L’OEUVRE DE LA CRÉATION
LES ENGENDREMENTS
JUIFS OU HÉBREUX
ISRAËL ET LES NATIONS
MESSIANISME
THÈMES FONDAMENTAUX

BO - SÉRIE 1994

Le cours

 

(1984)  בֹּא

Cette Parashah est extrêmement riche en événements et en récits.  

Il s’agit de l’épisode de la fin des plaies d’Egypte et les événements qui vont déclencher la sortie d’Egypte elle-même dans les récits correspondants.

J’ai choisi un texte du début de la Parashah et d’un texte du Talmud en parallèle.

 

Chapitre 10, verset 7

וַיֹּאמְרוּ עַבְדֵי פַרְעֹה אֵלָיו עַד-מָתַי יִהְיֶה זֶה לָנוּ לְמוֹקֵשׁ--שַׁלַּח אֶת-הָאֲנָשִׁים, וְיַעַבְדוּ אֶת-יְהוָה אֱלֹהֵיהֶם; הֲטֶרֶם תֵּדַע כִּי אָבְדָה מִצְרָיִם

Les serviteurs de Pharaon lui dirent: "Combien de temps celui-ci nous portera-t-il malheur? Laisse partir ces hommes, qu'ils servent l'Éternel leur Dieu: ignores-tu encore que l'Égypte est ruinée?"  

 

Les versets précédents raconte une nouvelle entrevue de Moïse chez Pharaon pour obtenir que le Pharaon laisse sortir Israël d’Egypte, nous avons déjà étudié dans les cours précédents qu’il était nécessaire d’obtenir le feu vert de Pharaon. Etant donné qu’il fallait anticiper la fin de l’exil qui devait durer 400 ans depuis la descente de Jacob et de sa famille en Egypte, et que c’est 190 ans  avant la fin des 400 ans que Moïse prend l’initiative de déclencher la sortie d’Egypte et la fin de l’exil.  

 

Je vous ai parlé de la notion de contrat de travail entre Israël et la civilisation du temps qui est un des fondements de la définition des fonctions de l’exil, et par conséquent il n’est pas possible de mettre fin à ce contrat s’il n’y a pas  d‘accord des Nations, et la puissance politique de l’empire de ce temps était l’Egypte. Pharaon incarne la puissance politique qui est habilitée et qui a la légitimité pour faire que cette période prenne fin.  

Or, le Pharaon s’entête, c’est un sujet pour lui-même : il est privé même de liberté dans sa décision de laisser ou pas sortir Israël c’est le verset qui revient très souvent :

« Et Dieu endurcit le cœur de Pharaon ».  

 

Assez rapidement dans l’ordre des 10 plaies, Dieu avertit Moïse qu’il va essayer de faire sortir Israël avec la permission de Pharaon qui pourtant refusera. A un certain moment il y a un phénomène de saturation de l’entêtement, du refus, qui fait que Pharaon est privé de sa liberté même de décider, de telle sorte qu’il laisse place à la punition de ce refus.  

Au début dans les deux 1ers versets du chapitre, nous avons une indication importante que le Pharaon terrorisé pris de peur par les catastrophes qui s’abattent sur son pays finira par laisser partir Israël, de telle sorte que Pharaon reconnaisse la souveraineté du Dieu Unique au-delà des divinités impersonnelles qui étaient les divinités de l’Egypte - c’est aussi un thème pour lui-même - et d’autre part c’est l’événement suffisamment fort dans l’histoire pour que le souvenir en reste dans le peuple d’Israël lui-même. 

  

Il n’y a aucune allusion directe dans ces deux premiers versets que l’objectif central des plaies serait d’obtenir la sortie d’Egypte d’Israël lui-même.  

 

Dans tous les cas, bien que nous n’ayons pas encore étudié en détail quelle est la fonction et la signification de ces temps d’exils qui arrivent si souvent dans l’histoire d’Israël qui est mis en relation avec les civilisations contemporaines, nous savons qu’il y a différentes explications toutes valables qu’il faut faire converger : à quoi répond ce temps anormal pour une nation qui est le propre de l’histoire d’Israël de se mettre en exil dans son histoire, je vous cite les différentes théories qu’il faut chacune éclaircir:

 

  • Une punition ? une punition de quoi ?   

 

  • Une mission ? une mission de quoi ?

 

Il y a d’autres enseignements à ce sujet.

