s’il nous reste du temps, j'espère, nous verrons un thème analogue qui est directement relié aux versets étudiés dans la Parashah deחֻקַּת , dans le Talmud.

 

***

Alors je commence d’abord par lire les principaux versets de cette Parashah. Nous étudierons un des thèmes posés par le verset, et en 2ème partie nous essaierons de l'éclairer, de l'illustrer, par l'enseignement du Talmud sur un sujet très analogue.

 

19:1

וַיְדַבֵּר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן לֵאמֹר  

C’est donc un commandement que Dieu va donner simultanément à Moïse et à Aaron. Ce fait même pose un problème pour lui-même, je vous le signale en passant : Il y a certaines מִצוֹת qui sont transmises à travers Moïse et Aaron ensemble dans cet ordre Moïse et Aaron, et d’autres dans l’ordre Aaron et Moïse. Et puis la majorité des מִצוֹת sont données à travers Moïse. Le Talmud établi à ce sujet qu’en réalité toutes les מִצוֹת sont données à travers Moïse et Aaron à la fois. On l’apprend en particulier de chaque contexte où il y a un verset de ce type :   

וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן לֵאמֹר

Ou des versets qui donnent Aaron avant Moshe pour montrer l’équivalence entre Moïse et Aaron. Cependant lorsque la תּוֹרָה est transmise à travers Moïse elle a un objectif de הָעוֹלָם תִּקּוּן – la restauration de l’ordre du monde, lorsque la תּוֹרָה est transmise à Aaron, elle a une dominante différente : elle a l’objectif de la כַּפָּרָה c’est-à-dire de la restauration dans le sens de l’expiation d’une faute qui entretemps a été faite.  

תוֹרָת מֹשֶׁה  et אַהֲרֹן תוֹרָת c’est la même תּוֹרָה mais מֹשֶׁה תוֹרָת c’est à priori de la faute et אַהֲרֹן תוֹרָת c’est à postériori de la faute.   

Avant même que toute éventualité de faute ne soit envisagée il y a un ordre du monde à rétablir : l’achèvement de la mise au point du chaos originel au point où chaque génération le reçoit.  

Et pendant ce « métier d’homme » qui devient assez  rapidement un métier hébreu et finalement un métier juif, des fautes peuvent être faite. Alors une deuxième dimension apparait : le fait de restaurer la situation d’avant la faute pour pourvoir être disponible pour le service de la restauration du monde.  

Il y a les 2 objectifs qui nous sont donnés simultanément dans la תּוֹרָה mais nous nommons la תּוֹרָה « תוֹרָת מֹשֶׁה » pour ne pas oublier que l’accent est mis non pas sur la restauration des fautes, mais sur la réparation du monde. Et dans ce métier de « réparateur du monde » si j’ose dire,   il peut y avoir des fautes de métier. Alors il faut les réparer avant de continuer.  

Nous allons voir que là il était nécessaire de rappeler le nom de Aaron parce qu’effectivement c’est un problème clef concernant la possibilité d’être disponible pour ce métier de réparation du monde.  

 

En hébreu c’est beaucoup plus clair :

הָעוֹלָם תִּקּוּן: c’est la restauration de l’ordre idéal du monde, c’est-à-dire la restauration du projet du Créateur pour le monde. Et à chaque étape de l’histoire du monde il y a une exigence de progrès dans la réalisation de ce projet ; mais il peut y avoir, étant donné le stade de mérite ou d’identité où se trouve l’homme qui est occupé à cette réalisation, régression dans ce progrès même. Il faut donc réparer la régression avant de nous rendre de nouveau disponible pour continuer la progression.

 

La Parashah que nous allons étudier  se relie centralement à ce sujet-là.  

 

19:2

זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר: דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל וְיִקְחוּ אֵלֶיךָ פָרָה אֲדֻמָּה תְּמִימָה אֲשֶׁר אֵין-בָּהּ מוּם, אֲשֶׁר לֹא-עָלָה עָלֶיהָ עֹל

 

זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה : C’est l’expression la plus importante à cette introduction à ce qui va nous être lu : il s’agit du problème des cendres de la vache rousse qui permettent de prendre le bain de purification de l’impureté. Ces eaux qu’on appelle dans le terme technique les « eaux lustrales » qui permettaient le bain de purification se composaient des cendres d’un vache complètement pure, parfaite, en couleur et en constitution, auxquelles on ajoutait certaines catégories d’herbes pour le végétal et l’animal ; et c’est pourquoi on a l’habitude de dire en français la « vache rousse ».  

Voici le principe de la תּוֹרָה – je traduis le mot deחֻקַּה  par principe pour indiquer le fait que cette loi en particulier de la פָרָה אֲדֻמָּה est un principe fondamental de toute la תּוֹרָה.

  

זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה Voici le principe de statut de la תּוֹרָה.  

Or, le mot de חֻקַּה lui-même signifie une loi qui est imposée en dehors de toute recherche de signification. C’est le sens habituel que vous trouverez dans les dictionnaires et chez les commentateurs immédiats, du terme de חֻקַּה. L’exemple que j’emploie toujours pour tenter d’éclaircir cette notion : un exemple dans le langage juridique : vous avez une constitution, une législation au nom de laquelle, l’appareil juridique va rendre ses jugements. Le jugement s’appelle le מִּשְׁפָּט et la constitution au nom de laquelle le juge doit juger, la constitution donnée par le législateur s’appelle la חֻקַּה.

Même en hébreu moderne on a repris un peu ce vocabulaire : la חֻקַּה c’est le code et le מִּשְׁפָּט c’est la jurisprudence qui est déduite où induite parfois du code.  

Par conséquent, il y a certaines מִצוֹת que l’on appellera des מִּשְׁפָּטִים. Ce sont les conséquences de l’application d’un principe de la תּוֹרָה à une situation donnée. Et les מִצוֹת que l’on appelle des חֻקִּים, ou au féminin des חֻקַּוֹת, et qui sont ces principes-là au nom desquels on donne les מִּשְׁפָּטִים.

 

L’ensemble des מִצוֹת se divisent en différentes catégories, et en particulier ces מִצוֹת qui ont la forme et l’aspect et le contenu d’un principe sine qua non de la תּוֹרָה s’appellent des חֻקַּוֹת.  

Par exemple dans la Sidra de בְּחֻקֹּתַי: « אִם-בְּחֻקֹּתַי תֵּלֵכוּ » Si vos observez mes חֻקַּוֹת.

Cela veut dire non seulement l’application des données de la תּוֹרָה dans le détail, mais les principes de cette תּוֹרָה qui fondent les מִצוֹת et font qu’elles sont ce qu’elles sont.

L’intention profonde de la תּוֹרָה est formulée au niveau des חֻקִּים  et des חֻקַּוֹת.  

En se basant sur des Midrashim authentiques, non interprétés, on a pris l’habitude de dire que ‘Houka, c’est une loi sans signification alors que מִּשְׁפָּט c’est une loi qui a une signification.

Je corrigerais cette affirmation.

Nous aurons l’occasion d’étudier le commentaire de Rashi là-dessus, qui se base d’ailleurs sur ces Midrashim pour un peu démystifier ce problème, et le nuancer.  

Toutes les מִצוֹת de la תּוֹרָה ont un sens, mais il est plus ou moins accessible. Et en particulier à propos de la פָרָה אֲדֻמָּה, le Midrash dit : seul Moshe Rabénou en avait la signification, c’est pourquoi tout de suite dans la suite du verset la פָרָה אֲדֻמָּה va être nommée du nom de Moïse.  

Et le Midrash continue : même le roi Salomon qui avait la plus grande sagesse après Moshe Rabénou a tenté de comprendre cette חֻקַּה sans y parvenir. Il a déclaré :

 

קֹהֶלֶת 7:23 :

כָּל-זֹה, נִסִּיתִי בַחָכְמָה; אָמַרְתִּי אֶחְכָּמָה, וְהִיא רְחוֹקָה מִמֶּנִּי

Tout cela, je l'ai expérimenté avec sagesse; je disais: "Je voudrais me rendre maître de la sagesse!" Mais elle s'est tenue loin de moi.  

