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BECHALLAH - SÉRIE 1996

Le cours

 

(1996)    בְּשַׁלַּח

 

 

Etude de la semaine dernière : on a vu pourquoi les מִצוֹת de la תּוֹרָה ont été révélées simultanément à Moshe et Aaron.

 

J’aborde en suite le sujet de la Parashah בְּשַׁלַּח. Chapitre 13, verset 17.

Le récit historique de la תּוֹרָה reprend une des péripéties les plus importantes de la sortie d’Egypte : le passage dans le désert qui va durer 40 ans.

 

Ce que nous allons étudier dans les premiers versets, c’est qu’il est très surprenant que la motivation qui a été donnée par la תּוֹרָה de ce détour au désert de 40 ans, ne fait aucune mention du Sinaï.

 

On est tellement habitué à ce rythme des événements [la sortie d’Egypte – le passage de la mer rouge et puis tout de suite après la révélation du Sinaï, et ensuite les 40 ans d’errance dans le désert, et 40 encore après seulement l’entrée en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל] que l’on ne se rend pas compte du redoublement du récit qui nous bloque sur ce rythme des événements.

 

Dans ces premiers versets de la Parashah, la raison pour laquelle il y a eu ce détour au Sinaï ne fait aucune allusion à la révélation de la תּוֹרָה sur le Sinaï, mais c’est la crainte que les Hébreux sortis d’Egypte se heurtant à l’hostilité des פְּלִשְׁתִּים, les Philistins, décident de revenir en Egypte.

 

Évidemment comme d’habitude chaque mot devrait être expliqué pendant des heures et les commentaires sur toutes ces aspérités de ces textes sont très nombreux. J’espère avoir le temps de vous en citer quelques uns en passant.

 

בְּשַׁלַּח 13 :17 :

וַיְהִי, בְּשַׁלַּח פַּרְעֹה אֶת-הָעָם, וְלֹא-נָחָם אֱלֹהִים דֶּרֶךְ אֶרֶץ פְּלִשְׁתִּים, כִּי קָרוֹב הוּא:  כִּי אָמַר אֱלֹהִים הָעָם בִּרְאֹתָם מִלְחָמָה--וְשָׁבוּ מִצְרָיְמָה , פֶּן-יִנָּחֵם

Et il arriva lorsque Pharaon renvoya le peuple…

 

וַיְהִי, בְּשַׁלַּח פַּרְעֹה אֶת-הָעָם

Et il arriva lorsque Pharaon renvoya le peuple…

 

On est de suite sollicité par le commentaire classique : chaque fois qu’un récit commence par le terme וַיְהִי, il s’agit d’un malheur : Cf. l’interjection araméenne « וַי !» qui fait référence à un malheur ou le Yiddish « Oï vaVoï ! ».

 

Le Midrash se demande « Mah Amar Vaï ? Qui a dit וַי ? », Je ne rentre pas dans les réponses du Midrash: c’est tant Pharaon que Moïse ou que Israël qui ont dit « וַי! ».

 

Quels sont les malheurs dans cette sortie d’Egypte telle qu’elle nous est racontée par la תּוֹרָה ? C’est ce que le verset dit :

« וַיְהִי, בְּשַׁלַּח פַּרְעֹה אֶת-הָעָם

 Et il arriva lorsque Pharaon renvoya le peuple… »

 

Tous les récits précédents, et surtout le récit des 10 plaies, montrent l’intervention de Dieu qui est systématique : le dévoilement que Dieu n’est pas seulement Créateur mais également Providence c’est donc l’événement central de la foi d’Israël, et à travers la foi d’Israël, de la foi tout court. On savait que Dieu était Créateur mais c’est à la sortie d’Egypte que l’on sait vraiment, à l’échelle de l’histoire universelle de l’humanité, qu’Il est Providence.

 

Pendant tout le temps des 26 générations depuis le 1er homme jusqu’à Moïse, il y a eu des initiés à l’échelle individuelle qui ont l’expérience personnelle et subjective de l’action de la Providence, centralement Abraham, mais c’est la première fois que la collectivité est concernée par l’intervention de Dieu dans l’histoire.

 

Et que nous dit-on ici ? C’est Pharaon qui a renvoyé le peuple... Le contraste est clair.  

 

Il faut alors comprendre qu’il y a eu résistance du peuple à sortir.

Et indépendamment de toutes les autres raisons vues précédemment : que Pharaon donne lui-même la décision de laisser partir le peuple. De laisser partir, non de le renvoyer et de l’expulser comme le disent les versets précédents :

 

שְׁמוֹת 6 :1

וַיֹּאמֶר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה, עַתָּה תִרְאֶה, אֲשֶׁר אֶעֱשֶׂה לְפַרְעֹה:  כִּי בְיָד חֲזָקָה, יְשַׁלְּחֵם, וּבְיָד חֲזָקָה, יְגָרְשֵׁם מֵאַרְצוֹ .

L’Éternel dit à Moïse: "C'est à présent que tu seras témoin de ce que je veux faire à Pharaon. Forcé par une main puissante, il les laissera partir; d'une main puissante, lui-même les renverra de son pays."

 

C’est à main forte que le Pharaon a dû - לְגָרְשׁ  -  expulser.  גִירוּשִים c’est l’idée du divorce. Il faut déconnecter Israël de l’Egypte et c’est Pharaon qui va le faire, mais il faut mettre ici en évidence qu’il y a eu de la part d’Israël résistance à sortir de l’exil.  

C’est un grand mystère : pourquoi lorsque le temps de la fin d’exil arrive, y a-t’il cette résistance de la part d’Israël ?

 

Ici c’est une raison de chronologie : on attend 400 ans et il ne s’est passé que 210 ans !

Mais c’est un argument pour les Égyptiens : il manque toujours 190 ans d’exil !

Mais pour les Hébreux : pourquoi cette résistance à chercher des arguments pour rester en exil ? Le problème est très vaste d’ailleurs.

 

J’en profite pour vous signaler que toutes les Parashiot depuis שְׁמוֹת jusqu’à מִּשְׁפָּטִים s’appellent שׁוֹבָבִים. Cela s’achève à מִּשְׁפָּטִים.  

 

Il y a trois fois deux Parashiot dans ce schéma :  

שְׁמוֹת –  וַיֵּרָא  

  בְּשַׁלַּח-   בֹּא 

יִתְרוֹ – מִּשְׁפָּטִים  .

 

Ce sont les différentes étapes de la sortie d’Egypte :

 

  • l’intensification de la persécution

 

  • l’intervention par les plaies

 

  • la libération, la révélation de la תּוֹרָה שֶׁבְּעַל פֶּה et les 10 commandements dans la Parashah יִתְרוֹ et la révélation des premières מִצוֹת de la législation de la תּוֹרָה dans la Parashah de מִּשְׁפָּטִים.

 

Cela forme en Rashé Tévot le mot de שׁוֹבָבִים.

 

Les communautés de חָסִידִים (au sens des gens pieux) ont l’habitude de jeûner pendant ces semaines, soit le lundi et jeudi, soit toute la semaine depuis le samedi jusqu’au vendredi soir. 

 

Le verset (Jérémie 3:14) où apparait le terme de שׁוֹבָבִים est «  שׁוּבוּ בָנִים שׁוֹבָבִים revenez (faites תְּשוּבָה) enfants rebelles ».

שׁוֹבָב est un mot dont se sert l’hébreu israélien pour parler d’un enfant turbulent, mais le sens étymologique est celui de « rebelle ».

 

La racine לָשׁוּבָ a deux substantifs :

  תְּשוּבָה: revenir sur l’action en repentir

  משוּבָה: revenir sur l’action en entêtement, pour la refaire.

 

Vous connaissez cet enseignement du Talmud : « Ha'Omer echtah v'ashouv echetah vé-ashouv ein mapikin b'yado la'asos teshuva ».

« Celui qui dit : וְאַשוּב אֱחֵטָה , je vais fauter et je vais me repentir, (le jour de Kippour par exemple), on ne l’aide pas à faire תְּשוּבָה. »

 

L’enseignement porte rien que sur la répétition de cette formule וְאַשוּב אֱחֵטָה.