 

Quoiqu’il en soit, admettons qu’il y ait une fonction à cet exil du peuple d’Israël dans cette civilisation de l’Egypte et qu’en fin de compte un diagnostic montre que cette fonction n’a pas été encore remplie. Tout se passe comme si Dieu dit à Moïse pour lui faire prendre patience et lui expliquer d’une certaine manière pourquoi il doit s’y prendre à dix reprises pour obtenir cette sortie d’Israël, c’est parce que si Israël n’a pas réussi à dévoiler et faire révéler la Souveraineté du Dieu Unique dans la civilisation égyptienne, Dieu le fera Lui-même. Il ne dispose pas de beaucoup de temps, mais il faut lui laisser suffisamment le temps pour que Pharaon découvre de quoi il s’agissait. C’est ce qu’on trouve essentiellement dans le 1er verset.

 

Et dans le 2ème verset, ce que j’ai indiqué tout à l’heure : il est nécessaire aussi que l’événement soit gravé dans la mémoire des Bnei Israël : le déterminisme de la civilisation égyptienne a été brisée par l’intervention de la Providence, et ce souvenir reste dans la mémoire d’Israël comme le fondement de la foi d’Israël.

 

Et effectivement, ce deuxième point a réussi : A travers l’histoire depuis la sortie d’Egypte, Israël s’identifie par rapport à l’événement de la sortie d’Egypte.  

Est-ce que l’objectif indiqué par le premier verset a été atteint (que le Pharaon le reconnaisse) ? C’est peut-être plus à étudier et expliquer. C’est moins évident.  

Mais tout se passe comme si il y a un souci de Dieu Lui-même : il ne faut pas que ce voyage ait eu lieu pour rien. Puisque Israël n’a pas réussi - il a failli réussir avec Joseph - mais est arrivé un nouveau roi, une nouvelle dynastie, qui ne connaissait plus Joseph - on est retombé dans l’asservissement... Je ne prends pas trop de temps pour cela mais je voulais le mettre en exergue.  

 

Le Midrash dit que en fin de compte, le Pharaon lui-même - pas seulement dans les événements de la sortie d’Egypte elle-même à travers les 10 plaies qui s’intensifient - il y a un pressentiment chez Pharaon qu’il se passe quelque chose d’inouïe et d’inhabituelle dans la réalité égyptienne. Une intervention à laquelle on était complètement imperméable jusque-là, lorsque les sages et conseillers de Pharaon parlent du «  אֶצְבַּע אֱלֹהִים doigt de Elohim ».

 

Le Midrash dit que finalement même pas dans les événements des plaies elles-mêmes qui cependant commençaient à bouleverser sa conception du monde, mais c’est au passage de la mer rouge que Pharaon a reconnu la souveraineté du Dieu Unique, Créateur tel que l’enseigne la Prophétie de la bible : une providence au-delà des déterminations et des conditionnements naturels qui constituaient le fondement de la religion et de l’idéologie égyptienne de ce temps-là – l’astrologie ou l’astrobiologie. Et que au moment où les eaux de la mer se sont refermées sur son armée, sur l’Egypte pratiquement, c’est le passage de la mer rouge qui clôt les événements, Pharaon a prononcé ce verset qui se trouve dans la שִׁירַת הַיָּם (בְּשַׁלַּח 15:11) :  

מִי-כָמֹכָה בָּאֵלִם יְהוָה, מִי כָּמֹכָה נֶאְדָּר בַּקֹּדֶשׁ; נוֹרָא תְהִלֹּת, עֹשֵׂה פֶלֶא. 

 

Selon le Midrash, c’est lui qui a dit cela le premier.  Il a reconnu comment traduire cela :

Qui est comme toi parmi les Dieux הַשֵּׁם. Qui est comme Toi redoutable en sainteté...

Tous les mots doivent être étudiés mais on comprend l’idée générale.

 

Midrash du folklore d’Afrique du Nord :

מִי-כָמֹכָה  d’abord et מִי כָּמֹכָה  ensuite.

Il y a une règle de grammaire qui dit que chaque fois qu’un mot commence par une des lettres ב כ פ גּ ד ת on met un daguesh.

כָּמֹכָה: la lettre כ commence le mot, alors on met un daguesh. Seulement si la fin du mot qui précède est une des lettres dont on se sert pour écrire le שִׁירַת הַיָּם, א ה ו י alors le daguesh  tombe. 

 

מִי   avec י donc on ne dit plus כָּמֹכָה  on dit כָמֹכָה

Sauf si les accents sont des accents disjonctifs, si l’accentuation fait queמִי   est séparé de כ cela redevient כָּמֹכָה.

 

Dans le verset 15:11

מִי-כָמֹכָה בָּאֵלִם יְהוָה

Il y a un signe disjonctif Qadma qui relie le י à כָּמֹכָה  donc מִי-כָמֹכָה.  