 

« Loin de moi » dit le Midrash c’est פָרָה אֲדֻמָּה.

Nous aurons l’occasion de revenir sur ce thème : Moshe peut le comprendre mais pas Salomon.

 

Première proposition :  

 

  • חֻקַּה: c’est une loi qui n’est pas discutable, loi donnée pure et simple, גְזֵרָה en hébreu, et qui n’aurait pas de signification.  
  • La 2ème formule qui se substitue à la première bien qu’à peine nuancée est très différente : Toutes les lois de la תּוֹרָה sont à la fois des גזֵרוֹת et ont leurs significations suivant les En particulier au niveau le plus grand, cette loi de פָרָה אֲדֻמָּה qui est une חֻקַּה dont la signification est inaccessible.

 

Je vous donne un 2ème exemple au niveau du langage mathématique :

Il y a les axiomes et les théorèmes. Les axiomes sont les principes qui sont toute la base même de la pensée mathématique et desquels on déduit ou on induit des théorèmes.

Par exemple, le principe d’identité en logique générale, est une חֻקַּה. La raison ne peut pas fonctionner en dehors du principe d’identité. A=A Une chose est égale à elle même et n’est pas égale à une autre chose (חֻקַּה). Et du principe d’identité découle un certain nombre de principes logiques qui en sont les conséquences (מִּשְׁפָּטִים).  

 

Nous manions dans notre raisonnement logique des principes qui ont une très grande importance dont on pressent qu’ils ont une signification très profonde, mais on n’arrive pas à pressentir que le fonctionnement du monde est basé dessus.  

Par exemple, un principe qui m’a beaucoup frappé en mathématiques : avec deux fractions : le produit des extrêmes et des moyens est égale. Or il n’y a rien de plus différent que les extrêmes et les moyens, mais leur produit est égal !

C’est un principe très fécond en mathématique, mais si on arrivait à pressentir et comprendre la signification profonde de ce principe, on s’aperçoit que c’est un des principes sur lequel le fonctionnement du monde repose.  

 

Ici, nous avons donc une מִצְוָה particulière apparemment mais qui est nommée par la תּוֹרָה la חֻקַּה de la תּוֹרָה toute entière : זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה   

On pourrait dire aussi de façon beaucoup plus concise : voici le principe de cette תּוֹרָה particulière. Parce que dans le langage du מִקְרָא et de la tradition chaque מִצְוָה est appelée une תּוֹרָה.

Dans la חָסִּידוּת, par exemple, chaque תּוֹרָה דּבַר chez les חָסִידִים s’appelle une תּוֹרָה.

 

On peut donc aussi lire ainsi :

זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה

Voici le principe de cette תּוֹרָה qui concerne la פָרָה אֲדֻמָּה

Mais en général, les premières sources ont toujours lu זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה cette מִצְוָה de la פָרָה אֲדֻמָּה c’est la חֻקַּה de toute la תּוֹרָה...

 

19:2

זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה, אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר:  דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ אֵלֶיךָ פָרָה אֲדֻמָּה תְּמִימָה אֲשֶׁר אֵין-בָּהּ מוּם, אֲשֶׁר לֹא-עָלָה עָלֶיהָ, עֹל

Voici qu’elle est la חֻקַּה de la תּוֹרָה Que Dieu a ordonné en disant

 

אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר : On pourrait se poser la question: est-ce que cela va à la  פָרָה אֲדֻמָּה ? à la חֻקַּה ? ou à la תּוֹרָה ?

Voici la חֻקַּה de la תּוֹרָה (la פָרָה אֲדֻמָּה) que Dieu a ordonné en disant

Voici la חֻקַּה de (toute) la תּוֹרָה que Dieu a ordonné en disant  

 

D’après les Taamim on voit que c’est la 2nde lecture qui est la plus immédiate.

Voici la חֻקַּה de (toute) la תּוֹרָה que Dieu a ordonné en disant

 

Avant d’aller plus loin je voudrais vous citer un commentaire profond du Or Ha’Hayim :

Dans toute מִצְוָה, il y a un aspect de חֻקַּה, dans son aspect indiscutable. Arrivé-là il n’y a plus de place pour chercher à comprendre pourquoi : il y a quelque chose de l’ordre du mystère.  

(Et vous savez à quel point il faut éviter ce mot de mystère lorsque l’on parle de la תּוֹרָה. Ce mot appartient au vocabulaire grec et dans la tradition hébraïque on parle de הַתּוֹרָה סִתּרֵי – les secrets de la תּוֹרָה - plutôt que des mystères de la תּוֹרָה. Le mystère est une connaissance qu’on n’a pas et qu’on perçoit comme étant inaccessible. Tandis qu’un secret est une connaissance qu’on peut avoir. On ne l’a pas provisoirement parce qu’elle est secrète. Mais le fait qu’il y ait secret est une invitation à le comprendre. Tandis qu’un mystère, l’invitation est justement l’inverse. Dans les religions mystiques c’est plein de mystères : des religions à mystères... 

 

Dès le début du commentaire de Na’hmanide sur la תּוֹרָה, dès les premiers versets commentant Rashi : ce dont je te parle est un secret profond et ceux qui le savent doivent le taire...

Les commentateurs de Na’hmanide s’interrogent : pourquoi parle-t-il si c’est un secret ? Dès qu’on parle d’un secret il est commencé à être dévoilé. De la formule même qu’emploie Na’hmanide on apprend que les secrets sont faits pour être découverts. Mais il y a des précautions, des conditions...  

 

Exemple des formules habituelle du Maharal : l’étude du chapitre est finie et il finit en disant: et tout ce qui est très clair comprend le bien... ? On a alors compris qu’on n’a pas compris et qu’il faut recommencer... parce que ce sont des formules qui indiquent qu’il y a quelque chose qu’il faut comprendre et qui ne peut pas être dit.

 

Or Ha’Hayim :

Dans toute מִצְוָה de la תּוֹרָה, il y a un aspect étrange : le fait que la תּוֹרָה insiste systématiquement c’est ce fait que la תּוֹרָה s’adresse à Israël. Il doit y avoir une raisonמַמָּשׁ  mais finalement cela est devenu un article de foi – mais on a perdu les moyens de le percevoir. Systématiquement la תּוֹרָה dit «   דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל»...

C’est un thème qui a été également beaucoup repris dans la חָסִּידוּת.

 

" דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל" זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה, אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר

Voici le côté חֻקַּה de toute la תּוֹרָה c’est אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר: דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל    c’est le fait que Dieu a ordonné  en disant « Parle aux enfants d’Israël ».

Cette chose-là que cela s’adresse aux enfants d’Israël, cela c’est le secret de la תּוֹרָה...

 

Il y a là un aspect indiscutable, un aspect devant lequel on est démuni lorsqu’on cherche la signification. Rambam dit très clairement dans la 2ème partie du Guide des Egarés: le fait que Dieu ait donné la תּוֹרָה à Moïse et à Israël ceci c’est une décision de la volonté divine et nous ne devons pas chercher à la comprendre. Cela ne veut pas dire qu’on ne comprend pas. Mais cela veut dire que c’est quelque chose qui est contesté de toutes les manières. Et nous allons voir comment Rashi le dit.  

 

Au fond dans le vocabulaire contemporain, c’est contester cette prétention à l’élection d’Israël que quand Dieu parle, Il parle à Israël. Comme j’ai l’habitude de dire avec une formule empruntée à la télévision : c’est une révélation « en direct » pour les Hébreux et Israël, qui est « en différé » pour les autres. 

C’est un fait dont on est bien obligé de prendre acte et c’est un fait qui apparait comme חֻקַּה, גְּזֵרָה, décret divin. En réalité on s’aperçoit depuis le commencement de l’histoire d’Abraham qu’il y a plein de raisons à ce choix d’Israël par Dieu. Mais le fait brut apparait comme cela.  

Je ferme cette parenthèse et je reprends le Pshat du verset :

 

19:2

זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה, אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר:  דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ אֵלֶיךָ פָרָה אֲדֻמָּה תְּמִימָה אֲשֶׁר אֵין-בָּהּ מוּם, אֲשֶׁר לֹא-עָלָה עָלֶיהָ, עֹל

Et ils prendront vers-pour toi Une vache rousse entièrement Qui n’a pas de défaut. Sur laquelle n’est jamais monté le joug  

C’est-à-dire qui n’a pas été consacrée à autre chose que ce à quoi elle sera consacrée.