La תְּשוּבָה, le repentir, est un comportement spirituel extrêmement difficile. Peut être le comportement spirituel le plus difficile parce qu’il y a la clause de l’aveu. Ce qu’il y a de difficile dans le repentir c’est d’avouer ce qu’on a fait. A partir du moment où on est capable d’avouer, c’est qu’on est guéri de la faute. Tant qu’on n’est pas capable de dire ce qu’on a fait, c’est qu’on est encore dans le stade du remords, la maladie de la faute. Le repentir c’est la guérison, le remord c’est la maladie. Il ne faut pas se tromper. אֱחֵטָה c’est le signe que l’on est encore dans les mains de la faute. Alors on regrette parce qu’il y a des conséquences. Le repentir par la re-virginisation de la conscience, c’est la תְּשוּבָה et la guérison.

 

Beaucoup de grands maitres ont parlé de cela : La difficulté de la תְּשוּבָה c’est qu’il faut avouer. En général, on y est aidé par « le jeu de la vie » qui nous oblige à faire תְּשוּבָה. Chacun a son cheminement, son itinéraire, mais à un moment donné on ne supporte plus les יִסוּרִים, les tourments, les épreuves, les tuiles qui tombent des toits, et c’est la décision de la תְּשוּבָה...  On m’oblige à faire תְּשוּבָה par le jeu de la vie.

 

וְאַשוּב אֱחֵטָה: Je fauterais et je recommencerais. Puisque chaque année recommence le jour de Kippour. Cette répétition fait que l’on est plus capable de se repentir. L’habitude vient de la répétition. L’habitude c’est une seconde nature, puisque la nature est une première habitude. A force de se répéter alors « on s’englue » (comme dirait J.P. Sartre) dans l’habitude et on est incapable de s’en dépêtrer. C’est là le sens simple de la גְּמָרָא.

 

Lorsqu’on est arrivé au stade de cet engluement il faut un miracle pour pourvoir se défaire d’une habitude.  

Ceux qui s’occupent de ces problèmes de désintoxiquer les gens habitués savent à quel point c’est très parallèle : L’habitude et l’acte volontaire c’est comme la loi de la nature et le miracle.

Le miracle brise la loi de la nature. L’acte volontaire brise la loi de l’habitude. Et pour que l’acte volontaire brise l’habitude il faut un miracle ! Cela s’appelle סִיעַתאַ דִשמַיאַ...

 

Retour au sujet :

On expie cette résistance et ce refus qui est très mystérieux de quitter l’exil d’Egypte qui est d’ailleurs le modèle de tous les exils : les Juifs quittent leurs exils dangereux toujours un jour trop tard... Pourquoi s’en va-t-on trop tard ? Message à la diaspora française : ne partez pas trop tard !

Le retard à la sortie, et il a fallu que Pharaon a du les renvoyer...

Voilà le malheur dont on parle dans le וַיְהִי. 

 

Je vais étudier l’emploie du mot הָעָם dans ce texte.

Il y a 3 différentes manières de désigner le peuple dans ce récit :

 

  • הָעָם: ce n’est pas vraiment les descendants des tribus, ni les Hébreux, ni les הַשֵּׁם צְבאוֹת en tant que שְּׁבָטִים les descendants des Patriarches, c’est un peuple qui s’est adjoint aux Hébreux lors de la sortie d’Egypte et qui s’appelle עֵרֶב רַב – le grand mélange. Parashah כִּי תִשָּׂא, Chapitre 32 verset 1. Dans le récit de la faute du veau d’or cela commence par:

 

וַיַּרְא הָעָם, כִּי-בֹשֵׁשׁ מֹשֶׁה לָרֶדֶת מִן-הָהָר

Et le peuple vit que Moshe tardait à redescendre de la montagne...

 

C’est ce qui a déclenché la catastrophe du veau d’or. Et nous verrons dans ce texte comment Rashi explique qu’il s’agit, au cours du verset où Dieu s’adresse à Moïse,

 

כִּי תִשָּׂא 32:7 :

לֶךְ-רֵד--כִּי שִׁחֵת עַמְּךָ, אֲשֶׁר הֶעֱלֵיתָ מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם

Descend parce que ton peuple que tu as sorti d’Egypte a été perverti.

Il s’agit de son peuple : עֵרֶב רַב. On l’appelle le peuple de Moïse.

 

  • בְּנֵי יִשְׂרָאֵל: Quand il y a l’expression « les enfants d’Israël » il s’agit des descendants des Patriarches, les Hébreux.

 

  • בְּנֵי יִשְׂרָאֵל הָעָם: après que Moïse ait intercédé après la faute du veau d’or pour le עֵרֶב רַב et que le עֵרֶב רַב a été intégré aux peuple d’Israël, il y a l’expression  בְּנֵי יִשְׂרָאֵל הָעָם- le peuple des enfants d’Israël. Un ensemble dans lequel a été intégré le עֵרֶב רַב sans qu’il soit possible de les distinguer des Hébreux.

 

A partir du moment où le עֵרֶב רַב sur l’intercession de Moïse a été intégré à Israël, c’est Israël ! Mais c’est une tendance en Israël qui vient du עֵרֶב רַב, et qui est diffuse dans l’identité du peuple. Et les grands maîtres, surtout du Zohar, nous ont donné les critères pour les diagnostiquer. Ce n’est pas le sujet aujourd’hui car vous auriez des surprises car nous avons les critères. Le Zohar est impitoyable dans une analyse d’une précision absolue, et on voit de suite que dans la vie de l’histoire juive, société israélienne y comprise, que c’est ainsi que cela fonctionne : la tendance du עֵרֶב רַב s’est introduite dans l’identité d’Israël. Il y a des raisons pour cela. On verra que la  question est donc : Pourquoi Moïse a-t’il intégré ceעֵרֶב רַב ? Alors qu’il est cause de tellement de difficultés dans l’histoire d’Israël jusqu’à maintenant ?

 

Cela n’a rien à voir avec le problème des convertis qui rejoignent Israël à l’échelle individuelle. Mais le problème du עֵרֶב רַב, est celui d’une conversion à l’échelle collective de tous ces hommes et femmes sortis d’Egypte avec Israël, et dont Moïse a pris l’initiative d’intégrer. La grande question est de savoir pourquoi et comment Moïse a pris cette initiative ? Et en quoi est-elle justifiée après la prière de Moïse qui a intercédé après la faute du veau d’or, Dieu a accepté.

 

Cette manière de définir Israël comme « le peuple rebelle » et « le peuple à la nuque raide », cette מִּדָה de עַם-קְשֵׁה-עֹרֶף – c’est ce qui définit le עֵרֶב רַב et non pas Israël. La קְשֵׁוּת-עֹרֶף d’Israël vient du עֵרֶב רַב qui lui a transmis sa mauvaise מִּדָה. C’est notre מִּדָה de יִשְׂרָאֵל עַם mais nous savons d’où elle vient. Ce n’est pas un problème simple.  

 

Deux choses pour résumer tout cela :

 

- D’abord comprendre ce qui s’est passé : cette foule d’esclaves « גֵּרִים תַּעֲרוֹבֶת», comme dit Rashi, בֹּא  12:38 :  

 

עֵרֶב רָב 

תַּעֲרוֹבֶת אוּמוֹת עוֹבְדֵי כּוֹכָבִים שֶׁל גֵּרִים

Un ramassis : Un mélange de convertis venus des nations

Qui s’est adjoint à Israël à la sortie d’Egypte, et que Moïse a intégré.

 

- Le fait que cela a intégré en Israël une dimension d’identité qui n’était pas dans l’identité hébraïque des Patriarches et si vous voulez je vous donnerais les versets de manière précises. On s’est habitué à cette définition du peuple d’Israël comme « peuple rebelle » – « peuple à la nuque raide » - mais ce n’est pas originel et cela vient du עֵרֶב רַב!

Surtout un verset où Dieu dit à Israël : « maintenant méfiez-vous, vous êtes devenu peuple à la nuque raide..." et cela est dit en clair.

 

Donc 3 appellations : הָעָם – בְּנֵי יִשְׂרָאֵל – בְּנֵי יִשְׂרָאֵל הָעָם l’unité intégrée des 2 ensembles.

 

Explication partielle:

Il n’y a pas eu en Egypte, seulement Israël qui a été asservi. Il y a eu toute une série de peuples et d’identités humaines de la civilisation de ce temps qui ont été asservis à l’empire égyptien. Il y a avait Pharaon et ses serviteurs et il y avait les peuples asservis par l’Egypte du Pharaon et de son parti politique. Par conséquent, il s’agit d’hommes et de femmes qui ont eu la même expérience qu’Israël. L’asservissement, l’aliénation et la libération. Ils ont donc l’expérience qui mène à la foi d’Israël.

 

Et par conséquent ils sont prêts et préparés à l’identité d’Israël. Ils ont à leur manière l’expérience historique des Patriarches sans être l’identité des Patriarches.