En fin de verset on trouveמִי כָּמֹכָה  .

Avec deux accents qui séparent le mot מִי   avec son י final de כָמֹכָה donc on lit כָּמֹכָה.

 

Midrash :

Le Pharaon aussi était entrain de se noyer et pendant ce temps il a dit ce verset mais comme il avait de l’eau dans la bouche, il dit : מִי-כָמֹכָה... Il a été sauvé par le verset et après il a pu dire מִי כָּמֹכָה  ...

 

Le Midrash se base sur une indication du texte.

בְּשַׁלַּח 14.28:

לֹא-נִשְׁאַר בָּהֶם עַד-אֶחָד  il n’est pas resté d’eux un seul. 

Le Pshat le plus simple : il n’est resté personne sauf le אֶחָד  de מִצְרָיִם qui est Pharaon.

 

Le thème le plus important pour suivre cette succession, cette énumération des 10 plaies, c’est que de plaie en plaie les Egyptiens et les sages d’Egypte et Pharaon arrivent à reconnaître l’intervention d’une volonté intelligente. Quelqu’un et pas seulement des mécanismes impersonnels. En particulier, à partir du moment où le texte précise que la plaie choisit entre les Hébreux et les Égyptiens. Cela bouleverse complètement la mentalité de l’Egypte, habituée à une espèce de matérialisme dialectique sans faille, non athée, mais avec une religiosité colossale, considérable, dans une perception des lois du fonctionnement du monde considérées comme étant les divinités.  

L’idée d’un principe d’une liberté, de l’intervention d’une volonté dans le cours de l’histoire humaine était radicalement nouvelle et ils étaient imperméables à cette idée. Imaginez la terreur de découvrir cela !  

 

En fin de compte, lorsqu’ils s’aperçoivent de cela, la porte peut être ouverte pour la sortie d’Egypte mais l’objectif de ce passage en Egypte est réalisé au forceps, en force alors que le peuple des Hébreux n’a pas pu le réaliser en tant que missionnaires en exil.

Q : est-ce que les Hébreux en Egypte n’ont pas su faire ce qu’ils avaient à y faire ou ne l’ont pas pu car c’est impossible ?

R : c’est une question permanente de notre relation avec les civilisations extérieures. Cela veut dire que les Juifs paient toujours les pots cassés de cela. Reprenons l’équation d’origine Abel-Caïn et admettons par postulat qu’Abel avait pour fonction d’éduquer Caïn. Alors il y a 3 solutions :

=>  il réussit à l’éduquer et c’est très bien, c’est la relation de fraternité et on arrive aux temps messianiques tout de suite. Ou alors il ne réussit pas et il ne reste que deux possibilités :

=>  Abel s’enfuit pour se mettre à l’abri quelque part car un Caïn non éduqué devient un Caïn assassin, Abel reste et se fait assassiner. Même éduqué Caïn reste dangereux.

=>  Abel reste et se fait assassiner. Il faut avoir le bon diagnostic pour partir au bon moment.

 

C’est ce diagnostic que Moïse a fait précisément lorsqu’il a vu que la moralité n’est pas du côté de l’Egypte et que Joseph n’a pas réussi à transfigurer l’Egypte. Et c’est lui Moïse qui en fait le diagnostic. On se rappelle du lien profond entre Moïse et Joseph, qui fait que finalement Moïse ne peut quitter l’Egypte sans emporter les ossements de Joseph. Beaucoup de textes de la Qabalah indiquent que la force de Moïse vient de Joseph. La capacité de Moïse d’être Moïse lui vient de Joseph. Il y a un moment où le diagnostic doit être fait.

 

L’équation Israël-les Nations n’est pas l’équation Abel-Caïn. Il suffit de se rendre compte que dans l’équation Abel-Caïn, Caïn parvient à assassiner Abel. Alors que le peuple d’Israël est inassassinable. Les Goyim dans leur théologie aiment bien utiliser cette équation Abel-Caïn  pour parler du peuple juif dans sa relation aux Nations. En fait, l’équation de la tradition juive c’est Shet-Caïn et non pas Abel-Caïn. Shet est inassassinable, seulement il prend des coups.