 

19 :3

וּנְתַתֶּם אֹתָהּ, אֶל-אֶלְעָזָר הַכֹּהֵן; וְהוֹצִיא אֹתָהּ אֶל-מִחוּץ לַמַּחֲנֶה, וְשָׁחַט אֹתָהּ לְפָנָיו

Et vous la donnerez à Eléazar le prêtre Il la fera sortir en dehors du camp

Et la sacrifiera devant lui  

Nous trouvons la même formule à propos de la Parashah תְּרוּמָה : Parles aux enfants d’Israël et c’est à toi de savoir ce que tu dois leur dire pour que le résultat soit que : et ils prendront pour toi...

C’est pourquoi c’est la racine de ce fait que la vache rousse est nommée du nom de Moïse.

Nous en verrons plus lors de l’étude du problème de la sortie de l’impureté d’Egypte.

 

19 :4

וְלָקַח אֶלְעָזָר הַכֹּהֵן, מִדָּמָהּ--בְּאֶצְבָּעוֹ; וְהִזָּה אֶל-נֹכַח פְּנֵי אֹהֶל-מוֹעֵד, מִדָּמָהּ--שֶׁבַע פְּעָמִים

Et Elazar le prêtre prendra de son sang avec son doigt et aspergera le devant de la tente du tabernacle de son sang 7 fois

 

Ensuite ce verset important :

19:5

וְשָׂרַף אֶת-הַפָּרָה, לְעֵינָיו:  אֶת-עֹרָהּ וְאֶת-בְּשָׂרָהּ וְאֶת-דָּמָהּ, עַל-פִּרְשָׁהּ יִשְׂרֹף

Et il brûlera cette vache à ses yeux Et sa chair et son sang et ses entrailles seront brûlés  

Cela veut dire qu’elle sera brûler toute entière dans toute ses catégories d’être

  

19 :6

וְלָקַח הַכֹּהֵן, עֵץ אֶרֶז וְאֵזוֹב--וּשְׁנִי תוֹלָעַת; וְהִשְׁלִיךְ, אֶל-תּוֹךְ שְׂרֵפַת הַפָּרָה

Le prêtre prendra du bois de cèdre et d’hysope Et une cochenille (dont la pelure une fois séchée donnait la couleur cramoisie) Et il jettera cela dans le brûlement de la vache  

Une sorte de délégation de tous les règnes vivants ensemble dans le brûlement de la vache comme traduit André Chouraqui. Et on préparera ces cendres-là.  

19 :7

וְכִבֶּס בְּגָדָיו הַכֹּהֵן, וְרָחַץ בְּשָׂרוֹ בַּמַּיִם, וְאַחַר, יָבֹא אֶל-הַמַּחֲנֶה; וְטָמֵא הַכֹּהֵן, עַד-הָעָרֶב

Et le prêtre lavera ses vêtements et il lavera sa chair dans les eaux (il prendra le bain de purification) et après seulement le Kohen rentrera dans le camp et le Kohen sera impur jusqu’au soir.  

19 :8

וְהַשֹּׂרֵף אֹתָהּ--יְכַבֵּס בְּגָדָיו בַּמַּיִם, וְרָחַץ בְּשָׂרוֹ בַּמָּיִם; וְטָמֵא, עַד-הָעָרֶב

De même celui qui a brûlé (la vache) Lavera ses vêtements dans l’eau

Lavera sa chair dans l’eau Et sera impur jusqu’au soir.

 

19 :9

וְאָסַף אִישׁ טָהוֹר, אֵת אֵפֶר הַפָּרָה, וְהִנִּיחַ מִחוּץ לַמַּחֲנֶה, בְּמָקוֹם טָהוֹר; וְהָיְתָה לַעֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל לְמִשְׁמֶרֶת, לְמֵי נִדָּה--חַטָּאת הִוא

Et un homme pur...  

Cela veut dire : ceux qui se sont occupés de préparer les cendres de la vache rousse qui ont pour objet de purifier les impurs, ceux-là même deviennent impurs.

Cela veut dire : C’est un Kohen qui était en état de pureté qui était chargé de préparer les cendres qui seront dans l’eau qui servira de purification pour quiconque était en état d’impureté. En préparant la capacité de purifier l’impureté, il se rend impur. Donc il faudra qu’il se purifie et restera dans son état d’impureté jusqu’au soir.  

C’est là-dessus que je reprendrais un exposé du Talmud sur un sujet parallèle.  

 

19 :9

וְאָסַף אִישׁ טָהוֹר, אֵת אֵפֶר הַפָּרָה, וְהִנִּיחַ מִחוּץ לַמַּחֲנֶה, בְּמָקוֹם טָהוֹר; וְהָיְתָה לַעֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל לְמִשְׁמֶרֶת, לְמֵי נִדָּה--חַטָּאת הִוא

Et un homme pur rassemblera la cendre de la vache La placera en dehors du camp Dans un endroit pur de toute impureté Elle y sera pour l’assemblée d’Israël Un réserve pour les « eaux lustrales » (les eaux de purification).C’est un sacrifice d’expiation

 

Voilà donc le thème. Je vais formuler le principe général de cette question :

Il y a à priori une impossibilité d’accéder à l’état de pureté. Pourquoi ? Parce que pour accéder à l’état de pureté, il faut le faire par l’intermédiaire de quelqu’un qui serait déjà pur. Or, il s’agit d’accéder de l’état d’impureté à l’état de pureté, et s’il n’y a pas cet être exceptionnel qui soit à l’état de pureté pendant que le monde entier est à l’état d’impureté, jamais on ne trouvera dans le monde le commencement du passage à la pureté.  

Je prends un deuxième thème pour expliquer le premier : Le principe de l’impureté est le contact avec la mort. Or, l’accès à la sainteté n’est pas possible si on est en état d’impureté. Tant que la mort est dans le monde, il ne peut pas y avoir de sainteté. Par conséquent, cela veut dire à la limite que la תּוֹרָה est impraticable pour les hommes tant que nous sommes dans le עוֹלָם הַזֶּה: on y nait grâce à Dieu mais Dieu préserve, on y meurt.  

 

Or, comme nous sommes dans un monde où il y a la mort, cela voudrait dire que la תּוֹרָה est impraticable.  Par conséquent le תּוֹרָה n’est praticable que par quelqu’un qui n’est pas de l’ordre de cette impureté, par l’entremise de cette personne qui va avoir le privilège, la capacité, de pouvoir transformer l’impur en pur .Résultat : lui se transforme de pur en impur.  

Nous allons retrouver cela dans la personnalité de Moïse, c’est pourquoi la פָרָה אֲדֻמָּה est toujours appelée du nom de Moïse. Seul Moïse est capable de faire que la תּוֹרָה soit reçue par les hommes.  

 

Que signifie cette idée de Moïse qui est pur et qui rend purs les impurs tout en devenant impur ?

Un Midrash éclaire cela je vous le raconte de nouveau. Tant que le temps de l’impureté n’est pas passé, il nous reste encore du temps... cela doit vous évoquer des associations d’idées avec des péripéties très précises de l’histoire de Moïse, et ensuite on reviendra au principe lui-même qui est important à comprendre en tant que tel. Cela veut dire qu’il y a des moments de transitions qui ne peuvent s’opérer que s’il y a cette chose qui ne fait pas partie de la réalité habituelle, que la תּוֹרָה appelle ici « le principe de toute la תּוֹרָה », et qui s’appelle les cendres de la vache rousse qui permettent de transformer les impurs en purs. Mais celui qui est capable de préparer cela doit être purs (il est donc exceptionnel et apriori du cas général) mais par ce fait-là il se rend impur. Ce n’est pas grave car maintenant il peut se purifier de nouveau. Mais vous avez compris qu’il faut un cas particulier.

 

C’est pourquoi énormément de textes désigne Moïse comme étant, vous le verrez dans le début du livre de שְׁמוֹת évoquant la naissance de Moïse.