 

On verra quand on arrivera à la Parashah de יִתְרוֹ, la condition pour être préparée à recevoir la תּוֹרָה c’est d’avoir eu l’expérience aliénation-libération.

Les dix paroles commencent par : « אָנֹכִי יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, אֲשֶׁר הוֹצֵאתִיךָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם»... et voilà Ma תּוֹרָה... 

Celui qui n’a pas vécu cela  גֵּאֻלָה- גָלוּת - n’a rien à voir avec la תּוֹרָה !

A notre époque tout une partie de la population israélienne ne sait pas ce qu’est la גָלוּת. Alors ils n’arrivent pas à comprendre ce qu’est la תּוֹרָה. C’est un peu ramassé, mais ils n’ont jamais eu l’expérience de ce que c’est que faire son עָלִיָה. En diaspora, la  עָלִיָה se résume à « monter à la תּוֹרָה » et on donne un don à Israël....

 

C’est un problème grave, il y a :

  Ceux qui ont l’expérience de la גָלוּת mais pas l’expérience de la גֵּאֻלָה.

  Ceux qui ont l’expérience de la גֵּאֻלָה  mais pas l’expérience de la גָלוּת.

  Ceux qui n’ont ni l’un ni l’autre, ils sont au gouvernement. 

  Ceux qui ont l’expérience גֵּאֻלָה - גָלוּת alors ils sont préparés pour le Sinaï.

 

D’où notre question initiale : pourquoi l’absence d’allusion au Sinaï dans ce texte ?

 

בְּשַׁלַּח 13 :17

וַיְהִי, בְּשַׁלַּח פַּרְעֹה אֶת-הָעָם, וְלֹא-נָחָם אֱלֹהִים דֶּרֶךְ אֶרֶץ פְּלִשְׁתִּים, כִּי קָרוֹב הוּא:  כִּי אָמַר אֱלֹהִים, פֶּן-יִנָּחֵם הָעָם בִּרְאֹתָם מִלְחָמָה--וְשָׁבוּ מִצְרָיְמָה

Et il arriva lorsque Pharaon renvoya le peuple Elohim ne les a pas dirigé par le chemin du pays des Philistins

 

C’est le chemin de la côte qui va depuis la frontière égyptienne jusqu’à à peu près Naaria au nord. Toute cette côte, surtout Ashkelon-Ashdod...

C’est ce chemin qui est le plus court pour aller de l’Egypte à Jérusalem. Normalement on attendait qu’en sortant d’Egypte on aille directement à Jérusalem pour recevoir la תּוֹרָה car la תּוֹרָה sort de Jérusalem, elle ne sort pas du Sinaï.

 

Normalement le déroulement a été enseigné au début du livre de דְּבָרִים: onze jours de marche depuis l’Egypte jusqu’à Jérusalem pour y recevoir la תּוֹרָה (Isaïe 2:3) :

כִּי מִצִּיּוֹן תֵּצֵא תוֹרָה, וּדְבַר-יְהוָה מִירוּשָׁלִָם

Et non pas מִסִּינַי כּי...

 

On est tellement habitué à l’importance du mont Sinaï que cela nous bouche le récit dans son ordre normal. Nous verrons à posteriori qu’il en a été autrement, et pourquoi la תּוֹרָה a été révélée au Sinaï et ce qu’on peut apprendre du fait que la תּוֹרָה est révélée dans le désert et non pas à Jérusalem...

Tout cela les Midrashim en parlent, mais à priori c’est cette ordre-là : on aurait du sortir d’Egypte pour aller en Israël. Cette espèce d’interruption de rendez-vous différé, de parenthèse de 40 ans, jusque-là on ne s’y attendait pas.

 

וְלֹא-נָחָם אֱלֹהִים דֶּרֶךְ אֶרֶץ פְּלִשְׁתִּים

Et Elohim ne les a pas dirigé par le chemin du pays des Philistins

 

כִּי קָרוֹב הוּא

Car il était proche.

 

Il y a beaucoup de commentaires sur כִּי קָרוֹב הוּא, j’espère avoir le temps de vous en citer quelques uns. Pour le Pshat, c’est trop prêt la sortie d’Egypte et ce passage par le chemin des Philistins.

Imaginez les épreuves : Après les 10 plaies, cette tribulations pour un peuple tout entier sortant d’Egypte pour se heurter tout de suite aux Philistins sur le chemin, c’est trop proche...

 

כִּי אָמַר אֱלֹהִים, פֶּן-יִנָּחֵם הָעָם בִּרְאֹתָם מִלְחָמָה--וְשָׁבוּ מִצְרָיְמָה

Car Dieu s’était dit de peur que le peuple ne regrette (deuxième occurrence du mot « עָם-peuple ») en voyant (l’éventualité de) la guerre et ne retourne en direction de l’Egypte.

 

C’est très en raccourci, quelque chose que nous vivons dans notre génération, ce sont les raisons de la יְרִידָה : on veut bien venir en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל, mais il y a des craintes et alors on fait sa יְרִידָה. 

Dieu a eu peur de cela et leur a donné 40 ans dans le désert : un petit stage de séminaire toraïque avec comme מָדרִיך professeur et maitre Moshé Rabénou...  

 

Beaucoup de Midrashim expliquent de quelles guerres il s’agit. C’est un autre sujet...

 

Du point de vue du Pshat : la crainte d’avoir à faire la guerre aux Philistins. Ensuite, les Midrashim s’appuyant sur le texte de la תּוֹרָה, expliquent qu’il y avait des guerres et que les Hébreux sur le chemin risquaient de voir le résultat de ces guerres et en être apeurés.

 

On peut attester que c’est un peuple héroïque. Mais pourquoi ce retard des שׁוֹבָבִים ? Cela se traduit par des alibis : situation économique, la guerre…etc.

 

Il y a là un sujet qu’il faut expliquer. C’est tellement aberrant qu’on ne voit plus le problème. Comment ce peuple qui a du prier espérer et attendre 2000 ans lorsque le moment de la sortie d’Egypte arrive... שׁוֹבָבִים !?

 

C’est quelque chose qui dépasse infiniment ces explications artificielles, ces alibis : il y a la guerre, il n’y a pas de tiercé... 

 

C’est lié au עֵרֶב רַב. Il y a une sorte de dimension de responsabilité, plus ou moins consciente sur l’universel humain, qui fait qu’on manque les rendez-vous, on y est en retard, à cause de l’habitude de suivre un idéal alors que c’est un faisceau d’idéaux qu’il faut réaliser. On s’habitue pendant longtemps à cet idéal d’être, on est au service de l’idéal humain, et quand le temps du retour arrive on rate le rendez-vous... Il y a une espèce d’idéal de l’universel qui travaille l’identité juive, cela vient d’ailleurs des Hébreux, et elle a des ratés : c’est le cosmopolitisme et l’installation en גָלוּת...

 

Effectivement, les tenants du diasporisme, les tenants du judaïsme galoutique, tant religieux que laïc, se réfèrent toujours à ce mythe de la mission universelle du peuple juif. Il y en a qui vivent cela avec une sincérité aberrante.

A ceux qui y croient, rabbins ou laïcs, je leur demande naïvement : « en quoi consiste cette mission ? »  Personne ne peut répondre ! Cela consiste finalement à recevoir les allocations familiales de Jacques Chirac... Finalement on travaille chez eux et on gagne sa vie chez eux et on envoie de l’argent en Israël...  C’est une histoire de fous : un rendez-vous manqué !

 

C’est de ce malheur dont on parle : il a fallu que ce soit Pharaon qui renvoie le peuple parce qu’ils étaient encore travaillé par l’identité galoutique !

 

Ces raccourcis étonnants de la תּוֹרָה on les comprend parce qu’on les vit.

 

Il y a 2 mystères :

 

  l’histoire qui rend compte des textes

 

  les textes qui rendent compte de l’histoire. 

 

C’est lorsqu’on vit notre histoire que l’on comprend la תּוֹרָה, c’est lorsqu’on lit la תּוֹרָה que l’on comprend notre histoire...

 

13 :18

וַיַּסֵּב אֱלֹהִים אֶת-הָעָם דֶּרֶךְ הַמִּדְבָּר, יַם-סוּף; וַחֲמֻשִׁים עָלוּ בְנֵי-יִשְׂרָאֵל, מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם

Et Dieu fit contourner le peuple (3ème occurrence) par le chemin du désert de יַם-סוּף la mer rouge Et c’est armés en guerre que les enfants d‘Israël sont montés d’Egypte.