 

בֹּא  10.01 :

וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה, בֹּא אֶל-פַּרְעֹה:  כִּי-אֲנִי הִכְבַּדְתִּי אֶת-לִבּוֹ, וְאֶת-לֵב עֲבָדָיו, לְמַעַן שִׁתִי אֹתֹתַי אֵלֶּה, בְּקִרְבּוֹ  

Va chez Pharaon, car c’est Moi qui aie appesanti son cœur et le cœur de ses serviteurs.Afin que je place mes signes ceux-là en son sein (Afin que je puisse me faire reconnaître de lui)

  

10 :2

וּלְמַעַן תְּסַפֵּר בְּאָזְנֵי בִנְךָ וּבֶן-בִּנְךָ, אֵת אֲשֶׁר הִתְעַלַּלְתִּי בְּמִצְרַיִם, וְאֶת-אֹתֹתַי, אֲשֶׁר-שַׂמְתִּי בָם; וִידַעְתֶּם, כִּי-אֲנִי יְהוָה

Et afin que tu racontes aux oreilles de ton fils et de ton petit-fils…  

[La halakha se base beaucoup sur cette expression pour les devoirs d’éducation envers les enfants et les petits-enfants. C’est lorsque cela concerne trois générations que cela reste accroché et c’est la Haggadah de Pessah.]  

Comment je Me suis amusé de l’Egypte et les signes que j’ai placé sur eux Et que vous sachiez que Je suis הַשֵּׁם.

 

Il faut une preuve par événements historiques et non pas par raisonnements philosophiques.

Il y a cette difficulté d’obtenir du Pharaon qu’il laisse sortir Israël d’Egypte. Il faut qu’on obtienne qu’il comprenne en fin de compte ce pour quoi, depuis Joseph, les Hébreux étaient en Egypte, la révélation du Dieu Unique, au-delà des déterminations historiques. On pourrait faire l’analogie en analyses très fines : on voit à quel point nous vivons ce problème par rapport à la civilisation contemporaine. Le peuple juif est en expectative pour savoir dans laquelle des trois équations Abel-Caïn il se trouve : faut-il décrocher ? Pas encore ? …etc.

 

10 :3

וַיָּבֹא מֹשֶׁה וְאַהֲרֹן, אֶל-פַּרְעֹה, וַיֹּאמְרוּ אֵלָיו כֹּה-אָמַר יְהוָה אֱלֹהֵי הָעִבְרִים, עַד-מָתַי מֵאַנְתָּ לֵעָנֹת מִפָּנָי; שַׁלַּח עַמִּי, וְיַעַבְדֻנִי

Et Moïse et Aaron arrivèrent chez Paro ainsi a dit הַשֵּׁם le Dieu des Hébreux

 

C’est très important cette expression - Dieu des Hébreux – qui définit le Dieu dont on parle dans la civilisation d’Egypte.  

 Jusqu’à quand refuseras-tu de Me répondre positivement ? Renvoies Mon peuple et qu’il Me serve !  

 

Dans la société israélienne et dans les communautés de diaspora, également pour les Juifs de Russie, on utilise beaucoup ce slogan שַׁלַּח עַמִּי mais en général on oublie וְיַעַבְדֻנִי C’est le problème de la société israélienne.  

Dans les versets qui suivent, la menace des sauterelles.  

 

La plaie des sauterelles :

 

Verset 10 :7

וַיֹּאמְרוּ עַבְדֵי פַרְעֹה אֵלָיו עַד-מָתַי יִהְיֶה זֶה לָנוּ לְמוֹקֵשׁ--שַׁלַּח אֶת-הָאֲנָשִׁים, וְיַעַבְדוּ אֶת-יְהוָה אֱלֹהֵיהֶם; הֲטֶרֶם תֵּדַע, כִּי אָבְדָה מִצְרָיִם

Lui dirent les serviteurs du Pharaon Jusqu’à quand sera cela pour nous un piège ? Renvoie ces hommes (et non pas ce peuple)  Et qu’ils servent הַשֵּׁם leur Dieu Ne sais-tu pas encore que l’Egypte est perdue ?  

 

C’est la 1ère allusion à une fête religieuse c’est pourquoi j’ai choisi un texte de la גְּמָרָא qui établi un parallèle entre celui-ci et le dialogue que nous allons voir.

 

Notez déjà cela :

Tout se passe comme si les עַבָדִים de Paro considèrent Moïse et son peuple comme une secte religieuse qui a un culte différent du culte officiel. « הָאֲנָשִׁים» dans le sens d’hommes pieux. « Renvoies ces hommes pieux qu’ils aillent servir leur Dieu comme ils le veulent... »

On va arriver à cette conclusion de plus en plus qu’il n’est pas question qu’on envisage qu’il s’agisse d’un peuple, on en parle comme s’il s’agissait d’une secte religieuse.  

Ne sais-tu pas encore que l’Egypte est perdue ?  

 

On n’arrive pas à maîtriser ces plaies-là, on n’a aucun pourvoir sur ces gens là : laisse-les partir adorer leur Dieu. Qui ? Les hommes, le Minian, ce n’est pas un peuple...