 

En particulier le verset 2:2 : וַתֵּרֶא אֹתוֹ כִּי-טוֹב הוּא qui indique que Moïse ne faisait pas partie du monde du bien et du mal, il faisait partie du monde du bien uniquement. C’est un sujet pour lui-même de l’identité de Moïse. Donc Moïse seule est capable de cela.

 

Je reviens sur le thème de la sortie d’Egypte, mais d’abord le thème très général : Tant que la mort est là dans le monde, la sainteté n’est pas possible. Or, toute la תּוֹרָה a pour objectif de nous mener à la sainteté. Chaque fois que nous pratiquons une מִצְוָה, la בְּרָכָה que nous disons c’est : « Asher kideshanou bemitsvotav  qui nous a sanctifié par Ses commandements ».

Tous les commandements de la תּוֹרָה ont pour objectif la sainteté. Et donc si on est en état d’impureté on ne peut pas avoir accès à la תּוֹרָה.  

 

Nous allons voir que le Midrash que cite Rashi implique une contestation contre Israël qui prétend qu’il peut y avoir sur terre la תּוֹרָה de sainteté  alors qu’on sait très bien que ce n’est pas possible : l’impureté c’est la nature de ce monde-ci et elle empêche l’accès à la sainteté.  

Il y aurait donc une astuce, un truc qui permettra d’embrayer quand même dans la sainteté avec un principe incompréhensible que ce qui rend pur l’impur rend impur le pur et réciproquement.

 

Q: Pourquoi est-ce rattaché à Moïse ?

R: Pour 2 raisons essentielles : parce que c’est la situation de la sortie d’Egypte : Israël est dans l’impureté. Le Midrash est très précis. Il y a 50 portes de l’impureté. Israël était tombé dans la 49ème porte de l’impureté. S’il était rentré dans la 50ème, personne n’aurait pu le faire sortir. Alors Moïse les a fait sortir de la 49ème porte de l’impureté. C’est Moïse qui est celui qui peut faire sortir Israël de l’impureté à la pureté. Et c’est Moïse qui peut donner la תּוֹרָה à Israël. Il est important de retrouver à propos de ce thème, les deux fonctions de Moïse par rapport à Israël : La fonction historique de la sortie d’Egypte et d’autre part la fonction prophétique de la révélation de la תּוֹרָה. Dans les 2 cas ce ne peut être qu’un être exceptionnel par rapport à l’état du peuple dont il s’agit pour que la תּוֹרָה puisse être sur terre et puisse être pratiquée.

 

Q : On parle de Moïse mais ici le Kohen Gadol intervient, ainsi que celui qui rassemble les cendres et qui brûle... où est Moïse ?

R : au début du 2ème verset 

זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה, אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר:  דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְיִקְחוּ אֵלֶיךָ  

Et vous verrez les commentaires sur cet אֵלֶיךָ : et ils prendront pour toi Moïse.

Avant que les Kohanim commencent à fonctionner comme Kohanim, c’est Moïse qui était le grand prêtre qui a purifié les Kohanim. Par conséquent, il y a déjà grâce à Moïse des Kohanim purifiés.

Cela s’appelle d’ailleurs dans le langage de la תּוֹרָה « מִלֻּאִים ימים שִׁבְעָת - les 7 jours de préparations ». On a gardé le même mot dans le langage militaire. Pendant ces 7 jours avant l’inauguration du Tabernacle, c’est Moïse lui-même qui a joué le rôle du Kohen Gadol.

 

***

 

1er Rashi sur notre verset qui veut expliquer l’expression :

זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה : 

לפי שהשטן ואומות העולם מונין את ישראל לומר מה המצוה הזאת ומה טעם יש בה, לפיכך כתב בה חקה, גזירה היא מלפני ואין לך רשות להרהר אחריה:

Parce que le Satan et les nations du monde contestent Israël, en disant: "Qu'est-ce que ce commandement, et quel est son sens?" Par conséquent, la תּוֹרָה utilise le terme   חֻקַּה. C’est uneגזירה  une décision de ma part ; tu n'as aucun droit de la contester. -- [Yoma 67b]  

 

Ce texte que cite Rashi : le fait que c’est une גְּזֵרָה, une décision imposée indiscutable c’est Israël qui doit le dire aux גּוֹיִם et au Satan et non pas pour lui-même. Jamais Israël n’arrive à expliquer cela aux גּוֹיִם et au Satan. C’est un formidable procédé d’espérance qui fait qu’en dépit de tout, et bien que nous soyons dans ce עוֹלָם הַזֶּה dont la loi est la mort et l’impureté, on va embrayer sur la תּוֹרָה. Le thème ici est très important. Nous entendons à travers toutes les civilisations du monde, à travers tous les גּוֹיִם, cette même formule non-dite : « on voudrait bien pratiquer cette תּוֹרָה mais nous savons bien que c’est impossible ».

 

C’est en particulier la contestation chrétienne contre le judaïsme qui est très claire. Vous dites que vous pouvez pratiquer la volonté de Dieu ? C’est de l’orgueil de l’hypocrisie, c’est impossible...

C’est une prétention d’Israël qui est impossible dans un monde où il y a la mort...

Rappelez vous le Midrash dans lequel les anges s’opposent au don de la תּוֹרָה aux hommes qui d’après eux ne sont pas concernés. Dans l’histoire de la contestation théologique religieuse et surtout la relation d’Israël avec les autres cultures on perçoit bien ces problèmes. Il y a ici une accusation de mauvaise foi contre Israël dans sa prétention à vivre la תּוֹרָה sur terre en s’ingéniant à inventer des trucs qui permettent de pratiquer sans pratiquer....   

C’est pourquoi la תּוֹרָה dit : c’est une חֻקַּה, afin qu’Israël argumente : nous n’y pouvons rien cela nous a été imposé : הַשָּׁמַיִם מִן גְּזֵרָה qui n’est pas discutable.

 

Cela me permet de préciser de nouveau ce que j’ai dit au début : c’est la source de laquelle on se sert habituellement fautivement pour dire d’une חֻקַּה qu’elle est une décision disciplinaire qui n’a pas de sens,  c’est cette source même qui dit le contraire.

 

C’est-à-dire qu’il y a deux contestations :

 

  • Le Satan qui intervient toujours dès qu’il y a un doute porté sur le צַדִּיק. Reprenez comme modèle l’histoire de Job. Job est צַדִּיק et le Satan veut le mettre à l’épreuve. Le Satan ne s’occupe pas des רֶשָעִים mais des צַדִּיקִים. C’est le contraire de ce que l’on croit. Dans le vocabulaire du Midrash, dans le tribunal de Dieu le Satan est l’accusateur public. Il met en évidence quelque doute que ce soit. Voilà la mise en doute : Israël est-il vraiment capable de cette transformation de l’impureté à la pureté pour avoir accès à la sainteté, ou faites-vous semblant ? Que signifie cet acte avec les cendres d’une vache rousse... ?

 

  • Les אוּמוֹת הָעוֹלָם: Le Midrash ne se borne pas à dire que c’est uniquement la contestation du Satan mais y ajoute celle des אוּמוֹת הָעוֹלָם: effectivement, nous avons vécu cette contestation au niveau historique surtout avec les Chrétiens : les juifs feraient semblant hypocritement de vivre selon la loi de sainteté tout en sachant comme tous les גּוֹיִם cette impossibilité de vivre sur terre la loi de sainteté...

 

C’est dans l’identité d’Israël qu’il y a cette capacité de transformation des contraires. Cela fait partie d’un sujet beaucoup plus vaste : dans l’identité d’Israël il y a une force qui s’appelle le Bikhour – c’est-à-dire la force de transformer les choses en leur contraire : la malédiction devient bénédiction, le futur devient un passé, le passé devient un futur... Cela se voit dans énormément de versets. Cette force-là se trouve en Israël. Je veux simplement mettre en évidence ce que nous vivons actuellement : on prend le passé le plus antérieur pour en faire un futur : C’est un כוֹחַ qui définit le כוֹחַ d’Israël qu’on appelle la force du  ’Hidoush, du renouvellement.  