 

Et c’est là qu’on les nomme בְנֵי-יִשְׂרָאֵל au 4ème niveau.

Il y a un 5ème niveau qui est indiqué plus loin dans le verset 14:8 :

 

וַיְחַזֵּק יְהוָה אֶת-לֵב פַּרְעֹה מֶלֶךְ מִצְרַיִם וַיִּרְדֹּף אַחֲרֵי בְּנֵי יִשְׂרָאֵל; וּבְנֵי יִשְׂרָאֵל, יֹצְאִים בְּיָד רָמָה

 « Et Hashem endurcit le cœur de Pharaon roi d’Egypte, Il alla après les enfants d’Israël et les enfants d’Israël sortaient avec une main élevée... »

 

Deux questions :

 

 1- Pourquoi dans ce détour au désert, n’y a-t’il aucune allusion à   l’événement du Sinaï ?

 2- Que peut-on apprendre de ces différentes nominations d’Israël (עָם– בְנֵי-יִשְׂרָאֵל) ?

 

J’ai un chat dans la gorge...

Vous avez remarqué qu’on ne parle jamais du chat dans la תּוֹרָה. A la Parashah de יִתְרוֹ, les Sefardim ont l’habitude le jeudi de la Parashah יִתְרוֹ de faire une fête qu’ils nomment :        «   יִתְרוֹ- מֹשֶׁה סְעוּדת » dont les Rashé Tévot donnent  סִיוּם et les nord-africains non versés dans les textes appelaient cela צִּיּוֹן. C’est le repas de יִתְרוֹ à Aaron et Moïse lorsqu’ils se sont rencontrés. Le repas du סִיוּם c’est lorsqu’on a terminé une étude de תּוֹרָה - סִיוּם achèvement – mais là ce sont les Rashé Tévot de יִתְרוֹ מֹשֶׁה סְעוּדָת.

 

On avait l’habitude de courir après les chats dans la rue et de les arroser d’eau...

 

La signification officielle c’était que le repas traditionnel de cette סְעוּדָה était un couscous au poulet, et le chat est venu prendre le poulet.... Ma mère plaçait le couscous sur l’armoire.

Le chat était une des divinités de l’Egypte pour protéger leurs silos de blé des rongeurs. Dans la mémoire juive hébraïque le chat représentait la divinité égyptienne. C’est très apparent dans les statues égyptiennes. A la télévision j’ai vu á quel point le visage de Sadate ressemblait au visage d’un chat... Voila pourquoi on ne parle pas du chat dans la תּוֹרָה.]

 

Ces différents niveaux de dénomination du peuple : pourquoi cette expression répétée הָעָם – et ensuite celle de בְנֵי-יִשְׂרָאֵל?

 

Une des explications se base sur le Midrash Raba qui définit les 5 niveaux de la נְשָׁמָה:

De la même manière qu’à l’échelle individuelle il y a 5 niveaux d’identité dans la נְשָׁמָה individuelle, de la même manière à l’échelle du peuple, il y a 5 niveaux d’identité.

 

Voilà les intitulés que le Midrash nous donne en se basant sur les différents versets qui emploient cinq mots différents pour désigner les différents niveaux de la נְשָׁמָה:

 

נֶפֶשׁ:

Les forces biologiques.

L’insertion de la נְשָׁמָה dans le corps, c’est le niveau נֶפֶשׁ.

 

רוּחַ:

La vie affective, les qualités, la vie spirituelle déjà.

 

נְשָׁמָה:

C’est le niveau intellectuel de la conscience présente à elle-même. La lucidité qui se connait comme présent à elle-même. Tout cela il faut des mois pour apprendre de quoi il s’agit mais je vous donne des indications pour diagnostiquer les différents niveaux.

 

‘חַיָּה et יְחִידָה.

 

En chacun des niveaux se répètent les 5 niveaux. Il y a donc en tout 25 niveaux avec au-dessus 26.

Nous avons 25 niveaux d’être à conquérir pour être au niveau פָּנִים אֶל-פָּנִים: c’est un סוֹד de la קַבָּלָה qui explique l’importance du mot כֹּה = כּ - ה.

כֹּה אָמַר יְהוָה… Koh tevavékhou כֹּה-תֹאמְרוּ

Ce sont les 25 niveaux d’identité qu’Israël doit gravir pour être face à face avec le 26ème.

 

Ces trois niveaux-là נֶפֶשׁ - רוּחַ - נְשָׁמָה sont possédés par tous. Et encore je nuance :

Nous possédons tous un נֶפֶשׁ, un רוּחַ et une Arizah au niveau de la נְשָׁמָה. Une étincelle de נְשָׁמָה. Il faut se mettre à plusieurs pour qu’une נְשָׁמָה soit présente. Mais נֶפֶשׁ et רוּחַ, tous les individus les incarnent. Il y a le cas particuliers des individus qui à eux tout seuls ont une נְשָׁמָה à eux tout seul : on les appelle les יְחִידִים, les Uniques. A eux tout seul ils sont Israël tout entier: ils ont une כּוֹלֶלֶת  נְשָׁמָה. Mais chaque individu simple, possède une étincelle de נְשָׁמָה. Et parfois c’est très, très enfoui.

 

Plus haut encore – pour les vraiment très grands qui arrivent à incarner dans ce monde-ci ces niveaux-là – il y a חַיָּה et יְחִידָה. Les grandes lumières d’Israël arrivent jusqu’à la יְחִידָה.

 

Il y a des choses qui nous sont cachées par l’expérience de la vie mais qui étaient connus par les Sages de l’Antiquité : les peintures des grands hommes, des saints ou sages des גּוֹיִם, représentaient leur tête avec une auréole qui était censée représenter les niveaux de la נְשָׁמָה que la personne  physique n’est pas capable encore d’incarner. Alors elle est entourée. Il y a des חֲכָמִים qui savent voir ces couleurs de l’auréole qui entourent les personnes humaines et qui peuvent raconter les rêves qu’ils ont eu la veille. On ne leur cache rien. Pour vous dire que cela existe. Quand la Mishna dit « חֲכָמִים » ne pas croire qu’il s’agit de professeurs d’Université... C’est d’un autre ordre.

 

On retrouve ces cinq niveaux dans la collectivité d’Israël. Les trois premiers niveaux s’appellent הָעָם au niveau du נֶפֶשׁ, רוּחַ, נְשָׁמָה; et les niveaux supérieurs s’appellent בְּנֵי יִשְׂרָאֵל.

 

Ce qui explique la différence de conduite : le « עָם » a été obligé de partir d’Egypte, les enfants d’Israël étaient prêt à la guerre et à être les victorieux de cette aventure de la confrontation entre un tout petit peuple d’esclaves sortis de l’esclavage et la civilisation de ce temps-là. Dès que ce tout petit peuple est sorti d’Egypte on voit qu’il y a une panique totale dans toute la civilisation de ce temps.

 

Relire attentivement la שִׁירַת הַיָּם à ce sujet : la panique absolue dans toutes les royautés de la civilisation du temps alors qu’un tout petit peuple est sorti des camps de concentration ! Remarquez que c’est ce que nous vivons, toute proportion gardée, de notre temps. Ce petit peuple est sorti des camps de concentration nazis et 50 ans après cela remue le monde entier. C’est שִׁירַת הַיָּם dans les journaux tous les jours !  

 

Pour ceux de notre âge qui ont vécu le temps de la Shoah : le fait du contraste entre ce temps-là où le mot de « Juif » était la pire injure, et de notre temps le nom de « Israël » fait mal au ventre à l’ONU et donne des palpitations dans toutes les capitales, c’est tellement énorme qu’on ne le croirait pas, c’est ce qui est écrit là.

 

Nous avons ces deux ensembles du עָם et des בְּנֵי יִשְׂרָאֵל qui pour le moment, à ce stade sont  distincts mais lorsque se passeront les événements  de l’intégration du עֵרֶב רַב à Israël, ce sera le même ensemble. Mais à partir de ce moment-là, cette identité nouvelle qui inclut les autres lignées humaines qui ont eu la même expérience esclavage-libération, mais sans avoir l’héritage (non pas l’hérédité) de l’identité des Patriarches. Le drame d’Israël c’est cet ensemble humain composé de ceux qui possèdent l’héritage, les מִּדוֹת, des Patriarches et de ceux qui ne les ont pas, même s’ils ont וּמִצוֹת תּוֹרָה.