 

Verset 10.8:

וַיּוּשַׁב אֶת-מֹשֶׁה וְאֶת-אַהֲרֹן, אֶל-פַּרְעֹה, וַיֹּאמֶר אֲלֵהֶם, לְכוּ עִבְדוּ אֶת-יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם; מִי וָמִי, הַהֹלְכִים

Alors on fit revenir Moïse et Aaron chez Pharaon Et il leur dit « allez servir הַשֵּׁם votre Dieu. Qui et qui iront ? »  

Cela se rattache à ce qu’ils avaient dit שַׁלַּח אֶת-הָאֲנָשִׁים

 

Moïse lui répond :  

Verset 10.9:

וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה, בִּנְעָרֵינוּ וּבִזְקֵנֵינוּ נֵלֵךְ; בְּבָנֵינוּ וּבִבְנוֹתֵנוּ בְּצֹאנֵנוּ וּבִבְקָרֵנוּ, נֵלֵךְ--כִּי חַג-יְהוָה, לָנוּ

Dit Moïse : avec nos enfants et nos vieillards nous irons Avec nos fils et nos filles Avec nos troupeaux nous irons Car c’est fête pour הַשֵּׁם c’est pour nous.

 

Dans ce dialogue Pharaon donne le feu vert pour la confession israélite : allez rendre culte à votre Dieu dans la  « synagogue » du désert. Moïse répond, non, pas du tout nous sommes un peuple qui allons sortir de chez toi avec armes et bagages. C’est là le dialogue.

 

Pharaon négocie :  

Verset 10 :9

וַיֹּאמֶר אֲלֵהֶם, יְהִי כֵן יְהוָה עִמָּכֶם, כַּאֲשֶׁר אֲשַׁלַּח אֶתְכֶם, וְאֶת-טַפְּכֶם; רְאוּ, כִּי רָעָה נֶגֶד פְּנֵיכֶם

Il leur dit qu’il en soit ainsi Et que Dieu soit avec vous Quand je vous enverrai vous et votre marmaille Regardez car vous avez un mauvais signe (astrologique) en face de vous  

C’est sa stratégie : ce n’est pas un jour faste…

 

Verset 10 :11

לֹא כֵן, לְכוּ-נָא הַגְּבָרִים וְעִבְדוּ אֶת-יְהוָה--כִּי אֹתָהּ, אַתֶּם מְבַקְשִׁים; וַיְגָרֶשׁ אֹתָם, מֵאֵת פְּנֵי פַרְעֹה

Ne faites pas ainsi, Prenez vos hommes pieux aptes aux cultes Et servez votre Dieu Car c’est cela que vous demandez (il fait semblant de ne pas comprendre) Et il les renvoya de devant la face de Paro.  

Dictat de Paro : d’accord pour uniquement une cérémonie religieuse de la confession israélite, ne me parlez pas du peuple juif...

 

Deux lectures possibles : Soit Paro fait semblant de ne pas comprendre qu’il est question du peuple en entier, soit il renvoie aux Hébreux sa propre manière de parler : ce que vous demandez c’est d’être une religion comme les autres et pas plus... Et on ne vous donne pas plus…

 

C’est une situation qui est éclairée par ce que nous avons vécu dans l’histoire. Et inversement, l’histoire est éclairée par le texte C’est cela depuis toujours.  

Les Juifs savent très bien qu’ils sont minorité nationale dans les Egyptes mais qu’ils se présentent comme une confession religieuse marginale. Finalement cela les rattrape au tournant : vous voulez la libération religieuse ? Pourquoi pas ? Mais je ne veux pas entendre parler de la libération nationale...

 

Au Sanhédrin de Napoléon cela éclate avec évidence, personne n’est dupe mais très rapidement on oublie le contrat de stratégie de survie et finalement les Juifs se sont fait avoir pour n’avoir pas accompli le verset 2 : Raconter au fils et aux petits-fils de quoi il s’agit...  Mais ils ont fait l’inverse par démesure de stratégie de conservation. Cela a abouti à une schizophrénie affective anthropologique de la jeunesse juive qui mène jusqu’aux mariages mixtes et à l’assimilation.  