 

Je relie cela très rapidement au problème de Moïse :

Moïse seul est capable de cette conduite de מִצְוָה qui fait que toutes les מִצוֹת sont possibles. Tant qu’on n’a pas eu cette clef, ce levier, on ne put pas embrayer dans la תּוֹרָה. Pourquoi ? La תּוֹרָה est donnée à un peuple dans l’état de pureté. Il faut donc d’abord le purifier pour qu’il puisse accéder à la תּוֹרָה. Formellement, cela veut dire qu’il y a une מִצְוָה à travers laquelle on devient soumis aux מִצוֹת. Et c’est laquelle ? Du point de vue historique je crois que c’est suffisamment clair : il faut passer de l’état d’impureté à l’état de pureté !

 

Le corollaire, c’est que celui qui fait passer les autres de l’état d’impureté à l’état de pureté lui-même sera impur et donc entre dans la communauté et est soumis à la même règle d’avoir à se purifier... etc.  

Mais à priori, il s’agit de Moïse en particulier. Tant pour la sortie d’Egypte au niveau de l’événement historique, la sortie n’aurait pas été possible si ce n’était pas Moïse qui était l’intermédiaire, et pour éviter qu’on croit que c’est lui qui l’a faite on ne le cite même pas dans la Haggadah de Pessah. Mais on sait très bien que sans Moïse jamais rien n’aurait bougé. Mais il a fallu cette chose exceptionnelle que de Joseph à Moïse, finalement on trouve un hébreu sur le trône de Pharaon. Moïse est d’abord connu comme le fils adoptif de Pharaon et son héritier présomptif. Comme je le dis souvent c’est l’identité à l’inverse de celle de Joseph : Joseph c’est cet hébreu déguisé en égyptien. Et Moïse c’est cet hébreu déguisé en égyptien qui enlève le déguisement égyptien. 

 

Tout cela a des antécédents dans le passé : une partie de l’identité d’Israël se met à part en vue du salut du Klal, de la collectivité, et a donc un destin exceptionnel, je parle de Moïse en particulier.  

 

Tout se passe comme si nous vivons une situation analogue avec de nouveau cette situation de sortie de la גָלוּת  et le commencement de גֵּאֻלָה. 

 

Deux indications :

Il faut arriver à trouver cette clef, cette charnière, ce levier pour que cela puisse se déclencher. Cela ne peut venir que d’en-haut et ne peut pas venir d’en-bas. L’impur ne peut pas se transformer seul en pur. Il faut qu’il y ait un passeur. Quelqu’un qui fasse passer.   

 

***

 

Q : Je cherche un rapport direct entre le commentaire du Or Ha’Hayim et celui de Rashi ?

R : Ce sont deux choses différentes citées qui j’ai donné à deux moments différents de l’analyse. Il y a un rapport mais je ne l’ai pas précisé. L’enseignement du Or Ha’hayim : l’aspect חֻקַּה de la תּוֹרָה c’est אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר: דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל .

D’autre part le Midrash que cite Rashi c’est le fait que Hashem nous ait donné ce commandement particulier de la פָרָה אֲדֻמָּה, c’est une ‘חֻקַּה. Cela veut dire qu’on va être en but aux contestations des אוּמוֹת הָעוֹלָם, et j’essaie d’expliquer pour ma part l’importance de ce Midrash. Cela porte sur l’éventualité même, l’idée même, le problème même de la תּוֹרָה qui est contestée : « vous ne pouvez pas pratiquer la תּוֹרָה mais vous affirmez que c’est possible grâce à la פָרָה אֲדֻמָּה ? »

 

Réponse : Grâce à la פָרָה אֲדֻמָּה avec derrière elle le thème de l’identité de Moïse et c’est גְּזֵרָה de Dieu.  

C’est un thème important mais difficile à manier. Il implique dans le langage de notre culture  contemporaine une catégorie qui est très délicate à exprimer et qui est l’élection d’Israël comme fait inexplicable. 

Finalement, l’humanité entière, à travers l’islam pour sa part, et à travers la chrétienté pour la sienne, et dans d’autres formules culturelles humanistes non forcément théologiques, reconnaissent qu’il y a un cas à part pour l’humanité et qui est le peuple juif, c’est-à-dire Israël. On ne dira pas « élection » mais on désigne finalement la même chose. Seulement, ils disent que cela a eu lieu et Israël a été ensuite déchu ... Ils ne peuvent pas nier qu’il y ait eu cela :

זֹאת חֻקַּת הַתּוֹרָה, אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה לֵאמֹר:  דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל  

 

Dans le Kouzari par exemple Judah Halevi a très bien mis cela en forme dans son introduction. Si on demande au représentant de l’islam ou au représentant de la chrétienté d’où ils savent que ce en quoi ils croient est vrai, ils finissent par indiquer la source juive. A un certain moment il faut s’adresser à Israël ! Ancien testament pour les Chrétiens ou comme le dit le Coran la malédiction de la déchéance d’Israël. Cette incapacité d’admettre que la véritable volonté de Dieu c’est que la תּוֹרָה d’en-haut soit pratiquée en bas. Pour eux la תּוֹרָה d’en-haut n’est praticable qu’en-haut et pas en-bas où l’on s’arrange autrement.... Déclarant ces idées paradoxales : comment transformer l’impur en pur... ?

 

***

J’ai posé le principe suivant : il y a une מִצְוָה en particulier de la תּוֹרָה grâce à laquelle on peut embrayer dans toutes les מִצוֹת de la תּוֹרָה. Puisque toutes les מִצוֹת de la תּוֹרָה ont pour objectif, la קְדוּשַה, la sainteté.  

Dans le temps de גָלוּת  quand le בֵּית הַמִּקְדָּשׁ n’est pas encore construit, on peut penser qu’il y a une différence de nature entre les מִצוֹת qui demandent la pureté pour la sainteté du temple et celles qui ne le demandent pas. Et cela c’est une situation deגָלוּת  , une situation provisoire. Tant que le temple n’est pas construit nous somme tous en état d’impureté, bien qu’il y ait les prescriptions de purifications dans les relations interhumaines. Mais par rapport à la sainteté du בֵּית הַמִּקְדָּשׁ nous sommes tous en état d’impureté. Il faut que l’on embraye quelque part pour pouvoir commencer à purifier les premiers  qui purifieront les autres. Dans tous les cas, il nous faut un Moïse qui soit ce cas particulier qui a été Moïse comme au temps de la sortie d’Egypte.

 

Il faut donc arriver à avoir le mérite d’une génération qui est capable de faire le travail de Moïse.

Là, il y a un mystère que l’on ne peut pas expliquer aux גּוֹיִם ni même au Satan. Dieu seul le connait et c’est une complicité  avec Israël. A chaque génération, dans le peuple d’Israël, il y a cela présent : cette capacité de pureté qui n’est atteinte par aucune impureté. On ne peut pas expliquer cela au monde qui ne comprend pas l’élection d’Israël, la grâce d’Israël, et qui devient furieux de ne pas pouvoir y participer...

 

Q : Y-a-t’il un rapport avec l’huile de Hanoukka devenue impure ?

R: c’est la même chose, l’huile était rendue impure par le fait que les Grecs avaient touché les vases d’huile, et comme ils étaient impurs par contact du cadavre, l’huile est devenu impure. Toutes les מִצוֹת finalement ont un préalable de pureté de telle sorte d’aborder le stade de la sainteté.

Tout ce qui est profane peut devenir saint à condition d’abandonner son stade d’impureté et d’acquérir d’abord la pureté.  Lorsqu’on est tombé dans l’impureté bien que par principe candidat à la sainteté, on est indisponible à la sainteté que l’impureté empêche. Il n’y a pas plus grande impureté que laגָלוּת  .  

 

La sortie d’Egypte était impossible si ce n’était par Moïse, et le don de la תּוֹרָה aux hommes était impossible si ce n’était par Moïse.  

 

C’est le cas particulier pour l’ensemble des מִצוֹת de la תּוֹרָה d’une מִצְוָה particulière qui permet la pratique de toutes les autres : la מִצְוָה concernant la purification. C’est l’initiative de Moïse qui a fait que c’est possible. Donc il y a un secret de l’identité de Moïse qui est inexplicable pour les גּוֹיִם. Objectivement, cette histoire apparait comme si Dieu était complaisant envers Israël. Pour le monde entier, cela ne peut fonctionner mais pour Israël il lui donne un truc ?