 

Quand Dieu a réparti les valeurs dans le monde il a donné la תּוֹרָה à Israël et le דֶּרֶךְ אֶרֶץ aux גּוֹיִם. Une des raisons pour laquelle on va chez les גּוֹיִם c’est pour apprendre le דֶּרֶךְ אֶרֶץ des גּוֹיִם. Et on ne ramène en général que leurs défauts et pas leurs qualités, mais certains d’entre nous savent ramener les qualités.

 

Dans l’étude talmudique : « il n’y a eu un tel événement que pour cela... ». On précise de suite : « il y a aussi d’autres raisons... ». Cela veut dire qu’Israël ne va en exil que pour recevoir le דֶּרֶךְ אֶרֶץ des גּוֹיִם – il y a aussi d’autres raisons, mais c’est cette raison qui est mise en évidence...  On le ressent en général à travers les convertis qui s’intègrent en Israël.

 

C’est un sujet important qui je crois est suffisamment éclairé par notre problème. Ce qu’on oublie qu’il y aussi un דֶּרֶךְ אֶרֶץ des אֲבוֹת, il y a un דֶּרֶךְ אֶרֶץ de la תּוֹרָה qui est le דֶּרֶךְ אֶרֶץ des Hébreux qui n’a rien à voir avec le דֶּרֶךְ אֶרֶץ des גּוֹיִם. Il y a des étincelles de sainteté dans le דֶּרֶךְ אֶרֶץ des גּוֹיִם, mais il y a un דֶּרֶךְ אֶרֶץ des Hébreux. Et la grande différence, c’est qu’il manquait au עֵרֶב רַב ce דֶּרֶךְ אֶרֶץ des אֲבוֹת. Alors qu’ils étaient prêts à recevoir la תּוֹרָה, et ils l’ont reçu. Mais il leur manquait le דֶּרֶךְ אֶרֶץ préalable à la réception normale de la תּוֹרָה.

 

Exemple : entre Pessah qui commémore la sortie d’Egypte et Shavouot – la révélation de la תּוֹרָה – on lit les פִּרְקֵי אֲבוֹת – on les étudie car ce sont le דֶּרֶךְ אֶרֶץ des אֲבוֹת tel qu’il s’est transmis jusqu’aux Tanaïm qu’on appelle les « הָעוֹלָם  אֲבוֹת» puisqu’ils n’ont transmis le דֶּרֶךְ אֶרֶץ des אֲבוֹת Abraham, Isaac et Jacob. 

 

C’est un problème extrêmement important : תּוֹרָה אֵין דֶּרֶךְ אֶרֶץ אֵין, s'il n'y a pas les bonnes relations, il n'y a pas de תּוֹרָה, (3 :17 ). Et « דֶּרֶךְ אֶרֶץ אֵין תּוֹרָה אֵין... »

 

C’est le drame de la société juive :

  Ceux du דֶּרֶךְ אֶרֶץ sans la תּוֹרָה.

  Ceux de la תּוֹרָה sans le דֶּרֶךְ אֶרֶץ.

  Ceux de ni l’un ni l’autre, sans foi ni loi.

  Ceux grâce à Dieu qui ont l’un et l’autre.

 

Vous savez où ils se trouvent, je n’ai pas besoin de vous dérouler la carte, mais elle va loin, jusqu’au Jourdain !

 

Pour revenir au problème : déjà à la sortie d’Egypte cela s’annonce.

Premier verset, à lire avec les טַעַמִים

 

13:17

וַיְהִי בְּשַׁלַּח פַּרְעֹה אֶת-הָעָם וְלֹא-נָחָם אֱלֹהִים דֶּרֶךְ אֶרֶץ פְּלִשְׁתִּים, כִּי קָרוֹב הוּא:  כִּי אָמַר אֱלֹהִים, פֶּן-יִנָּחֵם הָעָם בִּרְאֹתָם מִלְחָמָה--וְשָׁבוּ מִצְרָיְמָה

Et il arriva, lorsque Pharaon renvoya le peuple, Elohim ne les a pas conduit par le chemin du pays des Philistins.

 

D’après les טַעַמִים, le terme «דֶּרֶךְ» est séparé de l’expression « אֶרֶץ פְּלִשְׁתִּים ».

 

Lisons sans les טַעַמִים:

 « Dieu ne leur a pas donné le דֶּרֶךְ אֶרֶץ  des Philistins » 

 

Vous voyez quel est le problème : Il y a un דֶּרֶךְ אֶרֶץ  propre à chaque identité humaine, et Dieu n’a pas voulu qu’ils prennent le דֶּרֶךְ אֶרֶץ  des פְּלִשְׁתִּים.

 

Vous voyez quel est le problème du gouvernement actuel : on est en train de contredire ce verset. On est en train de prendre le דֶּרֶךְ אֶרֶץ פְּלִשְׁתִּים.  Cela se lit dans tous les journaux de tous les jours et s’entend dans toutes les radios et télévisions. On est en train de préparer une identité judéo-palestinienne ou israélo-palestinienne. C’est-à-dire דֶּרֶךְ אֶרֶץ פְּלִשְׁתִּים. C’est très compliqué ce qui se passe, cette tendance-là.

 

On se rend compte que c’est notre histoire qui nous est racontée là. Ne peuvent le voir clairement que ceux qui vivent en Israël, et non pas ceux enfermés dans les ghettos religieux. Si on vit la société israélienne au niveau où elle est, on se rend compte que c’est ce qui se passe. Doucement, on est en train de préparer une identité culturelle judéo-arabe en Israël. Et il faut que les Juifs de la diaspora s’en rendent compte de ce qui se passe réellement depuis 3 ans. Et je crois que le slogan le plus fort sur ce problème c’est Shimon Perez qui l’a fait un jour, et ne croyez pas que c’est une blague. Il a demandé officiellement à ce qu’Israël fasse partie de la ligue arabe ! Rassurez-vous il y aura pire !

 

Il y a une espèce de parti cosmopolite au pouvoir en Israël qui existe des deux côtés, droite comme gauche. Il y a eu, au moment de la constitution du pays en état, schématiquement 4 courants de  עָלִיָה très différents :

 

  Les חִלּוֹנִים, les sionistes qui ont fabriqué l’Etat et qui ont fait le bilan de 2000 ans d’histoire juive pour conclure et décider de se détacher de l’identité juive sociopolitique pour redevenir hébreu pour pas que le peuple juif disparaisse. Malheureusement, ils ont jeté le judaïsme avec... 

 

  D’autre part il y a eu les sionistes religieux venus dans le pays pour être vraiment juifs. Il y a eu une alliance plus ou moins honnête entre ces deux tendances. Et elle a éclaté.

 

  Troisièmement il y a eu les חֲרֵדִים qui ne participent au projet de fin d’exil et de construction de la nation, mais qui grâce à l’état sioniste, peuvent vivre en Israël leur foi et réaliser la מִצְוָה de résider en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Ce sont trois courants radicalement différents.

 

  Et puis un quatrième, des juifs cosmopolites même en hébreu. C’est ce courant là qui a pris le pouvoir il y a 3 ans (93) Des juifs cosmopolites qui n’ont qu’un seul objectif massif, je schématise : le marché commun économique judéo-arabe... Avec bien entendu une alliance inconditionnelle avec l’Amérique, parce qu’ils sont de civilisation américaine, comme ils étaient de civilisation russe en Russie, ou de civilisation polonaise en Pologne...etc.  Ce sont les Juifs cosmopolites, et il faut savoir que cela fait partie de ce problème.

 

La traversée de l’exil nous a fait éclater en 4 tendances qui sont 5. Il y en a une dont on ne parle jamais et qui est le peuple. On oublie toujours que cette société israélienne, indépendamment des courants, existe comme nation. Et de ces juifs-là qui sont la nation d’Israël on ne parle jamais bien que ce soit eux l’essentiel.

 

Retour au sujet : Les différents niveaux d’identités.

 

On voit à quel point ils sont différents : Le peuple עָם et les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל    

En fin de compte lorsqu’ils seront intégrés on dira בְּנֵי יִשְׂרָאֵל עָם, le peuple des enfants d’Israël.

 

Le peuple juif a un très grand handicap dans son histoire. C’est l’histoire d’un peuple et dans un peuple il y a tout. Il y a une Parashah נִצָּבִים:

אַתֶּם נִצָּבִים הַיּוֹם כֻּלְּכֶם, לִפְנֵי יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם

Vous vous tenez aujourd'hui, vous tous, devant Ha-chem votre D-ieu

(Ndr. Voir par exemple : http://www.harissa.com/D_Religion/parachanitsavim.htm pour un commentaire du verset)

 

Les grands, les petits, les tordus, les droits, les gauches...etc.