Personne n’est dupe : lorsque les français dans leur générosité politique admettent que l’identité juive est une identité conditionnelle différentielle de la catholique ou protestante et déjà de la musulmane en France, il n’en pense pas moins que les Juifs restent les Juifs. Parmi tous les étrangers en France, il y a un cas particulier: les Juifs! Avec cette stratégie verbale que l’on retrouve dans la bouche de Paro qui veut coincer Moïse :

 

כִּי אֹתָהּ אַתֶּם מְבַקְשִׁים 

Car c’est cela que vous demandez…  

 

Cela met en évidence le fait que le Pharaon va à la rigueur laisser partir les גְּבָרִים et le taf qui n’est pas encore מִצְוָה חַיָּב qui n’est pas encore מִצְוָה בָּר mais pas le peuple comme tel.

 

Talmud

 

Etude d’une des Mishnayot, la 1ère de la  Massekhet ‘Haguigah qui traite de la législation des fête de pèlerinage 

C’est le 1er contexte où nous avons לַנּוּ חַג לַיהוָה avec ce terme de חַג.  

Ce qu’on appelle les fêtes de pèlerinage  lesמוֹעָדִים : פֶּסַח – שָׁבֻעֹת – סֻּכּוֹת,  commémorent les événements fondateurs de l’histoire d’Israël comme nation.

=>  פֶּסַח pour la sortie d’Egypte avec son 7ème jour qui est la commémoration du passage de la mer rouge.

=>  שָׁבֻעֹת la révélation de la תּוֹרָה au Sinaï.

=>  סֻּכּוֹת qui commémore les 40 ans du désert.

 

Ces fêtes-là les מוֹעָדִים  sont appelées  חַגִים.

Il y a un vocabulaire différent pour définir les différents moments de commémoration dans le calendrier suivant leur périodicité, leur fonction historique...etc.

 

Il y a trois חַגִים fondamentaux. פֶּסַח – שָׁבֻעֹת – סֻּכּוֹת

Dans le vocabulaire israélien moderne c’est devenu flou. On appelle חַג n’importe quoi.

On dit « ’Hag Samea’h » à Pourim qui n’est pas un חַג.

L’expression « חַג שָׂמֶח» est une invention récente. On disait : « בְּשִׂמְחָה מוֹעָדִים  ».

 

Lors de ces 3 fêtes de pèlerinage, il y avait un rassemblement des chefs de familles au temple. C’est la notion de pèlerinage car on y allait à pied. En français, le sens a changé complètement avec le sens de voyage de remise en mémoire, de souvenir. Quand on a traduit les רֵגָלִים par « pèlerinage » cela voulait dire un voyage que l’on fait à pied en vue d’un rassemblement...      

 

Il y avait une מִצְוָה à chacun de ces חַגִים que l’on appelle la מִצְוָה de רְאִיָה.

Les chefs de famille devaient se grouper au Temple et s’entre-regarder : faire connaissance, refaire connaissance à chaque pèlerinage. On apportait un sacrifice à cette occasion. La רְאִיָה le fait de s’entrevoir avec le sacrifice s’appelle le רְאָיוֹן mot que l’on a gardé en hébreu pour dire une interview – une entrevue.  

 

Pharaon emploie d’abord le terme de הָאֲנָשִׁים qui signifie dans le contexte biblique non pas des hommes par rapport aux femmes mais des personnalités, même sous sa forme au singulier : אִישׁ, un homme, un Mensch. Ensuite les הַגִּבֹּרִים: les hommes forts.

Moïse refuse cette stratégie de Pharaon et les demande tous.

(Nous avons vécu cela historiquement de façon tragique, on voit à quel point Pharaon connaissait bien ses juifs.)  

 

Nous allons retrouver un problème parallèle dans l’élaboration par la Halakha de la מִצְוָה de רְאִיָה. Cette מִצְוָה de רְאִיָה est indiquée trois fois dans la תּוֹרָה, deux fois dans le livre de שְׁמוֹת:

 

1ère référence :

 

Au Chapitre 23 verset 17 de שְׁמוֹת:

מִּשְׁפָּטִים 23.17 :  

שָׁלֹשׁ פְּעָמִים, בַּשָּׁנָה--יֵרָאֶה, כָּל-זְכוּרְךָ, אֶל-פְּנֵי, הָאָדֹן יְהוָה

3 fois dans l’année sera vu (d’où le mot de רְאִיָה – c’est ici la racine רָאוֹה voir à la forme passive) Tous tes mâles [זְכוּרְ  (substantif du זָכָר) la gente mâle (chefs de familles) זָכָר mâle est porteur duזֵכֶר  souvenir] devant la face du Maître יְהוָה.  

Seule et unique occurrence de toute la תּוֹרָה où יְהוָה est appelé אָדֹן.  