Alors Israël répond : c’est Dieu qui l’a décidé, on n’y peut rien ! C’est ce que nous dit Rashi sur cette notion de l’élection d’Israël. Le piège c’est de croire que c’est une élection de privilèges, une élection de droits, alors que c’est une élection de devoirs, d’abord.  

[L’année dernière eut lieu un grand colloque sur les Droits de l’homme à laquelle je devais participer avant d’être retenu. L’expression droits de l’homme n’existe pas dans toutes les sources de la tradition. Il y a celle des devoirs de l’homme.]  

 

Suivant l’enseignement de Judah Halevi, il faut ajouter qu’Israël est l’Israël de l’humanité entière.

Comme par exemple l’expression qui arrive avec la sortie d’Egypte : Ben Bekhori Israël   - mon fils 1er né Israël. C’est là dit le Midrash qu’on apprend que c’est bien Jacob qui est l’aîné et non pas Esaü. C’est confirmé là et cela veut dire que les autres aussi sont des fils. Mais tous l’oublient. Le statut de 1er né ne disqualifie pas les autres dans leur qualité de fils !

 

***

 

Q : Quel est le lien entre פָרָה אֲדֻמָּה et le mythe chrétien ?

R : Dans le christianisme, comment cela se traduit-il dans leur théologie : c’est le fait que l’homme ne peut pas pratiquer la תּוֹרָה, à moins qu’un homme exceptionnel prenne sur lui de la pratiquer et par-là expie les fautes de tout le monde. Mais ici c’est très différent : laפָרָה אֲדֻמָּה nous rend disponible pour pratiquer la תּוֹרָה et chacun avec sa responsabilité.

 

***

 

Q : -inaudible-

R : J’explique rapidement: le principe de toute impureté quelle qu’elle soit c’est le cadavre, c’est la mort. Nous expliquerons cela dans les Parashiot de וַיִּקְרָא. Je vous dis simplement ce principe : Seul celui qui est capable de sainteté risque l’impureté. Plus on est capable de sainteté et plus on risque l’impureté grave. Vous verrez cette espèce d’étonnement, de paradoxe, dès qu’on arrive dans le livre de וַיִּקְרָא, livre qu’on appelle le Lévitique c’est-à-dire le livre qui concerne les Kohanim et les Léviim, ceux qui sont voués à la sainteté, alors les précisions méticuleuses concernant les risques d’impureté s’accumulent. .  

 

Dans la culture générale à l’extérieur, c’est le principe complètement inverse : En français : « pour les purs tout est pur » mais il faut dire en réalité : « pour les purs tout risque d’être impur ». C’est-à-dire que celui qui est voué à la sainteté dans les principes de la culture générale ne connait pas l’impureté. Il n’y a plus de différence entre pur et impur. Cf. Paul.  

Ici, la question est la suivante : du point de vue de la connaissance, on parle des 50 portes d’intelligence : Noun Shaarei Binah. Et corollairement à cela, il y a Noun Shaarei Touma, Noun Shaarei Kdoushah, les 50 portes de la pureté, les 50 portes de l’impureté.  On passe d’une porte de la connaissance à une porte supérieure de la connaissance en sortant d’une porte de l’impureté pour entrer dans une porte de la pureté. Mais s’il n’y a pas celui qui nous fait passer d’une porte de la connaissance de l’impureté à celle de la connaissance de la pureté, on ne peut pas sortir et on ne peut pas accéder à la connaissance. Cela revient un peu à ta question. 

 

שְׁמַע קרִיאָת 

Je vous dis l’exemple choisi dans le Talmud en parallèle à ce principe de פָרָה אֲדֻמָּה que l’on vient d’étudier. Effectivement, il existe une מִצְוָה de la תּוֹרָה grâce à laquelle on devient soumis à toutes les מִצוֹת. Ce n’est pas la בְּרִית מִילָה qui est une מִצְוָה très important du signe de l’alliance puisqu’un juif même incirconcis reste un juif. Par exemple, le cas des hémophiles pour lesquels la loi prévoit de ne pas faire la circoncision. Il ne peut pas être président du consistoire mais il peut être rabbin. (Il ne peut pas être Parnass. Il y a des מִצוֹת sociales qu’il ne peut pas réaliser).

 

La מִצְוָה à travers laquelle on est soumis à toutes les מִצוֹת c’est le שְׁמַע קרִיאָת: qui s’appelle Kabalat Ol Malkhout Shamayim Véol Mitsvot.

Quel est la signification du comportement de la מִצְוָה de la lecture du שְׁמַע?

C’est un rite par lequel je prends sur moi la souveraineté de Dieu et de Ses commandements.

Kabalat Ol Malkhout Shamayim Véol Mitsvot.  

Cette définition du שְׁמַע קרִיאָת nous est donnée dans la 1ère Mishna du 2ème chapitre de la Massekhet Brakhot dans un enseignement de Rabbi Yehoshua ben Kokha

 

La 1ère étude du Talmud concerne précisément une étude sur le שְׁמַע קרִיאָת. Vous allez retenir un des éléments de notre étude à propos du Kohen. Le Kohen reste impur jusqu’au soir. Sans entrer trop dans les détails du texte talmudique, je n’ai pas le livre devant moi et je vous en cite l’essentiel.

 

La 1ère question de tout le Talmud concerne la מִצְוָה du שְׁמַע קרִיאָת le soir, parce que c’est la 1ère מִצְוָה qu’un מִצְוָה בָּר va faire. On est מִצְוָה בָּר le jour de la מִצְוָה בָּר, cela commence le soir et la première מִצְוָה c’est le שְׁמַע קרִיאָת. Et par définition, le שְׁמַע קרִיאָת est la מִצְוָה par laquelle on est soumis à toutes les מִצוֹת.  

 

Je formulerais le thème de cette étude ainsi : est-ce qu’on peut être obligé de la מִצְוָה qui nous oblige les מִצוֹת ?  Il y a comme un cercle vicieux. Peut-on considérer la מִצְוָה du שְׁמַע קרִיאָת comme une des מִצוֹת parmi les autres ? La Guémara cherche la source de cette מִצְוָה en tant que מִצְוָה. Nous n’avons pas le temps d’étudier cela en détail je vous signale la définition du problème.  

 

Voilà comment se formule la question de la Mishna :

A partir de quand lit-on le שְׁמַע le(s) soir(s) ?  

Toutes les מִצוֹת de la תּוֹרָה vont commencer par cette מִצְוָה qui consiste à dire le שְׁמַע קרִיאָת du soir, le soir de la מִצְוָה בָּר. Et chaque jour, cela recommence par le שְׁמַע קרִיאָת du soir. Et dans le 1er chapitre de Massekhet Brakhot, cette מִצְוָה du שְׁמַע קרִיאָת est définie comme étant Kabalat ol malkhout shamayim véol Mitsvot.  

 

Je reprends l’analyse de la difficulté : C’est par le fait que j’ai dit le שְׁמַע קרִיאָת que je suis soumis à l’obligation des מִצוֹת. Mais qu’est-ce qui me soumet à l’obligation de cette מִצְוָה qui, elle, me soumet à l’obligation des מִצוֹת ? Je dois considérer donc toutes les מִצוֹת comme étant obligation, mais la motivation de la מִצְוָה du שְׁמַע קרִיאָת ne peut pas être obligation ! Qu’est-ce qui me mène à accepter le שְׁמַע קרִיאָת? En acceptant le שְׁמַע קרִיאָת j’ai accepté l’obligation de toute la תּוֹרָה. Mais ce qui me mène à accepter le שְׁמַע קרִיאָת cela ne peut pas être une obligation. Il y aurait un cercle vicieux ! 

 

Alors tout de suite la Guémara va s’occuper d’autre chose, elle va retenir le mot « le soir ».

Le sens de la question de la Mishna c’est ceci:

A partir de quand c’est le soir pour dire le שְׁמַע קרִיאָת du soir ?