Alors que, par contraste, une église c’est l’église des saints. Tandis que dans le peuple il y a tout dedans. Alors que le jugement de l’histoire porté par les éditoriaux des grands journaux politiques, jugent le peuple d’Israël comme s’il s’agissait d’une église ! Vous lisez les grands journaux, israéliens compris, et vous voyez qu’ils jugent le peuple d’Israël comme s’il s’agissait d’un phalanstère de saints, alors que c’est un peuple ! Et c’est un peuple qui a pris sur lui l’identité universelle : avec le עֵרֶב רַב nous avons tous les hommes du monde dans ce peuple. Nous avons toutes les manières d’être homme ramenées avec les juifs. Ce qui se passe aujourd’hui avec les Ethiopiens montre à quel point c’est difficile de faire un peuple de tribus aussi différentes.

Cela a été le cas avec les Yéménites, les Nord-Africains, les Roumains, cela a été le cas souvent. Mais cela a été l’histoire d’un peuple. Et on le juge comme s’il s’agissait de saints.  

 

Il y a un handicap dès le début de l’histoire d’Israël qui est à l’échelle collective, le même handicap du הָרִאשׁוֹן אָדָם à la sortie du paradis. On est sorti d’Egypte comme on est sorti du paradis.

 

כְּגַן-יְהוָה כְּאֶרֶץ מִצְרַיִם

Comme le jardin divin, comme la terre d’Egypte

C’est un verset très clair (לֶך לְךָ 13:10).

 

Et puis il y a ce même handicap qui s’attache à l’histoire d’Israël. Cette dimension de l’universel dont les גּוֹיִם parlent, à laquelle ils croient, mais qu’Israël vit. 

 

Je vous raconterais simplement un récit de mes soucis au temps de mes fiançailles : J’ai épousé une juive polonaise, nous avons eu des enfants et s’est posé le problème du chant des berceuses : comment chanter ? En yiddish ou en judéo-arabe ? Et ce n’est pas la même chose, la même culture... Nous avons finalement opté pour l’hébreu... Imaginez le mariage mixte yiddish judéo arabe sans l’hébreu ! Cela donne à manger aux psychologues, aux conseillers matrimoniaux...

On peut multiplier cela par 120 cultures différentes ou 120 000 milles puisque cela se subdivise....

C’est l’histoire d’un peuple. Pour une église, un phalanstère, c’est tout à fait autre chose.

 

***

 

2ème question : C’est précisément ce mystère :

Pourquoi n’y a t’il pas d’allusion au Sinaï dans ce passage dans le désert ?  

 

Je voudrais commencer par un 1er verset de Parashah שְׁמוֹת dans le chapitre 3 au verset 12, au moment de la vision du buisson ardent.

 

Dieu se révèle à Moïse 40 après son initiative personnelle d’intervenir pour les hébreux contre les égyptiens, Moïse s’était enfui chez Jethro, et 40 ans après Dieu se révèle à lui dans la vision du buisson ardent. Et Moïse a des doutes sur la réussite de sa mission. Il avait déjà l’expérience que tant les Égyptiens que les Hébreux allaient refuser.

 

שְׁמוֹת - Chapitre 3 verset 12 :

וַיֹּאמֶר כִּי-אֶהְיֶה עִמָּךְ, וְזֶה-לְּךָ הָאוֹת כִּי אָנֹכִי שְׁלַחְתִּיךָ:  בְּהוֹצִיאֲךָ אֶת-הָעָם מִמִּצְרַיִם, תַּעַבְדוּן אֶת-הָאֱלֹהִים, עַל הָהָר הַזֶּה

 

Il dit car Je serais avec toi et ce sera ici pour toi le signe que c’est Moi qui t’ai envoyé lorsque tu feras sortir le peuple d’Egypte Vous servirez Dieu sur cette montagne.

 

Et on se trouve au Sinaï chez Jethro. Donc, il semble bien qu’il ait été prévu qu’à la sortie d’Egypte, il fallait venir à la montagne du Sinaï pour la עֲבֹדַה dont il est fait allusion ici au Sinaï.

 

Et donc, il y a une espèce décalage dans l’ordonnance du récit.

 

En fait, ce qu’on apprend dans la Parashah de בְּשַׁלַּח, c’est qu’étant donné que le peuple n’est pas préparé pour aller de l’Egypte à Jérusalem, il lui faut un stage de préparation, d’achèvement de libération. Il faut que Moïse les forme par rapport à leur nouvelle identité, à l’abri des problèmes des sociétés humaines. Les 40 ans du désert sont la suppression des problèmes économiques, militaires, entourés des nuages de gloire et préservés des nations hostiles. Il y avait le puits de Myriam qui les accompagnait et la manne pour les nourrir. Ils n’avaient aucun problème de société, et étaient à la charge divine pour pouvoir étudier la תּוֹרָה. C’est le seul peuple à avoir étudié sa constitution avant que son histoire ne commence. Chez tous les peuples c’est en cours d’histoire que la constitution apparait. Mais là, il y a un cas particulier. Donc, au début de la Parashah בְּשַׁלַּח on s’aperçoit que le peuple n’est pas encore prêt, et par conséquent que Moïse va avoir des problèmes avec ce peuple. Et donc il faut les amener au Sinaï pour habiliter la mission de Moïse.

C’était donc prévu ! Pourquoi n’y a-t’il aucune allusion à ce fait dans בְּשַׁלַּח ?

Ce verset contredit tout ce que je vous ai dit puisqu’il semble bien que déjà lors de la vision du buisson ardent, cela est prévu !

 

שְׁמוֹת 3 :12

בְּהוֹצִיאֲךָ אֶת-הָעָם מִמִּצְרַיִם תַּעַבְדוּן אֶת-הָאֱלֹהִים עַל הָהָר הַזֶּה

Lorsque tu feras sortir le peuple d’Egypte Vous servirez Dieu sur cette montagne.

 

Je ne rentre pas dans les détails d’exégèses qui sont beaucoup plus riche que cela pour schématiser l’essentiel sur notre sujet. Voilà que Moïse sait qu’il faut les amener au Sinaï, c’est donc prévu ?

Pourquoi dans la dans Parsashah de בְּשַׁלַּח n’y a-t’il aucune allusion à cela ?

 

Réponse :

 

En fait il y a une difficulté dans notre verset :

Lorsque tu feras sortir le peuple d’Egypte vous servirez Dieu sur cette montagne.

 

Mais si Moïse a besoin d’un signe pour habiliter sa mission, c’est avant de les faire sortir ! Moïse a des difficultés avec ce peuple en Egypte, et Dieu lui dit alors amène les ici et là je t’habilite...

Mais il faut d’abord les faire sortir !

 

La réponse est très simple : Toi Moïse débrouille toi ! Fais-Moi sortir ce peuple d’Egypte ! Si tu ne sais pas comment faire tu n’es pas Moïse... mais Je parle à Moïse... Donc tu sauras comment faire, sinon tu n’es pas Moïse... Très souvent on voit ce dialogue entre Dieu et Moïse.

Et si tu as eu des difficultés avec ce peuple, alors viens ici au Sinaï... et ils verront ce qu’ils verront...

 

Et comme Moïse a eu des difficultés, alors il a fallu cette parenthèse du Sinaï. Mais le plan primordial, ce n’était pas d’aller au Sinaï mais d’aller directement à Jérusalem.

 

On est tellement habitué à l’ordre du récit tel qu’il s’est passé : sortie d’Egypte – Sinaï – désert – אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל que l’on ne se rend pas compte que cela n’était pas le projet premier qui était Egypte-Israël. Mais maintenant si Moïse éprouve des difficultés avec ce peuple, alors il doit les amener par ce détour du Sinaï.  

 

Je sais par expérience qu’il faut des années pour se déshabituer de cette routine d’étude que je vous ai signalée. C’est un sujet important parce que le peuple juif est divisé sur cette question :

 

  Une partie du peuple juif, y compris les חֲרֵדִים surtout, qui pense que c’est comme cela : on sort d’Egypte pour aller au Sinaï. Et ensuite, une fois reçues les tables de la loi, on peut aller n’importe où jusqu’à l’arrivée du Messie ; et après on verra ce qu’il y a avec le pays de Kenaan. C’est l’idéologie חֲרֵדִית et la tendance d’énormément de Juifs d’exil qui sont habitués à ce rythme-là. On sort d’Egypte pour aller au Sinaï recevoir la תּוֹרָה pour ensuite témoigner de la תּוֹרָה dans le vaste monde, jusqu’à l’arrivée du Messie. (Alors qu’il n’est pas du tout parlé du Messie là-dedans, c’est un autre sujet) et on verra après ce qu’on fait avec la terre des ancêtres : le Messie nous dira... C’est une idéologie en déviance totale avec le récit de la תּוֹרָה. 