 

2ème référence :

 

Au Chapitre 34, verset 23 de שְׁמוֹת:

שָׁלֹשׁ פְּעָמִים, בַּשָּׁנָה--יֵרָאֶה, כָּל-זְכוּרְךָ, אֶת-פְּנֵי הָאָדֹן יְהוָה, אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל

Dans le 1er verset  אֶל-פְּנֵי dans le 2nd verset אֶת-פְּנֵי  et la fin du verset change.

La différence des versets vient de ce que le 1er est donné avant la faute du veau d’or, le 2nd est la reprise de cette מִצְוָה après la faute du veau d’or.  

 

C’est la raison pour laquelle il y a cette précision supplémentaire dans le deuxième verset :

אֶת-פְּנֵי הָאָדֹן יְהוָה, אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל   Entretemps il y a eu la faute du veau d’or.

Il y a donc un doute sur l’identité des personnes qui forment Am Israël.

Alors il ne s’agit pas de réaliser cette מִצְוָה de la רְאִיָה en pensant à une idole qu’on aurait emmenée avec soi venant du עֵרֶב רַב. Il s’agit bien de הָאָדֹן יְהוָה, אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל   

 

3ème référence :

Ensuite dans le Deutéronome qui est la récapitulation de la תּוֹרָה :

דְּבָרִים chapitre 16, verset 16 :  

C’est la reprise de cette מִצְוָה avec encore un changement dans la formulation du verset qui indique les trois fêtes בְּחַג הַמַּצּוֹת וּבְחַג הַשָּׁבֻעוֹת, וּבְחַג הַסֻּכּוֹת.

C’est toute une étude pour elle–même, il y a une Massekhet entière qui est la MassekhetHaguigah consacrée dans sa 1ère partie à l’étude de cette מִצְוָה de רְאִיָה.  

 

שָׁלוֹשׁ פְּעָמִים בַּשָּׁנָה יֵרָאֶה כָל-זְכוּרְךָ אֶת-פְּנֵי יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, בַּמָּקוֹם אֲשֶׁר יִבְחָר--בְּחַג הַמַּצּוֹת וּבְחַג הַשָּׁבֻעוֹת, וּבְחַג הַסֻּכּוֹת; וְלֹא יֵרָאֶה אֶת-פְּנֵי יְהוָה רֵיקָם

Trois fois l'an, tous tes mâles paraîtront en présence du Seigneur, ton Dieu, dans l'endroit qu'il aura élu: à la fête des azymes, à celle des semaines et à celle des tentes. Et que l'on ne paraisse pas les mains vides en présence du Seigneur.  

 

La 3ème fois cela fait partie des changements de formulations entre le דְּבָרִים סֵּפֶר en général et les 4 autres.

 

Nous avons retenu de ce dialogue entre Moïse et Pharaon :

Paro dit les hommes et Moïse répond tout le monde.

Le verset indique pour la מִצְוָה de רְאִיָה qu’en sont passibles d’obligation, les זֵכָרִים  mais avec une façon inhabituelle de dire les זֵכָרִים , en disant  כָּל-זְכוּרְךָ c’est un substantif générique qui désigne une classe mais habituellement dans le style de la bible on devrait dire en hébreu כָל-זְכוּרְךָ.

 

 Rashi sur מִּשְׁפָּטִים 23.17:

שָׁלֹשׁ פְּעָמִים, בַּשָּׁנָה--יֵרָאֶה, כָּל-זְכוּרְךָ, אֶל-פְּנֵי, הָאָדֹן יְהוָה

3 fois dans l’année sera vu tous tes mâles devant la face du Maître הַשֵּׁם.

 

Sur l’expression כָּל-זְכוּרְךָ

הַזְּכָרִים שֶׁבְּך les mâles qu’il y a en toi.

C’est un Rashi profond puisque cela semble être une trop simple paraphrase.

 

1ère indication de l’analyse :

Finalement la תּוֹרָה שֶׁבִּכתָּב semble donner raison à Paro dans le dialogue entre Pharaon et Moïse. Il s’agit d’une fête modèle de la fête de pèlerinage – la רְאִיָה dont le modèle était le הַר סִינַי. C’est le verset « atah arétah ladaat – tu es venu voir pour savoir ». C’est le verset lu à chaque lecture de תּוֹרָה le Shabbat et jour de fête. C’est dire que le modèle de cette fête de pèlerinage qui est la רְאִיָה, c’est le rassemblement d’Israël au Sinaï en présence de Dieu, où Dieu se révèle à eux, et où les deux éléments de la מִצְוָה de la רְאִיָה sont présents.  