Parce que suivant les מִצוֹת on peut commencer le soir à des moments différents. Par exemple pour Shabbat on commence au coucher du soleil. Pour cette מִצְוָה en particulier du שְׁמַע קרִיאָת on va finalement apprendre que la מִצְוָה ne prend force de loi qu’à partir de la sortie des étoiles. Entre le temps du coucher du soleil et la sortie des étoiles, c’est le temps du crépuscule, le temps de passage entre le jour et la nuit, et donc cela pose problème: quand y-a-t-il passage ? Au commencement du passage ou à la fin du passage ?  

 

Pour la sainteté du Shabbat le passage a lieu au commencement du passage. Dès que le soleil se couche c’est Shabbat. Donc le crépuscule du soir fait partie de la nuit. C’est-à-dire du jour suivant. Tandis que pour la מִצְוָה du שְׁמַע קרִיאָת, le passage n’a lieu que lorsque le passage est fini. Alors donc le crépuscule fait partie du jour précédent. Vous avez compris pourquoi la Mishna veut savoir quand c’est le soir pour le שְׁמַע קרִיאָת.

 .../...

Il y a différence entre les Sefardim et les Ashkénazim.

Je n’ai pas le temps d’expliquer cela. C’est pourquoi vous voyez au Kotel lesמִניָנִים  des Séfardim finissant plus tôt alors que lesמִניָנִים  des Ashkénazim attendent la sortie des étoiles pour commencer le שְׁמַע קרִיאָת.

 

Voilà la réponse donnée par la Mishna :

A partir de quand on dit le שְׁמַע קרִיאָת du soir, c’est-à-dire à partir de quand c’est le soir pour dire le שְׁמַע קרִיאָת?

C’est à partir du moment où le Kohen qui s’était rendu impur devient de nouveau disponible, pur dans sa pureté, bon pour le service de la קְדוּשַה.

 

On voit comment la Guémara va établir un lien direct entre ces 2 données. Formellement, c’est le même problème : la מִצְוָה qui rend possible toutes les מִצוֹת c’est le fait qu’un Kohen qui était pur, s’est rendu impur et donc reste impur jusqu’au soir, ce n’est que là que lui peut devenir de nouveau bon pour le service. Et de même manière, l’engagement du juif qui accepte la תּוֹרָה commence par la מִצְוָה du שְׁמַע קרִיאָת. Cela veut dire que celui qui lit le שְׁמַע קרִיאָת est dans la situation du Kohen et son culte commence par le fait qu’il est possible de manger la תְּרוּמָה. La תְּרוּמָה c’est le prélèvement des récoltes qui est envoyé au Temple et qui est considéré comme nourriture consacrée et nourriture sainte que seul le Kohen a le droit de manger. C’est la partie des récoltes qui a été prélevée avant la commercialisation de la récolte. C’est donc un aliment pour lequel il n’y a eu aucune faute. C’est pourquoi c’est une nourriture consacrée et que seul le prêtre, qui est l’homme sans faute, l’homme de sainteté, a le droit de manger pour déculpabiliser l’ensemble du peuple. 

 

A partir de quand vais-je dire le שְׁמַע קרִיאָת du soir ?

Réponse : A partir du moment où le Kohen qui était indisponible pour son service redevient disponible pour son service.  

La Guémara va poser une question apparemment naïve, je paraphrase :

Si la Mishna nous avait dit l’heure à laquelle il faut dire le שְׁמַע קרִיאָת, elle aurait précisé de suite « à la sortie des étoiles ! », et en ajoutant à la rigueur « comme dans le cas du Kohen » pour qu’on comprenne le lien. Mais elle nous a donné la réponse : « à l’heure où le Kohen rentre pour manger la תְּרוּמָה … » !  

 

La Guémara dévoile quelque chose de tout à fait autre. On se réfère à notre verset de la Parashahחֻקַּת  :  

 

19 :7

וְכִבֶּס בְּגָדָיו הַכֹּהֵן, וְרָחַץ בְּשָׂרוֹ בַּמַּיִם, וְאַחַר, יָבֹא אֶל-הַמַּחֲנֶה; וְטָמֵא הַכֹּהֵן, עַד-הָעָרֶב

Et le prêtre lavera ses vêtements et il lavera sa chair dans les eaux (il prendra le bain de purification) et après seulement le Kohen rentrera dans le camp et le Kohen sera impur jusqu’au soir.  

 

Regardez bien l’ordre :

A partir du moment où arrive le soir, le Kohen qui s’est rendu impur, (le Kohen dans notre cas du  שְׁמַע קרִיאָת c’est n’importe quel Kohen et n’importe quel camp, n’importe quelle impureté pour n’importe quelle raison.) est indisponible pour son service de קְדוּשַה jusqu’au soir. Après avoir pris la טְבִילָה c’est-à-dire le bain de purification. Ici, c’est le point de départ de tout ce problème. Le Kohen qui a rendu possible à tout Israël le commencement des מִצוֹת.  

C’est pourquoi il est très important que le Talmud ait choisi comme modèle de celui qui pratique la מִצְוָה, le Kohen. Le modèle reste le Kohen. 

On retrouve un thème très important de la תּוֹרָה :

A la sortie d’Egypte Israël était destiné à être « un peuple de Kohanim ». Après ce qui est arrivé, il n’y a que les Kohanim qui sont restés Kohanim jusqu’au temps messianiques, mais entretemps le modèle reste le modèle. Le Juif doit pratiquer la תּוֹרָה à la manière d’un Kohen dans son עֲבֹדַה.  

 

Il y a d’autres conceptions du judaïsme possibles. La Guémara cite 7 opinions autres qui se groupent finalement en 3 catégories de nourriture.  

 

-   Le Kohen qui mange la nourriture consacrée,

 

-   La pauvre qui mange le pain de la charité,

 

-   Le הַבָּיִת בָּעַל qui mange le pain de son travail.  

 

On s’aperçoit que ce sont 3 heures différentes du soir : à la fin de la journée de travail celui qui rentre le vendredi soir chez lui et dit la בְּרָכָה pour manger le pain du Shabbat, ou bien le soir quand le pauvre rentre pour manger le pain de charité, finalement entre toutes ces grandes opinions en trois grandes catégories, la Guémara choisit comme modèle le Kohen.

Cela veut dire qu’à l’échelle individuelle on pourrait concevoir un judaïsme de la pauvreté, par vœu d’ascèse, on pourrait considérer un judaïsme d’exil sur le modèle du judaïsme consistorial : pendant toute la semaine comme les autres et juif le Shabbat ; et entre ces 3 éventualités la Mishna choisi : Halakha pour tout Israël le modèle c’est le Kohen !  

 

Finalement, ce que nous dévoile la Guémara : si la Mishna a répondu que c’est à l’heure où le Kohen qui s’était rendu impur, rentre de nouveau dans le camp de la pureté pour manger sa תְּרוּמָה, c’est pour nous indiquer un principe très important : que le sacrifice d’expiation du fait qu’il a été impur, n’empêche pas qu’il est de nouveau tout de suite disponible pour le service dès que le temps est arrivé. Son sacrifice d’expiation ne peut être offert la nuit. Donc il doit attendre le lendemain matin. Alors il est tout de suite disponible le soir et le sacrifice d’expiation attend après. Ce principe s’appelle « כַּפָּרָה laméakévah ».

C’est-à-dire que la כַּפָּרָה de l’expiation de ce qui s’est passé comme cause de l’impureté n’est pas un obstacle au fait d’être redevenu pur.

 

Il y a 3 processus :

 

-   le processus du passage de l’impureté à la pureté,

-   le processus de l’expiation de l’impureté antérieure,

-   et le processus de passer au moment du temps où l’on a changé de temps.

 

« Il est impur jusqu’au soir ».

A la fin de journée, il prend le bain de pureté, mais il faut attendre le début du soir (c’est-à-dire la sortie des étoiles dans notre cas) pour pouvoir de nouveau être disponible pour son service.  

Il y a une 3ème clause : il faut qu’il expie son impureté. Parce que nous nous sommes dans le cas d’Israël : ce n’est pas une faute de s’être rendu impurs, mais il y a une obligation de se purifier. Tandis que pour le Kohen il n’y a pas seulement obligation de se purifier, c’est une faute pour lui de se rendre impur ; il y a donc expiation de l’impureté.  