 

  Une autre partie du peuple, essentiellement les sionistes : on sort d’Egypte pour redevenir hébreux sur la terre des Hébreux  et c’est cela les temps messianiques. Et la גְּמָרָא en fait foi. Que s’est-il passé ? Un incident de parcourt – la faute du 1er homme à l’échelle collective – nous n’en n’avons pas été capable alors on passe par le Sinaï pour reprendre des forces. Mais en réalité après Moïse c’est Josué et non pas Isaïe !

 

L’habitude est telle que l’on n’arrive pas à se déprendre de cette routine de pensée. C’est pourquoi cette Parashah est très importante. Il faut relire comme c’est écrit. Le projet originel c’est צִּיּוֹן et non pas le Sinaï. Comme nous n’avons pas été capables alors il a fallu le Sinaï.  Ce sujet d’exégèse est très important idéologiquement. Parce que nous avons ces conversations (en général de sourds) avec ces Juifs qui pensent que munis de la תּוֹרָה du Sinaï ils peuvent très bien témoigner de la תּוֹרָה en France ou ailleurs en attendant le Messie...

 

Tant qu’ils sont Juifs cela va. Mais jusqu’à quand sont-ils Juifs ? Parce que nous avons déjà vécu des événements de ce genre ! Séparées du peuple juif ces tendances de déviance du peuple juif, à partir du projet réel de la תּוֹרָה, on nous a déjà raconté cette histoire !

On a reçu la תּוֹרָה et il faudrait en témoigner dans toutes les errances du monde jusqu’á l’arrivée du Messie ? Et d’ailleurs entre nous, il est arrivé le Messie ! Je ne pense pas aux Loubavitch !

Vous voyez quelles sont ces déviances à partir de ces bifurcations historiques.

 

Je crois avoir réussi un peu à éclairer cette deuxième question : Pourquoi n’y-a-t’il pas d’allusion au Sinaï dans ce texte ?  A postériori on trouvera cette allusion, mais apriori c’est onze jours de marche jusqu’à Jérusalem !

 

***

Q : Pourquoi Moshe dans son discours à Paro ne lui dit pas ce programme-là mais lui parle du désert ?

R : Il y a une stratégie vis-à-vis des גּוֹיִם. J’ai vécu cela à la manière des Juifs d’Afrique du Nord chez les Arabes. Mais c’est vrai aussi à un autre niveau en sociologie française. Si on leur dit que nous sommes une nation différente, ils ne l’acceptent pas. Mais si on leur dit que nous sommes une religion différente, ils acceptent, et ils le respectent. En arabe on disait « nos choses à nous, et vos choses à vous », il s’agissait de la Mosquée et de la synagogue. Ne surtout pas dire que nous sommes nous la nation d’Israël !  

 

Au niveau de la sociologie française : Napoléon a accepté que les Juifs et le judaïsme soient une confession religieuse. Minorité nationale ? Jamais de la vie !  Alors que nous sommes une nation, non pas une religion, nous sommes une nation qui a sa religion à l’échelle collective. La preuve ? C’est qu’un juif même athée est un juif. Alors qu’un cardinal même religieux n’est pas un juif ! (Ndr. Une allusion à Lustiger). C’est toujours la surprise des Chrétiens lorsqu’ils découvrent cela.

 

Après la guerre à Paris j’étais président de l’UEJF. Dans sa charte il s’agissait des Juifs de confession israélite. Mais 99% des étudiants étaient athées, alors j’avais un problème. J’avais commencé tout un programme de réunions avec les étudiants catholiques et protestants. J’ai arrêté cela tout de suite ! Les protestants connaissaient les références bibliques à bout portant. Et les Juifs rien !

J’avais tellement honte qu’on a arrêté les salles d’études. Mais ce sont des Juifs quand même !  Alors il fallait trouver un facteur commun. Le facteur commun est national. Religieux dans la civilisation contemporaine c’est une affaire privée. Mais il y avait toute une stratégie avec le ministère de l’intérieur qu’un Juif même non religieux fasse partie de l’UEJF. Ce sont des problèmes sérieux. En même temps j’étais Commissaire général des Éclaireurs Israélites de France. Et j’avais deux dossiers à la préfecture. Le dossier chez les étudiants Juifs et le dossier des éclaireurs. Ce n’était pas simple de naviguer là-dedans. Je m’en suis sorti parce que la femme du  préposé au dossier des Éclaireurs était la couturière de ma femme. Vous savez il y a des miracles ! 

 

Pour en revenir au problème, c’est que la dimension de l’histoire d’Israël n’est pas simple à définir en catégorie goï. Il s’agit d’un peuple, d’une nation, qui a sa propre vocation religieuse.  Inverser les données c’est l’hérésie fondamentale.

Je sais que je vous étonne en disant cela, parce que j’ai une kipa sur la tête.

Mais c’est bien clair : Nos problèmes d’identités sont d’abord des problèmes nationaux : des Juifs redevenant Hébreux avec une תּוֹרָה à la clef. Et non pas l’inverse.

 

Vous voyez, c’est un problème et pour les חֲרֵדִים d’un côté et pour les laïcs d’un autre côté. Parce qu’il y a une alliance entre les חֲרֵדִים et les laïcs contre les vrais juifs... Bon je n’en dit pas plus, mais c’est cela que nous vivons. La preuve c’est que tout cette semaine Perez négocie avec בְּנֵי בְּרַק pour leur construire une ville à condition que politiquement les חֲרֵדִים donnent la majorité politique aux laïcs... Vous voyez commence cela se passe…

C’est compliqué,  on y est tellement englué qu’on n’y comprendrait rien si ce n’était pas écrit dans la תּוֹרָה... C’est grâce aux récits de la תּוֹרָה que l’on peut y comprendre quelque chose.

 

******

Q : A chaque fin d’exil, il y a toujours un problème à sortir pour revenir en Israël ...

R : C’est une partie du peuple juif, les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, mais c’est le niveau « עָם » qui pose problème.

Les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל ne posent pas de problème. Le עֵרֶב רַב est une partie du עָם: ceux qui sont venus de l’extérieur. Il y a des niveaux. Au niveau נֶפֶשׁ, il y a un עֵרֶב רַב là-dedans. Mais il y a un עֵרֶב רַב d’Israël au niveau רוּחַ et au niveau נְשָׁמָה. Et il faut arriver aux niveaux חַיָּה et יְחִידָה pour que ce soient desמַמָּשׁ  בְּנֵי יִשְׂרָאֵל.

 

Je vous conseille d’étudier cela dans un livre très important qui s’appelle Kol Hator de l’élève du Gaon de Vilna qui explique toutes ces questions-là.   

 

Déjà au niveau de l’identité hébraïque des patriarches, il y a ces deux dimensions messianiques :

 

 Israël chez les nations : et où sont les critères que la mission est  accomplie pour sortir de chez les Nations ? 

 

 Israël chez lui.

 

C’est le conflit dans l’histoire d’Israël c’est le conflit entre Joseph et Judah. Mais nous l’avons au niveau des Patriarches.

 

Un enseignement de Kol hator :

Seules les mères d’Israël savaient diagnostiquer par lequel des enfants devait passer l’Israël authentique, les Patriarches eux étaient aveuglés par leur amour pour leur enfants. Abraham doit entendre de Dieu que c’est Isaac et non pas Ishmaël, mais Sarah le sait. Isaac doit entendre de Dieu que c’est Jacob et pas Esaü. Rebecca le sait. Et ainsi de suite... Il y a une liturgie des mères d’Israël qui sont plus profondément Israël que les pères d’Israël.

 

Déjà au niveau de l’identité hébraïque nous avons ces deux dimensions messianiques :  

Abraham est né dans l’exil, et puis il meurt en אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל. Mais entre temps il essaie un nouvel exil : Abraham a eu un voyage en Egypte ! Lorsqu’il se rend compte que ce n’est ni Babel ni l’Egypte, alors c’est Israël !

Jacob c’est la même chose, il est né en Israël mais va mourir en Egypte !

Il n’y a qu’Isaac qui est vraiment d’Israël.

Toujours le mérite sur Israël c’est grâce à Isaac.