Quand Israël va entrer dans le pays d’Israël, les différentes tribus vont hériter de leur part de la terre et il y a le risque d’une divergence d’identité entre les tribus d’Israël, chaque province risquant de s’autonomiser. Cette fête de pèlerinage va lutter contre cette tendance avec un objectif de réunification permanente de l’identité d’Israël. De toutes les tribus d’Israël, les chefs de familles montaient au Temple pour se voir – un des détails du rite était très important, il s’agissait de se voir face-à-face et de se dire שָׁלוֹם עֲלֵיכֶם‎ – c’est à dire de se reconnaître.

 

Il y a quelque chose de similaire au כֹּתֶל avec des Juifs du monde entier, touristes y compris, qui au moins se regardent. Il y a quelque chose qui s’unifie dans le visage d’Israël et qui ressemble à ce rite là qui est un peu plus énergique. Parce que si on ne se connait plus on ne se reconnait plus. Il y a une situation purement sociologique qui fait que les provinces divergent et cela risque de faire autant d’Israël différents. Sinon comment les gens des différentes provinces vont-ils se rencontrer en dehors des moments commémoratifs de la nation qui valent pour tous ?  

 

Il y a un rite qui lutte contre ce risque de dispersion sociologiquement inévitable et qui va assurer la réunification permanente des tribus d’Israël.  

Psaume lu aux fêtes de pèlerinage : Jérusalem est définie comme le centre unificateur où  « là-bas montaient les tribus, les tribus de Dieu ».  

Jérusalem est important pour toutes les tribus bien que située dans un héritage particulier des tribus et nous vivons cette situation un peu diluée, mais c’est la même. Nous arrivons à un autre niveau de ferveur, parce que nous arrivons au niveau des comportements de l’homme civilisé, contemporain. Dans les temps bibliques cette מִצְוָה avait une portée très importante et très énergique : empêcher la cassure au niveau de la nation à travers la différence des tribus.  

Au niveau ethnographique, il est fort probable que la règle de cette מִצְוָה pour la société d’Israël est valable pour toutes les sociétés à l’origine et que finalement c’est resté dans certaines sociétés seulement, mais c’est évident au niveau de la Bible pour Israël lui-même : dans une société contemporaine le facteur d’unité est nationale, le facteur de division est idéologique, philosophique et religieux.  

 

Exemple de la société française : c’est la nation qui unifie tout, les intérêts de la nation unifient toutes les familles françaises, mais c’est l’esprit qui les divisent : les familles spirituelles de la France... Pour la société d’Israël c’est l’inverse : le principe de divergence est national alors que le principe d’unité est spirituel. Il y a un risque de tension des tribus qui va à la dispersion.    

 

En fin de compte au niveau sociologique, il est évident qu’il y a des différences au niveau des tribus. Nous avons ramenés ces différences de la גֵּאֻלָה : un yéménite n’est pas un scandinave...

Il y a un risque de dispersion au niveau des tribus.

 

Dans le vocabulaire du מִקְרָא chaque שֶׁבֶת, chaque tribu, est appelé עַם. Effectivement chaque tribu peut faire un peuple d’Israël cohérent en fermant radicalement les yeux sur les autres.  

Juifs d’Afrique du Nord, 550 000 à l’époque, on avait conscience à l’époque que nous nous étions le peule juif. On croyait de façon mythique aux millions de juifs ashkénazim de l’autre côté de la mer... On les a finalement rencontrés… Il y a eu la Reyiah entretemps.  

Depuis la création d’Israël on voit bien les provinces s’autonomiser. Au niveau sociologique municipal ce ne sont plus les mêmes juifs, de la même tribu. C’est Jérusalem qui unifie. On le ressent bien même de façon confuse encore...  

 

C’était donc nécessaire d’installer ce rite du rassemblement au בֵּית הַמִּקְדָּשׁ de Jérusalem à l’occasion des événements fondateurs de la nation, de telle sorte qu’on puisse repartir de Jérusalem en sachant : « il n’y pas que moi qui suis d’Israël, l’autre aussi en est et la preuve c’est qu’on s’est rencontré là-bas... ».  

 

De la discussion entre Moïse et Pharaon :

Paro dit « הָאֲנָשִׁים» et Moïse dit « tout le peuple » et la תּוֹרָה שֶׁבִּכתָּב semble donner raison à Pharaon ?  

La תּוֹרָה שֶׁבְּעַל פֶּה va parler comme Moïse – « tout le monde » - alors que la תּוֹרָה שֶׁבִּכתָּב va dire « כָּל-זְכוּרְךָ» et semble nous parler comme Pharaon ?

 

 

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Abraham AFERYAT

08 Janvier 2019 à 20h31

Impressionnnant les juifs eloignés qui poussent les murs pour ecouter un rabbin - ils s asseoient meme par terre -