Par conséquent, avec ce principe-là, peut-être a-t-il fait tout ce qu’il fallait faire et qu’il s’est purifié, le temps est arrivé, mais il faut quand même qu’il attende le lendemain matin pour commencer à être bon pour le service, après son sacrifice d’expiation de l’impureté.

 

Mais la Guémara nous dit que non : si la Mishna s’est exprimée ainsi, c’est pour nous faire comprendre que pour le שְׁמַע קרִיאָת aussi, l’expiation n’est pas nécessaire, c’est-à-dire qu’elle peut être retardée jusqu’au lendemain matin.  

Cela veut dire qu’après avoir fonctionné toute la journée, il est impossible de fonctionner sans qu’il y ait d’impureté. Prenez cela à tous les niveaux de valeurs. Quelle est alors cette ‘Houtspah de se dire : bon et bien la journée est terminée et avec mon stock d’impuretés je me mets devant le Créateur je dis de nouveau יִשְׂרָאֵל שְׁמַע et je reprends le service avec mes impuretés ?  La Guémara nous dit alors que si le temps est arrivé, il est de nouveau bon pour le service. Si des choses doivent être arrangées, demain il fera jour ! L’expiation attend le lendemain…

C’est une perspective extrêmement importante. Je vous complète cela.

 

Prolongement :

Il y a une discussion quelques pages plus loin pour savoir quel est l’ordre entre תְּפִלָּה et שְׁמַע קרִיאָת le soir et matin. Tout le monde est d’accord que le matin l’ordre c’est שְׁמַע קרִיאָת et תְּפִלָּה. Alors que le soir, il y a discussion entre Rabi Yo’hanan et Rabi Yéhoshouah ben Lévi. Rabi Yo’hanan nous enseigne le soir l’ordre est le même que le matin : d’abord שְׁמַע קרִיאָת et ensuite la תְּפִלָּה. Pour Rabi Yéhoshouah ben Lévi le soir on dit d’abord la תְּפִלָּה et après le שְׁמַע קרִיאָת.  

Voilà comment cette discussion est introduite dans la Guémara. 

On a cité une Braïtah, un enseignement précédent, indiquant voilà l’ordre du comportement de l’homme à la fin d’une journée » 

L’homme revient du travail le soir, qu’il ne dise pas «je vais manger un peu, boire un peu, avant le שְׁמַע קרִיאָת», de peur que le sommeil ne le prenne... et qu’il passe la nuit sans le שְׁמַע קרִיאָת.  

 

Voilà quel doit être l’ordre du comportement de l’homme à la fin d’une journée : 

« L’homme revient du travail du champs le soir». Si le temps du שְׁמַע קרִיאָת n’est pas encore là parce qu’il a fini de travailler au début du crépuscule. Mais ce n’est que lorsque le crépuscule est fini qu’on peut dire שְׁמַע קרִיאָת. Il a donc fini de travailler quand le crépuscule commence.

Ce n’est que lorsque le crépuscule finit qu’il dira le שְׁמַע קרִיאָת.  

Alors la Braïtah nous dit : s’il avait l’habitude d’étudier le מִקְרָא, il lira le מִקְרָא, s’il a l’habitude d’étudier la Mishna, il étudie la Mishna, quand le temps arrive il dit le שְׁמַע קרִיאָת et il prie...  

Alors la Guémara va dire : nous avons donc là une source qui est suivant l’opinion de Rabi Yo’hanan. Rabi Yo’hanan avait dit de la manière suivante : qui mérite le monde à venir ? Celui qui relie le שְׁמַע קרִיאָת du soir à la תְּפִלָּה du soir. Parce que la dernière proposition du שְׁמַע קרִיאָת du soir c’est le rappel de la sortie d’Egypte : Et on prie devant Celui qui nous sauvé d’Egypte.  

 

Au matin cela ne pose pas de problème, la sortie d’Egypte est achevée, on est sorti de la nuit. Le soir on va rentrer dans l’événement et peut-être qu’on ne le méritera pas, alors on n’en est pas assuré. Est-ce que le soir on peut assurer la prière à la référence de la גֵּאֻלָה ?

La גֵּאֻלָה est évidente au matin, et elle est aléatoire le soir.  

Cette discussion est très importante pour toutes les implications historiques et politiques que j’essaierais de vous montrer très rapidement  

Alors, finalement la Guémara va dire : qu’est-ce qui les sépare ?

L’opinion de Rabi Yo’hanan c’est que le rite est ainsi : le matin שְׁמַע קרִיאָת - תְּפִלָּה de מִנְחָה - שְׁמַע קרִיאָת -תְּפִלָּה de עַרְבִית.

Rabi Yéhoshouah Ben Lévi c’est שְׁמַע קרִיאָת -תְּפִלָּה de שַחֲרִת -תְּפִלָּה de מִנְחָה -תְּפִלָּה de עַרְבִית et שְׁמַע קרִיאָת du soir.  

Et cela n’a rien à voir avec le שְׁמַע קרִיאָת que l’on dit avant de se coucher qui est encore autre. Il s’agit du שְׁמַע קרִיאָת de עַרְבִית.

La Guémara dit : on peut expliquer cela soit par le raisonnement, soit par le recours au verset.  

Le recours au verset est le même pour les deux.

Rabi Yo’hanan le cite et dit : puisque le texte « et tu en parleras à ton lever et à ton coucher... »

Il souligne l’analogie : De la même manière le matin c’est d’abord le שְׁמַע קרִיאָת du matin et la תְּפִלָּה un matin, le soir c’est d’abord le שְׁמַע קרִיאָת du soir et après la תְּפִלָּה du soir !

C’est le « raisonnement scripturaire » (basé sur les versets).  

D’autre part, on peut expliquer cela par le raisonnement.

 

Voilà comment a raisonné Rabi Yehoshouah ben Lévi: Puisque la גֵּאֻלָה vraiment n’a eu lieu qu’au matin, la גֵּאֻלָה du soir n'est pas גֵּאֻלָה vraiment, et par conséquent on ne peut se baser sur elle.

Alors que Rabi Yo’hanan pense que : puisque la גֵּאֻלָה du soir est déjà גֵּאֻלָה, bien que la גֵּאֻלָה vraiment ne soit que le lendemain matin, elle est déjà גֵּאֻלָה et on peut se baser sur elle. La discussion s’arrête-là, on ne peut pas trancher.  

 

Dans ce problème, ni le recours au texte ni le recours à l’idéologie ne peut trancher. il faut un engagement.  

C’est pourquoi Rabi Yo’hanan dit : qui mérite le monde à venir ? Celui qui dit d’abord שְׁמַע קרִיאָת et ensuite la תְּפִלָּה de telle sorte de sortir de la גֵּאֻלָה pour entrer dans la תְּפִלָּה, le soir déjà. Or, la Halakha est comme Rabi Yo’hanan : la tradition a choisi son opinion.

 

Au moment de la sortie d’Egypte : Moïse annonce la délivrance à minuit et demande la préparation du sacrifice de Pessah pour le soir. Ceux qui sont réticents et ne feront pas le sacrifice de Pessah ne sortiront pas avec eux. Ceux qui attendent des signes ne sont pas sortis, ceux qui ont agi dès le commencement sont sortis.  

 

Cette מַחְלֹקֶת existe aujourd’hui de notre temps, c’est la מַחְלֹקֶת idéologique entre le Mizrari et l’Agoudat Israël. La position de Agoudat Israël c’est celle de Rabi Yehoshouah ben Lévi: la גֵּאֻלָה oui, mais quand elle sera là ! Cela veut dire : On verra demain matin s’il fera jour vraiment, pour le moment nous sommes encore à la veille de la veille de la veille ... Par conséquent, on ne dira pas la בְּרָכָה et le הלל‎ à יום העצמאות‎... !

Tandis que Mizrari suit la position de Rabi Yo’hanan. On dit la בְּרָכָה et le הלל‎ à יום העצמאות. Et la Halakha est en faveur de ceux qui disent que dès que cela commence, cela commence...

 

Question à demander aux rabbins de la Agoudah : n’ont pas lu cette Halakha-là ?

 

 

 

 

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