 

Quand on fait partie de cette dimension d’Israël hébreux, on n’arrive pas à comprendre qu’il y a une deuxième dimension d’Israël chez les nations. Lorsque je rencontre le grand rabbin de France qui s’appelle Joseph je lui dis que grâce à Dieu je m’appelle Juda. Le plus fort c’est qu’il comprend.

 

Les Juifs de Juda ne comprennent pas les Juifs de Joseph et réciproquement. Nous sommes nous les sionistes des Juifs de Juda. Mais il y a les Juifs de Joseph. Et pour les Juifs de Joseph leur rêve s’enracine chez les patriarches. Vous voyez qu’on n’a pas besoin du עֵרֶב רַב pour cette difficulté.

 

Q : C’est le même עָם qui voudrait rentrer en Egypte ?

R : Bien sûr ! C’est cette résistance devant la difficulté qui est le propre de tous les niveaux qui s’appelle עָם y compris le עֵרֶב רַב. Tous ces Juifs qui font leur יְרִידָה et tous ces Juifs qui n’ont pas fait leur עָלִיָה, ne croyez pas que ce ne sont pas des bons juifs. On les verrait au 16ème siècle, au 19ème siècle, c’est la résistance juive devant la perte d’identité. Mais pourtant confronté à la difficulté, voilà ce que la תּוֹרָה dit.

 

Q : … y avait-il quand même une partie du peuple qui était prête à faire la guerre ? Et qui était prête à passer par là ?

R : Bien sûr ! C’est ce qui s’est passé de notre temps. Qui a commencé à être Ha’houshim בְּנֵי יִשְׂרָאֵל ? La החטיבה היהודית, la brigade juive. C’est d’elle que l’état major de צה"ל est sorti !      

Mais dans le vaste monde juif : c’est : Faire la guerre ? ‘Halilah vé’has !

 

Il y a dans l’histoire du peuple juif, ces dimensions d’identité qui résistent. Regardez tous ces Barour Yeshivah de בְּנֵי בְּרַק qui sont horrifiée à l’idée d’aller à צה"ל... Et qui croient faire la guerre depuis la Yeshivah et que par leur mérite, au Liban moins de soldat tombent ! C’est de la mystique non juive !  Mais ils en sont persuadés.

 

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Mon hypothèse qui concerne mon habitude des orthodoxes allemands c’est que c’est un tempérament qui ne voit d’abord dans la תּוֹרָה qu’une discipline et après autre chose. Mais c’est une minorité les orthodoxes allemands. En réalité cette réaction au monde extérieur n’est pas tellement un comportement de discipline qui risque de mener à la maniaquerie mais c’est un comportement de peur. C’est la peur de ressembler aux autres Juifs de Tel Aviv d’où l’enfermement à Bnei Braq. Je schématise. Il y a un comportement de ce genre et toute une idéologie qui se greffe là-dessus et qui nous parait complètement aberrante mais qui est cohérente pour eux, quelque soit les contradictions. Il y a une haine réciproque entre eux et les laïcs, bien qu’ils aient des intérêts communs contre les sionistes religieux. Ils savent très bien que l’identité juive est simultanément religieuse et nationale.

Les religieux sans la dimension nationale et les laïcs sans la dimension religieuse font alliance contre...

Résultat : on joue aux osselets, plutôt aux Oslo. Heureusement qu’il y en a que 5 dans le jeu. Le résultat est là : Oslo est passé avec la complicité de Shass sinon le gouvernement n’avait pas les moyens de le faire passer. Qui est Shass ? C’est le Talmud ! Vous voyez ce que je ne veux pas dire.

Alors, il faut vraiment se méfier. Ceci dit, il ne faut pas schématiser. Toutes les nuances individuelles sont possibles. Il y a des חֲרֵדִים qui sont d’authentiques citoyens à l’armée et des laïcs qui sont d’authentiques déserteurs. Il ne s’agit pas de généraliser mais ce sont des tendances très claires, toutes écrites dans les textes.

 

Q : הַשֵּׁם צְבאוֹת?

R : Je vous ai préparé cela mais on n’y est pas arrivé. Regardez votre texte du Kli Yakar : 2 types de הַשֵּׁם צְבאוֹת: les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל et le עֵרֶב רַב.

 

Q : pourquoi l’identité d’Israël représenté par les sionistes religieux est-elle plus passive et féminine par rapport à l ‘identité חִלּוֹנִית?

 

R : C’est ce que tu dis toi, mais c’est faux. C’est une identité héroïque, qui est en crise, parce qu’elle est actuellement interpellée par ces propres critères de moralité religieuse suite á l’assassinat du 1e ministre, mais c’est l’identité ‘haloutique du pays. Et il faut bien voir les choses comme elles sont. Chacun se trouve dans sa petite équation et on n’arrive pas à voir cela à l’échelle de la nation. Chacun a ses petites obsessions de ce genre. C’est faux le fait que ce soit actuellement une partie de la population en crise et les responsables en sont leur rabbins qui sont des défaitistes et démoralisateurs absolus n’empêche pas qu’ils soient le fer de lance de la חֲלוּצִיותּ. Et cela se verra dans l’histoire qui se fait. Il ne faut pas projeter sa propre équation subjective sur un problème d’ordre national.  Il y a des tendances et les journalistes ne voient que les tendances marginales. Ils ne voient pas qu’il y a un peuple dans ce pays. Le fond des choses c’est que la majorité gouvernementale se base sur des Arabes. Ce n’est pas les Juifs qui ont décidé de cela. Si on avait le courage d’arrêter d’être ces pseudo-démocrates et bien cela ne se passerait pas comme ça. Donc ta question se pose, mais ma réponse aussi. Je vis avec ces חֲלוּצִים là. Et beaucoup sont les enfants de vos cousins et voisins. C’est eux les בְּנֵי יִשְׂרָאֵל. Et tout le monde le sait.

 

Il y a un énorme complexe des sionistes d’avant la guerre des 6 jours vis-à-vis du nouveau sionisme d’après la guerre des 6 jours, dont le maître a été le Rav Tsvi Y. Kook. Je me souviens des premières Anar Alouyiot comment elles ont été préparées dans la chambre du Rav Kook, j’y étais. Cela a déclenché une frustration de l’ancien sionisme qui se trouvait être détrôné. Et surtout l’ancien sionisme en grande partie s’était embourgeoisé et voulait défendre ses intérêts acquis au niveau économique contre cette espèce d’aventure, qui a été la leur il y a 50 ans. Alors il ne faut pas confondre. Je suis un peu gêné dans cette histoire parce que ce sont ces continuateurs officiels du Rav Kook qui sont ces défaitistes dont je vous parle, au Mercaz HaRav lui-même. Vous le savez donc je n’ai pas à me gêner pour le dire en clair. Il faut se méfier de cela et chercher quels sont les véritables enjeux d’intérêts derrière.

 

Quand il y a des contradictions aussi flagrantes, il n’y a pas de mystère : des intérêts. Il suffit de savoir quels sont ces intérêts pour comprendre qu’il n’y a pas d’issue. Il faut rompre. Et savoir pas où cela passe.

 

Q : Vous avez parlé tout à l’heure de vrais Juifs, n’est-ce pas dangereux aujourd’hui de parler de vrais juifs ?

 

R : Vous avez raison, mais n’avez-vous pas remarqué que j’avais dit cela avec un clin d’œil ? Je vous fais confiance d’un minimum d’intelligence de lecture.

 

Q : Les Hébreux passent au Sinaï puis 40 ans dans le désert, et ensuite ils entrent enאֶרֶץ יִשְׂרָאֵל . Comment comprendre que Sinaï fasse partie de אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל ?

 

R : C’est une discussion chez les פּוֹסְקִים. Le fait que Jéricho fasse partie d’Israël ne veut pas dire que la תּוֹרָה doive être donnée à Jéricho ! C’est en discussion chez les פּוֹסְקִים et en particulier chez Judah Halévi qui donne l’argument suivant : puisque la תּוֹרָה a été donnée au Sinaï et qu’il y a écrit que כִּי מִצִּיּוֹן  c’est cette תּוֹרָה, cela veut dire que le Sinaï c’est צִּיּוֹן!

 

Q : Pourquoi Moshe a t’il voulu sortir le עֵרֶב רַב?

 

R : Je n’en ai pas parlé. J’y ai fait allusion dans la dimension universelle de l’identité d’Israël.  Moïse sait très bien quel est le plan de Dieu. On l’étudiera dans la Parashah כִּי תִשָּׂא. Moïse sait ce que Dieu veut vraiment.  C’est dit en clair dans les versets.

 

 

 

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